Mise en oeuvre de la transition énergétique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur « la mise en oeuvre de la transition énergétique en France, un an après la loi du 17 août 2015, afin de pérenniser notre modèle énergétique, de garantir notre indépendance énergétique et notre compétitivité économique, tout en poursuivant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Ce débat a été demandé par le groupe Les Républicains.

M. Jean-Claude Lenoir, au nom du groupe Les Républicains .  - Le groupe Les Républicains a souhaité faire le point, un an après, sur la mise en oeuvre de la loi de transition énergétique. Les objectifs affichés par le Gouvernement étaient trop ambitieux et irréalistes. Diminuer la consommation d'énergie de 20 % d'ici 2020 et de moitié d'ici 2050 ? La consommation d'électricité a continué d'augmenter cette année, de 0,5 % à 2 %, tout comme celle des produits pétroliers.

La part des énergies renouvelables n'est pas à la hauteur prévue : 19,4 % en 2013, 19,6 % en 2014... et 18,7 % aujourd'hui. La part du nucléaire dans le mix énergétique reste de 77 %, il a oscillé au cours des dix dernières années entre 73 et 78 % en fonction de la disponibilité des centrales.

La mise en application de cette loi ne se fait pas non plus au rythme annoncé par la ministre. Nous évaluions à 48 % la proportion de textes d'application publiés, le ministre des relations avec le Parlement vient de nous dire qu'elle était de 54 % et Mme Royal parle de 75 %... Comment expliquer cet écart ? Tous les décrets devaient paraître en 2015.

Le décret sur la programmation pluriannuelle est un élément essentiel. Des premières mesures ont été prises sur les énergies renouvelables, mais nous attendons le Gouvernement sur le nucléaire : comment va-t-il s'y prendre pour faire passer la part du nucléaire à 50 % d'ici 2025 ? Comment fera-t-il pour fermer Fessenheim ? Il faut tenir compte des procédures et des conséquences financières. N'oublions pas que 30 % de la centrale appartiennent aux Suisses et aux Allemands. La raison devrait l'emporter et le Gouvernement ne fermera pas la centrale dans les délais annoncés. Il faudrait aussi que la France puisse continuer à gagner des marchés dans un domaine où son savoir-faire est reconnu.

La loi transition énergétique comporte deux volets : le renouvelable et le bâtiment. Pour financer le renouvelable, la loi a fixé à 22,50 euros le montant affecté à la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ; le reste étant financé par la contribution carbone.

Pour 2014-2025, le coût du renouvelable est estimé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à 100 milliards d'euros - c'est un peu plus que ce qu'ont coûté nos 58 centrales nucléaires. En outre, si la puissance installée du renouvelable a augmenté pour l'éolien et le photovoltaïque, 10 000 mégawatts pour l'éolien, 4 000 mégawatts pour le solaire, il faut bien la distinguer de la production effective. Dans l'ensemble du mix énergétique, l'éolien représente 4,5 %, le solaire 1,6 %.

Quant à la rénovation thermique des bâtiments, la taxe est insuffisante à couvrir les besoins. Sur 9 à 10 milliards d'euros de dépenses annuelles, 60 % resteront à la charge des ménages. En ont-ils les moyens ?

Les Français auront l'occasion dans quelques mois de se prononcer sur cette question. Les Allemands ont fait le choix d'une énergie chère, et très carbonée. Que veut notre pays ? Nous proposerons de revenir, non sur des choix en faveur de l'environnement, mais sur l'objectif de 50 % de nucléaire à horizon 2025 et la fermeture de Fessenheim. Il faut changer de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Ladislas Poniatowski .  - Malgré les efforts du Sénat pour parvenir à un texte consensuel l'été dernier, le Gouvernement a refusé de revenir sur son erreur stratégique - la promesse du candidat Hollande de réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici 2025. Un accord n'était dès lors plus possible, car cet objectif est néfaste et irréaliste - comme en attestent les reports successifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Entre 17 et 20 réacteurs devront être fermés en dix ans avec des effets désastreux en termes d'emploi comme budgétaires - car le préjudice de l'exploitant devra être indemnisé. La filière, dont les deux fleurons EDF et Areva connaissent déjà des difficultés importantes, sera durement touchée. Visibilité et confiance dans l'avenir, telles devraient être les priorités.

Nous supprimerons l'objectif des 50 % à l'horizon 2025, non par idéologie mais parce que nous sommes sûrs que c'est un choix funeste. Le nucléaire est le meilleur allié de la transition énergétique et du développement du renouvelable. Il faut en baisser la part, certes, mais à un horizon raisonnable. Et mieux vaut des fermetures partielles plutôt qu'un démantèlement de centrales entières.

La fermeture de Fessenheim avant la mise en service de Flamanville - le Gouvernement y travaille, il veut rendre le processus irréversible avant 2017... - aurait des conséquences redoutables sur le plan local et financier, l'indemnisation des Allemands et des Suisses qui détiennent une partie de la centrale se compterait en milliards d'euros...

Et ce, alors que les besoins de financement de la filière nucléaire sont importants : 51 milliards d'euros d'ici 2025 pour le grand carénage, afin de continuer à bénéficier de la rente sur les installations amorties. Le renouvellement du parc des 58 réacteurs par 35 EPR de la nouvelle génération - intéressants pour produire une énergie décarbonée - coûte cher et plaide pour l'entrée d'autres partenaires aux côtés d'EDF, comme c'est déjà le cas à Fessenheim, Bugey, Tricastin, Chooz,...

Le nucléaire est une industrie d'État. C'est à l'État d'avoir le courage de prendre toutes les décisions. Madame la ministre, je vous le dis à vous mais aussi à ceux de ma famille politique qui sont candidats à de hautes responsabilités : raisonnons sur des considérations objectives plutôt qu'à partir de postures idéologiques. (Applaudissements à droite)

M. Hervé Maurey .  - Je regrette l'absence de Mme Royal. Le président Lenoir et moi-même souhaiterions qu'elle présente elle-même un bilan de sa loi devant nos commissions. Nous attendons qu'elle nous propose une date pour son audition.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous ne désespérons pas !

M. Hervé Maurey.  - N'a-t-elle pas voulu en faire une des priorités du quinquennat ?

Notre modèle de développement énergétique devrait être repensé au service de la croissance. La loi du 17 août 2015 a fixé des objectifs ambitieux. Dans les faits, les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 17,2% en 26 ans : comment espérer une diminution de 40 % en 15 ans ? La part des énergies renouvelables n'atteint que 14,6 %, contre les 16 % prévus. Une part du nucléaire à 50 % en 2025 est une utopie ; et 100 000 emplois créés par la croissance verte, une incantation.

La programmation pluriannuelle de l'énergie, qui devait être le socle de notre stratégie, est sans cesse reportée. En ce qui concerne les transports propres, nous attendons le décret précisant les critères d'émissions de gaz à effet de serre, ainsi que celui qui imposerait d'acquérir des véhicules propres aux personnes publiques, aux loueurs de voitures, taxis, VTC... Nous, sénateurs, ne sommes pas les seuls à nous impatienter. Les filières économiques, les entreprises, nos concitoyens, tout le monde attend.

La lutte contre le gaspillage est importante pour optimiser l'utilisation des ressources. À l'initiative de Chantal Jouanno, nous avions introduit dans la loi une stratégie nationale de transition vers l'économie circulaire. Où en est-on ?

Dans le feuilleton Fessenheim, plus personne ne sait quel sera le sort de la centrale. Les engagements du président de la République sont-ils fondés sur des critères objectifs, liés à la sûreté nucléaire ?

Enfin, la fiscalité écologique est un instrument important pour faire évoluer les comportements. Aucune mesure, à part l'anecdotique indemnité kilométrique vélo...

Notre pays est en matière de fiscalité écologique au 27e rang sur 28 en Europe. Les recettes tirées de la fiscalité écologique représentent moins de 2 % du PIB contre 5 % au Danemark et une moyenne européenne de 2,5 %. On nous a vanté, voire vendu, la transition énergétique pendant des années. On ne peut se complaire de mots ; il faut agir.

M. Michel Le Scouarnec .  - La notion de transition énergétique occupe nos débats depuis plusieurs années. Cette transition est nécessaire pour répondre à l'augmentation du prix du pétrole et au réchauffement climatique. Nous devons trouver de nouveaux modes de vie et de déplacements, de nouvelles sources d'énergie sans mettre à mal notre tissu économique et social ni sacrifier entièrement notre confort, même si notre modèle de consommation a atteint ses limites.

Le bilan de l'application de la loi interroge. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) aurait dû être présentée le 8 mars. Elle a été repoussée. Son premier volet sur le développement des énergies renouvelables est inquiétant.

Fin avril 2016, 117 dispositions de la loi de 2015 restent en attente de décret d'application. Ces retards concernent des mesures essentielles : création du carnet numérique de suivi de la rénovation des logements, réglementation des travaux embarqués sur les bâtiments pour atteindre le niveau fixé de performance énergétique, création du fonds de garantie pour la rénovation énergétique, obligation d'achat de véhicules propres pour certaines flottes...

Les 136 millions d'annulations de crédits, qui touchent la plupart des programmes, devraient également conduire à une revue à la baisse des subventions de l'Anah pour la rénovation thermique. L'ambition affichée était de 500 000 rénovations annuelles à partir du 1er juin 2017... La France compte de nombreux logements passoires thermiques, où vivent les plus modestes. Nous ne parviendrons pas à créer les 75 000 emplois annoncés.

Seules les mesures de libéralisation ont été prises avec diligence, comme la promotion de l'effacement par les agrégateurs privés ou la pose obligatoire du compteur Linky, qui a suscité des inquiétudes pour la confidentialité des données de consommation...

La flamme n'est pas encore éteinte, madame la ministre, mais nous attendons beaucoup de vos réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Roland Courteau .  - Nous avons les uns et les autres des lectures différentes... À la veille de la ratification de l'accord de Paris, réjouissons-nous de ce beau succès, dans lequel la France a pris toute sa part et qui a effacé le fantôme de Copenhague. Avec l'arrêté sur les objectifs de développement des diverses énergies, nous sommes le premier pays à décliner dans son droit national les engagements pris au plan international. La France a pris l'engagement de donner un prix plancher au carbone en janvier 2017. Et elle se place en tête des émetteurs d'obligations vertes.

Au 10 mai 2016, 76 % des décrets de la loi Transition énergétique sont soit publiés, soit soumis au Conseil d'État. C'est une performance pour une loi de plus de 200 articles. L'enjeu est de créer 100 000 emplois en trois ans. C'est un pari que nous pouvons gagner.

Dans le secteur du bâtiment, l'emploi a progressé de 9 % ; et de 13 % dans le secteur des énergies renouvelables. Même le secteur des véhicules électriques et hybrides a multiplié ses effectifs par trois. La stratégie bas carbone est un succès. Nul doute que le soutien de l'Ademe à hauteur d'un milliard d'euros à 15 000 opérations aura un effet positif. La France devrait rester parmi les pays les plus avancés d'Europe dans la mécanique de réduction des gaz à effet de serre. Des décrets importants ont été pris sur le tiers-financement, la rénovation des bâtiments tertiaires, le fonds de garantie de la rénovation énergétique, le financement participatif des énergies renouvelables, le chèque énergie...

Il est également essentiel de souligner l'importance des rénovations qui sont lancées grâce à la PPE.

M. Jean-Claude Lenoir.  - On l'attend, elle !

M. Roland Courteau.  - Elle a été reportée, certes. Mais un décret a été publié pour sécuriser les entreprises.

J'apprécie que l'éolien flottant soit doté de 150 millions d'euros. Je suis concerné par les projets pilotés dans le Golfe du Lion !

Quelques semaines supplémentaires sont nécessaires pour fixer la feuille de route en matière d'énergie nucléaire. Le contexte économique, les efforts réalisés, le taux de pénétration des énergies renouvelables, l'avis de l'ASN sur la durée de vie des centrales, tels sont les critères à prendre en compte.

Les concessions hydroélectriques sont un autre sujet sensible. La disposition prévue dans notre proposition de loi et reprise dans la loi - prolongation des concessions en cas d'investissements importants à consentir - est essentielle. Enfin, la publication du décret sur nos entreprises grandes consommatrices d'énergie ne peut que nous satisfaire.

La loi de transition énergétique améliore la compétitivité et le pouvoir d'achat, invente le futur et fait de la France la nation de l'excellence environnementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Ronan Dantec .  - Je tiens à féliciter le groupe Les Républicains pour le choix du thème de ce débat. Nous vivons un moment historique. Jean-Claude Lenoir aurait pu en parler en introduction.

En effet, entre les 7 et 11 mai derniers, le Portugal n'a eu recours qu'à l'éolien, au solaire et à l'hydraulique pour couvrir ses besoins en électricité. Ancien pays importateur très dépendant des énergies fossiles, il devient exportateur grâce à des investissements massifs dans les énergies renouvelables.

En Allemagne, ces dernières ont couvert 32,5 % de la consommation contre 27 % l'an passé ; 2016 devrait être encore meilleure. Le 8 mai, l'Allemagne a produit 80 % de son électricité avec du renouvelable. Ce développement a des conséquences : le jour du pic de renouvelable en Allemagne, le prix de l'électricité s'est effondré. Dans une Europe de plus en plus interconnectée, le modèle économique français est forcément affecté par ces évolutions. Il ne tient plus.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Quelle est la part du charbon en Allemagne ?

M. Ronan Dantec.  - Ce retard à agir pour faire évoluer le modèle français est un refus du monde réel. Je tremble pour le service public à la française. L'endettement d'EDF s'élève à 37 milliards. Le rachat de l'activité réacteurs d'Areva, l'investissement ou le projet de Hinkley Point... On ne peut pas continuer ainsi sauf à vendre les bijoux de famille, comme ERDF.

Notre problème principal est l'effondrement du prix de gros de l'électricité. Jean-Claude Lenoir nous dira qu'il faut tenir compte de la différence entre le prix du renouvelable et le prix de gros.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et de la part des subventions pour les unités de production !

M. Ronan Dantec.  - Il faut réduire la production d'électricité en fermant des tranches nucléaires, celles qui produisent la base. Il y a vingt ans, disant cela, j'aurais été l'incarnation de l'écologiste chevelu et barbu, fier de son panneau solaire bricolé maison... (Rires)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Comme le temps passe !

M. Ronan Dantec.  - Cet après-midi, je représente - chose nouvelle pour moi - les puissances industrielles qui produisent des centaines de milliards d'euros d'énergies renouvelables ; et vous êtes les derniers représentants d'une position marginale. Ouvrez les yeux, sachez évoluer ! Sinon, vous allez au-devant de grosses déconvenues. (Rires ; Mme Evelyne Didier applaudit)

M. Jean-Claude Requier .  - Le décret autorisant le démantèlement du réacteur Phénix prévoit que la mesure ne sera effective qu'en 2050. La PPE est le fondement sur lequel repose la transition énergétique. Or le Gouvernement tarde à la publier. Il est regrettable que nous ne disposions pas du volet qui concerne 2016-2018.

La réduction de la part de la production nucléaire supposerait que l'on mette fin au fonctionnement d'un certain nombre de réacteurs. Mais le mix énergétique français repose sur le nucléaire...

Il est absurde d'investir lourdement dans un réacteur qui devra fermer rapidement. Fermer une centrale n'est pas une décision qui s'improvise : on pourrait au moins désigner les réacteurs à fermer.

S'agissant du développement des énergies renouvelables, les objectifs fixés dans l'attente de la PPE ne sont pas suffisamment ambitieux. Quant aux dispositions pour accroître la transition énergétique, elles sont bonnes : je songe au soutien aux 500 territoires à énergie positive pour la croissance verte, par exemple.

Un mot au sujet d'ERDF : les réseaux appartiennent aux collectivités, je ne vois pas comment on peut vendre un bien qui ne nous appartient pas.

M. Ladislas Poniatowski.  - C'est bien de le rappeler !

M. Jean-Claude Requier.  - Madame la ministre, ce qui nous préoccupe, ce n'est pas le nombre de décrets mais leur contenu. La PPE nous fait cruellement défaut. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Louis Nègre .  - La loi de 2015 prévoyait un cortège d'objectifs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La diversification de notre bouquet énergétique a toujours été défendue par le groupe Les Républicains. Ce rééquilibrage se concentrera sur la biomasse, le solaire et l'éolien.

S'agissant des énergies renouvelables, si la direction est bonne, les résultats risquent de se faire attendre. La biomasse nécessite une vraie mobilisation de la filière. Qu'en est-il du doublement du fonds chaleur ? Où en sont les appels d'offre ? Les objectifs de la PPE ont gagné en crédibilité mais demeurent très optimistes, bien supérieurs à ce que prescrit le paquet énergie climat.

La transition énergétique c'est aussi et surtout des économies d'énergie grâce aux nouvelles mobilités. Madame la ministre, votre Gouvernement a consacré une partie substantielle de la loi aux transports. Cela commençait bien. Nous attendons toujours le décret faisant obligation à l'État, aux établissements publics, aux loueurs, taxis et VTC d'avoir une flotte propre.

L'article 37 précise la définition des véhicules à faibles émissions ; mais le décret d'application est une véritable usine à gaz qui différencie carburants et motorisations là où le législateur proposait une formulation plus neutre et s'en tenait au niveau d'émission - c'est cela qui compte. Attention aussi à ne pas empêcher les bus de circuler dans les zones à circulation restreinte.

L'aide à l'acquisition de véhicules peu polluants, antérieure à la loi, a porté ses fruits, mais le changement des règles du jeu a réduit drastiquement le nombre de véhicules éligibles... La création d'un super-bonus de 10 000 euros n'aura pas l'effet d'entraînement escompté.

J'invite le Gouvernement à rendre à cette loi toute sa force initiale ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Yves Roux .  - Nous avons raison d'être collectivement exigeants sur l'application de la loi de transition énergétique, tant l'enjeu est grand pour notre environnement comme pour notre économie. Les objectifs sont ambitieux mais réalistes : une baisse de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 et leur division par quatre entre 1990 et 2050.

Selon Cynthia Fleury, la construction de l'État de droit est l'histoire du fossé entre principes et pratiques. En irait-il de même de la stratégie bas carbone ? Il est trop tôt pour évaluer le décret du 18 novembre 2015 ; une évaluation sectorielle dans six mois serait opportune, sachant qu'une révision de la stratégie aura lieu fin 2019. Ce n'est pas un frein à l'activité économique, au contraire ; il y faut des investissements et de l'innovation, sources de compétitivité. Une production décarbonée sera à l'avenir, à n'en pas douter, un argument à l'exportation. La stratégie bas carbone devra être plus systématiquement prise en compte dans nos décisions, ici comme dans nos territoires.

La mise en place d'une tarification du carbone est un atout ; la trajectoire est ambitieuse, 56 euros la tonne en 2020 et 100 euros en 2030 : la France donne l'exemple. Mais le tarif comme la structuration du marché ne sont encore assez incitatifs. Il faut aussi donner aux entreprises les moyens dont elles ont besoin, par exemple grâce aux certificats bas carbone prônés par Michel Aglietta : les certificats seraient transmis des entreprises aux banques, puis des banques à la BCE, pour le financement de la croissance verte.

La mise en oeuvre de la loi suit une trajectoire équilibrée, réaliste et volontaire. Maintenons le cap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Marc .  - Dans les vallées de la Truyère et du Lot, la France dispose d'installations hydroélectriques stratégiques pour son approvisionnement électrique. Pour déclencher les investissements nécessaires, il suffirait que l'État proroge la concession comme le lui permet l'article 116 de la loi du 17 août 2015. Mais en octobre 2015, la France s'est vue enjoindre par la Commission européenne de mettre en concurrence une part significative des concessions aujourd'hui exploitées par EDF. (Mme Évelyne Didier s'exclame) Nous sommes inquiets. Ces investissements de plusieurs centaines de millions d'euros seraient précieux pour nos territoires, où nous entretenons depuis longtemps des relations de confiance avec EDF.

L'arrêté du 24 avril a fixé des objectifs très ambitieux : doublement du parc éolien terrestre, triplement du parc photovoltaïque d'ici 2023. L'intégration de ces énergies intermittentes dans le réseau suppose de développer les modes de production flexibles ; ils existent, ce sont nos grands barrages...

Quelle est la position du Gouvernement sur l'application de l'article 116 ? Comment s'implique-t-il dans les négociations avec la Commission ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville .  - Je vous prie d'excuser Mme Royal, retenue par d'autres obligations. (Murmures à droite)

La COP21 a illustré la prise de conscience et la mobilisation internationales pour le climat.

La France a été à l'initiative, et l'accord de Paris a été signé à New York, en un seul jour le 22 avril, par plus de 170 pays. L'organisation de la Conférence, quelques jours après le 13 novembre, a été irréprochable, et la France, avec une équipe diplomatique de talent, a montré son implication sincère.

Elle a inscrit dans la loi sa contribution nationale à la lutte contre le dérèglement climatique - qui doit être mise à jour tous les cinq ans de façon toujours plus ambitieuse. Il s'agit de réduire de moitié la consommation d'énergie d'ici 2050, de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique et à 40 % dans l'électricité, de baisser de 30 % le recours aux énergies fossiles. L'ambition est forte pour le photovoltaïque et l'éolien - y compris l'éolien flottant, les résultats des premiers appels d'offres seront annoncés en juillet. Le cadre de soutien aux énergies renouvelables a été revu.

La CSPE, gelée à 22,5 euros par mégawatt heure, soit moins qu'en Allemagne, préserve le pouvoir d'achat des consommateurs.

Toute la vie quotidienne des Français est concernée par ce nouveau modèle de développement. Mme Royal a fait de la mobilisation de la société civile le fil rouge de son action. Élus, citoyens et entreprises bénéficient de moyens sans précédents - pour 400 territoires à énergie positive, sans parler des territoires zéro déchet.

Tous les programmes de renouvellement urbain et ceux de l'Anah intègrent désormais la rénovation thermique des bâtiments, grâce au soutien de l'État et de la Caisse des dépôts ; je rappelle également le rôle des PIA en soutien de la green tech.

La prime pour l'acquisition d'un véhicule peu polluant peut désormais atteindre 10 000 euros. S'agissant des autobus, nous recherchons, monsieur Nègre, un juste équilibre entre préservation de la qualité de l'air et maîtrise des coûts pour les collectivités ; l'arbitrage est en cours.

La stratégie nationale bas carbone, publiée le 15 novembre 2015, contribuera à la compétitivité de notre économie : baisse des factures des consommateurs comme des importations d'énergie... Déjà, 20 000 emplois ont été créés. Le tarif du carbone doit atteindre 56 euros en 2020, 100 euros en 2030.

Pas moins de 56 % des décrets sont publiés, ils seront 80 % au terme de l'examen par le Conseil d'État. Le taux est déjà atteint pour ce qui est des ordonnances. Parmi ces textes, ceux qui concernent l'individualisation des frais de chauffage, le tiers-financement pour la rénovation énergétique, l'expérimentation du chèque énergie en Ardèche, dans les Côtes d'Armor, le Pas de Calais et l'Aveyron, le complément des rémunérations pour les énergies renouvelables, mais aussi les sacs plastiques, les déchets de chantier... Dans quelques jours paraîtront les textes relatifs aux zones de circulation restreinte ou aux certificats de qualité de l'air.

La PPE est un travail de plus longue haleine. Services de l'État, entreprises et collectivités territoriales sont concernées, il faut prendre le temps de la concertation - on nous aurait reproché de ne pas le prendre. Le comité de suivi s'exprimera très bientôt.

Les premières orientations de la révision de la réglementation de la construction seront annoncées avant l'été ; nous attendons en outre avant la fin de l'année un accord au niveau européen sur des mesures ayant un impact sur le marché intérieur. Ces échéances sont raisonnables.

Le président de la République a pris l'engagement de fermer la centrale de Fessenheim ; les décrets paraîtront avant la fin de l'année pour retirer l'autorisation d'exploiter, dont la mise en oeuvre durera deux ans.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous n'y tenons pas !

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État.  - Les discussions avec EDF se poursuivent. Le processus sera irréversible, mais il faut bien deux ans pour arrêter des réacteurs. Nous ne sommes pas en guerre contre le nucléaire ni ne le défendons envers et contre tout... L'essentiel est de trouver le bon équilibre. Le Gouvernement est attentif à la situation d'EDF et l'État participera à l'augmentation de son capital. Il n'y a pas d'inquiétudes excessives à avoir.

J'ai pu percevoir votre vif intérêt pour le sujet, même dans vos interventions les plus critiques. Avec la transition énergétique, la France est à un tournant de son histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Le débat est clos.

La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 25.