Questions d'actualité

Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Audiovisuel public

M. David Assouline .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Étant donné l'impact des médias sur la vie de nos concitoyens et le contexte de révolution technologique, un débat national s'impose sur la place du service public de l'audiovisuel, dont le financement ne sera plus assuré par une redevance assise sur les téléviseurs - « l'actionnariat populaire » cher à Jack Ralite.

Bref, il faut un Valois de l'audiovisuel pour donner au service public de l'audiovisuel les moyens d'être fort, créatif et d'assumer ses missions d'intérêt général. Or l'État manque à sa parole en privant France Télévisions de 79 millions d'euros.

Un document de trajectoire budgétaire qui a fuité du ministère rejoint le vieux rêve de la droite : réduire le périmètre et les moyens de l'audiovisuel public. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains)

Pouvez-vous nous dire, Madame la Ministre, si ce document est votre base de travail ? Comptez-vous toujours porter plainte pour la fuite dans Le Monde, au mépris du secret des sources ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Cher David Assouline,... (Rires et exclamations à droite)

M. Philippe Dallier.  - Collusion !

Mme Françoise Nyssen, ministre. - Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant la représentation nationale.

Je l'ai déjà dit : ce document n'est pas une ébauche de stratégie mais un recensement des pistes avancées depuis des années dans différents rapports, émanant de la Cour des comptes ou du Parlement. C'est un document provisoire, que je n'ai pas validé.

Dialogue et transformations sont nos mots d'ordre. J'ai demandé des contributions à toutes les sociétés de l'audiovisuel public ; elles me sont parvenues, et je recevrai à partir de demain chaque dirigeant de l'audiovisuel public.

La transformation doit être engagée pour que l'audiovisuel public ne subisse pas mais soit acteur de la révolution numérique. Pour jouer son rôle de média universel et populaire, il lui faut offrir une information de référence, à l'heure où se répandent les fausses nouvelles, investir dans la création et les formats originaux, s'adresser à la jeunesse et participer au rayonnement international de la France. Le chantier achevé, nous aborderons les questions de financement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur certains bancs du groupe SOCR)

Politique européenne de la pêche

M. Jean-Pierre Decool .  - Le Premier ministre a réuni vendredi dernier un conseil interministériel de la mer, preuve de l'intérêt du Gouvernement pour ces problématiques qui représentent une opportunité pour notre économie et pour le développement durable.

Mais le 27 novembre prochain, des marins-pêcheurs français bloqueront le port de Calais pour protester contre la pêche électrique pratiquée par les Néerlandais, qui profitent d'une dérogation incompréhensible quand on sait les ravages de cette pratique sur les stocks de poissons et sur l'environnement.

Cet exemple illustre les dilemmes de la politique commune de la pêche, tiraillée entre gestion durable des ressources et déficit commercial abyssal.

Quelle position la France défendra-t-elle au niveau européen pour concilier protection de l'environnement, autosuffisance alimentaire et revenu décent pour les pêcheurs français ? Ce sont les pêcheurs de Bretagne et des Hauts-de-France qui auraient le plus à perdre avec le Brexit. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La pêche au chalut électrique est interdite mais les règles communautaires prévoient des dérogations pour 5 % des navires. La commission a proposé en mars 2017 de supprimer cette limite, la France s'y est opposée. Faute d'évaluation précise de son impact, ce mode de pêche doit être strictement limité. Le Gouvernement continuera à défendre cette position devant le Parlement européen et Stéphane Travert évoquera la question avec son homologue néerlandais lors du conseil des 11 et 12 décembre.

La pêche est un sujet prioritaire dans la négociation autour du Brexit. Dès que l'on aura suffisamment avancé sur la première phase de discussion avec le Royaume-Uni, nous pourrons en parler. Le Premier ministre a fait de la pêche une priorité dans les négociations, et nous soutenons M. Barnier dans sa tâche. Nous sommes déterminés à concilier protection de l'environnement et niveau de vie des pêcheurs.

Impact de la réforme du logement sur les collectivités

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'associe Mme Estrosi-Sassone et M. Dallier à ma question.

Monsieur le Premier ministre, le logement est au coeur des préoccupations et des obligations des maires dans les quartiers sinistrés, les centre-bourgs, la ruralité. Les maires sont inquiets face à une mesure du projet de loi de finances annoncée sans aucune concertation avec les élus locaux. La ponction sur les bailleurs sociaux aura des effets sur la construction, l'entretien et la rénovation du parc existant. Elle semble destinée à pallier la baisse précipitée et impopulaire des APL. Ce Gouvernement s'inscrit dans la lignée du précédent : toujours plus d'obstacles à la construction, de contraintes pour les maires.

Ne vaudrait-il pas mieux, sur ces sujets, une concertation préalable avec les maires qui sont en première ligne ? Le Sénat y est prêt. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je salue votre engagement sur ce sujet. L'article 52 du projet de loi de finances est une invitation pressante à la discussion.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Une convocation plutôt !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Ce n'est pas une cathédrale, mais une porte d'entrée. La cathédrale, ce sera la réforme du logement que nous proposerons et qui reste à discuter. La porte d'entrée, c'est la volonté de réduire les crédits des APL de 1,5 milliard d'euros. J'assume cet objectif.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est un objectif comptable.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Cela ne résume pas notre politique du logement, bien entendu. Il faut réorganiser le tissu des bailleurs sociaux ; mieux valoriser le capital amorti en permettant certaines cessions ; simplifier les règles de la commande publique qui s'appliquent aux organismes de logement social. Tels sont nos objectifs à trois ans pour développer le logement social, sans mettre en péril les finances des collectivités territoriales, sachant que le montant des garanties d'emprunt au logement social est égal au montant de leur endettement.

La Cour des comptes a souligné qu'il y a des marges de manoeuvre, des « dodus dormants », comme disent certains connaisseurs du secteur. Vous les connaissez comme moi. On peut améliorer le logement social tout en diminuant les crédits budgétaires. J'ai fait des propositions pour réduire l'impact sur les bailleurs : modulation du taux de TVA, plan de 6 milliards d'euros pour accompagner les efforts d'investissement.

Les discussions sont en cours, elles avancent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

Mme Sophie Primas.  - La conférence de consensus que propose le président Larcher est une belle opportunité.

N'oubliez pas que c'est à la porte de la mairie du Havre que frappent les mal-logés, pas à celle de Matignon ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Malaise policier

Mme Sophie Joissains .  - Semaines tragiques pour nos policiers et nos gendarmes, touchés par une vague de suicides. Le taux de suicide avait décru en 2015 et 2016 ; cette baisse est finie. Certes, leur métier les expose à la mort, à la violence, à la misère humaine, mais le stress depuis la mise en place de l'état d'urgence a accru leur malaise et leur détresse. Le manque de reconnaissance et le manque d'effectifs n'y sont pas non plus étrangers. Selon un syndicat, 70 % des policiers estiment ne pouvoir faire face à leur charge de travail ; les formations seraient inadaptées.

Le précédent gouvernement annonçait en 2015 un plan de prévention prévoyant le recrutement de psychologues ou la refonte des cycles de travail. A-t-il été mis en oeuvre ? S'est-il révélé inefficace ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Il est toujours difficile d'expliquer de tels gestes, dont les raisons sont souvent intimes. La dureté des tâches des policiers et gendarmes ne peut cependant pas être éludée, car ils sont confrontés à la part la plus sombre de notre société. Ils connaissent une tension et un stress extrêmes.

C'est pourquoi nous avons renforcé le soutien par l'embauche de psychologues cliniciens dans la police et la gendarmerie et développé la sensibilisation des futurs policiers et gendarmes dans les écoles.

J'ai rencontré ces psychologues à la sous-direction de l'action sociale de la police nationale : ils font un travail remarquable. Nous créons 2 000 postes supplémentaires dans les forces de l'ordre pour 2018, et ces nouveaux effectifs atteindront 10 000 avant la fin du quinquennat. Nous restituons à la police et à la gendarmerie leurs capacités d'action tout en les modernisant.

Mme Sophie Joissains. - Ils espèrent, nous espérons.

ASCO industries

M. Michel Amiel .  - La filière sidérurgique est en crise. La société Asco industries, placée en redressement judiciaire le 7 mars 2014, avait été reprise, onze mois plus tard, par Frank Supplisson et Guy Dollé, ex-directeur général d'Arcelor. Or ce beau projet bat de nouveau de l'aile et la société, qui compte 1 500 employés avec une dette de plus de 40 millions d'euros, cherche à nouveau un repreneur. D'après Le Monde, trois sociétés ont déposé une lettre d'intention.

Les fournisseurs et sous-traitants sont aussi concernés, au point que certains risquent le dépôt de bilan : je pense à la société Comfer et de ses 30 employés directs, ou à la société Daddi.

Quelle est la position du Gouvernement face à cette situation qui met en danger un pan entier de notre économie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances - Je connais bien les difficultés d'Asco. Les services du ministère et mon cabinet y sont très attentifs. Je salue les 1 600 salariés qui, malgré les inquiétudes, poursuivent avec détermination le travail.

Depuis sa reprise en 2014, la société continue d'enregistrer des pertes massives. Face aux besoins de financement, il a été décidé de rechercher un repreneur. Plusieurs candidats se sont fait connaître. L'objectif est que le groupe soit repris rapidement et la pérennité de l'emploi et de l'activité garantie. Hier, le TGI de Strasbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour pallier l'impasse de trésorerie. Cela facilitera la reprise. Le calendrier sera connu dans les jours qui viennent. Il faut que la reprise s'appuie sur un projet crédible sur le plan industriel, social et financier. Enfin, je suis très attentif à l'impact sur les fournisseurs et sous-traitants de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Michel Amiel. - Merci de ne pas les oublier.

Sortie de l'Aide sociale à l'enfance

Mme Josiane Costes .  - Les mineurs en danger sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou, pour les délinquants, par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Il s'agit de favoriser leur intégration sociale, scolaire et professionnelle, voire à protéger la société.

Tant qu'ils sont en famille d'accueil ou en établissement, les résultats sont bons mais, à 18 ans, ils se retrouvent brutalement dans la nature, au risque de replonger dans la délinquance, voire la radicalisation. C'est un gâchis humain et financier, sachant d'une journée en centre éducatif fermé coûte 570 euros par jeune !

Ne pourrait-on envisager une sortie progressive des dispositifs et un accompagnement transitoire afin de consolider les progrès comportementaux de ces jeunes ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Merci pour votre question ; je vous sais attentive à ce sujet. Il existe plusieurs dispositifs d'accompagnement des jeunes majeurs. En matière pénale, les jeunes de la PJJ peuvent bénéficier d'une mesure de protection judiciaire dont la durée peut, avec l'accord du jeune, aller au-delà de la majorité. La loi Justice du XXIe siècle autorise les tribunaux à prononcer cumulativement une peine et une mesure éducative, ce qui assure la continuité du placement dans une structure de la PJJ.

En matière civile, beaucoup de départements ont mis en place des contrats jeunes majeurs pour aider les jeunes qui sortent du dispositif, sachant que la PJJ peut intervenir à titre exceptionnel.

Malgré ces dispositifs, les ruptures sont encore trop brutales. La loi du 14 mars 2016 ouvre la possibilité de contrats de partenariat entre départements et protection judiciaire de la jeunesse. J'ai demandé à la PJJ de contractualiser avec les collectivités territoriales et de mieux préparer les sorties, avec progressivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Josiane Costes. - Merci de ces propos rassurants. La sortie de ces dispositifs est toujours une période délicate.

Enseignement supérieur

Mme Michelle Gréaume .  - La France, avec d'autres pays européens, s'était fixé l'objectif de devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », en rattrapant son retard structurel par l'effet de levier de l'investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche. Cet objectif n'a pas été atteint.

L'accroissement du nombre de bacheliers (d'environ 35 000 personnes sur une décennie) aurait pu être vu comme un aiguillon ; las, obnubilé par la réduction de la dépense publique, vous avez décidé de détourner ce flux de nouveaux étudiants en filtrant l'entrée à l'université, au risque de multiplier le nombre de jeunes sans formation. Les risques sont grands de rendre la prochaine rentrée universitaire plus chaotique encore que la précédente.

Il est encore temps de renoncer à votre projet : faites confiance en notre jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - La teneur de votre question m'étonne ! Vous décrivez le passé récent, beaucoup plus que le futur. (Marques de perplexité sur les bancs du groupe CRCE) Oui, elle se rapporte à la situation que nous avons trouvée...(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes UC et Les Républicains)...marquée par des inégalités très graves, (Protestations sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR),où le tirage au sort est la sélection par le hasard, une situation créée par la pseudo-égalité qui inspire votre propos et qui aboutit à 60 % d'échec en licence (Applaudissements nourris sur la plupart des bancs, depuis ceux du groupe LaREM jusqu'à ceux du groupe Les Républicains ; exclamations sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR, où l'on désigne au ministre la partie droite de l'hémicycle)

N'hésitez pas à applaudir, si vous êtes pour une vraie égalité ! (Nouvelle salve d'applaudissements sur les mêmes bancs) Si la vérité vous dérange, dites-le ! (Même mouvement et protestations redoublées sur les bancs du groupe CRCE)

Avec Mme Vidal, nous avons commencé par une concertation (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE), afin de préparer un système beaucoup plus humain que le précédent.

Dès maintenant, et je l'ai constaté ce matin lors d'un déplacement dans un lycée près de Nancy, il y a deux professeurs principaux dans chaque classe de Terminale. Dès maintenant, les conseils de classe donnent les bons conseils. Dès maintenant, ceux-ci disposent d'informations accessibles en ligne sur le site « Terminales 2017-2018 ». Dès maintenant, de nouveaux BTS accueilleront les bacheliers technologiques afin qu'ils réussissent leur insertion professionnelle.

Enfin, les moyens sont au rendez-vous : près d'un milliard d'euros de plus sont consacrés aux universités, car nous voulons rétablir l'égalité ! (Applaudissements nourris et prolongés depuis les bancs du groupe LaREM jusqu'aux bancs du groupe Les Républicains)

Esclavage en Libye

M. Xavier Iacovelli .  - Monsieur le Premier Ministre, nous étions choqués par l'image d'Aylan, retrouvé face contre terre, sans vie sur une plage turque. Nous sommes à nouveau choqués par les cas, mis en lumière par plusieurs médias, d'esclavage en Libye, où femmes, hommes, enfants sont vendus comme du bétail sur les marchés.

Ne faisons pas semblant de le découvrir. Nous le savons tous, 45 millions d'humains sont asservis d'après l'ONU : c'est l'équivalent de la population espagnole ! Il y a 170 ans, la France abolissait l'esclavage ; il y a 16 ans, nous reconnaissions ici l'esclavage comme crime contre l'humanité. Et pourtant, les camps de réfugiés dans lesquels se passent ces horreurs, financés par l'Europe, se développent avec notre aval, en dépit du scandale humanitaire qui s'y déroule.

Si les réfugiés réchappent des viols, tortures et traitements inhumains qu'ils y subissent, ils se noient en Méditerranée. Le trafic d'êtres humains est le troisième trafic le plus lucratif au monde, après la drogue et les armes.

L'heure n'est plus seulement à l'indignation : le temps de l'action doit venir, en particulier pour la France, pays des droits de l'homme. Le ministre des affaires étrangères a indiqué qu'il avait demandé une réunion expresse du Conseil de sécurité de l'ONU. Pouvez-vous nous préciser la position de la France lors du prochain sommet Union européenne-Afrique ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Vous avez raison, les images de ces actes constitutifs de traite des êtres humains sont inadmissibles. Oui, il s'agit de crimes contre l'humanité. Le président de la République les a qualifiés comme tels.

Hier, Jean-Yves Le Drian a appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies. La France prend ses responsabilités.

En revanche, ces camps ne sont pas financés par l'Union européenne. L'Union européenne aide le Haut-Commissariat pour les réfugiés pour améliorer la situation des migrants en Libye, qui ne connaît pas d'État stable.

Nous allons, en outre, au Niger, au Tchad, pour identifier ceux qui devraient bénéficier du droit d'asile et leur permettre de rejoindre l'Europe.

Il y aurait 300 000, voire 700 000 migrants. On ne pourra pas traiter cette situation tant qu'il n'y aura pas d'État en Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; Mme Michèle Vullien applaudit aussi.)

Proposition de loi sur la stabilisation du droit de l'urbanisme

M. Rémy Pointereau .  - Notre président Gérard Larcher a évoqué hier au Congrès des maires la simplification des normes. Depuis 2014, le Sénat s'est engagé dans une ambitieuse action afin de simplifier celles applicables aux collectivités locales.

Notre proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme, fruit d'un travail transpartisan et élaborée après une consultation nationale des élus locaux ayant reçu 10 000 réponses, adoptée au Sénat à l'unanimité le 2 novembre 2016, n'a pu parcourir toutes les étapes de la navette parlementaire en dépit de nos requêtes répétées et de son caractère consensuel...

En cette période rare, où le Gouvernement s'intéresse aux collectivités territoriales (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM, exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; M. le Premier ministre lève les yeux au ciel.)... voici ma question : que comptez-vous faire pour limiter la frénésie normative et inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe UC)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires .  - Je salue cette proposition de loi votée à l'unanimité au Sénat. Elle portait les mêmes objectifs que le projet de loi que vous présentera bientôt le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Troendlé.  - Eh bien alors ?

M. Charles Revet.  - Présentez donc notre proposition de loi à l'Assemblée nationale ! (Vives exhortations adressées au ministre en ce sens depuis les bancs du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État.  - Construire plus et mieux et moins cher, là où c'est nécessaire. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Le texte que nous proposerons avec M. Mézard répond à vos attentes : sécurisation et simplification des procédures, actualisation des actes d'urbanisme... Nous allons plus loin sur l'hébergement d'urgence avec un bail mobilité pour les personnes en formation professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Rémy Pointereau.  - Il est regrettable de remplacer à nouveau un texte parlementaire par un projet gouvernemental. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Réforme du dispositif Pinel

Mme Catherine Fournier .  - La loi Pinel sera reconduite en 2018, mais de manière restreinte sur les zones A bis, A et B1 ; exclure les zones B2 et C revient à pénaliser les villes moyennes et leurs périphéries, pour privilégier les grandes concentrations urbaines. Pourtant le revenu des habitants de zone C n'est pas très élevé et y encourager l'accession à la propriété serait utile. La ville de Calais est ainsi exclue, parmi 211 communes de mon département ! Mauvaise nouvelle dans le contexte migratoire qui fait fuir les investisseurs ! Que va-t-il rester à ces communes évincées alors que leurs marges de manoeuvre ne cessent de se réduire et que les capacités d'investissement des bailleurs sociaux sont érodées ?

Il faut veiller à ne pas accentuer les déséquilibres actuels. Monsieur le Ministre, envisagez-vous des expérimentations ou des dérogations à défaut d'une réintégration des zones B2 dans le dispositif ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires .  - Nous n'oublions pas les zones « détendues ». Les dispositifs du projet de loi de finances et Pinel sont prolongés ; le Pinel ne le sera que dans certaines zones afin de favoriser la construction de logements nouveaux et d'aider à l'aménagement du territoire.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous n'y êtes pas, cela se voit ! Votre réponse est technocratique !

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État.  - La solution est de revisiter les zonages, ce sera fait au premier semestre 2018 et de favoriser une territorialisation de la politique du logement. Cela prendra du temps mais c'est le sens de l'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Situation politique au Cambodge

M. André Gattolin .  - Monsieur le Ministre Lemoyne, la France et le Cambodge entretiennent des relations privilégiées, fruit d'une histoire particulière, pendant laquelle la France a accueilli près de 300 000 réfugiés cambodgiens fuyant le régime des Khmers rouges, et a organisé les accords de Paris de 1991 qui ont apporté la paix et engagé la transition, vers un État de droit.

Le régime usé de Hun Sen a réalisé un putsch en supprimant le parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) et en éliminant de l'Assemblée législative 55 députés sur 123. Près de 1 500 collectivités territoriales sont aussi menacées. Des maires élus en juin dernier ne peuvent plus exercer leur mandat...

La Suède, les États-Unis, le service européen d'action extérieure ont pris des sanctions. Que fera la France ? Prévoit-elle aussi des sanctions ? Le pays garant des accords de Paris entend-il convoquer la vingtaine d'États membres de la Conférence qu'il a coprésidée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Oui, la France a parrainé les accords de 1991 ; elle est très préoccupée par la situation politique au Cambodge à l'approche des élections législatives de juin 2018. La suppression du PSNC, qui avait obtenu la moitié des suffrages dans un contexte de forte mobilisation, est de nature à remettre en cause le processus démocratique lancé il y a vingt-cinq ans. L'arrestation de son dirigeant Kem Sokha est en effet très préoccupante.

Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères s'en est entretenu avec son homologue cambodgien le 20 novembre dernier. Je réitérerai cette préoccupation lors de la prochaine réunion de l'Organisation internationale de la francophonie, dont le Cambodge est membre et qui repose sur un socle de valeurs communes et partagées. Le régime préférentiel concédé par l'Union européenne au Cambodge doit s'accompagner du respect des droits fondamentaux.

Merci aux sénateurs et à la diplomatie parlementaire, très active. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Situation des territoires ruraux

M. François Bonhomme .  - La France n'est pas faite que de métropoles et de centres urbains qui concentreraient les actifs et les surdiplômés, Monsieur le Ministre !

M. Philippe Dallier.  - Eh oui !

M. François Bonhomme.  - Plus de la moitié de la population vit dans des petites communes. Ces habitants ont le sentiment d'être délaissés par l'État : fermetures régulières des services publics et de commerces, d'usines, déserts médicaux, faible couverture numérique... La ruralité est pourtant essentielle pour la France. Les élus locaux se découragent, se désespèrent, alors qu'ils ont souvent les seuls et derniers interlocuteurs publics...

N'est-il pas temps de rééquilibrer les politiques publiques entre les territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires .  - Vous avez mille fois raison. (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le sentiment d'abandon est là, mais il ne date pas d'hier. (Exclamations sur divers bancs ; marques d'approbation sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Le Gouvernement ne veut en aucun cas opposer les territoires entre eux, les quartiers périphériques et les centres urbains, ni la ruralité et les villes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations à droite)

Votre département, le Tarn-et-Garonne, est l'un de ceux où la croissance démographique est la plus élevée. Les territoires ruraux sont dynamiques. Nous devons réduire la fracture territoriale et numérique. C'est l'objectif du plan numérique sur lequel Mounir Mahjoubi et moi passons nos journées, afin d'équiper en haut débit tous nos territoires (Exclamations et marques d'incrédulité sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), des Assises des transports centrés sur le quotidien, de la création des internats ruraux, de la préservation de la capacité d'investissement des communes. Mais, tant que la perception des Français n'évoluera pas, nous n'avons pas gagné la partie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. François Bonhomme.  - Nous n'opposons personne. Vous non plus en un sens puisque vous avez pris cet été un décret d'avance pour supprimer des crédits de la DETR et de la politique de la ville.

Les élus sont sortis éreintés des réformes territoriales...

M. Pierre Laurent.  - ...que vous avez votées ! (On renchérit sur plusieurs bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. François Bonhomme.  - Ils ne veulent plus que la ruralité soit une variable d'ajustement. Ils réclament simplement une relation plus équilibrée entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Taxe sur les dividendes et taxe foncière

M. Sébastien Meurant .  - L'encadrement des ressources et dépenses des collectivités territoriales, la baisse des contrats aidés, le non-respect des engagements inquiètent les élus locaux, qui craignent de ne plus pouvoir répondre aux demandes des populations les plus fragiles.

L'autonomie financière des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, est battue en brèche.

La réforme de la taxe d'habitation en est une nouvelle illustration. L'État reprend aussi la main sur les collectivités territoriales ; les inégalités entre communes riches et pauvres s'accroîtront, le lien entre le citoyen et le financement des services publics communaux sera distendu : ainsi, 8 000 communes auront moins de dix contribuables ! Dans 3 000 communes, il y aura moins de trois contribuables !

Pourquoi ne pas toucher la taxe foncière, dont les bases de calcul sont similaires ? Quel manque de cohérence et de vision !

Pourquoi se précipiter dans une réforme mal ficelée ? Ne craignez-vous pas que l'histoire se répète et qu'elle subisse le même sort que la taxe sur les dividendes, censurée par le Conseil constitutionnel ? (Bravos et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Cette réforme visant à augmenter le pouvoir d'achat a été approuvée massivement par les Français lors des élections présidentielles et législatives. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur divers autres bancs) C'était un engagement primordial d'Emmanuel Macron dans sa campagne.

Nous nous sommes engagés à mener une réforme en profondeur de la fiscalité locale. Qui peut trouver juste que la taxe d'habitation soit trois fois inférieure à Paris de ce qu'elle est à Argenteuil, pour un appartement de même surface ?

Nous étalerons cette réforme sur trois ans. Nous sommes déterminés à rendre du pouvoir d'achat à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.