Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement, retransmises en direct sur Public Sénat et sur France 3.

Je sais pouvoir compter, au cours de nos échanges, sur le respect d'une des valeurs du Sénat, le respect mutuel. Je rappelle aussi qu'au-delà de cinq secondes, le droit de réplique se perd !

Crédits de la recherche (I)

M. François Fortassin .  - Trop c'est trop, a déclaré le président du CNRS, faisant écho à la tribune signée par sept prix Nobel et une médaille Fields sur l'annulation de 186 millions d'euros de crédits du budget de la recherche. Il y va de la croissance, de nos emplois de demain et de la compétitivité de notre économie. Sacrifier la recherche serait un suicide scientifique et industriel - je cite les éminents chercheurs. Les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ont, d'ailleurs, émis un avis défavorable à ce décret d'annulation.

Reviendrez-vous sur cette décision dangereuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les annulations prévues au titre des décrets d'avance ont en effet suscité une forte inquiétude de la part des scientifiques et des parlementaires de tous les bancs. Mais je puis vous confirmer, au terme des travaux conduits avec les ministres du budget et de l'économie, qu'il ne s'agit que d'un recalibrage de la trésorerie des organismes (Exclamations à droite) qui n'affectera pas les programmes de recherche ni le fonctionnement des laboratoires. (Marques de scepticisme sur les mêmes bancs ; M. Gaëtan Gorce en doute également) Les organismes de recherche eux-mêmes considèrent que leurs inquiétudes n'ont plus lieu d'être. (Protestations à droite)

Je rappelle en outre que les crédits attribués à l'Agence nationale de la recherche (ANR) seront bonifiés pour que le taux de réussite des appels à projets passe de 9 % à 14 % ; le programme d'investissements d'avenir 3 (PIA) représente plusieurs milliards d'euros.

Le chemin à trouver est difficile, compte tenu du contexte budgétaire, mais nous parviendrons à l'emprunter, comme nous l'avons toujours fait, pour la recherche, depuis le début du quinquennat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain, Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi, tandis qu'on ironise à droite)

M. François Fortassin.  - Les chercheurs sont des esprits cartésiens ; j'espère que vos explications les auront rassurés... (Rires et applaudissements au centre et à droite, et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

Évacuation du camp d'Idomeni en Grèce et situation des réfugiés

Mme Esther Benbassa .  - C'est dans l'indifférence quasi générale que l'évacuation du camp d'Idomeni, réunissant 8 400 réfugiés, dont 40 % de mineurs, a commencé mardi.

Ce camp est situé sur la route des Balkans, à la fermeture de la frontière macédonienne. Ces réfugiés se sont trouvés pris dans une nasse. Où vont-ils désormais ? On a parlé de camp de rétention. On parle aujourd'hui de camp d'accueil. Leurs conditions de vie sont scandaleuses à Idomeni. Que seront-elles à l'avenir ?

Cette catastrophe humanitaire est l'illustration de la gestion calamiteuse de la crise migratoire par l'Europe. Comme le dit l'organisation Oxfam, les migrants sont traités comme des pions dans un jeu d'échecs. L'accord signé par l'Union européenne avec la Turquie ne fonctionne pas. Depuis le 1er janvier, 190 000 réfugiés sont entrés dans l'Union européenne par la Méditerranée, 1 359 sont morts sur le trajet.

Le Gouvernement, lors de ma dernière question d'actualité sur ce sujet, par la voix d'Harlem Désir le 22 mars, s'est voulu rassurant. Mais nous ne sommes pas du tout rassurés ! La France parle, mais que fait-elle de concret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Vous vous interrogez à juste titre sur les conséquences humanitaires dramatiques de l'afflux massif de réfugiés auquel l'Europe doit faire face. La Grèce, pays de transit, s'est transformée en impasse quand la route des Balkans s'est fermée. Les réfugiés ont été bloqués à la frontière sur la Macédoine. La première urgence fut de mobiliser l'action humanitaire en faveur de la Grèce. La France a apporté son soutien concret pour répondre aux demandes. L'Union européenne a mobilisé l'aide économique en euros, dotée de 300 millions d'euros dès cette année.

Il fallait aussi agir au fond et éviter que des milliers de personnes soient bloquées à Idomeni dans des conditions épouvantables. Les solutions, difficiles à trouver, passent par une meilleure mise en oeuvre des décisions de l'Union européenne, car seules des décisions solidaires de l'Union européenne peuvent répondre concrètement à ce drame.

Ainsi, la France prendra toute sa part au dispositif de relocalisation des réfugiés, qui est assuré et pour lequel les moyens sont mis en oeuvre.

L'accord entre la Turquie et l'Union européenne, dont vous doutez de l'efficacité est difficile à mettre en oeuvre, mais il commence à être appliqué et il représente la seule voie face à cette situation dramatique. Nous avons veillé au respect du droit international de l'asile...

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international.  - Nous travaillons aussi à résoudre la cause de la crise, en oeuvrant pour la paix en Syrie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

Mme Esther Benbassa.  - Soit, mais nous attendons des résultats tangibles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Crédits de la recherche (II)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - « Mesure technique », dites-vous, que la suppression de 256 millions de crédits de la recherche ? Cette coupe représente pour les organismes de recherche 25 % de leur budget ! Pour 2017, 2 milliards de baisses de crédits supplémentaires sont prévues.

Le décalage entre le discours et la réalité de terrain est insupportable. (Murmures d'approbation à droite) « Mesure technique » ? Quand l'augmentation du point d'indice n'est pas financée, quand la précarité s'accroît, quand les étudiants se battent pour avoir les moyens d'étudier ? Renoncez à ces annulations de crédits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; MM. Gaëtan Gorce et Alain Gournac applaudissent aussi)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les chiffres des dépenses de recherche-développement viennent de tomber : 47,5 milliards d'euros en 2013, soit une hausse de 1,5 %, quatre fois supérieur au taux de croissance ; (Exclamations à droite) en 2014, une hausse de 2,3 %, soit huit fois la croissance de 0,2 %. (Même mouvement)

J'ai conscience du décalage entre ces chiffres et la perception des acteurs de terrain. Cela tient à la lourdeur de certaines procédures administratives ; à la nécessité d'une réflexion - planifiée - sur la carrière des enseignants... Ces chantiers sont ouverts. Le Gouvernement y travaille. Pour résister à la compétition internationale, la question des moyens continue à se poser à terme. Mais nous sommes au-delà de la sanctuarisation. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations à droite)

M. Albéric de Montgolfier.  - Tout va bien alors !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les artifices ne peuvent pas masquer la réalité. (On renchérit à droite) Les seuls crédits sanctuarisés sont ceux du crédit impôt-recherche ! Depuis 2012, 100 millions d'euros ont été ponctionnés sur les fonds de roulement des universités, puis aujourd'hui des organismes de recherche. Et que dire des ambitions de la Stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Autorité de l'État

M. Alain Richard .  - Malgré les bons chiffres du chômage (Rires à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain), le climat social est altéré par trois difficultés.

En marge des manifestations syndicales, sévissent des groupes violents que l'on continue à appeler « casseurs », je préfère les qualifier d'agresseurs, car c'est aux forces de l'ordre et non au mobilier ou aux biens qu'ils s'en prennent directement.

Deuxième difficulté, l'occupation - certes sporadique - d'installations classées par la loi d'importance vitale pour la vie de la nation. Les pouvoirs publics doivent rétablir leur bon fonctionnement.

Enfin, l'occupation de la voie publique, entrave à la circulation des citoyens et des acteurs économiques à proximité des plus grands sites d'activité.

Il s'agit là de déformations ou de dérives du droit de manifester et du droit de grève - que nous respectons pleinement l'un et l'autre...

M. le président. - Veuillez poser votre question.

M. Alain Richard.  - Que compte faire le Gouvernement pour mettre fin à ces agissements problématiques tout en maintenant le dialogue social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Chacun a le droit d'exprimer ses convictions, de manifester et de faire grève, y compris dans le contexte de menace terroriste et d'état d'urgence que nous connaissons. Le ministre de l'intérieur, retenu pour honorer la mémoire des quatre gendarmes décédés dans les Hautes-Pyrénées lors d'un accident d'hélicoptère, vous l'aurait dit comme moi - des manifestations menaçant de dégénérer en violences peuvent aussi être interdites.

Mais bloquer des sites pétroliers, ajouter de l'angoisse au quotidien déjà difficile de nos concitoyens, bloquer notre activité économique, n'est pas admissible. Pas plus ne l'est la dégradation de biens, de permanences politiques ou la volonté de tuer des policiers ou des gendarmes - la place de ceux qui s'y livrent est en prison.

Je veux saluer le travail des forces de l'ordre qui travaillent à libérer les sites bloqués. Elles assurent l'ordre public, font face à la menace terroriste et préparent la bonne tenue de l'Euro de foot. Si l'on est patriote, on ne peut que saluer leur dévouement et agir en responsabilité.

Je n'hésiterai pas à utiliser tous les moyens que donne l'État de droit pour libérer les sites d'intérêt national bloqués. (MM. Jacques Chiron et Michel Vergoz applaudissent)

Ce qui est en jeu, c'est en fait notre conception de la démocratie sociale. Les syndicats réformistes ont accepté un compromis, que d'autres organisations ont refusé. Celles-ci ne sauraient imposer leur vue. (Vives interruptions sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Compte personnel d'activité (CPA), garantie jeunes, lutte contre le détachement illégal... ce texte contient de nombreuses avancées : êtes-vous pour ou contre ? (Mouvements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Nous verrons lors du débat parlementaire ce que nous pouvons améliorer.

Le chômage baisse de 20 000 personnes pour le deuxième mois consécutif (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains, où M. Alain Dufaut feint de jouer du violon), il baisse depuis le début de l'année. Chacun devrait s'en réjouir. (Exclamations sur les mêmes bancs)

Je défendrai ce projet, et notamment son article 2, qui promeut le dialogue social au sein de l'entreprise, jusqu'au bout ! (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

Crédits de la recherche (III)

M. Jean-Claude Luche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Le Gouvernement a annulé un million d'euros de mouvements de crédits dont 470 millions d'euros de suppression pure et simple.

S'agissant des avances, normalement réservées aux urgences, il aurait été possible d'anticiper, car le précédent décret d'avance avait été annulé 15 jours après la loi de finances, grâce à la mobilisation in extremis des chercheurs... Les annulations, elles, touchent encore la recherche !

Certes des crédits sont ouverts pour soutenir l'emploi et l'agriculture, mais il faut aussi soutenir les organismes de recherche. Sacrifier les crédits de la recherche, c'est réduire notre compétitivité, notre attractivité, l'amélioration de notre cadre de vie future.

D'ailleurs nos voisins et partenaires ne s'y trompent pas : l'Allemagne et les États-Unis ont récemment décidé d'augmenter les crédits de la recherche.

La recherche est une priorité du Gouvernement, dites-vous. Quelle est la véritable ambition du Gouvernement en matière de recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les annulations de crédits ne sont que des mesures techniques qui ajustent la trésorerie des organismes. Aucun programme de recherche, aucun laboratoire, aucun emploi scientifique ne sera remis en cause.

Un document sur la stratégie nationale de recherche, publié il y a un an, récapitule les mesures pour la recherche, pour plus de visibilité.

La puissance publique joue son rôle dans le financement de la recherche : elle y consacre 0,78 % du PIB, à peu près comme l'Allemagne ou les États-Unis 0,83 % et plus que le Japon 0,44 %.

Ce qui est insuffisant en France, c'est le niveau de la recherche privée, très inférieur à celui de nos voisins : 1,23 % du PIB chez nous, 1,88 % en Allemagne. C'est à cela que nous travaillons et que nous devons réfléchir à long terme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Attractivité de la France (I)

M. Philippe Dominati .  - Ce week-end, à Cannes, on a enroulé le tapis rouge en attendant 2017. Il y a quatre ans, le Premier ministre Cameron déroulait le tapis rouge aux entreprises françaises découragées par la politique gouvernementale... Or nous venons d'apprendre qu'une de nos grandes entreprises, Technip, va installer son siège social à Londres. Ce n'est pas la première : Alcatel, Lafarge, Alstom et d'autres ont déjà quitté la France. Les raisons en sont connues : fiscalité trop lourde, rigidité du code du travail... Le Conseil d'analyse économique, lui-même, le reconnaît. Dans les onze mois qui vous restent, qu'allez-vous faire pour arrêter l'hémorragie ? Nous vous avions prévenus en 2012... (Applaudissements au centre et à droite)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Je me souviens surtout qu'il y a quatre ans, un Premier ministre de votre camp disait que la France était en faillite... C'est effectivement dans cet état que nous l'avons trouvée... (Protestations à droite)

Technip a délocalisé son siège social pour des raisons techniques, à la suite d'une fusion internationale. Selon une étude d'Ernst & Young, le nombre d'emplois créés grâce aux investissements directs étrangers a augmenté de 8 % en 2015 ; la France est le troisième destinataire d'investissements étrangers d'IDE en Europe, la première pour les investissements industriels. Elle compte deux fois plus de centres de recherche en 2015 qu'en 2014.

Paris est considérée comme l'une des villes où il fait bon investir. Selon le rapport Doing business, la France a gagné onze places en termes d'attractivité en deux ans. Nous devrions tous nous en réjouir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Dominati.  - Vous ne cessez de vous référer à la majorité précédente... Mais nos entreprises prennent l'eau, il est temps que vous en ayez conscience. Malgré tous vos efforts, on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif... (Applaudissements au centre et à droite)

Initiative française au Proche-Orient

M. Daniel Reiner .  - Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous rentrez d'Israël où vous avez accompagné le Premier ministre. Le 11 décembre 2014, nous avons voté une proposition de résolution invitant le Gouvernement à reconnaître à l'État palestinien le statut d'observateur aux Nations Unies.

Depuis le discours de François Mitterrand à la Knesset, la position de la France n'a pas varié. Certes les choses ont beaucoup évolué depuis. Les deux parties ne se parlent plus depuis l'échec de l'initiative américaine et, depuis octobre, l'intifada des couteaux a déjà fait 200 morts des deux côtés...

La France parle à Israël comme à l'Autorité palestinienne ; c'est à son honneur de renouer le fil du dialogue et de relancer le processus de paix sur le fondement d'une autre méthode. Le contexte est paradoxalement favorable. Beaucoup de pays arabes y sont prêts. Il faut d'abord remobiliser la communauté internationale. C'est le sens de la conférence du 3 juin prochain, qui rassemblera une vingtaine de pays. Comment lui faire fructifier cette belle initiative française ?

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - La situation est en effet préoccupante. L'engrenage de la violence, dramatique, alimente le désespoir. La colonisation se poursuit.

La France ne se résigne pas au statu quo. Elle continue à défendre, comme François Mitterrand devant la Knesset, la seule perspective possible, la coexistence de deux États vivant côte à côte dans la sécurité, entretenant des relations avec les autres pays de la région et avec l'Europe. Cela n'est certes pas facile, et demande de la persuasion.

Le Premier ministre Netanyahou veut des négociations directes, mais force est de constater que cela ne fonctionne pas. La réunion du 3 juin vise à remobiliser la communauté internationale : membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, pays du Quartet, pays arabes et européens. La voie est étroite, mais c'est celle de l'espoir et du volontarisme politique.

La France travaillera de toutes ses forces à faire renaître cet espoir, et il vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Attractivité de la France (II)

M. Joël Guerriau .  - Ça va mieux, paraît-il... Le déficit de la balance commerciale dépasse 47 milliards ? Chaque jour la France bat un nouveau record, mais...

À droite, à l'unisson. - Ça va mieux !

M. Joël Guerriau.  - Le chômage est un des plus élevés des 34 pays de l'OCDE, nos jeunes quittent la France sans billet de retour, nos futures élites fuient, mais...

À droite, à l'unisson. - Ça va mieux !

M. Joël Guerriau.  - Les gros contribuables quittent le pays et qui paiera ? Les classes moyennes, toujours les classes moyennes... mais...

À droite, à l'unisson. - Ça va mieux !

M. Joël Guerriau.  - Les investissements étrangers en France ont régressé de 2 % l'an dernier tandis qu'ils ont augmenté de 20 % au Royaume Uni, mais...

À droite, à l'unisson. - Ça va mieux !

M. Joël Guerriau.  - Votre loi miracle a conduit le pays à un blocus national et à la violence. Mais...

À droite, à l'unisson. - Ça va mieux !

M. Joël Guerriau.  - Et les Français les plus modestes sont les plus touchés... Comment remettrez-vous le pays en marche ? Quand cesserez-vous de prendre un slogan pour la réalité ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Merci aux choristes... Ce n'est pas l'image que j'avais de la Haute Assemblée... (Vives exclamations à droite ; applaudissements à gauche)

Depuis 2011, la situation de notre commerce extérieur s'est améliorée. Le déficit s'est réduit de 70 milliards à 47 milliards. Le nombre d'entreprises exportatrices a doublé même s'il demeure inférieur à celui de l'Italie ou de l'Allemagne, qui en ont deux fois et trois fois plus. Oui cela va mieux ! Le FMI a relevé ses prévisions de croissance de 1,1 % à 1,5 % et la Commission européenne envisage de faire de même.

Le chômage baisse pour le deuxième mois consécutif, c'est inédit depuis 2011. (Protestations ironiques à droite) Notre industrie remporte des succès, comme récemment les chantiers STX. La situation reste difficile pour trop de Français mais chacun devrait se réjouir des bonnes nouvelles économiques. Il est temps de cesser le french bashing. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Joël Guerriau.  - Nous voilà rassurés. Mais ça allait mieux hier et ça ira mieux encore demain... (Rires à droite)

Risque de pénurie de carburant

M. Pascal Allizard .  - Depuis des semaines, les Français assistent médusés au délitement de la situation sociale : dégradations, utilisation d'explosifs lors des manifestations, et désormais blocages de routes, de ports et de raffineries. L'effet économique est désastreux, et que dire de l'impact de ces désordres sur notre sécurité ?

Le Gouvernement a réussi à vider le projet de loi travail de sa substance tout en créant les conditions de ce que certains pourraient qualifier de chienlit. Entend-il enfin faire preuve de fermeté face au chantage, aux blocages, à la pénurie ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Le Premier ministre l'a dit, la liberté de manifestation n'est pas celle de casser ; le droit de grève s'exerce sur son lieu de travail et sans obliger autrui à faire grève ; la liberté de circulation est, elle aussi, un principe de valeur constitutionnelle. Nous utiliserons donc tous les moyens de droit pour faire respecter les principes républicains et rétablir l'accès aux dépôts bloqués par des éléments extérieurs. L'Union des importateurs pétroliers reconnaît d'ailleurs que la situation s'améliore dans le nord et l'ouest. Jamais nous n'avons consommé autant de carburant que depuis trois jours, ce qui explique les problèmes logistiques. (Exclamations à droite)

Je sens une certaine inquiétude dans vos rangs sur l?action du Gouvernement... Permettez-moi de vous citer le rapport de l'IGF sur la crise de 2010 : la cellule que vous aviez alors créée avait agi dans « l'improvisation » et « la confusion la plus totale »... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Pascal Allizard.  - Les forces de l'ordre, qui font un travail remarquable, seraient mieux employées à assurer la sécurité des Français. Le Gouvernement s'entête à faire croire qu'il n'y a pas de pénurie et que la situation économique s'améliore, alors que chacun constate le contraire. Comment, dans ces conditions, espérer un rebond de la confiance et de l'activité ? (Applaudissements au centre et à droite)

Avenir de la Cour nationale de l'incapacité à Amiens

M. Christian Manable .  - Ma question porte sur la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (Cnitact), institution importante mais méconnue, créée à Amiens en 1994.

Le projet de loi Justice prévoyait son éclatement dans les 36 cours d'appel et TGI du territoire ; une configuration différente a émergé après les travaux de l'Assemblée nationale. Avec plus de 7 000 dossiers traités en 2014, son bilan est flatteur, quantitativement comme qualitativement. Le niveau de qualification de ses 74 agents est élevé.

Outre que le maintien d'une seule cour nationale assure la cohérence de la jurisprudence, la disparition de la Cnitact porterait en outre un nouveau coup à l'attractivité de la ville d'Amiens, qui a plus que jamais besoin de la solidarité nationale. Monsieur le garde des sceaux, rassurez-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je veux apaiser les inquiétudes après les débats à l'Assemblée nationale. La qualité de la juridiction et de ses 63 agents est reconnue. Mais on compte aujourd'hui 15 000 dossiers en souffrance, l'équivalent de deux ans d'activité ; les délais d'audience atteignent 20 mois, voire 31 sur les questions d'aptitude. Un pôle social, dans chaque TGI, permettra d'accélérer les procédures.

N'envisageant de supprimer aucune des 36 cours d'appel, je préfère les spécialiser : la cour d'Amiens sera chargée du contentieux de la tarification. Quant aux agents de la Cnitact, ils pourront soit intégrer le ministère de la justice, soit regagner leur administration d'origine : le plan d'accompagnement tiendra compte de toutes les situations. Je reste à votre disposition sur ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crédits de la recherche (IV)

M. Francis Delattre .  - À l'occasion d'un décret d'avance, le Parlement a découvert les 900 millions consacrés au plan pour l'emploi avec pour conséquence des coupes nettes pour la recherche, pour environ 80 % des 256 millions d'euros annulés. Les crédits de l'ANR ne sont plus que de 500 millions contre plus de 857 millions en 2012. Que penser du plan de formation de 500 000 chômeurs, sans impact sinon sur les statistiques du chômage ?

Le Gouvernement a beau parler trésorerie, fonds de roulement, régulation, il s'agit en réalité d'une capitulation. Mais il n'y a pas de nation prospère sans recherche scientifique de qualité, voilà le message des sept prix Nobel. Le groupe Les Républicains demande la réinscription immédiate des 256 millions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Les grandes nations de demain seront celles, en effet, qui auront investi dans l'intelligence et la recherche. C'est pourquoi le Gouvernement en a fait sa priorité.

Mais, monsieur Delattre, vous ne proposez rien sinon le rétablissement des crédits... Il est tout à fait intéressant de voir ce que proposent les candidats à la primaire de la droite... (Protestations à droite) Il faut dire la vérité aux Français... Ils proposent une baisse de la dépense publique de 100 milliards d'euros, c'est-à-dire 5 % du PIB, sans toucher à la police, à la justice, à la défense - ce qui, au passage, n'a pas été le cas entre 2007 et 2012... Cela suppose de réduire les crédits de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, ce qui serait dramatique... Ils proposent de même de réduire de 250 000 à 300 000 le nombre de fonctionnaires, soit, sans toucher à la police, à la gendarmerie, à la défense - ce que la droite n'a pas fait en son temps... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) - une baisse de 10 % des effectifs à l'école et à l'université... (Exclamations à droite)

Plutôt que de nous donner des leçons, dites la vérité aux Français sur les conséquences de votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit aussi)

Schéma départemental de coopération intercommunal (SDCI)

M. François Commeinhes .  - Les nouveaux SDCI, élaborés à marche forcée, sont parfois cohérents, parfois ubuesques... Si les objectifs de la loi SRU sont louables, des fusions d'EPCI vont mettre des communes en infraction du jour au lendemain au regard des obligations de construction de logements sociaux, avec un effort de rattrapage hors de portée. Le Gouvernement les entendra-t-il ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Les efforts de construction de logements sociaux doivent être partagés. C'est le sens de la loi SRU. Mais vous avez raison, des communes intégrées dans de nouvelles intercommunalités peuvent se voir assujetties sans avoir eu le temps d'anticiper. Raison pour laquelle un dispositif dérogatoire a été instauré pour elles dans la loi NOTRe : une exonération pendant trois ans du prélèvement financier pour non-respect des objectifs de la loi SRU, sans les soustraire pour autant à l'obligation des 25 % ni aux objectifs triennaux. La loi Égalite et citoyenneté de M. Kanner poursuivra en ce sens. Vous voyez que le Gouvernement recherche, comme toujours, les bonnes solutions... (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Lutte contre l'islamisme

M. Stéphane Ravier .  - Au lendemain des attentats islamistes de Saint-Denis et Paris, le Premier ministre a enfin pris conscience que le salafisme était en train de gagner la bataille de l'islam en France, appelait à ne pas faire de l'angélisme et à un débat au sein de l'islam lui-même.

Or les naïfs n'ont pas attendu longtemps pour constater que rien n'advenait. Les prédicateurs extrémistes trouvent encore des tribunes, qui leur sont offertes par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), créée par Nicolas Sarkozy en 2009. Pour preuve : la rencontre organisée récemment par l'UOIF à Marseille où étaient invités Tariq Ramadan, sympathisant des Frères musulmans, et Hassan Iquioussen, antisémite notoire qui défend la peine de mort pour les musulmans apostats et nie le génocide arménien. Les prédicateurs se livrent à un véritable lavage de cerveau, forment les futurs djihadistes. La réponse du préfet, à qui j'ai demandé l'interdiction de la manifestation, est sidérante : il s'agissait selon lui d'une « manifestation privée », et l'interdiction aurait nourri un « amalgame inacceptable et contraire aux valeurs républicaines »... Nos compatriotes, et en particulier nos compatriotes musulmans, qui subissent quotidiennement la pression des salafistes, les familles des victimes du terrorisme, nos compatriotes d'origine arménienne comprendront que la République se soucie davantage des droits des islamistes que de leur sécurité...

Le Gouvernement est-il déterminé à livrer le combat contre l'islamisme radical ? Une décision ferait taire les ennemis de la France, l'interdiction de l'UOIF.

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - La République laïque ne reconnaît que des citoyens. La France a une longue tradition d'accueil, qui fait que l'islam est la deuxième religion du pays, que nous accueillons la deuxième communauté juive d'Europe, qu'églises, temples, synagogues et mosquées ne sont jamais éloignés de nos mairies. Chacun doit se retrouver dans un idéal commun.

Ne cédons pas à la stigmatisation, à la facilité qui consiste à élever les Français les uns contre les autres, ce qui affaiblit la France. Mais il faut être lucide, face à la montée des communautarismes, à la poussée de l'intégrisme, à la radicalisation à laquelle le salafisme prend une part dangereuse. Il faut être intraitable contre les prêcheurs de haine qui prônent la violence et favorisent parfois le passage à l'acte violent, qui mettent en cause les lois de la République, veulent imposer leur modèle et contestent jusqu'à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nous continuerons à les combattre avec les armes de l'État de droit, sans complaisance non plus pour ceux qui dissimulent leur haine sous une apparence de modération.

Mais votre question n'est pas innocente, et je combattrai toujours votre vision de la société, comme je serai toujours ferme dans la défense des principes que vous dénoncez par ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.