Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale (Suite)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue le retour d'Albéric de Montgolfier (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) qui fait mentir l'adage selon lequel tout mal se guérit par la patience... C'est l'impatience d'être parmi nous qui l'a guéri, comme s'il y avait eu un miracle démocratique ! (Sourires)

Un budget, c'est une politique avant d'être une arithmétique. Celui-ci plus que les autres : c'est le premier du quinquennat, donc le point de départ d'une trajectoire économique et politique.

Vous pouvez compter sur le Sénat pour l'examiner sans complaisance, mais sans a priori, avec objectivité : ce budget est sincère, contrairement à celui de l'an passé. (Mme Elisabeth Lamure le confirme.)

Pour être objectif, il faut des critères. Je vous en propose deux : ce budget apporte-t-il à la France des réponses à la hauteur des défis ? Est-ce un budget de transformation, comme le prétend le président de la République ?

La France a deux handicaps, ses déficits accumulés. Déficit budgétaire d'abord. Le Premier ministre disait qu'il s'agissait d'une addiction française. Y mettrez-vous fin ? Non. Vous n'êtes pas comptable de la dérive passée, mais vous êtes comptable des responsabilités que vous ne prenez pas ! Vous supprimez seulement 324 postes dans la fonction publique d'État...

Nous sommes le seul pays de l'Union dont le ratio d'endettement ne baisse pas et nous sommes, avec l'Espagne, les seuls à être en procédure pour déficit excessif -  la Grèce ne l'est plus depuis septembre dernier !

Notre déficit commercial, ensuite, exprime la dégringolade de l'entreprise France - mais ce budget n'apporte aucune réponse ; pire, vous aggravez leurs charges de 3 milliards et, avec le prélèvement à la source, vous allez en faire des collecteurs d'impôts ! Vous avez préféré la CSG à la TVA, seule susceptible pourtant de taxer les produits chinois et de lutter contre le dumping social. (Mme Dominique Estrosi-Sassone le confirme.)

Ce n'est pas non plus un budget de transformation, mais de continuation. Comme à l'habitude, vous ferez les efforts dans les deux derniers exercices du quinquennat. Comme à l'habitude, la France sera en déficit -  et nous resterons champions des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires.

Ce budget ne fait pas peser sur tous les Français des charges équivalentes. Il y a des gagnants : les patrimoines les plus élevés. Il y a des perdants : les familles, comme sous François Hollande, les ruraux, les propriétaires, ceux qui doivent prendre leur voiture diesel pour travailler, les classes moyennes et moyennes supérieures.

Au mépris de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'impôt direct est hyperconcentré. Les collectivités territoriales subissent une extrême injustice. J'attends les déclarations du président de la République devant les maires. Vous le savez, votre réforme est anticonstitutionnelle. (M. Antoine Lefèvre le confirme.) Les communes riches s'enrichiront et les pauvres s'appauvriront. C'est le summum de l'injustice. Nous ferons des propositions sur le logement, sur les économies budgétaires.

M. Julien Bargeton.  - Ah bon !

M. Bruno Retailleau.  - Ne gâchez pas une fenêtre exceptionnelle : la croissance revient. Demain, le prix du pétrole, les taux d'intérêts peuvent remonter.

Ne gâchez pas cette chance. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Claude Raynal .  - Je voulais partager avec vous une première satisfaction : celle de faire enfin mon travail de parlementaire. L'année dernière...

M. Philippe Dallier.  - On l'a fait !

M. Claude Raynal.  - Tout à votre primaire, vous aviez prétexté...

M. Philippe Dallier.  - Et le rapport de la Cour des comptes ?

M. Claude Raynal.  - Une insincérité budgétaire dont vous disiez, Monsieur le rapporteur général, qu'elle frôlait « l'irréalisme », je me souviens très bien de ce terme, alors que la Cour des comptes a établi depuis l'imprécision à 4 milliards, sur 236 - et que la croissance estimée à 1,5 %, s'est établie à 1,7 voire 1,8 %...

Je le sais bien : quand la croissance est faible, c'est la faute du Gouvernement ; quand elle se redresse, c'est la conjoncture.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Parlez du PLF !

M. Claude Raynal.  - N'est-il pas plus facile de faire un budget avec 3 % de déficit public et 1,8 % de croissance plutôt qu'en 2013, avec un déficit à 5,2% et une croissance à 0,2% ? Qui plus est, vous y parvenez aujourd'hui grâce aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale... Cela doit, nous espérons que notre pays pourra sortir de la procédure pour déficit excessif.

Ce projet de loi de finances est marqué par une réduction de la fiscalité du capital, gagée par une aggravation des charges et une économie de dépenses.

La mesure majeure est la réforme de la fiscalité du capital avec le PFU et l'IFI conduisant à une perte de recettes de 4,5 milliards d'euros en 2018 et 5,5 milliards en 2019.

Nous ne saurions adhérer aux motivations idéologiques, libérales qui fondent ces mesures. Elles rompent l'égalité instituée en 2013 entre revenus du capital et du travail. Elles favorisent les plus gros revenus, pour qui le capital mobilier est le plus fort. Les cent plus gros contribuables économiseront ainsi 150 millions d'euros d'impôt par an ! Vous prétendez qu'ils les réinvestiront dans l'économie réelle ? Cela relève de la foi du charbonnier !

Partageant le même constat sur l'IFI, la majorité sénatoriale veut supprimer l'ISF, ce qui ferait perdre 1 milliard d'euros. LaREM s'acquitte d'une promesse que cette majorité n'a jamais osé tenir. Or 5 milliards par an ne seraient-ils pas mieux utilisés à doter la banque publique d'investissement, dont l'activité est unanimement saluée, ou l'Agence des participations de l'État ?

Non à l'IFI, mais oui à l'ISF. Ne parlons pas des taxes cosmétiques sur les yachts ou les voitures de luxe, dont l'Assemblée nationale aurait pu se passer : quand on fait des choix, il faut les assumer... (M. Philippe Dallier le confirme.)

Les socialistes ont toujours considéré la taxe d'habitation comme injuste pour les Français et les collectivités territoriales. Nous ne voterons pas l'amendement de suppression de la majorité sénatoriale. Mais les collectivités territoriales ne doivent pas être touchées par cette mesure. Le Premier ministre a dit que la Conférence nationale des territoires aurait son mot à dire : qu'en est-il, Monsieur le Ministre ?

La réforme en profondeur de la fiscalité locale de 2018 fera de cette année une année décisive.

Les socialistes sont hostiles à la réforme de l'ISF, consternés par la brutalité des décisions sur les emplois aidés, favorables aux dégrèvements de taxe d'habitation, sous réserve d'une réforme globale et concertée, en 2018, de la fiscalité locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Philippe Dallier .  - Il y a dans ce budget peu de baisses de dépenses... sauf sur le logement. C'est incompréhensible. Chacun s'accorde sur la crise du logement. Il n'y a qu'une solution à cette crise, pour paraphraser Clemenceau : « construire, construire et encore construire ».

M. Bruno Retailleau.  - Bravo !

M. Philippe Dallier.  - Construire, mais quoi, pour qui, et où ? Le Gouvernement appelle à un « choc de l'offre » de logements, mais il ne propose que des mesures de rendement budgétaire. Je sais que les résultats des 40 milliards que nous consacrons au logement ne sont pas à la hauteur : c'est bien pourquoi, plutôt que des mesures de rendement, il faut une réforme de fond, qui parte d'une vision pour le logement dans notre pays !

Vous supprimez l'ISF mais gardez l'IFI qui ne touchera que les classes moyennes. Vous ne conservez que la taxe foncière, vous supprimez l'aide aux maires bâtisseurs, vous remettez en cause le Pinel et le PTZ, vous supprimez la prime d'État dans le plan d'épargne logement, vous taillez dans l'aide à l'accession... Je ne comprends pas la logique d'inciter à la vente des HLM tout en les taxant et en leur supprimant des moyens pour entretenir le parc.

Vous pérennisez le coup de rabot sur les APL, mesure « inintelligente » selon le président de la République, pour 400 millions d'euros en 2018. Enfin, vous ponctionnez 1,5 milliard sur les APL, à quoi s'ajoutent 200 millions de baisses de loyers pour les HLM...

Avec tout cela, vous pensez déclencher un choc d'offres et stabiliser les collectivités territoriales très inquiètes ?

Vous avez beau simplifier les normes, réorganiser les bailleurs sociaux - ce qui prendra du temps - vous risquez de donner un sérieux coup de frein. Qu'est-ce que l'économie française y aura gagné ?

N'avez-vous pas mis la charrue avant les boeufs ? Le maillon faible de ce budget, c'est le logement social dont les bailleurs seront pour certains en autofinancement négatif : deux cents d'entre eux pourraient mettre la clé sous la porte l'an prochain et un bon nombre n'aura pas les moyens d'entretenir leur parc.

Je connais la petite musique de Bercy, selon laquelle les offices HLM sont assis sur un tas d'or. Pas tous ! (M. Antoine Lefèvre le confirme.) Les « dodus dormants » sont loin d'être majoritaires et il y en a peu en zone tendue. C'est en fin de compte la veuve de Carpentras qui prendra la différence entre le taux à 0,75 % du livret A et le taux bancaire de 1,25 %. Cette différence, quelque 800 millions d'euros, les banques l'empocheront !

N'oubliez pas que les collectivités territoriales garantissent les emprunts. Jusqu'à présent, la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) a évité les catastrophes. Pour combien de temps encore ? Jusque quand la garantie d'emprunt par les collectivités territoriales continuera-t-elle à ne pas être prise en compte par les banques ? Le Sénat ne peut ne pas conserver ce budget en l'état.

Le compromis ne pourra passer que par une participation plus grande de l'État. Nous proposons de trouver 600 millions d'euros en augmentant le taux de TVA à l'article 52 sur la construction.

En seconde partie, nous n'avons pas encore trouvé de compromis. La balle est dans le camp du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. Georges Patient .  - L'effort financier consacré en 2018 aux territoires ultramarins s'élève à 17,2 milliards contre 16,6 en 2016 et 16,2 en 2015. Les dépenses fiscales étant de 4,2 milliards, l'effort total est de 21,6 milliards d'euros. Cela s'inscrit avec une certaine continuité. C'est un budget de responsabilité ; mais aussi de transition, en attendant les assises de l'outre-mer et le livre bleu qu'elles produiront d'ici le printemps.

Les ultramarins auront-ils la patience alors que les voyants - emploi, sécurité, situations sanitaire, éducative - sont au rouge ? Les élus sont en ébullition ; ils appellent à une action urgente pour éviter l'explosion sociale. Je sais le président de la République très attentif. La suppression brutale des emplois aidés, des dispositions spécifiques seraient prises - à préciser.

Pourquoi le CICE outre-mer ne serait-il pas maintenu ? Que dire des finances locales : la Cour des comptes a signalé que la péréquation était défavorable aux outremers. Un moratoire sur les mesures de défiscalisation outre-mer serait opportun. Je proposerai des amendements sur ces points.

Il est nécessaire d'affirmer un développement propre aux outremers pour sortir de la dépendance budgétaire. Le président de la République veut donner un nouveau souffle ; il le faut aussi pour les outremers qui doivent sortir de l'économie de transfert. Il ne saurait y avoir égalité réelle sans émancipation réelle, comme l'a dit Serge Letchimy à l'Assemblée nationale.

M. Michel Canevet .  - Je me réjouis d'examiner le budget cette année. L'audit confié par le nouveau Gouvernement a confirmé l'insincérité du précédent budget pour 8 milliards d'euros - nous disions la dérive de la masse salariale, des dépenses de sécurité et de défense, des grands travaux.

Un nouveau souffle est arrivé avec l'élection du nouveau président de la République qui a annoncé des mesures de soutien à l'économie. Le groupe UC partage la volonté de réforme.

La dette de la France a augmenté de 32 points de PIB en dix ans. Pour l'État, on en est à 1 750 milliards en 2018 : il y a de quoi s'inquiéter. Le Venezuela, pour 150 milliards, a failli se retrouver en cessation de paiement...

Depuis 2014, les intérêts de la dette ne cessent de diminuer : ils pèsent 40 milliards d'euros dans le budget 2018, contre 43 milliards d'euros en 2014. Le déficit est préoccupant, à 83 milliards l'an prochain, cela appelle les réformes. Sur le premier semestre de cette année, notre déficit commercial est de 34 milliards mais l'Allemagne est en excédent de 110 milliards - cela alors que le pétrole est peu cher. Il faudra encore baisser les charges sociales pour donner de la compétitivité à nos entreprises.

Oui, nous sommes préoccupés par la dépense publique : elle représente 56 % du PIB, dix points de plus que la moyenne de la zone euro. La seule croissance ne nous permettra pas de réduire ce déficit.

Je salue aussi la volonté de réduire les prélèvements obligatoires : il faut remédier au ras-le-bol fiscal. Je salue la mise à niveau européenne de l'impôt sur les sociétés notamment.

En revanche, l'IFI ne me semble pas la meilleure solution. Il aurait été plus astucieux de conserver l'ISF en enlevant les éléments d'investissement productif. (M. Philippe Dominati le nie.) Il faut tenir compte de l'état du déficit.

Il faut restaurer la confiance. Le choix de Paris pour le siège de l'Agence bancaire européenne en est un premier signe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Thierry Carcenac .  - Le vivre-ensemble auquel vous êtes, nous sommes attachés, passe par les institutions et notamment par les collectivités territoriales.

L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est bien malmené lorsque vous supprimez l'ISF. Je préfère d'ailleurs le terme d'impôt sur la grande fortune, l'IGF - j'en profite pour rendre hommage au président Mitterrand, qui connaissait le sens des mots. (M. Jean-Pierre Sueur renchérit.) C'est un mauvais signal. Il deviendra plus intéressant d'alimenter un compte bancaire plutôt que de construire. Dans nos territoires, l'adage « quand le bâtiment va, tout va » garde pourtant tout son sens. Les collectivités territoriales sont inquiètes. Comment évoluera le dégrèvement ? L'argument de l'injustice de la taxe d'habitation perdurera pour les 20 % non exonérés et pour la taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

La suppression de la taxe d'habitation pourrait être de plus inconstitutionnelle. C'est un grand risque.

Les dépenses des départements ne sont pas maîtrisables. La règle d'or renforcée les conduirait à ne plus investir. Or il faut bien entretenir les routes et les collèges.

Soutenir les 19 départements les plus en difficultés avec un fonds de 100 millions d'euros n'est pas à la hauteur. Certains départements reporteront le paiement du RSA aux CAF - ce qui n'a l'air de préoccuper personne.

Le transfert d'un point de TVA aux régions est une bonne chose mais le compte n'y est pas.

Nous entrerions dans une phase IV de la décentralisation ? Elle ressemble fort à la phase I de la recentralisation : le préfet reprend la main, il pourra même sanctionner par une mise sous tutelle, et j'en passe. Les collectivités territoriales respectent la règle d'or, contrairement à l'État.

L'État fixe un objectif d'évolution des dépenses locales, que le Sénat a heureusement baissé.

Ne pourrait-on pas envisager un panier moyen de dépenses ? Pour le département, le reste à charge serait plus juste.

Les ressources sont inégalement réparties. En dépit de la péréquation, les DMTO sont trop inégales.

Des rapports, comme celui de MM. Carrez et Thénault de 2010, mériteraient d'être réexaminés.

Si vous continuez sur cette voie, le contrat social serait mis à mal.

Je partage donc le rejet de MM. Eblé et Raynal de ce budget injuste pour les collectivités territoriales.

M. Claude Malhuret .  - Le premier projet de loi de finances d'un quinquennat est important pour la nation : il témoigne des grandes orientations. Il pouvait baisser l'addiction à la dépense publique, préparer les réformes difficiles et nécessaires, mettre en acte les promesses du président de la République pour préserver la crédibilité de la parole publique.

Nous avons à coeur d'être force de propositions en faveur de la justice sociale d'abord : le travail doit fournir à ceux qui travaillent de quoi vivre.

La responsabilité budgétaire, c'est viser la sortie de la procédure de déficit excessif. Malgré les efforts présentés dans la loi de programmation des finances publiques et ce projet de loi de finances, l'écart de trajectoire avec l'Allemagne est préoccupant. Sans crédibilité budgétaire, il n'y aura pas de crédibilité politique en Europe.

L'efficacité économique passe aussi par la rupture avec la fiscalité punitive, pour donner envie d'investir - nous ferons des propositions pour restaurer la confiance des acteurs économiques.

Il faut encore préparer la transition de notre économie vers un modèle de production et de consommation plus responsable. Fiscalité énergétique et incitation à l'innovation sont des leviers importants.

Le président de la République s'exprime en ce moment devant le Congrès des maires, que le Gouvernement s'est employé à rassurer. Certains points demeurent flous, notamment sur la contractualisation. Nous serons attentifs à préserver la liberté d'action des collectivités territoriales.

Notre groupe participera aux discussions avec un esprit constructif et sera force de propositions. Nous avons la volonté d'agir, en responsabilité, au service de l'intérêt national. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Replaçons l'examen de ce texte dans son contexte. L'Europe a retrouvé une croissance plus soutenue, autour de 2 %, mais la croissance en France reste inférieure à la moyenne de la zone euro. Notre endettement, lui, est très supérieur à la moyenne européenne et frise les 100 % du PIB. Nous ne faisons guère mieux en matière de déficit public et de balance commerciale. Voilà qui devrait inciter ceux qui ont gouverné ces dernières années à la modestie. Cet endettement est une épée de Damoclès. La charge de la dette représente une quarantaine de milliards, autant que le budget de l'Éducation nationale, et exploserait si les taux d'intérêt devaient remonter.

Nous devons rendre notre économie plus compétitive et créatrice d'emplois en réduisant les charges sociales et en allégeant la pression fiscale pour permettre aux entreprises d'innover et d'investir. Un programme de réformes sans précédent a été lancé : droit du travail, formation professionnelle, apprentissage, indemnisation du chômage... Nous devons aussi agir pour le pouvoir d'achat et pour la solidarité envers les plus fragiles. C'est une équation difficile, mais le pari est tenable.

Le Gouvernement propose un équilibre reposant sur la maîtrise des dépenses, non sur la hausse des prélèvements obligatoires. Le retour de la confiance des partenaires économiques est la clé : n'en déplaise aux grincheux, jamais l'envie d'entreprendre n'a été aussi forte !

Nous soutenons la politique budgétaire du Gouvernement, sans nous interdire d'ajuster certaines dispositions.

Le Gouvernement a fait des choix clairs, consacrés dans la loi de programmation des finances publiques. Les budgets de la défense, de la santé, de la sécurité, de la justice, de l'éducation nationale, sont renforcés ; les capitaux sont orientés vers l'économie productive avec la réforme de l'ISF. Le choix de privilégier l'activité à la rente est assumé.

La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages sera neutre pour les collectivités territoriales et préservera leur autonomie financière. Mais la pérennité incertaine du dispositif nous inquiète : qui nous garantit que le dégrèvement sera toujours là en 2022 ?

Oui à la contractualisation, mais la base de négociation est inacceptable : le Gouvernement propose une évolution tendancielle des dépenses de fonctionnement de 1,2 %, or la réalité est plus proche de 1,9 %. La maîtrise des dépenses des collectivités territoriales passera par des réformes structurelles : il faut donner plus de souplesse et de liberté aux élus locaux, réhabiliter le principe de subsidiarité. Les réformes territoriales des décennies passées ont engendré plus de surcoûts que d'économies et éloigné les citoyens des décisions.

Attention, en matière de logement, à ne pas accentuer les fractures territoriales. Certains opérateurs sociaux risquent d'être fragilisés par la baisse des APL ; il faudra y remédier et réfléchir à l'atterrissage du dispositif Pinel.

Le groupe RDSE n'approuve pas toutes les modifications votées par la commission des finances, quand elles remettent en cause les lignes directrices de ce budget ; il a une vision positive des orientations de ce texte même s'il souhaite quelques inflexions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-François Husson .  - Premier projet de loi de finances du nouveau quinquennat, dans un contexte politique nouveau et inédit, avec des ambitions nouvelles pour sortir des errements du passé et favoriser la réussite de la France. Inflation faible, taux très bas, matières premières bon marché, croissance plus élevée que prévu : la conjoncture est bonne.

La reprise de l'investissement privé est un signal positif. Malgré cela, notre déficit commercial et notre endettement sont préoccupants. Or la France ne réduit toujours pas sa dépense publique...

Pour les collectivités locales, le mandat a mal commencé. Le président de la République avait annoncé un pacte de confiance, avec un effort de 10 milliards d'euros, subitement passé à 13 milliards... Coupe de 200 millions d'euros dans les dotations en faveur de l'investissement local dans les territoires ruraux, de 450 millions d'euros dans les ressources des régions, baisse de 100 millions du fonds d'urgence en faveur des départements, de 380 millions d'euros des dotations de compensation prétendument sanctuarisées, baisse de 50 millions des subventions aux communes, baisse de 100 millions d'euros de la péréquation verticale, suppression brutale des contrats aidés, suppression de la taxe d'habitation, principale ressource des communes, contractualisation aux contours flous, volonté de réduire le nombre d'élus locaux, qui sont des bénévoles engagés pour la réussite de notre pays... La liste est longue.

Je vous conseille, Monsieur le Ministre, d'écouter avec attention les propositions du Sénat. Nous devrons réajuster les efforts demandés aux collectivités territoriales, sans quoi l'investissement public sera mis sous tutelle. Dans 7 300 communes, moins de cinq habitants paieront la taxe d'habitation. Dans 500 d'entre elles, il n'y aura qu'un seul contribuable ! Cessons de jouer avec le feu. N'opposons pas la légitimité des maires, élus préférés des Français, avec celle, toute récente, du président de la République. Offrons-nous plutôt l'opportunité de trouver les bonnes solutions pour que la France retrouve sa pleine souveraineté financière et la place qui lui revient : dans le peloton de tête. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

Mme Jacky Deromedi .  - Le Gouvernement baisse les subventions de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de 33 millions d'euros - alors que le ministère de l'Éducation nationale voit son budget augmenter de 1,3 milliard. La commission des finances proposera de rétablir 30 millions ; ce sont 33 millions qu'il faudrait rétablir.

Le président de la République s'était engagé à ne pas réduire les crédits de l'AEFE en 2018 et 2019. On ne peut pas défendre la francophonie sans s'en donner les moyens, disait-il, juste avant l'annulation de crédits au titre de 2017. Cela pénalisera bon nombre de lycées français à l'étranger, qui gèrent leur budget au plus juste pour limiter la charge sur les familles. Ils risquent d'être tentés par le déconventionnement... Ce serait une perte d'influence pour notre pays, car nos établissements sont aussi prisés par les populations locales.

Il aurait fallu, au contraire, augmenter les crédits, pour aider les parents à payer une assistante de vie scolaire et organiser un dépistage précoce pour les enfants à besoins particuliers. Faute de quoi, nous continuerons à avoir des enfants déscolarisés, à la charge de leurs parents et de la société...

Un peu d'humanité, Monsieur le ministre, pour les Français vivant à l'étranger, le plus souvent parce que la France n'a pas su leur donner les moyens de nourrir correctement leur famille !

Mme Nathalie Goulet. - Allons !

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'examen du projet de loi de finances est un temps fort, chaque année, après celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale, voté ce mardi.

Le projet de loi de finances et ses nombreuses missions ont fait l'objet d'un examen remarquable des rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis. Établir un budget est un exercice complexe. En 2018, le déficit budgétaire atteindra 83 milliards d'euros et la dette publique un niveau record de 1 752 milliards, en hausse de 4,5 % par rapport à 2017, après une hausse de 17 % entre 2012 et 2016.

La situation est grave. Les recettes s'élèvent à 356 milliards. La TVA constitue la première d'entre elles, à 206 milliards d'euros. Il faut donner la priorité au développement économique.

Les dépenses totales s'élèvent à 441 milliards, tout confondu. Comment les maîtriser ? La tâche est immense. Les moyens humains sont inégalement répartis sur le territoire. Les fonctions publiques hospitalière et territoriale méritent une particulière attention.

Les élus locaux sont inquiets devant l'évolution de la DGF, ils redoutent que la suppression de la taxe d'habitation mette à mal l'autonomie financière des communes et intercommunalités. Des incertitudes subsistent aussi sur l'avenir des dotations : DETR, DSIL, etc... Or l'investissement local est indispensable pour relancer le BTP. La suppression de la réserve parlementaire - 140 millions - est aussi préoccupante, tout particulièrement pour les communes rurales. Souhaitons que le Sénat soit entendu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE.)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Je ne pourrai malheureusement pas répondre en détail à toutes les interventions, mais nous approfondirons tous ces sujets dans les semaines à venir. Le Gouvernement aborde l'examen de ce texte avec un sens aigu des responsabilités, une grande sincérité et la certitude que le débat sera de haut niveau.

Vos préoccupations font l'objet de notre totale attention. Les élus locaux sont les soldats de la République, toujours en première ligne, surtout en ces temps difficiles. Les maires, élus préférés des Français, dont l'anagramme est « aimer », seront toujours considérés à leur juste valeur.

Mme Nathalie Goulet. - Très joli !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Nous tâchons de tenir la promesse présidentielle de rendre du pouvoir d'achat et de protéger les plus fragiles. Suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, crédit d'impôt pour l'emploi à domicile, sans oublier la revalorisation, dans le PLFSS, du minimum vieillesse, de l'AAH ou le plan d'accès territorial aux soins : nous avons la conviction que nous ne viendrons pas à bout des inégalités avec des réponses strictement financières. La bataille se mène aussi sur le front de la mobilité, de l'éducation, de la vie quotidienne, de l'accès au très haut débit...

D'après les prévisions, six ménages sur dix seront gagnants - à hauteur de 850 euros par an à la fin du quinquennat.

Le vrai problème de notre économie réside dans la santé de nos PME. Leurs besoins de financement sont en partie couverts par la BPI, mais cela ne suffit pas pour les aider à investir et innover. D'où la réforme de la fiscalité du capital pour sortir le capital de l'ISF et le réorienter vers l'économie productive. Cela ne se fera pas d'un coup, il faudra aussi engager une bataille culturelle, car les Français ont toujours privilégié la pierre. D'où le travail engagé par la députée Amélie de Montchalin auprès des banques pour trouver des outils orientant l'épargne vers l'appareil productif.

Nous débattrons longuement de la réforme de la taxe d'habitation. L'exonération concernera 80 % des contribuables, jusqu'à 27 000 euros de revenus pour une personne seule. Je sais l'inquiétude des élus locaux. Nous voulons donner aux collectivités territoriales la liberté de choisir où faire porter l'effort. M. Raynal a cité François Mitterrand. Petit-fils de morvandiau, je me souviens qu'il a dit aux élus locaux, après son élection, qu'il leur rendrait le pouvoir qu'il venait de se voir confier. C'est cet esprit de liberté et de responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales que nous voulons restaurer. Et c'est un ancien élu local qui vous le dit !

Pour ma part, je n'ai jamais connu un budget à l'équilibre : en 1974, je n'étais pas né...

Mme Nathalie Goulet. - Quelle chance !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - L'objectif, c'est un budget à l'équilibre à la fin du quinquennat, une baisse de cinq points de la dette publique, une baisse de trois points de la dépense publique, une baisse d'un point des prélèvements obligatoires, car la pression fiscale sur nos concitoyens est trop forte.

En matière de déficit commercial, le combat est double. Pour améliorer la compétitivité-prix, nous avons choisi de baisser de manière pérenne les charges sur les entreprises, jusqu'à 2,5 SMIC. Faut-il aller au-delà, comme l'envisageait le rapport Gallois en 2012 ? Il faudra y réfléchir. Si nous voulons une industrie qui monte en gamme et investisse, il faut aussi développer les compétences, c'est-à-dire des salaires élevés. Nous agissons donc en même temps sur la compétitivité prix et la compétitivité hors prix, par la formation, l'investissement dans l'économie de la connaissance, de la compétence, de l'innovation. D'où la sanctuarisation du crédit impôt recherche, d'où le fonds de 10 milliards pour les innovations de rupture, financé par la cession de participations de l'État, que nous assumons. Dans un monde qui bouge, l'État ne peut rester le seul acteur inactif !

Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, Richard Yung travaille sur la rationalisation de nos outils à l'export. Les signaux sont bons, à commencer par l'implantation de l'Autorité bancaire européenne à Paris, après plusieurs banques et fonds qui quittent la City. (M. Aymeric de Montgolfier, rapporteur général, applaudit.) Ces signaux ne sont pas suffisants, mais ils sont significatifs.

Le regard sur notre pays a changé. Nous offrons aux investisseurs un cadre politiquement plus stable que l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Notre compétitivité se renforce, la conjoncture est bonne, mais tout cela est fragile. Nous voulons réconcilier capital et travail ; à privilégier l'un ou l'autre au gré des alternances politiques, nous nous sommes privés des deux : nos entreprises peinent et nous avons 10 % de chômeurs...

Lorsque nous consacrons au logement 40 milliards d'euros par an, soit 2 % de notre richesse nationale, soit deux fois plus que la moyenne européenne, pour des résultats qui ne sont pas deux fois meilleurs, il faut se poser des questions. (M. Philippe Dominati renchérit.) En subventionnant les bailleurs et en solvabilisant les locataires, nous avons organisé un système inflationniste par nature.

Il faut repenser le système, en englobant le Pinel et le PTZ. On le sait, certains territoires, dont le mien, ont fait des choix parfois malheureux, optant pour l'étalement urbain au détriment du développement durable. Sans doute peut-on, sur ce sujet comme sur les autres, travailler intelligemment. La prolongation par les députés de certains dispositifs est bienvenue, mais je crois profondément au recentrage de ces politiques.

Le Gouvernement trouvera une solution pour ne pas pénaliser davantage les territoires d'outre-mer, où la suppression du CICE est complexe en raison des dérogations déjà existantes.

Ce budget est un budget de justice sociale, car il n'y a pas de croissance juste si elle n'est pas partagée ; c'est aussi le moyen pour la France de retrouver sa voix en Europe. Le Brexit et la montée de l'euroscepticisme nous poussent à occuper à nouveau la place que la France n'aurait jamais dû abandonner sur le continent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles de la première partie

ARTICLE LIMINAIRE

M. Didier Rambaud .  - Cet article fixe la prévision de solde structurel et de solde effectif des administrations publiques. Je suis fier de défendre ce budget de sincérité, qui repose sur des hypothèses macroéconomiques solides.

Ce texte est un texte de responsabilité. L'effort structurel sur les dépenses est inédit. Oui, c'en est fini des hausses d'impôts pour éviter de faire des réformes. Il y a eu beaucoup à faire, à commencer par trouver les milliards pour compenser la taxe sur les dividendes. Je déplore le double langage de la majorité sénatoriale qui a alourdi le déficit du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 7 milliards. Nous voterons ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Avec la suppression de l'ISF et le prélèvement forfaitaire unique, vous épuisez les faibles marges de manoeuvre que nous autorisent les traités européens. Les mesures en matière d'emploi et de logement sont une charge contre les plus défavorisés, ceux qui n'ont d'autre capital que les services publics. D'autres coupes suivront, quand il faudra, en 2019, transformer le CICE et rattraper le différentiel observé. Vous prônez la société du risque ? Oui, pour les plus modestes !

La révision du mode de calcul du solde structurel a fait l'objet de travaux qui n'ont pas été validés par les ministres des finances, nous a dit Pierre Moscovici. Nous n'avons pas entendu le Gouvernement sur ce dossier, pourtant essentiel pour tenir nos engagements tout en répondant à l'urgence sociale. À quoi sert un Gouvernement de la zone euro si l'action publique de l'État, premier vecteur de redistribution, est étranglée ? À l'examen de la situation sociale, vous préférez un calcul baroque du solde structurel. Vous ne cherchez pas à exploiter les souplesses du TSCG. Addiction à la dépense publique, dites-vous ? Nous avons plutôt une addiction à la pauvreté, et vous ne faites rien contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - Je salue les propos de ma collègue du Val-de-Marne.

Vous fustigez les donneurs de leçons, monsieur Rambaud ? Viseriez-vous le groupe CRCE ? Cet article liminaire porte la marque du traité de 2012. Quelle est la marge restant aux parlements nationaux dans ce cadre imposé ?

Quelqu'un, ce matin, dénonçait les postures et les caricatures - jamais je ne stigmatiserais ainsi un collègue, soit dit en passant. Selon la DGFiP, en 2015, les exilés fiscaux représentaient 0,2 % des assujettis à l'ISF ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, s'exclame.)

La plaquette de Bercy indique qu'un contribuable qui gagnait 11 millions d'euros et payait 108 000 euros d'ISF, ne paiera plus rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur certains bancs du groupe SOCR)

Mme la présidente. - Amendement n°I-485 rectifié, présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Vall.

Alinéa 2, tableau, dernière colonne

1° Avant-dernière ligne

Remplacer le nombre :

- 0,1

par le nombre :

- 0,2

2° Dernière ligne

Remplacer le nombre :

- 2,6

par le nombre

- 2,8

M. Jean-Claude Requier. - Dans un souci de sincérité budgétaire, cet amendement tire les conséquences de l'annulation de la taxe additionnelle sur les dividendes sur la prévision du solde 2018.

Mme la présidente. - Amendement identique n°I-599, présenté par le Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - C'est le même, je le retire au profit de celui de M. Requier.

Mme Sophie Primas. - Quelle élégance !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La commission des finances n'a pas examiné ces amendements de conséquence. À titre personnel, avis favorable.

Il ne faut pas pour autant se glorifier des déficits : nous sommes avec l'Espagne les deux seuls pays restant en procédure de déficit excessif, et le nôtre est le plus élevé...

M. Claude Raynal. - Il s'agit de prendre acte de ces chiffres. Nous nous abstiendrons généreusement. (Sourires)

L'amendement n°I-599 est retiré.

L'amendement n°I-485 est adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°I-138, présenté par Mme N. Goulet.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

En euros courants et selon les hypothèses, les méthodes et les résultats des projections sur la base desquelles est établi le présent projet de loi de finances, décrits dans le rapport prévu par l'article 50 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour 2018, de l'exécution de l'année 2016 et la prévision d'exécution de l'année 2017 s'établissent comme suit :

(en milliard d'euros courants)

Exécution 2016

Prévision d'exécution 2017

Prévision 2018

Solde structurel (1)

-55,7

-50,2

-49,3

Solde conjoncturel (2)

-17,8

-13,7

-9,4

Mesures exceptionnelles (3)

-2,2

-2,3

-2,3

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-75,8

-66,2

-61,1*

*L'écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s'explique par l'arrondi au dixième des différentes valeurs

Mme Nathalie Goulet. - Les Français font leurs courses en euros et non en points de PIB. Cet amendement exprime en euros les données du tableau, pour les rendre compréhensibles.

Mme la présidente. - Amendement n°I-293 rectifié bis, présenté par MM. Leroux et Bonhomme, Mmes Bories et Deroche, MM. Grand et Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Magras, Paccaud et Paul, Mme Deromedi et M. Kennel.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

(En milliards d'euros)

Exécution 2016

Prévision d'exécution 2017

Prévision 2018

Solde structurel (1)

-55,7

-50,2

-49,3

Solde conjoncturel (2)

-17,8

-13,7

-9,4

Mesures exceptionnelles (3)

-2,2

-2,3

-2,3

Solde effectif (1+2+3)

-75,8*

-66,2

-61,1*

*L'écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s'explique par l'arrondi au dixième des différentes valeurs.

Ces soldes correspondent aux valeurs suivantes :

(En milliards d'euros)

2016

2017

2018

PIB

2 229

2 284

2 349

Ensemble des administrations publiques (APU)

Dépenses

1 257

1 280

1 305

Recettes

1 181

1 213

1 244

M. Sébastien Leroux. - Même chose. Le tableau tel qu'il est présenté est illisible. Nous proposons donc que l'article liminaire comporte, à titre d'information, la traduction en euros des informations prévisionnelles qu'il donne en ratios de PIB. C'est une exigence de sincérité.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Avis plutôt favorable. Les engagements de la France sont exprimés en points de PIB mais par clarté, il n'est pas inutile de les traduire en euros. Toutefois, les montants sur les tableaux ainsi proposés doivent être corrigés pour tenir compte des amendements que nous vous proposons d'adopter. Donc, sagesse ; car il faudra préciser la rédaction pendant la navette.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Le seuil de 3 % est bien connu ; quand je suis né, il existait déjà. Pour modifier le tableau, il faudrait modifier auparavant la LOLF. Certes, les Français ne font pas leurs courses en points de PIB, mais évoquez des masses de milliards d'euros, est-ce plus parlant ? Comment faire de la pédagogie ? Songez que depuis que nous débattons, notre dette s'est accrue de 17,4 millions d'euros. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Jongler avec les milliards n'est peut-être pas à la portée de tout le monde, mais cet amendement est tout de même plus clair, surtout pour les contribuables qui, en définitive, doivent s'acquitter de la dette.

Mme Sophie Primas.  - Ces 17,4 millions d'euros que vous venez de mentionner, ça me parle : c'est le budget de la ville dont j'étais maire il y a quinze jours. Je voterai ces amendements.

L'amendement n°I-138 est adopté.

L'amendement n°I-239 rectifié bis est sans objet.

M. Emmanuel Capus.  - Je ne comprends pas pourquoi les esprits s'échauffent. L'enjeu de ce texte est de sortir de la procédure de déficit excessif.

L'article liminaire, modifié, est adopté.

La séance est suspendue pour quelques instants.

ARTICLE 27

Mme la présidente.  - Nous allons maintenant examiner l'article 27 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'article 27 prévoit le montant de la contribution française au budget européen.

L'année 2018 s'inscrit dans un contexte particulier : le Brexit, l'arrivée à mi-parcours du programme 2014-2020 et la pré-négociation du programme de l'après-2020.

La France, étant le deuxième contributeur net du budget en volume, en est le troisième bénéficiaire en volume après l'Espagne et l'Italie.

Le budget est souvent mal perçu par une population défiante à l'égard de l'Union européenne ; pourtant la PAC garantit les revenus agricoles, concourt à l'aménagement de notre territoire et accompagne les agriculteurs vers la transition écologique. La France, avec 57 projets soutenus sur l'ensemble de son territoire, est l'un des premiers bénéficiaires du plan Juncker d'investissements stratégiques.

L'article 27 évalue notre contribution à 20,2 milliards d'euros, en hausse de 3,8 milliards d'euros par rapport à ce qui sera effectivement payé en 2017.

Le montant de ce prélèvement sur recettes sera-t-il ajusté à la baisse pour tenir compte de l'évolution du budget européen ? Comment contrôler la sortie du Royaume-Uni ? Comment financer la politique migratoire ou en faveur de l'emploi des jeunes sans compter la politique de cohésion ?

Il est urgent que l'Europe se dote de ressources propres. Un projet d'harmonisation de l'assiette pour prélever l'impôt là où l'activité est réaliste est la politique la plus ambitieuse, et la plus efficace pour lutter contre l'évasion fiscale des géants du numérique, les GAFAM. Après le Brexit, occasionnant une perte nette de recettes de 10 milliards d'euros par an pour l'Union européenne, nous devrons être particulièrement vigilants sur la politique de cohésion : l'une des pistes les plus sérieuses pour y remédier consisterait en effet de diminuer de 15 % à 30 % cette politique. Les crédits de la politique de cohésion sont débloqués avec retard. Cela pénalise les porteurs de projet, pourtant cette politique est essentielle pour réduire les inégalités entre territoires.

Le budget européen doit assurer la prospérité, permettre de lutter contre les inégalités et permettre à l'Union européenne d'exprimer une souveraineté indispensable. Je vous propose d'adopter cet article sans modifications. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes .  - Comme le rapporteur spécial, dont je salue le travail, je constate la progression de la contribution de la France. Le budget européen doit relever trois défis.

Le premier défi tient aux priorités nouvelles que l'Union européenne doit assumer : contrôle aux frontières, sécurité, terrorisme, défense, etc...

Deuxième défi : construire un budget adaptable à l'imprévu, voire à l'imprévisible. Ensuite, la crise migratoire a montré que l'Union européenne devait disposer d'une souplesse d'action, en matière budgétaire, pour être efficace.

Enfin, avec le Brexit, les ressources programmées du budget européen baisseront, et la contribution de la France augmentera mécaniquement.

Il faut en conséquence réinventer le cadre budgétaire.

S'agissant des recettes, il est nécessaire désormais que l'Union européenne dispose de ressources propres, échappant, comme le rappelait M. Monti, à la logique du « juste retour ».

Le moment est également venu d'établir des priorités et de les hiérarchiser. Le critère de la valeur ajoutée européenne doit prévaloir. Deux politiques européennes sont particulièrement concernées.

La PAC est un mécanisme essentiel de gestion des marchés et des crises, et un outil de prévention. Elle n'a jamais été aussi pertinente.

L'utilité de la politique de cohésion n'est pas en doute ; mais nous avons besoin d'un choc de simplification pour plus de visibilité et de cohérence entre les nombreux fonds. Il faut rationaliser les règles d'audit et de contrôle avec en contrepartie une logique de performance. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - « La France est solidaire de l'Europe, quoi qu'elle fasse et quoi qu'elle veuille. Elle l'a été dans la souffrance, elle l'est dans son économie, elle le sera dans son destin. La France a une tâche européenne qu'elle ne peut éluder ». Il est bon de citer Albert Camus, penseur incisif et visionnaire de l'Europe, sortie exsangue de la seconde guerre mondiale, même si certains pourraient ironiser, sur le caractère un peu décalé de ses superbes mots, lorsqu'il s'agit de donner chair à un article 27 un peu aride. (Sourires)

Oui, ses mots sont d'actualité, à l'heure où notre continent est traversé de multiples crises, et où l'article 27 est aussi concis que peu clair : 34 mots pour plus de 20 milliards d'euros, soit environ 594 millions d'euros par mot ! Derrière cet article se pose la question de l'Europe que nous voulons et des moyens dont nous voulons nous doter pour y parvenir.

La reconstruction de la France augmente de 8 % par rapport à 2017.

Je m'en réjouis : c'est le signe que notre PIB progresse et que les données de la commission européenne témoignent d'une confiance retrouvée dans notre économie.

La France est, après l'Allemagne, le deuxième contributeur, mais ce que ne peut montrer la présentation de notre budget, et pour cause, puisqu'il s'agit de celui de l'État, c'est qu'elle est le troisième bénéficiaire du budget de l'Europe. La France reste un contributeur net d'environ 9 milliards d'euros, mais la solidarité est le fondement de l'Europe, et donc de la paix.

À ceux qui, de gauche comme de droite, surtout à l'Assemblée nationale, sont tentés de reprendre à leur compte l'antienne thatchérienne « I want my money back », je rappelle que ces chiffres n'incluent pas les efforts positifs du plan Juncker et des actes politiques de l'Union. Que ceux qui en douteraient encore se penchent sur ce qui commence à se passer outre-Manche...

Dans un rapport, commis pour la commission des affaires européennes il y a quatre ans, j'avais proposé que le Gouvernement produise annuellement un rapport largement publicisé détaillant les apports concrets de l'Union européenne...

M. Simon Sutour.  - Excellent rapport !

M. André Gattolin.  - Merci, mais resté sans suite, hélas ! Sans doute le gouvernement de l'époque considérait-il que parler d'Europe, c'était automatiquement prêter le flanc à la critique.

Alors qu'une large consultation s'annonce en Europe sur notre avenir commun, une telle publication serait utile. Surtout, le budget de l'Union européenne dépasse les enjeux financiers, il a avant tout une dimension politique, au sens noble. Comment refonder l'Europe sans nous doter des moyens de le faire ?

Le malthusianisme du précédent budget 2014-2020 nous a profondément handicapés. Trop rigide, il n'a pas permis de s'adapter aux crises imprévues.

N'est-il pas aberrant de construire un budget pour sept ans ? Qu'en pense le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Simon Sutour applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Permettez-moi de ne pas descendre de ma montagne pour m'exprimer... (Sourires) Ce débat intervient alors que la Cour des comptes européenne a dressé le 16 novembre un bilan accablant des trois plans soi-disant destinés à « aider » la Grèce. La BCE a réalisé 7,8 milliards d'euros de plus-values de 2012 à 2016, qui seront redistribuées aux banques centrales de la zone euro.

De même que Kronos, « le dieu aux pensées fourbes », dévorait ses enfants pour assurer son pouvoir, la croissance européenne se réalise au détriment des populations. La saignée imposée à la Grèce a été aussi efficace que les purges du pseudo-médecin Diafoirus de Molière, dont les patients mourraient guéris...

La Cour des comptes estime aujourd'hui que ces politiques étaient totalement inappropriées. Sa conclusion est sans appel : la stratégie d'ajustement budgétaire « n'a pas été propice à la croissance ».

Songez-y alors que ce projet de loi de finances s'en inspire ! Les plus riches auront beaucoup d'exonérations mais les pauvres paieront. Le FMI et l'OCDE préconisent l'arrêt de la politique de l'offre pour engager une politique volontaire de soutien de la demande. Le Portugal a eu le courage de le faire, en augmentant le salaire minimum de 15 %, en réduisant le temps de travail des fonctionnaires, en bloquant les privatisations et en relançant des grands projets d'aménagement. Il est entré en conséquence dans un cercle vertueux, la croissance est revenue, et il respecte les critères de Maastricht avec un déficit public ramené à 1 % en 2018 !

Une autre politique budgétaire est donc possible. La France, par le poids de sa contribution au budget de l'Union européenne, est légitime à demander une évaluation de l'efficacité des politiques exigées. Il y a urgence, comme le montre la montée des partis d'extrême droite racistes et xénophobes, y compris en Allemagne, et les mesures ouvertement contraires aux valeurs humanistes européennes par lesquelles plusieurs États de l'Union y répondent, qui sont autant de symptômes de la crise sérieuse traversée par l'Europe.

Celle-ci est de moins en moins perçue comme un horizon d'attente d'une construction politique au service de la paix et de plus en plus à un empilement de structures bureaucratiques au service du pouvoir économique. Il est temps de refonder l'Europe autour de valeurs partagées. La froideur comptable de cet article 27 n'en compte aucune. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Sophie Tallié-Polian et M. Jean-Claude Tissot applaudissent également.)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - L'Europe est souvent jugée trop faible, trop bureaucratique, trop rigide... Combien de fois avons-nous entendu ces discours critiques ? C'est vrai mais le contexte semble évoluer après le Brexit, moins important, comme l'a dit Mme Merkel, que l'avenir de l'Europe.

Voulons-nous, comme le Royaume-Uni, moins d'Europe ou voulons-nous, selon la vision ambitieuse du président de la République, que beaucoup partagent, une Europe de la confiance, de la convergence, qui s'occupe davantage des grands sujets et moins des petites choses comme le dit M. Juncker ?

L'Europe est nécessaire, pour lutter contre le terrorisme avec un parquet européen, réguler les flux migratoires avec un office européen pour harmoniser les procédures de police aux frontières, lutter contre le dumping social, taxer les géants du Net, assurer la transition écologique et énergétique... Bref, nous voulons une Europe unie, démocratique et souveraine, dans le cadre d'un marché unique alliant protection, exigences sociales, environnementales et stratégie commerciale. La France et l'Allemagne ont un rôle éminent à jouer à cet égard.

Le rapport des commissions des Affaires européennes et des Affaires étrangères du Sénat sur la relance de l'Europe propose une série de mesures propices à renforcer la légitimité démocratique de l'Union européenne et à renouer la confiance. Il préconise l'association et la reconnaissance des parlements nationaux, voire des citoyens. La reconstruction doit partir des peuples pour insuffler l'envie d'Europe. Aujourd'hui simples gardiens du principe de subsidiarité, les parlements nationaux pourraient, demain, déléguer à une convention restreinte, chargée de statuer souverainement à la majorité qualifiée sur les mesures économiques et financières, lorsqu'elles impliquent une modification du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La Commission européenne doit devenir un gouvernement responsable devant le Parlement européen.

L'initiative de la France pour revoir la directive sur les travailleurs détachés est un bon exemple d'une stratégie de convergence, prônée par le président de la République, permettant de lutter contre les inégalités, de promouvoir une politique économique commune et puissante.

Ce gouvernement économique de la zone euro serait un outil précieux pour cela, tout en réaffirmant notre place sur la scène internationale et en sécurisant nos ressources.

La PAC qui représente 43 % du budget, dont 17 % pour la France, est indispensable pour assurer à nos concitoyens une alimentation de qualité, dans une logique de développement durable, prenant en compte la perspective d'un changement climatique.

Le budget européen de 168 milliards sera insuffisant pour répondre aux enjeux. Comme Michel Barnier, le groupe UC est convaincu que seule l'Union européenne a la masse critique et l'autorité légitime pour porter les valeurs de la France dans le monde.

Mais avant tout, il faut bien négocier le deal du Brexit. Les 27 ont su sortir du flou du début des négociations et juguler la vague de populisme qui s'annonçait. Pas question de payer à 27 ce que nous faisions à 28 ! C'est à nous, Européens, de décider. Comme nous le déclarait le négociateur lors de son audition ici, « ce que nous ne ferons pas ensemble pour construire notre avenir, personne ne le fera à notre place » (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

Mme Colette Mélot .  - Le sujet est de première importance. Notre participation au budget européen représente 13 % de l'ensemble des contributions nationales. En retour, la France a bénéficié de 11 % des dotations européennes accordées aux États membres, notamment avec la PAC, pour 9 milliards d'euros ou l'abondement du fonds français de politique de recherche et développement de recherche, à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Le budget européen est en effet redistribué largement aux États membres, les frais de fonctionnement sont faibles, de l'ordre de 6 % des dépenses européennes.

Depuis trente ans, les appels se multiplient pour renforcer le budget européen, pour accroître nos capacités d'action. Un groupe de travail a été créé il y a trois ans pour rechercher de nouvelles ressources propres. Le rapport Monti de janvier 2017 a aussi tiré la sonnette d'alarme. L'Union européenne a d'ailleurs multiplié les fonds hors budget, comme le mécanisme européen de stabilité (MES) créé en 2012, le fonds européen pour les investissements stratégiques ou le fonds d'accueil des réfugiés turcs.

Vingt États européens ont signé le 6 novembre un pacte de défense prévoyant l'achat en commun de matériels militaires ou une force d'intervention permanente. Cela s'inscrit dans la continuité de la coopération structurée permanente signée en juillet dernier.

Le départ du Royaume-Uni entraînera une perte de recettes du budget européen à court terme de 6 % à 7 %. Il importe que le Royaume-Uni respecte ses engagements financiers conclus dans le cadre du cadre financier pluri-annuel 2014-2020. Face aux défis actuels, l'Europe est la seule voie.

Le groupe Les Indépendants souhaite accroître la contribution française au budget et développer le budget européen afin de doter l'Union européenne des moyens nécessaires à son développement. Nous souhaitons que le Gouvernement continue à s'engager en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean Bizet, Simon Sutour et Franck Menonville applaudissent également.)

M. Stéphane Ravier .  - L'Europe est une réalité géographique, économique, historique, culturelle, cultuelle, réelle, charnelle. Elle doit respecter l'identité des peuples qui la composent. Que vous soyez nés à Brest ou à Vladivostok, vous êtes Européens ; vous ne le saurez jamais si vous résidez à Istanbul.

Nous sommes pour l'Europe des Nations libres et des peuples souverains, contre cette union européiste, véritable machine à broyer les libertés, les souverainetés, les identités nationales, ce monstre technocratique qui ignore la volonté des peuples pour imposer une Europe de la finance.

À chaque fois que les peuples de Paris à Londres, en passant par Vienne, Varsovie ou Budapest, et même à Berlin, se dressent pour dire non à cette Europe antidémocratique, quelle est votre réponse ? Une incarcération toujours plus dure décidée par les geôliers de la Commission européenne, avec la complicité de la Cour européenne des droits de l'homme, jamais des droits du citoyen.

Les politiques européennes sont des chimères inefficaces. La PAC a miné l'agriculture, la directive Travailleurs détachés - malgré l'agitation médiatique d'Emmanuel Macron - continue de miner l'industrie. Frontex est un échec qui n'empêche pas la déferlante migratoire ni les attentats islamistes...

M. André Gattolin.  - Quelle caricature !

M. Stéphane Ravier.  - L'Union européenne, pour passer outre et faire disparaître les États Nations, encourage les grandes régions, ce qui n'est pas étranger à la crise espagnole actuelle. Pourtant nous continuons de verser une somme en continuelle augmentation, 20 milliards d'euros aujourd'hui, à nos geôliers, pour quel résultat ?

M. Simon Sutour.  - Et la solidarité ?

M. Stéphane Ravier.  - L'Europe n'est ni un marché, ni un grand supermarché où la France occuperait le rayon « bronze-cul ».

L'Europe est le berceau de la civilisation helléno-chrétienne, un héritage, un équilibre entre Nations qui coopèrent tout en préservant leurs libertés. Notre groupe est hostile à l'Europe technocratique. La France est européenne, oui ; mais Française d'abord !

M. Franck Menonville .  - Le 26 septembre, à la Sorbonne, le président de la République a justement rappelé que l'Europe était notre histoire, notre identité et notre horizon. Je partage ce diagnostic qui nous éloigne de l'Europe comptable.

Nous devons néanmoins, de façon plus terre à terre, examiner la contribution française au budget européen. En avons-nous pour notre argent ? Troisième bénéficiaire, la France touche 9 milliards au titre de la PAC, même si ces concours baissent, dans le cadre de l'actuelle programmation financière pluriannuelle. La PAC restera-t-elle une priorité ? Nous comptons sur le Gouvernement pour la défendre dans le prochain budget.

La France est aussi le principal bénéficiaire du « plan Juncker », avec 15 milliards d'euros, sans compter les externalités non quantifiables liées à l'appartenance au marché unique. Le Brexit privera le budget de 10 milliards de recettes.

Un groupe de haut niveau plaide pour des recettes plus simples et plus lisibles. Il est nécessaire de supprimer les rabais, gages d'opacité. De la souplesse est aussi indispensable pour gérer les crises imprévues. L'effort de défense ira croissant dans le contexte international actuel.

Le fonds européen de défense est une bonne initiative, un pas vers l'Europe de la défense, même si le chemin reste long. En attendant, la France joue son rôle. Il serait opportun de tenir compte de ces dépenses dans les contributions nationales.

Le groupe RDSE est l'héritier de Maurice Faure, cher au président Requier, signataire du Traité de Rome, qui déclarait que l'Europe était une idée, un esprit, une communauté de valeurs, et aussi une réponse à des situations géopolitiques dévastatrices successives. L'élu de la Meuse que je suis en est pleinement conscient. Sachons nous mobiliser pour assurer l'avenir de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Gérard Longuet applaudit aussi.)

M. Simon Sutour .  - Exercice très contraint que le nôtre, puisque les discussions sur le prochain cadre pluriannuel sont déjà engagées. Le budget actuel s'élève à 160 milliards d'euros. Le prélèvement sur recettes en France s'élève à 20,2 milliards en 2018.

De nouveaux défis sont apparus comme le terrorisme. Les mesures prises vont dans le bon sens. La commission des affaires européennes du Sénat a été en pointe (M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, le confirme.), votant de nombreuses résolutions en ce sens pour appeler à une politique de sécurité commune. La Commission européenne a mobilisé avec pragmatisme et souplesse, c'est assez nouveau pour être signalé, les crédits nécessaires. Il conviendra toutefois de demeurer vigilant sur d'éventuelles réaffectations dont pourraient souffrir d'autres politiques.

Cette souplesse doit être institutionnalisée. Le cadre financier actuel est trop rigide, peine à s'adapter aux imprévus. On ne peut continuer de la sorte. Résultat, six budgets rectificatifs ont été votés en 2017. De même, la non-consommation des crédits budgétaires atteint 7,7 milliards d'euros notamment pour la politique de cohésion.

L'Europe doit être une assurance-stabilité, mais elle doit aussi être capable de réagir vite face aux défis multiples.

La montée en puissance de plan Juncker est satisfaisante. Une Europe des citoyens doit d'abord les protéger. Il est temps de changer de logiciel. La négociation budgétaire sera difficile. Le groupe de M. Monti propose des sources de financement intéressantes. Il est temps de passer à l'action, nous le disons chaque année.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - C'est vrai !

M. Simon Sutour.  - Pour la PAC, le budget est préoccupant, avec une baisse due au Brexit de 10 milliards d'euros dont 4 au moins pour la PAC. Les crédits de la politique de cohésion sont sous-consommés. Le septième rapport sur la cohésion adopté par la commission le 9 octobre indique des tentations de bouleverser cette politique : fonds unique d'investissement, plus de conditionnalité, hausse du taux des cofinancements nationaux, régionalisation pays par pays, possibilité de nouveaux critères... Ce serait la victoire des partisans de la conditionnalité, contre l'avis de la France.

Chacun doit se mobiliser pour la politique de la cohésion. Il ne faut pas remplacer les subventions par des prêts, comme certains le réclament pour Erasmus et Erasmus +.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure...

M. Simon Sutour.  - Nous souhaitons que l'Europe se réforme, qu'elle réussisse, qu'elle redevienne une idée populaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce débat que nous menons ne fait pas exception : c'est un moment essentiel du budget. À la lumière des explications du rapporteur spécial, le groupe Les Républicains votera cet article.

L'Union européenne doit faire face à des défis. Le Brexit occasionne un manque de 10 milliards d'euros nets. La défense, la sécurité, la lutte contre le terrorisme, le contrôle des migrations semblent devoir devenir de nouvelles priorités, il leur faudra 10 à 15 milliards d'euros. Avec le Brexit, cela fait donc 20 à 25 milliards d'euros à trouver. L'Union ne pouvant émettre de dettes, ce besoin ne peut être couvert que par une réduction des dépenses ou une hausse des recettes.

Les dépenses devraient toujours être revues, à l'aune de la subsidiarité : l'Union européenne n'a pas à gérer des éléments d'intérêt national, voire local. Chaque euro dépensé devra faire la preuve de son efficacité, et que le financement européen est indispensable.

Cela accentuera nécessairement la pression sur la politique de cohésion et de la PAC, à laquelle mon groupe est attaché ; il faudra donc les faire évoluer.

Pour notre pays, pour lequel la contribution est le quatrième poste de dépense, une hausse serait difficile. Il faudra engager une réflexion sur la place de la contribution dans le calcul du déficit excessif. (M. Jean-Claude Requier renchérit.)

Tous les rabais et corrections doivent être supprimés. Il y va du principe d'équité. Il serait malaisé de mobiliser encore les contributions directes. Le temps est venu de retrouver des ressources.

Le groupe de haut niveau de M. Monti a rappelé des points intéressants : la TVA pourrait participer beaucoup plus, si la fraude - 150 milliards d'euros par an - était plus combattue de même que l'évasion fiscale. Les ressources propres ne sauraient être assimilées à une taxe européenne, car le pouvoir fiscal doit demeurer du ressort national.

L'objectif premier doit être de stabiliser, voire réduire les contributions des États et non d'augmenter le budget.

Les impôts des citoyens doivent rester au même niveau. Une taxe carbone aux frontières ou une taxe anti-dumping robuste serait intéressante. En tout état de cause, les parlementaires nationaux devraient être davantage associés.

Le groupe Les Républicains votera cet article mais sera vigilant pour l'avenir.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit aussi.)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Merci pour ce débat, moment démocratique important. Un accord a été trouvé sur le budget européen, à 160,1 milliards d'euros en crédits d'engagement et 144 milliards d'euros en crédits de paiement.

Ce budget permettra de dégager les financements pour la croissance, l'emploi - oui, Monsieur Ouzoulias, ce sont nos priorités - ou la jeunesse, avec le programme Erasmus +.

Les montants pour la croissance et l'emploi ont été accrus par rapport au projet de la commission. Des crédits pour la Turquie ont été mis en réserve en fonction de l'évolution de l'État de droit, de la liberté de la presse et des droits de l'Europe, dans ce pays.

La France est le deuxième contributeur net en valeur. Notre solde est négatif et nous l'assumons, Monsieur Ravier : nous faisons partie des moteurs de l'Europe et, à ce titre, nous exprimons notre solidarité et travaillons au rattrapage des économies moins avancées.

Nous ne réduisons pas notre débat à un chiffre qui dit peu de choses des avantages d'être membre de l'Union européenne : l'appartenance à un grand marché de 500 millions d'Européens, ce que nos entreprises ressentent chaque jour - et dont le Royaume-Uni se rend compte en voyant des opérateurs financiers le quitter.

L'impact du Brexit devrait être nul. Toutefois, dans l'hypothèse d'un Hard Brexit, l'impact budgétaire pourrait se faire sentir dès 2019.

De nouvelles priorités apparaissent : défense, sécurité, migrations. Elles seront prises en compte dans les perspectives financières, mais la politique de cohésion et la PAC resteront centrales.

La PAC, le président de la République l'a dit, doit être rénovée. N'ayons pas peur de la conditionnalité pour la politique de cohésion, Monsieur Sutour : respect de l'État de droit (M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, le confirme.) ou respect des normes sociales. Cohésion veut dire transmission des valeurs auxquelles nous sommes attachés.

Deux aspects concrets relèvent de 2018-2019 : 90 millions dont 40 en 2018 pour la recherche sont portés par le Fonds européen de défense.

Plus largement, si le départ de Londres est une contrainte, c'est une opportunité de réformer, tant pour les dépenses que les recettes.

La France a accueilli favorablement le rapport du groupe de haut niveau sur les ressources propres. L'ensemble des chèques et rabais disparaissent avec le départ du Royaume-Uni.

Le président de la République a évoqué des taxes européennes dans les domaines du numérique ou de l'environnement, avec une fraction de l'impôt sur les sociétés une fois harmonisé - puisque les bases devraient l'être.

Après le discours de la Sorbonne du président de la République, je vous demande d'autoriser le prélèvement sur recettes pour 2018. Ces crédits formalisent notre attachement à l'Union européenne, qui nous donne l'accès au plus grand marché du monde et qui permet de porter les valeurs démocratiques.

C'est à l'échelle de l'Europe que nous pourrons garantir notre souveraineté. (Applaudissements sur la plupart des bancs, depuis ceux du groupe SOCR à ceux du groupe Les Républicains)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Amendement n°I-396, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Remplacer le montant :

20 212 000 000

par le montant :

18 909 000 000

M. Éric Bocquet.  - Je suis surpris que nous soyons les seuls à déposer un amendement : 20 milliards d'euros, ce n'est pas rien, on ne parle pas d'une subvention à une association de pêcheurs à la ligne... Il s'agit bien sûr, au-delà des chiffres, d'interroger le modèle d'Europe libéral, de concurrence libre et non faussée.

Nous ne voulons plus d'une Europe qui divise, qui inquiète. Nous voulons une Europe humaniste de la coopération, de la paix, mutuellement avantageuse pour les nations et les peuples, une Europe de l'harmonisation fiscale et sociale. Si le traité de Rome avait fixé cette harmonisation comme objectifs, nous les aurions soixante ans après. Au lieu de cela, on a privilégié le marché, et le marché ne règle pas tout. Voici donc l'objet de cet amendement symbolique.

M. Patrice Joly, rapporteur spécial.  - La commission des finances considère que la France doit tenir ses engagements. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Même avis.

M. Michel Canevet.  - Le groupe UC est particulièrement attaché à l'Europe. Il ne faut donc pas lui enlever des moyens, nous devons tenir nos engagements. Nous ne ferions rien qu'unis.

M. Claude Raynal.  - Le groupe SOCR se rangera à l'avis de la commission. En 1957, si nous avions mis la fiscalité au centre, je doute que nous aurions eu le moindre traité. Je suis surpris par cette proposition de diminuer les moyens, alors que nous voulons plus d'Europe.

M. Marc Laménie.  - Je voterai cet article. 20 milliards, c'est important, mais c'est un engagement de solidarité. Les enjeux sont trop importants pour qu'on ne vote pas cet article 27.

L'amendement n°I-396 n'est pas adopté.

L'article 27 est adopté.

Prochaine séance, demain, vendredi 24 novembre 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus