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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Statut de la sélection de football de la Guyane

M. Antoine Karam

Mme Laura Flessel, ministre des sports

Lutte contre la propagation de la bactérie Xylella fastidiosa

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Stratégie de bioéconomie pour la France

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Financement des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural

M. Yannick Botrel

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Suppression des aides au maintien pour les agriculteurs bio

M. Didier Mandelli

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Certificat des armatures du béton

Mme Catherine Deroche

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

Pré-enseignes

M. Gilbert Bouchet

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

État d'avancement du plan France très haut débit

M. Simon Sutour

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

PTZ pour les constructions nouvelles (I)

M. Didier Marie

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

PTZ pour les constructions nouvelles (II)

Mme Frédérique Espagnac

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

Récupération de la taxe sur la valeur ajoutée et transport scolaire

Mme Nicole Bonnefoy

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Fermeture de services publics de proximité en Seine-Saint-Denis

Mme Éliane Assassi

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Seuils d'exportation des biens culturels

Mme Marie Mercier

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Régime de la sécurité sociale étudiante

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Situation critique des hôpitaux du Léman

M. Loïc Hervé

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Manque de spécialistes en milieu rural

Mme Josiane Costes

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Déserts médicaux

M. Hervé Maurey

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Promotion des métiers du grand âge

Mme Vivette Lopez

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Nécessité de faire évoluer la protection du loup

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Élevage industriel et développement durable

Mme Sylvie Goy-Chavent

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Impact du projet EuropaCity

M. Fabien Gay

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Qualité des infrastructures de transport dans l'Aisne

M. Antoine Lefèvre

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Contournement autoroutier de Bordeaux

M. Philippe Madrelle

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Grand Paris Express

Mme Laurence Cohen

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Avenir de la ligne nouvelle Paris-Normandie

Mme Corinne Féret

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

École nationale supérieure maritime de Saint-Malo

Mme Sylvie Robert

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Échec en CMP

Financement de la sécurité sociale pour 2018 (Suite)

Explications de vote

M. Michel Amiel

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Yves Daudigny

M. Daniel Chasseing

M. Guillaume Arnell

M. Alain Milon

Intervention du Gouvernement

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Communications

Délégation sénatoriale (Nomination)

Débat sur l'avenir de l'Institut français

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Claude Kern, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Mme Christine Prunaud

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État

Mme Colette Mélot

Mme Françoise Laborde

M. Richard Yung

Mme Sonia de la Provôté

Mme Claudine Lepage

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Pierre Ouzoulias

M. Olivier Cadic

M. Jean-Yves Leconte

M. Jean-Noël Guérini

Mme Nicole Duranton

M. Claude Haut

M. Jacques Le Nay

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Ronan Le Gleut

M. Didier Guillaume

Mme Vivette Lopez

Mme Jacky Deromedi

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères

Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens

Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques

Mme Annie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

M. Dany Wattebled

M. Jacques Mézard, ministre

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Philippe Pemezec

M. Arnaud de Belenet

M. Fabien Gay

M. Daniel Dubois

M. Xavier Iacovelli

Mme Michèle Vullien

M. Franck Montaugé

M. Joël Labbé

M. Serge Babary

M. Frédéric Marchand

M. Pascal Savoldelli

Mme Valérie Létard

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Fabienne Keller

M. Patrick Kanner

M. Jean-François Husson

Mme Brigitte Micouleau

M. Marc-Philippe Daubresse

Annexes

Ordre du jour du mercredi 22 novembre 2017

Analyse des scrutins publics

Nomination à la délégation sénatoriale à la prospective




SÉANCE

du mardi 21 novembre 2017

20e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Statut de la sélection de football de la Guyane

M. Antoine Karam .  - Pour la première fois, la sélection de football de la Guyane a participé en juillet dernier à la Gold Cup, compétition internationale réunissant les meilleures formations de la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf).

La sélection est gérée par la Ligue de football de la Guyane, laquelle est placée sous l'égide de la Fédération française de football (FFF). Elle n'est pas affiliée à la fédération internationale (FIFA).

Au cours de cette compétition, la ligue de Guyane a été sanctionnée pour avoir aligné un ex-international français lors de sa confrontation face au Honduras. En effet, la commission de discipline a estimé que la Guyane, bien que sélection régionale non affiliée à la FIFA, avait enfreint l'article 5 du règlement d'application des statuts de la fédération interdisant à tout joueur, qui a déjà pris part à un match international d'une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit ou de toute discipline de football que ce soit, d'être aligné en match international par un autre membre, sauf exceptions.

Cette décision est juridiquement contestable et la question s'était déjà posée en 2007 lors de cette même compétition.

Quelles actions le Gouvernement peut-il mener pour aider les sélections régionales d'outre-mer à participer à cette manifestation sportive internationale dans les meilleures conditions ? Madame la Ministre, êtes-vous prête à engager une large réflexion avec la Fédération française de football ?

Mme Laura Flessel, ministre des sports .  - Je connais cette préoccupation pour avoir grandi dans le bassin caribéen. Pour les départements et régions d'outre-mer, il faut distinguer l'affiliation aux instances sportives internationales de celle aux fédérations sportives internationales. L'affiliation des comités régionaux, départementaux ou clubs d'outre-mer à des instances sportives regroupant plusieurs pays d'une même zone géographique et organisant les compétitions entre ces territoires est prévue sous certaines conditions dans le code du sport.

Toutefois, les fédérations sportives internationales ont pour objectif de fédérer les associations qui assurent le développement et l'organisation de la discipline concernée dans un pays. Pour un même pays, il ne peut y avoir deux associations affiliées à une fédération internationale, sinon l'équipe de France pourrait être amenée à affronter une sélection régionale française et serait privée, en l'espèce, de talents ultramarins. La ligue de la Martinique, la Guadeloupe et de la Guyane et le district de Saint-Martin ne peuvent adhérer directement à la FIFA. Votre demande nécessiterait de changer les statuts de cette dernière.

M. Antoine Karam.  - L'essentiel n'est pas, comme le disait Pierre de Courbertin, de participer mais de concourir. Cela permet de faire connaître nos régions.

Lutte contre la propagation de la bactérie Xylella fastidiosa

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur la présence de la bactérie Xylella fastidiosa et sa propagation dans le département des Alpes-Maritimes depuis son identification en Italie en 2013.

Alors que le précédent gouvernement a mis en place certaines mesures afin de lutter contre cette bactérie, plusieurs arbustes ont été à nouveau identifiés comme porteurs de la bactérie, notamment dans les communes d'Antibes et de Saint-Laurent-du-Var en juillet 2017.

Afin de lutter contre la propagation, des mesures ont été mises en place ces dernières années telle que la délimitation par zone dite infectée de 100 mètres autour des végétaux contaminés et des arrachages sont pratiqués. Mais les résultats ne sont pas concluants. Une nouvelle zone tampon de 10 kilomètres a été délimitée autour de la zone infectée.

Depuis juillet 2015, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 3 802 prélèvements ont été analysés sur 228 genres ou espèces végétales sensibles à la bactérie Xylella fastidiosa et 67 arbustes se sont révélés être contaminés.

Les filières des pépiniéristes des Alpes-Maritimes sont inquiètes car leur activité économique est particulièrement frappée avec des effets indéniables sur l'emploi. Les activités agricoles sont également touchées, notamment la production d'huile d'olive, de vin et de fruits.

Les nouveaux cas portent à 21 le nombre de foyers découverts en région Provence-Alpes-Côte d'Azur dont 17 dans les Alpes-Maritimes.

Les protocoles européens d'endiguement actuels ne suffisent plus. Quelle est la stratégie du Gouvernement contre cette bactérie classée comme l'une des plus dangereuses du monde pour les plantes par les autorités européennes et tristement surnommée l'Ébola de l'olivier en Italie ? Quelles mesures innovantes proposez-vous ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La bactérie s'attaque à plus de 200 espèces végétales et touche nombre de professionnels. Malheureusement, il n'existe pas de moyen curatif et les mesures à prendre sont définies dans le règlement européen.

Les services de l'État notifient la destruction des végétaux dans la limite des 100 mètres autour du végétal contaminé et organisent la surveillance intensive dans un rayon de 10 kilomètres pour éviter la dispersion. Les mouvements de végétaux susceptibles d'avoir été contaminés par cette bactérie sont strictement encadrés pour éviter la dispersion dans les zones réputées indemnes. En France, un certain nombre de foyers ont été identifiés. En juillet 2015, en Corse et en PACA, 33 foyers ont été définis dans des zones urbanisées proches du littoral ; 5 411 prélèvements ont été effectués depuis janvier 2015 sur plus de 250 espèces révélant 103 cas positifs.

Ces résultats sont le fruit de l'intensification de la surveillance et ne sont pas le signe d'une diffusion récente de la bactérie.

La révision du cadre réglementaire européen est engagée pour prendre en compte l'expérience accumulée et la grande diversité des situations. La décision d'exécution du règlement a été modifiée le 19 octobre par le Comité permanent des végétaux, animaux, denrées alimentaires et aliments pour animaux. Son entrée en application aura lieu dès la publication de la nouvelle déclaration.

J'organiserai début décembre une réunion avec mes homologues et le commissaire européen à la santé sur le sujet. Votre témoignage y sera le bienvenu, Madame la Sénatrice.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Merci Monsieur le Ministre. Je serai attentive à vos travaux. Unissons les forces des pays concernés, particulièrement les pays méditerranéens. Il faut notamment travailler sur les insectes pour contenir la bactérie. Plutôt que d'abattre des arbres, pourquoi ne pas procéder à des contrôles renforcés ?

Stratégie de bioéconomie pour la France

M. Jean-Raymond Hugonet .  - En 2017, la France s'est dotée d'une stratégie de bioéconomie avec la volonté de se positionner comme un des acteurs majeurs au plan mondial dans ce domaine. Les nombreuses études sur le sujet font ressortir que le développement des filières locales de matériaux biosourcés est une des composantes essentielles de l'avenir des territoires et de la France.

Ces filières présentent également l'intérêt de pouvoir se mettre en place aux différentes échelles au niveau territorial, en s'appuyant sur les TPE et PME, travaillant dans le cadre de la démarche d'écologie industrielle et territoriale, voire de circuits courts. Les collectivités locales peuvent agir directement sur ces filières. Le 29 septembre, j'ai eu l'honneur d'accueillir M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, à Prunay-sur-Essonne, pour l'inauguration d'une récente unité de production de l'entreprise française Gatichanvre, exemple emblématique de la filière depuis la culture du chanvre jusqu'à la production de matériaux isolants.

La réussite de cette filière se heurte à trois obstacles : les cadres normatifs et réglementaires sont peu adaptés à sa spécificité et à sa dimension ; les coûts de développement sont élevés ; les leviers de déploiement enfin sont peu connus.

Comme pour les agrocarburants qui ont bénéficié de mesures fiscales importantes, le développement des filières locales biosourcées ne pourra se faire sans un soutien fort des pouvoirs publics.

Quelles dispositions réglementaires, fiscales, financières d'accompagnement de l'innovation, de politiques d'achats publics le Gouvernement prévoit-il pour permettre un déploiement significatif des filières locales des matériaux biosourcés, notamment celle de la construction qui répond à de nombreux enjeux locaux, nationaux et internationaux ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le développement de la bioéconomie est une priorité gouvernementale. Un atelier y a été consacré dans les États généraux de l'alimentation, que j'ai l'honneur de piloter. Les présidents de l'atelier soulignent l'importance de la stratégie nationale bioéconomie et la nécessité de faire aboutir le plan d'action qui en découle. Il faut d'abord valoriser la biomasse qui offre de nouveaux débouchés aux agriculteurs et aux forestiers.

Afin de favoriser la pénétration des matériaux biosourcés sur les marchés, plusieurs actions telles que la communication auprès des consommateurs et la création d'un label sont envisagées. Ces innovations sont soutenues au travers d'appels à projets, notamment dans le cadre du programme Investissements d'avenir 3 (PIA3). Le partenariat public-privé européen Bio-based industries permet aussi de financer de tels projets. Enfin, la négociation de la future PAC devra intégrer cette question.

Comme tous mes collègues du Gouvernement, je veillerai à l'essor de ces filières qui ont un intérêt économique, social et environnemental majeur.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Nous sommes d'autant plus sensibles à cette réponse, que les instigateurs de cette opération sont en tribune.

Financement des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural

M. Yannick Botrel .  - Ma question porte sur les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) qui jouent un rôle très important dans l'économie agricole, fortiori dans un contexte de forte hausse des prix du foncier. Il s'agit d'un enjeu fort de la gestion du foncier : la préservation de nos terres agricoles est un objectif majeur et mérite de faire l'objet d'un traitement approfondi.

Or les Safer sont limitées financièrement pour accomplir leurs missions de service public conférées par la loi, et notamment assurer la transparence des marchés fonciers ruraux.

Leur financement est à 95 % issu des seuls attributaires Safer. À titre de comparaison, le modèle de financement des établissements publics fonciers (EPF) est assis sur la contribution de l'ensemble du territoire de compétence de l'EPF.

Le désengagement financier de l'État depuis 2006, qui devrait une nouvelle fois s'accroître en 2018, limite les capacités d'action des Safer au détriment de la qualité de leurs missions.

Monsieur le Ministre, envisagez-vous de faire évoluer le modèle de financement des Safer ? Il ne s'agit pas d'apporter une réponse palliative mais une réponse de fond, avec des moyens suffisants et pérennes de financement.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Les Safer jouent un rôle essentiel pour le développement de l'agriculture, le renouvellement des générations, la régulation et la maîtrise du marché foncier rural, le développement local et la préservation de notre environnement. Il a été réaffirmé par la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 août 2014 qui a notamment renforcé leurs modalités d'intervention avec l'extension du droit de préemption à l'usufruit et à la nue-propriété des biens ruraux et à l'intégralité des parts ou actions d'une société ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole.

Outre leurs rémunérations perçues par les Safer sur les opérations qu'elles réalisent, elles bénéficiaient également d'une subvention publique. La suppression de ce financement décidée par le Gouvernement en 2016 a fait l'objet de diverses mesures compensatoires d'ordre financier et fiscal.

En outre, un financement complémentaire est maintenu depuis 2017 pour les Safer de Corse, Guadeloupe, Martinique et Réunion, compte tenu de leurs difficultés d'accès au foncier.

À ce jour, il n'est pas envisagé de rétablir la logique de financement public des Safer. En revanche, une réflexion globale sur l'ensemble des outils de régulation sera engagée en 2018. Une mission parlementaire sur le foncier a en outre été créée et sera conduite par le député Dominique Potier sur ce sujet. Ce sera l'occasion de réfléchir au statut et aux missions des Safer.

En 2016, les Safer ont acquis 10 500 biens pour une surface totale de 93 800 hectares, en hausse de 12 %. Cela représente une valeur globale de 1,7 milliard d'euros et plus de 36 % de surfaces ont été rétrocédées pour l'installation, soit 34 400 hectares.

M. Yannick Botrel.  - Nos analyses convergent. Nous espérons que le rapport parlementaire fera des propositions. Le Gouvernement s'en emparera-t-il ? Il faut permettre aux Safer d'avancer.

Suppression des aides au maintien pour les agriculteurs bio

M. Didier Mandelli .  - En France, la consommation des produits labellisés « bio » est de plus en plus forte, elle a ainsi progressé de 21 % en 2016. On estime que 10 % des surfaces agricoles utiles seront nécessaires en 2020 pour satisfaire la demande, contre 6,5 % actuellement. À ce titre, l'objectif que vous avez fixé à 8 % de la surface agricole utile en bio se situe en dessous de cette perspective. Face à cet engouement, votre politique est en contradiction avec les attentes de nos concitoyens. Avec la suppression des aides au maintien bio en 2018, votre Gouvernement envoie un signal négatif à toute la filière, même si les aides à la conversion progressent. Pour justifier votre choix, vous avez évoqué le nécessaire financement du bio par le marché ; encore faudrait-il qu'il soit à maturité, ce qui n'est pas le cas. Vous avez annoncé un transfert de 4,2 % du premier vers le second pilier, soit 650 millions. Ce transfert renvoie aux régions le financement de l'aide au maintien bio. Ce montant doit être réparti entre les aides à l'agriculture de montagne, les mesures agroenvironnementales, l'assurance récolte et l'agriculture biologique. Sur ce transfert de 4,2 %, il serait nécessaire de flécher 1,2 %, soit 180 millions pour financer l'aide au maintien bio. Nous sommes loin du compte et les régions devront assurer la prise en charge complémentaire soit, pour la région Pays-de-la-Loire, 675 000 euros. Le Gouvernement met les régions en difficulté et prend le risque de créer des déséquilibres territoriaux.

Alors que nous prônons la mise en place d'une économie circulaire, de circuits courts, de productions locales de qualité, de bioéconomie, alors que nous fixons des objectifs ambitieux en matière de restauration scolaire, alors que les importations de produits bio augmentent, votre message trouble les acteurs engagés.

Pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Depuis 2015, le secteur biologique connait une croissance historique. Le marché est estimé à plus de 7 milliards en 2016, en progression de 20 % par rapport à 2015. Au 30 juin 2017, 51 000 opérateurs sont engagés dans le bio, dont plus de 35 000 exploitations et 16 000 transformateurs, distributeurs et importateurs. Les surfaces cultivées sont estimées à 1,77 million d'hectares, soit 15 % de plus qu'en 2016.

Pour accompagner cette transformation, l'État réserve 5 milliards d'euros, au sein du plan d'investissement, pour l'agriculture, en partie pour les filières biologiques.

Concernant le soutien financier aux producteurs qui s'engagent dans le mode de production bio, l'État recentre ses moyens sur les aides à la conversion. Il revient aux régions de décider de l'accompagnement des agriculteurs déjà convertis. Dans le cadre des États généraux de l'alimentation, j'ai demandé la conclusion de plans de filières pour fixer des objectifs chiffrés à cinq ans. Il s'agit ici de développer différents modèles en phase avec les attentes des consommateurs, en France ou à l'export. Les crédits des fonds européens ont triplé pendant la période de programmation 2014 et 2020, par rapport à la période précédente. Le soutien à l'agriculture biologique passe également par le crédit d'impôt bio qui va être prolongé et significativement augmenté.

En outre, les agriculteurs bio bénéficient des aides de la PAC. Enfin, les prix payés aux producteurs sont tout à fait convenables.

Vous le voyez, les filières bio sont largement aidées, et c'est bien normal. Le président de la République souhaite que 50 % de la restauration collective soit bio ou de qualité. C'est bien le signe que le bio est aidé ; c'est une de nos priorités, et c'est normal pour des produits plébiscités par nos concitoyens.

M. Didier Mandelli.  - Les 50 % de bio dans la restauration scolaire sont un objectif louable. Nous n'y parviendrons que si les mesures que vous évoquez sont bien mises en application. Or nombre de régions pourraient ne pas avoir la capacité d'aider le bio.

Certificat des armatures du béton

Mme Catherine Deroche .  - Ma question porte sur un enjeu de sécurité majeur dans le secteur de la construction : la certification des armatures du béton.

Le béton armé est aujourd'hui le matériau de construction le plus utilisé en France. L'incorporation d'armatures est indispensable pour permettre au béton de renforcer sa solidité et de garantir la sécurité des ouvrages.

Or la survenue de malfaçons dans la fabrication ou la pose de ces armatures, par exemple un acier « brûlé » au soudage ou la pose incorrecte de ces armatures, peut gravement mettre en péril la solidité structurelle d'un ouvrage. Une série d'accidents récents, notamment dans mon département, rappelle l'urgence de renforcer le contrôle de la qualité de la fabrication et de la pose de ces armatures.

La France est en retard, alors que d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Espagne ou la Belgique ont déjà introduit une certification obligatoire pour les entreprises fabriquant ou mettant en oeuvre ces armatures.

Les professionnels de la construction s'en inquiètent et ne comprennent pas ce retard pris dans la réglementation française. La sécurité des bâtiments doit être une priorité si l'on souhaite éviter de nouveaux drames humains.

Une certification par l'association française de normalisation (Afnor) attestant de la qualité des armatures et de leur mise en oeuvre existe déjà. Elle permet d'attester que le niveau de qualité des produits certifiés satisfait aux besoins de l'ensemble des acteurs de la filière.

À l'heure où d'importants nouveaux chantiers sont lancés à travers tout le territoire et alors que certaines entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) ne disposent pas toujours de toute l'expertise nécessaire, le sujet est d'importance.

Seules 50 % des entreprises du secteur sont aujourd'hui titulaires de cette certification. À ce stade, le seul moyen d'assurer la sécurité des ouvrages serait de rendre obligatoire la certification des armatures du béton et de leur mise en oeuvre.

Je souhaite connaître les intentions du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - L'accident du 15 octobre 2016 à Angers a marqué nos concitoyens. La sécurité des personnes est une priorité pour tous les gouvernements. Dans le cadre de la stratégie logement que nous avons lancée, nous avons dit que nous voulions une pause normative mais j'ai aussi indiqué que la réduction de l'inflation normative ne devait bien sûr pas concerner la sécurité, qu'il s'agisse du sujet que vous venez d'évoquer ou des risques d'incendie. Le tragique accident de la tour de Londres nous appelle à la vigilance. L'administration suit de près ces dossiers.

En France, l'Afnor pilote un système de normes en concertation avec les professionnels. Il existe aussi un système d'assurance construction, qui pousse les entreprises à prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires. Plusieurs normes s'appliquent aujourd'hui aux constructions béton et aux armatures, pour assurer sécurité et solidité de l'ouvrage. Elles sont connues des professionnels.

Vous évoquez trois accidents en dix ans. Je ne saurais vous dire si les entreprises en cause étaient certifiées ou pas. Nous surveillons ce sujet de près. Pour mieux comprendre ces drames, l'Agence qualité construction dresse actuellement un état des lieux des risques liés au béton, dont nous tirerons toutes les conclusions utiles pour faire évoluer les exigences.

Mme Catherine Deroche.  - Vous évoquez des failles. Ce sujet est très important. Nous partageons votre souhait de ne pas alourdir la réglementation mais, en la matière, peut-être faudra-t-il aller vers une obligation de certification, comme chez certains de nos voisins.

Pré-enseignes

M. Gilbert Bouchet .  - L'installation des pré-enseignes est limitée par l'arrêté du 23 mars 2015. Les dérogations sont extrêmement restreintes : vente de produits du terroir, activités culturelles, monuments historiques classés ouverts à la visite et manifestations exceptionnelles.

Or la clientèle détournée des grands axes de circulation grâce aux pré-enseignes est indispensable au maintien des petites entreprises dans la Drôme comme dans les autres territoires ruraux ; je pense en particulier aux restaurants et hôtels. Pour beaucoup, la pré-enseigne est la seule communication accessible. L'alternative, qui consiste en un fléchage, n'est pas satisfaisante car l'indication est invisible depuis la route. Peut-on alléger cette réglementation ? Il y va de la survie de l'activité dans nos territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - La Drôme est un très beau département...

M. Gilbert Bouchet.  - En effet !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Cette réglementation est le fait de la loi du 12 juillet 2010 et du décret du 9 juillet 2013. Elle est l'oeuvre des gouvernements précédents. La prolifération d'enseignes en entrée de ville dans notre pays, contrairement à nos voisins européens, nuit à la protection de notre patrimoine comme notre environnement. Il fallait trouver un équilibre.

Pour les entreprises, la signalisation locale, qui s'intègre dans le schéma communal ou départemental, se substitue à la pré-enseigne. En aucun cas, elle ne doit affecter la visibilité de la signalisation directionnelle traditionnelle. Internet, du reste, a facilité le repérage des producteurs et entreprises locales. L'instruction donnée aux services déconcentrés de l'État est d'appliquer la loi au plus près des besoins du terrain, avec bon sens.

M. Gilbert Bouchet.  - Merci, Monsieur le Ministre. Pour les restaurants de l'arrière-pays drômois, les pré-enseignes étaient parfois la seule signalisation. Elles n'existent plus tandis qu'à quelques kilomètres près, on les trouve sur les routes de l'Ardèche et du Vaucluse. Le préfet peut adapter la loi, j'en prends bonne note.

État d'avancement du plan France très haut débit

M. Simon Sutour .  - Près de huit ans après le lancement du plan France très haut débit, la fracture numérique ne s'est pas réduite. Au rythme actuel, selon l'UFC-Que Choisir, le pays serait entièrement équipé en fibre en 2035 - c'est inquiétant. En 2017, seulement 47 % de la population ont accès au très haut débit ; 11 % sont inéligibles à un internet de qualité, supérieur à trois mégabits/seconde.

Le Gouvernement s'est engagé auprès des députés, sans expliquer comment il comptait s'y prendre, à ce que tous les Français aient une connexion au moins égale à huit mégabits/seconde en 2020, au très haut débit pour tous dès 2022 et, enfin, à la couverture de l'ensemble du territoire avec la fibre en 2025. Du côté des opérateurs, c'est le flou le plus total : Orange tient à peu près ses engagements, Bouygues et Free sont très en retrait par rapport aux investissements.

L'enjeu est crucial pour le développement rural. L'accès d'un plus grand nombre de personnes au haut débit encourage les entreprises et administrations à multiplier les services numériques, comme la télémédecine.

Pour que 100 % de la population gardoise puisse bénéficier d'une couverture, il faut investir 400 millions d'euros ; l'État prendrait à sa charge, dans le meilleur des cas, 50 millions. Les collectivités, compte tenu de leur situation financière déjà difficile, peineront à atteindre cet objectif.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Le numérique est une grande priorité du Gouvernement, compte tenu du retard que la France a accumulé par rapport à ses voisins européens. Notre volonté est de parvenir en 2020 à huit mégabits, et en 2022 à trente mégabits sur tout le territoire. Nous avons demandé aux opérateurs de faire des propositions, ce qu'ils ont fait. L'Arcep donnera le résultat de ces concertations le 30 novembre prochain. Le Parlement en sera immédiatement informé, je m'y suis engagé devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable la semaine dernière. Nous avons demandé aux opérateurs de prendre des engagements contraignants. L'urgence est de caler la négociation avec les opérateurs, avec l'Arcep d'une part et avec France Numérique d'autre part.

M. Simon Sutour.  - Merci de cette réponse qui montre une volonté politique forte. Les opérateurs doivent être bousculés pour qu'ils prennent leur part. Les collectivités territoriales et mon département, le Gard, ont ficelé un projet de qualité de 400 millions d'euros, dont 50 millions de l'État. La région doit participer, mais les opérateurs doivent aussi mettre la main à la poche.

PTZ pour les constructions nouvelles (I)

M. Didier Marie .  - La suppression annoncée dans le projet de loi de finances pour 2018 du prêt à taux zéro, le PTZ, pour l'acquisition de logements neufs en zones rurales et périurbaines a profondément heurté les maires qui se sont lancés dans des opérations avec des promoteurs immobiliers. Une fois de plus, petites villes et communes rurales situées à la frange des métropoles et des grandes agglomérations se sentent exclues. Elles représentent pourtant l'immense majorité du pays. À cette mesure s'ajoutent la suppression de l'APL accession et le recentrage du dispositif Pinel sur les zones tendues.

Pour les communes rurales, il est primordial, en plus d'accompagner le maintien à domicile des personnes âgées et de préserver le monde agricole, d'accueillir des populations nouvelles en rénovant l'existant et en construisant de manière responsable.

À l'Assemblée nationale, la suppression du PTZ sur le neuf dans les zones rurales a été retardée de deux ans, c'est tant mieux. Un bilan des zones géographiques retenues dans l'attribution du PTZ a également été prévu pour rendre plus pertinents les critères. Cela reste néanmoins insuffisant. Comptez-vous revoir la défiscalisation pour encourager l'investissement dans le monde rural, Monsieur le Ministre ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Nous savons la situation parfois difficile des villes moyennes et des territoires ruraux. Elle ne date pas de juin 2017. Que ne s'en est-on aperçu plus tôt ! Le président de la République s'est exprimé il y a un mois sur ce sujet : il a souhaité que le PTZ continue à s'appliquer pour le neuf, dans les zones détendues, ce que je souhaite aussi, et que l'Assemblée nationale a voté. Je ne doute pas que le Sénat confirmera ce choix qui donne de la visibilité aux acteurs durant tout le quinquennat : le PTZ dans le neuf pour deux ans, dans l'ancien pour quatre ans. Nous verrons quels seront les résultats. L'avenir renvoie à d'autres débats. En tout cas, nous ne laissons pas de côté les zones détendues.

M. Didier Marie.  - Les intentions du Gouvernement ont effectivement évolué entre le dépôt du projet de loi de finances et les débats à l'Assemblée nationale. Je ne doute pas qu'une majorité large se dégage au Sénat. Certes, la situation des villes moyennes et des zones rurales n'est pas nouvelle mais nous devons agir tous ensemble pour l'améliorer et préserver la capacité des communes à fixer des populations nouvelles. Cela passe, entre autres, par le PTZ.

PTZ pour les constructions nouvelles (II)

Mme Frédérique Espagnac .  - Un délai d'un à deux mois s'écoule entre le dépôt d'une question orale et le passage en séance. M. Marie vous a interrogé, Monsieur le Ministre, sur le même sujet : les interrogations, les grandes inquiétudes des maires sur la suppression du PTZ pour le neuf dans les zones B2 et C. L'Assemblée nationale a voté, le débat a évolué... Je me contenterai de remercier Monsieur le Ministre pour sa position.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Un ministre de la cohésion des territoires a précisément pour mission de résorber les fractures territoriales. Connaissant bien la situation des territoires fragiles, les quartiers prioritaires et les territoires ruraux dont je suis issu, je sais ce dont ils ont besoin. Pour eux, il faut des procédures adaptées. Nous préparons un plan pour les villes moyennes avec Action Logement de 1,5 milliard. Je sais pouvoir compter sur le Sénat auquel l'article 24 de la Constitution assigne le rôle de représenter les collectivités.

Récupération de la taxe sur la valeur ajoutée et transport scolaire

Mme Nicole Bonnefoy .  - Ma question porte sur la récupération, par les autorités organisatrices de transport, de la TVA sur le transport scolaire. Pour l'administration, si la somme des participations demandées aux familles est supérieure à 10 % du coût de revient annuel des prestations de transport, il y a « relation directe entre la somme acquittée par les familles et la prestation de transport ». D'où la possibilité de récupérer la TVA après assujettissement. L'Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public, que je préside, est inquiète. Dans deux tiers des départements, le reste-à-charge pour les familles est compris entre 0 et 10 % du coût total annuel ; cela représente quelques dizaines d'euros sur mille euros annuels. Cette mesure aura pour conséquence inéluctable une remise en cause généralisée de la gratuité. De fait, les régions seront incitées à éviter la double peine : financer la part familiale et renoncer à récupérer la TVA. Pour des familles souvent en situation difficile, 100 euros ou plus par enfant transporté constitue une dépense élevée.

Le transport scolaire est un service rendu quotidiennement à quelque quatre millions d'élèves. Le seuil des 10 % si préjudiciable aux familles, semble excessif si l'on se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Cette dernière a estimé qu'une part familiale de seulement 3 % entraînait la reconnaissance du caractère gratuit du service public.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Les règles applicables en matière de TVA sont harmonisées au niveau européen. La Cour de justice de l'Union européenne n'a pas fixé le seuil de la contribution. Pour le transport scolaire, il existe une relation directe entre la contribution demandée aux familles et la prestation rendue par le conseil régional. En cas de gratuité totale, la TVA n'est pas exigible.

Passer outre les règles communautaires exposerait la France à un risque de contentieux que nous perdrions, selon la direction juridique de mon ministère.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Votre réponse ne me satisfait pas. Il faut évaluer la situation à l'aune du pouvoir d'achat des familles. Une instruction insérée au Bulletin officiel des finances publiques pourrait régler le problème. J'espère que nous pourrons en rediscuter.

Fermeture de services publics de proximité en Seine-Saint-Denis

Mme Éliane Assassi .  - Sous l'effet de la réduction des dépenses publiques, les trésoreries disparaissent. La Seine-Saint-Denis n'échappe pas à cette cure d'amaigrissement. Malgré les promesses données par le précédent ministre des finances, les trésoreries d'Aubervilliers et de La Courneuve fermeront leurs portes le 1er janvier 2018 pour fusionner à Aubervilliers ; la trésorerie de Bagnolet sera, quant à elle, déplacée à Montreuil. La logique économique qui sous-tend ces choix n'est pas la nôtre. En Seine-Saint-Denis, on peine déjà à accéder à des services publics aussi essentiels que La Poste et les hôpitaux. Les Séquano-Dionysiens ont droit, comme les autres Français, à un service public de proximité. Demain, les habitants de La Courneuve, de Tremblay-en-France, de Stains et d'Epinay-sur-Seine devront se déplacer à Aubervilliers, où la trésorerie est surchargée, pour payer la cantine de leurs enfants ou acheter des timbres fiscaux. Quelle mesure prendrez-vous, Monsieur le Ministre, pour honorer la promesse de vos prédécesseurs ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Une administration moderne et efficace adapte son implantation physique aux évolutions démographiques, aux nouvelles technologies et aux nouveaux usages. Dans une France où un contribuable sur deux déclare son impôt en ligne, la qualité du service public ne se mesure pas au nombre d'implantations physiques. La DGFiP développe des solutions innovantes, telles des permanences ambulantes. La Seine-Saint-Denis est l'un des premiers départements concerné par l'installation d'un centre de contact.

La fermeture de la trésorerie de Bagnolet aura un impact limité sur les usagers compte tenu de la distance entre Bagnolet et Montreuil. Il s'agit d'adapter le réseau à la baisse d'activité localisée. Une antenne locale sera toutefois maintenue.

Mme Éliane Assassi.  - Les faits sont têtus. Il y aura des fermetures de trésoreries en Seine-Saint-Denis, ce qui pénalisera les usagers. J'aurais aussi pu vous parler des fermetures d'hôpitaux, des colis que La Poste refuse de livrer dans certains quartiers... Les Séquano-Dionysiens que je connais bien - je suis née dans ce département et j'y ai toujours vécu - ont une grande dignité. Ils ont depuis trop longtemps le sentiment de n'être pas respectés.

Seuils d'exportation des biens culturels

Mme Marie Mercier .  - Pour sortir du territoire national, un bien culturel ayant un intérêt historique, artistique ou archéologique est soumis à autorisation. Cette réglementation à l'exportation s'applique aux professionnels comme aux particuliers. La loi sanctionne durement son non-respect : 2 ans d'emprisonnement et 450 000 euros d'amende.

Si la protection du patrimoine national ou d'oeuvres d'intérêt patrimonial majeur est légitime, les seuils de valeur des biens culturels très bas, voire équivalents à zéro, pour certaines catégories d'objets, que l'on peut assimiler à du protectionnisme, pénalisent le marché français. Les délais administratifs de délivrance des autorisations sont toujours plus longs ; le rapporteur de la commission de la culture de l'Assemblée nationale, alors M. Travert, l'avait déploré. Nous attendons également une clarification sur les biens asiatiques, qu'il est très difficile de classer dans les catégories qui commandent les seuils, malgré le travail engagé par le musée Guimet, les experts et le syndicat national des antiquaires.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le dispositif actuel vise à protéger les trésors nationaux et à lutter contre le trafic illicite de biens culturels, en particulier dans la zone moyen-orientale. Depuis l'instauration du marché unique en 1993, une double réglementation, nationale et européenne, s'applique. La première a été calquée sur la seconde. Les seuils visent à garantir la protection du patrimoine, sans entraver le développement du marché de l'art. Les délais se sont allongés c'est vrai, car les vérifications prennent du temps.

Le résultat d'un travail de clarification sur les biens asiatiques sera bientôt appliqué. Le Gouvernement a également décidé de relancer le travail engagé il y a quelques années pour modifier l'annexe du code du patrimoine concernant les catégories de droit national - les catégories européennes restant inchangées.

Mme Marie Mercier.  - Merci pour ces précisions, que je ne manquerai pas de relayer.

Régime de la sécurité sociale étudiante

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le régime de sécurité sociale étudiant est confié à des mutuelles étudiantes qui agissent par délégation de service public. Il est obligatoire pour tous les étudiants entre 16 et 28 ans, qui ne sont pas rattachés au régime spécial de leurs parents.

Les modalités d'affiliation et de cotisation varient en fonction de l'âge de l'étudiant et de la profession du parent. Certains régimes spéciaux acceptent le rattachement jusqu'à l'âge de 28 ans.

Au cours de la campagne présidentielle, le Président de la République a annoncé la réforme de ce régime qui fait l'objet de critiques constantes. Passera-t-elle par la loi de financement de la sécurité sociale ? Attendra-t-elle l'année prochaine ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Veuillez excuser Mme Buzyn qui se trouve aux Restos du Coeur avec le président de la République. Une précision sémantique, d'abord. On ne peut pas parler de « régime » pour la sécurité sociale étudiante. De fait, il s'agit d'une délégation de gestion.

Le Parlement sera prochainement saisi d'un projet de loi. La réforme, qui se fera en deux ans, vise à simplifier les formalités pour les étudiants, qui bénéficieront ainsi de la même qualité de service que leurs parents - ce n'était pas le cas jusqu'à présent. À partir de la rentrée 2018, les nouveaux étudiants seront rattachés au régime général, les autres attendront 2019 au plus tard. La cotisation de 217 euros sera supprimée dès la rentrée prochaine ; cela représente un gain de pouvoir d'achat global pour les étudiants de 100 millions d'euros.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Merci Madame la Ministre. Il faut répondre de façon équitable aux attentes des étudiants et de leurs familles. Aucun dispositif complémentaire ne figure dans le PLFSS, si je comprends bien.

Situation critique des hôpitaux du Léman

M. Loïc Hervé .  - Ma question porte sur la situation extrêmement critique des Hôpitaux du Léman, centre hospitalier situé à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, département que vous connaissez bien, Madame la Ministre.

Cet ensemble hospitalier de 730 lits constitue la seule offre de soins du bassin de vie chablaisien, qui compte 143 000 habitants. Ce territoire, fortement touristique, marqué par une dynamique démographique soutenue, présente une facette urbaine autour du Léman et une autre montagneuse, autour des stations de ski. Le maintien des activités de soins de proximité prodiguées par les hôpitaux du Léman est donc essentiel au regard des besoins de ce territoire.

Or depuis plusieurs mois voire plusieurs années, cet établissement connaît de graves difficultés de fonctionnement, sur lesquelles nous avons attiré l'attention du directeur de l'Agence régionale de santé (ARS). Il n'a plus la capacité financière de se restructurer, de se moderniser et de maintenir dans un état décent ses équipements - les photos que j'ai envoyées à Mme la ministre en témoignent. Cette incapacité de projection contribue largement à une hémorragie de son personnel ainsi qu'à une aggravation de ses pertes financières.

Face à l'état de délabrement avancé de ses locaux et de son bloc opératoire, le personnel, pourtant fortement attaché à ses missions de service public, est désarmé et craint une disparition programmée de son outil de travail.

Le Premier ministre s'est engagé à garantir un égal accès aux soins, dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017. Quelles mesures financières le Gouvernement envisage-t-il pour sauvegarder cet établissement indispensable au maillage sanitaire territorial ? Il mérite mieux qu'une logique comptable.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - La situation de l'établissement est bien connue de l'ARS, et fait l'objet d'un accompagnement continu. Sa situation financière s'est dégradée sous l'effet de plusieurs facteurs : réforme des transfrontaliers, baisse d'activité due à la concurrence, défaut de performance global... La situation de l'établissement est complexe. Les aides octroyées en 2017 ont été une bouffée d'oxygène, permettant de remettre aux normes l'établissement.

Un projet de reconstruction, pour 80 millions d'euros, du bâtiment d'hébergement principal est toujours d'actualité. Il doit être construit en différentes phases, en tenant compte du projet territorial du groupement hospitalier de territoire.

Ces objectifs figureront dans la feuille de route du prochain chef d'établissement, en cours de recrutement, qui devra nouer des liens avec la communauté médicale et hospitalière, afin de porter les différents projets des hôpitaux du Léman, dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT). Cette logique de territorialisation du travail passe par le recrutement commun d'équipes mobiles, notamment pour les urgences.

Territoire en forte croissance démographique, coopérations dans le cadre du GHT, président de commission médicale d'établissement mobilisé, nouveau directeur, appui de l'ARS : tout sera réuni pour donner un nouvel avenir à cet établissement. Le sujet est connu et sous contrôle.

M. Loïc Hervé.  - C'est ce que j'attends de la ministre. Les élus de terrain - certains sont ici et vous écoutent - suivent la question de près. J'en profite pour dire que nous sommes très attentifs à l'avenir des dispositifs de formation sur notre territoire - qui compte une école d'infirmières, dont le rôle est très important pour le Chablais.

Manque de spécialistes en milieu rural

Mme Josiane Costes .  - Malgré les mesures mises en oeuvre par les gouvernements successifs, l'accès aux soins demeure difficile en milieu rural, où certains spécialistes font cruellement défaut. Dans le Cantal, il faut plus d'un an pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste. Il ne reste que deux urologues dans notre département. Les pédiatres, les gynécologues, les pneumologues sont rares. Nos concitoyens n'ont d'autre remède que de consulter à Clermont-Ferrand, à plus de deux heures et demie de route de chez eux !

Le bilan n'est guère meilleur s'agissant des généralistes. Les maisons de santé n'ont pas eu les effets escomptés. Les astreintes freinent l'installation dans nos vastes territoires de montagne. Que faire, Madame la Ministre, pour lever les freins à l'installation et renforcer la présence des médecins ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Depuis son arrivée avenue de Ségur, la ministre Agnès Buzyn a fait de la lutte contre la désertification médicale une priorité. Il n'existe pas de solution unique et uniforme, il faut pour y remédier un panel de solutions adaptées aux territoires.

Les maisons de santé pluridisciplinaires seront doublées, nous encouragerons la télémédecine et la santé numérique, les pratiques avancées des professionnels paramédicaux, le détachement de spécialistes depuis l'hôpital pour des consultations dans les zones sous-dotées...

Cela exige une coordination de tous : collectivités territoriales, professionnels, ARS. Pertinence des soins et qualité de prise en charge restent les objectifs cardinaux. Cela prendra du temps, plusieurs mesures s'inscrivant dans la longue durée. C'est le but du plan territorial d'accès aux soins. Le PLFSS 2018 complète, pour les aspects financiers et réglementaires, ce plan annoncé le 13 octobre dernier.

Mme Josiane Costes.  - Merci pour votre réponse. La situation, critique, appelle des réponses rapides.

Déserts médicaux

M. Hervé Maurey .  - Comme beaucoup, j'ai accueilli avec espoir l'annonce par le Premier ministre dès sa nomination de la priorité donnée à la lutte contre les déserts médicaux avec enthousiasme. Hélas, il a été déçu par la présentation du plan du 13 octobre dernier par la ministre de la santé. Par manque de courage politique, par méconnaissance de la réalité de nos territoires, ce Gouvernement, qui se veut le chantre du nouveau monde, applique les recettes de la vieille politique, qui a démontré son inefficacité depuis un quart de siècle.

L'accès aux soins ne cesse de se dégrader : selon une étude récente, 148 cantons ne comptent plus aucun médecin généraliste, contre 91 en 2010. Les disparités territoriales en matière de démographie médicale atteignent un niveau jamais vu. Ainsi, le département de l'Eure dont je suis l'élu, comptait, en 2015, 1,7 médecin pour 1 000 habitants, contre 7,5 à Paris.

En France, il faut en moyenne 18 jours pour voir un pédiatre, 40 jours pour un gynécologue et 133 jours pour un ophtalmologiste - et il ne s'agit que de moyennes ! La conséquence est sans appel : 70 % des Français disent avoir renoncé à se faire soigner à cause de ces délais.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat demande la mise en place d'un conventionnement sélectif dans les zones sur-dotées selon le principe : « une installation pour un départ ». De telles mesures ont été mises en place avec succès pour les infirmiers, les sages-femmes, les orthophonistes et les chirurgiens-dentistes. Il a prouvé son efficacité. Son extension aux médecins est de plus en plus souhaitée. Ainsi 110 sénateurs ont signé les amendements dans ce sens la semaine dernière au Sénat. (M. Loïc Hervé le confirme.)

Comptez-vous faire un bilan des mesures annoncées ? En cas d'inefficacité, entendrez-vous nos propositions sur la régulation comme sur les futurs médecins ? Resterez-vous dans le déni ? Attendrez-vous un drame sanitaire pour agir enfin ? (Applaudissements vigoureux sur les bancs du groupe UC)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Le plan annoncé par la ministre le 13 octobre s'appuie sur le terrain, les remontées des professionnels de santé, des collectivités territoriales, et des usagers. Il n'y a pas une réponse miracle, mais un panel de solutions.

Ce plan est un vrai changement de paradigme : l'accès aux soins ne repose pas sur l'installation d'un médecin, mais sur l'organisation coordonnée entre tous les professionnels de santé, au niveau local, dans chaque territoire, par les acteurs, auxquels il faut laisser le maximum de liberté d'organisation.

Le nombre de médecins va encore diminuer au cours des prochaines années. Le plan annoncé généralise la téléconsultation, la télémédecine, encouragera la coopération en doublant les maisons de santé, ainsi que les pratiques avancées et les contrats conventionnés en zone sous-dense, dont le contrat de solidarité territoriale médecin. Trois délégués ont été désignés pour suivre l'application de ce plan et son adaptation : M. Thomas Mesnier, député, Mme Elisabeth Doineau, sénatrice, et Mme Sophie Augros, présidente du syndicat des jeunes médecins ReAGJIR.

M. Hervé Maurey.  - Votre réponse m'attriste. Ce plan n'a aucune ambition. Les maisons de santé sans médecins ne sont qu'un gâchis d'argent public. Les solutions mises en oeuvre depuis vingt-cinq ans ne marchent pas. Aucun gouvernement n'a eu le courage d'affronter le lobby médical, voilà la vérité ! Ouvrez les yeux, allez dans les territoires périurbains et ruraux. Je le redis, un jour, il y aura un drame. À force d'attendre un rendez-vous chez le spécialiste, il devient inutile de le consulter... (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Promotion des métiers du grand âge

Mme Vivette Lopez .  - Ma question porte sur le besoin d'une promotion suffisante des métiers du grand âge.

En Occitanie, la tension, notamment sur les postes d'aides-soignants, pose des problèmes incessants. Quinze minutes pour une toilette : les personnes âgées méritent mieux !

Le secteur du grand âge et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) rencontrent des difficultés majeures notamment en matière d'attractivité. Il est temps de créer une filière spécialisée, de valoriser les métiers et les carrières qu'ils promeuvent, de professionnaliser l'accompagnement en gérontologie en créant un nouveau métier de soignant spécialisé.

Alors que le nombre des personnes âgées de 60 ans et plus représenterait plus d'un tiers de la population française en 2040 contre un quart aujourd'hui, et que sur les vingt prochaines années, ce sont plus de deux cent mille emplois soignants qui seront à pourvoir dans le secteur des Ehpad, quelles réponses entendez-vous apporter à cet enjeu majeur porteur d'avenir, Madame la Ministre ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - La France compte environ 8 000 Ehpad, représentant 70 % des établissements dédiés à l'hébergement des personnes âgées, dont 53 % font partie des hôpitaux publics. Je salue le travail quotidien du personnel de ces établissements : soignants, accompagnants, animateurs, personnes chargées de l'hôtellerie et de l'accueil... Toutes et tous participent à la prise en charge des personnes âgées au sein de notre société.

Les évolutions démographiques sont à prendre en compte : nous aurons 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans en 2050 (1,5 million aujourd'hui).

La loi de 2015 d'adaptation de la santé au vieillissement prévoyait un plan des métiers de l'autonomie, pour organiser la filière, rendre ces métiers plus attractifs et renforcer la lutte contre la maltraitance. Un plan d'action sera arrêté d'ici le second semestre 2018, après concertation.

Agnès Buzyn salue le rôle sans faille des Ehpad en la matière. Le PLFSS 2018 prévoit 4 525 places supplémentaires. Une mission sur la qualité de vie de ce personnel au travail a de plus été lancée par la ministre, pour lui permettre d'assurer dans les meilleures conditions leur mission au chevet de nos aînés.

Mme Vivette Lopez.  - Merci, Madame la Ministre. Le personnel soignant mérite de l'attention car ce sont des métiers pénibles. Les personnes âgées, comme les nouveau-nés, demandent des soins constants - le poids des ans en plus !

Le personnel des Ehpad, qui sont asphyxiés financièrement, mérite un débat national sur sa condition et une reconnaissance accrue.

Nécessité de faire évoluer la protection du loup

Mme Marie-Pierre Monier .  - « Au moment où j'écris ces mots, une meute de loups s'approche de mon troupeau, elle est à moins de 100 mètres. Mon conjoint est contraint de surveiller le troupeau pendant la nuit en dormant dans la voiture alors que la température est de 0°C. Le troupeau est très stressé, après l'attaque subie dimanche dernier où 15 brebis sur 150 ont été perdues ; nous craignons des avortements. Quelle profession pourrait accepter une telle pression ? Nous sommes installés depuis trois ans et avons la certification bio. Nous avons investi notre énergie, nos convictions et nos finances dans ce projet avec valorisation en vente directe. Nous avons mis en oeuvre toutes les protections recommandées : parcs électrifiés, chiens, surveillance plusieurs fois par jour. Ce soir, j'ai un sentiment d'impuissance et de découragement face à la prédation du loup qui s'est intensifiée dans le sud des Baronnies. Ne sous-estimez pas l'urgence : nous avons besoin de réponses concrètes ».

Je n'aurais pas pu dire plus clairement que ce témoignage reçu à ma permanence le désarroi des éleveurs. Dans la Drôme, les attaques ont augmenté de 31 % l'an dernier. Or, selon la dernière livraison du bulletin Loup, l'état de la population de cette espèce garantit sa viabilité démographique. Le pastoralisme est menacé ; n'oublions pas non plus son rôle dans la lutte contre les incendies et la protection des paysages.

Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de déclassement du statut de protection du loup, Madame la Ministre ? Entreprendrez-vous des démarches en ce sens au niveau européen ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Nicolas Hulot ne peut pas être présent aujourd'hui.

Le loup fait son retour en France et c'est une bonne nouvelle pour la biodiversité. Mais c'est un défi pour les éleveurs.

Le Gouvernement se fixe un double défi : la viabilité - non encore acquise - de l'installation de cette espèce sur le territoire, et la protection des éleveurs.

Le Premier ministre a chargé Nicolas Hulot, avec Stéphane Travert, de réfléchir à une méthode s'appuyant sur des données scientifiques. Le Gouvernement veut en effet changer de méthode - privilégiant jusqu'à présent le court terme - pour sortir de l'opposition binaire par des solutions à long terme, viables et co-construites, dans la concertation.

Ceux qui voudraient exterminer les loups et ceux qui nient la détresse des éleveurs doivent entendre raison.

Les tirs de défense doivent être confortés. Mais seulement si tout a été fait pour protéger les troupeaux avant. Les mesures de protection ne sont efficaces que si elles se cumulent.

La concertation se poursuit pour développer une panoplie d'outils obéissant à ces principes. Le plan Loup sera présenté au premier semestre 2018.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Quid du déclassement du statut du loup ? Vous n'avez pas pleinement répondu à ma question. Les attaques ont lieu malgré la protection.

Au Parlement européen, une recommandation sur la biodiversité a été votée le 17 novembre ouvrant une brèche par laquelle la France devrait s'engouffrer, pour solliciter un changement de statut du loup auprès du commissaire européen chargé de l'environnement.

Autre élément préoccupant, l'hybridation des loups est signalée, argument suffisant pour remettre en question la protection stricte.

Dimanche dernier, en Hautes Baronnies, 44 éleveurs m'ont symboliquement remis les clés de leurs élevages, remettant leur destin dans les mains des élus. (Mme Marie-Pierre Monier vide un sac sur son pupitre d'où sortent des clés qu'elle fait tinter.) Je les ai là avec moi. Je veux vous les remettre solennellement, car je tiens à vous voir, ainsi que M. Hulot et M. Travert, qui seront bienvenus dans la Drôme, que ce soit dans les Baronnies, le Diois ou le Vercors, pour aller à la rencontre des éleveurs : je vous emmènerai au-devant de ces familles en détresse, qui vivent la peur au ventre.

Élevage industriel et développement durable

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - Dans le département de l'Ain, les services de l'État examinent actuellement un projet d'élevage industriel de 40 000 poulets de batterie sur 1 800 m2, pendant que les élevages de qualité luttent pour survivre. Cela est-il le modèle à suivre ? Quelle est la frontière entre pragmatisme et renoncement ?

Dès 1976, les dérives de l'alimentation industrielle et la « malbouffe » étaient dénoncées dans la comédie L'Aile ou la cuisse, de Claude Zidi. Tricatel, l'affreux industriel, était battu par Duchemin, l'amateur de gastronomie, incarné par le merveilleux Louis de Funès. Quarante ans plus tard, la fiction est devenue réalité, avec du faux fromage à base d'huile de palme dans les pizzas et des manchons de poulets reconstitués à partir de déchets d'os recouverts de gel et de peinture alimentaire - j'ai assisté à leur fabrication ! Je doute que l'on serve cette pitance dans les salons dorés de l'Élysée, ni dans les antichambres des ministères, où l'on juge pourtant qu'elle est assez bonne pour nos enfants. C'est un autre modèle pourtant que défend le ministre d'État, militant de longue date de l'écologie.

Le Gouvernement est-il du côté de Tricatel ou de Duchemin ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Ce que nous mangeons compte beaucoup. La question de la pérennité de l'emploi agricole se pose aussi. Nos concitoyens veulent des produits plus traçables. Nicolas Hulot est engagé pour la transition écologique de l'agriculture, vers l'agriculture biologique, dans laquelle de nombreux agriculteurs sont engagés.

Les États généraux de l'alimentation pilotés par le ministère de l'agriculture réunissent jusqu'à la fin de ce mois l'ensemble des parties prenantes concernées.

Le 11 octobre dernier, le président de la République a confirmé nos nouvelles orientations. Par une meilleure prise en compte des enjeux de qualité, de protection de l'environnement et du bien-être animal, elles doivent doter notre pays d'une stratégie visant à retrouver notre souveraineté alimentaire. Le ministre d'État sera particulièrement vigilant à ce qu'émergent des propositions allant dans le sens d'une transformation en profondeur des modèles agricoles en général, des systèmes d'élevage en particulier.

Déjà, plusieurs chantiers progressent dans ce sens. Ainsi, le Gouvernement s'engage à mettre en place un plan de sortie des pesticides.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Les mots et les actes semblent éloignés : les consommateurs attendent des actions concrètes et non des effets d'annonce. Les Français seront les premières victimes de tout cela. Vingt et un poulets au mètre carré ! Je ne suis pas sûre que cela sauve l'agriculture. Aujourd'hui un agriculteur se suicide chaque jour ou presque.

Impact du projet EuropaCity

M. Fabien Gay .  - Le projet EuropaCity menace l'équilibre de la Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise. Il concurrencera les centres commerciaux et de loisirs et les commerces de proximité. 80 hectares de terres agricoles fertiles seront supprimés, alors qu'ils pourraient servir aux circuits courts, à une production locale telle que le propose le projet alternatif ; elles constituent en outre un puits de carbone crucial pour l'Île-de-France notamment en temps de canicule.

Les autoroutes A1 et A3 seront surchargées. Le temps de trajet de Paris à Roissy passerait de 50 à 85 minutes ! Les citoyens sont de plus en plus mobilisés contre EuropaCity. Nicolas Hulot s'y était opposé. Nous le rejoignons.

L'État français prendra-t-il ses responsabilités pour un projet respectueux des engagements de la France en termes d'environnement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Nicolas Hulot.

Ce projet d'extension urbaine de grande ampleur pose la question d'un modèle d'aménagement commercial plus respectueux de la préservation des espaces agricoles et naturels. Il créera 800 000 m2 de bureaux supplémentaires, alors que 3,5 millions de m2 sont vacants en Île-de-France ; 250 000 m2 de commerces, à proximité d'un centre commercial qui connaît déjà des difficultés et au détriment des commerces de proximité. La desserte se fera essentiellement par la voiture, ce qui contribuera à la congestion du trafic et à la dégradation de la qualité de l'air. Enfin, EuropaCity consommera 80 hectares des terres les plus fertiles d'Île-de-France, en contradiction avec notre objectif de lutte contre l'artificialisation des sols.

Malgré de nombreux avis négatifs et malgré les réticences de la population, le PLU de Gonesse autorise l'ouverture à la commercialisation. Je ne peux qu'interroger la compatibilité de ce projet avec la politique de transition écologique et solidaire que nous portons.

Nous avons toutefois conscience que ce projet contribuerait au développement économique régional, le Triangle de Gonesse ayant été identifié comme stratégique pour le Grand Paris. Soutenu par le précédent gouvernement, il est accompagné par un opérateur de l'État. Un travail interministériel s'impose, tenant compte des attentes de la collectivité, pour redéfinir la position du Gouvernement et étudier les évolutions possibles.

M. Fabien Gay.  - Nous nous rejoignons sur plusieurs points.

Ce projet, d'intérêt régional et national, nous interroge aussi sur le modèle de société que nous souhaitons : de grands ensembles commerciaux où l'argent est roi, ou une société plus respectueuse de l'environnement, des citoyens, de la proximité ?

Élu local de Seine-Saint-Denis, je suis sensible à l'argument de la création d'emplois. Mais celle-ci n'est pas garantie : face aux douze mille emplois créés, combien de milliers d'emplois détruits ?

Il faut poursuivre le débat, en y associant les collectivités territoriales et les associations.

Qualité des infrastructures de transport dans l'Aisne

M. Antoine Lefèvre .  - Cette question est récurrente : 2009, 2012, 2015... J'espère, à défaut de réponses rassurantes, une écoute attentive du Gouvernement qui dit vouloir privilégier les transports du quotidien et la rénovation des lignes existantes.

L'Aisne est située sur l'axe stratégique qui relie Paris à la Belgique, c'est donc une voie de passage très empruntée, par route et par rail. Or les investissements nécessaires à la pleine exploitation des infrastructures terrestres et ferroviaires font toujours défaut, d'où un engorgement chronique et une qualité de transport dégradée.

Les élus locaux se sont mobilisés pour le doublement des voies de la RN2 et pour la réalisation de travaux sur la ligne ferrée Laon-Paris, aux côtés de la SNCF. L'État doit cependant participer à cet effort qui conditionne le développement économique du territoire.

Concernant la RN2, quel calendrier et actions le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre ? Concernant la ligne ferrée Paris-Laon, comment compte-t-il préparer l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs, afin de concilier le rôle de la région et le maintien d'une infrastructure performante ?

La future navette CDG Express empruntera le tronçon des voies ferrées utilisées par le TER Picardie de la ligne Paris-Laon, en plus de la ligne K et du RER B. Le précédent gouvernement avait assuré que son développement ne se ferait pas au détriment des transports du quotidien.

La ligne Paris-Laon souffre déjà de perturbations récurrentes : ponctualité déficiente, suppression de train, mauvais état... Nous avons besoin d'être rassurés. La ligne Fère-en-Tardenois-La Ferté-Milon a été fermée aux voyageurs, mais il faut maintenir la desserte marchandises. Une de nos entreprises fabrique des rails et des aiguillages : ce serait un comble qu'elle ne soit plus desservie par la SNCF !

La région est mobilisée sur cette question. La SNCF semble prête à s'engager mais les conventions n'ont toujours pas été signées. En cette semaine de Congrès des maires, j'espère des engagements du Gouvernement.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Élisabeth Borne.

L'État porte toute son attention à ce dossier. Le contrat de plan État-région 2015-2020 a d'ores et déjà inscrit la poursuite de l'aménagement de la RN2 dans l'Aisne. Des programmes d'amélioration d'itinéraires sont en cours, à Silly-le-Long, sur la déviation de Soissons comme au nord du département, sur la section entre Laon et Avesne-sur-Helpe.

La ligne TER Paris-Laon souffre en effet d'une régularité insuffisante, les lourdes opérations de maintenance entraînent des ralentissements et des substitutions routières le week-end.

La région Hauts-de-France est autorité organisatrice pour les TER et à ce titre responsable. La mission confiée par le Gouvernement à Jean-Cyril Spinetta sur l'ouverture à la concurrence rendra ses conclusions début 2018. Enfin, le CDG Express utilisera effectivement les mêmes voies que les circulations quotidiennes du Paris-Laon entre la Plaine Saint-Denis et Mitry-Mory, mais il n'y a pas d'incompatibilité et le TER pourra garder ses horaires.

Soyez assuré que le Gouvernement est engagé pour la qualité des transports du quotidien.

M. Antoine Lefèvre.  - Le 15 novembre, Mme Borne avait déclaré que les Français attendaient que l'on s'occupe d'abord des transports du quotidien. Il est temps de moderniser cette ligne. Venez donc à Laon !

Contournement autoroutier de Bordeaux

M. Philippe Madrelle .  - La rocade bordelaise est saturée, paralysée : 100 000 véhicules sur le pont d'Aquitaine, 140 000 sur la rocade Est : 265 000 véhicules par jour et une heure vingt en moyenne pour les déplacements quotidiens ! Entre janvier et septembre, le trafic a augmenté de 2,5 % rive droite, de 3,3% dans l'intra-rocade nord ; en cinq ans, le trafic de poids lourds a augmenté de plus de 12 %. C'est un véritable gaspillage : 60 000 heures perdues chaque jour ! Je chiffre les conséquences économiques et environnementales à 1 million d'euros par jour. Les projections, effrayantes, font craindre le pire.

Les travaux d'élargissement de la moitié sud de la rocade ouest et de la moitié nord de la rocade ouest auraient dû fluidifier le trafic ; il n'en est rien. En 1989, alors président du conseil départemental, j'avais émis l'idée d'un grand contournement autoroutier, abandonnée lors du Grenelle de l'environnement. Alain Juppé a redit l'urgence d'une telle infrastructure. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Bordeaux est la troisième agglomération la plus congestionnée de France, elle risque l'asphyxie. On peut désormais rejoindre Paris en deux heures, mais on met le même temps pour faire 15 kilomètres sur la rocade !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La rocade bordelaise combine un trafic local et un trafic de transit. Le contournement, un tracé neuf d'une centaine de kilomètres estimé à 1 milliard d'euros, a été abandonné en 2008 conformément aux orientations du Grenelle pour son impact sur l'environnement.

La métropole a émis de nouvelles propositions de contournement, avec un barreau autoroutier entre l'A62 et l'A89 à l'Est de la Gironde : elles sont étudiées actuellement par le Conseil d'orientation des infrastructures, chargé dans le cadre des Assises de la mobilité de proposer au Gouvernement une loi de programmation de nos infrastructures.

L'État est conscient de ces problèmes. C'est pourquoi, il s'est engagé depuis 2009 pour son élargissement à deux fois trois voies. Les résultats sont très positifs. Le Gouvernement restera vigilant au traitement de ces noeuds de congestion routière qui pénalisent des millions de Français au quotidien.

M. Philippe Madrelle.  - Les maires de Gironde sont prêts à monter au créneau. C'est la thrombose sur le pont d'Aquitaine, l'exaspération des automobilistes est à son comble. Chaque jour, le quotidien Sud-Ouest en témoigne. Lors de la récente visite d'Édouard Philippe, Alain Juppé et moi-même sommes intervenus vigoureusement sur cette réalité qui transcende les étiquettes politiques.

Le problème de financement peut être réglé par une concession à des sociétés autoroutières - en 1989, plusieurs étaient dans les starting blocks.

Grand Paris Express

Mme Laurence Cohen .  - Le Grand Paris Express, avec ses 200 kilomètres de lignes automatiques et ses 68 nouvelles gares, est sur les rails. Le débat public sur l'élaboration du tracé a été de grande qualité.

Or la société du Grand Paris fait état d'un surcoût de 10 milliards d'euros, un rapport du préfet de région a étudié des optimisations de dépenses... ce qui fait craindre que certains tronçons soient abandonnés, retardés, au profit de certains plus connectés avec les Jeux Olympiques.

Certes, le président de la République a confirmé la réalisation de la ligne 16 pour 2024, mais qu'en sera-t-il de la ligne 15 Est ? Le Grand Paris Express est un schéma d'ensemble. Je rejoins la motion du conseil d'administration de l'association Orbival qui demande le maintien de tous les projets en cours.

Le Gouvernement peut-il lever toutes les incertitudes ? Ce projet d'infrastructure est l'un des plus importants au monde, les retombées en termes d'emploi et d'aménagement du territoire seront colossales.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - En effet, le Grand Paris Express est indispensable pour maintenir l'Ile-de-France au premier rang des métropoles mondiales et pour faciliter les mobilités du quotidien.

Le président de la République l'a rappelé : ni l'opportunité ni le schéma d'ensemble ne sont remis en cause. D'importants travaux ont été lancés depuis dix mois, le premier tunnelier commencera à creuser l'an prochain à Champigny, dans votre département.

Cependant, l'attribution des Jeux Olympiques à Paris conduit à interroger les priorités du planning. Des surcoûts très importants sont également apparus en raison de la difficulté des travaux en souterrain. Le préfet de région a remis le rapport demandé par le Gouvernement sur ces problèmes ; il est en cours d'analyse, le Gouvernement annoncera ses choix très prochainement, dans un calendrier réaliste et compatible avec notre trajectoire des finances publiques.

Mme Laurence Cohen.  - L'Île-de-France a besoin que ce projet soit mené à terme. Le métro et le RER sont saturés, les pannes quotidiennes. Les Franciliennes et les Franciliens sont épuisés.

J'entends que le Gouvernement va faire ses choix et nous en informer. Nous avons besoin de transparence et de concertation ; le Gouvernement ne doit pas donner un signal négatif comme privilégier le Charles-de-Gaulle Express, projet pharaonique destiné aux hommes d'affaires, au détriment des transports du quotidien.

Avenir de la ligne nouvelle Paris-Normandie

Mme Corinne Féret .  - La ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) est sans cesse retardée. Depuis juillet, Rennes n'est plus qu'à 1 heure 25 de Paris et Bordeaux à 2 heures 4. Or il faut compter 1 h 55, au mieux, entre Paris et Caen - que seuls 230 km séparent ! Si l'Atlantique se rapproche de la capitale, la Manche reste transparente...

Face à ce triste constat, le souhait du Gouvernement de mettre en pause une vingtaine de projets d'infrastructures inquiète.

La LNPN se veut connectée avec le réseau ferroviaire existant. Son objectif est de réduire les temps de parcours mais aussi d'augmenter la capacité des lignes, d'assurer une meilleure régularité et ponctualité des trains, de renforcer la desserte des territoires, des villes et des ports. C'est l'aménagement de la vallée de la Seine, de la baie de Seine et la politique maritime de la France qui se jouent ici.

On évoque une ouverture en 2030 pour l'ancienne Haute-Normandie et en 2050 pour Caen et Cherbourg - bref, les calendes grecques. C'est faire peu de cas des difficultés rencontrées par les usagers.

Comme l'a admis son PDG, la SNCF, et donc l'État, ont une dette envers la Normandie. À l'heure où se tiennent les Assises nationales de la mobilité censées déboucher sur une loi de programmation, le Gouvernement peut-il confirmer que la LNPN est toujours une priorité ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - En effet, les liaisons entre Paris et la Normandie ne sont pas satisfaisantes. La LNPN devrait y remédier ; elle est au stade des études. Des zones de passages préférentielles ont été proposées lors du comité de pilotage du 26 octobre pour les sections prioritaires.

Le Gouvernement s'engage dans une démarche inédite pour le financement des infrastructures, à travers une loi de programmation présentée au premier semestre 2018, financièrement équilibrée à un horizon de cinq ans. Elle permettra de faire face à l'impasse budgétaire de 10 milliards d'euros résultant d'engagements disproportionnés pris par le passé.

Il s'agit d'une pause et non d'une remise en question du projet. Des propositions seront formulées par le Conseil d'orientation des infrastructures. Nous recherchons des solutions d'optimisations des réseaux afin de renforcer l'offre de service - c'est le sens des travaux engagés autour du complexe ferroviaire de Saint-Lazare, déterminant pour la Normandie. Le Gouvernement reste mobilisé.

Mme Corinne Féret.  - Je note que le projet n'est donc pas remis en cause. Les Normands sont les éternels oubliés de la SNCF. Alors qu'une nouvelle offre illimitée pour les jeunes est lancée sur les TGV et Intercités, aucune ligne normande n'est concernée ! La ligne Paris-Caen-Cherbourg est classée parmi les douze lignes malades du réseau national : trains bondés, incidents techniques à répétition, trains annulés faute de conducteur... Depuis janvier, 125 heures de retard accumulées ! Cela porte atteinte à l'attractivité de notre région.

École nationale supérieure maritime de Saint-Malo

Mme Sylvie Robert .  - Le hasard fait bien les choses : ce matin au Havre, lors des Assises de l'économie de la mer, le Premier ministre aurait apporté des réponses positives sur le projet de transfert du site de l'École nationale supérieure maritime de Saint-Malo (ENSM). Nous en attendons confirmation.

En décembre 2016, la région Bretagne et la communauté d'agglomération du pays de Saint-Malo, en partenariat avec l'ENSM, ont souhaité insuffler une nouvelle dynamique à l'école, en l'intégrant à un projet territorial moderne. Il s'agit de délocaliser l'ENSM, située dans la ville close, pour la rapprocher du lycée public maritime Florence Arthaud.

Outre les synergies réalisées, les liens pédagogiques entre l'école et le lycée pourraient aboutir à un continuum des formations, l'Académie maritime dont parlait le Premier ministre ce matin, et un premier pas vers un pôle maritime d'excellence. Mutualiser les fonctions supports de l'ENSM et du lycée maritime est une bonne chose, mais pouvez-vous garantir que le haut niveau d'enseignement sera maintenu et que les équipes pédagogiques ne feront l'objet d'aucune économie ? La qualité de la formation est un facteur de rayonnement pour toute la Bretagne.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Vidal.

L'ENSM, créée en 2010 à partir des quatre écoles historiques de la marine marchande, a su moderniser son enseignement et diversifier son offre de formation. Le taux d'emploi des ingénieurs navigants à la sortie est supérieur à la moyenne des grandes écoles.

Pour franchir une nouvelle étape et affirmer l'ENSM comme une école de référence à l'échelle internationale, il faut poursuivre le processus de rationalisation de l'établissement, actuellement en surcapacité. L'éclatement de la direction sur quatre sites nuit au portage du projet. La recherche d'économies ne signifie pas l'abandon de toute présence à Saint-Malo ou à Nantes : nous travaillons à définir des projets de formations au lycée professionnel de Saint-Malo et à l'École centrale de Nantes.

Mme Sylvie Robert.  - Je me félicite de l'ambition du Gouvernement. Le contexte breton et malouin est favorable. La région Bretagne est candidate pour assurer la maîtrise d'ouvrage. Il est intelligent de mutualiser, mais il faut bien marquer notre ambition en termes de statut, de gouvernance et de diplômes, pour que cette école d'excellence soit reconnue comme telle au niveau national et international.

Échec en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Yves Daudigny, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance reprend à 15 heures.

Financement de la sécurité sociale pour 2018 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2018.

Constatant l'absence de la ministre, je suspends la séance quelques instants.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est scandaleux !

La séance, suspendue à 15 h 5, reprend à 15 h 15.

Explications de vote

M. Michel Amiel .  - La montagne du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018 n'aura pas accouché d'une souris (Exclamations amusées sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Dallier.  - C'est déjà pas mal !

M. Michel Amiel.  - Les débats ont été riches, denses, parfois houleux. Y transparaissent des mesures concrètes et nécessaires pour notre système de protection sociale. Un consensus s'est dégagé pour maintenir un système juste et solidaire et l'adapter au virage numérique, revenir à l'équilibre d'ici 2019 et apurer la dette d'ici 2024.

Si tout le monde souhaite le retour à l'équilibre, certains proposent une hausse de la TVA, que je trouve injuste parce qu'elle pèserait sur tous indépendamment du niveau de revenu de chacun quand d'autres, dont je suis, préfèrent une hausse de la CSG, qui assure la solidarité intergénérationnelle que nous assumons. Je regrette qu'on ait caricaturé cette mesure. L'article 7, fondé sur l'idée que le travail doit payer, reposait sur un équilibre : l'allégement des charges sociales des actifs compensé par la hausse de la CSG. La solidarité des jeunes envers les aînés est un sujet abordé sans tabou ; pourquoi n'en serait-il pas de même de la solidarité des papy-boomers, dont je suis, envers les jeunes ? Gilles Carrez,...

M. Gérard Cornu.  - Enfin, une bonne référence !

M. Michel Amiel.  - ...qui n'est pas franchement un gauchiste, affirme lui-même que « c'est le problème des gouvernants depuis 1981 mais aussi de toute une génération qui a voulu vivre au-dessus de ses moyens ».

Les mesures sur l'innovation font consensus. Téléconsultation et sortie du tout paiement à l'acte participent de la recherche d'une meilleure pertinence des actes. Priorité sera donnée à la prévention : la maladie de bon pronostic est celle que l'on n'aura pas. L'élargissement de l'obligation vaccinale devra s'accompagner d'une vraie campagne d'information, y compris envers les praticiens réticents. Je veux encore citer la prévention du cancer du col de l'utérus et la lutte contre le tabagisme par une fiscalité dissuasive.

Priorité est donnée, dans la branche famille, aux foyers les plus pauvres, notamment les familles monoparentales. La ministre s'est engagée à une réflexion approfondie sur l'universalité des allocations familiales, qui conduira à faire un vrai choix de société.

Pour les volets vieillesse et médico-social, les enjeux de la vieillesse doivent être abordés à l'aune de l'allongement de l'espérance de vie. Avec 5,5 millions d'euros de mesures nouvelles, l'Ondam permettra une meilleure prise en charge en Ehpad. La revalorisation du minimum vieillesse sur trois ans, qui est une bonne chose, représente une charge de 500 millions d'euros supplémentaires pour le fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont le déficit reste préoccupant.

Ce projet de loi de financement est un texte de transition en attendant les grandes réformes sur la retraite, l'autonomie et le vieillissement en général - de même que sur les allocations familiales. Les 7 milliards de dépenses supplémentaires votées ici dénaturent un équilibre qui, reconnaissons-le, est précaire. Le groupe LaREM ne pourra pas voter le texte du Sénat. Au-delà de l'aspect purement financier, c'est pour moi une question d'éthique que d'inscrire notre système de protection sociale dans la durée. Reprenant la dialectique de Max Weber, j'opposerai à une éthique de la conviction, certes respectable, une éthique de la responsabilité. Espérons que les jeunes générations et les générations à venir ne regrettent pas d'être venues « trop tard dans un monde trop vieux » comme le disait Alfred Musset.

Mme Laurence Cohen .  - Après cinq jours de débats très intenses, nous avons la confirmation que le Gouvernement Philippe-Macron s'engage dans une véritable destruction de notre modèle social. Il amplifie les choix entérinés par la loi HPST et la loi Touraine.

Deux visions de la protection sociale se sont affrontées. D'un côté, la ministre nous a présenté « avec tact et mesure », pour reprendre les termes notoirement insuffisants de l'article de loi censé lutter contre les dépassements d'honoraires, un système étatique, fiscalisé, qui prendrait uniquement en charge les plus précaires ; les autres sont renvoyés à l'assurance. Nous sommes loin de « chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Ce projet de privatisation de la santé rejoint totalement celui de la droite. De l'autre, nous avons défendu un système de protection sociale pour toutes et tous qui, certes doit évoluer, mais continuer à reposer sur ses principes fondateurs : la solidarité, l'universalité des prestations, la gestion démocratique et le financement par la cotisation sociale.

Vous raisonnez en termes d'économies, Madame la Ministre. Vous m'avez d'ailleurs répondu que l'hôpital public dysfonctionnait, non par manque d'argent mais parce que nous n'avions pas engagé les réformes nécessaires. Et de vouloir réduire la gabegie et concentrer les dépenses sur les soins utiles. Le groupe CRCE a été seul pour voter contre l'Ondam hospitalier fixé à 2,3 % pour 2018 jusqu'en 2020, soit un manque à gagner de 4 milliards d'euros par an ; preuve qu'il n'y a pas consensus. Des hommes et des femmes qui travaillent au quotidien à l'hôpital sont dans nos tribunes ; ils apprécieront que vous parliez de gabegie quand ils constatent partout une pénurie, de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil où pèsent à nouveau de lourdes menaces sur le service de chirurgie cardiologique et hépatique à l'hôpital de Bastia en Corse. On leur demande toujours plus avec moins ; ils subissent les suppressions de lits, la vétusté du matériel, la pression hiérarchique des gestionnaires qui suppriment les 35 heures et réduisent le nombre de RTT.

Refuser obstinément d'aller chercher des recettes nouvelles en stoppant les exonérations et en taxant la finance, c'est ne pas créer les conditions pour assurer un maillage territorial comprenant au moins un hôpital public de proximité, une maternité, un établissement médico-social, un Ehpad et un centre de santé par bassin de vie. Pourquoi ne pas être aussi sévère avec les entreprises qui, en 2019, toucheront le CICE au titre de 2018 et les réductions de cotisations pour un coût de 25 milliards d'euros ? Il y a deux poids, deux mesures. Pas un seul article dans ce texte, qui traque la fraude sociale sans commune mesure, sur la lutte contre la fraude patronale qui représente pourtant 20 milliards d'euros. Tandis que vous supprimez l'ISF pour un coût de 3,4 milliards d'euros, vous vous acharnez sur les actifs et les retraités en relevant la CSG de 1,7 %. Nos amendements, conjugués à d'autres, limitent un peu cette injustice, puisque la Haute Assemblée a exclu de la hausse de la CSG les retraités, les bénéficiaires de pension d'invalidité, les titulaires de la PCH et les artistes auteurs. Cette maigre avancée risque malheureusement d'être balayée par les députés.

Comment ne pas regretter la remise à plus tard de la généralisation du tiers payant ? Pourquoi ne pas avoir organisé le débat approfondi que les Français attendaient sur l'extension de l'obligation vaccinale ? Nous serons très vigilants sur votre promesse de limitation des prix du médicament.

Chers collègues, il n'est pas interdit de mettre à contribution le capital (Marques d'ironie à droite) pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens mais ni le Gouvernement Philippe-Macron ni la droite sénatoriale n'en ont la volonté. Le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. le président.  - Je donne la parole à M. Vanlerenberghe que je remercie pour le travail qu'il a effectué en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Après des débats très constructifs (Rires à droite), je remercie mes collègues rapporteurs et la ministre pour son écoute et son autorité bienveillante.

M. Philippe Bas.  - Fayot ! (Rires à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Non, je dis, pour avoir participé à tous ces débats, ce que tout le monde pense. Nous avons abordé des sujets passionnants qui appellent souvent des réponses très techniques. Le groupe centriste du Sénat se retrouve largement dans la politique sociale du Gouvernement : pertinence des soins, accent mis sur la prévention et l'innovation. J'y ajoute la révision de la tarification à l'acte à l'hôpital, le plan de lutte contre les déserts médicaux et l'attention portée aux enfants et aux plus fragiles avec la revalorisation de l'AAH et du minimum vieillesse.

Nous sommes opposés, en revanche, à l'article 7, à l'application d'une taxe additionnelle à la CSG pour les retraités. Sa mise en oeuvre est complexe et perçue comme injuste par les retraités eux-mêmes. Les centristes auraient préféré une hausse de la TVA. Pour ma part, je regrette cette opportunité de faire converger la CSG des actifs et retraités. Il faudra poursuivre la réflexion sur la diversification des sources de financement ; on ne pourra éternellement augmenter la CSG.

Idem à l'article 26, nous avons voté, à l'invitation de notre rapporteur, Mme Doineau, la suppression de la baisse de la PAJE. Il n'y a aucune urgence à prendre cette mesure quand la branche famille est excédentaire. Nous attendons avec impatience, Madame la Ministre, votre réflexion sur la politique familiale.

Le groupe centriste regrette certains votes négatifs contre l'avis de la commission sur les articles 7 et 8. Il soutient la transformation du CICE en une réduction pérenne de charges pour une meilleure compétitivité des entreprises, comme la fin du RSI à condition d'un portage politique fort.

Je veux répéter notre soutien aux trois axes majeurs de ce texte. La prévention, d'abord, en soulignant la situation préoccupante de la médecine scolaire. L'innovation, ensuite, avec la promotion de la télémédecine qui participera de la lutte contre les déserts médicaux. Pour éviter les 30 % d'actes inutiles ou redondants, il faut espérer la mise en oeuvre longtemps attendue du DMP.

La situation de nos finances sociales s'améliore mais la dette reste de plus de 150 milliards. Le Gouvernement ouvre de nombreux chantiers, dont la réforme systémique des retraites qui rassurera peut-être les 40 % des Français qui craignent de ne pas toucher de pension. Le groupe centriste sera un partenaire exigeant et vous soutiendra de manière constructive si la concertation avec le Parlement s'affirme. Le groupe centriste votera cette loi de financement modifiée par le Sénat. Ce projet de loi de financement est de bon augure, le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé, MM. Alain Milon et Robert del Picchia applaudissent également.)

M. Yves Daudigny .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Quel regard le groupe SOCR porte-t-il sur ce texte ? Après une semaine de débats durant laquelle des visions différentes de l'avenir de notre protection sociale se sont dessinées, ce regard est contrasté. La satisfaction est mêlée de déceptions et d'interrogations.

Nous sommes satisfaits de voir le Sénat supprimer la hausse de la CSG pour les retraités, les bénéficiaires de la PCH et les artistes-auteurs. Satisfaits également par la réaffectation des ressources de la CNSA au financement de l'APA. Côté recettes, nous saluons la fin de l'inégalité devant les charges sociales pour les tâches effectuées au domicile de personnes âgées ou en situation de handicap organisées par les EPCI, la possibilité de cumuler année blanche et exonérations partielles pour les jeunes agriculteurs, l'extension de l'offre « service emploi associations » aux entreprises de moins de vingt salariés, l'exonération de la taxe sur les véhicules de société fonctionnant au superéthanol, l'exclusion des médicaments génériques de la taxe sur le chiffre d'affaires. Côté dépenses, nous nous réjouissons de la suppression de la baisse de la PAJE, de la réforme de la tarification de la dialyse par un forfait unique adapté au profil de chaque patient qui facilitera la dialyse à domicile et du rejet d'un amendement supprimant le pécule des enfants de l'ASE, constitué par le cumul des allocations de rentrée scolaire.

En revanche, quelle déception de voir la généralisation du tiers payant se transformer en tiers payant généralisable. Ce signe fort était attendu par les familles modestes. Nous serons attentifs aux conclusions du rapport attendu pour mars prochain. Même sentiment devant le refus de revaloriser les pensions de retraites des agriculteurs, le report de la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier et l'abaissement de 30 à 20 % du taux des cotisations patronales sur la distribution d'actions gratuites par les grandes entreprises.

Nous soutiendrons la hausse du prix du tabac, elle doit s'accompagner de la lutte contre la contrebande et la contrefaçon. Nous vous suivons également sur la taxe sur les boissons sucrées, la consultation gratuite de prévention du cancer et l'extension de l'obligation vaccinale. Nous confirmons notre appui attentif aux mesures d'expérimentations organisationnelles et à l'inscription de la téléconsultation et de la télé-expertise dans le champ ordinaire de l'assurance maladie. Enfin, le caractère universel de notre protection sociale, confirmé en 2016 avec la protection universelle maladie, est accentué par la disparition du RSI.

Deux inquiétudes. L'hôpital, d'abord. Vous l'avez dit à plusieurs reprises, il n'est pas une entreprise. Huit ans après la loi HPST, toutes les conséquences doivent être tirées en matière de gouvernance, de mode de rémunération, de liens avec la ville et d'organisation des urgences. Ensuite, l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU), que le monde entier nous envie. Nous suivrons attentivement votre gestion du dossier.

Le groupe SOCR s'abstiendra sur ce texte à lire en miroir d'autres décisions ou positionnements. J'ai en tête, d'un côté, les déclarations radicales du président de Goldman Sachs ; de l'autre, l'étonnant rapport du FMI ainsi que le communiqué alarmiste du Défenseur des droits. Nous croyons en la possibilité d'un espace politique entre le libéralisme ultime et la fermeture du pays sur lui-même, pour affronter les réalités d'un monde global en promouvant la solidarité, la justice sociale et la lutte contre les inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. Daniel Chasseing .  - Maintien des dépenses de sécurité sociale, innovation et expérimentation pour lutter contre les déserts médicaux, anticipation de l'innovation technologie, le groupe Les Indépendants soutient l'objectif d'accompagnement des plus fragiles et de retour à l'équilibre des comptes. Le déficit global se réduit à 2,2 % contre 5,2 % en 2017 ; c'est à saluer. Notre groupe avait proposé de réduire la hausse de la CSG à 1,2 % pour les retraités. Bien sûr, cela représentait un coût d'environ 1 milliard, mais cela paraissait un entre-deux raisonnable par rapport à une suppression pure et simple de la CSG pour les retraités d'environ 4,5 milliards d'euros.

L'article 8 transforme le CICE en allégement pérenne de charges patronales. Nous l'avons soutenu tout comme la mesure en faveur des EPCI en contrepartie des aides à domicile, la fusion C3S et C4S, l'extension de l'utilisation du CESU aux petites activités, l'année blanche pour les créateurs d'entreprises ou encore l'adossement du RSI au régime général.

Nous soutenons les mesures en faveur de la prévention du cancer du sein en regrettant que notre amendement parallèle sur la prévention du cancer de la prostate ait été rejeté.

À l'article 12, nous avons soutenu le Gouvernement sur le tabac tout en nous inquiétant de ses conséquences sur le marché parallèle et les buralistes. Pour ces derniers, nous défendons des retours plus élevés sur les produits de la Française des jeux.

L'article 13 vise à étendre l'obligation vaccinale à onze vaccins. C'est une excellente chose : la poliomyélite, qui causait 4 000 morts en 1957, a été jugulée par une vaccination à 100 %. Attention à la coqueluche, qui tue les nouveau-nés.

La généralisation du tiers payant est inacceptable, sauf pour les bénéficiaires de la CMU-C, les femmes enceintes et les personnes atteintes d'une ALD.

Avec d'autres, nous avons voté contre la baisse de la PAJE.

Nous sommes favorables à la hausse du minimum vieillesse et de l'AAH ainsi qu'au budget médico-social.

Notre groupe Les indépendants place beaucoup d'espoir dans l'article 35. Comme vous, Madame la Ministre, nous sommes défavorables à la coercition des jeunes médecins contre les déserts médicaux. Un médecin dans chaque maison de santé est un enjeu de santé publique. Pour cela, il faut plutôt un internat territorialisé, le maintien de tous les CHU et la hausse du numerus clausus.

La suppression de la CSG sur les pensions met en danger l'équilibre de cette loi de financement et du projet de loi de finances. Nous espérons que la CMP reprendra la solution intermédiaire que nous avions proposée.

Le groupe Les Indépendants s'abstiendra. (Marques d'étonnement à droite)

M. Roger Karoutchi et M. Jacques Grosperrin.  - Tout ça pour ça !

M. Guillaume Arnell .  - Le groupe RDSE salue la qualité et la richesse de nos débats avec une mention particulière pour Mme la ministre qui a répondu à chacun et chacune. Merci également au rapporteur général.

S'agissant de l'augmentation de la CSG pour les retraités : le retraité dont le revenu mensuel net est de 1 394 euros ne peut être rangé dans la catégorie des retraités « aisés ». Si la hausse de la CSG est rétablie à l'Assemblée nationale, au moins pourriez-vous relever le plafond à 1 600 euros par mois.

De même, la mise en place d'un taux progressif pour la cotisation maladie des exploitants agricoles nous semble inappropriée. Le taux de 3,04 % était un engagement pris par l'État en 2016. En métropole comme en outre-mer, la profession est en pleine crise. Le taux progressif accentuera son sentiment de détresse. Alors que l'Assemblée nationale voudra sans doute rétablir son texte, j'espère que le Gouvernement se souviendra des échanges au Sénat.

L'article additionnel après l'article 11, introduit par notre commission des affaires sociales, rassemble des mesures légitimes permettant de relancer l'activité à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, territoires sinistrés. Merci à la commission des affaires sociales, qui a accepté de porter ces amendements.

Au sujet des vaccins, le RDSE a particulièrement apprécié la réponse que vous avez faite à notre collègue Véronique Guillotin lorsqu'elle vous a interrogé au sujet du papillomavirus. Nous serons vigilants, Madame la Ministre, quant au respect de l'engagement que vous avez pris de saisir la HAS et de travailler avec Santé publique France pour relancer des campagnes de vaccination.

L'article 13 bis taxe les boissons sucrées. Si on peut contrôler le taux de sucre dans les boissons, comment s'y prendre pour les pâtisseries, ou dans les produits où il ne devrait pas exister ? Cette fiscalité comportementale frappe surtout les plus défavorisés car les riches n'en souffrent pas ; elle est inefficace car les consommateurs la contournent. Nous lui préférons l'éducation, qui touche tout le monde.

Nous sommes déçus par la suppression du tiers payant.

Nous saluons l'adoption de plusieurs mesures, l'accès au dossier médical partagé, notamment.

Concernant le financement de nos établissements, la T2A n'est pas satisfaisante. Nous espérons que le Gouvernement se penchera bientôt sur ce problème, comme sur d'autres.

Le RDSE, dans sa grande majorité, adoptera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Je remercie le président de la commission des affaires sociales pour son travail sur ce texte.

M. Alain Milon .  - Merci au rapporteur général, aux rapporteurs et rapporteur pour avis. Nous avons fait le choix de supprimer l'augmentation de la CSG des retraités, des bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap et des artistes auteurs - sans trop d'illusions, sauf pour la PCH peut-être. S'attaquer aux 8 millions de retraités, c'est mettre à mal la solidarité intergénérationnelle.

La suppression du RSI aurait dû faire l'objet d'un texte particulier, plutôt que d'un article de trente pages composé de pas moins de 409 alinéas. Elle ne doit pas se traduire par une complexité accrue. Or passer d'un à trois interlocuteurs, c'en est une. Les indépendants qui attendaient une baisse des charges seront déçus ! À prestations égales, ce sera au mieux le statu quo. (M. François Patriat proteste.)

Nous avons combattu la modulation des allocations familiales, qui enterre leur universalité, et la réforme du congé parental. Vous poursuivez dans cette voie. Notre politique familiale accordait à tous une compensation des charges familiales - elle est aujourd'hui fragilisée. Nous nous sommes donc opposés à la baisse de la PAJE.

M. François Patriat.  - Démago !

M. Alain Milon.  - S'agissant de la branche vieillesse, notre rapporteur René-Paul Savary l'a qualifiée dans son rapport de deuxième « homme malade » de la sécurité sociale. Il faut donc répondre par une réforme paramétrique, sans attendre une réforme systémique.

La suppression de l'obligation du tiers payant témoigne d'un changement d'approche bienvenu.

Nous partageons votre objectif du maintien de soins sur le territoire. Nous ne retrouvons le changement de cap que nous souhaitons que partiellement dans votre texte. Mutualisation des équipements, approche collaborative, il faut dépasser les prés carrés et l'individualisme. Les plateaux techniques doivent être partagés par tous les acteurs - publics et privés, chercheurs, industriels...

Nous avons supprimé le plafonnement du nombre de soins à domicile qui freinait le développement de l'ambulatoire.

Nous restons préoccupés par l'état des comptes sociaux. Nous partageons les objectifs avec vous, Madame la Ministre, mais le temps presse ! Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. le président.  - Il va être procédé au scrutin public solennel, de droit, ouvert dans quelques instants.

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 45.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°28 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 239
Pour l'adoption 204
Contre 35

Le Sénat a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Intervention du Gouvernement

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Cela a été un immense plaisir de discuter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale au Sénat. Les débats ont été de qualité, constructifs. J'ai essayé d'expliquer, de convaincre, tantôt avec succès, tantôt sans. Je déplore que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne ressemble pas au texte initial.

M. Jean-Claude Carle.  - Il est bien meilleur !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Il reste désormais un déficit de 7 milliards d'euros à combler ! (On se récrie au banc de la commission, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains.) Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale de transition ne fait qu'ouvrir le débat. Celui-ci se poursuivra et je souhaite que nos discussions à venir soient aussi constructives. (Applaudissements des bancs du groupe SOCR au groupe Les Républicains)

Communications

Délégation sénatoriale (Nomination)

M. le président.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Guy-Dominique Kennel.

Débat sur l'avenir de l'Institut français

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir de l'Institut français.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.

Les commissions à l'origine du débat disposeront d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) « Il suffit de passer un peu de temps à l'extérieur de notre territoire pour le constater : toutes les puissances renforcent aujourd'hui les moyens de leur politique étrangère. Si nous voulons rester maîtres de notre destin et assurer notre souveraineté, il faut que nous disposions d'un instrument diplomatique efficace, agile et capable de défendre nos intérêts. »

Monsieur le Ministre, sans doute ces phrases ne vous sont-elles pas étrangères ? Ce sont celles de M. le ministre Le Drian lui-même, prononcées il y a à peine quelques jours devant l'Assemblée nationale et j'y souscris pleinement.

Toutefois, en matière de diplomatie culturelle, nous avons été bercés de bonnes paroles depuis trop longtemps. Les déclarations du ministère sont-elles donc un énième voeu pieu ou un changement de cap ?

La demande de la France pourtant est là ! À chaque déplacement, nous visitons les instituts français, les alliances françaises, les centres culturels. Ces opérateurs contribuent au rayonnement de la France.

Notre commission de la culture a publié un rapport sur la francophonie au XXIe siècle, signé par Louis Duvernois et Claudine Lepage. J'espère que le Gouvernement s'en inspirera pour mener à bien son plan pour la promotion du français.

La commission de la culture a contribué à la création en 2010 de l'Institut français et elle demeure très attentive à son sort, avec l'ensemble du Sénat.

Hélas, le projet de lui rattacher l'ensemble du réseau des instituts français a fait long feu et ses moyens ont été réduits comme peau de chagrin. Ainsi, l'Institut français est exsangue : soit il faut réduire la voilure, soit il faut lui donner les moyens de ses ambitions. Les coupes budgétaires lors du précédent quinquennat ont été fortes : - 43 % pour le cinéma, - 44 % pour la langue française, - 55 % pour la coopération artistique.

Notre commission de la culture avait émis des réserves sur le budget triennal. Les subventions sont insuffisantes pour cet opérateur qui promeut le français à l'étranger. D'où ma demande de débat.

N'oublions pas aussi les Alliances françaises. Leur articulation avec l'Institut français devra être évoquée. Attention toutefois à éviter les solutions simplistes pour pallier la pénurie. (Applaudissements sur la plupart des bancs, de ceux du groupe SOCR à ceux du groupe Les Républicains)

M. Claude Kern, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Je partage les inquiétudes de la présidente Morin-Desailly sur la trajectoire budgétaire de l'Institut français. Nous sommes inquiets du décalage entre les bonnes intentions et le manque de moyens. Nous n'avons pas besoin de bonnes paroles mais d'actes... sonnants et trébuchants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Je suis partisan d'une politique vertueuse. Taillons dans les dépenses de fonctionnement et non d'investissement comme l'est la promotion du français et de notre culture à l'étranger. Souvent, les succès culturels de la France à l'étranger préparent ses succès commerciaux. Il faut développer des solutions innovantes, tels des regroupements ou mutualisations francophones, ou franco-allemands. À Rangoun en Birmanie, l'Institut français partage ses locaux avec le Goethe-Institut. Faut-il aller plus loin qu'une colocation ? Au Ghana, en Tanzanie, des projets existent. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La France porte souvent seule la charge de l'enseignement du français dans le monde. Louis Duvernois et Claudine Lepage ont fait, l'an dernier, des propositions intéressantes pour y remédier. J'ai visité la maison Denise Masson à Marrakech. Ce qui est bon pour la francophonie, j'en suis sûr, est bon pour la France. De telles initiatives pourraient-elles faire partie des annonces prochaines du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Ce débat touche une question fondamentale : notre diplomatie d'influence. Notre héritage est fort, mais pas immuable ; il doit être adapté à la mondialisation de l'information et aux réseaux sociaux, pour défendre notre vision du monde. Le rapport de notre commission, écrit par Hélène Conway-Mouret et Jacques Legendre, appelle à un sursaut.

La question des moyens est essentielle. Depuis 2011, l'Institut français a su imposer sa marque. Ce nom est connu, il est remarqué dans le monde entier. Il faut en féliciter ses présidents. L'Institut français encourage plus largement les échanges culturels. Nous pensons qu'un rapprochement avec l'Alliance française doit être l'occasion de réfléchir plus largement à notre diplomatie culturelle.

La demande de culture française est variable. Y a-t-il concordance entre l'offre et la demande ? Des études empiriques seraient utiles.

Réfléchissons ensuite aux synergies entre Institut français et les autres opérateurs culturels, audiovisuels par exemple, comme France Média Monde. Peut-on renforcer les partenariats ?

Même si on ne saurait réduire la diplomatie culturelle à cette dimension, elle est liée à notre diplomatie économique, 32 milliards d'euros sont en jeu. Ne peut-on renforcer aussi cette dimension ? Nous serons attentifs à vos travaux, surtout le président de la commission des affaires étrangères Christian Cambon. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Je dirai un mot du lien entre l'Institut français et la fondation Alliance française. Celle-ci anime 813 alliances locales, associations de droit local, qui réalisent plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires et s'autofinancent à 96 %. Ses difficultés financières sont très importantes, du fait du conflit avec l'Institut français et notamment de la baisse des subventions de l'État.

Le rapprochement entre Instituts français et la fondation Alliance française est souhaitable : il est devenu nécessaire, inéluctable, tant la complémentarité est évidente et la concurrence stérile et coûteuse. Songez que les alliances et les instituts sont en train de mettre en place des offres concurrentes de cours de français en ligne ! Ce n'est pas acceptable financièrement ni politiquement. Il faut associer approches de la langue et de la culture, les deux vont de pair. Réticences et résistances seront au rendez-vous, comme lors du rapprochement Caisse des dépôts et Agence française de développement.

Ne restons pas sur l'échec de 2010 du rattachement des réseaux culturels publics aux ambassades. Le rapprochement ne doit pas être un moyen de gérer la pénurie, il doit s'accompagner de moyens supplémentaires, au service de notre histoire, de notre culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - C'est toujours un plaisir de s'exprimer à cette tribune. Les travaux que vous avez produits viennent à point nommé. Le Gouvernement s'en inspirera utilement - je songe en particulier au rapport de M. Jacques Legendre et Mme Hélène Conway-Mouret, qui a sonné l'alarme ; et à celui de M. Louis Duvernois sur la francophonie.

Le président de la République a un intérêt tout particulier pour ces questions, il l'a dit lors de la Conférence des ambassadeurs. Le plan en cours d'élaboration se nourrira de vos suggestions.

« Actes sonnants et trébuchants », « paupérisation »... j'ai entendu vos craintes. Le ministère des affaires étrangères a beaucoup participé aux efforts budgétaires récents, c'est vrai, au point qu'il se retrouve un peu « à l'os ». Il est vraisemblable que la baisse des moyens financiers et humains ne peut être prolongée, au détriment du personnel qui, dans ces conditions, fait parfois des miracles.

La dotation à l'Institut français a été stabilisée en conséquence. Nous veillerons à ce que l'Institut français déploie une diplomatie culturelle ambitieuse. Cet été d'ailleurs, une université américaine nous a identifiés comme la diplomatie la plus influente.

Claude Kern appelle justement à développer les coopérations. Des actions franco-allemandes sont déjà conduites ; nous travaillons avec le Goethe Institut, dans le cadre du fonds culturel franco-allemand. Un programme soutient par exemple les jeunes entrepreneurs d'Afrique de l'Ouest. Tout cela peut être amplifié.

Avec nos partenaires francophones, les coopérations peuvent être améliorées. Le plan du président de la République y remédiera.

M. Vallini évoque le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, qui exige un sens diplomatique aigu... Un ambassadeur a été missionné, nous attendons ses préconisations.

Alliances et instituts sont parfois en concurrence, parfois même sur leurs business models - pardon pour cet anglicisme ! - respectifs. Les rationaliser ? Sans doute, mais sans leur retirer des moyens d'action.

Tous ceux qui font vivre les alliances françaises, associations de droit local, sur le terrain, doivent avoir voix au chapitre.

M. del Picchia évoque les synergies avec les acteurs audiovisuels. TV5 Monde, France Médias Monde (FMM) sont mobilisés. Des prix sont décernés conjointement, des conventions prévoient des saisons culturelles croisées. Je salue leurs dirigeants pour leur action - on se souviendra du succès de l'année France-Colombie. Nous préparons France-Israël et France-Roumanie.

J'ai envie de vous dire, pour conclure ce propos liminaire : message reçu ! Vous avez émis le souhait, juste et pertinent d'une diplomatie culturelle ambitieuse, et je vous reçois cinq sur cinq !

Une langue est un point de vue sur le monde : nous continuerons à oeuvrer pour diffuser la nôtre. Le Gouvernement est ici pour puiser à bonne source les moyens d'y parvenir plus efficacement.

Dans un monde multipolaire, la France a une voix différente et nous mettrons tout en oeuvre pour qu'elle soit forte et entendue.

(« Très bien ! » ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; on applaudit aussi sur plusieurs bancs, de ceux du groupe SOCR jusqu'à ceux du groupe Les Républicains)

Mme Christine Prunaud .  - L'Institut français a pour mission de promouvoir la langue et la culture françaises. C'est aussi la mission de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Quelle coopération peut-on envisager ? En dépit des engagements pour 2018-2019, les régulations budgétaires subies en 2017 nous rendent inquiets.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État .  - Les actions des instituts français concernent 600 000 à 800 000 personnes. D'autres contribuent aux mêmes missions, telle l'AEFE, c'est vrai. Nous gagnerions à les faire travailler avec plus de fluidité. Une conférence annuelle, au Quai d'Orsay, transformerait utilement un dialogue bilatéral en échanges multilatéraux. Je prends votre question comme un appel.

Mme Christine Prunaud.  - Merci. Je m'inquiète encore des marges données à l'AEFE, tel que le révèle le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2018-2019, qui prévoit des suppressions de postes, sans parler des 33 millions d'euros annulés cet été.

De plus, les frais d'inscription vont augmenter, et craignons que les programmes d'excellence annoncés ne rendent l'enseignement que ces établissements dispensent trop élitistes.

Mme Colette Mélot .  - Débattre de l'Institut français, c'est évoquer la place de la culture française dans le monde. Notre modèle culturel doit se réinventer pour s'adapter au nouveau siècle. En 1906, le premier Institut culturel français, fondé à Florence, procédait du projet de Julien Luchaire qui rêvait d'une maison ouverte aux jeunes Français et aux jeunes Italiens, où ils travailleraient ensemble et se connaîtraient toujours plus. Cette exigence de la connaissance mutuelle est plus que jamais d'actualité en Europe. Au groupe Les Indépendants, nous sommes particulièrement sensibles à ces questions.

Manifestement, vous êtes conscient des difficultés financières, Monsieur le Ministre. Mais nous sommes à l'heure du digital ; que comptez-vous développer en matière numérique ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Resserrer les liens avec les autres Européens, nous nous y employons. La France pourrait prendre la tête d'un mouvement encourageant les échanges avec nos voisins - j'ai même une nostalgie pour l'Union latine : la France gagnerait à prendre la tête d'un rassemblement qui rapprocherait l'action de la francophonie, de l'hispanophonie et de la lusophonie.

J'entends votre ambition numérique. Pensons au programme Saphir Lab pour les jeunes entrepreneurs culturels du Maghreb et du Proche-Orient. Cette ambition est essentielle.

Mme Colette Mélot.  - Merci de l'attention que vous portez à l'Institut français.

Mme Françoise Laborde .  - La diplomatie culturelle est un vecteur essentiel de la diplomatie d'influence. Malheureusement les outils ne sont pas tous à la hauteur. Le COM de l'Institut français est ambitieux mais les crédits alloués en loi de finances ne sont pas à la hauteur.

Des outils numériques ont été élaborés. Depuis 2013, une équipe les développe, notamment le projet « IF360 » qui donnera accès à la production culturelle française à des publics du monde entier. Où en est ce projet prévu pour 2018 ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Il est vrai que le paradoxe est là : les moyens sont réduits à la portion congrue. Il faudra mener à ce sujet une réflexion approfondie avec le ministre des comptes publics. Une limite fixée à 28,7 millions d'euros en 2017, et c'est tout, à l'article 2, annexe 2. C'est un peu court.

La plateforme « IF360 » sera mise en fonction au premier semestre 2018. Nous pourrions associer députés et sénateurs à son lancement. Le numérique est aussi utilisé pour l'enseignement du FLE à distance.

Mme Françoise Laborde.  - Merci de votre honnêteté sur la partie moyens. Un COM sans moyen invite il est vrai à la prudence... Quant au lancement de la plateforme « IF360 », nous serons ravis d'y participer.

M. Richard Yung .  - En 2010, nous avions longuement débattu du statut de l'Institut français. Reconnaissons que, tel Roland à Roncevaux, nous avons échoué. L'organe central à Paris fait de la programmation mais, sans grands moyens ni relais, faute de réseau intégré, ça ne suit pas toujours sur le terrain. Le Quai d'Orsay a résisté : il ne voulait pas du modèle de l'AEFE. Dont acte.

L'Institut français a un problème de moyens, son budget étant passé de 49 millions d'euros en 2012 à 28 millions d'euros en 2018 : soit une diminution de près de la moitié.

Le Gouvernement devrait régler le statut des instituts, établissements à autonomie financière, en contradiction avec la loi organique relative aux lois de finances, d'ici à cet été.

Enfin, il y a un problème avec l'Alliance française. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée de rapprocher la fondation Alliance française et l'Institut français. En France, il y a une multitude d'agences pour tout. En revanche, je soutiendrai mordicus l'indépendance des Alliances françaises, ces associations de droit local, ce qui les fait échapper aux turpitudes françaises.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nous devons peut-être modifier la loi organique relative aux lois de finances pour garantir l'autonomie des établissements locaux ; cela les conforterait dans la recherche et l'obtention de cofinancements locaux, auxquels ils s'emploient activement, avec des résultats notables.

Un groupe de travail a été mis en place à cette fin sur le statut des EAF. Au ministère des affaires étrangères, nous estimons qu'il faut d'abord dialoguer. Cette réforme pourrait passer par un projet ou une proposition de loi organique, raison pour laquelle votre commission des finances devrait pouvoir s'en saisir. Parlez-en aussi aux pères de la loi organique relative aux lois de finances, Didier Migaud et Alain Lambert...

Mme Sonia de la Provôté .  - La contrainte budgétaire a été particulièrement lourde pour les Instituts français ces dernières années. Ils ont dû développer des offres payantes. Leur taux d'autofinancement est très élevé. Toutefois, certains ont dû fermer.

Nombre d'organismes thématiques tel que le Centre national de la cinématographie (CNC) ont des actions redondantes, voire concurrentes de celles de l'Institut français. Ne pourrait-on pas imaginer de desserrer l'étau budgétaire en coordonnant mieux ? Si oui, quelles sont les pistes à l'étude ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les Instituts français collectent 67 % de leurs ressources grâce à leurs actions de recherche de cofinancements et de mécénat. Ils n'ont pas, pour ainsi dire, les deux pieds dans le même sabot et c'est heureux. Il faut que chaque euro soit utilement dépensé. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et l'Institut français - dont 11 % du budget est consacré au cinéma - mènent des actions en commun, comme à Cannes, le festival « cinémas du monde ». L'Institut français a organisé plus de 40 000 projections publiques à l'étranger. Une trentaine de conventions ont été passées entre l'Institut français et les organismes culturels, tels qu'Unifrance, le centre national du livre ou le centre national des arts plastiques, afin de mener dans chacun de ces domaines une action cohérente.

Mme Sonia de la Provôté.  - Vos propos confortent ma position en faveur d'une action globale.

Mme Claudine Lepage .  - Le président de la République a évoqué un rapprochement entre Alliance française et Institut français.

L'Institut français a été créé par la loi du 27 juillet 2010 ; c'est un EPIC, sous tutelle conjointe du Quai d'Orsay et du ministère de la culture. L'Alliance française, fondée en 1883, accorde un label à ses antennes locales, des associations à but non lucratif, souvent issues de l'initiative de francophones et régies par le droit local. Sa richesse tient à la diversité des antennes et à la souplesse de l'organisation.

La force des Instituts français réside dans le pilotage culturel. Ils sont complémentaires, mais leurs règles de fonctionnement sont différentes. Le rapprochement concerne-t-il seulement la fondation Alliance française et l'Institut français à Paris ou a-t-il vocation à se décliner localement ? Cela ne risquerait-il pas de brouiller la lisibilité ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Le rapprochement concerne bien la fondation Alliance française et non les alliances françaises sur le terrain, qui ont un statut juridique distinct selon les pays. La vitalité de ce tissu ne doit pas être remise en cause. Le rapprochement des structures parisiennes renforcerait les réseaux. Localement, nous tablons sur l'intelligence collective. Un modus vivendi voire des synergies sont généralement trouvés localement. Il faut faire du sur-mesure.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Je partage les inquiétudes de mes collègues sur la sous-budgétisation chronique de l'Institut français. Dans le projet de loi de finances pour 2018, la subvention aux alliances françaises a chuté de 11,3 %, baisse encore plus préoccupante avec la suppression de la réserve parlementaire, qu'il faudrait remplacer par un fonds dédié. L'année dernière, la réserve a permis d'attribuer 425 000 euros aux alliances...

J'approuve le rapprochement entre l'Institut français et l'Alliance française par un GIE. Il faut éviter la présence concomitante d'un institut français et d'une alliance française dans la même ville, qui crée de la concurrence, d'autant plus que les instituts français, poussés à l'autofinancement, développent des cours de langue traditionnellement réservés aux alliances.

Alors que les postes de lecteurs en français sont de moins en moins nombreux dans les universités locales, la création d'un volontariat international d'enseignement francophone (VIEF) offrirait une formidable opportunité de séjour à l'étranger pour les jeunes ou les retraités.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Après une exécution de 5,6 millions d'euros en 2016, le projet de loi de finances inscrit 6,5 millions d'euros de subventions aux alliances françaises, auxquels s'ajoutent 28 millions pour les agents rémunérés par le ministère. La situation n'est donc pas si dramatique...

Le président de la République a annoncé un fonds de dotation pour accompagner le tissu associatif que vous aidiez via la réserve parlementaire. Nous y travaillons avec Jean-Yves Le Drian et proposerons un dispositif dans les toutes prochaines semaines, par exemple avec une formule d'appel à projets. Une commission rassemblant des conseillers consulaires, des parlementaires et des membres de l'AEFE pourrait émettre un avis instruit par leur connaissance du terrain pour sélectionner les associations.

M. Robert del Picchia.  - Bonne proposition !

M. Pierre Ouzoulias .  - Le rapport de Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret a souligné le décalage structurel entre les ambitions et les moyens. Le budget pour 2018 ne le corrige pas, ce qui pose la question de la sincérité du COM. Notre débat sanctionne sa nature chimérique.

Les moyens réduits du ministère de la culture empêchent de rééquilibrer le budget de l'Institut français. Ses capacités réduites ne lui ont jamais permis de jouer son rôle de coordonnateur de l'action scientifique et culturelle de l'État à l'étranger.

Le projet de loi de finances pour 2018 réduit considérablement les projets et actions à l'étranger. Ainsi, 52 emplois ont été supprimés à l'AEFE. Vous disiez que l'on était à l'os ? Là, on attaque la moelle ! La disette favorise rarement l'échange et la collaboration. Je m'interroge sur la volonté politique de notre pays de maintenir le rayonnement de sa culture et de sa langue à l'étranger.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Chimérique ? Je récuse ce terme. Il y a l'envie de faire au mieux. Le rapport Legendre-Conway-Mouret tirait la sonnette d'alarme mais reconnaissait que l'opérateur avait imposé sa marque. Compte tenu de la baisse des moyens, l'Institut français a adopté la stratégie du ciblage : les moyens sont concentrés sur 39 pays identifiés comme à fort potentiel, aussi bien dans les Caraïbes qu'en Afrique ou en Méditerranée.

Dans les autres zones, les alliances prennent le relais. Les agents de l'Institut français font des trésors, au vu de leurs moyens, et les résultats sont là puisque nous restons les premiers en termes d'influence.

M. Olivier Cadic .  - Seul un quart des enfants français à l'étranger sont scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Les autres sont dans l'enseignement local, hors AEFE, et beaucoup ne parlent pas français : 15 % en Europe du Nord, 50 % en Australie, les deux tiers en Amérique latine, 80 % en Algérie.

La langue de la République est le français, dit la Constitution. J'aspire à ce que tous les enfants français à l'étranger apprennent notre langue. Pourquoi ne pas créer un chèque d'éducation qui leur donnerait accès à l'apprentissage du français dans les instituts français, les alliances françaises ou le CNED, sans oublier les associations FLAM et les écoles du samedi ? Un contrôle régulier évaluerait la maîtrise de la langue. Cela solidifierait les finances des instituts français et des alliances françaises.

Pouvez-vous fixer une nouvelle priorité dans le programme 185 : faire apprendre le français à tous les enfants français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Robert del Picchia applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - C'est une véritable révolution copernicienne que vous proposez ! Nombre d'enfants français sont scolarisés hors du réseau de l'AEFE. Devant la forte demande et l'impossibilité, souvent, de pousser les murs, il n'est pas impensable de compléter l'offre éducative avec d'autres acteurs : mission laïque ou acteurs associatifs et privés, avec, pourquoi pas, un enseignement bilingue, voire trilingue. Appuyons sur pause et réfléchissons à un modèle pour l'avenir. Je lance un appel à contribution !

M. Olivier Cadic.  - Merci d'être aussi ouvert : soyons disruptifs ensemble !

M. Jean-Yves Leconte .  - La France est un pionnier de la diplomatie d'influence - c'est ce qui nous permet de jouer un rôle au Moyen-Orient, par exemple. Mais nos acquis ne sont pas éternels.

Depuis la création de l'EPIC Institut français en 2010, les instituts français locaux ont l'autonomie financière, ce qui les place en délicatesse avec la LOLF. Comment garantir leur pérennité ? 

Pourquoi imposer un plafond d'emploi alors que ces établissements s'autofinancent de plus en plus ?

À Lisbonne comme à Vienne, nous vendons les lieux symboliques où étaient hébergés les instituts français. Mettrez-vous un terme à cette politique ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nos acquis ne sont pas éternels, vous avez raison.

La LOLF elle-même étant d'initiative parlementaire, cela ne me choquerait pas que le Parlement la modifie pour permettre aux établissements de conserver leur autonomie financière.

Jean-Yves Le Drian l'a dit : nos joyaux contribuent à notre influence. La résidence de l'ambassadeur de France au Canada est un lieu à part - le public le fréquente aussi pour cela. On ne peut pas avoir partout des open spaces. Nous y perdrions non seulement en supplément d'âme, mais aussi en efficacité !

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci de votre ouverture. Rendons hommage aux agents de ces établissements, qui font vivre au jour le jour la présence française.

M. Jean-Noël Guérini .  - La France retrouve une place qu'elle n'aurait jamais dû quitter dans le concert des nations. Mais permettez-moi d'exprimer une inquiétude. L'Institut français, chargé de la promotion des arts et des lettres, vient d'atteindre l'âge de raison. Son jeune parcours n'a pas été un long fleuve tranquille. En 2015, déjà, il était en quête d'un nouveau souffle.

Cette année encore, si ce n'est pas la peau de chagrin budgétaire, c'est du moins la disette. Je sais qu'il faut réduire la dette publique. Les crédits des instituts français ont baissé ces dernières années au motif que le numérique permettait de réduire les dépenses. En 2018, ils stagneront. Ne croyons pas que la multiplication des clics et des réseaux sociaux remplace tout. Sanctuarisons les crédits pour réaffirmer que la France reste fidèle aux Lumières en même temps qu'elle est au diapason de la révolution numérique !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je fais le même constat : l'envie de France est là. Je l'ai constaté encore ce matin en rencontrant les entreprises américaines en Europe.

Après le départ de Xavier Darcos, l'Institut français a pâti de l'absence de présidence stable. Ce n'est plus le cas avec Pierre Buhler et sa dynamique directrice générale, qui sauront ancrer l'Institut dans son écosystème. Il faut être présent sur les réseaux sociaux, mais aussi sur place, avec des activités et des prestations physiques.

Nous avons sanctuarisé les crédits pour 2018 et nous attacherons, pour la suite, à tenir le plus grand compte de ces ambitions. Cela passe par l'Institut français mais aussi par d'autres moyens.

Mme Nicole Duranton .  - Les collectivités territoriales sont des partenaires de l'Institut français : une vingtaine de conventions ont été signées avec des régions et des grandes villes. Mais faute de moyens, l'Institut n'est plus en mesure de poursuivre cette politique. C'est dommage car elle permettait un effet de levier, les collectivités doublant la mise. Mais il faut une mise de départ... Aujourd'hui, l'effet de levier fonctionne à l'envers : pour tout euro que l'Institut français ne met pas sur la table, c'est autant de crédits des collectivités de perdus !

En 2014, 3,8 milliards avaient été mobilisés dont 1,4 de mise de l'Institut français. En 2017, c'est 1,8 milliard d'euros, avec une mise de départ de l'Institut français de seulement 900 millions d'euros. Quelles actions concrètes entendez-vous mettre en oeuvre pour sortir de ce cercle vicieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Au coeur d'une semaine consacrée à l'action locale, je salue les élus locaux en tribunes. Les collectivités locales participent de plus en plus au budget de l'Institut français : 765 000 euros en 2016, 872 000 en 2017, 950 000 en 2019. L'Institut français doit faire sa part du chemin, pour bénéficier de l'effet de levier.

Je transmettrai au président de l'Institut français le souhait du Sénat que des crédits viennent abonder les projets portés conjointement avec les collectivités territoriales. Une trentaine de partenariats ont ainsi permis de promouvoir des créateurs et des opérateurs culturels des territoires et accompagné l'émergence de talents : 80 tournées par an, accompagnement des artistes lors de salons, c'est une voie à renforcer.

Mme Nicole Duranton.  - Les collectivités locales jouent un vrai rôle, je regrette que l'État ne puisse remplir le sien.

M. Claude Haut .  - Nos entrées partenariales se font par la diplomatie culturelle. De plus en plus de pays jouent cette carte. La France a un capital considérable, grâce à son histoire, ses valeurs, ses créateurs.

Il faut renouer avec la promotion de la francophonie : coopération linguistique, soutien aux lycées français, aux instituts de recherche, promotion du français sur Internet, dans les médias...

Le président de la République l'avait dit, l'Institut français pourrait évoluer vers une grande agence culturelle internationale. L'enseignement du français n'est pas une valeur du passé, c'est un vecteur d'influence mais aussi de lutte contre le radicalisme. Il mérite qu'on y consacre des moyens importants, notamment en Afrique. Quels moyens sont mis en oeuvre pour transformer l'Institut français ? (M. André Gattolin applaudit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - J'ai bu vos paroles ! (Sourires) Un certain nombre de pays joue la carte de l'influence culturelle : la Chine a ouvert 900 instituts Confucius.

M. André Gattolin.  - Et l'enseignement est gratuit !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Pas question de nous reposer sur nos lauriers.

Le 17 mars 2017, j'accompagnais le président de la République à Villers-Cotterêts pour commémorer l'édit de François Ier qui faisait du français la langue du royaume. Je retrouve dans vos propos ceux de Leïla Slimani, représentante du chef de l'État pour la francophonie, qui veut déringardiser cette action, notamment en direction des jeunes. Un jeune Sénégalais doit avoir à l'esprit les opportunités dont il dispose pour travailler avec le Canada, la Belgique, les autres pays francophones. Le français est un formidable espace de liberté et d'échange !

M. Jacques Le Nay .  - Les moyens de l'Institut français se sont réduits depuis sa création, et l'État lui a demandé de diversifier ses ressources propres, notamment le mécénat. Or celles-ci sont instables et inégales : 15 % en 2016, 12 % en 2017. La concurrence est rude, le mécénat plus dynamique dans certaines régions que dans d'autres, sans parler du risque de dépendance vis-à-vis des financeurs...

Le modèle économique est fragile. Ne pourrait-on permettre à l'Institut français de diversifier ses ressources propres en proposant des cours de français en ligne ou en valorisant son expertise culturelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les ressources propres tournent autour de 11 % pour l'Institut français de Paris mais atteignent fréquemment 50 % ou 60 % à l'étranger. Oui à la diversification, mais en se gardant de cannibaliser les ressources des alliances. En matière d'expertise culturelle, l'ingénierie, les savoir-faire sont reconnus : c'est une piste que je retiens. Des prestations pourraient être vendues pour le compte d'autres acteurs. Cela ne doit pas se faire au préjudice des autres missions. Merci d'apporter votre pierre à l'édifice !

M. Jacques Le Nay.  - Les crédits publics ont un fort effet de levier sur la recherche de partenariats. Les ressources propres ne doivent pas s'y substituer, mais les accompagner.

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Le soft power est essentiel à notre rayonnement international et la demande de culture française est toujours plus élevée. Ce débat a le mérite de poser la question de la restructuration de notre réseau culturel.

Lors de son audition par notre commission en octobre, Jean-Yves Le Drian a évoqué le rapprochement entre Institut français et Alliance française, amorcé par le rapprochement de leurs identités visuelles.

J'avais souligné, avec Jacques Legendre, le décalage entre les ambitions du COM 2017-2019 et les moyens trop modestes.

Les crédits totaux ont baissé de 25 % depuis sa création, les crédits d'intervention, de 30 % ; la dotation du ministère de la culture n'est que de 2,3 millions et les ressources complémentaires restent marginales. Dès lors, le rapprochement peut-il se faire dans de bonnes conditions ?

Face à la concurrence en matière d'offre linguistique, comment préserver notre influence avec des moyens en déclin ? Quels moyens envisagez-vous de consacrer à notre réseau culturel ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je partage votre diagnostic. Comment être performant ? En étant créatifs, comme on sait l'être en France : on n'a pas de pétrole, mais on a des idées... (Sourires)

Je souhaite stabiliser la contribution de l'État, et que les deux ministères de tutelle accompagnent l'opérateur sur le plan budgétaire. Un travail préparatoire est en cours sur le rapprochement entre l'Institut français et l'Alliance française, avec des audits et des inspections. Certains litiges juridiques sont en suspens. Il faut dépasser ces tensions et nous rassembler avec l'ambition du rayonnement de la France et de sa langue.

M. Ronan Le Gleut .  - La France est un grand pays qui porte un message universel, sa culture rayonne dans le monde. Hélas, quand le déficit dérape, le patrimoine immobilier sert de variable d'ajustement : la vente de trésors nationaux, comme le palais Clam-Gallas à Vienne ou la maison Descartes à Amsterdam, est une erreur majeure pour notre visibilité mais aussi une erreur financière car il faut louer de nouveaux locaux à prix d'or ! Le Gouvernement saura-t-il éviter de refaire la même erreur à Lisbonne ? Pourquoi ne pas mettre en place un groupe de travail chargé de repenser la gestion immobilière du réseau culturel français ? Trouvons des solutions innovantes, via des partenariats avec le privé, pour maintenir notre patrimoine.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Oui, l'immobilier contribue à notre rayonnement. Des cessions malheureuses ont été signées mais elles ont donné lieu à une prise de conscience. D'autres lieux symboliques ont été préservés comme les services culturels à New York, face à Central Park, où grâce à Antonin Baudry, une librairie française s'est installée et des pièces fabuleuses ont été restaurées grâce au mécénat. C'est une initiative modèle.

Je ferai remonter votre préoccupation concernant Lisbonne. Les lieux symboliques sont précieux pour attirer des personnes importantes, organiser des rencontres... Merci de votre contribution à ce combat commun.

M. Ronan Le Gleut.  - Merci pour cette réponse. Puissiez-vous éviter de réitérer les erreurs passées à Lisbonne.

M. Didier Guillaume .  - Avec ses réseaux scolaires et culturels, la France possède un outil unique pour diffuser ses messages. Nos réseaux disposent de relais politiques, scientifiques, associatifs. Mais cantonné à une offre essentiellement artistique, l'Institut français s'est peu à peu ossifié et isolé des macro-stratégies diplomatiques. Il faut réinvestir nos réseaux d'influence, et doter l'Institut français d'un COM ouvert à nos messages.

La baisse des budgets, l'agenda 2030 du développement durable, la concurrence d'autres modèles obligent la France à dessiner un schéma synergique rassemblant, autour de l'Institut français, les réseaux éducatifs, culturels et universitaires. Nous disposons d'acteurs qualifiés pour en être les messagers. La société civile agit pour co-construire des programmes de développement porteurs de nos valeurs, avec des partenaires du Sud ; nos réseaux contribuent ainsi à l'aide publique au développement, dans une acception large et assumée.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Ce projet de schéma synergique est audacieux, disruptif - oserai-je dire constructif ? (Sourires) J'y vois un souhait sincère de participer à l'action du président de la République.

J'ai proposé la tenue d'une conférence des opérateurs en matière de politique culturelle, afin de définir des objectifs partagés et d'employer les moyens à bon escient. Nous examinerons avec attention votre proposition.

Mme Vivette Lopez .  - L'Institut français contribue au rayonnement de la France à l'étranger, dans une démarche d'écoute et de dialogue avec les cultures étrangères.

Depuis la loi de juillet 2016, le ministère de la culture partage la tutelle avec le Quai d'Orsay. Je constate que l'action culturelle extérieure figure en bonne place sur votre feuille de route. Pourtant, l'Institut français reste le parent pauvre, avec une dotation de 2 millions du ministère de la culture, quatorze fois moins que l'apport du ministère des affaires étrangères. Ne pourrions-nous nous inspirer de l'Allemagne qui privilégie le financement extérieur ? L'Institut français va bien au-delà de ses missions, en promouvant les échanges avec les chercheurs, les coopérations scientifiques et économiques. Le Gouvernement entend-il augmenter son soutien financier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Vous parlez d'or ! Cotutelle signifie co-implication. Au moment où les crédits du ministère de la culture progressent, il serait opportun, en effet, qu'il appuie l'Institut français au même niveau que le fait le Quai d'Orsay. C'est un message que votre commission de la culture pourrait porter...

Les chercheurs français cherchent à être publiés dans des revues scientifiques anglo-saxonnes : c'est indispensable pour être reconnu. Nous pourrions réfléchir à des partenariats avec ces revues pour obtenir la publication de numéros bilingues.

Mme Jacky Deromedi .  - Une mutualisation entre l'Institut français, le CNEP et le CNED serait source d'efficacité. Pourquoi ne pas mettre en place des plates-formes communes à tous les organismes qui concourent au rayonnement du français : alliances, mission laïque et AEFE ? Internet et les réseaux sociaux ne s'opposent pas à la présence d'enseignants sur place ; développons plutôt de nouvelles pédagogies.

L'Institut français d'Agadir possède un théâtre en plein air, qu'il n'a pas les moyens de couvrir sur ses fonds propres. Enfin, il ne peut procéder aux tests de langue et culture françaises que doivent passer les étudiants étrangers dans le cadre de Campus France, qui sont réalisés à Marrakech. Or la plus grande université du Maroc se trouve à Agadir !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Tout à fait, CNE, CIEP et Institut français doivent travailler ensemble. Le ministre de l'Éducation nationale, M. Blanquer, à qui j'en ai parlé, a la volonté de contribuer au rayonnement de la langue française. Le CIEP conserve une spécificité, une expertise qui lui permettra de vivre sa vie avec ambition en travaillant en synergie avec les autres agences. Vous avez, Madame la sénatrice, mille fois raison : assurons-nous de la cohérence des outils numériques que chacun cherche à développer. Je vous ferai une réponse après avoir considéré avec attention le dossier de l'institut d'Agadir.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - Quelque 300 millions de francophones dans le monde, 750 millions en 2050, selon certaines projections. Pourtant, l'usage du français et son apprentissage reculent en Afrique et en Amérique du Sud. Pour que le français reste la langue de l'excellence culturelle, il faut renforcer son enseignement. Pour le président de la République, la francophonie est essentielle. Donnerez-vous à l'Institut français qui, contrairement aux alliances françaises et à l'Organisation internationale de la francophonie, est un service culturel de la France, les moyens de mettre en oeuvre cette politique ? Ne faut-il pas favoriser une coopération pérenne avec la Fédération internationale des professeurs de français, en particulier là où l'usage du français recule ? (M. Jean-Pierre Bansard applaudit ainsi que M. Robert del Picchia.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Comme vous, je suis sceptique à l'égard de ces projections qui additionnent les populations de pays francophones où toute la population ne parle pas le français. Je salue l'action de la Fédération internationale des professeurs de français, dont j'ai rencontré le secrétaire général récemment. Les hussards noirs de la IIIe République existent encore !

Pour conclure ce débat, laissez-moi citer le groupe breton Tri Yann qui nous invite à vivre la francophonie en conscience. Elle peut être découverte ou ignorée. Grâce à vous, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce sera une découverte. (Soupirs d'admiration et applaudissements, sauf sur les bancs du groupe CRCE)

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - Merci à vous Monsieur le Ministre et à nos rapporteurs. Ce débat a permis de montrer l'attachement du Sénat à notre diplomatie d'influence. Des pistes ont été évoquées. De nouvelles synergies, la création d'une nouvelle agence, pourquoi pas, mais il faudra surtout des moyens. Nous aurons ce débat lors de la discussion budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères .  - Notre débat a montré l'intérêt de cette nouvelle formule. J'invite nos deux commissions à formaliser les propositions qui ont été faites pour soutenir notre diplomatie culturelle en une proposition de résolution sénatoriale.

Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat : « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens ».

Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques .  - La commission des affaires économiques a désigné Annie Guillemot et moi-même pour faire l'évaluation de la loi Lamy, trois ans après son entrée en vigueur.

La nouvelle géographie prioritaire est-elle pertinente ? Les nouveaux critères, plus objectifs, sont globalement adaptés à l'objectif de resserrement et de simplification. Néanmoins, ils empêchent de prendre en compte certains territoires moins denses comme le bassin minier ou des poches de pauvreté enclavées dans des zones de mixité sociale.

Pour les quartiers sortants, ceux qui ne relèvent plus de la géographie prioritaire, la loi Lamy a mis en place un dispositif de veille qu'il faut activer, indépendamment de la signature d'un contrat de ville, afin d'intervenir le plus rapidement possible en cas de décrochage.

En tout, 435 contrats de ville ont été signés. Le pilotage intercommunal semble satisfaisant. Attention, toutefois, aux conséquences de la réforme territoriale.

La tranquillité publique est une question récurrente dans les quartiers prioritaires. La police et la justice doivent amplifier leur action, les bailleurs sociaux mettre en place des gardiens d'immeubles et des dispositifs de médiation. Les rodéos sauvages doivent cesser, cela passe peut-être par la loi. N'abandonnons pas les quartiers en difficulté extrême. Pour eux, le traitement des difficultés doit être global, ce qui nécessite un renforcement des moyens de droit commun. La question de l'emploi est fondamentale : n'opposons pas aides à la personne et aides aux territoires, emplois francs et zones franches urbaines.

Contrairement à ce qui était prévu par la loi Lamy, les moyens financiers sont peu détaillés dans les contrats de ville. Le président de la République a parlé d'une sanctuarisation des crédits de la politique de la ville durant le quinquennat. Cela signifie qu'il n'y aura pas de gel en cours d'année, nous sommes bien d'accord ?

Mme Annie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques .  - Le principe de coconstruction avec les habitants est un axe fort de la loi Lamy. Certains élus ont été réticents à installer les conseils citoyens là où des instances de participation préexistaient ou n'avaient pas pris. On en recense 1 054, 3 quartiers prioritaires sur 4 sont couverts. Ces conseils sont une instance balbutiante ; les moyens dont ils disposent - locaux, budget, accompagnement  - seront décisifs pour éviter leur essoufflement.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain est ciblé sur 216 quartiers auxquels s'ajoutent 274 quartiers d'intérêt régional. L'enveloppe de 6 milliards d'euros était insuffisante. Nous proposions 10 milliards et le rétablissement d'un financement paritaire entre l'État et Action logement. Nous avons été entendus : il est bien prévu 10 milliards dans le budget mais la part de l'État se limite à 1 milliard. Les bailleurs sociaux peineront à participer, compte tenu des débats sur les APL.

Nous espérons que ces crédits permettront d'aller au-delà du renouvellement de logements pour porter sur l'aménagement et les équipements publics, les écoles. Il serait utile d'inscrire une clause de revoyure dans les conventions Anru-Région pour redéployer les crédits au sein d'une région si besoin est.

Les politiques de peuplement sont essentielles à la réussite des actions de renouvellement. La mixité est essentielle. Elle suppose parfois de remodeler entièrement un quartier. Des outils plus adaptés doivent permettre de remédier aux copropriétés dégradées.

Si la réforme de la politique de la ville est bien engagée, elle souffre d'un manque de moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et UC)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Je veux saluer le travail de la commission des affaires économiques, dont l'ancien président Lenoir avait commandé ce rapport. J'ai d'autant plus de satisfaction à venir devant vous que le président de la République s'est exprimé avec force à Roubaix et à Tourcoing : les quartiers prioritaires fragiles sont une priorité nationale, ils exigent la mobilisation de tous.

Notre politique de la ville ne s'oppose pas à celles menées par mes prédécesseurs - je salue d'ailleurs la présence sur vos bancs de M. Kanner. Beaucoup de travail a été accompli ces dernières années. Reste que, dans de nombreux quartiers, se posent des difficultés considérables et, d'abord, pour ceux qui y vivent, les habitants, et ceux qui doivent les gérer quotidiennement, les élus.

Dans les deux mois qui viennent, nous travaillerons en collaboration avec Jean-Louis Borloo pour mettre en place les solutions les plus efficaces possible. Les solutions que nous avançons ne régleront pas tout d'un coup, mais permettront, je l'espère, d'avancer.

Votre rapport met en avant 27 propositions intéressantes. Je commencerai par la question budgétaire.

Quel dossier échappe à l'équation budgétaire ? Les crédits de la politique de la ville seront sanctuarisés. C'est chose faite dès le budget pour 2018 : 448 millions d'euros. Le Gouvernement a pris l'engagement de ne pas effectuer de gels.

La mobilisation de l'interministériel sera déterminante, nous y travaillons. L'insécurité est un chantier majeur, la police de sécurité du quotidien constitue une première réponse du Gouvernement.

L'éducation est un autre enjeu majeur dans des quartiers où il y a parfois 60 % d'allophones. Le dédoublement des classes dans les REP+, qui correspondent aux quartiers prioritaires, les internats, un vrai stage en classe de troisième ainsi que la mise en place de la politique de formation remédieront aux difficultés.

Concernant l'emploi, les emplois francs seront expérimentés dès 2018 dans des quartiers représentant 25 % de la population ciblée, en tirant les leçons des expériences passées.

Dans un certain nombre de quartiers, les services publics, tels que la Poste ou les commissariats ne sont plus ou sont moindres que ce qu'ils devraient être. Le Gouvernement y est attentif.

Il s'est engagé à mettre 1 milliard dans le nouveau programme de renouvellement urbain. J'ai signé ce matin un protocole d'accord avec l'ANRU qui financera 2 milliards. Je ne désespère pas, même si l'accouchement se fera dans la douleur, que nous parvenions à un accord avec les bailleurs sociaux pour boucler le budget de 10 milliards. Tout cela sera fait dans la coconstruction et le rassemblement au-delà des sensibilités politiques. Nous avons proposé la présidence de l'ANRU au maire de Clichy Sous-Bois, Olivier Klein, dans cette optique.

Je suis conscient, enfin, de la nécessité de favoriser la mixité sociale, alors que vous avez rappelé le renouvellement démographique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Patrick Kanner et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)

M. Dany Wattebled .  - Le président de la République est intervenu le 14 novembre pour fixer le cap d'une politique de la ville renouvelée. Depuis quarante ans, les gouvernements se sont efforcés de combler l'écart entre la périphérie et le centre des métropoles. La métropole européenne de Lille a conclu un contrat ; dans ce cadre, 7 000 logements devront être détruits, reconstruits, réhabilités. Quelle place sera faite aux collectivités territoriales ? Le budget de l'ANRU passerait de 5 à 10 milliards : qui aura la maîtrise de ces fonds supplémentaires ?

M. Jacques Mézard, ministre .  - On ne peut agir en la matière qu'en coconstruction avec les collectivités territoriales. Il ne peut en aller autrement : les élus locaux sont au contact des populations, des difficultés. La volonté du Gouvernement de travailler avec les collectivités territoriales se traduit par la création d'un Conseil présidentiel de la politique de la ville, qui se réunira tous les trois mois à l'Élysée. De nombreux élus des quartiers y seront conviés.

Les dossiers ANRU sont en cours de finalisation. Le programme court jusqu'en 2031 mais nous agirons le plus vite possible. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Au terme de la loi de 2014, le quartier prioritaire de la politique de la ville est défini par référence, essentiellement, au revenu médian. Or cette méthode neutralise les hauts revenus mais aussi les bas revenus. Résultat, le bassin minier, où l'habitat est peu dense et la pauvreté diffuse, est sorti de la politique de la ville. Cette double peine est difficile à comprendre pour les élus locaux. Avant 2014, l'approche multicritère était plus juste.

Des mécanismes correctifs sont-ils envisagés en cohérence avec le contrat pour le renouveau du bassin minier signé par l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve en mars dernier ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - La loi de 2014 prévoit qu'aucune actualisation des critères n'aura lieu avant 2020. Le critère unique facilite pourtant l'actualisation, je vous l'accorde.

La définition de critères est toujours risquée - je pense à celle des ZRR... Le Gouvernement compte respecter intégralement le contrat pour le renouveau du bassin minier. L'engagement de M. Cazeneuve sera honoré.

M. Philippe Pemezec .  - Malgré les 48 milliards d'euros que l'État a investis ces dix dernières années dans la politique de la ville, la misère y est généralisée, le chômage endémique et la violence quotidienne. Pourquoi cette inefficacité chronique ? Ancien maire d'une commune qui comptait 73 % de logements sociaux en 1989 lorsque je fus élu pour la première fois, je sais le temps qu'il faut pour atteindre la mixité sociale et l'accession sociale à la propriété. À la loi ALUR, loi idéologique, la loi SRU, terrifiante, s'en ajoutent d'autres. Stop à la défiance à l'égard des élus que représente le fait de confier aux préfets l'attribution des logements DALO ; arrêtons le saupoudrage des crédits et expérimentons. Monsieur le Ministre, êtes-vous prêt à faire confiance aux élus ? N'est-ce pas aux maires de gérer les attributions de logements DALO ? Eux connaissent leurs quartiers. (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre.  - S'il y a de la législation, c'est qu'il y a des élus pour la voter - je suis bien placé pour le savoir, j'y ai contribué durant neuf ans. (Sourires) J'espère que vous aurez le souci de la concision législative quand vous vous pencherez sur les textes...

Nous ne transférerons pas les contingents DALO des préfectures aux élus car la décision prise a été la bonne. La concertation entre préfets et élus locaux, en revanche, est indispensable. De même, ne réinventons pas le mouvement perpétuel. Rénover pour qu'il n'y ait ensuite pas de mixité serait la pire des choses. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Arnaud de Belenet .  - Une priorité du président de la République est l'émancipation par la formation. Il a dit son souhait de rouvrir les internats d'excellence, qui ont rencontré un fort succès mais, parce qu'ils étaient jugés coûteux, ont été dissous dans les internats de la réussite. Plusieurs types d'internats cohabiteront-ils ? Y aura-t-il un surcroît de moyens ? Quel sera le calendrier ? Le président de la République a souhaité encourager les bonnes pratiques. Comment les valoriser et les promouvoir ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Dans son discours, le président de la République a annoncé un développement de la politique de l'éducation nationale vers les internats. La question de l'éducation et de la formation est centrale. C'est au primaire que tout commence, le dédoublement des classes sera accéléré à la rentrée prochaine. Le grand plan de formation et les emplois francs seront mobilisés. L'accélération des internats d'excellence, bien que le budget n'ait pas encore été totalement calé, sera une priorité dès 2018. Quant aux accélérateurs d'innovations sociales, nous effectuerons un relevé de bonnes pratiques fin février.

M. Fabien Gay .  - La politique de la ville, qui fête ses quarante ans, repose sur une double action : action sociale et action urbaine. Comme le dit Philippe Rio, l'auteur de l'appel de Grigny, l'été leur a été meurtrier : suppression des emplois aidés si importants pour les associations d'aide aux devoirs, les associations sportives et culturelles ; suppression de 46,5 millions d'euros de crédits qui se conjugue à la baisse des dotations, réforme des APL au prétexte de la prétendue rente détenue par les organismes HLM. Comment feront ces derniers pour participer à la rénovation urbaine ? Quand cesserez-vous de nous promettre des milliards qui n'existent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; MM. Patrick Kanner, Xavier Iacovelli et Mme Sophie Primas applaudissent également.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il est difficile de répondre à la caricature. Commençons par rétablir la réalité des faits. Dans le projet de loi de finances 2017, il y avait 290 000 emplois aidés. Nous en sommes à 330 000.

Ce Gouvernement n'est pas responsable du déficit chronique de la ville de Grigny. J'entends ce que dit son maire, que j'ai rencontré. Nous essayons justement d'offrir des moyens aux quartiers qui ont le plus de difficultés.

M. Daniel Dubois .  - Réaménager, reconstruire, réhabiliter sont des conditions nécessaires mais non suffisantes. Ce sont les habitants qui font les quartiers. C'est dans la durée que nous jugerons. Il faut, dès le départ, assurer la mixité sociale par un peuplement adapté, et c'est très difficile. Mais les parents doivent s'acquitter de leurs devoirs liés à leur parentalité. Emploi, éducation, logement, toutes les politiques doivent être concomitantes et être réévaluées selon les résultats qu'elles produisent pour éviter que les quartiers ne sombrent à nouveau. De quels instruments de mesure disposez-vous ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Effectivement, le résultat se mesure dans la durée. Une politique de peuplement adaptée est l'alpha et l'oméga. Pour assurer la contractualisation, indispensable, et l'évaluation des politiques, nous comptons sur les préfets délégués auxquels je rends hommage : nous avons là des serviteurs de l'État qui connaissent bien les quartiers et sur lesquels vous pouvez compter. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Daniel Dubois.  - Je suis rassuré par les propos du ministre mais j'attends les faits.

M. Xavier Iacovelli .  - Quand nous légiférons pour les 5 millions d'habitants des quartiers populaires, nous devons avoir à l'esprit l'ampleur des inégalités qu'ils subissent : un taux de pauvreté à 42 %, un taux de chômage à 27 %, des logements insalubres, des inégalités sociales qui ont un impact direct sur la santé, une espérance de vie à la naissance beaucoup plus faible que la moyenne. Ces habitants ne sont pas des oisillons attendant la becquée. J'ai eu envie, pour eux, mi-novembre, de croire aux propos du président de la République.

Mais je crains la traduction budgétaire. En ces temps où la parole politique est dévalorisée, c'est jouer avec le feu.

Pourquoi, en 2018, le budget n'est-il que de 15 millions ? Combien d'emplois francs seront signés, selon votre estimation, en 2018 ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Les habitants de ces quartiers doivent avoir les mêmes chances de réussite que les autres. Vous avez parlé d'insincérité du budget. Nous en savons quelque chose et l'avons constaté à notre arrivée. (Murmures de réprobation sur les bancs du groupe SOCR)

Il n'y aurait que 15 millions de crédits de paiement en 2018 ? Ils ne sont que pour les projets prêts à être lancés. Je puis donc vous rassurer : nous tiendrons nos engagements sans aucune difficulté...

M. Xavier Iacovelli.  - Et sur les emplois francs, allez-y, répondez, je vous prie !

M. le président.  - Je préside, et j'allais dire que M. le ministre avait épuisé son temps. (M. le ministre se rassoit.)

Mme Michèle Vullien .  - Sans vouloir préempter le résultat des Assises de la mobilité présidées par Élisabeth Borne, il faut se pencher sur les déserts, voire les no man's land qui existent en fait de transports. Un portage politique volontariste contre le tout-voiture est nécessaire, avec l'intérêt général à l'esprit. L'intermodalité est-elle votre priorité, en termes d'actions et de financements ? Les transports du quotidien, qui doivent participer aux solutions d'avenir pour notre planète, sont-ils pour vous une priorité, pour une ville de demain sans voiture ? (MmValérie Létard applaudit.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - D'une commune à une autre, des gens qui ont une offre d'emploi ne peuvent l'accepter car ils auraient 1 h, 1 h 30 de déplacement, surtout en Île-de-France. C'est le résultat d'une politique menée depuis des années, et ce n'est pas la faute que de l'État. C'est essentiel dans le dossier du Grand Paris. Évidemment, le Gouvernement a pour priorité l'intermodalité. Des avancées considérables se font dans le domaine des transports, mais pas en un jour. La ministre des transports, les assises de la mobilité, vont tout à fait dans ce sens. Le concours des collectivités locales est important, dans l'intérêt général.

Mme Michèle Vullien.  - Je vais vous parler lyonnais : « y suffit pas d'y dire, faut encore y faire ! » (Sourires)

M. Franck Montaugé .  - La loi de 2014 a fait entrer dans la politique de la ville, grâce au critère unique du revenu par habitant, des quartiers situés en zones rurales.

Le président de la République veut orienter la politique de la ville sur les quartiers en très grande difficulté. Quid des quartiers en zone rurale ? Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous rassurer sur leur maintien durable dans le dispositif ?

L'inscription au projet de loi de finances de 18 millions d'euros en crédits de paiement pour la politique de la ville laisse craindre le pire. Le calcul de la participation de l'ANRU sera-t-il revu à la hausse ?

Dans une perspective d'aménagement du territoire moderne, le temps n'est-il pas venu de penser différemment les stratégies d'accueil et de peuplement, à partir d'une relation « métropole - territoires ruraux » reconsidérée, qui donnerait un sens concret au principe d'égalité des territoires auquel nous sommes tous attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Rassurez-vous, rassurez le Gers ! L'État n'abandonnera pas la politique de la ville dans le quartier d'Auch auquel vous portez une particulière attention, non plus que dans ma bonne ville d'Aurillac. Vous n'avez donc aucune raison d'être inquiet à ce sujet. Les dossiers prêts pour être financés le seront. Tout a été discuté avec l'ANRU.

Pour avoir signé un contrat dans le Gers, concernant les territoires ruraux, en présence de la métropole, je sais que vous êtes très allant dans ce domaine. On ne peut qu'encourager les métropoles, y compris les plus grandes, à pratiquer une politique du ruissellement en faveur des zones rurales. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Joël Labbé .  - Je suis un écologiste rattaché au RDSE. Tout arrive - mais je m'y trouve bien, Monsieur le Ministre (Sourires).

Dans son rapport sur le projet de loi Lamy en 2014, notre regretté collègue Claude Dilain déclarait : « la participation des habitants ne doit pas être vue comme un obstacle et une source de délais supplémentaires, mais comme une possibilité d'améliorer le projet comme d'éviter les risques de blocages ou d'insatisfactions ultérieurs ».

La participation des citoyens est inscrite dans la Constitution, dans l'article 7 de la Charte de l'environnement. Les conseils citoyens sont qualifiés d'instances balbutiantes dans le rapport. Comment les renforcer et les mettre en cohérence avec l'ensemble des systèmes de participation des habitants ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je suis heureux que vous soyez heureux dans notre nouveau groupe ! Il y a aujourd'hui 1 157 conseils citoyens. Un bilan doit être tiré de leur fonctionnement. Leurs représentants sont particulièrement engagés et volontaires. La formation me paraît essentielle.

Ce n'est pas évident d'y participer du jour au lendemain. Il faut un certain temps pour trouver un équilibre sur le terrain. Sur le territoire, les résultats sont diversifiés. Notre volonté est de renforcer leur animation, de prolonger la dynamique de formation et de favoriser leur mise en réseau. Nous avons intérêt, pour réussir, à ce qu'ils soient les plus actifs possible. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Joël Labbé.  - Merci. L'encadrement est nécessaire pour faire avancer cette démocratie culturelle. Mais les moyens manquent, comme le dit fort bien le titre du rapport.

M. Serge Babary .  - Le 6 octobre dernier, pour les quarante ans de la politique de la ville, le Gouvernement a annoncé qu'il ajoutait un milliard d'euros au PNRU, dans le cadre de l'engagement présidentiel de porter ce nouveau programme de cinq à dix milliards d'euros.

La baisse des APL a pour contrepartie une baisse des loyers sociaux qui impacte la capacité d'autofinancement des bailleurs sociaux - détenant 2,5 millions de logements - à hauteur de 822 millions d'euros en 2018. Comment pourront-ils investir pour réaliser les projets prévus dans le PNRU ? Quelles contreparties seront données aux bailleurs sociaux afin de limiter l'impact de ces mesures ? Comment les engagements du Gouvernement en matière de rénovation urbaine seront-ils tenus ?

M. Jacques Mézard, ministre. Sans refaire le débat sur l'article 52 du projet de loi de finances, nous recherchons la concertation avec les bailleurs sociaux ; je ne doute pas que nous arrivions à une solution. Nous arriverons à boucler le budget du PNRU. Il s'agit, je le rappelle, de 20 milliards d'euros sur 65 milliards par an, soit 130 milliards pour deux budgets. C'est l'intérêt de tous : bailleurs, collectivité, Gouvernement.

Quant aux contreparties, nous sommes en train de faire des propositions qui me permettront d'avoir un message rassurant.

M. Serge Babary.  - À Tours, il y a cinq quartiers concernés. La perte pour les six bailleurs sociaux est de 21 millions d'euros par an !

M. Frédéric Marchand .  - « Garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance » : c'est l'un des dix objectifs de la politique de la ville, selon l'Observatoire national de cette politique.

Élus locaux, nous savons que certains de nos quartiers sont, hélas, devenus des zones de non-droit, avec une véritable économie parallèle, qui entraîne des mineurs dans un engrenage infernal. Combien d'entre eux, à qui nous proposions des parcours de vie et d'insertion, nous ont répondu que les activités illicites sont bien plus lucratives ?

Le président de la République a annoncé, le 14 novembre, lors de son déplacement en métropole lilloise, un déploiement de forces de sécurité et la création d'une police de sécurité du quotidien, dès 2018, dans le cadre d'une stratégie faite de prévention mais aussi de répression. On s'y intéresse beaucoup dans le Nord et à Lille. Quels seront les contours de cette stratégie, les missions assignées, les moyens dédiés et quels seront les sites retenus ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Le président de la République a fléché la politique de sécurité sur des quartiers fragiles. L'expérimentation sera réalisée en 2018. Les sites seront connus en fin d'année. Je ne doute pas de votre capacité à faire savoir vos volontés au ministre de l'intérieur, qui est en charge.

Les délégués de cohésion police-population, des policiers retraités, jouent un rôle positif, comme les EPID.

M. Pascal Savoldelli .  - J'ai cherché le renouveau, et j'ai trouvé de vieilles recettes, qui étaient toutes dans la loi Lamy : ambition prioritaire, politique partenariale, expérimentation... Rien de nouveau, tout cela est bien connu. Les contrats Ville sont mort-nés. Les crédits n'y sont pas. C'est une politique nationale qu'il faut mener. L'État doit réparer, pas contractualiser avec les communes. Les habitants veulent la République, rien que la République, dit le président de la République. Nous le disons tous, mais la République fait défaut, financièrement. L'efficacité des zones franches n'a jamais été démontrée. Alors, permettez-nous de douter de celle des emplois francs...

Soyons concrets : allez-vous sanctuariser les moyens des quartiers de la politique de la ville ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Nous avons l'habitude de ce type de débats. J'aurais été étonné de vous entendre soutenir le Gouvernement...

M. Pascal Savoldelli.  - Nous jugerons au cas par cas.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Dès la rentrée, j'ai été voir les effets du dédoublement des 2 500 classes de CP en REP+ : ça, c'est du concret ! Comme les moyens pour la sécurité et la création de la police de sécurité du quotidien.

Les 20 000 emplois francs ne trouvent pas grâce à vos yeux parce qu'ils apportent des moyens aux entreprises ? Il y en a de très petites.

La République n'est pas parfaite, c'est vrai, mais les responsabilités sont partagées : certains acteurs locaux sont défaillants. Rassemblons-nous plutôt pour résoudre les problèmes.

Mme Valérie Létard .  - Je m'exprime ici au nom du groupe UC. Quatre milliards d'euros seront apportés par les autres acteurs du logement. En 2017, l'État mettait 150 millions d'euros en autorisations d'engagement, 15 millions en crédits de paiement. Cette année, ce sont 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Symboliquement, n'est-ce pas critiquable ?

Les contrats de ville s'appuient d'abord sur le droit commun. Que met-on dans le droit commun ? Quel sera le contenu de la mission confiée à Jean-Louis Borloo ? Comment se coordonneront les actions, en direction de quels publics ? Attention à la vente du patrimoine, on risque de perdre des moyens de promouvoir la mixité sociale.

M. Jacques Mézard, ministre.  - La signature du protocole ce matin avec Action Logement en témoigne, la vente de logements - qui ne concerne aujourd'hui qu'1,2 % du parc - est encouragée, dans un système vertueux qui permet de relancer la production de logements sociaux. La méfiance de certains bailleurs - pas tous - est étrange.

Dans un budget, ce qui compte, ce n'est pas la symbolique, c'est le concret. Nous tiendrons nos engagements.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Je tiens à vous faire part de mes interrogations sur la nouvelle géographie prioritaire dans le cadre du dispositif de veille active prévu par l'article 13 de la loi. Certains quartiers ont été inclus dans les contrats de ville, mais pas tous. D'autres quartiers ont été identifiés dans ces contrats de ville, pour qu'ils ne deviennent pas de futurs quartiers prioritaires. Il semble que lesdits quartiers n'aient plus les moyens de droit commun, sans pouvoir accéder aux moyens de la politique de la ville : c'est le double effet Kiss cool ! Du coup, leur situation peut se dégrader.

Les quartiers sortants de la politique de la ville devront faire l'objet d'un suivi très attentif des indicateurs sociaux.

Comment comptez-vous toutefois appliquer cette veille active dans la loi ? Selon quels critères ? Avec quelles aides ? Il importe d'éviter que la situation dans ces quartiers ne se dégrade à nouveau.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je connais la situation des quartiers « veille active » - il y en a un à Aurillac. Là-dessus, il n'y a pas de changement dans la politique du Gouvernement par rapport aux deux ou trois années précédentes. Il s'agit ici de collaboration entre collectivités territoriales et État. En cas de difficultés particulières, il faut saisir les services déconcentrés de l'État. Il n'y a pas de volonté de cesser d'avoir un oeil attentif sur ces quartiers ni de voir leur situation se dégrader, bien sûr !

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Vous disiez à M. Corbisez qu'il était impossible de revoir les critères - mais il relève de votre responsabilité d'augmenter les moyens.

Mme Fabienne Keller .  - Ma question porte sur le travail, l'emploi. Les emplois francs sont une belle idée. Ils assurent la présence de commerces, de vie, et l'exemplarité du travail. C'est le rôle des zones franches urbaines, efficaces si elles vont de pair avec la rénovation. J'en veux pour preuve le Neuhof.

La stabilité des dispositifs est essentielle. Il faut que les entreprises en zone franche embauchent un habitant des quartiers sur deux employés ; ne pourrait-on pas passer à un sur trois, pour qu'il y ait plus d'entreprises ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Tout le monde ne partage pas votre enthousiasme : certains parlent d'entreprises boîtes aux lettres dans les zones franches urbaines. Pour un coût d'exonérations fiscales - non neutre - de 234 millions d'euros, selon les estimations de Bercy, ce dispositif semble efficace et nous ne le remettons pas en cause. Quant à toucher aux critères, il nous faut créer les 20 000 emplois que nous avons prévus. L'enjeu est qu'ils soient durables.

Mme Fabienne Keller.  - Les emplois francs et les zones franches sont complémentaires.

M. Patrick Kanner .  - La rénovation urbaine et le renforcement de l'article 55 de la loi SRU sont les deux facettes d'une même exigence de solidarité et de renouvellement urbain.

Pour lutter contre les ghettos, il est en effet nécessaire d'avoir un rythme de construction de logements sociaux dynamique, partout dans notre pays - c'est le rôle de la loi SRU.

Il y a deux semaines, Thierry Repentin a remis au Gouvernement un avis sur l'application de la loi SRU. S'il encourage à continuer le travail engagé avec succès lors du précédent quinquennat, il émet aussi plusieurs recommandations. Sur les 523 communes qui n'ont pas respecté les obligations, les préfets proposent d'en carencer 36 % seulement - contre 56 % sur la période 2011-2013.

Monsieur le Ministre, quelles suites donnerez-vous à ce rapport ? Quels moyens souhaitez-vous donner aux préfets ? (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - La commission Repentin d'évaluation de la loi SRU fait des propositions. J'ai écrit à chacun des préfets de région pour leur demander un effort supplémentaire.

Les réponses vont bientôt arriver. Je n'entends pas revenir sur les dispositions de la loi SRU, que les préfets doivent appliquer. Il y a néanmoins des disparités entre les régions, mais il ne faut pas que cela crée des situations trop différentes.

Les constructions atténuent le montant des pénalités. Le système est vertueux mais certaines communes ne veulent pas jouer le jeu - elles en subiront les conséquences.

M. Patrick Kanner.  - Merci pour votre réponse, mais nous serons vigilants.

M. Jean-François Husson .  - Quelques jours après la remise du rapport Guillemot-Létard, le Gouvernement annulait 46 millions d'euros de crédits de paiement et 130 millions d'autorisations d'engagement sur la politique de la ville. En Meurthe-et-Moselle, l'État a réduit sa participation de 200 000 euros ; il finançait à parité avec la métropole du Grand Nancy 850 000 euros.

Cela pénalise les associations, qui sont les forces vives de la politique de la ville. Que comptez-vous faire pour permettre aux associations de poursuivre leur rôle majeur dans le cadre de cette politique ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il y a eu en effet un « coup de rabot ». L'important est qu'il n'y en ait plus, comme nous nous y sommes engagés. Pour éviter que le budget ne soit déclaré à nouveau insincère, sans vouloir épiloguer - voyez la Cour des Comptes - il fallait agir. Nous avons veillé, dans notre ministère, à ce que l'annulation des crédits soit ciblée sur les lignes gérées au niveau central, à concurrence de 22 millions d'euros.

Vu les engagements de sanctuarisation que nous avons pris, les associations s'y retrouveront et pourront maintenir leur politique. Les 4 000 postes d'adultes-relais ont été maintenus et seront fléchés prioritairement vers ces quartiers. Nous avons cosigné un courrier avec la ministre du Travail à cette fin.

M. Jean-François Husson.  - Les QPV ont besoin d'un vrai coup de pouce. Réussir ne peut se faire sans l'adhésion et la participation des citoyens, mais le bénévolat ne remplace par la baisse des moyens !

Mme Brigitte Micouleau .  - Les habitants de deux immeubles du quartier des Izards à Toulouse ont découvert un curieux message dans leur boîte aux lettres, signé en apparence de la direction de Toulouse Métropole Habitat, pour les « prévenir » de ne pas collaborer avec la police pour « empêcher nos activités qui se passent dans le hall », faute de quoi, « vous en assumerez les conséquences » ! Il s'agissait bien entendu d'un message des dealers qui ont fait de ces deux immeubles le siège de leur fonds de commerce, infligeant un enfer aux habitants.

Nos rapporteures, Mmes Guillemot et Létard, préconisent un traitement global des questions de sécurité, proposant de mieux associer les gardiens d'immeuble et les dispositifs de médiation, par exemple. Reprenez-vous à votre compte leur recommandation, dans les cas les plus extrêmes, comme celui-là, d'un traitement global des difficultés ? Quels moyens humains, financiers, comptez-vous consacrer à la sécurité ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Nous sommes très vigilants. Dans beaucoup de quartiers, la sécurité est dégradée. Nous mettrons en oeuvre une police de sécurité du quotidien, en lien avec les collectivités. (Mme Mireille Jouve approuve.) Nous voulons lutter contre l'insécurité avec fermeté. La République s'est retirée de nombreux quartiers perdus. À nous de l'y ramener ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - Valérie Létard vous a demandé si le Gouvernement tiendrait ses engagements sur le PNRU. Mais les maires réunis ce jour en congrès sont dubitatifs : le scepticisme l'emporte sur la confiance, après y avoir entendu le Premier ministre cet après-midi. Le président de la République a annoncé un doublement de l'enveloppe, de 5 milliards à 10 milliards, mais les deux tiers de l'effort reposent sur les HLM.

Pourquoi ne pas élaborer comme Jean-Louis Borloo, auquel vous avez confié à juste titre une mission, un plan de cohésion sociale et une loi de programmation pluriannuelle qui rétablirait la confiance ?

Vous supprimez les emplois aidés et créez les emplois francs. Soit, mais c'est la croissance économique qu'il nous faut pour créer de l'emploi et aller au bout de la politique de la ville. Notre plan de relance de l'économie a rapporté 5 milliards de plus qu'il n'a coûté. L'essentiel n'est-il pas de territorialiser les contrats de territoire de la politique de la ville ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Évitons la polémique, nous pouvons travailler ensemble de façon constructive et poursuivons tous le même objectif.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Je confirme.

M. Jacques Mézard, ministre.  - J'étais au congrès des maires, où le Premier ministre a été accueilli de manière républicaine et où ses annonces et explications ont levé certaines ambiguïtés. La confiance sera rétablie si chacun fait un pas. Les annonces du président de la République y contribuent. Non, les emplois aidés ne disparaîtront pas. C'est d'ailleurs un candidat dont je n'aurai pas la cruauté de prononcer le nom qui proposait de les supprimer...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Je n'ai pas été à sa réunion.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je sais. Ceux qui avaient été annoncés n'étaient pas tous financés ! Nous en conservons 200 000 et les fléchons vers les missions où ils seront utiles, dans les quartiers prioritaires, qui ont besoin de dispositifs d'accompagnement vers l'emploi.

J'ai confié une mission de réflexion à Jean-Louis Borloo, en toute confiance et avec plaisir. Je serai aussi à l'écoute de vos propositions, Monsieur Daubresse.

M. le président.  - Le débat, de qualité, est clos. Merci à chacun de s'être efforcé de respecter les temps de parole.

Prochaine séance, demain, mercredi 21 novembre 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 22 novembre 2017

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence :

M. David Assouline

Secrétaires : MM.  Joël Guerriau et Dominique de Legge

1. Désignation des vingt-sept membres de la mission d'information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays.

2. Débat : « Représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles ».

3. Débat : « Quelles énergies pour demain ? ».

De 18 h 30 à 20 h 30 et de 22 heures à minuit

Présidence :

M. David Assouline M. Jean-Marc Gabouty

4. Débat sur la thématique des collectivités locales.

5. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections (n°362, 2016-2017)

Rapport de M. Didier Marie fait au nom de la commission des lois (n°87, 2017-2018)

Texte de la commission (n°88, 2017-2018).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°28 sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2018.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :340

Suffrages exprimés :239

Pour :204

Contre :35

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 143

Abstention : 1 - M. Michel Vaspart

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (78)

Contre : 1 - Mme Marie-Noëlle Lienemann

Abstentions : 75

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Frédérique Espagnac, M. Rachid Temal

Groupe UC (49)

Pour : 44

Abstentions : 5 - M. Loïc Hervé, Mme Sophie Joissains, MM. Laurent Lafon, Gérard Poadja, Mme Nadia Sollogoub

Groupe LaREM (21)

Contre : 19

Abstentions : 2 - MM. Abdallah Hassani, Dominique Théophile

Groupe RDSE (21)

Pour : 16

Abstentions : 5 - MM. Stéphane Artano, Jean-Pierre Corbisez, Ronan Dantec, Jean-Marc Gabouty, Joël Labbé

Groupe CRCE (15)

Contre : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Abstentions : 11

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 1 - M. Philippe Adnot

Abstentions : 2

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Christine Herzog, M. Jean Louis Masson

Nomination à la délégation sénatoriale à la prospective

Mme Nadia Sollogoub est membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault.