Prescription en matière pénale

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale.

Discussion générale

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Portalis donnait cette définition de la loi : « Les lois ne sont pas des actes de puissance, ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison ».

Les règles de prescription sont la clé de voûte de notre justice. Devenues inadaptées aux attentes de la société et aux besoins des juges, incohérentes et donc contraires au principe de sécurité juridique, elles doivent être mises à jour.

En 2010, MM. Hyest, Yung et Portelli déposaient un rapport juste et mesuré sur ce sujet ; leurs préconisations étaient traduites dans la loi de 2008, en matière civile.

En matière pénale, les députés Georges Fenech et Alain Tourret, faisant fi de leurs appartenances partisanes, ont poursuivi cette réflexion au cours d'une mission d'information qui a débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Saisi par le président de l'Assemblée nationale, le Conseil d'État a entièrement validé ce texte sur le fond, et l'Assemblée nationale l'a adopté à l'unanimité le 10 mars dernier, en réservant l'imprescriptibilité, comme le Gouvernement le voulait, aux crimes contre l'humanité.

Votre commission des lois a introduit un butoir pour éviter toute imprescriptibilité de fait et a modifié, à raison, la jurisprudence de la Cour de cassation sur les infractions occultes. Encore faut-il traiter la question des infractions dissimulées.

En 1772, Marie-Jeanne Riccoboni écrivait : « Une longue attente est un long supplice ». Le temps ne peut pas devenir l'ennemi de la justice. ?uvrons ensemble en adoptant cette loi de sagesse, de raison et de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - Le 2 juin dernier, notre commission des lois avait voté le renvoi du texte en commission. Nous avions besoin de temps, notamment pour approfondir la question des crimes commis sur mineurs. Ce délai a été mis à profit.

Notre commission accepte le doublement des délais de prescription des délits et des crimes, que MM. Hyest, Yung, Portelli préconisaient dans leur rapport en 2007. En revanche, elle refuse le dispositif proposé d'imprescriptibilité des crimes de guerre connexes aux crimes contre l'humanité et rappelle la spécificité des crimes contre l'humanité, les seuls à pouvoir être imprescriptibles.

Dans un arrêt du 22 octobre 1996, la Cour européenne des droits de l'homme soulignait la nécessité de la prescription, dont les fondements sont solides : droit à un procès équitable, droit à être jugé dans un délai raisonnable. Il s'agit en particulier de garantir la sécurité juridique, de protéger contre des plaintes tardives qui seraient difficiles à contrer, et d'empêcher l'injustice qui pourrait survenir en cas de dépérissement des preuves.

C'est dans cette philosophie que nous avons introduit une date butoir pour les infractions occultes et retiré de la liste des actes interruptifs les plaintes simples au commissariat.

La question de la prescription des crimes sur mineurs n'est pas simple à trancher. Nous avons auditionné de nombreux spécialistes dont Violaine Guérin, spécialiste de l'amnésie traumatique, et Caroline Rey-Salmon, chef de l'unité médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu. Une seule vérité en la matière : il faut éviter à tout prix l'imprescriptibilité. Ce qui a emporté ma conviction a été la difficulté, dont les magistrats ont témoigné, de rapporter les preuves après tant de temps et l'expérience que nous ont décrite les médecins. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Pour nous, doubler les délais de la prescription, c'est tourner le dos au pardon social et au droit à l'oubli. Les évolutions technologiques n'empêchent pas le dépérissement des preuves. Au plan psychologique, des poursuites tardives peuvent réactiver les troubles chez des victimes - des règles spécifiques s'appliquent pour les crimes sur mineurs. Malgré cela, ceux-ci sont souvent évoqués pour justifier un allongement de la prescription. Mais prendre les choses sous l'angle émotionnel n'est pas la bonne solution. Mieux vaudrait faciliter le dépôt de plainte, contrer les discours de banalisation, financer des dispositifs pour libérer la parole et faire sortir les victimes de l'emprise, favoriser la prévention.

Le groupe CRC est pour le droit à être jugé dans un temps raisonnable car la peine est là pour punir mais aussi pour réinsérer. Pour une justice plus rapide, rien ne sert d'allonger les délais ; il faudrait des moyens supplémentaires dans les tribunaux.

Si notre commission des lois a effectué un bon travail, le groupe CRC ne peut pas voter un texte sécuritaire qui va à l'encontre de sa vision humaniste du droit pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur ceux du RDSE)

M. Jacques Mézard .  - En ce jour assez noir pour la justice et les magistrats de ce pays, est-il opportun d'en rajouter ? J'ai eu souvent l'occasion de dire mon opposition à cette manière de modifier par à-coups notre législation pénale. Malgré tout le respect que j'ai pour les auteurs de cette proposition de loi et le travail du rapporteur, je ne pourrai pas voter ce texte, de même que la grande majorité de mon groupe RDSE.

Jean de La Bruyère écrivait : « Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers à se plaindre de sa brièveté ». Et le professeur Bouloc : « Au bout d'un certain temps, mieux vaut oublier l'infraction que d'en raviver le souvenir ».

Nous pouvons être sensibles aux demandes des associations. Cependant, dans ma vie professionnelle, j'ai vu les dégâts que cause un procès tardif, tant pour les victimes que pour les auteurs des actes.

J'attendais de ce Gouvernement une grande réforme pénale, traitant de l'engagement des poursuites, du jugement, de l'exécution des peines. Ayons le courage de dire à nos concitoyens que la situation est difficile et que ce n'est pas en déjudiciarisant des procédures et en allongeant les délais de prescription qu'on l'améliorera.

Tout en reconnaissant la qualité du travail de notre rapporteur, nous ne pouvons pas soutenir un texte totalement contraire à notre vision de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ainsi que du groupe CRC)

M. Yves Détraigne .  - En juin, le renvoi en commission de ce texte était la seule option raisonnable : nous avons pu, depuis, approfondir ce sujet, qui touche au coeur de notre justice. Cependant, allonger les délais de prescription, est-ce l'urgence ? Quel en sera l'impact financier, alors que la justice manque déjà à ce point de moyens, que l'on doit remettre des délinquants en liberté ? Peut-être y a-t-il d'autres chantiers, en particulier celui de l'exécution des peines - il y va de la crédibilité de notre institution judiciaire. Dans un monde où tout s'accélère, où Internet menace le droit à l'oubli, celui-ci demeure un fondement du vivre ensemble. L'affaiblir déstabiliserait encore plus notre société. Si le progrès technique atténue peut-être le dépérissement des preuves, il permet aussi de les trouver plus vite, et ne suffit pas à justifier un allongement indéfini des délais de prescription.

Notre commission des lois a eu raison de s'attacher à éviter toute imprescriptibilité de droit ou de fait en refusant l'imprescriptibilité des crimes de guerre, ou encore en supprimant la plainte simple de la liste des actes interruptifs.

Le groupe UDI-UC votera ce texte, que la commission des lois a rendu plus équilibré, en espérant qu'il n'occultera pas d'autres chantiers.

M. Jean Desessard .  - Le renvoi en commission de ce texte en juin montre que la prescription n'est pas un aléa de procédure. Dès 2007, MM. Hyest, Yung et Portelli recommandaient l'allongement des délais de prescription. Concrètement, le droit a été modifié au fil des années pour les crimes contre l'humanité, les crimes sur mineurs, les crimes terroristes et les violences sexuelles. En 2006, le professeur Jean Danet se demandait si la prescription n'était plus qu'un signe ou si elle avait encore un sens. S'il nous appartient de rassurer les victimes, notre devoir de législateur est de maintenir la cohérence de notre droit et la sécurité juridique pour les auteurs comme pour les victimes. Un procès qui aboutit à un acquittement ou une relaxe, faute de preuves suffisantes, est vécu comme un déni de justice par les victimes.

Le syndicat de la magistrature l'observe à juste titre, « même en cas de déclaration de culpabilité, le procès qui intervient trop longtemps après les faits peut se terminer par une peine symbolique. Il ne pourra donc apaiser les souffrances de la victime car, si la société démocratique admet et réclame l'individualisation des peines, la victime ne peut la supporter ».

La majorité du groupe écologiste s'abstiendra sur ce texte. À notre sens, le grand débat que nous espérions n'a pas eu lieu. Le rapporteur n'a entendu que deux organisations de magistrats et une personnalité qualifiée durant le temps supplémentaire dont il a bénéficié. Surtout, ce texte ne sert ni le droit ni les victimes.

M. Jacques Bigot .  - Ce débat est l'occasion de revenir sur le rôle de notre justice pénale : elle n'est pas là pour protéger les victimes et les indemniser, mais pour sanctionner des comportements socialement inacceptables, y compris économiques.

La prescription pénale est faite parce que la société considère avec plus de bienveillance des faits anciens commis par des personnes arrivées au grand âge, et surtout parce que la capacité de la justice à administrer des preuves s'amenuise avec le temps.

Il n'empêche, nous devons nous adapter à notre temps, en allongeant les délais de prescription. L'exemple européen ainsi que l'évolution des techniques de preuves nous y poussent de même que la population. Celle-ci ne peut pas entendre que l'on renonce à poursuivre un délit après si peu de temps. Après le travail de notre rapporteur, nous pouvons espérer un vote majoritaire dans notre assemblée sur ce texte de progrès pour la justice.

Sur les infractions occultes, les actes interruptifs, comme sur les crimes de guerre, j'espère que l'Assemblée nationale nous suivra.

Certains demandent l'imprescriptibilité des violences sexuelles commises sur les enfants mineurs en invoquant une « amnésie traumatique » qui reste à prouver, ou la nécessité de mettre les enfants à l'abri des auteurs de ces violences qui peuvent récidiver. Mais l'essentiel est d'enclencher le plus tôt possible les poursuites, non de juger tardivement !

Notre société change ; elle accepte désormais que l'on parle de l'inceste et des violences sexuelles. La parole se libère. N'oublions pas qu'une victime sortant d'un procès se soldant par un acquittement faute de preuves est encore plus victime et que le point de départ de la prescription, qui est de vingt ans dans ce cas, court à partir de la majorité. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Vial .  - Nos règles de prescription remontent au code d'instruction criminelle de 1808, mais plongent leurs racines jusque dans le droit romain. L'évolution des techniques qui poussent à desserrer la contrainte des délais et la pression de l'opinion sur les violences sexuelles invitent à une réflexion approfondie sur son adoption.

Je salue le travail équilibré de notre collègue Buffet. Sans polémiquer sur les récents propos présidentiels, la justice ne doit pas juger plus vite mais mieux, comme le Parlement doit légiférer non pas plus vite mais mieux.

Conformément à la règle « contra non valentem agere », la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir. Les règles de la prescription sont devenues inadaptées aux attentes de la société et exigent un travail législatif qui fut entrepris dès 2007 avec la mission Hyest, Portelli et Yung.

L'allongement des délais de droit commun de la prescription se justifie, ce sera un alignement de notre droit sur celui de nos voisins européens.

L'imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l'humanité, la suppression d'un « ovni pénal » est bienvenue.

Les règles relatives aux délits occultes ou dissimulés sont clarifiées, conformément à la jurisprudence. Un délai butoir est aussi fixé pour éviter un allongement excessif. Nous ne pouvons en revanche accepter une définition trop vague des délits dissimulés.

Il nous est également apparu nécessaire de reconnaître le caractère interruptif de certaines plaintes et certains actes de poursuites. Mais il ne saurait en être de même des plaintes simples.

L'édit d'Aigues-Mortes de 1246 énonçait déjà le droit d'être jugé dans un délai d'un an... ce qui n'empêche pas la prescription d'être plus moderne qu'il n'y paraît ! (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Mézard.

Alinéas 2 à 10

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement maintient les délais actuels de prescription de l'action publique. Avant de doubler ces délais d'un claquement de doigts, il faut en évaluer les conséquences pour les justiciables et sur la cohérence globale de notre système pénal.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Houpert, Cadic, Médevielle et Cigolotti, Mmes Férat, Gatel et Létard, M. Bockel et Mme Billon.

I.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et à l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est imprescriptible.

II.  -  Alinéa 7

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

III.  -  Alinéa 8

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

trente

IV.  -  Alinéa 12

Supprimer les mots :

crimes et

Mme Chantal Jouanno.  - Nous avons amplement discuté du sujet en 2014, à l'occasion d'une proposition de loi de Mme Dini. Selon le Haut Conseil pour l'égalité, 84 000 femmes et 14 000 hommes sont chaque année victimes de viol et de tentatives de viol, or moins de 10 % sont dénoncés, et il en va de même lorsqu'ils sont commis sur des mineurs. L'amnésie post-traumatique est scientifiquement avérée : consultez donc l'association « Stop aux violences sexuelles ».

On peut se souvenir et souffrir de telles violences bien après l'âge de 38 ans, ce qui a conduit la Californie à les rendre imprescriptibles.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Houpert, Cadic, Médevielle, Cigolotti et Roche, Mmes Férat et Gatel, M. Bockel et Mmes Létard et Billon.

I.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et à l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers.

II.  -  Alinéa 7

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

III.  -  Alinéa 8

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

trente

Mme Chantal Jouanno.  - Amendement de repli, qui allonge à trente ans à compter de la majorité des victimes le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs. La proposition de loi, en l'état, ne fait plus aucune différence entre les crimes commis sur des majeurs et des mineurs.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, M. Botrel, Mme Campion, MM. Carvounas, Courteau et Duran, Mme E. Giraud, MM. Lalande et Masseret, Mme Perol-Dumont, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, M. F. Marc, Mme Génisson, M. D. Bailly et Mme Monier.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'action publique du délit mentionné à l'article 434-3 du code pénal, lorsqu'il est commis sur des mineurs, se prescrit par six années pour les délits et vingt années révolues pour les crimes à compter de la majorité de ces derniers.

M. Philippe Kaltenbach.  - Beaucoup trop de mineurs restent victimes de violences sexuelles, dont le souvenir peut ressurgir bien des années plus tard lorsque leurs propres enfants atteignent l'âge ou l'agression s'est produite : c'est l'amnésie traumatique. En 2014, le Sénat m'avait suivi - comme rapporteur de la proposition de loi Dini - pour allonger le délai de prescription de vingt à trente ans plutôt que de rendre ces crimes imprescriptibles.

Nous devons justice aux victimes. Même si les preuves sont difficiles à trouver, elles demandent à être entendues. Par parallélisme des formes, puisque nous allongeons le délai de droit commun, allongeons aussi celui-ci.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Tourenne, Courteau et Botrel, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier.

Alinéa 7

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

M. Philippe Kaltenbach.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Tourenne, Courteau et Botrel, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier.

Alinéa 8

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

trente

M. Philippe Kaltenbach.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'action publique des délits mentionnés à l'article 706-167 du présent code, lorsqu'ils sont punis de dix ans d'emprisonnement, ainsi que celle des délits mentionnés aux articles 706-16 et 706-26 du même code et au livre IV bis du code pénal se prescrivent par vingt années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°17 rectifié à l'amendement n°13 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 13, alinéa 3

Remplacer la référence :

et 706-26 du même code

par les mots :

du présent code, à l'exclusion de ceux définis aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du code pénal, et 706-26 du présent code

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Ce sous-amendement écarte l'application des délais de prescription allongés en matière terroriste aux délits d'apologie du terrorisme, de consultation habituelle de site terroriste et d'entrave au blocage de ces sites.

D'une moindre gravité et sans lien direct avec la réalisation d'un acte terroriste, ces infractions ont en effet déjà un régime répressif distinct des autres.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 9-1 A. - Le délai de prescription de l'action publique des crimes et délits mentionnés à l'article 706-47 et aux articles 222-10 et 222-12 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur un mineur, court à compter de la majorité de ce dernier.

« Le délai de prescription de l'action publique du crime prévu à l'article 214-2 du même code, lorsqu'il a conduit à la naissance d'un enfant, court à compter de la majorité de ce dernier.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier et Tasca, M. Botrel, Mme Lepage, MM. Duran, Tourenne et Courteau, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, M. F. Marc, Mme Génisson, M. D. Bailly et Mme Monier.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce délai de prescription est de trente années révolues.

M. Philippe Kaltenbach.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°9, qui refuse l'allongement des délais de prescription.

Avis défavorable à l'amendement nos6 rectifié bis et 7 rectifié bis. L'imprescriptibilité, sauf crimes contre l'humanité, n'est pas souhaitable.

Quant au choix entre vingt et trente ans, il nous a été dicté par nos ambitions. Un procès trop tardif peut être ravageur pour les victimes. Je comprends mal l'amendement n°1 rectifié quater, car le délit de non-dénonciation des délits sur mineurs existe déjà - à l'article 434-3 du code pénal. Avis défavorable.

Avis défavorable à l'amendement n°5 rectifié quater, dix ans à compter de la majorité, cela suffit.

Avis défavorable à l'amendement n°4 rectifié quater.

Avis favorable au sous-amendement n°17 rectifié.

Avis défavorable à l'amendement 3 rectifié quater.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le Gouvernement partage ces avis. Il est défavorable à l'amendement n°9, les progrès accomplis dans la conservation des preuves nécessitant de revoir les délais. Avis défavorable également aux suivants, sauf ceux du rapporteur, car les délais prévus suffisent.

M. Jacques Bigot.  - Je peux comprendre que certains considèrent que les crimes sur mineurs sont si graves qu'ils doivent être imprescriptibles, mais alors c'est tout le droit de la prescription qu'il faut revoir !

Contrairement à la proposition de loi de Mme Dini, celle-ci a une portée générale et clarifie les règles. S'opposer à ces amendements, ce n'est pas dire que les crimes sur mineurs ne sont pas des actes graves qu'il faut poursuivre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes).

Mme Chantal Jouanno.  - La Suisse, le Canada, l'État de Californie ont déclaré imprescriptibles les crimes sexuels sur mineurs, ils n'ont pas fait ce choix à la légère. Les auteurs de ces actes sont, à 90 %, des proches, ils ne seront donc pas révélés.

Enfin, comment comprendre que la France ne fasse plus de différence entre adultes et mineurs ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce texte a l'intérêt de clarifier et de codifier les règles jurisprudentielles. En revanche, le doublement des délais de prescription est dangereux pour la paix sociale. Le pardon est essentiel, si l'on veut qu'une société se projette vers l'avenir. Et des procès tardifs posent des problèmes techniques, car la mémoire s'étiole. Les nouvelles technologies, que l'on invoque, permettent d'aller plus vite, pourquoi allonger les délais ? L'allongement sera-t-il une mesure de confort ?

Ce sont des moyens qu'il faut à la justice. Allonger les délais, c'est risquer de rendre la justice plus lente, moins efficace. Je voterai l'amendement de M. Mézard.

M. Jean-François Longeot.  - Ne raisonnons pas seulement en juristes mais en êtres humains. Il faut voter l'allongement du délai à trente ans. (Mme Chantal Jouanno et M. Loïc Hervé applaudissent)

M. Philippe Kaltenbach.  - Je suis déçu, le Sénat m'ayant suivi en 2014 et j'avais pensé convaincre le rapporteur, puisqu'il avait lui-même un amendement pour prolonger le délai à trente ans. Un prédateur sexuel recommence, tout doit être fait pour l'arrêter. Pensons aux victimes traumatisées pour toute leur vie. L'amnésie traumatique prend fin, bien souvent, après 40 ans ; allonger le délai à trente ans, c'est adresser aux victimes un signe.

M. François Pillet.  - La prescription, c'est faire que l'ordre public ne soit pas de nouveau troublé lorsque le temps l'a apaisé.

C'est aussi protéger la justice des erreurs qu'elle peut commettre à cause de l'érosion et de la mauvaise qualité des preuves.

À la fin d'une session d'assises, une victime reste une victime. Au cours de ma vie professionnelle, j'ai reçu de telles victimes. Après quinze ans, vingt ans, impossible de prouver ce qu'elles ont subi ! Les assises doivent-elles participer à leur guérison ? Non, parce que la justice n'est pas thérapeutique et parce qu'un acquittement faute de preuves rouvre une cicatrice, une blessure impérissable qui laisse les victimes plus meurtries que jamais. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Marc Laménie.  - Je me rallierai à la position de la commission des lois. Cependant, nous serons confrontés à des cas douloureux. N'oublions pas l'humain.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voterons l'amendement Mézard. Quant aux autres, attention à l'émotion, réelle, mais qui ne doit pas guider le législateur. Le procès doit garantir la justice à toutes les parties. Allonger indéfiniment les délais de prescription ne va pas dans ce sens.

Peut-être faut-il reprendre le dossier du choc traumatique. Mais vos amendements, madame Jouanno, ne règlent pas le problème.

M. Yves Détraigne.  - Rarement discutons-nous de sujets qui touchent ainsi à la conscience de chacun. Il n'y a pas de vérité absolue. Mais la commission des lois a accompli un travail de fond. Ne faisons pas remonter des affaires à la surface quand la société s'est apaisée. Certes, il y a des traumatismes qu'on n'oublie jamais. Mais l'ordre public exige la prescription.

M. Jacques Mézard.  - N'ayant pas été convaincu, je voterai mon amendement ! (Sourires)

Ce n'est pas parce qu'on est contre l'allongement des délais, qu'on ne pense pas aux victimes ! Car allonger les délais de prescription, ce n'est pas protéger les victimes. Songeons aussi à l'échelle des peines. S'attaquer à des mineurs est évidemment intolérable, tuer des gens aussi !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bien sûr !

M. Jacques Mézard.  - Nous faisons du mauvais travail législatif, qui aura des conséquences.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Personne ici ne manque d'humanité à l'égard des victimes, notamment mineures. Je me suis posé plusieurs questions : l'allongement des délais va-t-il améliorer l'administration de la justice et la vérité judiciaire ? Non, disent les spécialistes car les preuves ont presque toujours disparu après vingt ou trente ans.

Le procès a-t-il un rôle thérapeutique ?

Mme Chantal Jouanno.  - Personne n'a parlé de cela !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La question a été évoquée en audition. Or les experts médico-judiciaires sont formels : non, un procès tardif ne guérit pas les victimes. Ce qu'il faut, c'est les aider à porter plainte le plus tôt possible. C'est pourquoi j'ai considéré qu'il fallait maintenir le délai de vingt ans.

L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos6 rectifié bis, 7 rectifié bis, 1 rectifié quater, 5 rectifié quater et 4 rectifié quater.

Le sous-amendement n°17 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°13, sous-amendé.

L'amendement n°15 est adopté.

L'amendement n°3 rectifié quater devient sans objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a été commise.

II.  -  Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est dissimulée l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit la règle du point de départ différé de la prescription en cas d'infraction dissimulée, car il n'est pas souhaitable de ne retenir que l'hypothèse trop restrictive des infractions occultes par nature.

Ce serait un retour sur les avancées de la jurisprudence, s'agissant notamment de la délinquance financière.

Il retient la notion de délais butoirs, bienvenus, mais fixe ceux-ci à douze ans pour les délits et trente ans pour les crimes.

Nul doute que le Sénat ne souhaite pas voir s'interrompre certaines procédures en cours...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable, nous avons été convaincus.

L'amendement n°11 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 18

Remplacer le mot :

judiciaires

par le mot :

judiciaire

L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier et Tasca, M. Botrel, Mme Campion, MM. Carvounas, Courteau et Duran, Mme E. Giraud, M. Lalande, Mme Lepage, M. Masseret, Mme Perol-Dumont, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard et Tourenne, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article 434-3, après les mots : « de mauvais traitements ou », sont insérés les mots : « de crimes ou ».

M. Philippe Kaltenbach.  - Le droit pénal étant d'interprétation stricte, on ne peut considérer que le terme « agressions sexuelles » soit entendu comme un terme générique visant également le viol, qui est un crime. Il est pourtant évident que le législateur réprimant le fait de n'avoir pas dénoncé un délit, a également voulu réprimer, à plus forte raison, le fait de n'avoir pas dénoncé un viol ou tout autre crime sur mineur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, le crime de viol est défini au sein d'une section intitulée « Des agressions sexuelles » à l'article 222-2 du code pénal : vous avez satisfaction.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié quater est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 17

Remplacer le mot :

publique

par les mots :

de l'administration des douanes

L'amendement rédactionnel n°14, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié quater, présenté par MM. Pillet, Bouchet, Carle, César, Chaize, Chasseing, Cornu, Danesi et Delattre, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, M. Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Houel et Huré, Mmes Imbert et Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Leleux et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras, A. Marc et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Pinton, Reichardt et de Raincourt, Mme Troendlé, MM. Vasselle, Vaspart et Capo-Canellas, Mmes Gatel et Joissains, M. Roche et Mmes Tetuanui, Deseyne et Doineau.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le premier alinéa de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les infractions auront été commises par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d'une publication diffusée sur support papier, l'action publique et l'action civile se prescriront par une année révolue, selon les mêmes modalités. »

M. François Pillet.  - Je serai bref, cet amendement ayant déjà été adopté hier dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Il allonge la prescription des délits de presse de trois mois à un an, lorsque les faits sont commis sur Internet : c'est bien le moins qu'on puisse faire, car la diffamation est active longtemps sur Internet.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Mieux vaudrait le retirer, puisqu'il a déjà été adopté. (M. François Pillet le maintient)

M. Jacques Bigot.  - Ici, nous sommes tout près d'un accord avec l'Assemblée nationale. Cet amendement risque d'empêcher un vote conforme... La justice est lente, attention à ne pas la ralentir encore en ne prenant pas des mesures utiles !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est ici un meilleur véhicule législatif, et un accord est en bonne voie avec l'Assemblée nationale.

L'amendement n°8 rectifié quater est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Tout en consacrant la jurisprudence sur le point de départ différé de la prescription pour les infractions occultes ou dissimulées, la proposition de loi prévoit un délai butoir maximum de douze ans pour les délits et trente ans pour les crimes, qui ne résulte pas de la jurisprudence actuelle.

Il convient dès lors de préciser dans une disposition transitoire expresse que ces dispositions ne pourront pas conduire à la prescription d'infractions pour lesquelles l'action publique a déjà été valablement mise en mouvement, dans des hypothèses où, pour des infractions occultes ou dissimulées, les poursuites auraient été engagées plus de douze ou trente ans après les faits.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°12 est adopté, et l'article 4 est rétabli.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux paragraphes ainsi rédigés :

I.  -  Après les mots : « résultant de », la fin du premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « la loi n°          du           portant réforme de la prescription en matière pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

I. bis  -  Après les mots : « résultant de », la fin de l'article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « la loi n° du portant réforme de la prescription en matière pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

II.  -  Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux paragraphes ainsi rédigés :

III.  -  Le III de l'article 3 et l'article 4 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

IV.  -  Le IV de l'article 3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy.

L'amendement rédactionnel n°18 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Intervention sur l'ensemble

M. Antoine Lefèvre .  - Auteur d'une proposition de loi de même ordre en 2010, je ne peux que me réjouir de l'adoption de celle-ci.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.