Reconquête de la biodiversité (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Supprimer cet article.

M. Jean-Claude Requier.  - La politique du département en matière de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles doit être compatible avec les schémas de cohérence territoriale qui, eux-mêmes, doivent prendre en compte le schéma régional de cohérence écologique. Ce qui suffit pour assurer une parfaite coordination.

L'amendement n°114, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 32 bis A est adopté.

Les articles 32 bis BA, 32 bis C, 32 ter AA, et 32 ter B sont successivement adoptés.

ARTICLE 32 TER C

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Morisset et Chasseing, Mme Morhet-Richaud, MM. Karoutchi, César, Dufaut, Cornu, Huré, Danesi et Mandelli, Mme Deromedi, MM. Chatillon, G. Bailly, Pierre, Pinton, Bonhomme, Vogel, Vasselle, Mayet et Pellevat, Mme Lamure, M. Mouiller, Mme Lopez, MM. Houel, B. Fournier, Rapin et Lefèvre, Mme Cayeux et M. Adnot.

Après l'alinéa 8

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Les syndicats mixtes ayant des compétences au titre de l'article L. 211-7 du code de l'environnement peuvent se voir déléguer par les établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux, les établissements publics territoriaux de bassin ou autres structures ayant des compétences au titre du même article la possibilité d'exercer par délégation des compétences dans le domaine de la gestion de l'eau et de la protection contre les inondations.

M. Daniel Laurent.  - Il existe de grands syndicats mixtes apportant conseil et assistance à leurs adhérents sur les questions de la gestion de l'eau et de la prévention des inondations, tel que l'Union des marais en Charente-Maritime, doté d'un bureau d'études, d'une régie de travaux, de services administratifs et juridiques. De nombreuses collectivités souhaiteraient s'appuyer sur ce syndicat, voire lui déléguer des compétences, chose impossible en l'état actuel du droit. D'où cet amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°174 rectifié, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

M. Michel Le Scouarnec.  - Dotés de moyens mutualisés et performants, les syndicats mixtes permettent aux collectivités de réaliser des économies. Il faut pouvoir leur déléguer l'exercice de compétences.

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Retrait ou rejet. Vous inversez la logique du dispositif. En outre, ces amendements sont mal placés. Je ne méconnais pas la difficulté, mais ce n'est pas le lieu de la régler, et il faudrait prendre en compte l'ensemble du problème. Le vote conforme de l'Assemblée nationale sur ces articles introduits au Sénat traduit un consensus. On ne pourra pas se plaindre de l'échec de la CMP si nous n'acceptons aucun compromis...

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité.  - Avis défavorable.

M. Daniel Laurent.  - Je m'incline, mais j'aimerai des assurances sur l'évolution de ce dossier.

L'amendement n°9 rectifié ter est retiré.

Mme Évelyne Didier.  - Continuerons-nous à y travailler ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - En ce qui me concerne, volontiers !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est très attentif aux remarques des sénateurs et je m'engage à suivre ce dossier.

L'amendement n°174 rectifié est retiré.

L'article 32 ter C est adopté, ainsi que l'article 32 quinquies et l'article 32 sexies.

ARTICLE 33 AA

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par MM. Mézard, Arnell, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Supprimer cet article.

M. Jean-Claude Requier.  - Cet article, introduit par le Sénat à l'initiative de M. Ronan Dantec, instaure la possibilité de demander une tierce expertise pour évaluer l'absence de solution satisfaisante, aux frais du porteur de projet. Cela allongerait la procédure administrative et enchérirait les aménagements. La tierce expertise interviendrait d'ailleurs trop tard. Pensons aux collectivités locales, et simplifions !

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Avis défavorable, l'amendement a déjà été rejeté au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Cette tierce expertise est en outre prévue par une directive européenne.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Cet article renforce les étapes d'évitement et de réduction de l'impact sur le milieu naturel, afin de limiter le recours à la compensation. Il est important d'intégrer ce principe dans la loi, dans l'attente de l'ordonnance de transposition.

M. Ronan Dantec.  - La tierce expertise est dans les tuyaux. Nous proposions justement de la réserver aux cas problématiques, après avis du CNPN, non de la rendre systématique.

L'amendement n°133 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°235, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le 2° du II de l'article L. 122-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures de compensation des effets négatifs notables du projet, visées à l'alinéa précédent, peuvent comporter soit la réalisation directe d'opérations de compensation réalisées à l'initiative du maître d'ouvrage, soit l'acquisition d'unités de compensation constituées dans le cadre d'un site naturel de compensation définie à l'article L. 163-3. »

M. Ronan Dantec.  - La rédaction de l'article laisse subsister une ambiguïté sur le fait que la compensation par acquisition de « sites naturels de compensation » pourrait n'être débattue, et arrêtée, qu'au moment de la décision finale d'autorisation du projet, sans avoir fait l'objet des mêmes garanties préalables que celles qui sont aujourd'hui apportées par l'avis de l'autorité environnementale et la concertation.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Retrait, car l'amendement du Gouvernement à l'article suivant vous satisfait.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°235 est retiré.

L'article 33 AA est adopté.

ARTICLE 33 A

M. Maurice Antiste .  - Le sommet de Rio a introduit dès 1992 la notion de biodiversité, qui s'est depuis imposée comme un enjeu écologique et sociétal majeur. Des stratégies de conservation et de restauration des espaces et des espèces ont été élaborées : études d'impact, évitement, réduction et compensation des atteintes portées par le projet à l'environnement...

Le mécanisme le plus courant est la compensation à la demande. L'article y ajoute la compensation par l'offre, non soumise aux mêmes procédures et garanties. Ne laissons pas croire que tout est compensable, l'intervention d'écologues compétents est indispensable pour évaluer la juste compensation, dans la transparence. Les mesures rétro-correctrices sont presque toujours impossibles - prenons le cas d'une autoroute... (M. le président invite l'orateur à conclure)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par MM. Boulard, Collomb et Doligé, Mme Jourda, MM. Cabanel, Montaugé et Guerriau, Mme Guillemot et MM. Masseret, Chiron, de Nicolaÿ, Lorgeoux et Patriat.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'un projet d'intérêt général conduit par une collectivité publique est susceptible de porter une atteinte réparable à la biodiversité, les mesures de compensation exigées ne doivent ni par leur coût, ni par leur délai, être de nature à remettre en cause le projet.

M. Jean-Claude Boulard.  - Parmi les espèces menacées, il y a l'élu aménageur... Quand un projet d'intérêt public, porté par une collectivité publique, rencontre une espèce protégée, il est généralement retardé, enchéri, voire abandonné. L'autoroute A28 a été paralysée pendant dix ans par le pique-prune, un scarabée ! (Mme Goulet renchérit). Et des dizaines d'exemples pourraient être cités, comme le blocage causé par l'escargot de Quimper... Il faudrait dresser la liste des projets ainsi remis en cause.

M. Claude Kern.  - En effet !

M. Jean-Claude Boulard.  - Dès lors que deux intérêts publics sont en cause, et que le préjudice est réparable, la règle de proportionnalité doit s'imposer : la réparation doit être compatible, dans les délais et dans les coûts, avec le projet d'intérêt général. À défaut, l'espèce la plus protégée, ce sera le riverain, qui prend souvent prétexte à l'espèce protégée pour bloquer les projets !

M. le président.  - Amendement identique n°106 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Cigolotti, Détraigne, Guerriau, Canevet, Médevielle, Tandonnet, Roche, D. Dubois, L. Hervé et Capo-Canellas, Mme Billon et M. Gabouty.

M. Daniel Dubois.  - Je rejoins M. Boulard. On parle de risques prévisibles. Et s'ils ne se réalisent pas ? Versera-t-on des dommages et intérêts à la collectivité dont le projet a été bloqué pendant des années ? Une zone d'aménagement concerté (ZAC) a été bloquée chez moi pendant cinq ans à cause de l'oedicnème criard : les 250 emplois promis sont partis ailleurs, le syndicat mixte se retrouve à devoir supporter les investissements. Cet amendement est important pour les collectivités et les établissements publics qui s'engagent dans ces travaux.

M. Claude Kern.  - Très bien.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.  - Personne ne peut être en désaccord avec le principe, mais à l'impossible nul n'est tenu : il y a des cas de force majeure, des rencontres inopinées... Pour moi, la loi doit être normative, cet amendement purement déclaratif n'ajouterait rien. En cas de manquement fautif de l'administration ou de retard indu, chaque maître d'ouvrage est fondé à saisir le tribunal administratif. Mieux vaudrait préciser peut-être la notion de diligence... Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - L'espèce des aménageurs n'est peut-être pas en danger mais il faut tenir compte de leurs difficultés, et le Gouvernement est à leurs côtés. L'objectif de ce projet de loi est justement d'anticiper, afin que l'aménageur connaisse d'emblée tous les paramètres : c'est l'objet du triptyque « éviter, réduire, compenser ». L'Agence française de la biodiversité apportera son assistance aux élus. Même un projet d'intérêt général doit respecter le triptyque. Le maître d'ouvrage pourra bien sûr revoir son projet pour que les mesures compensatoires soient plus acceptables. Avis défavorable.

M. Jean-Claude Boulard.  - Monsieur le rapporteur, honnêtement, il y a déjà beaucoup de déclarations de principe dans cette loi...

Cet amendement n'en est d'ailleurs pas un, il énonce un principe fondamental de droit sur lequel les élus pourront s'appuyer dans leur dialogue avec l'État et avec le juge. Après, il faudra raisonner au cas par cas. Nous plaidons, avec M. Doligé, pour l'allègement des normes, pour une lecture facilitatrice ; ne soyons pas schizophrènes ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

M. Éric Doligé.  - Merci à M. Boulard, dont j'ai cosigné l'amendement. Anticiper ? Je veux bien, mais cela fait des années qu'on nous promet des cartes archéologiques partout, or nous ne voyons pas grand-chose venir.

Le bien-nommé crapaud calamite, apporté par des gens du voyage, a coûté 400 000 euros au Conseil général... On nous a dit de construire un crapauduc - mot dont j'ignorais jusque-là l'existence ! (Sourires) Ce n'est pas supportable.

L'amendement n'est pas plus déclaratif que bien d'autres dispositions de ce texte, et permettra d'avancer bien plus vite à l'avenir. L'économie, l'investissement méritent bien qu'on se penche sur le sujet.

M. Charles Revet.  - C'est un vrai problème.

L'A28, chère à notre ancien collègue Daniel Goulet, a pris deux ans de retard et coûté 20 millions de plus, alors qu'on s'est aperçu que le scarabée, qui habitait dans un arbre mort, existait juste à côté ! Il suffisait de déplacer la branche... On ne peut pas retarder à l'infini des projets indispensables. Et je ne parle pas de l'archéologie préventive...

Mme Nathalie Goulet.  - Merci d'avoir évoqué Daniel Goulet, qui s'était beaucoup impliqué à propos de l'A28. Vingt ans de combat pour un malheureux petit bout d'autoroute ! Comment éviter l'empilement rétroactif de tant de normes, européennes et autres ? Réduire le coût exorbitant des projets ? On peut respecter l'environnement de façon raisonnable. Je soutiens cet amendement équilibré.

M. Jean-Noël Cardoux.  - À Sully-sur-Loire, nous voulions, avec le département du Loiret, construire un nouveau franchissement de fleuve à côté du pont existant, sur lequel passaient 18 000 véhicules par jour. Nous pensions arriver au bout du tunnel... quand on nous a demandé une énième étude d'impact, qui a coûté environ 200 000 euros, duré 18 mois, et qui a conclu que la sous-espèce de chauve-souris nichant sous les arches du pont serait perturbée par les travaux. Je n'invente rien ! Nous attendons encore le premier coup de pioche, et les habitants continuent de subir les nuisances sonores et olfactives liées au passage de 18 000 véhicules par jour !