Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 45 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°820, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le I de l'article L. 1262-2-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« L'employeur adresse également une attestation A1 justifiant de l'affiliation du salarié détaché à la sécurité sociale de son pays d'origine. L'attestation doit démontrer une affiliation dont l'ancienneté est supérieure à trois mois. » ;

II.  -  Alinéa 5

Remplacer les mots :

la déclaration mentionnée

par les mots :

les déclarations mentionnées

M. Dominique Watrin.  - Exigeons la production du certificat A 1 de la sécurité sociale du pays d'origine des travailleurs préalablement à toute opération de détachement. Nous lutterions ainsi contre les recrutements dans un but de détachement.

La mesure doit être contraignante. La France a enregistré 190 850 déclarations alors que le nombre de travailleurs détachés est estimé à plus de 200 000.

Voici une proposition pragmatique, issue de la proposition de résolution européenne d'Éric Bocquet.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Ce serait contraire au droit européen. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Même avis mais je me félicite de votre amendement : cela fait partie des propositions que j'ai faites à la commissaire Thyssen pour réviser la directive de 1996.

L'amendement n°820 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°945, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 1262-2-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - L'accomplissement des obligations mentionnées au I et II ne présume pas du caractère régulier du détachement. »

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Il n'est pas acceptable qu'un employeur se prévale des sanctions administratives qui lui ont été infligées pour travail illégal afin de s'exonérer des sanctions pénales.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Avis favorable à cette précision utile.

L'amendement n°945 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°107 rectifié bis, présenté par Mme Emery-Dumas et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le quatrième alinéa de l'article L. 3245-2 du code du travail est ainsi rédigé : 

« Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage qui recourt à l'entreprise cocontractante ou sous-traitante directe ou indirecte , alors que celle-ci ne lui a pas apporté la preuve, au terme de son injonction, du respect du salaire minimum légal ou des rémunérations minimales conventionnelles étendues à l'égard du salarié, est tenu solidairement avec l'employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Nicole Bricq.  - Cet amendement de Mme Emery-Dumas, qui a beaucoup travaillé sur le détachement de travailleurs, propose d'aller plus loin que la loi Savary. Il s'agit, pour rendre effectif le mécanisme de responsabilité civile du donneur d'ordre ou du maître d'oeuvre introduit à l'article L. 3245-2 du code du travail, de transformer l'obligation de moyens en obligation de résultat.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Avis défavorable. La solidarité financière s'applique uniquement si le donneur d'ordre ne remplit pas les diligences prévues par la loi. Cet amendement pourrait avoir pour effet d'inciter le prestataire à ne pas jouer le jeu, sachant que c'est le donneur d'ordre qui sera tenu responsable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Retrait ? La responsabilité particulièrement forte qui pèse sur le donneur d'ordre se justifie pour un travailleur détaché, pas pour un salarié établi en France.

L'amendement n°107 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°106 rectifié bis, présenté par Mme Emery-Dumas et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le chapitre VI du titre IV du livre II de la troisième partie du code du travail, est complété par un article L. 3246-... ainsi rédigé :

« Art. L. 3246-... -  Le fait pour le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage de recourir à une entreprise cocontractante ou sous-traitante directe ou indirecte, qui ne lui a pas apporté la preuve, au terme d'un délai de sept jours suivant la réception mentionnée à l'article L. 3245-2, du respect du salaire minimum légal ou des rémunérations minimales conventionnelles étendues à l'égard de son salarié, est passible d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 45 000 euros. »

Mme Nicole Bricq.  - Je retire cet amendement de conséquence.

L'amendement n°106 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°108 rectifié bis, présenté par Mme Emery-Dumas et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le 2° de l'article L. 8221-5 du code du travail est ainsi rédigé :

« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou sur le document équivalent mentionné au 4° de l'article R. 1263-1, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; ».

Mme Nicole Bricq.  - Il est défendu.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - La commission avait émis un avis défavorable pour une question de forme : le renvoi à des dispositions réglementaires est peu rigoureux. En revanche, nous n'avons aucune objection sur le fond.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis tout à fait favorable. Le code du travail ne prévoit pas explicitement que le fait de ne pas remettre ce document constitue une infraction. En revanche, la rédaction de l'amendement pourrait être améliorée. À la deuxième ligne, il faudrait mentionner « défini par les dispositions réglementaires » au lieu du « 4° de l'article R. 1263-1 ».

Mme Nicole Bricq.  - Cette petite modification est un grand pas dans la lutte contre le travail dissimulé. Les salariés de moins d'un mois reçoivent un document spécifique, et non une fiche de paie.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Avec cette rectification, l'avis devient favorable.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°108 rectifié ter.

L'amendement n°108 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°821, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -   L'article 2 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 est complété par une phrase ainsi rédigée :

 « La chaîne de sous-traitance est limitée au sous-traitant principal, secondaire et tertiaire. »

M. Bernard Vera.  - Le rapport d'Éric Bocquet de 2013 montrait qu'il y avait une véritable prime à l'obstacle, à la sous-traitance en cascade, récompensant les montages les plus complexes opérés aux dépens des salariés. Je rappelle que la sous-traitance, aux termes de la loi du 31 décembre 1975, est normale si l'entreprise titulaire du marché ne comporte pas les compétences nécessaires.

Raccourcissons la chaîne de sous-traitance à trois degrés comme en Allemagne - un pays, madame la ministre qui vous inspire beaucoup - et en Espagne.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Votre argumentation est très convaincante. Toutefois, une interdiction générale pourrait être considérée comme une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle. Creusons cette piste. Pour l'heure, adopter cet amendement serait prématuré.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'Allemagne est une de mes sources d'inspiration, mais pas toujours : leurs mini-jobs ne m'intéressent pas.

Je suis prête à lancer une réflexion avec le sénateur Bocquet sur cette proposition effectivement séduisante, qui est à approfondir. Cela évitera le dumping social et facilitera les contrôles.

Le mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d'ordre, introduit dans la loi Savary, a été renforcé dans la loi Macron. Reste que les contrôles sont compliqués quand nous faisons face, lors des inspections des 500 plus grands chantiers en France, à des chaînes de dix à vingt sous-traitants.

M. Dominique Watrin.  - Nous sommes prêts à travailler avec le Gouvernement. Le chef de l'Office central contre le travail illégal, que nous avons auditionné, nous a beaucoup éclairés sur cette question. Les fraudeurs ont toujours un coup d'avance sur les règles...

En revanche, je ne comprends pas pourquoi il faudrait attendre quand l'Allemagne, soumise à la même directive, limite, elle, la sous-traitance à trois degrés.

L'amendement n°821 n'est pas adopté.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Je voterai cet article à 200 %, pour reprendre l'expression de la ministre.

Notre arsenal a été complété, perfectionné, enrichi. Mais sur le terrain, il y a un besoin de montée en puissance des contrôles. Dans l'Yonne, les artisans se demandent comment faire face à la concurrence des norias de camionnettes étrangères se déplaçant sur les chantiers le dimanche.

Si révision de la directive de 1996 il doit y avoir, c'est dans le sens d'un meilleur encadrement. Or le centre de gravité européen ne vous semble pas favorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'an dernier, nous effectuions 500 contrôles par mois ; aujourd'hui, 1 600, voire 1 700. La mise en place de la carte professionnelle du BTP nous aidera, de même que la fiche individuelle prévue pour les travailleurs étrangers dans le cadre du compte pénibilité.

Notre point faible, ce sont les contrôles en week-end et en soirée. Nous ne pouvons pas aller chez les particuliers. Nous essayons au maximum de les décaler - c'est un des enjeux de la Direction générale du travail, que je salue. (M. Jean-Baptiste Lemoyne aussi)

Le rapport de force en Europe est en train de s'inverser sur ce sujet. En un mois et demi, nous avons gagné des soutiens. Je ne cherche pas l'affrontement, certains nous voient comme un pays pratiquant des contrôles discriminatoires - la Pologne, par exemple. J'ai choisi d'expliquer, de tenter de convaincre. Les entreprises « boîtes aux lettres » sont indéfendables, au regard de la dignité des travailleurs dans l'espace européen.

L'article 45, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°236 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Bizet, Cambon, Commeinhes, César et Cornu, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre et Vaspart, Mme Mélot, MM. Houel, Revet, P. Leroy et Mouiller, Mmes Cayeux, Deromedi, Morhet-Richaud et Primas et MM. Trillard, Mandelli et Laménie.

Après l'article 45

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre XI du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 1262-2-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 1262-2, », sont insérés les mots : « et sous réserve de l'application du III du présent article, » ;

b) Est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« III.  -  L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 1262-1 est soumis aux dispositions du présent article dans les conditions suivantes :

« 1° L'employeur s'acquitte de l'obligation mentionnée au I du présent article en adressant à la fin de chaque mois à l'inspection du travail une déclaration pour l'ensemble des détachements réalisés pendant le mois écoulé ;

« 2° Le représentant mentionné au II du présent article est désigné annuellement et est chargé de communiquer aux agents de contrôle de l'inspection du travail, dans les meilleurs délais et à leur demande, une liste des salariés détachés auprès de l'entreprise ou de l'établissement du groupe où débute la prestation. » ;

2° Le 2° de l'article L. 1262-5 est complété par les mots : « et les conditions simplifiées dans lesquelles les formalités déclaratives mentionnées au III de l'article L. 1262-2-1 sont exigées ».

Mme Pascale Gruny.  - Cet amendement simplifie les obligations déclaratives pour le détachement intragroupe qui favorise le développement de carrière des cadres de haut niveau au sein d'entreprises à dimension internationale.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Très sensible à la simplification de la vie des entreprises, je crains qu'elle ne puisse parfois ouvrir la voie à des abus.

Ce type de détachement ne concerne pas seulement les cadres de haut niveau. Et les entreprises à dimension internationale ont les moyens de gérer ces déclarations. Retrait ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le détachement intragroupe, qui a connu une augmentation de 47 % en 2014 pour atteindre 10 % du total des détachements, concerne de plus en plus des personnels de production. On y constate aussi des fraudes.

Mme Pascale Gruny.  - Malheureusement, on légifère souvent pour les gens qui ne suivent pas les chemins traditionnels...

L'amendement n°246 rectifié est retiré.

L'article 46 est adopté.

ARTICLE 47

M. le président.  - Amendement n°822, présenté par Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

la déclaration de détachement mentionnée

par les mots :

les déclarations de détachement mentionnées

M. Dominique Watrin.  - Il s'agit d'une mise en concordance avec l'amendement précédent qui n'a pas été adopté...

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Retrait.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°822 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°823, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer les mots :

, pour une durée ne pouvant pas excéder un mois.

M. Dominique Watrin.  - Le détachement de travailleurs a des conséquences dramatiques sur les plans économique et social : manque à gagner considérable sur les cotisations sociales pour l'État, concurrence déloyale pour les entreprises et conditions de travail et de vie déplorables pour les salariés. La fermeté s'impose. À cet égard, pourquoi l'inspecteur du travail ne peut-il pas suspendre la prestation de service pour une période supérieure à un mois ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Nous avons eu les mêmes interrogations que M. Watrin. Sans doute la réponse est-elle que le juge européen pourrait y voir une sanction disproportionnée. Le Gouvernement peut-il nous éclairer ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le principe de proportionnalité nous oblige à indiquer une durée. Cette suspension peut, de toute manière, être renouvelée si nécessaire. Elle est déjà prononcée quand les obligations de rémunérations ne sont pas respectées ; avec cet article, nous pourrions le faire quand les obligations déclaratives ne sont pas remplies. Retrait ?

L'amendement n°823 est retiré.

L'article 47 est adopté.

Les articles 48, 49 et 49 bis sont successivement adoptés.

ARTICLE 50

M. Bernard Vera .  - Si le secteur agricole a des contraintes spécifiques, le recours aux travailleurs détachés est particulièrement destructeur. C'est l'importation des modèles de production pratiqués en Andalousie, dans le sud de l'Italie et en Grèce. La responsabilité des donneurs d'ordre est clairement posée : les groupes de la grande distribution imposent les pires conditions de vente.

C'est par la fixation d'un prix suffisamment rémunérateur pour les producteurs que nous trouverons la solution, et non par cet article 50.

Mme Myriam El Khomri, ministre .  - Je travaille secteur par secteur. Une convention a été passée avec le BTP, une autre le sera prochainement avec les organisations syndicales agricoles. Le but est non seulement de les impliquer dans la lutte contre le travail illégal mais aussi qu'elles puissent se porter partie civile.

La question de l'hébergement est centrale dans le travail détaché, sans parler du repos hebdomadaire. Nous avons seulement 5 % de demandes préalables pour 30 000 travailleurs détachés déclarés dans le secteur agricole. D'où cet article 50.

L'article 50 est adopté.

ARTICLE 50 BIS

M. Dominique Watrin .  - Passons aux actes sans attendre la révision de la directive de 1996 en limitant la chaîne de sous-traitance mais aussi en reprenant l'idée du référentiel des prix anormalement bas qui existe dans les transports routiers pour l'appliquer à d'autres secteurs. Souvent, les collectivités territoriales, lorsqu'elles lancent des appels d'offres, sont désarmées devant des entreprises recourant au travail détaché. Vous le voyez, le groupe CRC ne fait pas que critiquer ; il a des propositions à faire.

M. le président.  - Amendement n°824, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions d'emploi, de travail et le cas échéant d'hébergement applicables aux salariés mentionnés au premier alinéa sont identiques à celles des salariés des entreprises exerçant sur le territoire national. »

Mme Éliane Assassi.  - Lors de la construction de la ligne TGV Tours-Bordeaux, on a vu les fortes inégalités qui existent entre travailleurs autochtones et travailleurs détachés. Les seconds sont, en quelque sorte, assignés à résidence. Ils travaillent davantage parce que l'entreprise, qui les transporte de leur lieu d'hébergement à leur lieu de travail, est maître de leurs horaires. Ils sont souvent contraints d'accepter des heures supplémentaires pour pouvoir rentrer voir leur famille quand le droit au retour est consacré. Écrivons dans le code du travail qu'ils ont droit aux mêmes conditions de travail mais aussi aux mêmes conditions de vie.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Votre amendement porte essentiellement sur l'hébergement. En droit, les règles sont les mêmes pour tous. En pratique, c'est autre chose. Retrait ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - En effet, notre droit prévoit que le salaire minimum, la rémunération des heures supplémentaires et les conditions d'hébergement doivent être identiques pour tous les salariés. Ce sont précisément les domaines où nous constatons le plus d'infractions : 300 amendes ont été prononcées pour un montant de 1,8 million d'euros.

Nous voulons faire entrer l'hébergement dans le noyau dur prévu par la directive de 1996. Les employeurs paient le salaire français, mais défalquent l'hébergement... Retrait ?

Mme Éliane Assassi.  - Je vous ai entendue.

L'amendement n°824 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°826, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La rémunération applicable aux salariés mentionnés à l'article L. 1262-1 et au présent article comprend tous les éléments rendus obligatoires par les dispositions législatives, règlementaires ou conventionnelles. »

Mme Éliane Assassi.  - La directive de 1996 prévoit que les travailleurs détachés perçoivent le taux de salaire minimal du pays dans lequel ils interviennent quand les résidents, eux, touchent les minima conventionnels. Selon la Commission européenne, l'écart entre les deux varie entre 30 % et 70 %. Cette inégalité alimente le travail détaché.

Nous vous proposons de reprendre dès à présent la nouvelle définition de la rémunération des travailleurs détachés inscrite dans la proposition de directive présentée à la Commission européenne le 8 mars 2016. La France manifesterait ainsi à Bruxelles sa détermination à lutter contre le détachement illégal et le dumping social, cela ferait du bien par les temps qui courent.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - L'article L. 1262-4 du code vous donne en partie satisfaction. Retrait ou avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Même avis. Le 8 mars dernier, nous avons justement proposé à la commissaire Thyssen de reprendre la définition qui figure à l'article L. 1262-4 et mis sur la table la notion de rémunération conventionnelle.

L'amendement n°826 est retiré.

L'article 50 bis est adopté.

L'article 50 ter est adopté.

ARTICLE 50 QUATER

M. le président.  - Amendement n°1057, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission.

Alinéa 1

Au début, remplacer les mots :

Le titre II

par les mots :

Le chapitre II du titre II

L'amendement rédactionnel n°1057, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 50 quater, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

L'amendement n°178 rectifié bis n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°359 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°448 rectifié, présenté par MM. Darnaud, Genest, Raison, Perrin et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, M. Cornu, Mme Cayeux, MM. Mouiller, Bouchet, Retailleau et Magras, Mme Gruny, MM. Charon, Rapin, de Legge, Houpert et G. Bailly, Mmes Deromedi et Lopez, MM. J.P. Fournier, Lefèvre et Longeot et Mmes Canayer et Billon.

Après l'article 50 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 38 de l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Les acheteurs peuvent imposer l'emploi de la langue française par les salariés travaillant sur un chantier pour l'exécution d'un marché public, ou à défaut la présence d'un interprète rémunéré par leur employeur. »

M. Mathieu Darnaud.  - Les pièces d'un marché public, les règles de sécurité et les conclusions des réunions de chantiers étant rédigés en français, toutes les personnes présentes sur un chantier devraient comprendre le français : soit en étant francophones, soit en bénéficiant du recours d'un interprète rémunéré par l'employeur.

Les villes d'Angoulême et de Chalon-sur-Saône, les conseils régionaux des Pays de la Loire et des Hauts de France, le conseil départemental de la Charente appliquent déjà cette mesure. Inscrivons-la dans la loi pour en faire une obligation.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - La vérification sur un chantier de ceux qui parlent un peu, beaucoup le français, le comprennent... serait impossible. Si on nous demandait la réciprocité en Bulgarie, en Roumanie et en Hongrie, nos techniciens seraient en difficulté...

En revanche, on pourrait imaginer de remettre avec la carte de travailleur détaché un lexique en plusieurs langues expliquant notamment les différents panneaux présents sur le chantier.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ni le Conseil constitutionnel ni la Cour de justice de l'Union européenne n'accepteraient ce dispositif. Le représentant de l'entreprise détachant des travailleurs doit parler le français.

Je souhaiterais rétablir le texte de l'Assemblée nationale, qui imposait que soient affichées les principales règles du code du travail dans toutes les langues des travailleurs détachés, avec les consignes de sécurité.

M. Mathieu Darnaud.  - Votre dernière proposition montre bien qu'il y a un problème. Je maintiens mon amendement.

Mme Pascale Gruny.  - Que je voterai ! Il y a eu beaucoup de malfaçons dans un lycée, justement parce que les travailleurs détachés ne maîtrisaient pas notre langue. Sincèrement, c'est compliqué quand les gens qui interviennent chez nous ne parlent pas un mot de français. Il faudrait au moins qu'une personne puisse leur traduire le principal.

M. Olivier Cadic.  - C'est plutôt celui qui a passé la commande qui devrait y veiller ! De plus, cet amendement est contraire au principe de libre circulation en Europe. Je ne le voterai pas.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - À tout le moins, il faut que le chef d'équipe parle français. Aller au-delà est difficile. Imaginez que l'on exige la réciprocité : que feront les travailleurs français détachés en Roumanie ou Hongrie ? La remise d'un lexique, avec la carte individuelle, résumant en plusieurs langues les consignes de sécurité me paraît une piste préférable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je suis d'accord.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°448 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°403 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 142
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 51

M. Bernard Vera .  - L'inspection du travail ne compte que 2 236 agents de contrôle : pour 18,3 millions de salariés, cela fait un inspecteur pour 8 000 salariés et 800 entreprises. Le contrôle du respect du code du travail ne peut donc qu'être partiel, sans compter que deux tiers des membres de l'inspection du travail se consacrent à d'autres missions : conseiller les entreprises et les salariés, avec plus de 800 000 contacts téléphoniques, contrôler les fonds de la formation professionnelle, prendre en charge la conciliation dans des conflits collectifs. Il importe donc de la renforcer.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par MM. Husson, Cardoux, Houel et César, Mmes Canayer et Estrosi Sassone, MM. Vaspart, Vogel et Commeinhes, Mmes Lamure et Deromedi et MM. Revet, Longuet, P. Leroy, Doligé, Laménie et Gremillet.

Alinéas 3 à 13

Supprimer ces alinéas.

Mme Jacky Deromedi.  - Cet amendement supprime l'obligation de repérage d'amiante avant travaux pour l'ensemble des opérations qui ne sont pas soumises à étude d'impact. Le coût d'une telle mesure serait de l'ordre de 333 millions d'euros par an, soit une augmentation d'environ 4 % de la prime multirisque habitation pour les assurés.

Ce serait un frein à la reprise du secteur du bâtiment et favoriserait le travail non déclaré, notamment lorsque le donneur d'ordre est un particulier avec peu de ressources.

L'amendement n°82 rectifié ter n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°442.

M. le président.  - Amendement n°830 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  Les préfectures mettent à disposition des particuliers et des professionnels sur une plateforme en ligne l'ensemble des diagnostics techniques amiante des bâtiments qui ont fait l'objet d'un diagnostic et qui sont mentionnés dans le rapport annuel d'activité des diagnostiqueurs transmis annuellement. » ;

M. Dominique Watrin.  - L'amendement n°76 rectifié est stupéfiant, quand on estime à 100 000 les morts causées par l'amiante...

Notre amendement rend les diagnostics techniques amiante (DTA) disponibles pour tous et notamment pour les professionnels du bâtiment et les artisans. Les informations seraient mises en ligne par les préfectures. Ce serait conforme au principe d'ouverture des données administratives et renforcerait la sécurité des travailleurs du bâtiment.

L'amendement n°443 n'est pas défendu, non plus que les amendements nos444 et 445.

M. le président.  - Amendement n°827 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail est chargée d'élaborer une méthodologie pour estimer le coût global du désamiantage par secteur, d'identifier les faiblesses dans la réglementation relative à l'amiante et d'évaluer l'organisation et l'implication des services administratifs dans la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de désamiantage. » ;

M. Dominique Watrin.  - Le Comité de suivi amiante du Sénat a publié des préconisations, qui faisaient consensus dans notre Haute Assemblée. Hélas rien n'a changé. La création d'une mission interministérielle serait un premier pas vers la mise en oeuvre d'une véritable coordination interministérielle.

L'amendement n°446 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°828 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  La Direction générale de la santé s'assure que la liste des rapports annuels d'activité des diagnostiqueurs amiante transmis par les préfets ainsi que les résultats de leur analyse, sont mis à disposition du public sur un site internet en accès libre. » ;

M. Dominique Watrin.  - Systématisons les remontées des rapports annuels d'activité des diagnostiqueurs afin que la DGS puisse effectivement exploiter les données reçues et que les particuliers et les professionnels y aient accès en ligne.

M. le président.  - Amendement n°829, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 43

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Les services de l'inspection du travail rédigent, en collaboration avec la Caisse nationale d'assurance maladie, un guide méthodologique des normes permettant d'effectuer un suivi des personnes qui présentent un risque d'avoir été en contact avec l'amiante au cours de leur activité professionnelles et susceptibles de développer des maladies qui y soient liées. 

M. Bernard Vera.  - Afin de renforcer l'action de l'inspection du travail, cet amendement encourage la coopération systématique avec les agents de prévention de la Cnam via un guide méthodologique commun pour le suivi des professionnels qui ont pu être en contact avec l'amiante.

M. le président.  - Amendement n°831, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 43

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le Gouvernement remet au Parlement un rapport, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, qui étudie les modalités et le coût de la mise en place d'un suivi médical individualisé systématique des professionnels ayant été en contact avec des fibres d'amiante lors de leur activité. 

M. Dominique Watrin  - Il est défendu.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°76 rectifié. L'obligation de repérage figurait dans un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat. L'extension passe par la voie réglementaire. Nous attendons que le Gouvernement prenne des mesures d'application qui n'imposent pas des contraintes disproportionnées aux petits chantiers et aux chantiers de particuliers.

Les amendements nos827 rectifié, 828 rectifié, 829 et 831 avaient été retirés ou rejetés lors de l'examen de la loi Santé. Avis défavorable, même si nous souhaitons savoir quelles mesures ont été prises par le Gouvernement depuis lors.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'inspection du travail a pour mission de contrôler, avec 2 236 agents, mais aussi de conseiller - 512 agents s'y consacrent. L'encadrement intervient également. La Cour des comptes a oublié d'inclure ce dernier alors qu'il est très mobilisé, vu les montages de plus en plus complexes auxquels cette administration a affaire.

Le Gouvernement a engagé un travail interministériel pour tirer les leçons des critiques formulées dans le rapport d'information de la Haute Assemblée. Les ministères du logement, de la santé et du travail ont élaboré un plan interministériel de trois ans, lancé début 2016 ; une information des professionnels est prévue à l'automne. Le plan comprend plusieurs axes : renforcement de l'information, accompagnement de la mise en oeuvre de la réglementation, meilleure connaissance des expositions, meilleure protection réglementaire, etc.

L'article 51 vise à améliorer la prévention. Il y aura un décret, madame Deromedi, car le repérage avant travaux protège la santé des travailleurs et l'environnement. Sur un tiers des chantiers, des travaux supplémentaires sont nécessaires faute de repérage. Le coût d'un repérage n'est que de 1 % des travaux alors que les surcoûts liés à son absence s'élèvent à 20 %, y compris en dépenses de santé. Avis défavorable à l'amendement n°76 rectifié.

Retrait de l'amendement n°830 rectifié : des dispositions sont prises dans le cadre du plan interministériel pour renforcer la connaissance et développer un système d'information exploitant les rapports annuels des diagnostiqueurs. Les travaux informatiques débuteront en 2017, après le reformatage, à cet effet, des rapports et des analyses.

Un comité de pilotage assurera le suivi du plan interministériel sur l'amiante. Retrait de l'amendement n°827 rectifié, votre préoccupation est satisfaite. Même chose pour l'amendement n°828 rectifié, les dispositions correspondantes ont été introduites dans l'article L. 1338-14 du code du travail. Retrait.

Avis défavorable à l'amendement n°829. Le suivi individuel médical des salariés ne dépend pas de l'inspection du travail. De plus cet amendement ne relève pas du domaine de la loi.

Enfin le rapport demandé à l'amendement n°831 est inutile : un travail d'information est en cours auprès des 80 000 bénéficiaires du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

L'amendement n°76 rectifié est retiré.

M. Dominique Watrin.  - Le lancement du plan d'action interministériel répond à nos préoccupations. Il serait d'ailleurs intéressant que la commission entende le Gouvernement sur le détail de ce plan.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Volontiers, avec mes collègues ministres du logement et de la santé.

L'amendement n°830 rectifié est retiré, ainsi que les amendements nos827 rectifié, 828 rectifié, 829 et 831.

L'article 51 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

L'amendement n°151 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°149, présenté par Mme Deromedi, MM. Chasseing, Doligé, Dufaut, Frassa et Gremillet, Mme Hummel, M. Husson, Mmes Gruny et Kammermann, M. Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Mayet, Pellevat, Soilihi et Vasselle.

Après l'article 51

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le but de favoriser une plus grande égalité entre les travailleurs, sans discrimination, la politique sociale tend à une harmonisation de la situation des fonctionnaires par rapport à celle des salariés en matière de dialogue social, de durée du travail, de congés et de retraite compte tenu de la nature des emplois et des sujétions particulières des fonctionnaires.

Mme Jacky Deromedi.  - L'égalité est un principe constitutionnel qui doit s'appliquer à tous les travailleurs. L'opinion publique est très attachée à une harmonisation des rémunérations, congés, durée du travail, retraite, etc. Des progrès ont été accomplis en matière de retraite, échelonnés sur plusieurs années. Il convient de faire de même dans les autres domaines. Notre amendement relève de la loi dans la mesure où celle-ci fixe un objectif de l'action de l'État au sens du vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Cet amendement entend rapprocher la situation des salariés du privé et des fonctionnaires. J'y suis favorable sur le fond mais je crois qu'il s'agit d'un amendement d'appel, car il est sans valeur normative... Retrait.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable. Le Gouvernement est attaché à la spécificité de la fonction publique.

L'amendement n°149 est retiré.

L'article 51 bis demeure supprimé.

L'article 51 ter est adopté.

Les amendements nos234 et 235 ne sont pas défendus.

ARTICLE 51 QUATER (Supprimé)

L'amendement n°121 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°944, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'ordonnance n°2016-413 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l'application du droit du travail est ratifiée.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Pour pouvoir effectuer des contrôles, il faut renforcer l'inspection du travail. L'amendement rétablit l'article de ratification de l'ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l'application du droit du travail, dernier volet d'une rénovation profonde du système d'inspection du travail engagée depuis 2014 et saluée par la Cour des comptes. Les nouvelles dispositions répriment les infractions les plus graves et permettent de mieux lutter contre la concurrence déloyale.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - L'ordonnance contient des mesures auxquelles le Parlement s'était opposé dans le projet de loi de 2015. Le Sénat avait même refusé l'habilitation et nous sommes hostiles à la ratification de l'ordonnance, tant pour des raisons de forme que de fond. Avis défavorable.

L'amendement n°944 n'est pas adopté.

L'article 51 quater demeure supprimé.

ARTICLE 52

M. Dominique Watrin .  - Nous ne voterons pas cet article. Il faut faire la distinction entre les versements indus de prestations, souvent liés à des changements de situation, et la fraude ou l'évasion fiscale. Les premiers représentent 300 millions d'euros, bien peu en comparaison des 60 à 80 milliards de l'évasion fiscale. J'ai été adjoint au maire d'une commune très défavorisée, je sais les drames qu'entraîne le non-versement d'une allocation - et sans que les intéressés en soient informés avant - pour compenser un trop perçu, dans des foyers qui comptent leurs dépenses à l'euro près. Nous connaissons suffisamment les conséquences sociales des reprises d'indus sur l'APL pour les refuser à Pôle emploi.

L'amendement n°378 n'est pas défendu.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Cet article de sécurisation juridique fait suite à l'annulation par le Conseil d'État le 5 octobre 2015 de l'arrêté d'agrément relatif à l'indemnisation du chômage, qui comprenait notamment des dispositions sur les modalités de récupération des indus. Les partenaires sociaux, tant patronaux que syndicaux, m'ont écrit le 18 décembre 2015 pour me réclamer de poser une nouvelle base légale suite à l'annulation.

L'article 52 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°940, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 52

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code du travail est applicable à Mayotte à compter du 1er janvier 2018.

II.  -  Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, dans un délai de quatorze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures nécessaires pour rendre applicable à Mayotte, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code du travail relevant du domaine de la loi, ainsi que pour rendre applicables à Mayotte les dispositions spécifiques en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle relevant du domaine de la loi et applicables en ces matières en métropole ou dans les autres collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

Le Gouvernement procède au préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives dans le Département de Mayotte à une concertation sur les adaptations mentionnées à l'alinéa précédent.

Un projet de loi de ratification de l'ordonnance mentionnée au premier alinéa du présent II est déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après le mois suivant la publication de l'ordonnance.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Pour tenir les engagements de l'État vis-à-vis des Mahorais, l'amendement inscrit dans la loi l'application du code du travail de droit commun à Mayotte au 1er janvier 2018.

Le Gouvernement procèdera au préalable à une concertation avec les partenaires sociaux car certaines adaptations sont nécessaires. Il faudra donc un peu de temps...

M. le président.  - Sous-amendement n°1059 à l'amendement n°940 du Gouvernement, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission.

Amendement n° 940

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Dans les douze mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement procède avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs habilitées à négocier à Mayotte à une concertation sur les adaptations nécessaires à l'extension à ce département des dispositions du code du travail et des dispositions spécifiques en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle applicables en métropole ou dans les autres collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

II.  -  Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

I.  -  Le code du travail applicable à Mayotte est abrogé à compter du 1er janvier 2018.

III.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le II de l'article 76 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer est abrogé.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Nous sommes favorables à l'extension à Mayotte, avec les adaptations nécessaires, du droit du travail applicable en métropole. Avis favorable à l'amendement n°940, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis favorable.

Le sous-amendement n°1059 est adopté.

L'amendement n°940, ainsi sous-amendé, est adopté et devient article additionnel.

L'article 52 bis est adopté.

ARTICLE 53 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°834, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa des articles L. 1134-4 et L. 1144-3 est supprimé ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 1235-4, après le mot : « articles », sont insérées les références : « L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, » ;

3° Le 3° de l'article L. 1235-5 est complété par les mots : « , en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11 » ;

4° Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie est complété par un article L. 1132-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1132-5.  -  Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distributions d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l'accomplissement d'une démarche d'information, de revendication ou de réclamation auprès de l'administration du travail, de l'inspection du travail, d'une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »

M. Bernard Vera.  - Cet amendement rétablit l'obligation pour un employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités versées par celui-ci à un salarié licencié suite à un traitement discriminatoire ou suite à des faits de harcèlement. Il renforce la protection de ceux qui dénoncent les faits de harcèlement. La loi de 2014 sur l'égalité réelle a été largement vidée de son sens : il serait bon que les rares dispositions qui demeurent soient appliquées...

L'amendement n°416 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°833, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa des articles L. 1134-4 et L. 1144-3 est supprimé ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 1235-4, après le mot : « articles », sont insérées les références : « L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, » ;

3° Le 3° de l'article L. 1235-5 est complété par les mots : « , en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11 ».

M. Bernard Vera.  - Nombreux sont les membres de notre groupe qui considèrent que le recours aux ordonnances est une entorse à la démocratie. Il serait néanmoins essentiel de réintégrer dans le projet de loi l'ordonnance d'avril 2016 sur les contrôles : cet article 51 quater permet l'extension des prérogatives des inspecteurs du travail, notamment concernant les risques électriques majeurs ou le retrait des salariés mineurs en situation de danger.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - L'employeur doit déjà indemniser le salarié en cas de harcèlement. Le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi est excessif. Avis défavorable à l'amendement n°834, ainsi qu'au n°833.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°833. Retrait du n°834, qui serait satisfait en cas d'adoption du n°833.

L'amendement n°834 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°833.

L'article 53 reste supprimé.

ARTICLE 54 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°344, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 1235-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1235-3-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 1235-3-1.  -  Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période écoulée entre le licenciement et la décision de justice définitive et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »

Mme Stéphanie Riocreux.  - Cet amendement, qui rétablit l'article, prévoit une indemnité minimale correspondant aux salaires des douze derniers mois, et non de six, en cas de harcèlement sexuel ou de discrimination.

Le Défenseur des droits a soutenu le rétablissement des dispositions prévues par cet article de la loi pour l'égalité réelle des femmes et des hommes. Le minimum actuel de six mois ne pousse pas les employeurs à mettre en place une vraie prévention du harcèlement sexuel.

Enfin, comme l'a souligné à juste titre l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), ce minimum de six mois ne répare pas le cataclysme que les violences au travail ont provoqué dans la vie des victimes.

M. le président.  - Amendement n°836, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 1235-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1235-3-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1235-3-...  -  Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »

Mme Éliane Assassi.  - Il est défendu.

L'amendement n°417 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°934 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°942, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 1235-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1235-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1235-3-1.  -  Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le plancher de six mois de salaire est conforme à la jurisprudence. Rétablissons la rédaction de l'Assemblée nationale. Retrait de l'amendement n°344.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Le plafonnement que nous avons adopté à l'article 30 bis ne s'applique pas ici. Le doublement du plancher ne se justifie pas, c'est au juge d'apprécier le préjudice. J'ajoute que tous les cas de nullité ne sont pas visés, sans qu'il y ait de raison de faire des distinctions. C'est un amendement discriminatoire à l'égard des autres discriminations ! Avis défavorable aux amendements nos344, 836 et 942.

L'amendement n°344 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos836 et 942.

L'article 54 demeure supprimé.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI

L'amendement n°179 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°1060, présenté par M. Lemoyne, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi de modernisation du droit du travail

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Je vous mets au défi de trouver quelqu'un qui appelle cette loi autrement que « loi Travail » ou « loi El Khomri ». Il était difficile toutefois de l'intituler ainsi. Nous n'aurions pas davantage voulu l'appeler « loi de transposition des directives européennes », comme le CRC considère souvent le texte.

Nous nous sommes inspirés de l'ANI de 2008 et du projet de loi de modernisation du droit du travail qui s'en était suivi.

C'est pourquoi nous proposons d'intituler cette loi : « loi de modernisation du droit du travail », la replaçant dans la ligne des travaux de 2003, 2004, 2008.

Nous nous réjouissons de voir que le Gouvernement s'est pour ainsi dire rallié à cette ligne.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer les mots :

et les actif-ve-s

M. Dominique Watrin.  - C'est bien un projet de loi pour les entreprises, défavorable aux salariés. Mieux vaut retirer les actifs et les actives de l'intitulé.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - La cause des entreprises est aussi celle de l'emploi. Avis défavorable à l'amendement n°72. La proposition de M. Lemoyne est la plus simple et la plus modeste. Avis favorable à l'amendement n°1060. Ce texte est un pas dans la bonne direction, mais attendons son examen par l'Assemblée nationale.

Je saisis l'occasion de saluer mes corapporteurs et tous les membres de la commission des affaires sociales, qui ont chacun apporté leur pierre. Merci à tous. Nous avons eu beaucoup de scrutins publics.

Mme Éliane Assassi.  - Ah oui !

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.  - Merci enfin à vous, madame la ministre, d'avoir respecté nos positions. J'espère que certains apports du Sénat seront conservés dans le texte final... (Applaudissements)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable aux deux propositions. (On s'en désole) Vous évoquiez la loi de 2004 sur le dialogue social, vous auriez mieux fait de remonter jusqu'aux lois Auroux... que vous avez combattues ! (Sourires)

Avec la garantie Jeunes, le compte personnel d'activité, le contrat saisonnier ou encore les dispositions sur l'amiante que nous venons d'examiner, ce texte crée des droits pour les salariés. Il mérite mieux que les caricatures que l'on en entend à l'extérieur. (M. Yves Daudigny et Mme Stéphanie Riocreux renchérissent) J'ai saisi l'opportunité de ce temps de débat parlementaire pour faire oeuvre de pédagogie. Cette réforme est progressiste, social-démocrate. La majorité sénatoriale l'a souvent combattue, parfois accompagnée.

Merci à tous pour ce débat constructif. Il se poursuivra car j'entends mener cette réforme à son terme.

M. Olivier Cadic.  - Merci aux rapporteurs pour leur travail remarquable pour faire de ce texte un texte plus cohérent.

M. le président.  - Je rappelle que les explications de vote sur l'ensemble auront lieu mardi... Je tente de mettre aux voix l'amendement n°1060, rien de plus !

M. Olivier Cadic.  - Précisément, je m'exprime sur l'intitulé du projet de loi. Peut-on parler de modernisation du droit du travail ? Le contenu reste timide. Je comprends toutefois que notre assemblée, dans les circonstances actuelles, ait choisi une position réservée. J'espère que nous pourrons dans quelques mois réformer en profondeur le code du travail. Bonne chance, madame la ministre, pour la suite de ce texte.

M. le président.  - Merci, monsieur Cadic, pour cette explication de vote sur l'amendement n°1060... (Sourires)

L'amendement n°1060 est adopté.

L'amendement n°72 devient sans objet.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Bravo aux présidents de séance pour leur fermeté et leur abnégation. Merci aux sénateurs de la commission, toutes tendances confondues, pour leur passion, mais aussi la courtoisie de leur expression.

Bravo aux rapporteurs ; sur ce texte si compliqué, si contesté, nous avions besoin de leur compétence, de leur ténacité, de la sérénité dont ils ont fait preuve.

Merci, madame la ministre. Vous êtes arrivée à la tête de ce ministère décidée à prendre votre tâche à bras-le-corps. Rien ne vous aura été épargné, surtout dans votre camp... Vous êtes restée pourtant à l'écoute, souriante. Soyez-en remerciée. Quelle différence entre ces débats et ceux qui ont lieu dans une autre chambre... Quelle horreur de vouloir supprimer le Sénat !

Certains voient dans ce projet de loi un texte de lutte contre les droits des salariés qui accroîtra la précarité ; nous pensons qu'il s'agit d'un texte de lutte contre la précarité sans emploi.

Nous avons battu des records, avec 160 scrutins publics, soit 16 heures de décompte. Nous avons le jeudi 16 juin battu le record journalier que détenait la loi Macron : 52 scrutins publics, contre 35... Ce, grâce au groupe communiste républicain et citoyen et à la commission.

M. le président.  - Le Gouvernement envisage de faire devant le Sénat, mardi à 15 heures, une déclaration suivie d'un débat sans vote sur le référendum britannique. Dans ce cas, les explications de vote prévues à cette heure seraient reportées à sa suite, et les questions d'actualité au Gouvernement seraient annulées. Vous en serez informés dans la journée de lundi.

Prochaine séance mardi 28 juin 2016, à 15 h 15.

La séance est levée à minuit.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus