Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Merci d'être attentifs à deux choses : une évidence, le respect des uns et des autres et, ce qui nécessite un peu de volonté, le respect du temps.

Retour des djihadistes

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, le retour des djihadistes est un sujet d'inquiétude : nous ne les avons pas vraiment vu partir, les verrons-nous revenir ? Les femmes présentent un danger à peu près équivalent aux hommes. Quant aux enfants, leur prise en charge doit être assurée en fonction de leur âge ; plusieurs traumatologues évoquent un fort potentiel de dangerosité à terme.

Aucune politique de déradicalisation ne semble convaincante, ni en France ni à l'étranger. Pourtant, nous ne pouvons pas nous contenter ni de colloques, ni de forums, ni de rapports. Les détentions ne seront pas éternelles.

Quels éléments concrets pouvez-vous nous donner pour répondre à notre inquiétude ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le Gouvernement porte une attention particulière à ce problème. Les accords Cazeneuve passés avec la Turquie nous permettent un regard attentif sur celles et ceux qui reviennent du théâtre de guerre irako-syrien. Plus de 240 majeurs et 50 mineurs, dont la plupart ont moins de 12 ans, sont revenus depuis 2012 sur le sol français. Le traitement judiciaire est systématique, retenant une qualification de nature criminelle. Le procureur de la République de Paris a la charge de cette question.

Depuis 2015, le placement en garde en vue est systématique pour les femmes, les hommes et les quelques mineurs combattants. Après la garde à vue, le juge des libertés et de la détention peut décider d'une incarcération. Actuellement, plus de 130 sont en prison. Quant aux autres, ceux en liberté, ils font tous l'objet d'un suivi administratif par la DGSI ou d'un suivi socio-judiciaire. Le problème est parfaitement pris en charge aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; marques de doute à droite)

M. Jacques Grosperrin.  - Si vous le dites !

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne doute pas de la bonne foi de ce Gouvernement ni du précédent pas plus que de celle du Parlement qui a largement voté les lois antiterroristes ces deux dernières années. Reste que Frontex fonctionne mal, nous avons besoin de moyens. Nous ne pourrons pas nous en sortir autrement qu'en confortant nos frontières. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Travailleurs détachés

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Lundi dernier, les ministres des affaires sociales de l'Europe ont adopté la révision historique de la directive des travailleurs détachés ; c'était la volonté du président de la République, qui a convaincu ses homologues après un long tour des capitales européennes.

Nos travailleurs seront mieux protégés.

M. Jacques Grosperrin.  - Dans combien de temps ?

M. François Patriat.  - Les salariés seront payés au tarif du pays où ils travaillent, la fraude sera mieux contrôlée, la durée du détachement n'excèdera pas un an au lieu de deux ans et en plus il y aura des progrès dans le domaine routier qui relève de la directive. Comment voyez-vous la suite de cette décision historique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je salue le travail de Mmes Pénicaud et Loiseau qui ont parcouru de manière incessante les capitales européennes pour expliquer la position française. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Il y a trois ans, la situation n'était pas satisfaisante ; aucun parlementaire ne se serait levé pour dire que cette directive était une bonne directive. Il y a un peu plus d'un an, lorsque la Commission européenne a déposé sa proposition sur la table, peu pensait que l'on parviendrait à la modifier. Lundi dernier, après que des partenaires inattendus, à l'Est, se sont ralliés, nous avons obtenu un accord.

La situation n'est pas parfaite mais elle est meilleure qu'hier. (On en doute sur les bancs du groupe CRCE.)

M. André Gattolin.  - Oui, elle est bien meilleure !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Il reste du travail car la Commission a pris une position différente qui paraît pouvoir être rapidement rapprochée par la discussion en trilogue. Je le souhaite car, pour tous les travailleurs européens, ce texte sera plus protecteur. Il s'applique aux travailleurs des transports mais, compte tenu de leurs spécificités évidentes car ils sont par nature mobiles, des précisions sur les contrôles doivent être apportées.

Ce qui a prévalu, c'est une méthode : la constitution d'une majorité par un travail très fin sans jamais jouer l'opposition mortifère entre l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est. Cela est précieux pour l'avenir de ce texte et pour l'avenir de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Territoires à énergie positive

M. Raymond Vall .  - En 2014, le ministère de l'environnement a lancé le programme Territoires à énergie positive pour territorialiser la politique pour la croissance verte : 544 territoires ont été labellisés, 15 000 communes ont été impliquées représentant 40 millions d'habitants. Le bilan dressé en avril 2017 est très positif : multiplication par trois des investissements réalisés par les collectivités grâce au fonds, 800 000 tonnes de CO2 économisées 1,4 million de foyers équipés en énergie renouvelable, 3 500 véhicules hybrides ou électriques, 4 millions de m2 de surface photovoltaïque déployée, 200 territoires zéro pesticide.

Alors, monsieur le ministre de l'environnement, vous comprendrez le tremblement de terre qu'a déclenché votre circulaire du 26 septembre qui limite les crédits de paiement à 400 millions d'euros alors que les engagements s'élèvent à quelque 750 millions d'euros.

Cette décision brutale est perçue comme injuste ; elle donne le sentiment que la parole de l'État, une fois encore, n'est plus respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Simon Sutour applaudit également.)

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Ce n'est pas de gaieté de coeur que j'ai déclenché cette onde sismique. Comme vous, j'ai la conviction que la transition énergétique passe par les territoires. Effectivement, les collectivités se sont engagées avec les acteurs locaux dans des projets de transition.

L'enveloppe spéciale dédiée à cette politique est de 400 millions d'euros de crédits de paiement. Or j'ai découvert que les conventions passées jusqu'à présent atteignent 748 millions d'euros. D'où ma circulaire du 26 septembre pour identifier les besoins. La collecte d'informations étant en cours, il est trop tôt pour vous répondre. En tout état de cause, la parole de l'État sera tenue : les projets menés à leur terme dans les délais seront financés. Nous en reparlerons au sein de la Conférence des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Raymond Vall.  - Très sincèrement, si vous voulez mettre en oeuvre votre plan climat très ambitieux, ne laissez pas tomber les territoires. Ils comptent sur vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Jean-François Husson et Mme Brigitte Micouleau applaudissent également.)

Sort de Salah Hamouri

Mme Christine Prunaud .  - Monsieur le ministre des affaires étrangères n'est pas présent, c'est dommage.

Après sept ans en prison, notre compatriote Salah Hamouri a de nouveau été arrêté par la police israélienne le 23 août dernier. Le 18 septembre, un tribunal militaire l'a condamné à la détention administrative. Ses avocats n'ont pas eu accès à son dossier, sa famille n'a pas pu lui rendre visite. Face à cet acharnement politique contre un défenseur des droits de l'homme, le Quai d'Orsay a enfin dénoncé hier cette détention arbitraire. Il était temps : le légitime combat de Salah Hamouri est pacifique, il ne ressemble en rien à une entreprise terroriste. Dénoncer, se dire préoccupé, c'est bien ; exiger une libération immédiate, ce serait mieux. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Le Gouvernement partage votre préoccupation. Salah Hamouri a été arrêté le 23 août dernier, un juge israélien a confirmé sa détention administrative le 10 septembre. La dernière audience en appel devant la Cour suprême israélienne a eu lieu le 22 octobre. Ni notre compatriote ni ses avocats ne connaissent les charges qui sont retenues contre lui.

Comme tous nos concitoyens, il bénéficie pleinement de la protection consulaire : le consul général lui a rendu visite et a assisté aux audiences où il a comparu. Nous avons fait part à Israël de notre préoccupation face à un usage extensif de la détention administrative qui porte atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. Nous avons demandé que les droits de Salah Hamouri soient respectés, nous avons demandé sa libération et la possibilité pour sa famille de lui rendre visite. Nous agissons donc, et pas seulement à coups de déclarations publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Christine Prunaud.  - Je prends bonne note. Ce que vous avez pu obtenir de la Turquie pour Loup Bureau, vous devez pouvoir l'obtenir pour Salah Hamouri. Nous voulons la libération immédiate. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Tiers payant

M. Bernard Jomier .  - En 2016, plus d'un quart des assurés sociaux ont renoncé à des soins. La généralisation du tiers payant est un levier majeur pour y remédier. Le directeur de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie l'a encore rappelé lors de son audition devant notre commission des affaires sociales hier.

Alors que le vote de la loi de modernisation de notre système de santé avait marqué un acte décisif en ce sens, les récentes déclarations de la ministre de la santé font craindre un retour en arrière. Pourquoi instiller le doute ? Le tiers payant fonctionne bien pour les patients pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Certes, il reste des difficultés techniques à résoudre sur la part complémentaire afin d'élaborer un système simple à utiliser pour les professionnels. Pour autant, 24 pays européens sur 28 pratiquent la dispense totale de paiement. En généralisant le tiers payant, vous avez suscité une forte attente à laquelle il faut répondre.

Confirmez-vous l'engagement du président de la République ? Dans quels délais sera mise en place la dispense totale d'avance de frais pour les actes pris en charge par l'assurance maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement .  - Comme chacun d'entre nous, nous sommes attachés à un accès aux soins le plus large possible ; jamais l'argent ne saurait y faire obstacle. Le tiers payant a été généralisé pour les publics en situation de précarité, les bénéficiaires de la CMU-C, de l'aide à la complémentaire, ainsi que pour les personnes ayant une affection de longue durée.

Cela dit, dans notre pays, on confond trop souvent droits réels et droits formels. Voter une mesure ne garantit pas sa mise en oeuvre. La ministre de la santé, qui défend le projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, a demandé à l'IGAS une mise au point sur la généralisation du tiers payant. Il faut trouver une solution pour ne pas fragiliser les médecins, dont nous connaissons la situation difficile. Au fond, agir c'était d'abord prendre acte de l'impossibilité technique de respecter les délais (On en doute sur les bancs des groupes SOCR et CRCE.) L'objectif demeure. La ministre vous présentera dans quelques semaines son plan d'action, un plan qui traduira une ambition dans les faits et pas seulement dans les déclarations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Bernard Jomier.  - Dans la France du XXIe siècle, je ne comprends pas qu'un problème informatique mette à mal une avancée sociale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

Transfert de la gestion du PACS aux communes

Mme Colette Mélot .  - À la suite de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à compter du 1er novembre, les officiers d'état civil seront chargés de toute la procédure du PACS. On ne peut qu'approuver l'objectif : alléger la charge des tribunaux. C'est aussi une mesure de simplification pour nos concitoyens qui n'auront plus à se rendre au tribunal, qui rejoint la pratique de la plupart des pays européens. C'est enfin une forme de reconnaissance pour les communes, qui constituent le maillage démocratique de notre pays.

Mais il y a une ombre au tableau : la compensation financière de l'État. La gestion du PACS s'ajoute à celle des passeports biométriques et des cartes d'identité, des changements de prénoms, du système Comodec. Pas moins de 284 d'entre elles devront traiter les données numériques et les dossiers papier des PACS détenus par les greffes des tribunaux d'instance et de grande instance ; et ce, pour tous les justiciables des communes de leur ressort. Cela suppose d'aménager des locaux pour conserver les dossiers, de restructurer des services pour les traiter. Quelle sera la compensation ? Les budgets communaux ont déjà été beaucoup malmenés ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Vous évoquez le transfert de la gestion des passeports biométriques et des changements de prénom, c'est une question ancienne.

Mme Sophie Primas.  - C'est l'accumulation qui pose problème !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le PACS a été transféré en mairie par la loi Justice du XXIe siècle au 1er novembre. Vous considérez qu'il faudrait une compensation financière de l'État. (« Oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Grosdidier.  - C'est dans la Constitution !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 17 novembre 2016, a estimé que les compétences exercées au nom de l'État ne devaient pas être compensées. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Grosdidier.  - Cela ne vous interdit pas de le faire !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Nous avons inscrit 22 millions d'euros de crédits.

Le Conseil constitutionnel a ajouté que, s'agissant du PACS, les sommes en jeu ne sont pas telles qu'elles portent atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Colette Mélot.  - Au moins, examinez la possibilité pour les 284 communes que j'ai évoquées de percevoir une indemnisation au titre des missions de service public qu'elles assureront pour des non-résidents, comme vous en aviez prévu une pour les passeports biométriques. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et Les Républicains)

Logement

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Après l'annonce brutale de la baisse des APL, le Gouvernement s'enfonce dans une stratégie dictée par la seule volonté de faire 1,7 milliard d'euros d'économies.

La baisse des loyers imposée aux organismes HLM est mortifère pour le logement social et injuste pour les plus fragiles : ce sont 2,2 milliards d'euros d'autofinancement qui ne seront plus réinvestis dans la réhabilitation et l'entretien du parc. Les contreparties financières n'auront d'effet qu'à moyen et long terme. Cette réforme ne fait que des perdants : les locataires, les collectivités locales qui garantissent les emprunts des organismes, dont 100 à 200 seront en faillite, le programme de rénovation urbaine, la filière du bâtiment qui verra les commandes chuter.

Êtes-vous prêt à revoir votre copie pour ne pas obérer l'avenir d'un secteur essentiel pour la solidarité nationale, l'emploi et l'aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes RDSE et SOCR)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires .  - Madame la sénatrice, je connais votre engagement pour le logement social et notamment pour la rénovation urbaine à Nice. Il y a aujourd'hui 4,5 millions de logements sociaux en France et 1,5 million de ménages en attendent un.

M. Philippe Dallier.  - Quel rapport ? (On renchérit à droite.)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État.  - Il n'y a donc pas suffisamment de logements sociaux. Notre réforme repose sur plusieurs piliers. D'abord, favoriser la mobilité au sein du parc social. Ensuite, encourager le regroupement des bailleurs sociaux : plus forts, ils seront capables d'accueillir plus de publics fragiles.

M. Philippe Dallier.  - Ça a le mérite d'être clair !

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État.  - Nous encourageons l'accession sociale, qui dégage des capacités d'autofinancement pour les bailleurs. Enfin, nous améliorons leurs conditions de financement avec des prêts de longue durée, avec 3 milliards d'euros pour l'efficacité énergétique, mais aussi en luttant contre la spirale infernale de la hausse des APL. Les bailleurs sociaux le disent : ce package financier va dans le bon sens. (Exclamations à droite, au centre et sur les bancs du groupe CRCE, le brouhaha couvre la voix de l'orateur.) La concertation se poursuit et devrait aboutir dans les prochains jours.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Que le dialogue se poursuive, tant mieux. Mais cette mesure injuste est aussi un contre-sens économique. Le choc de l'offre fera pschitt ! Pour relancer l'offre de logement, il faut des réformes structurelles et non des coups de rabot budgétaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes RDSE et SOCR)

Grand Paris Express

M. Laurent Lafon .  - Le Grand Paris Express, avec ses 200 kilomètres de lignes automatiques et ses 68 nouvelles gares, est un projet structurant ainsi qu'un levier de développement pour les communes.

Le Gouvernement a demandé une actualisation du coût du projet : initialement évalué à 25 milliards d'euros, il serait en réalité compris entre 28 et 35 milliards d'euros. Ce surcoût inquiète les élus locaux. Quelle en est l'origine ? Le calendrier, qui prévoit une mise en oeuvre entre 2022 et 2030, sera-t-il respecté ? Ces questions appellent des réponses claires et précises. L'État va-t-il remettre en cause la réalisation du projet dans sa globalité, ou en modifier le financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Élisabeth Borne, qui est à Belfort avec Bruno Le Maire. (On ironise à droite.)

Le Grand Paris Express facilitera la mobilité quotidienne des Franciliens en privilégiant les parcours qui contournent Paris et réduira l'opposition entre Paris et sa banlieue. Il est indispensable pour maintenir l'Île-de-France au premier rang des métropoles mondiales. Le schéma d'ensemble est sanctuarisé.

Mais il faut tenir compte de deux éléments nouveaux : les Jeux olympiques de 2024 et les importants surcoûts qui sont apparus.

M. Roger Karoutchi.  - Et ce n'est pas fini !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Le préfet de région a été chargé de faire un point précis sur le programme de réalisation ; son rapport, remis en septembre, est en cours d'analyse. Le Gouvernement annoncera ses choix très prochainement, avec la volonté de préserver au mieux les objectifs du projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE)

M. Laurent Lafon.  - J'attendais davantage de précisions, notamment sur le financement. Les élus du Val-de-Marne sont inquiets : il ne faudrait pas que l'organisation des Jeux conduise à donner la priorité aux réseaux desservant les sites olympiques, au détriment des autres. (Applaudissements sur les bancs des groupeUC, Les Républicains et Les Indépendants)

Taxation des géants de l'Internet

M. Didier Rambaud .  - Les entreprises du numérique peuvent facilement transférer leurs bénéfices hors des pays où elles les font, vers des paradis fiscaux, en rémunérant des actifs incorporels. Le tribunal administratif de Paris a ainsi estimé que Google n'avait pas à subir de redressement fiscal car l'entreprise n'avait pas d'établissement stable en France.

L'heure est venue de taxer les GAFA. La commissaire européenne à la concurrence préconise de les fiscaliser. D'autant qu'ils peuvent provoquer de sérieux dommages collatéraux. À chiffre d'affaires égal, Amazon emploie cinq fois moins de salariés que Carrefour ou Casino. Sa progression dans l'alimentaire est fulgurante et le géant cherche désormais un cheval de Troie pour conquérir le marché français ; l'évolution est inéluctable.

Sans faire la fine bouche sur la nature des emplois créés, ni tirer une quelconque ligne Maginot, faut-il pour autant dérouler le tapis rouge à ces nouveaux prédateurs de la distribution ?

Ces firmes veulent désormais attaquer également le marché des droits sportifs... Que compte faire le Gouvernement pour les soumettre aux mêmes conditions que les nôtres ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique .  - Oui, les plateformes entraînent une transformation économique. Comment nos innovateurs - start-up, PME - peuvent-ils jouer à égalité avec les grands groupes ?

Il faut d'abord revoir la fiscalité. C'est une demande forte des citoyens, sensibles à l'inégalité en la matière. Avec Bruno Le Maire, nous avons proposé à nos partenaires d'aller plus vite que l'agenda européen en instaurant une taxe d'égalisation qui prendrait effet dans les 24 mois. Dix-neuf pays nous soutiennent ; lors du conseil Télécom, les autres se sont aussi dits prêts à avancer.

Autre point : la transparence et la loyauté. Avec Bruno Le Maire, nous avons signé les décrets de la loi pour une République numérique qui obligeront les GAFA à publier leurs résultats.

C'est tout notre cadre de pensée qui doit évoluer.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Je vous incite à participer à la réflexion, pour trouver des stratégies gagnantes dans ce jeu du prisonnier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. le président.  - Des messages courts, s'il vous plaît, comme sur Internet ! (Sourires)

Sécurité à Marseille

M. Vincent Éblé .  - Je vous lis la question de Samia Ghali, dont le vol a été retardé.

L'insécurité à Marseille est devenue banale, ancrée dans le quotidien. La bête se nourrit, rien n'arrête cette fatalité. Dans cette bataille entre la loi de la rue et celle de la République, chaque ministre a le devoir d'agir ! La délinquance, elle, ne connaît pas le chômage.

J'ai écouté le discours du président de la République sur la sécurité intérieure. Je crois à sa détermination, mais quels moyens met-il en face ? La police de sécurité du quotidien, seule pour intervenir dans les quartiers, sera inefficace, et en danger !

La délinquance s'enracine. La méthode de l'approche globale, lancée en 2012, est au point mort. Les moyens humains et matériels ont régressé : les véhicules ont 270 000 kilomètres au compteur, les six équipages de la BAC sont insuffisants, la ville a perdu cent agents en 2017 et deux compagnies de CRS sur trois.

Quels moyens le Gouvernement est-il prêt à consacrer à Marseille ? Sans sécurité, pas d'espoir, pas de liberté et donc pas de République.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Oui, il faut assurer la sécurité : c'est l'une des principales préoccupations de nos concitoyens, avec l'emploi. C'est aussi une priorité du président de la République. Sur le quinquennat, nous créerons 10 000 postes dans la police, la gendarmerie et les services de renseignement.

Entre 2007 et 2012, les forces de sécurité ont perdu 12 500 emplois. Les effectifs ont commencé à remonter entre 2013 et 2016, avec 6 500 emplois supplémentaires ; en 2017, 2 286 auront été créés.

Lorsque les prochaines promotions sortiront d'école, quarante nouveaux policiers seront affectés à Marseille. Nous allons remettre des forces de l'ordre dans chaque ville. Dans cinq ans, nous aurons les conditions pour assurer la sécurité du quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Circulation à Paris

M. Pierre Charon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a urgence à Paris. L'annonce des Jeux olympiques de 2024 est une bouffée d'air pur, bienvenue, car la fermeture des voies sur berges a aggravé la pollution. (M. David Assouline s'exclame.) Airparif a récemment indiqué que les émissions de dioxyde d'azote, qui baissaient depuis dix ans, avaient augmenté !

Anne Hildago transforme notre capitale en ville-musée. Pourtant, les valeurs de l'olympisme, ce sont le mouvement et l'action !

M. David Assouline.  - Sortez donc du XVIe et venez dans le XXe !

M. Pierre Charon.  - La circulation devient une discipline olympique ; les Parisiens, en vérité, pratiquent au quotidien la course d'obstacles. Avec son écologie punitive, la maire de Paris fait fuir les plus modestes. L'interdiction du diesel puis de l'essence n'est là que pour satisfaire quelques bobos indispensables à la majorité municipale. (Vives protestations à gauche ; M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)

L'économie de Paris est en péril. Il faut en finir avec cette asphyxie, indigne d'une capitale organisatrice des Jeux olympiques.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - N'importe quoi ! Pourquoi croyez-vous que Paris a été choisie ?

M. Pierre Charon.  - Nous avons besoin de l'État pour que Paris reste la ville-lumière, et non l'une des plus embouteillées d'Europe. En matière de bouchons, vous vous y connaissez, Monsieur Collomb... (Sourires)

Pour paraphraser Georges Pompidou, cessons d'emmerder les Parisiens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. David Assouline.  - Et ils l'applaudissent !

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - L'ancien maire de Lyon aurait pu vous répondre ; le ministre de l'intérieur est démuni. La loi du 28 février 2017 a conféré les principales compétences en matière de voirie à la mairie de Paris.

M. Philippe Dominati.  - On peut abroger la loi !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le préfet de police peut faire des remarques, donner des conseils, mais n'a autorité que sur certains axes stratégiques : c'est le conseil de Paris qui décide.

Dans la perspective des Jeux olympiques, j'ai demandé à la maire de Paris d'avoir une réflexion globale sur l'agglomération, car les Jeux se tiendront intra-muros mais aussi en petite couronne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. David Assouline.  - Merci du soutien !

Budget des agences de l'eau

M. Michel Forissier .  - Les agences de l'eau doivent répondre à des défis majeurs : changement climatique, bon état des eaux en 2027, transfert de la Gemapi aux collectivités, renouvellement des réseaux et lutte contre les fuites... Or la réduction des budgets de 30 %, la baisse des effectifs, le doublement du prélèvement pour le financement de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), le nouveau prélèvement pour l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ne leur permettront pas d'atteindre ces objectifs. Pouvez-vous revenir sur ces arbitrages et redonner aux agences de l'eau les moyens de remplir leurs missions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Depuis que j'ai pris mes fonctions, j'ai rencontré à deux reprises les présidents et directeurs des agences de l'eau. Ma conviction - qui ne coulait pas de source (Sourires) - est qu'une gouvernance par bassin a du sens et doit être préservée. Les agences sont un formidable outil au service des politiques de l'eau et de la biodiversité.

Des évolutions sont néanmoins nécessaires. Les agences doivent avoir un rôle pivot : c'est pourquoi elles financeront entièrement les opérateurs de la biodiversité, AFB, parcs nationaux, ONCFS.

Elles ont des moyens importants. Nous prévoyons 12,6 milliards d'euros sur six ans au titre du onzième programme - moins que pour le dixième mais plus que pour le neuvième. Pour 2018, le plafond des redevances a été relevé de 2,28 milliards d'euros au bénéfice des agences, à la demande des députés. En contrepartie, le prélèvement de 200 millions d'euros sur les fonds de roulement est reconduit - sachant que leur trésorerie est de 700 millions.

La situation est variable selon les bassins. Je veillerai à ce que chaque agence puisse exercer pleinement ses missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Michel Forissier.  - Je suis déçu par votre réponse. À force d'avaler des couleuvres, vous risquez de manquer d'air ! (Sourires) Que faites-vous du prélèvement supplémentaire de 200 millions pour 2018 ? L'eau est source de vie et un bien commun, et non une base de fiscalité pour équilibrer le budget de l'État. Ce serait un retour au Moyen-Âge et à la gabelle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Déserts médicaux

Mme Annie Delmont-Koropoulis .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Lors de la présentation du plan de renforcement de l'accès territorial aux soins, le Premier ministre déclarait que chaque citoyen devait avoir accès à une médecine de qualité, où qu'il vive. La Seine-Saint-Denis manque cruellement de médecins et 45 % d'entre eux ont plus de 60 ans. Il en va de même dans de nombreux territoires ruraux.

Le projet de modification du zonage ambulatoire pour l'aide à l'installation nous inquiète. Les nouveaux critères d'accessibilité ne rendent pas compte des réalités. Vous ne comptabilisez pas les médecins de secteur 2 : résultat, les communes aisées de l'ouest parisien sont favorisées, au détriment du nord-est ! Dans les zones en difficulté, rurales ou urbaines, ce sont les médecins libéraux en secteur 1 qui incarnent la médecine de proximité.

L'égalité de l'accès aux soins est-elle vraiment votre priorité ? Ou allez-vous laisser se mettre en place une médecine à deux vitesses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement .  - L'exemple du logiciel Louvois prouve que les solutions informatiques ne règlent pas tout. Pour renforcer la présence médicale, il faut faire confiance à l'intelligence collective des territoires, plutôt que d'user de coercition. Vouloir imposer l'installation des jeunes médecins est la meilleure façon de les faire fuir !

Le Premier ministre et la ministre de la santé ont présenté un plan ambitieux, avec le doublement des maisons de santé. Il faut développer les capacités d'intervention sur l'ensemble de la chaîne médicale. Le dispositif Asalee (Action de santé libérale en équipe) allègera la charge de travail des médecins ; les pratiques avancées seront développées. Nous encourageons l'innovation, en rémunérant les médecins pour les actes de télémédecine. Enfin, nous simplifierons la vie administrative des médecins pour qu'ils se consacrent le plus possible à leurs patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Annie Delmont-Koropoulis.  - Seul le principe d'équité peut endiguer les inégalités. Le démantèlement de l'hôpital Jean-Verdier de Bondy, contre lequel les élus de tout bord s'élèvent, est un exemple de cette tragédie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 16 h 40.