Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Madame la ministre, mes chers collègues, en vous remerciant collectivement pour le débat de ces deux dernières semaines, j'ouvre les explications de vote des groupes sur le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Explications de vote

M. Jean Desessard .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste) Je remercie les rapporteurs pour leur participation active et plaisante.

Madame la ministre, il faut vous reconnaitre un vrai talent, celui d'aimer le débat politique. Vous avez eu à coeur d'expliquer, d'argumenter, de chercher à convaincre. Vous avez défendu ce texte à 200 %, comme vous le dites. Votre principal argument est que la négociation au niveau des accords d'entreprises permettrait une adaptation plus fine de l'organisation de l'entreprise aux nouveaux besoins du marché et recréera du dialogue social de proximité. Bien sûr, il faut adapter la production en fonction des commandes et étendre la participation des salariés à la bonne marche de l'entreprise. Mais vous avez cité de nombreux accords d'entreprises qui ont été possibles dans le cadre de la loi actuelle !

Si nous partageons la philosophie du dialogue social à tous les niveaux, nous ne pensons pas que cette loi, dans le contexte actuel et vu le climat qu'elle a créé, sera de nature à créer des emplois et à réduire la précarisation croissante du salariat. Certes, certains employeurs peuvent utiliser à bon escient l'article 2...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Merci de le dire !

M. Jean Desessard.  - Mais dans les entreprises où les organisations syndicales sont faibles, certains patrons utiliseront la loi - et d'abord l'article 2  - pour imposer aux salariés les conditions les plus dures. Dans un contexte de compétition internationale, répondre sur le terrain de l'aménagement des salaires et des conditions de travail, c'est cela le moins disant social, la régression sociale !

La droite sénatoriale assume : si l'on veut rester compétitif, il faut supprimer le verrou des 35 heures, donner davantage de pouvoir au chef d'entreprise, supprimer toutes les contraintes sociales. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Nous, nous croyons au partage du travail... (Exclamations à droite).

M. Charles Revet.  - Si ça marchait, ça se saurait !

M. Jean Desessard.  - Les conventions internationales ne doivent pas être basées sur la libre circulation des capitaux et des marchandises mais sur le respect des droits sociaux, des règles fiscales... et des clauses environnementales. Madame la ministre, vous assurez avoir prévu des garanties pour les salariés, quelques garde-fous pour ne pas aller aussi loin que la droite sénatoriale. Mais seront-ils maintenus en cas d'alternance ?

Utiliser le 49-3, n'est-ce pas prendre le risque de l'isolement politique, de la division syndicale en voulant imposer coûte que coûte ce texte ? Quel intérêt à faire adopter ce texte contre une partie de la gauche pour livrer clé en mains une réforme qu'une possible alternance politique ne manquera pas de durcir, pour plus de flexibilité ? Vous affaiblissez le mouvement syndical par une loi qui ne durera que le temps d'une campagne présidentielle...

Nous considérons que le modèle social français doit être défendu. Une loi Travail sur le dialogue social méritait une concertation, un consensus avec le monde syndical, une attention accrue. Il y avait des avancées : la garantie Jeunes, supprimée, le compte personnel d'activité, vidé de sa substance... La majorité sénatoriale a assoupli les critères de licenciement pour motif économique et rétabli le plafonnement des indemnités prud'homales. Le Sénat a abouti à un texte caricatural. Le groupe écologiste votera contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur certains bancs du groupe socialiste et républicain ; exclamations à droite)

M. Jean Louis Masson .  - Depuis deux mois, la vie des Français est pourrie par la collusion des casseurs gauchistes et d'un syndicat qui en est encore à la lutte des classes. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur les bancs groupe communiste républicain et citoyen). L'ancien président Nicolas Sarkozy a eu raison de dénoncer la chienlit créée par la CGT et les extrémistes de tout poil. On ne peut plus accepter que 7 % de grévistes à la SNCF ou à Air France paralysent le trafic.

M. Patrick Abate.  - Il faut les fusiller ! (Sourires)

M. Jean Louis Masson.  - Vu les menaces d'attentats islamistes, la police a mieux à faire que de surveiller des manifestations truffées de casseurs. Quant à l'image de la France, je préfère ne pas en parler...

Mme Éliane Assassi.  - Ça vaut mieux !

M. Jean Louis Masson.  - Cette réforme du code du travail est l'un des rares textes à aller dans le bon sens depuis 2012. Même si elle a été vidée de son contenu, elle montre que nos dirigeants commencent à prendre conscience de certaines réalités. C'est pourquoi je regrette que la droite parlementaire n'ait pas davantage soutenu le Gouvernement face à ce syndicat qui ne représente qu'une infime proportion des salariés : nous n'avons pas à nous faire dicter la loi par un syndicat fossilisé dans l'archaïsme ! (On s'amuse sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen).

L'exercice du droit de grève doit être adapté au XXIe siècle.

Mme Éliane Assassi.  - Parlez plutôt de la loi !

M. Jean Louis Masson.  - On ne peut plus accepter que le pays soit ainsi paralysé, d'autant que les grévistes les plus virulents ne sont pas les plus malheureux... Le statut à la SNCF ou à EDF est plutôt avantageux, les contrôleurs aériens ou les pilotes d'Air France sont de super-privilégiés.

Mme Éliane Assassi.  - Et vous, vous êtes quoi ?

M. Jean Louis Masson.  - Une réforme du droit de grève est indispensable pour élargir le principe du service minimum et éviter que ceux qui contrôlent un secteur clé profitent de la situation, au détriment de l'intérêt général. Cette loi a le mérite d'avoir mis en évidence les abus de certains syndicats, fossilisés dans le passé. Je soutiendrai le texte, amélioré par la Sénat, qui va dans le bon sens.

M. Michel Amiel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Après un long débat autour de ce projet de loi qui a focalisé toutes les attentions dans un climat délétère, était-il opportun, en fin de quinquennat, de présenter une telle réforme, qui méritait un débat plus serein et orienté ?

Avec mes collègues du RDSE, nous saluons la qualité des échanges, permettant à chacun de dire ses positions et ses convictions, toujours dans le respect, l'écoute et l'échange. Nous nous félicitons surtout que le débat ait pu avoir lieu dans notre Haute assemblée - c'est un signal fort adressé à tous ceux qui remettent en cause le bicamérisme. Tant qu'il y aura un article 49-3 dans la Constitution, le Sénat garantira la tenue d'un débat démocratique et transparent ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC et Les Républicains)

Nous avons ainsi fait oeuvre utile, pour sortir des caricatures et des raccourcis que nous entendons à l'extérieur. Certains dénoncent un retour au XIXe siècle, un texte favorisant les licenciements, menaçant les conditions de travail... Encore faut-il l'avoir lu !

Mme Éliane Assassi.  - On ne vous a pas beaucoup vu en séance...

M. Michel Amiel.  - En réalité, il donne plus de place au dialogue social, prolongeant l'oeuvre des lois Auroux qui ont permis aux accords collectifs de déroger à la loi. Dans un contexte économique dégradé, de chômage élevé et de recours croissant aux CDD, assouplissons le droit du travail pour l'adapter au temps présent ! Tenons compte du réel, oublions les dogmatismes et l'idéologie, faisons preuve d'efficacité, guidée par le pragmatisme et le bon sens.

Pour autant, le texte du Sénat n'est pas totalement satisfaisant. La majorité a refusé de porter à 50 % le seuil de représentativité syndicale nécessaire à l'accord d'entreprise. Elle a dénaturé l'article 11 en établissant un dispositif unique pour les accords de préservation et de développement de l'emploi. Elle a supprimé la généralisation de la garantie Jeunes, qui s'adressait aux plus vulnérables, instauré une sorte de rescrit social, limité au territoire national le périmètre pour apprécier la situation économique d'une entreprise, encadré les barèmes prud'homaux.

Les sénateurs RDSE se félicitent de l'adoption de plusieurs de nos amendements : un amendement de Françoise Laborde qui inscrit le principe de neutralité dans le règlement intérieur, un qui étend le bénéfice du congé en cas de décès du concubin, un autre sur les contrats intermittents pour l'emploi de saisonniers.

Nous ne pouvons engager une véritable réforme de la médecine du travail au détour d'un texte consacré uniquement au travail, sans concertation.

En définitive, trop de mesures relèvent de l'idéologie ; aussi, à l'exception de l'un d'entre nous, nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ainsi que sur quelques autres bancs à gauche)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous voici enfin au terme de ce débat, où nous aurons, en deux semaines, atteint des records - en particulier celui de 160 scrutins publics, dont 52 le 16 juin, sur l'article 2.

Le Sénat a simplifié l'intitulé et reconstruit un texte qui consolide la logique de souplesse qui s'impose aujourd'hui. Il y a urgence, les chiffres du chômage nous le rappellent. La majorité sénatoriale a travaillé dans un esprit de responsabilité, sans dogmatisme, observant avec sérénité les passes d'arme entre familles de la gauche.

Ce texte est une véritable réforme. Les débats ont montré qu'une conception différente de l'entreprise et des rapports humains nous sépare, droite et gauche.

Le texte du Sénat serait prétendument ultralibéral - terme que vous employez volontiers pour jeter l'opprobre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous avons simplement une autre vision de l'entreprise, qui est pour nous source de création de richesses, richesses que nous voulons partager. Pas plus que pour la révision constitutionnelle, la manoeuvre n'a pas fonctionné.

Notre texte reprend largement des propositions que vous aviez formulées vous-mêmes. La gauche n'est pas devenue ultralibérale pour autant ! Nous proposons une vraie réforme, pour sortir d'un carcan juridique qui décourage l'embauche. L'avant-projet de loi, inspiré du rapport Combrexelle, montrait une inflexion socio-libérale. Certains de vos amis n'y sont pas prêts. Les bonnes intentions se sont diluées dans les affrontements internes d'une gauche conservatrice, et ne reste des mesures phares que l'article 2, qui entretient le bras de fer avec la CGT.

Vous n'aurez mis qu'un pied dans le XXIe siècle, pour le retirer précipitamment. Nous vous proposons d'y revenir avec nous. Quitte à recourir au 49-3, autant que ce soit pour faire une réforme ambitieuse et nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

L'économie française a raté le train de la reprise pour n'avoir pas su prendre celui de la réforme.

Outre la mesure phare qu'est l'article 2, nous avons aussi rétabli le plafonnement de l'indemnité prud'homale, la prise en compte du périmètre national, le forfait jours sans accord collectif, l'augmentation de la durée de travail des apprentis à quarante heures, la clôture du CPA au moment de la retraite, la dérogation au repos quotidien de onze heures.

Cependant, les reculs du Gouvernement dénaturaient l'esprit du texte et allaient contre l'objectif de simplification. Partis d'une ambition réformatrice, vous alourdissiez in fine le droit du travail ! C'est pourquoi nous avons supprimé de nombreuses mesures, comme le compte engagement citoyen...

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas de quoi être fier !

M. Alain Milon.  - ...et la généralisation de la garantie Jeunes, simplifié le compte pénibilité, encadré l'augmentation des heures de délégation, rendu facultatif le mandatement syndical pour les TPE-PME, rehaussé les seuils sociaux, assoupli le recours aux CDD, mis fin aux 35 heures, mis en place un rescrit social dans le droit du travail, entre autres. Nous avons également refondu le dispositif de l'apprentissage et réduit le forfait social pour favoriser l'intéressement.

L'avant-projet de loi montre que vous aviez conscience de la situation. Malheureusement, le texte initial a heurté une partie de la gauche. Nous avons deux conceptions opposées de l'entreprise et des rapports sociaux.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Quel manichéisme !

M. Alain Milon.  - Il faut partir de la base, non de la superstructure. Cela correspond d'ailleurs aux nouvelles formes de management.

Nous voyons l'entreprise comme un lieu de création de richesses, que nous proposons de partager par la participation et l'intéressement. Comme l'a écrit Voltaire « Les progrès de la raison sont lents, et les raisons des préjugés, profonds » ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Jean-Marc Gabouty .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Notre commission des affaires sociales a donné une véritable ambition réformatrice à ce projet de loi que le Premier ministre voulait révolutionnaire. Après un parcours mouvementé, voire chaotique, après une contestation populaire largement due à une concertation et une pédagogie défaillantes, la sérénité du débat sénatorial - à laquelle la ministre n'est pas étrangère - a permis de trouver, entre l'idéal et le possible, le chemin du pragmatisme.

Le projet de loi permettra à nos entreprises de s'adapter, de créer plus de richesses et d'emplois dans un contexte mondial de concurrence exacerbée. Les approches sociales et économiques sont indissociables : c'est dans ce sens que nous avons travaillé.

Notre commission s'est fondée sur quatre principes : simplicité, souplesse, réactivité et efficacité.

La simplicité s'est traduite par la suppression de dispositions inopérantes, voire nocives : rapports trop nombreux, mesures inabouties, comme l'ébauche de responsabilité sociale des plateformes de mise en relation électroniques, l'instauration d'instances de dialogue social dans les réseaux de franchise ou le compte d'engagement citoyen.

La souplesse se manifeste en particulier à l'article 2 - sur la fixation du temps de travail hebdomadaire de référence, dans les modalités de négociation, dans l'application des accords d'entreprises, sachant que les accords de branche s'appliqueront, par leur caractère supplétif, au plus grand nombre des PME et TPE. À moins que les partenaires sociaux ne s'emparent des accords-types de branche, très pertinents.

La réactivité découle de la réduction des délais de mise en oeuvre, de recours ou de jugement. Le rescrit social, imaginé par notre délégation aux entreprises, sécurisera les initiatives dans le cadre de relations sociales plus apaisées.

L'efficacité consiste à vérifier que le texte répond aux attentes des partenaires sociaux et s'applique concrètement. Certains voulaient le durcir, d'autres l'assouplir. L'approche idéologique n'est pas celle du groupe UDI-UC ni de la majorité sénatoriale. Nous avons cherché l'équilibre entre les intérêts des salariés et ceux des entreprises, pour réduire le chômage. Nous avons conforté le principe de la visite médicale d'embauche, demandé une réforme de la formation des médecins du travail. Nous avons accru l'intéressement des salariés aux résultats des entreprises. Des mesures pour l'apprentissage et l'insertion des travailleurs handicapés ont été adoptées. Enfin, nous avons renforcé le dispositif de lutte contre le détachement illégal de travailleurs.

Je salue les contributions de nos collègues centristes, notamment Mme Billon et MM. Vanlerenberghe et Cadic, et pour Les Républicains, Mmes Deroche, Lamure et Gruny. J'espère que le Gouvernement retiendra le plus grand nombre possible de nos propositions et invite tous nos collègues à soutenir et à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

M. Dominique Watrin .  - Ce projet de loi de « modernisation du code du travail » est le frère siamois du projet de loi sur les nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises » : derrière les apparences, se fait jour « l'accord profond entre la majorité gouvernementale et la majorité sénatoriale sur la philosophie même du texte », pour reprendre les termes mêmes de notre rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne !

Le Premier ministre a beau s'exclamer « Au secours, la droite revient », nous ne sommes pas dupes du jeu de rôle entre le méchant - la droite - qui veut supprimer les 35 heures, et le gentil - la gauche -, qui baisse la rémunération des heures supplémentaires !

Tant le Gouvernement que la droite veulent supprimer le principe de faveur et inverser la hiérarchie des normes. La majorité sénatoriale, loin de supprimer l'article 2, prend appui dessus pour durcir encore le texte. Tout cela était annoncé. Il n'y a guère que Mme Bricq pour croire à un clivage entre droite sénatoriale et gauche gouvernementale ! (Rires sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC et communiste républicain et citoyen)

La réalité, c'est que vous menez la gauche au désastre, faibles avec la droite, virulents contre la CGT et les millions de Français qui sont plus de 60 % à en demander le retrait. Le Gouvernement est aux abois, obligé de recourir au 49-3, de négocier avec une seule organisation syndicale, alors que la CGT représente la majorité des salariés. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Suspendez donc votre projet de loi, madame la ministre, et acceptez la main tendue de la CGT ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains) Ouvrez enfin de vraies négociations !

La droite supprime les 35 heures, rétablit le plafonnement des indemnités aux prud'hommes, relève les seuils sociaux, supprime la garantie Jeunes, augmente le temps de travail des apprentis, y compris la nuit. C'est un projet de casse sociale, à laquelle le Gouvernement a préparé les esprits ! Regardez la réaction du patronat : il fait semblant d'être déçu mais se frotte les mains à l'idée de pouvoir licencier plus facilement et s'adonner au dumping social ! Le rêve du patronat européen se réalise avec les articles 2, 3, 10, 11 et 30.

Merci aux 47 sénateurs et sénatrices qui ont voté contre l'élargissement des licenciements économiques, vote inédit depuis 2012.

Madame la ministre, vous ne pourrez vous cacher derrière le CPA pour faire avaler ces pilules.

La CGT a révélé qu'on aurait demandé aux inspecteurs du travail d'éviter les contrôles durant les matches de foot et d'être souples dans l'attribution des dérogations au repos dominical. Un avant-goût d'une application au cas par cas ! Où est le principe d'égalité entre les salariés ?

Malgré le vote pour le Brexit, vous suivez Jean-Claude Juncker, qui salue dans l'article 2 « un geste législatif approprié ». Qui décide du code du travail ? Les représentants du peuple ou les ultralibéraux de Bruxelles ? Le Conseil européen a sommé la France de laisser plus de latitude aux entreprises pour adapter les salaires et le temps de travail à leur situation économique, bref, de déroger davantage à la durée légale des 35 heures. Nous refusons ce projet régressif car nous restons fidèles aux valeurs de la gauche. Nous privilégions l'intérêt collectif, celui des PME qui redoutent un dumping social.

Comme le disait Léon Blum, j'affirme « notre résolution à rechercher dans des voies nouvelles des remèdes à la crise ». Voilà le sens de nos quelque 400 amendements que vous avez repoussés par scrutin public, dans un hémicycle souvent déserté par la droite !

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Dominique Watrin.  - Ils dessinaient une autre approche, face à la toute-puissance de l'argent.

C'est au nom de cette gauche diverse, intransigeante mais si moderne (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains) que nous voterons contre cette loi, aux antipodes du progrès social et de l'efficacité économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Nicole Bricq .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) La majorité sénatoriale avait annoncé qu'elle réécrirait le texte, elle l'a dénaturé ! (Protestations à droite) Elle n'est pas remontée à la première version du texte, mais beaucoup plus loin, jusqu'aux lois de 1982, en passant par celles de 1998, de 2000, de 2013, de 2015 ! Pourquoi ? Dans votre vision binaire, vous nous contestez le droit et la légitimité de nous occuper de l'entreprise comme d'un collectif humain ! D'un côté les partageurs, de l'autre les entrepreneurs... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations à droite)

Le nouvel intitulé ? « Loi de modernisation du droit du travail ». Vu le contenu du texte, cette modernité n'est pas synonyme de progrès !

M. Didier Guillaume.  - C'est une régression !

Mme Nicole Bricq.  - En pleine campagne des primaires, il vous fallait montrer vos muscles, afficher vos prises de guerre. Étiez-vous obligés de mettre à bas le plancher de 24 heures pour le temps partiel ? (On le revendique sur les bancs du groupe Les Républicains). Non seulement vous revenez sur la loi de 2013, mais aussi sur un accord national interprofessionnel. J'escompte que vous ne nous ferez plus de leçons sur le respect du dialogue social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Ce sont les femmes qui travaillent le plus à temps partiel, qui forment les gros bataillons des travailleurs pauvres. Vous avez refusé toutes les propositions de la délégation aux droits des femmes. Vous n'aimez pas les femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; huées à droite)

Vous manquez de sincérité quand vous supprimez la règle de l'accord majoritaire à l'article 10. Pour le recours au référendum, vous donnez l'avantage à l'employeur. Le texte s'en trouve déséquilibré.

On voit bien votre défiance vis-à-vis des organisations syndicales. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Cela ne va dans le sens ni de la reconnaissance du fait syndical, ni de l'intérêt bien compris des entrepreneurs, qui ont tout intérêt à dialoguer avec des organisations représentatives et légitimes. Défiance également quand vous supprimez les 20 % supplémentaires des délégations horaires des représentants syndicaux. Certains candidats à la primaire vont plus loin encore ! Pourtant, il faut bien accorder une contrepartie aux délégués qui vont négocier ces accords...

Heureusement, nous avons échappé à un amendement du président Retailleau qui supprimait le monopole syndical lors des élections professionnelles. Il n'a pas été adopté, mais qui nous prémunit contre sa concrétisation si vous revenez aux responsabilités ?

Tout cela prouve que nous ne partagez pas les fondamentaux de ce projet de loi. Vous regardez trop dans le rétroviseur ! Vous êtes encore revenus, pour la troisième fois, sur le droit d'information des salariés en cas de reprise d'une société.

Puisque vous êtes si modernes, on aurait pu espérer de votre part une appétence pour l'accompagnement Du tout : vous refusez la généralisation de la garantie Jeunes, pourtant déjà expérimentée dans 70 départements, que vous considérez comme une mesure d'assistance - alors qu'elle est assortie de réelles contreparties.

Vous refusez le droit à la déconnexion, la responsabilité des plateformes, le compte d'engagement citoyen. Pourtant, il n'y a pas que l'activité marchande : l'engagement citoyen dans des associations participe du renforcement de la cohésion sociale. La ministre veut engager des négociations sur le télétravail ? Vous n'en voulez pas. Vous refusez la reconduction du contrat de travail des saisonniers, la prise en compte de leur ancienneté et leur droit à la formation.

L'innovation sociale vous fait peur ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous considérez superflus, incongrus mêmes, tous les droits nouveaux sécurisant les parcours. C'est confondant. Nous le refusons et l'exprimerons en votant contre ce texte ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Il va être procédé au scrutin public solennel en salle des Conférences.

La séance, suspendue à 17 h 55, reprend à 18 h 20.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°404 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 185
Contre 156

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

Intervention du Gouvernement

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.  - (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain) Le travail de la commission des affaires sociales, quatre-vingts heures de débat - marqué par un nombre record de scrutins publics - nous ont permis d'aller au fond, loin des caricatures, de débattre, d'échanger des arguments, au coeur des dispositions précises de ce projet : merci à vos rapporteurs, à chacun d'entre vous, aux services. Il y a eu de l'écoute, des discussions - oui, monsieur Desessard, j'aime argumenter - nos échanges ont permis de dépasser les postures et les caricatures, c'est l'essentiel, c'est important pour moi et je vous en remercie.

Restent des désaccords, ce qui est sain dans une démocratie. Je suis lucide sur le diagnostic, celui du potentiel des salariés, des entrepreneurs mais aussi les difficultés et les contournements de notre droit ; le Gouvernement choisit le progressisme négocié, l'accord majoritaire suppose le consensus. Un autre projet de société vient cependant d'être voté, celui d'un monde sans syndicat, avec une durée plus longue du travail. Je revendique mon texte à 200 %, mais sur ses deux jambes : la souplesse et la régulation.

Je ne veux pas du statu quo, ni de l'ultralibéralisme : je serai tenace, pour mener ce texte jusqu'au bout ! (La plupart des sénatrices et des sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement)

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation du droit du travail.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 23 juin 2016 prennent effet.

La séance est suspendue à 18 h 25.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

Secrétaires : M. Christian Cambon, M. Claude Haut.

La séance reprend à 18 h 30.