Hommage à Georges Clemenceau

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - (M. le président du Sénat se lève pour prononcer son discours debout, face à l'assemblée.) Il y a un siècle, le 16 novembre 1917, Georges Clemenceau, sénateur du Var, président de la commission de l'Armée au Sénat, est nommé président du Conseil par Raymond Poincaré.

La France paraît alors à bout de force : les morts se comptent par centaines de milliers, les combattants sont épuisés, des mutineries éclatent, l'arrière est affecté par des grèves et des pénuries alimentaires.

Alors que le doute s'installe, Georges Clemenceau rassemble toutes les énergies du pays en vue de la victoire. Combatif et déterminé, il résume son objectif sur le plan intérieur comme extérieur en un seul mot d'ordre : « Je fais la guerre ! ».

Le président du Conseil, accompagné de son chef de cabinet Georges Mandel, multiplie les visites dans les tranchées, ignorant les balles qui sifflent, autour de lui, sous le regard étonné, puis admiratif, des poilus.

Georges Clemenceau restaure alors la confiance et le courage non seulement des troupes, mais aussi des élites politiques et intellectuelles tentées par le défaitisme.

Dès lors, ce travailleur infatigable consacre ses jours et ses nuits à son combat, il ne quitte son bureau de la rue Saint-Dominique que pour le front et pour le Parlement. Accompagné de son sous-secrétaire d'État à la Guerre, Jules Jeanneney qui deviendra, par la suite, président du Sénat en 1932, il soumet ses actes au contrôle des commissions des deux assemblées. Il ne fuit jamais les débats publics et affronte la question de confiance qui lui est chaque fois accordée. Il répète qu'il n'a de compte à rendre qu'aux Chambres et au président de la République.

Le 17 septembre 1918, dans notre hémicycle, il déclare : « Que voulons-nous ? Combattre, combattre, victorieusement encore et toujours jusqu'à l'heure où l'ennemi comprendra qu'il n'y a plus de transaction possible entre le crime et le droit ! ».

Le Maréchal Foch lance alors trois offensives qui seront déterminantes.

Le 11 novembre 1918, cet homme de 77 ans, courbé, monte à la tribune de l'Assemblée pour annoncer la victoire. Grâce à lui, la France retrouve sa place dans le monde pour poursuivre, dit-il, « sa course magnifique pour le progrès humain » !

Il allume cette flamme de la résistance qui ne s'éteindra pas. Ainsi, le 11 novembre 1941, de Londres, le général de Gaulle s'adresse à Georges Clemenceau en ces termes : « Au fond de votre tombe vendéenne, Clemenceau, vous ne dormez pas. Car la vieille terre de France qui vous enterre pour toujours tressaillit avec colère tandis que le pas insolent de l'ennemi et la marche feutrée des traîtres foulaient le sol de la patrie. Quand la victoire sera gagnée et que justice sera faite, les Français viendront vous le dire. Alors, avec tous les morts, dont est pétrie la terre de France, vous pourrez dormir en paix ». 

Charles de Gaulle, le 12 mai 1946, se recueillant sur sa tombe à Mouchamps en Vendée, viendra en quelque sorte lui annoncer la victoire.

C'était une fois encore la victoire du courage face au renoncement. Ce courage dont nos soldats font preuve aujourd'hui au Sahel, au Levant et au quotidien sur notre territoire. Le courage de ces jeunes tombés dans les sables du désert tout comme leurs frères d'armes du même âge tombés, un siècle plus tôt, en Artois, dans la Somme, à Verdun et ailleurs. Ce courage, nous le devons à Clemenceau qui sut faire vibrer au sein de notre hémicycle un véritable élan !

Non, « il n'y a plus de transaction possible entre le crime et le droit », hier comme aujourd'hui. (Applaudissements prolongés)