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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Vigilance des entreprises et droits humains

M. Didier Marie

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Coût social du gel des contrats aidés

Mme Annick Billon

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Aide au maintien de l'agriculture biologique

M. Guillaume Gontard

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Conséquences de la sécheresse sur la viticulture gardoise

Mme Pascale Bories

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 et 1952

M. Dominique Watrin

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Construction de la maison d'arrêt de Lure

M. Michel Raison

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Complémentaire de santé pour les retraités

M. Yannick Vaugrenard

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Vols et attaques aux distributeurs de billets

Mme Catherine Procaccia

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Fermeture de plusieurs bourses du travail

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Noeud ferroviaire de la gare de Marseille Saint-Charles

Mme Mireille Jouve

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan

M. Roland Courteau

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Budgets des agences de l'eau

M. Jean-François Longeot

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Situation du personnel enseignant

Mme Laure Darcos

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

Réseaux d'éducation prioritaire

M. Pierre Ouzoulias

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

Accueil des étudiants français de l'étranger

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Politique fiscale du Gouvernement en matière de logement

M. Alain Joyandet

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

Réforme territoriale de l'agglomération parisienne

M. Pascal Savoldelli

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

Réformes électorales

M. Jean Louis Masson

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Construction d'une caserne de gendarmerie à Beaumont-sur-Oise et réhabilitation de la caserne de Persan

M. Arnaud Bazin

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Projet de fusion des Yvelines et des Hauts-de-Seine

M. Philippe Pemezec

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Réglementation concernant les zones bleues de stationnement

Mme Brigitte Lherbier

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Devenir des machines à voter

Mme Agnès Canayer

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Organisation des élections sénatoriales

M. Olivier Paccaud

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Délivrance de passeport à des parents séparés

M. Claude Raynal

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Droits d'auteur et musiques traditionnelles

M. Michel Canevet

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture

Dégradations constatées à l'opéra de Paris

Mme Catherine Dumas

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture

Communications (Nominations)

Décès d'un ancien sénateur

Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

Seconde partie (Suite)

Sécurités

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Frédéric Marchand

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Bonnecarrère

M. Dany Wattebled

M. Pierre Charon

M. Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Claude Requier

M. Marc Laménie

M. Jean-Luc Fichet

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Examen des crédits et des articles rattachés

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 62 TER

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 62 QUATER

COMPTE SPÉCIAL : CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 67

Demande de priorité d'examen

Immigration, asile et intégration

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Antoine Karam

Mme Esther Benbassa

M. Philippe Bonnecarrère

M. Jean-Yves Leconte

M. Dany Wattebled

M. Stéphane Ravier

M. Guillaume Arnell

M. Alain Dufaut

M. Bernard Fournier

M. Gérard Collomb, ministre d'État

Examen des crédits et des articles rattachés

ARTICLE 56

ARTICLE 57

ARTICLE 57 BIS

Administration générale et territoriale de l'État

M. Jacques Genest, rapporteur de la commission des finances

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Hervé Marseille

M. Éric Kerrouche

M. Alain Fouché

Mme Maryse Carrère

M. Pierre-Yves Collombat

M. Marc Laménie

M. Julien Bargeton

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Examen des crédits et des articles rattachés

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 49 B

CMP

Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

Seconde partie (Suite)

Justice

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des finances

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois pour le programme Administration pénitentiaire

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Josiane Costes, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jacques Bigot

M. Arnaud de Belenet

Mme Éliane Assassi

Mme Sophie Joissains

M. Alain Marc

Mme Nathalie Delattre

M. François-Noël Buffet

M. Jean-Pierre Sueur

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Examen des crédits et des articles rattachés

Annexes

Ordre du jour du mercredi 6 décembre 2017

Nominations à un organisme extraparlementaire




SÉANCE

du mardi 5 décembre 2017

31e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle 26 questions orales.

Vigilance des entreprises et droits humains

M. Didier Marie .  - On se souvient du drame du Rana Plaza en 2013 qui a provoqué la mort d'un millier de femmes, d'hommes et d'enfants travaillant pour des entreprises étrangères, dont des marques françaises. Des accidents semblables se produisent chaque jour sans avoir le même écho médiatique.

Du 23 au 27 octobre 2017, un groupe de travail de l'ONU s'est réuni une troisième fois à Genève. Le principe d'un traité international sur les entreprises multinationales et les droits de l'homme est acquis pour prévenir les écocides et lutter contre les esclavages modernes. Son adoption marquerait une belle étape vers le nouvel âge de la mondialisation : ni fermeture, ni ultralibéralisme, mais une troisième voie qui place l'humain au centre du développement.

Plus de 900 organisations de la société civile soutiennent ce processus lancé en 2014. De nombreuses entreprises, notamment européennes, déjà exemplaires, ont saisi le bénéfice d'une compétition loyale comme alternative à un dumping social et environnemental. Nous sommes 245 parlementaires français, de tous horizons politiques, à avoir appelé le 25 octobre 2017 le président de la République à faire « bouger l'Europe » sur ce dossier.

Alors que la loi pionnière du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre a tenu une place importante dans les discussions à l'ONU, que compte faire la France pour être au rendez-vous de ce moment historique pour la protection des droits humains fondamentaux ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nul ne peut ignorer les violations des droits de l'homme résultant de l'activité directe ou indirecte de certaines entreprises, en particulier dans l'extraction.

La France, grâce au Parlement, a été en pointe sur ce sujet avec la loi du 27 mars 2017. Au niveau international, la France a insisté pour que toutes les entreprises, et pas seulement les transnationales, soient incluses dans le futur traité. La troisième réunion du groupe de travail de l'ONU n'a pas abouti parce que, d'une part, le document équatorien a été transmis un peu tardivement ; d'autre part, il était sans doute trop ambitieux pour faire l'objet d'un consensus. Nous attendons impatiemment la quatrième session pour aboutir.

Sans attendre, la France a décliné les principes directeurs de l'ONU relatifs aux droits de l'Homme et aux entreprises dans un plan national d'action adopté le 26 avril dernier. Elle est également très engagée dans la mise en oeuvre des principes directeurs de I'OCDE à l'intention des entreprises multinationales.

Vous le voyez, notre détermination est entière comme l'est notre volonté de placer l'humain au coeur de tout. Léon Bourgeois et sa théorie du solidarisme inspirent l'action du Gouvernement.

M. Didier Marie.  - Merci. La France se bat à l'échelon international mais doit aussi le faire à l'échelon européen. Il serait bon que notre loi sur le devoir de vigilance débouche sur une directive européenne.

Coût social du gel des contrats aidés

Mme Annick Billon .  - Si une réforme des contrats aidés était nécessaire, son annonce brutale et le manque de visibilité des mesures palliatives prises par le Gouvernement suscitent l'inquiétude. On craint déjà que les conclusions de la mission confiée à Jean-Marc Borello ne laissent de côté de nombreux employés précaires peu susceptibles de se former.

Les économistes l'ont observé, rien ne permet de mesurer les conséquences de la disparition de ces contrats. On peut, dès à présent, constater la réduction des effectifs dans les Ehpad alors que le bien-être et la sécurité de nos ainés sont déjà très dégradés. L'établissement La Berthomière de Longeville-sur-mer s'est vu refuser le renouvellement d'une collaboratrice à un poste essentiel.

Les perspectives sont également sombres pour l'union générale des Pays de la Loire qui accompagne plus de 53 000 jeunes par an, dont 6 sur 10 sont considérés comme en sortie positive après trois ans. Plus de 1 300 contrats d'avenir ont été signés fin août 2017 entre les jeunes et les employeurs.

De même, les restrictions déstabilisent le fonctionnement des associations. La fédération de Vendée de la ligue de l'enseignement ne pourra plus gérer la continuité des activités sociales et culturelles avec un déficit de dizaines d'emplois aidés. Des responsables d'associations, y compris de lutte contre les violences faites aux femmes -  un thème pourtant érigé en cause nationale, se tournent vers des maires dont les budgets sont de plus en plus contraints.

Le président de la République a annoncé la « sacralisation » des contrats aidés du secteur non marchand. Ne peut-on pas envisager un moratoire d'un an pour les structures médico-sociales et les associations relevant du secteur marchand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous sommes tous attachés à l'action des associations sur nos territoires. Sans elles, entre autres choses, nous ne pourrions pas maintenir à domicile nos aînés ; or c'est un axe prioritaire.

Le Gouvernement a orienté sa politique de l'emploi vers une insertion durable des personnes les plus éloignées de l'emploi en ciblant les contrats aidés sur le secteur non-marchand. Pour 2018, un financement de 1,45 milliard est prévu.

Le plan d'investissement prévoit 15 milliards d'euros pour la formation. Nous attendons de la mission présidée par Jean-Marc Borello, grande figure de l'économie sociale et solidaire, des solutions innovantes.

Le secteur médico-social et associatif bénéficiera de la politique de réduction du coût du travail : 600 millions d'euros en 2018 au titre du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, 1,4 milliard de baisse de charges en 2019. Nous savons combien est fragile l'équilibre financier de ces structures, nous faisons tout pour les soutenir.

Mme Annick Billon.  - Je déplore surtout la méthode. Les associations se tournent à juste titre vers des collectivités territoriales qui n'ont pas les moyens d'agir. Certaines missions ont vocation à être assurées par le service public, non par les associations. Je pense, entre autres, à l'éducation. M. Blanquer et Mme Cluzel ont multiplié les annonces sur les auxiliaires de vie scolaire et la formation des accompagnants. J'attends leur traduction dans les faits.

Aide au maintien de l'agriculture biologique

M. Guillaume Gontard .  - Monsieur le Ministre, en septembre dernier, vous annonciez la fin des aides au maintien de l'agriculture biologique. On aurait cru un communiqué du porte-parole de la FNSEA...

Cette décision est contraire à l'objectif de parvenir à 8 % de surface agricole utilisable exploitée en bio à l'horizon 2020. L'aide à la conversion, sur laquelle vous ciblez les aides au bio, dure cinq ans ; il faut six à sept ans pour qu'une exploitation bio devienne rentable. Cette décision est d'autant plus incompréhensible que vous conservez les aides à l'agriculture conventionnelle, qui absorbent 96 % du total.

Le désengagement de l'État laisse les régions et des agences de l'eau déjà exsangues apporter l'intégralité de la contribution des pouvoirs publics en complément du FEADER. Les agriculteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, où la région ne se substituera pas à l'État, seront fortement touchés alors que cette région est la deuxième en termes d'exploitations bio.

Une enveloppe de 200 millions d'euros pour financer la transition agricole a été annoncée. Quelle proportion reviendra à l'agriculture biologique ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je vous laisse la responsabilité de l'entame de votre question pour vous répondre, comme il se doit, sur le fond.

L'État a mobilisé d'importants moyens pour le soutien à l'agriculture biologique : les aides ont été multipliées par trois entre 2014-2020 par rapport à la programmation précédente, 2007-2013. Cela a porté ses fruits : en 2016, on recensait 1,5 million d'hectares en bio, 32 200 exploitations et 15 000 transformateurs et distributeurs.

Le Gouvernement a fait le choix de donner priorité à la conversion afin que la production soit au rendez-vous de la forte demande des consommateurs. Le président de la République a promis 50 % d'alimentation biologique dans la restauration collective.

L'aide au maintien n'est pas supprimée, je ne sais pas dans quelle langue il faut le dire pour que le message soit entendu. L'État continuera de financer les engagements en maintien souscrits avant 2018 jusqu'à leur terme, ces aides étant attribuées pour une durée de cinq ans. Les autres financeurs, en particulier les collectivités et les agences de l'eau, pourront financer de nouveaux engagements en maintien. Et tout cela, sans compter la prorogation et la revalorisation du crédit d'impôt pour le bio et du fonds d'avenir pour le bio qui est là pour aider à structurer la filière.

M. Guillaume Gontard.  - Ce type d'agriculture a besoin de soutien à long terme, cinq ans ne suffisent pas. Certaines régions ne pourront pas prendre le relais de l'État. L'agriculture biologique est la seule issue à l'heure où nous devons repenser notre rapport à la terre, parce que nous sommes en train de tuer nos sols. Monsieur le Ministre, je vous invite à aller plus loin !

Conséquences de la sécheresse sur la viticulture gardoise

Mme Pascale Bories .  - La sécheresse dans le département du Gard est sans précédent. La baisse de la production dépasse très souvent les 30 % - 40 % pour les côtes-du-rhône gardois.

Avec vingt-cinq jours d'avance, la récolte est la plus faible depuis 1945. Nous n'en sommes qu'au début d'un phénomène qui aura des conséquences durant plusieurs années : mortalité des ceps, remontée de sel près de la mer, la production de vin va baisser tendanciellement sans que le prix de la bouteille n'augmente. Producteurs de vins de pays comme de vins classés, tous souffriront de cette situation aggravée par la distorsion de concurrence qu'entraîne l'interdiction anticipée du glyphosate et les importations illégales.

Au-delà du fond spécifique de 30 millions d'euros et la mise en place d'arrêté de catastrophe naturelle annoncé, nous demandons un soutien aux caves et coopératives à partir d'un seuil de perte, une prise en charge des pertes de fond sur plantiers et un étiquetage clair et lisible de la provenance sur le vin en vrac.

La question de l'irrigation doit être enfin posée. Certaines parties de mon département bénéficient de l'eau du canal du Bas-Rhône. Nous devons créer un schéma régional voire national pour accroître le potentiel en eau grâce à la création de retenues ou l'utilisation des eaux usées traitées comme cela et autorisé dans d'autres pays européens.

Les étés seront de plus en plus chauds, la réflexion doit être de long terme.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je connais bien la situation dans le Gard, j'ai rencontré une délégation de viticulteurs la semaine dernière, j'entends leur détresse.

La récolte, selon les prévisions, serait en baisse de 22,7 %. Des mesures conjoncturelles ont déjà été déployées : dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, prise en charge des cotisations sociales à hauteur de 30 millions ou encore allégements de charges financières ouvertes jusqu'au 31 décembre 2017. Surtout, une cellule ad hoc a été mise en place pour identifier les problèmes spécifiques qui se posent dans chaque exploitation.

Face à la multiplication des crises, nos services développent une approche globale de la gestion des risques. Ils réfléchissent à la constitution d'une épargne de précaution ou à l'amélioration de la dotation pour aléas. Concernant la gestion durable de l'eau, les orientations sont sobriété des usages et régulation en amont de la ressource.

Mon ministère, vous le voyez, décline une stratégie complète pour les viticulteurs.

Mme Pascale Bories.  - Merci d'avoir pris le temps d'étudier cette situation délicate. Une vision à long terme est indispensable, notamment à travers des schémas régionaux et nationaux d'irrigation. La souffrance des viticulteurs est forte. Les crises viticoles s'accompagnent de conflits violents, évitons d'aller jusque-là.

Réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 et 1952

M. Dominique Watrin .  - Dès sa nomination, j'ai écrit au Premier ministre pour lui demander la réhabilitation complète des mineurs grévistes de 1948 et 1952. Beaucoup de chemin reste à parcourir : seuls 36 dossiers de mineurs ont pu bénéficier des nouvelles dispositions des lois de finances pour 2015 et pour 2017, 41 d'entre eux devaient pouvoir y être éligibles. Reste 150 cas identifiés qui se heurtent, 70 ans après les événements, au caractère fermé de la loi de finances pour 2005 : les enfants d'ayants droit ne peuvent prétendre à aucune indemnisation en cas de décès de leurs parents. Ils vivent légitimement cette fin de non-recevoir comme une discrimination. À l'ouverture de Mme Taubira a succédé le mépris de M. Urvoas et le silence du Premier ministre qui n'a pas répondu à mon courrier du 29 mai.

Ces mineurs, souvent anciens résistants, ont été réprimés, licenciés, chassés avec leur famille de leurs maisons, des écoles des mines. Qu'allez-vous faire pour réparer ce terrorisme d'État ? Norbert Gilmez, fer de lance de cette lutte, âgé de 96 ans, décoré de la Légion d'honneur attend, lui aussi, une réparation complète. Vous pourriez décider de reconstituer leur carrière comme le permet la loi d'amnistie de 1981.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Mme Belloubet est en déplacement à Nouméa, je vous prie d'excuser son absence.

Le gouvernement précédent, à l'initiative de Mme Taubira, a reconnu, à l'article 100 de la loi de finances pour 2015, le caractère discriminatoire et abusif des licenciements des mineurs grévistes en 1948 et 1952. Cela a ouvert aux intéressés, de par l'article 107 de la loi de finances pour 2005, le bénéfice d'une allocation forfaitaire de 30 000 euros pour les mineurs, le conjoint survivant et d'une allocation de 5 000 euros pour chaque enfant.

L'ANGDM a distribué au total 1,46 million d'euros à 7 mineurs, 15 conjoints et 97 enfants. Le Gouvernement a prorogé jusqu'au 1er juin 2017 le délai pour les dépôts de demande. Il appartient aux intéressés de faire valoir leurs droits auprès de l'agence qui est placée sous la tutelle du ministère de l'environnement et de Bercy.

M. Dominique Watrin.  - Je suis déçu par votre réponse. Aucun ministre de tutelle de l'agence n'est présent et vous n'avez annoncé d'avancée ni sur l'indemnisation ni sur l'amnistie. Les généraux félons de 1961, eux, ont bénéficié d'une reconstitution de carrière...

Qui s'occupe du dossier ? Trois ministères sont concernés : l'environnement, la justice et l'économie. Il serait préférable que le Premier ministre lui-même se saisisse du dossier.

Construction de la maison d'arrêt de Lure

M. Michel Raison .  - Le président de la République s'est engagé à construire 15 000 places de prison en cinq ans. Cette programmation intègre-t-elle le plan de 3 200 places annoncé par Mme Taubira pour la période 2015-2017 mais aussi celui annoncé en février 2017 portant sur une première liste de 33 établissements représentant 3 900 places supplémentaires ? Je demande toutes ces précisions car le nouvel établissement de Lure en Haute-Saône était inscrit dans le programme 2015-2017 à la suite de la fermeture de l'ancienne maison d'arrêt. Lors du comité interministériel aux ruralités organisé à Vesoul le 14 septembre 2015 - un grand moment, le président Hollande avait confirmé cet engagement.

Les crédits d'État nécessaires à l'engagement des travaux, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, seront-ils inscrits dans la première programmation budgétaire du plan de 15 000 places ?

Enfin, sachant que le cahier des charges initial reposait sur une capacité de 300 places, qu'il a ensuite été ajusté à 150 places, le nouvel établissement récupérera-t-il les détenus de la maison d'arrêt de Vesoul ? Nous voulons garder cette maison d'arrêt, non pas parce qu'il faudrait tout conserver, mais parce que sa fermeture annoncerait celle du tribunal qui est à ses pieds.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le président de la République s'est effectivement engagé à construire 15 000 places de prison pour assurer l'encellulement individuel. La surpopulation carcérale dégrade la prise en charge des détenus comme les conditions de travail des agents pénitentiaires.

Les projets existants seront intégrés au plan de 15 000 places. C'est le cas du programme 3 200 places de 2015-2017. La liste des opérations retenues sera intégrée dans la loi de programmation judiciaire que la garde des Sceaux vous présentera à la fin du printemps 2018. Attendons le résultat des expertises techniques et de la concertation avec les élus ; les choix finaux se feront en fonction des besoins.

M. Michel Raison.  - Votre réponse n'est pas claire. À Lure, les travaux préparatoires, dont les études techniques et la mise à disposition de terrain, ont été lancés ; la concertation avec les élus a été menée. Nous attendions une confirmation du projet, il faudra encore attendre et vous réinterroger...

Complémentaire de santé pour les retraités

M. Yannick Vaugrenard .  - En octobre 2012, le président Hollande annonçait la généralisation à horizon 2017 de l'accès à une couverture complémentaire santé de qualité, un objectif qu'il réaffirmait au congrès de la mutualité à Nantes en juin 2015. Il n'a pas été atteint.

Les retraités sont victimes d'une triple peine : baisse de revenus, perte du cofinancement de leurs cotisations par leur employeur et perte des aides fiscales. En moyenne, ils voient le coût de leur complémentaire santé multiplié par 3,5, passant de 283 à 998 euros par an. Sur les soins optiques, les retraités, qui ont le plus de besoins, paient le plus de cotisations.

Le décret du 21 mars 2017 ne limite l'augmentation des cotisations que sur trois ans, laissant une liberté totale aux mutuelles à partir de la quatrième année de retraite. Les retraités sont pénalisés par des augmentations brutales des tarifs de leur mutuelle passé un certain âge, jusqu'à 100 euros après 70 ans, après avoir été attirés par le tarif attractif de 50 euros qui leur était proposé à 60 ans.

Le nouveau président de la République a pris des engagements sur l'optique, les soins dentaires et les prothèses auditives. Seront-ils tenus pour tous, y compris les retraités ? Un crédit d'impôt couvrant la hausse des cotisations nouvelles à partir de 70 ans serait une piste.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement est conscient des difficultés des retraités : l'aide à la complémentaire santé tient compte de hausses de cotisation avec l'âge. Elle est de 550 euros pour les retraités, de 350 euros pour les 50 à 59 ans.

Le décret du 21 mars 2017 lisse les hausses des complémentaires pendant trois ans après la retraite pour les retraités du privé, tandis que pour ceux du public, les régimes de référencement, de labellisation et de conventionnement tiennent compte des transferts entre générations.

Le projet de loi de finances de sécurité sociale pour 2018 revalorise de 100 euros l'allocation de solidarité aux personnes âgées dès le 1er janvier 2020. L'abattement sur les montants de l'ASPA et de l'AAH permet à plus de 50 000 personnes de continuer à bénéficier de la CMU-C et de l'aide à la complémentaire santé.

Le Gouvernement travaille également au zéro reste à charge sur les soins optiques, dentaires et les prothèses auditives.

M. Yannick Vaugrenard.  - Je vous donne acte des mesures pour les plus fragiles mais demeure perplexe : le zéro reste à charge demeure à l'étude... Certes, les augmentations de cotisation sont bloquées dans les trois ans qui suivent la retraite mais elles interviennent après ! C'est d'autant plus important qu'aujourd'hui les personnes âgées aident de plus en plus leurs enfants.

Jean d'Ormesson, qui nous a quittés cette nuit, a écrit : « Ce qui éclaire l'existence, c'est l'expérience ». Donnez-nous de l'espoir...

Vols et attaques aux distributeurs de billets

Mme Catherine Procaccia .  - Les vols et attaques lors d'un retrait à un distributeur automatique de billets se multiplient sur l'ensemble du territoire, et notamment à Paris, selon un mode opératoire bien connu. Après avoir inséré sa carte bancaire et tapé son code personnel mais avant d'avoir choisi le montant, le client est bousculé par un ou des individus, qui tapent une somme sur le clavier avant de fuir avec les espèces. La carte de crédit n'est généralement pas dérobée. Or les assurances incluses dans les cartes bancaires ne couvrant pas ce type de vol, le client peut se retrouver avec un débit important sur son compte, voire des agios à payer.

Comment faire évoluer la réglementation pour que les victimes soient protégées dans les cas où le vol est prouvé par des caméras de vidéosurveillance ou des témoins ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Ces situations méritent un examen particulier car elles échappent au régime protecteur prévu par le code monétaire et financier. Cette situation sera portée à l'attention de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement. Je serai attentive aux solutions que les acteurs pourront apporter à ce problème et en tirerai, le cas échéant, les conclusions.

Mme Catherine Procaccia.  - On va donc attendre les conclusions de l'Observatoire. Il est anormal que ces vols soient les seuls où le client n'est pas couvert, même avec une franchise. Je ne manquerai pas de vous saisir à nouveau si rien n'est fait.

Fermeture de plusieurs bourses du travail

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Évreux, Villejuif, Montigny, Aubagne, Tarbes, Bobigny, Châteauroux, Béziers, Nancy : autant de communes où les hébergements syndicaux sont expulsés des bourses du travail.

La liberté syndicale, pourtant inscrite dans le préambule de la Constitution, est régulièrement remise en cause dans les entreprises. Sanctions, mises à pied conservatoires, tentatives de licenciement de salariés protégés, les syndicats dénoncent ces provocations.

À Villejuif, les organisations syndicales ont été sommées par la mairie de quitter la bourse du travail. C'est les priver des moyens d'exercer leurs missions, c'est priver les salariés des plus petites entreprises d'accès à l'information syndicale.

Alors que le Gouvernement annonce vouloir faire du dialogue social une priorité, les ordonnances renforcent le dialogue direct dans l'entreprise... Les partenaires sociaux ont besoin d'outils locaux. L'État entend-il garantir le maintien des bourses du travail, y compris financièrement, surtout lorsqu'elles rayonnent sur plusieurs communes ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Un rapport de l'IGAS d'avril 2013, suivi d'une note de juillet 2015, a constaté que les mises à disposition de locaux syndicaux par les collectivités territoriales aux organisations syndicales étaient fragiles, n'étant fondées que sur une notion d'usage. Ce cadre juridique a été clarifié en 2016.

L'article L. 1311-18 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités peuvent mettre des locaux à la disposition des organisations syndicales lorsque ces dernières en font la demande. Cette mise à disposition peut faire l'objet d'une convention. Il revient aux exécutifs locaux d'en déterminer les conditions, en fixant au besoin une contribution à payer. Le syndicat peut être indemnisé lorsque la collectivité lui retire le bénéfice d'un local mis à disposition pendant au moins cinq ans sans lui en proposer d'autre.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Les collectivités territoriales « peuvent » proposer un local. Elles sont dans une situation financière difficile et sont souvent tentées de retrouver l'usage d'un patrimoine mis à disposition. Il est important, pour la liberté syndicale, d'aller plus loin et d'aider les organisations syndicales à rester sur le terrain, notamment pour l'accès aux droits des salariés des très petites entreprises.

Noeud ferroviaire de la gare de Marseille Saint-Charles

Mme Mireille Jouve .  - Pour remédier à la saturation de la gare Saint-Charles de Marseille, la réalisation d'une gare souterraine sous le plateau ferroviaire et la création d'une quatrième voie dans l'Est sont indispensables. La remise en cause de ces projets porterait atteinte au développement de la métropole Aix-Marseille-Provence. La montée en puissance des transports ferrés du quotidien est attendue par les usagers et les élus locaux car les axes routiers sont saturés. Toutefois, un report modal ambitieux ne saurait s'envisager sans un traitement du verrou que représente la gare Saint-Charles.

Alors que le Gouvernement procède à une réévaluation des grands projets d'infrastructures de transport, le traitement du noeud ferroviaire de la gare Marseille Saint-Charles demeure-t-il une priorité ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement souhaite améliorer le fonctionnement du noeud ferroviaire Marseille Saint-Charles et offrir des liaisons régionales régulières et fiables entre Marseille et Nice. Le projet de ligne nouvelle Provence-Côte d'Azur s'inscrit dans ce cadre mais il est très coûteux : les deux sections prioritaires autour de Marseille et Nice sont estimées à 7 milliards d'euros, alors que près de 35 milliards d'euros de projets ferroviaires sont à financer en France.

Avec les Assises de la mobilité et la future loi d'orientation sur les mobilités, nous souhaitons être à l'écoute des besoins, mais aussi proposer une politique réaliste et sincère.

Il convient de chercher dès maintenant à améliorer les réseaux existants pour renforcer la capacité et la régularité. SNCF Réseau réfléchit aux moyens d'optimiser le plateau de Marseille Saint-Charles, en vue des Jeux olympiques de 2024 notamment. Ces réflexions trouveront leur concrétisation dans la loi d'orientation sur les mobilités.

Mme Mireille Jouve.  - La métropole Aix-Marseille Provence attend beaucoup de l'État en matière de transports, d'autant plus que Marseille accueillera certaines épreuves de voile des Jeux olympiques.

Ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan

M. Roland Courteau .  - Les élus et les usagers s'opposent à la fermeture du tronçon ferroviaire Limoux-Quillan. Si l'on peut se réjouir de la régénération de la première partie de segment Carcassonne-Limoux, la menace de fermeture du segment Limoux-Quillan soulève la réprobation. Le conseil régional a voté le financement de 610 000 euros d'études sur les travaux à réaliser sur la totalité de la ligne.

Celle-ci doit rester en totalité dans le périmètre de l'État afin de garantir l'unité, la continuité du territoire et l'égalité d'accès aux transports. Il est donc demandé l'abrogation du décret sur les contrats de performance passés : SNCF Réseau doit prendre toute sa part aux travaux de maintenance et d'entretien.

Étant donné les engagements pris par le conseil régional, quelles sont les intentions du Gouvernement et partant, de SNCF Réseau ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - L'état dégradé de cette infrastructure a conduit à limiter la vitesse sur plusieurs tronçons pour des raisons de sécurité. Des travaux de renouvellement sont nécessaires pour rétablir le niveau de performance.

Les études menées dans le cadre du CPER 2007-2013 ont défini les travaux prioritaires. L'État et la région ont validé une enveloppe de 11 millions d'euros pour la section Carcassonne-Limoux, dont les travaux ont commencé début 2017.

La section Limoux-Quillan présente, outre son vieillissement, une configuration géographique complexe. Dans le contexte budgétaire contraint, SNCF Réseau ne peut investir seul dans le réseau secondaire. L'avenir de ces lignes peu circulées dépend donc du soutien de la région, dans le cadre du CPER. La région Occitanie a ainsi décidé de maintenir cette ligne dans tout son linéaire. Une étude préliminaire sur la section Limoux-Quillan va être lancée rapidement.

Budgets des agences de l'eau

M. Jean-François Longeot .  - Depuis la loi de finances pour 2015, l'État ampute chaque année le fonds de roulement des agences de l'eau de 175 millions d'euros, sans compter une baisse drastique des effectifs, alors que les missions des agences sont sans cesse élargies.

À l'heure où les collectivités doivent réorganiser les compétences eau et assainissement et mettre en oeuvre la Gemapi, cette diminution des budgets des agences mettrait à mal les investissements prévus pour accompagner la transition écologique. Beaucoup de maires se demandent comment financer les travaux de mises aux normes des stations d'épuration. Le Gouvernement entend-il préserver l'autonomie financière et administrative des agences ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Nicolas Hulot a rencontré à deux reprises les présidents des comités de bassin et les directeurs des agences de l'eau.

Les agences sont un outil formidable, mais des évolutions sont nécessaires. Les agences financeront désormais entièrement les opérateurs de la biodiversité, l'Agence française pour la biodiversité, les parcs nationaux et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, car le lien entre la gestion de l'eau et les écosystèmes est évident.

Leurs moyens restent importants. Au titre du onzième programme, nous prévoyons plus de 12,6 milliards d'euros de recettes fiscales sur six ans. Pour 2018, le plafond des redevances, qui devait baisser, a été relevé à 2,28 milliards d'euros à l'Assemblée nationale. En contrepartie, l'État prélèvera 200 millions d'euros sur un fonds de roulement qui était tout de même de 760 millions fin 2016. Cela correspond à la hausse enregistrée entre 2014 et 2016, malgré les prélèvements successifs...

Une réflexion sera menée dans le cadre des Assises de l'eau pour déterminer les besoins d'investissement. Nous veillerons à ce que chaque agence puisse exercer pleinement ses missions dans le cadre du onzième programme.

M. Jean-François Longeot.  - Oui, des évolutions sont sans doute nécessaires, mais il importe aussi de donner les moyens aux collectivités territoriales de continuer à gérer l'eau et l'assainissement. La redevance payée sur les factures doit aller à l'eau !

Situation du personnel enseignant

Mme Laure Darcos .  - La Cour des comptes a déploré le caractère imprévisible et illisible de la politique de recrutement des enseignants. Les effectifs ont évolué au rebours de la démographie des élèves. Pour les étudiants, ces incohérences sont dissuasives : le nombre de candidats aux concours ne cesse de baisser, tous les postes ouverts ne sont pas pourvus. Les perspectives de carrière et les niveaux de rémunération ne concourent pas à l'attractivité de la profession. Toutes les disciplines sont frappées, tout particulièrement les mathématiques et les sciences, au point qu'il faut souvent recourir à des contractuels. Dans l'Essonne, nous manquons d'enseignants au profil technologique. C'est dommageable pour les élèves.

Comment comptez-vous faire face au défi du recrutement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Dans le premier degré, les 13 000 postes mis au concours ont été pourvus. La crise du recrutement concerne surtout le second degré. Elle a une dimension mondiale, car la fonction professorale attire peu dans certaines disciplines, notamment scientifiques, mais aussi une dimension proprement française, liée aux problèmes de gestion que vous évoquez.

La première réponse, ce sont les pré-recrutements. Nous voulons inciter les jeunes à se diriger vers l'enseignement, avec des mesures matérielles et immatérielles. Je m'attache avant tout à valoriser la fonction d'enseignant : le professeur doit être au centre de la société.

Nous menons une politique de bourses, nous faisons évoluer la fonction d'assistant d'éducation. Nous devons aussi veiller à la qualité des recrutements : même en baissant la barre d'admission aux concours, tous les postes n'ont pas été pourvus. Il faut inverser la tendance, rehausser le niveau d'exigence : c'est ainsi que l'on enclenchera un cercle vertueux.

Mme Laure Darcos.  - La représentation nationale est de tout coeur avec vous : j'espère que vous aurez le temps de mener à bien vos réformes. Elles sont nécessaires.

Réseaux d'éducation prioritaire

M. Pierre Ouzoulias .  - Le ministère utilise des critères et indicateurs pour classer les établissements en réseaux d'éducation prioritaire REP ou REP+. Les collectivités ajustent en fonction les moyens qu'elles accordent aux établissements ; ils ont donc un effet levier.

Mais on observe parfois un décalage entre la carte du réseau et la réalité sociologique. À plusieurs reprises, j'ai demandé au Gouvernement de me communiquer ces critères. En vain. Une telle publication serait pourtant un gage de transparence.

Quid aussi de l'application de ces critères aux établissements privés sous contrat ? Nous devons pouvoir évaluer leur part dans la lutte contre le décrochage scolaire, qui passe par une meilleure mixité sociale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - L'Éducation nationale a développé depuis les années 1980 un savoir-faire pour définir les critères de classement en réseau d'éducation prioritaire. Les résultats sont globalement satisfaisants. Je partage votre souci de transparence : nous allons en ce sens. Il faut une cohérence entre les politiques publiques d'éducation prioritaire et les politiques publiques sociales, faire des établissements le pivot de l'aide aux familles et à la parentalité.

L'éducation prioritaire doit inclure une approche territoriale, sociale et personnalisée, car tous les élèves ne vivent pas dans ces quartiers.

Enfin, l'idée d'appliquer la notion d'éducation prioritaire à l'enseignement privé est intéressante. Les établissements privés sous contrat participent à l'effort en matière de mixité sociale - mais leur participation n'est pas la même sur tout le territoire. J'en discute avec eux. Il importe que chacun s'engage pour la mixité sociale dans les établissements.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci pour cette réponse franche. Les critères sociaux font la part belle au système déclaratif, or c'est dans les milieux les plus défavorisés que les parents remplissent le moins les enquêtes...

Je salue votre souhait de restaurer la mixité sociale dans les écoles, mais il se heurte à la ségrégation territoriale. Dans les Hauts-de-Seine, la plupart des familles pauvres ont été chassées et se concentrent sur quatre ou cinq territoires.

Accueil des étudiants français de l'étranger

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Les modalités d'attribution de bourses et de logements universitaires aux étudiants français de l'étranger gagneraient à être simplifiées. Nombre d'étudiants français de l'étranger viennent seulement de recevoir une réponse à leur demande de bourse ou de logement, en novembre, alors qu'ils ont fait leur demande à temps. Résultat, ils doivent se loger dans le parc privé. La responsabilité en incombe à la lenteur du circuit de transmission des dossiers du demandeur jusqu'au CROUS, en passant par le consulat, le tout par la poste... La dématérialisation des procédures ne serait-elle pas un gain de temps pour tous ?

De même, les points de charge devraient être corrélés à l'éloignement et majorés pour les futurs étudiants français de l'étranger, comme c'est le cas pour les étudiants ultramarins. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'amélioration des conditions de vie des étudiants pour favoriser leur réussite est une de nos priorités. L'attribution des bourses universitaires aux étudiants français de l'étranger repose sur une circulaire qui prend en compte les revenus des parents et l'éloignement entre le lieu d'études et le lieu de vie, avec une limite fixée à 250 kilomètres. N'oublions pas non plus nos compatriotes ultramarins qui sont aussi concernés par cette problématique.

J'ai présenté le 30 octobre, un plan étudiant qui permettra de résoudre certains problèmes évoqués : dès 2018, tous les étudiants seront rattachés au régime général de la sécurité sociale ; une réflexion sur la simplification du circuit de traitement des bourses a été ouverte avec les CROUS. Nous réfléchissons également à l'attribution d'une aide globale d'autonomie et d'une aide spécifique à la mobilité, notamment dans le cadre de l'ouverture des quotas de mobilité inter-académiques présentés dans le projet de loi d'orientation et de réussite des étudiants que vous aurez à examiner prochainement. Enfin, nous construisons 60 000 nouveaux logements à destination des étudiants.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Votre réponse rassurera un grand nombre de familles. Il est en effet dommage que les bacheliers ayant passé leur baccalauréat avec succès et ayant souvent obtenu une mention ne puissent pas poursuivre leurs études en France pour des raisons de procédure. La dématérialisation permettrait de raccourcir les délais et d'éviter que les inscriptions arrivent trop tard, du fait de La Poste.

Politique fiscale du Gouvernement en matière de logement

M. Alain Joyandet .  - Merci de votre présence, Monsieur le ministre.

Le projet de loi de finances contient plusieurs mesures fiscales pour le logement de nature à susciter de l'inquiétude tant pour les classes moyennes et les territoires ruraux que pour l'emploi. La première mesure prévue à l'article 40 consistant à recentrer le prêt à taux zéro pour les constructions neuves - PTZ neuf - dans les secteurs immobiliers les plus en tension, au détriment des zones moins tendues, constituées principalement de territoires ruraux, exclura de ces dispositions les populations qui y vivent, alors qu'elles en bénéficient actuellement le plus.

Parallèlement, le recentrage du PTZ pour les logements anciens dans les secteurs immobiliers les moins en tension n'est pas plus acceptable : avec ces mesures, on pourrait dire aux territoires urbains, des logements neufs et aux territoires ruraux des logements anciens.

L'article 39 s'inscrit dans la même logique : il procède au recentrage de la loi Pinel aux mêmes zones tendues, ce qui aura pour effet de concentrer encore un peu plus les investissements immobiliers locatifs dans les territoires urbains. La prorogation des PTZ de la loi Pinel du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2021 va dans le bon sens. Néanmoins, le recentrage global en direction des zones les plus urbanisées accentuera la fracture territoriale dans notre pays et annihilera davantage la politique d'aménagement du territoire de la République. En concentrant la politique fiscale relative aux investissements immobiliers dans quelques grandes villes, on y concentrera inévitablement les populations et l'activité économique, alors qu'il faudrait plutôt orienter les politiques publiques en faveur du développement des territoires qui sont naturellement les moins dynamiques.

La troisième mesure consiste en un remplacement CITE à compter du 27 mars 2018, par une prime ciblée à partir de 2019, ce qui ferait sortir les chaudières à fioul et les menuiseries du crédit d'impôt.

Le Gouvernement envisage-t-il de revoir ou de corriger ces différentes mesures qui inquiètent les territoires ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Votre question ne correspond pas à la réalité de ce que nous faisons.

Le dispositif est équilibré. Pour les zones non tendues, le PTZ est maintenu pour quatre ans dans l'ancien et deux dans le neuf. Le Pinel est prolongé de quatre ans en zones tendues.

En remplacement du CITE, nous envisageons une prime en 2019, qui sera d'usage plus simple. Inutile de faire de faux procès au Gouvernement : nous n'oublions pas les territoires ruraux ni les classes moyennes. Je prépare un plan spécifique en faveur des villes moyennes, ce qui n'avait pas été fait depuis les années 1970. Cela permettra de revenir à un meilleur équilibre, fragilisé du fait de la métropolisation. J'ai récemment signé un protocole d'accord d'1,5 milliard avec Action Logement qui investira dans les villes moyennes dans les cinq ans et le Gouvernement mobilisera un soutien en ingénierie pour ces villes.

M. Alain Joyandet.  - Je connais votre attachement à l'équilibre des territoires. La situation ne doit pas toujours être facile pour vous au Gouvernement ! Vos intentions sont louables, mais n'en restent qu'à l'état de projets. Les habitants des territoires ruraux et les classes moyennes sont inquiets. Pour eux, c'est la double peine.

J'entends vos annonces ; nous serons à vos côtés pour veiller à un meilleur équilibre du territoire.

Réforme territoriale de l'agglomération parisienne

M. Pascal Savoldelli .  - Le préfet de l'Ile-de-France doit avoir remis au Premier ministre les conclusions de la consultation opérée auprès des élus locaux et de différents acteurs sur la métropole parisienne. Quand connaîtrons-nous ses résultats ? Le cadre de cette consultation est flou, car l'initiative vient d'en haut. En revanche, nous sommes tous d'accord pour dire que la métropole n'est pas à la hauteur des problèmes rencontrés par les habitants de l'Ile-de-France. Chaque année, 640 000 demandes de logements pour seulement 80 000 attributions. 60 % des autorisations d'installations de bureaux d'entreprises ont lieu à la Défense et dans l'ouest de la capitale, ce qui crée un déséquilibre économique profond.

Dans le même temps, le triptyque communes, départements, région est dynamique. Les services rendus par les départements aux communes sont très appréciés. Le premier tramway était un projet du département de la Seine-Saint-Denis. N'oublions pas la future ligne 15 sud de banlieue à banlieue, qui reprend le tracé d'Orlyval lancé par le département du Val-de-Marne.

En juillet, le président de la République disait souhaiter supprimer deux échelons, en-dessous de l'échelon régional. Quand il y a un flou, il y a souvent un loup. Pourquoi les départements seraient-ils un obstacle à la construction métropolitaine ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Je ne vous comprends pas. En somme, vous nous dites que rien ne va, mais qu'il ne faut rien changer ! Le système actuel est trop complexe. Plus personne n'y comprend rien. Le Gouvernement a lancé une consultation menée par le préfet de région. J'ai aussi reçu toutes les associations d'élus, les représentants des collectivités locales. Chacun en convient, le système n'est pas bon mais chacun continue à plaider pour le maintien de la strate territoriale qu'il gère...

Le préfet de région doit faire la synthèse. Quant à la suppression des départements, rien n'est décidé. La réflexion se poursuit pour améliorer le système actuel.

M. Pascal Savoldelli.  - Quelle est l'ambition sociale, économique, démocratique de la réforme ?

Nous ne voulons pas le statu quo mais de la transparence. Les élus locaux sont aussi victimes de la crise de légitimité qui frappe le politique... La synthèse de la consultation de tous les élus doit être rendue publique.

Dans le Val-de-Marne, 75 % de la population se déclare hostile à la suppression du département et 71 % demande une consultation par référendum. Les citoyens sont inquiets sur le devenir des services publics.

Réformes électorales

M. Jean Louis Masson .  - Le président de la République et le Premier ministre ont annoncé plusieurs réformes électorales.

Est-il question de limiter dans le temps le renouvellement des mandats des députés et des sénateurs ? Pouvez-vous nous dire quand la réforme sera présentée au Parlement ?

Pour les élections européennes, le Gouvernement a dit que la réforme interviendrait début 2018. Est-il possible d'envisager avoir des députés européens à partir de 3 % des votes, contre 5 % aujourd'hui, 3 % correspondant au seuil de remboursement des dépenses électorales aux européennes ?

Enfin, le Gouvernement entend-il reporter les élections municipales de 2020 à 2021, comme cela a été annoncé à de nombreuses reprises par divers médias ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le 3 juillet dernier, lors du Congrès, le président de la République s'est engagé à réduire le nombre de parlementaires et à introduire une part de proportionnelle dans le scrutin. Une commission indépendante rendra son avis sur le projet du Gouvernement qui implique un redécoupage des circonscriptions.

Il n'y a aucun projet de modification en cours sur la durée des mandats. Je n'ai jamais entendu de projet en ce sens.

Pour les européennes, les circonscriptions électorales actuelles ne correspondent plus à la carte des nouvelles régions, c'est pourquoi, après consultation, nous reviendrons à une circonscription unique nationale. Je note votre suggestion d'abaisser le seuil de 5 à 3 % pour obtenir des députés. Pour l'instant, je n'ai pas entendu évoquer cette proposition, mais j'en prends bonne note.

Enfin, à ce stade, il n'y a pas de projet de repousser la date des élections municipales. Seule la perspective d'une diminution des élus régionaux est sur la table, comme le souhaite l'ARF.

M. Jean Louis Masson.  - Ce serait une bonne idée. On pourrait aussi en profiter pour consulter les Français sur le découpage aberrant des nouvelles régions. Pourquoi ne pas revenir sur certaines fusions autoritaires, si les populations le demandaient ? Quel sera l'échéancier de ces réformes ? Il n'y aurait pas de projet de limiter le renouvellement des mandats des parlementaires, mais le président de la République en a beaucoup parlé pendant sa campagne électorale et il serait bon de savoir où va le Gouvernement...

Construction d'une caserne de gendarmerie à Beaumont-sur-Oise et réhabilitation de la caserne de Persan

M. Arnaud Bazin .  - Ma question concerne le projet de construction d'une caserne de gendarmerie à Beaumont-sur-Oise sur le site dit du centre national d'études et de formation pour l'adaptation scolaire et l'éducation spécialisée (Cnefases). Ce terrain, propriété de l'État, est idoine, car il n'existe aucun autre foncier disponible et il répond à une attente légitime de la population. Or un avis émis par la direction générale des finances publiques, en janvier 2017, remet en cause la faisabilité de ce projet. Le gouvernement précédent avait été saisi du dossier. Le 3 mai, le ministre en exercice avait pris bonne note de la demande d'arbitrage afin qu'une réponse soit apportée. Le 6 juin, M. Collomb signalait que les services du ministère seraient saisis. Depuis, plus rien.

Par ailleurs, la réhabilitation de la caserne de gendarmerie de Persan apparaît comme une nécessité essentielle pour nos territoires. Le délabrement avancé des locaux est inacceptable : les racines des arbres traversent même les murs !

Ces deux questions concernent le Val d'Oise. Les émeutes urbaines de 2016 à Beaumont ont laissé des traces.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le projet de construction d'une caserne à Beaumont-sur-Oise est destiné à accueillir les locaux des services techniques et les logements des militaires du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie de l'Isle-Adam et de l'antenne du renseignement territorial de Beaumont-sur-Oise.

Parmi les 46 logements de la future caserne, une partie bénéficierait à certains personnels de la brigade territoriale autonome de Persan et aux militaires d'un peloton motorisé en cours de création.

La caserne sera bâtie sur l'ancien site du Cnefases. Le ministre de l'éducation nationale doit prononcer la déclaration d'inutilité de l'emprise car le bail emphytéotique signé avec l'association qui occupait jusqu'à présent le centre est échu le 16 novembre dernier. Ce projet est désormais pris en charge par un officie HLM en lien avec la direction de l'immobilier de l'État. Les parties ne sont pas encore parvenues à un accord sur les conditions de cession du site, estimé à 1,4 million d'euros par les Domaines.

Quant au second projet, des travaux sont en cours. Plusieurs travaux de rénovation sont terminés. En outre, la reconstruction d'un abri pour les véhicules devrait s'achever en janvier, tandis que les travaux de réfection des locaux vétustes commenceront au cours du premier semestre de 2018. Enfin, une partie des militaires de la brigade de Persan occupera à partir d'avril un ensemble sécurisé de 33 logements situés à moins de 200 mètres de la caserne.

M. Arnaud Bazin.  - La réhabilitation de la cour de manoeuvre dans la caserne de gendarmerie de Persan pose problème.

Quant au site de Beaumont, il faut absolument un arbitrage de l'État pour que la valeur vénale du bien soit compatible avec l'équilibre de l'opération.

Projet de fusion des Yvelines et des Hauts-de-Seine

M. Philippe Pemezec .  - Le président de la République a affirmé lors de la Conférence des territoires que pour financer le Grand Paris, il fallait simplifier les structures. Dans cet esprit, les élus des Yvelines et des Hauts-de-Seine, à une majorité des trois cinquièmes, ont décidé de fusionner et donc de réaliser des économies d'échelle conséquentes. La loi ne met plus aucun obstacle à la fusion : il ne manque plus que le décret gouvernemental. Puisqu'on s'oriente vers une région métropole qui va englober des secteurs ruraux et urbains, pourquoi le Gouvernement ne signe-t-il pas ce décret ? Y aurait-il une résistance politique ? Cela remettrait en cause l'application des lois de décentralisation de 1982.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le code général des collectivités territoriales prévoit en effet la fusion de plusieurs départements au sein d'une même région dans le cadre de la loi Réforme des collectivités territoriales de 2010, modifiée par la loi de délimitation des régions de janvier 2015 qui a abrogé les dispositions relatives à la consultation des électeurs et introduit l'exigence des trois-cinquièmes des suffrages des conseillers départementaux. Les conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines ont délibéré le 30 juin dernier à cet effet. Mais le regroupement est décidé par décret en Conseil d'État : le Gouvernement n'a donc pas de compétence liée sur ce sujet.

Le Gouvernement examinera néanmoins le projet en fonction de l'intérêt général. Il prendra naturellement en compte l'évolution de la métropole du Grand Paris qui comprend dans son périmètre actuel l'un des deux départements. Il faut donc que les perspectives soient arrêtées à ce sujet avant que les réponses institutionnelles interviennent. Une conférence territoriale spécifique se réunira prochainement pour définir le cadre des travaux à venir.

En attendant, rien n'empêche les Hauts-de-Seine et les Yvelines de travailler en commun : ils ont ainsi créé un établissement public interdépartemental commun.

M. Philippe Pemezec.  - Merci de nous avoir rassurés. Aucun blocage politique donc, mais une période d'attente. Néanmoins, il sera difficile de supprimer les départements qui sont inscrits dans la Constitution.

Réglementation concernant les zones bleues de stationnement

Mme Brigitte Lherbier .  - Le domaine public est régi par deux principes : celui de l'inaliénabilité et celui de l'imprescriptibilité.

L'inaliénabilité du domaine public entraîne l'impossibilité de cession des biens du domaine public et suppose que l'autorité publique propriétaire ne puisse accorder aucun droit réel.

De nombreuses communes de la métropole lilloise, pour lutter contre le phénomène « des voitures tampons », stationnant au même endroit toute la journée, ont créé sur leur territoire des zones bleues. Le stationnement y est gratuit et limité dans la durée grâce à l'usage d'un disque bleu.

Pour déroger au principe de la zone bleue, les mairies délivrent des cartes de résidents que certaines communes font payer en raison du principe d'inaliénabilité, quand d'autres ont choisi la gratuité. Quel choix privilégier ? Payant ou gratuit ? La gratuité est-elle en contradiction avec le principe d'inaliénabilité du domaine public ? Les maires qui m'ont sollicitée attendent des précisions.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La circulation sur les voies ouvertes à la circulation publique participe de la liberté fondamentale d'aller et venir. Le stationnement sur la voie publique, corollaire de cette liberté, est autorisé s'il n'excède pas sept jours consécutifs en un même point. Favoriser une meilleure rotation du stationnement bénéficie à l'environnement, aux automobilistes et à l'activité économique des centres-villes, notamment les commerces de proximité. Les maires et les présidents des EPCI peuvent déterminer les lieux, les jours et les heures où le stationnement est règlementé. Des zones à stationnement limité peuvent donc être installées en ce sens. S'agissant du stationnement payant, l'autorité compétente peut également décider de tarifs préférentiels entre les usagers en raison de la particularité de leur situation. L'inaliénabilité du domaine public n'interdit pas l'occupation d'une parcelle du domaine public.

La gratuité des cartes de stationnement en zone bleue donc n'est pas contradictoire avec ce principe d'inaliénabilité.

Mme Brigitte Lherbier.  - Je transmettrai votre réponse aux maires.

Devenir des machines à voter

Mme Agnès Canayer .  - Pour lutter contre la fraude, Raymond Marcellin, ministre de l'intérieur, a institué les machines à voter par la loi du 10 mai 1969, qui n'ont rien à voir avec le vote par Internet, puisque ces machines ne sont connectées à aucun réseau. Conformément au code électoral, les machines à voter peuvent être utilisées dans les communes de plus de 3 500 habitants. Elles doivent être d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'intérieur. Depuis quinze ans, plusieurs communes ont choisi des machines à voter, comme Brest, Épernay, le Havre. Leur usage n'a jamais posé de difficultés. Les électeurs, les élus, les agents municipaux s'accordent sur la simplicité et la fiabilité du dispositif. Malgré cela, ces machines suscitent des oppositions souvent très doctrinales.

Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont validé ces machines qui conservent le secret du vote. En avril 2016, le ministère de l'intérieur a confirmé que leurs fonctionnalités techniques garantissaient la sincérité du scrutin. Les villes utilisatrices souhaitent donc pouvoir continuer à les utiliser.

Or, depuis 2016, un moratoire interdit le développement de ces machines alors que les communes doivent renouveler leur parc. Pouvez-vous lever ce moratoire ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Pas moins de 66 communes représentant un million d'électeurs sont équipées de machines à voter. En 2007, à l'issue d'un travail approfondi associant le Conseil d'État, des représentants des collectivités territoriales et des usagers, le ministère de l'intérieur et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, un moratoire a été décidé, qui a figé le nombre de communes autorisées à se doter de machines à voter.

Ce moratoire était justifié par l'allongement du temps d'attente, par le coût d'entretien et par l'impossibilité de procéder à un comptage physique des bulletins.

Ces arguments ont été confirmés par le rapport Anziani-Lefèvre qui a conclu à la nécessité de prolonger le moratoire. Le niveau élevé de risques « cyber » mis en évidence lors des scrutins présidentiels et législatifs de 2017 doit aussi être pris en compte. L'obsolescence technique du dispositif et les risques liés au paramétrage ne garantissent pas la sécurité du vote.

Le Gouvernement examinera la situation. Les conditions du vote électronique seront également étudiées dans le même temps, conformément aux engagements du président de la République.

Mme Agnès Canayer.  - Au quotidien, les machines à voter facilitent le vote des personnes handicapées et accélèrent le recensement des votes. Les communes qui y ont recours en retirent toute satisfaction.

Organisation des élections sénatoriales

M. Olivier Paccaud .  - Tradition oblige, les élections sénatoriales sont, tous les six ans, dans chaque département concerné par le renouvellement, l'occasion d'un vaste « pèlerinage républicain ». Tous les grands électeurs se rassemblent en un même lieu, au coeur de la ville préfecture, pour le scrutin.

Dans l'Oise, le 24 septembre dernier, les 2 331 délégués sénatoriaux se sont ainsi retrouvés à Beauvais pour y voter. Il a fallu près d'une heure trente de trajet à celles et ceux qui venaient d'au-delà du Noyonnais, ou du Valois. Dans les départements montagnards, le périple vers l'urne préfectorale a dû être très long. Que de temps passé et d'essence dépensée !

À l'heure des économies d'énergie et de la sagesse écologique, ne serait-il pas plus rationnel et cohérent d'utiliser nos charmantes sous-préfectures comme bureaux de vote d'arrondissement ? Tout le monde y gagnerait. Si la tradition a souvent du bon, l'évolution peut parfois apporter du mieux.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le code électoral désigne le chef-lieu du département pour la réunion du collège électoral en vue de l'élection des sénateurs. Cela peut être le tribunal ou la préfecture.

Une organisation du scrutin sur différents lieux augmenterait le risque de contentieux. Sur un lieu unique, on peut vérifier l'identité de l'électeur et s'assurer que les demandes de remplacement pour ce scrutin obligatoire, ont bien été formalisées. De plus, les attributions du bureau du collège électoral qui est aussi celui de la première section rendent nécessaire la proximité physique entre les différentes sections le jour du scrutin.

Il ne faudrait pas non plus compliquer les missions de cette instance dont le président est le seul habilité à se prononcer sur les éventuelles difficultés ou contestations intervenant au cours de l'élection, toutes sections confondues.

Enfin, le site unique facilite la transmission des résultats du scrutin, compte tenu du délai restreint de quatre heures entre les deux tours. Le lieu unique constitue une opportunité d'échanger entre les électeurs. Le Gouvernement n'est pas favorable à la mise en place de modalités différentes pour les élections sénatoriales.

M. Olivier Paccaud.  - Rapprocher les grands électeurs de leur bureau de vote permettrait de faire des économies. Dans l'Oise, on compte quatre sous-préfectures, qu'il y ait donc quatre bureaux de vote. Nous ne sommes plus sous la IIIe République !

Peut-être bougera-t-on sous la VIe République ?

Délivrance de passeport à des parents séparés

M. Claude Raynal .  - En 2016, 60 % des enfants naissent hors mariage et 44 % des mariages finissent par un divorce. La parentalité ne s'exerce plus que minoritairement dans le cadre d'un mariage.

L'administration a un rôle à jouer dans la délivrance des papiers d'identité aux enfants.

Dans l'hypothèse de parents séparés, les services municipaux ne font pas les recherches nécessaires pour s'assurer que le parent demandeur est titulaire de l'autorité parentale et que l'adresse déclarée est bien celle de la résidence principale de l'enfant.

En outre, et de manière beaucoup plus surprenante, aucune information du parent chez qui réside « normalement » l'enfant n'est organisée par les services municipaux.

L'absence de tels contrôles crée une situation d'anxiété chez le parent de bonne foi, d'autant plus grande qu'il peut se retrouver alors dans une situation juridique délicate, puisque ne pouvant demander un nouveau passeport. Le parent indélicat peut ainsi déclarer le titre volé, à l'insu de l'autre, qui peut se retrouver dans une situation kafkaïenne s'il vient à son tour demander le renouvellement de ce titre.

Je souhaite alerter sur une possible responsabilité de l'administration en cas de départ non consenti de l'enfant hors du territoire national organisé par le parent disposant du passeport frauduleusement obtenu. Le passeport est en effet le document qui se prête le plus aux éloignements non consentis.

Quel est le point de vue du Gouvernement sur cette question qui peut concerner des millions de nos concitoyens?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - En matière de délivrance de passeports pour les enfants mineurs dont les parents sont séparés, l'article 372-2 du code civil dit que chacun des parents est réputé agir en accord avec l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale.

La séparation des parents ne modifie pas le partage de l'autorité parentale. La demande d'un titre de voyage peut être faite par un seul des deux parents. Il n'appartient pas aux mairies de solliciter l'accord de l'autre parent.

En cas de conflit entre les parents sur le partage de l'autorité parentale, il leur incombe de saisir le juge aux affaires familiales qui prononcera éventuellement une interdiction de sortie du territoire.

En attendant cette décision, le parent qui craint un enlèvement de l'enfant peut solliciter auprès du préfet une opposition à toute sortie du territoire de l'enfant, à titre conservatoire. En l'état du droit, c'est une vraie question que vous posez.

M. Claude Raynal.  - Merci de cette réponse et de cette dernière phrase. L'état du droit est bien pauvre en effet par rapport à l'importance du problème. Il faudrait un texte de loi, un règlement, un décret ou une meilleure information des maires pour clarifier la situation.

Droits d'auteur et musiques traditionnelles

M. Michel Canevet .  - La Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) défend les droits de 160 000 membres et perçoit les droits auprès des diffuseurs de musique pour un montant un peu inférieur à un milliard d'euros. Les associations organisent des manifestations où interviennent des musiciens. En Bretagne, la musique traditionnelle est très populaire et les associations qui s'y consacrent sont sollicitées par la Sacem pour payer des droits, quand bien même sont jouées des musiques traditionnelles anciennes lors des animations locales. Est-ce légitime ?

Quand les morceaux figurent au patrimoine depuis longtemps, faut-il vraiment que les associations paient des droits à la Sacem ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Le code de la propriété intellectuelle précise qu'à l'expiration d'un délai de soixante-dix ans après la mort de l'auteur d'une oeuvre, cette oeuvre tombe dans le domaine public, sous réserve du droit moral de l'auteur et sauf si elle fait l'objet d'un arrangement ou d'une adaptation spécifiques.

L'association d'accordéonistes, à laquelle je crois vous faites référence, n'a pas de droits à payer à la Sacem, les morceaux joués n'ayant fait l'objet d'aucune adaptation. Le dossier en question a d'ailleurs été clos par la Sacem, qui n'a intenté aucune action ni émis aucune facturation à ce sujet.

M. Michel Canevet.  - Je vous remercie pour cette réponse très claire. Il n'y a donc aucun droit à payer pour des morceaux de musique traditionnelle qui n'ont pas été arrangés ou adaptés récemment.

Dégradations constatées à l'opéra de Paris

Mme Catherine Dumas .  - Un représentant du personnel de l'opéra Garnier nous a alertés sur les dégradations constatées dans la grande salle et dans les loges du palais : boiseries détériorées, tapis usés, fauteuils dégradés, murs et tapisseries délabrés etc. L'opéra, classé monument historique en 1923, est une vitrine du patrimoine français. Je suggère qu'une inspection soit diligentée par votre ministère. J'aimerais connaître le plan de réfection qui mettra à contribution le savoir-faire des artisans d'art français.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Le Sénat a adopté hier les crédits budgétaires de la mission Culture. L'Opéra national de Paris, c'est-à-dire le Palais Garnier, l'Opéra Bastille, l'école de danse et les ateliers Berthier, accueille 1,6 million de spectateurs et de visiteurs par an, et 1 500 salariés. Les investissements prévus en 2018 sont de 10 à 12 millions d'euros. Ils seront financés par la subvention d'investissement, les ressources issues de l'autofinancement des prélèvements sur le fonds de roulement et le mécénat. Concernant la grande salle de l'opéra Garnier, un programme de restauration des tissus des loges, des fauteuils d'orchestre, de l'éclairage a été lancé en 2014 et se poursuivra pour un coût total de 2,5 millions d'euros sur quatre ans. La rénovation de la galerie et de la rotonde du glacier sera financée par le mécénat. Un plan pluriannuel d'investissement est examiné régulièrement par les ministères de la Culture et du Budget Mes services sont attentifs à la situation et accompagnent l'établissement dans ces rénovations d'ampleur, comme dans l'importante transition que représente le transfert de la maîtrise d'ouvrage du bâtiment du palais Garnier.

Mme Catherine Dumas.  - Je vous remercie pour votre réponse. Comme élue de Paris, je suis très sensible au plan de rénovation que vous mentionnez.

Communications (Nominations)

Mme le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission de surveillance de la caisse des dépôts et consignations ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

La séance est suspendue à 12 h 10.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 14 heures.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue James Marson, qui fut sénateur de la Seine-Saint-Denis de 1975 à 1986.

Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.

Seconde partie (Suite)

Sécurités

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Tout d'abord, je tiens à rendre hommage au courage de nos forces de l'ordre qui travaillent avec efficacité et courage, dans un climat de grande tension - en témoigne les plus de 900 perquisitions administratives menées en 2016 au titre de l'état d'urgence ou les millions de contrôles aux frontières menés suite au rétablissement temporaire de ces dernières.

De nombreux suicides ont eu lieu ces dernières semaines. Pourtant, le projet de loi de finances n'est pas à la hauteur des exigences. Si en 2018 les crédits sont en légère hausse, sur trois ans la hausse sera de 2,10 % contre 3 % pour le budget général. En prenant en compte les prévisions d'inflation du Gouvernement les crédits diminueront même de 0,4 %.

La mise en place d'une police de la sécurité quotidienne devra s'appuyer sur les moyens existants.

La hausse des effectifs s'effectue au détriment de l'investissement et des moyens d'équipement : 8 837 postes ont été créés ces cinq dernières années ; 10 000 nouveaux postes seront créés jusqu'en 2020 dont 7 500 ETP pour la police et 2 500 ETP pour la gendarmerie.

Ainsi, le nombre de policiers et de gendarmes devrait augmenter en 2018 de 1 835 ETP (459 ETP de gendarmes et 1 376 ETP de policiers).

Mais, la conséquence de cette constante augmentation des effectifs depuis 2014 est que la part des dépenses de personnel sur l'ensemble des crédits au sein des deux programmes atteindra 86,78 % en 2018. Ce ratio ne permettra pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes.

Depuis 2006, les dépenses de personnel ont augmenté de plus 31 %, tandis que les autres dépenses ont connu une baisse de 4,98 %.

La paupérisation de nos forces est patente. Le patrimoine immobilier de la police a vieilli, la dette de loyer de la gendarmerie nationale bloque 114 millions d'euros en autorisations d'engagement et 92 millions d'euros en crédits de paiement. La flotte de véhicules ne cesse de vieillir avec un âge moyen de six ans et neuf mois en 2016. Depuis 2006, un véhicule disparaît quand trois postes sont créés ! De même, les policiers ne peuvent s'entraîner au tir que trois fois par an et tirer 92 cartouches par an, plusieurs centres de tir ont dû fermer ! Une meilleure organisation des forces de l'ordre s'impose.

L'application de la directive européenne de 2003 relative au temps de travail à la gendarmerie, pour la première fois à partir de 2017, a fait baisser la capacité opérationnelle des forces de 5 % des ETPT, comme je l'avais prévu l'an dernier. Les recrutements prévus ne compenseront donc pas l'application de cette directive !

Pour la police nationale, l'entrée en vigueur de la vacation forte devrait entrainer en 2018, une perte opérationnelle s'élevant à 433 ETPT. Mais il est possible que davantage d'effectifs soient concernés par ce cycle et la perte opérationnelle s'accroîtrait dans les années à venir.

Le principal levier pour dégager des effectifs reste le recentrage des forces de police sur leur coeur de métier. L'équivalent de 6 000 ETP sont accaparés par des tâches indues : transfèrement judiciaire, gestion des procurations, tâches administratives, etc. D'où mon amendement pour augmenter les crédits d'investissement. Si nous l'adoptons, je vous proposerai un avis favorable sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La courbe de la mortalité routière n'est pas inversée. Elle augmente même légèrement depuis trois ans. Aussi l'objectif que s'était assigné le gouvernement Valls - descendre sous le seuil des 2 000 morts en 2020 - paraît-il hors de portée. Sur les neuf premiers mois de cette année, on compte 2 878 morts sur la route, soit neuf par jour. Certes la mortalité est bien moindre que dans les années soixante-dix, mais en Europe, la France ne se classe qu'au quatorzième rang et le nombre de morts par kilomètre parcouru reste trop élevé. Notre politique de sécurité ne saurait se réduire aux seuls radars. Il faut lutter contre l'alcool au volant et encourager la prévention.

J'en viens aux crédits. Je salue la sincérité de la communication du Gouvernement. Le Gouvernement entend-il relancer le permis à un euro par jour ?

Sur le compte d'affectation spécial, le produit des amendes atteindra 1,83 milliard d'euros, dont 1,34 milliard sera affecté au compte d'affectation spécial « Radars ».

De nouveaux radars plus imprévisibles seront déployés, mais il faut mieux le lier à la carte de l'accidentalité. Les DOM et les réseaux secondaires, où l'accidentalité est particulièrement élevée, doivent en particulier être privilégiés. Je vous renvoie, sur ce sujet, au rapport d'information de notre collègue Vincent Delahaye, réalisé dans le cadre de sa mission de contrôle budgétaire.

Le développement des radars « tronçons » ou « vitesse moyenne », mieux acceptés des usagers, doit être encouragé, tandis que l'alternance des limitations de vitesse doit être rationalisée et encore mieux signalée. Trop de conducteurs dépassent la vitesse maximale autorisée parce qu'ils n'ont pas perçu un changement de limitation. Ces limitations devraient dépendre de l'état des routes et non de leur statut.

Afin d'améliorer les résultats de la sécurité routière, ses acteurs, en particulier les collectivités territoriales, ses usagers, les employeurs, sans oublier les concessionnaires d'autoroutes, doivent être encore mieux associés à la définition de sa politique.

Je proposerai deux amendements pour diminuer l'ampleur de la baisse des versements aux collectivités territoriales pour améliorer leurs infrastructures routières, car le produit de la décentralisation des amendes de stationnement est encore incertain. Le Comité interministériel de la sécurité routière ne s'est réuni que deux fois depuis 2011 : quel est son avenir ?

Pour la gestion du permis à points, plus de 22 millions de lettres de notification ou de retrait de points sont prévues l'an prochain, pour une dépense estimée à 17,5 millions d'euros. Pour la première fois, un effort de dématérialisation est prévu, mais il ne couvre que 10 % des crédits de ce poste - il doit être poursuivi car il permet des économies de traitement des documents.

Enfin, le fonds de roulement de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions est trop élevé. Mon autre amendement les réduit. Je vous propose d'adopter les crédits du programme Sécurités et éducation routière du compte d'affectation spécial.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les crédits de la Sécurité civile sont en hausse : 5,36 % en crédits de paiement, et 82,34 % en autorisations d'engagement. Cela s'explique éventuellement par le renouvellement de la flotte d'avions Trackers, indispensable en raison de l'âge de la flotte et de l'atteinte du nombre maximal d'heures de vol -  25 000 heures.

Le ministre de l'intérieur avait annoncé l'acquisition de six Dash 8, avions multirôles qui peuvent être reconvertis en avions de transport. Toutefois, cet effort ne masque pas le vieillissement général de la flotte, notamment celle des Canadairs - les pilotes se plaignent d'un taux d'indisponibilité qui atteint 25 % en pleine saison des feux.

Le budget 2018 sera aussi marqué par la poursuite du déploiement du système d'alerte et d'information des populations (SAIP), dont les choix stratégiques contestables ne sont pas remis en cause. Ce projet concentre 80 % des crédits du volet « Sirènes ». L'application smartphone dont j'avais souligné les insuffisances est en phase d'examen pour l'Inspection générale de l'administration. Quelles sont ses conclusions ?

Les crédits des SDIS ont diminué alors que leurs interventions augmentent de 2 % - 4,5 millions d'intervention par an. Une meilleure mutualisation des moyens entre le SDIS et le SAMU est à rechercher. Le plus inquiétant reste toutefois la baisse de leurs crédits d'investissement. La dotation d'investissement baissera de 60 % en 2018 et servira surtout à financer le système d'information unifié des SDIS et de la sécurité civile, le SGA-SGO. Cette dotation est insuffisante et devra être réévaluée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Je rendrai d'abord hommage aux gendarmes qui ont encore une fois démontré leur courage lors du passage de l'ouragan Irma.

Si les crédits apparaissent globalement satisfaisants, je déplore l'insuffisance des moyens pivots. Actuellement, il reste 71 véhicules blindés à roues (VBRG) datant de 1974, complétés par 20 véhicules de l'avant blindé (VAB), rachetés à l'armée de Terre lors de l'engagement en Afghanistan. Ces matériels sont très sollicités outre-mer et des renforts devraient être déployés en Nouvelle-Calédonie pour le referendum de 2018. Le remplacement de ces véhicules très usés par 90 nouveaux véhicules tous-terrains représenterait un coût d'environ 45 millions d'euros.

De même il faudrait remplacer les hélicoptères Écureuil de la gendarmerie, par de nouveaux EC 145 pour un coût de 140 millions d'euros.

Par ailleurs, la vétusté des sept hélicoptères du groupe interarmées d'hélicoptères (GIH), qui constituent un outil essentiel puisqu'il permet au GIGN et au RAID de se projeter pour la défense des centrales nucléaires, est également préoccupante. Il s'agit en effet de vieux Puma des armées de l'air et de terre. Il faut les remplacer par des hélicoptères de transport moyen de type « Caracal », soit une dépense d'environ 125 millions d'euros dans le cadre du budget des armées, si nous voulons préserver la capacité de projection de nos corps d'élite.

Au total, pour la gendarmerie, ces remplacements représentent quelque 200 millions d'euros.

Le candidat Emmanuel Macron avait souhaité une programmation de la modernisation des moyens de la sécurité intérieure. Si le renseignement est nécessaire, il faut aussi penser aux moyens d'intervention.

La commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le programme « Gendarmerie nationale » est satisfaisant. Les hausses vont surtout à la gendarmerie territoriale. Je salue la création des brigades territoriales et l'achèvement des 65 000 équipements mobiles du plan « Néogend ».

L'application des règles de repos quotidien de onze heures depuis septembre 2016 a abouti à une perte de 6 000 ETP. Il est bon que nos hommes se reposent. D'un autre côté, il faut assurer la disponibilité des forces. Nous suivrons ce dossier avec la plus grande attention.

Autre point de préoccupation : la dette des loyers de la gendarmerie qui grève le budget de 110 millions d'euros en autorisations d'engagement. Le ministre a annoncé un plan d'apurement dès l'an prochain, financé à hauteur de 13 millions d'euros par an.

Des crédits nouveaux y seront-ils consacrés ou bien s'agit-il seulement d'un lissage ?

La commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La commission des lois partage le constat du rapporteur spécial de la commission des finances. Le budget est préoccupant au regard de la dégradation des moyens des forces de l'ordre. Les effectifs augmenteront mais compenseront tout juste l'impact de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail.

Surtout les policiers déplorent moins le manque d'effectifs que la dégradation des conditions de travail et des équipements. Ainsi, l'âge moyen des véhicules atteint six ans dans la police, huit ans dans la gendarmerie - et ils ont en moyenne plus de 130 000 kilomètres au compteur. Trop de commissariats et de casernes sont dans un état de délabrement avancé. Les crédits de rénovation prévus sont insuffisants.

Je ne peux que déplorer l'impact des mesures de régulation budgétaire qui aboutissent à reporter sans cesse les travaux de rénovation.

Enfin, le poids de la dette conduira à réduire les crédits des autres postes. La commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Dix sapeurs-pompiers sont morts en mission en 2016 et 2017 : je leur rends hommage et salue, à travers eux, l'engagement et le courage de tous les sapeurs-pompiers au service de la population. Selon l'Observatoire de la délinquance et des réponses pénales, les agressions contre des sapeurs-pompiers en intervention ont augmenté de 18 % l'an passé : c'est inacceptable !

Après une année 2017 difficile, les personnels de la sécurité civile fondaient beaucoup d'espoir dans ce budget. Si la flotte d'aéronefs est renouvelée et si 31 postes de démineurs sont créés, la baisse de 61 % de la dotation d'investissement aux SDIS nous conduit à émettre un avis défavorable à ce budget. Cette perte sèche menace la viabilité du système SGO-SGA et des projets d'investissement locaux. Toutefois, je soutiens l'amendement de M. Bazin qui restitue 10 millions à la sécurité civile. Mais l'Assemblée nationale saura-t-elle faire preuve de la même sagesse que le Sénat ? (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Frédéric Marchand .  - On cite beaucoup Georges Clemenceau en cette fin d'année. Celui qui se surnommait le « premier flic de France » disait : « Il faut savoir ce que l'on veut, avoir ensuite le courage de le dire, puis l'énergie de le faire ».

Tel est le fil conducteur à suivre pour la mission « Sécurités ». Les crédits augmentent à 13,3 milliards d'euros. La sécurité est la première des libertés de nos concitoyens. Le Gouvernement, avec la police de proximité, entend répondre à leurs attentes pour construire une société apaisée.

Le budget est offensif, les crédits de personnel augmentent de 7,3 %, les investissements de 15 %, rompant avec les pratiques anciennes de baisse continue. Des moyens exceptionnels obtenus depuis 2015 sont devenus la norme, ils deviennent pérennes. C'est une orientation puissante pour le quinquennat. Pas moins de 1 000 policiers seront recrutés, 500 gendarmes, 400 postes affectés à la DGSI et au renseignement territorial seront créés.

Quant à l'équipement, 230 millions d'euros y seront affectés, soit autant que ces deux dernières années. Des tablettes et des smartphones contribueront à atteindre un niveau d'efficacité technique supérieur. Enfin, le Gouvernement fait un effort exceptionnel pour rénover les commissariats et les casernes, et améliorer le quotidien des forces de sécurité - au total, l'immobilier représente 196 millions d'euros pour la police nationale, en hausse de 5,4 %, et 100 millions d'euros pour la gendarmerie nationale, en hausse de 9 %.

Les décisions sur les petits travaux seront déconcentrées pour plus d'efficacité. Ce budget est en adéquation avec la loi de lutte contre le terrorisme, et entend contribuer à effacer le sentiment d'abandon des populations face aux petits délits et aux incivilités du quotidien, qui nourrissent les sentiments d'injustice et d'abandon par la République. Le budget amorce aussi l'apurement de la dette des loyers de la gendarmerie.

Les suppressions d'effectifs, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avaient profondément désorganisé les services, particulièrement les forces mobiles et le renseignement intérieur. (Rumeurs sur les bancs du groupe Les Républicains)

En 2012, un rattrapage timide a été initié puis accéléré à la suite des attentats de 2015. Grâce à ce budget, les effectifs de la police nationale dépasseront enfin le niveau de 2007, avec plus de 150 000 policiers, et ceux de la gendarmerie nationale retrouveront le niveau de 2009, avec plus de 100 000 gendarmes et 30 000 réservistes.

Le personnel supplémentaire devra être pleinement employé sur des missions opérationnelles. Dans ce but, le budget opère un véritable changement d'échelle en matière de substitution du personnel actif par le personnel administratif et technique sur les missions qui le justifient. La disponibilité du personnel sera accrue par la suppression des tâches indues qui détournent le personnel de ses missions principales.

Ce budget porte un coup d'arrêt à la tendance de paupérisation opérationnelle des forces de sécurité. L'effet sur le quotidien des agents et des services sera rapidement visible, notamment grâce à l'acquisition de véhicules légers en nombre suffisant ou encore grâce aux crédits pour les petits travaux d'aménagement et d'entretien des commissariats, qui augmenteront de 10 millions d'euros et pourront être utilisés directement, au plus près des besoins.

Ce budget et la volonté politique qu'il traduit cherchent à créer une relation de qualité entre la population et les forces de sécurité. II permettra de mieux identifier les besoins de sécurité de nos concitoyens, au plus près des territoires, et de garantir leur sécurité de façon déterminée et efficace.

Le groupe LaREM votera ces crédits, qui traduisent cette grande priorité du quinquennat qu'est la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi .  - Monsieur le Ministre, vous avez lancé la police de sécurité du quotidien, dont l'objectif est de mieux répondre aux attentes des citoyens. Les expérimentations commenceront au 1er janvier 2018. Toutefois, nous ne trouvons nulle trace de cette action dans ce budget : cette police de proximité sera créée à moyens constants ! Nous présenterons un amendement pour réparer cet oubli.

La réhabilitation de la police de sécurité suppose de dégager des moyens et de créer une direction générale ad hoc. Il est temps de s'attaquer aux causes de la délinquance, en mettant l'accent sur la prévention ! Les policiers et gendarmes sont sur-sollicités à cause de l'état d'urgence dont le régime est désormais entré dans le droit commun. Voilà qui ne diminue pas les tâches !

Je salue la censure du Conseil constitutionnel sur deux articles concernant les fouilles de véhicules.

Les crédits augmentent de 1,34 %. Les recrutements se font au détriment des moyens d'équipement. Comme notre rapporteur spécial, je déplore le manque de formation et les conditions de travail des forces de l'ordre - et nul ne peut s'empêcher de faire le lien avec le nombre élevé de suicides dans la gendarmerie et la police. Les commissariats sont vétustes, c'est particulièrement inquiétant quand on veut améliorer les conditions dans lesquelles on recueille la parole des victimes. Le budget de la sécurité civile n'est guère plus reluisant et nous suivrons l'avis défavorable de Mme Troendlé : nous voterons contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE).

M. Philippe Bonnecarrère .  - La remontée en puissance est le maître-mot du Gouvernement. La lutte contre le terrorisme est une préoccupation durable de nos sociétés. Ce budget assure le remplacement de tous les départs à la retraite et prévoit la création de nombreux postes. Il marque une inflexion notable. Pour émettre un jugement, il faut mettre les chiffres en perspective, en comparant ce qu'ils étaient hier et les défis à relever.

La directive de 2003 a été transposée par un décret de 2017 et deux instructions ministérielles. La qualité de vie des effectifs est essentielle mais il faut examiner toutes les conséquences sur la disponibilité de nos forces de l'ordre. Je me demande aussi, Monsieur le Ministre, si l'exception, possible en matière de défense, ne s'appliquerait pas aux forces de l'ordre.

J'entends les critiques sur le manque de formation et d'équipements. J'espère qu'il sera possible d'améliorer la situation durant le quinquennat.

Le ministère de l'intérieur a accumulé ces dernières années, faute de sincérité budgétaire, un retard de charges de 114 millions d'euros. La maintenance des commissariats est un enjeu essentiel.

Le groupe UC votera ce budget.

M. Dany Wattebled .  - La prépondérance de la menace terroriste, le niveau élevé de la pression migratoire et de la délinquance impliquent une mobilisation élevée des forces de l'ordre. Les effectifs ont déjà été renforcés ces dernières années, sans atteindre le niveau exigé par la gravité de la situation.

L'effort budgétaire de 1,44 % sur la mission reste en deçà des attentes et des besoins. Cette mission suscite des interrogations. Au sein du programme 176 les crédits de l'action « Ordre public » sont amputés de 59 millions d'euros, ceux de l'action « Sécurité et paix publiques », de 62,6 millions, tandis que l'action consacrée à la police des étrangers et à la sécurité des transports internationaux, perd 8,3 % de ses crédits.

Sur le programme 152, les crédits stagnent, à 8,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 8,66 milliards en crédits de paiement.

La baisse du budget de la gendarmerie nationale de 0,44 % en crédits de paiement pèsera sur les budgets de fonctionnement et d'investissement. Cela est d'autant plus regrettable que la gendarmerie joue un rôle accru en matière de lutte contre le terrorisme et contre l'immigration irrégulière.

L'effort budgétaire consenti sur les moyens humains masque une sous-dotation manifeste des crédits de fonctionnement et d'investissement. Résultat, nous ne pourrons pas remédier au vieillissement des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie, rénover le parc immobilier qui se trouve dans un état de délabrement avancé et poursuivre la mise à niveau des équipements des forces de sécurité. Le mal-être de nos forces de sécurité s'accroît, leur colère est légitime et doit être entendue.

Pour conclure, je veux rendre hommage aux hommes et femmes qui assurent tous les jours notre sécurité souvent au péril de leurs vies. Ce budget ne prend pas en compte la dégradation du contexte sécuritaire de notre pays. Le groupe Les Indépendants votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Pierre Charon .  - (M. Roger Karoutchi applaudit.) Débattre et voter le budget de la Nation, c'est bien plus qu'autoriser des recettes et des dépenses ; c'est manifester notre soutien à tous ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour assurer quotidiennement notre sécurité. Je veux leur rendre un hommage solennel. Policiers, gendarmes et pompiers sont des héros discrets du quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La directive européenne relative au temps de travail pose problème. Si le temps de repos est nécessaire, les recrutements sont à peine suffisants pour que fonctionnent les rotations.

Il est temps que la gendarmerie cesse d'effectuer des tâches indues alors que la société se judiciarise et que l'opinion ne supporte plus que des vices de procédure profitent à des criminels.

Les gendarmes, de par leur statut militaire, sont les garants de la résilience de notre pays face au terrorisme. Ils constituent la cible de ceux qui ont la haine de la France et le mépris de ses institutions. Le sang-froid dont les gendarmes font preuve force le respect. Récemment, à Meylan, cinq véhicules de gendarmerie ont été incendiés ; ce sont les hommes qui étaient visés.

Les gendarmes sont confrontés à des défis de taille. Je salue la création de nouvelles unités pour protéger des sites sensibles. Le savoir-faire de la gendarmerie n'est plus à démontrer : il suffit de penser au GIGN dont, je l'espère, le moral ne sera pas affecté par les mutualisations.

La prévention de la radicalisation islamiste est un autre domaine où la gendarmerie s'illustre en jouant un rôle dans le renseignement de proximité. Nos 311 brigades sont autant de postes d'observation dans le combat contre le djihadisme. La création des antennes de renseignement territorial, dont je me réjouis de voir qu'elles sont animées par nos gendarmes, complète cette action.

Il faut aussi saluer le rôle de la gendarmerie dans les territoires outre-mer. Les gendarmes y assurent l'unité de la Nation. Nos compatriotes d'outre-mer le savent et sont en demande de gendarmerie alors que le facteur d'insularité rencontre de plein fouet la mondialisation des trafics et de la criminalité.

Quant à la dimension européenne de la gendarmerie, elle est entravée par un manque de volonté politique. Plus de coopération garantirait une meilleure efficacité dans la lutte contre les mafias. Nos concitoyens exigent des frontières sûres et bien gardées. Une centaine de gendarmes ont été engagés dans Frontex. C'est bien mais il faut que les dotations suivent. La gendarmerie doit contribuer à rendre l'Europe plus proche des Français.

Le crime et la délinquance peuvent désormais être virtuels avec des dommages bien réels. Tel est le nouveau terrain où intervient la gendarmerie. La criminalité numérique nécessite non une cyberdéfense mais une politique offensive contre les e-délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je m'associe à l'hommage que Pierre Charon a rendu à ces hommes et femmes qui donnent tout, jour et nuit, 365 jours par an, pour notre sécurité.

S'agissant des effectifs, j'ai noté la création de 1 629 postes de policiers et 459 postes de gendarmes. Alors que certains gouvernements précédents...

M. Roger Karoutchi.  - Ah non !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela vous fait de la peine, Monsieur Karoutchi...

M. Roger Karoutchi.  - Cela me fait de la peine pour vous !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Entre 2007 et 2012, plus de 10 000 emplois ont été supprimés dans la police et la gendarmerie. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)

Mme Catherine Troendlé.  - Que s'est-il passé ensuite ? (On renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Seul l'orateur a la parole.

M. Antoine Lefèvre.  - On nous interpelle !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Parlement débat et il est bon qu'il en soit ainsi... Durant la même période, les crédits d'investissement ont baissé de 16 % pour la police et de 18 % pour la gendarmerie.

Monsieur le Ministre, le redressement que vous opérez est dans le droit fil de vos prédécesseurs.

Cela étant dit, les crédits d'équipement ne sont pas au niveau que l'on pourrait attendre. Dans la loi de finances pour 2017, on y consacrait 37 millions d'euros. Ils diminuent de 7 % dans le projet de loi de finances pour 2018. Les équipements - armement, habillement, moyens de protection et d'intervention - des policiers et gendarmes sont menacés.

Le rapport de M. Leroy montre que l'immobilier sert souvent de variables d'ajustement dans le budget de cette mission, très contraint par les 85 % consacrés aux dépenses de personnel. Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous garantir que ces crédits d'équipements, déjà insuffisants, seront sanctuarisés ?

Je salue la création de la police de sécurité du quotidien mais m'interroge sur son financement.

Avant que la DGSI ne fût créée, le renseignement souffrait d'un manque de connexion entre le terrain et le niveau central. Vous annoncez, Monsieur le Ministre, vouloir vous attaquer à cette difficulté. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous nous abstiendrons, au contraire de nos homologues de l'Assemblée nationale qui ont voté contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Claude Requier .  - Les moyens dévolus aux forces de la sécurité intérieure ont augmenté de 2 %. Des programmes de modernisation ont été développés au sein de la police nationale pour recentrer l'activité des policiers sur leur coeur de mission.

Le 18 octobre dernier, le président de la République a annoncé le lancement d'une consultation auprès de tous les agents de votre ministère pour les associer à la redéfinition de la stratégie de sécurité intérieure. C'est une excellente méthode de travail et valorisera des forces de l'ordre dont le moral a été éprouvé ces dernières années.

Le terrorisme ne doit pas nous faire oublier la délinquance et les incivilités quotidiennes, ni compromettre la mise en oeuvre de réformes en cours d'expérimentation. Je pense à l'utilisation des caméras piétons, au développement des brigades de contacts et aux outils numériques comme Néogend.

L'évolution des crédits ne profite pas à la gendarmerie nationale autant qu'à la police. Cet arbitrage intervient alors même que les attentes sécuritaires ont grandi sur l'ensemble du territoire, pas simplement dans les zones protégées par la police nationale. Dans de nombreuses communes, l'organisation de manifestations culturelles est fortement menacée par les nouvelles normes de sécurité anti-attentats. Peut-être faudrait-il associer davantage les élus aux stratégies locales de sécurité afin de maintenir l'expression de notre vie culturelle et associative. C'est ma vision de ce que pourrait être le continuum territorial de sécurité.

Près de trois ans après le déploiement de Sentinelle et plusieurs décennies de recours au plan Vigipirate, il est temps d'évaluer l'efficacité de ces opérations.

Concernant, la sécurité civile, le nombre de tués et accidentés de la route à fortement baissé depuis les années soixante-dix mais les objectifs fixés ne sont toujours pas atteints et beaucoup trop de cyclistes et de piétons sont encore tués. Quant à la limitation à 80 kilomètres/heure pour les voitures, qui semble envisagée...

M. Alain Dufaut.  - Ridicule !

M. Jean-Claude Requier.  - ... j'y suis opposé. (« Bravos », sur les bancs du groupe Les Républicains). Comme le disait le président Pompidou, un homme plein de bon sens, mais en termes plus choisis : « Arrêtez d'ennuyer les Français ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - Je salue le travail des rapporteurs. J'interviens modestement sur cette mission depuis 2007 et j'ai pu constater combien les sécurités représentaient une priorité pour tous les gouvernements successifs. La sécurité des personnes et des biens est l'affaire de tous. Je salue gendarmes, policiers, pompiers mais aussi militaires de l'opération sentinelle et agents des trois fonctions publiques qui travaillent avec professionnalisme.

Les dangers sont présents partout. D'où l'importance des brigades de gendarmerie de proximité dans les Ardennes. Dans ce département transfrontalier, je constate le surcroît d'activité qu'entraîne le contrôle aux frontières depuis la loi du 30 octobre 2017.

Les moyens financiers sont ce qu'ils sont. L'essentiel, ce sont les moyens humains. Les missions confiées à nos policiers et gendarmes sont de plus en plus dangereuses, nous le constatons tous lors des cérémonies annuelles d'hommage aux agents morts en service. Le respect et la reconnaissance, l'écoute et le dialogue, telles sont les priorités à mettre en oeuvre.

Je participais à Charleville-Mézières au 73e anniversaire de la compagnie républicaine de sécurité 23. J'ai pu constater combien leurs missions, essentielles, sont souvent méconnues.

J'ai également participé à une réunion organisée par le préfet des Ardennes sur la police du quotidien. Les moyens doivent être à la hauteur des objectifs fixés.

Protéger nos concitoyens partout, lutter contre l'insécurité routière, contre les violences faites aux femmes et le harcèlement - un sujet malheureusement d'actualité, nous devons nous mobiliser pour la sécurité. Sur cette mission, je me rallierai à la position du rapporteur spécial. Vive les policiers, les sapeurs-pompiers et les gendarmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Luc Fichet .  - Les intervenants de la sécurité civile sont nombreux : sapeurs-pompiers, services de déminage, associations... Leurs actions sont d'ampleur qu'il s'agisse des spectaculaires feux de forêt, des attentats ou des catastrophes naturelles qui ont ravagé Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Martinique et la Guadeloupe.

La politique de sécurité civile est très largement financée au niveau local : les collectivités territoriales lui consacrent près de 5 milliards d'euros par an. Elle ne doit pas être le parent pauvre de la mission Sécurités.

Les crédits de paiement du programme sont en hausse de près de 400 millions d'euros, cela s'explique par la commande de six appareils multirôles pour renouveler la flotte de bombardiers d'eau. Elle dissimule cependant une diminution de la dotation de soutien aux SDIS créés par la loi du 27 décembre 2016 : 10 milliards d'euros en 2018, contre 25 milliards en 2017. Les SDIS et les sapeurs-pompiers occupent pourtant une place particulière avec une activité soutenue : 122 interventions par jour en moyenne et jusqu'à 254 par jour dans certains SDIS.

Nous nous félicitons du lancement de la mission gouvernementale qui augmentera le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires. Sous François Hollande, nous étions parvenus à enrayer la crise du volontariat : 200 000 en 2007, ils étaient passés à 192 000 en 2013, on en dénombrait 193 800 au 31 décembre 2016. Les volontaires doivent avoir les mêmes équipements, ils reçoivent la même formation que les professionnels.

Les crédits accordés pour 2018 ne sont pas au rendez-vous. Les sénateurs SOCR s'abstiendront sur ce programme.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je m'associe à l'hommage rendu à nos forces de l'ordre, de sécurité publique et civile. Comme ministre de l'intérieur, je suis extrêmement fier de leur action sur le terrain.

Je suis allé dans les quartiers difficiles, j'ai accompagné la BAC dans les périphéries, j'ai rencontré la gendarmerie dans les zones rurales. J'ai observé leur efficacité, la qualité de leur contact avec la population. J'ai constaté l'engagement de la sécurité civile lors des plus terribles feux de forêt que nous ayons connus depuis quatorze ans et l'ouragan dans les Antilles. Ces hommes et ces femmes sont formidables. Je leur dis merci. (Applaudissements sur tous les bancs)

Si je m'en tiens aux chiffres, car c'est sur leur base que votre commission des finances a rendu un avis favorable, on constate (L'orateur brandit un graphique.) une chute importante des effectifs jusqu'en 2012, puis une remontée. Même courbe pour les équipements dont les investissements remontent à partir de 2015.

Priorité à la sécurité. On a dit, lors du vote sur la loi contre le terrorisme, que j'étais trop sécuritaire. La semaine dernière, sur le marché de Noël de Strasbourg, j'ai constaté que, grâce à cette loi, cette belle manifestation pouvait avoir lieu et chacun y circuler librement.

Les crédits de la mission augmentent de 1,5 %. On dira que c'est peu. Mais c'est beaucoup quand le Gouvernement a décidé de réduire le déficit face à une dette de 2 200 milliards d'euros et de grandes difficultés à prévoir en cas de remontée des taux d'intérêt.

Les crédits de la mission augmentent de 1,5 %, de 1,9 % hors personnel. Cela signifie que les dépenses de fonctionnement et d'équipement sont supérieures aux dépenses de personnel. Le budget de fonctionnement est en hausse de 18 % par rapport à 2015, une année marquée par les attentats et des efforts exceptionnels. Nous voulons faire de la sécurité une priorité d'où notre accentuation des efforts passés.

Nous prévoyons la création de 10 000 emplois. Dès cette année, 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 personnels de la DGSI ; pour les années 2019 et 2020, 2 500 postes chaque année ; pour les années 2021 et 2022, 1 500 postes chaque année. On peut toujours dire que ce n'est pas assez. C'est pourtant un effort considérable ; ces efforts de recrutement bénéficieront du moratoire d'un an qui évitera que les nouveaux postes soient mobilisés par la « vacation forte ».

Nous procédons dans le même temps à une grande réforme de la procédure pénale. Les policiers et les gendarmes se plaignent de ce que la moitié de leur temps soit consacrée aux tâches administratives ; la réforme que la garde des Sceaux vous présentera prochainement les libérera de ces tâches indues que tous déplorent, y compris les magistrats. Avec la numérisation, cela contribuera à créer une sécurité et une justice du XXIe siècle.

Allez voir les maires ! Ils réagissent de manière très positive à notre consultation sur la police de sécurité du quotidien...

M. François Grosdidier.  - Avec des réserves !

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Nous allons mettre en place un véritable continuum de sécurité sur le terrain, intégrant notamment les agences de sécurité privées dont nous voulons renforcer le professionnalisme.

Je sais l'état déplorable des casernes et des commissariats. La gendarmerie a accumulé une dette de 114 millions d'euros sur ces loyers. Nous avons déjà commencé à la payer à raison de 13 millions par an...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela ne suffira pas...

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - ...ce qui ne nous empêche pas de mobiliser des moyens pour rénover les bâtiments. Des opérations importantes seront lancées en 2018 avec 100 millions d'euros prévus. Pas moins de 50 millions d'euros seront déconcentrés cette année contre 19 millions d'euros en 2017.

Pour la gendarmerie, le plan d'urgence pour le logement a été augmenté et les décisions de travaux seront également déconcentrées pour que l'on prenne des décisions plus efficaces au niveau local. Le Gouvernement, répondant à une demande, prolonge le régime juridique autorisant les collectivités territoriales à être maîtres d'ouvrage sur les travaux intéressant la sécurité intérieure.

Le renouvellement du parc automobile sera garanti avec l'acquisition de 3 000 véhicules. Au total, le budget alloué aux flottes des deux forces est de 136 millions d'euros.

Un saut technologique interviendra avec le plan Néogend qui prévoit la distribution de 67 000 tablettes et smartphones. Quelque 28 500 terminaux Néopol seront déployés dès 2018. Allez voir à Pontoise ce que développe le comité scientifique de la gendarmerie en coopération avec la police. Nous sommes le pays qui dépense le plus en euros sur l'innovation. Nos forces de sécurité sont dans la construction de l'avenir. Avec 20 000 gilets pare-balles pour la gendarmerie et 30 000 pour la police ; 2 millions d'euros pour les munitions dans la gendarmerie et 12 millions dans la police, qui peut dire que les moyens manquent pour l'équipement ?

J'attendais davantage d'indulgence de Mme Troendlé sur la sécurité civile... Acheter six avions supplémentaires, c'est un investissement important. Quant aux 10 millions d'euros engagés cette année sur le programme SGA-SGO, ils permettront des économies à venir.

Des réformes structurelles sont nécessaires pour une meilleure mutualisation entre la gendarmerie et la police, une plus grande compatibilité entre la police et la justice ; c'est par l'innovation que nous transformerons l'appareil de l'État. Nous réfléchirons à une plus grande coopération entre les services scientifiques de la police et de la gendarmerie, nous le devons à nos concitoyens.

Ce budget manifeste l'engagement qu'a pris le président de la République de faire de la sécurité sa priorité absolue. Le 23 novembre 2017, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission et ceux du compte d'affectation spécial et d'adopter sans modifications les articles 62 ter, 62 quater et 67 ainsi que l'article additionnel après l'article 67.

Mesdames, Messieurs les sénateurs, fiez-vous aux chiffres plus qu'à une subjectivité qui pourrait relever de l'approche politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et RDSE)

Examen des crédits et des articles rattachés

M. le président.  - Amendement n°II-361, présenté par M. P. Dominati, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

0

0

0

48 309 375

0

0

0

48 309 375

Gendarmerie nationale

dont titre 2

0

0

0

30 143 625

0

0

0

30 143 625

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

0

0

0

0

SOLDE

0

0

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Monsieur le Ministre, nous partageons votre enthousiasme sur les missions des forces de l'ordre ; c'est moins le cas sur les chiffres. Il y a une dizaine d'années, à effectifs égaux, il y avait 5 000 véhicules acquis chaque année contre 3 000 aujourd'hui.

Ce budget est celui d'une nouvelle mandature. L'ancien président de la République avait dû décliner un certain nombre de moyens par mesures d'exception. Cette année, nous retrouvons le même ratio : les postes se créent au détriment des moyens. Vous vous référez évidemment aux chiffres sur l'investissement de 2015, plutôt qu'à ceux de 2017. Tant que le ratio sera aussi déséquilibré, la situation demeura difficile.

C'est sous réserve de l'adoption de cet amendement que la commission des finances a émis un avis favorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Cet amendement augmente de 48 millions d'euros les crédits pour l'équipement et l'immobilier, au détriment des crédits pour le personnel, en tablant sur une réduction des tâches indues. Nous allons le faire, mais cela prendra un peu de temps. J'espère d'ailleurs que le Sénat nous soutiendra lors de la réforme de la procédure pénale. Mais je ne peux pas réduire les effectifs au moment où des milliers de maires me demandent au contraire de les augmenter !

M. Yannick Vaugrenard.  - Je comprends mal cet amendement. Augmenter les investissements en réduisant les rémunérations et les mesures catégorielles ? C'est comme si on repeignait les bureaux de poste en réduisant les salaires des postiers ; comme si on remplaçait la moquette de l'hémicycle en réduisant l'indemnité de M. Dominati... (Rires) Concourrez-vous au prix de l'humour noir 2017 ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Je vois cet amendement comme un amendement d'appel. L'incohérence est patente, dans ce projet de budget, entre les moyens matériels, en équipement, en véhicules, et les moyens humains annoncés. Regardons les chiffres : les crédits augmentent du montant de l'inflation. En attendant une éventuelle réforme de la procédure pénale, vous déclarez unilatéralement un moratoire sur l'application de la directive européenne sur le temps de travail des forces de l'ordre : mais comment faire sans que l'État soit condamné sous astreinte ?

Quand on examine les crédits du logement des gendarmes, du raccompagnement des étrangers en situation irrégulière, de la police de l'air ou encore des investissements de la sécurité civile, on n'a d'autre choix que de les rejeter, tant ils sont insuffisants pour mettre en oeuvre la politique de sécurité voulue par le président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Grosdidier.  - Le président Bas a très bien répondu aux caricatures. La police et la gendarmerie manquent de moyens humains mais aussi de moyens matériels, informatiques et immobiliers. Les véhicules sont obsolètes, les locaux insalubres. Combien de policiers équipés de caméra individuelle ? L'effort budgétaire n'est pas à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Frédéric Marchand.  - Le seul appel qui vaille est celui lancé par les citoyens et les élus locaux, qui demandent avant tout des effectifs, pour plus de proximité.

M. François Grosdidier.  - Avec les équipements qui conviennent !

M. Frédéric Marchand.  - Nous voterons contre l'amendement.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Fin 2018, toute la gendarmerie nationale sera équipée de tablettes : 28 500 terminaux Néogend cette année, 22 000 en 2018, 1 000 caméras piétons. Dire qu'il n'y a pas d'effort sur l'équipement, c'est un peu osé !

On peut toujours faire de l'intelligence augmentée, mais ce qui compte, c'est l'intelligence humaine. Pour assurer la sécurité, il faut plus de policiers et de gendarmes.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Vous promettez des tablettes mais le parc de véhicules est de plus en plus vieillissant, les entraînements au tir interrompus faute de cartouches ! Cet amendement vous offrait l'occasion d'inverser la tendance. Quand on crée trois postes, on supprime une voiture. Nous voulons les uns, et l'autre ! Par souci de clarté, je retire l'amendement, et la commission des finances proposera le rejet des crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

L'amendement n°II-361 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-373, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Créer le programme :

Police de proximité

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

 

1 000 000 000

 

1 000 000 000

Police de proximité

1 000 000 000

 

1 000 000 000

 

Gendarmerie nationale

dont titre 2

 

 

 

 

Sécurité et éducation routières

 

 

 

 

Sécurité civile

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

1 000 000 000

1 000 000 000

1 000 000 000

1 000 000 000

SOLDE

0

0

 

Mme Éliane Assassi.  - Face à la nécessité de retisser le lien de confiance entre la police et la population, le retour de la police de proximité, quel que soit son nom, est une bonne nouvelle, salué par 84 % des Français. Mais aucune ligne budgétaire ne lui est dédiée. Notre amendement y pourvoit.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Le président de la République a annoncé en octobre ce changement d'orientation mais le budget ne prévoit pas un euro pour la police de sécurité du quotidien. Cela dit, je ne suis pas favorable à la création d'une nouvelle direction centrale que propose votre amendement, sans compter qu'il porte sur un montant symbolique. Retrait ou avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable, à défaut de retrait.

Mme Éliane Assassi.  - Je partage en partie la position du rapporteur et retire l'amendement. Nous y reviendrons lors de l'examen de notre proposition de loi sur la police de proximité, le 13 décembre.

L'amendement n°II-373 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-376, présenté par M. Ravier.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

Sécurité et éducation routières

2 500 000

2 500 000

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

SOLDE

0

0

M. Stéphane Ravier.  - Je renouvelle notre soutien total à nos policiers, nos gendarmes et nos pompiers, qui sont au contact d'une population - pas toujours autochtone (Exclamations indignées sur les bancs du groupe CRCE) - hostile aux forces de l'ordre et plus largement à l'État et à la France. (Mêmes mouvements)

Nombreux sont les policiers qui doivent acheter eux-mêmes l'équipement indispensable à leur protection. Le Gouvernement se soucie davantage des conditions de détention des criminels que des conditions de travail des forces de l'ordre. Voyez l'état des commissariats des 13e et 14e arrondissements de Marseille : une honte !

En novembre, un policier a été condamné à six mois ferme pour avoir giflé un migrant, tandis que la racaille qui a voulu tuer en incendiant une voiture de police est sortie libre du tribunal ! Les Français sont révoltés par ce double scandale. Il y a quelque chose de pourri au royaume républicain de France...

M. François Grosdidier.  - La République !

Mme Éliane Assassi.  - La haine vous anime !

M. Stéphane Ravier.  - Comment s'étonner que les suicides de policiers se multiplient ? Alors que la menace terroriste est toujours aussi élevée, cet amendement crée vingt-cinq antennes supplémentaires de renseignement territorial (ART) armées par cinquante gendarmes (Brouhaha à gauche, où l'on signifie que le temps de parole de l'orateur est écoulé ; Mme Claudine Kauffmann applaudit.)

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Je m'en tiendrai à votre amendement. La proposition de créer 25 ART n'est pas critiquable, mais le transfert proposé diminuerait de 15 % le budget de l'action « Démarches interministérielles et communication », au détriment notamment de la politique de sensibilisation à la sécurité routière. Or il est important de mettre l'accent sur la prévention. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Nous consacrons d'importants moyens humains au renseignement : 4 400 agents à la DGSI, contre 3 400 en 2014 ; 2 630 agents pour le renseignement territorial, contre 1 980 en 2014. Sur les 10 000 créations de postes annoncées, 1 900 emplois seront créés au cours du quinquennat au profit de la DGSI et du renseignement territorial. Avis défavorable.

L'amendement n°II-376 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-307 rectifié bis, présenté par MM. Bazin, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Brisson et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Danesi, Mme L. Darcos, M. de Nicolaÿ, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Gruny, M. Husson, Mme Imbert, MM. Kennel et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Lefèvre, Mmes Lopez et Morhet-Richaud, MM. Mouiller, Paccaud et Priou, Mme Puissat et MM. Revet, Vogel et Savary.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

10 000 000

10 000 000

Sécurité civile

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Arnaud Bazin.  - À la suite de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires (PFR), le précédent gouvernement avait pris l'engagement d'abonder la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS à hauteur de 20 millions d'euros sur dix ans. Cela devait financer le déploiement d'un système unifié de gestion des appels, des alertes et des opérations, le renforcement du maillage territorial, la coordination de l'action....

Or le budget pour 2018 réduit de 10 millions d'euros les sommes promises pour l'investissement des SDIS. Cet amendement d'appel traduit les engagements pris envers les élus départementaux.

M. le président.  - Amendement identique n°II-410, présenté par M. Capus.

M. Emmanuel Capus.  - Cet amendement met en oeuvre les engagements du précédent Gouvernement en portant à 20 millions d'euros la dotation de soutien aux investissements structurants au SDIS.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Je partage les motivations de ces amendements, mais ils prélèvent 10 millions d'euros sur le programme 207 consacré à la sécurité routière, ce qui le priverait du quart de son budget, et amputent tout particulièrement le volet préventif. Retrait ou avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le Gouvernement travaille avec l'ADF sur le projet SGA-SGO qui rendra compatibles tous les systèmes. Un comité sur la sécurité routière se tiendra début janvier, ce sera l'occasion de proposer des orientations. Avis défavorable.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis.  - Ma démarche n'est nullement politicienne, mais de conviction. Le budget de la sécurité civile est en inadéquation avec les missions de nos sapeurs-pompiers. Les dotations aux départements sont en baisse, et le fonds d'aide à l'investissement, entièrement consacré au réseau Antares, est à zéro.

J'avais défendu ici la proposition de loi Bacquet avec la conviction que 20 millions d'euros seraient fléchés vers les investissements pour les SDIS. La cause semblait entendue. Or ce budget en ampute 10 millions, au détriment des projets structurels des SDIS ! Le système SGS-SGO se met en place sur le long terme, il n'y aura pas d'économie pour les SDIS. J'invite mes collègues à voter cet amendement à l'unanimité, comme ils l'ont fait pour la proposition de loi Bacquet. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Arnaud Bazin.  - Je suis conscient des imperfections qui résultent de la nécessité de gager un amendement : d'autres propositions pourront être faites. Il s'agit ici d'exprimer notre volonté de préserver les investissements des SDIS.

M. Emmanuel Capus.  - C'était un amendement d'appel, pour attirer l'attention du Gouvernement sur le respect des engagements passés. Mon but n'est nullement de réduire les crédits alloués à la sécurité routière. Je le retire.

L'amendement n°II-410 est retiré.

L'amendement n°II-307 rectifié bis est adopté.

Les crédits de la mission « Sécurités », modifiés, ne sont pas adoptés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

L'article 62 ter est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 62 TER

M. le président.  - Amendement n°II-342, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est joint au projet de loi de finances de l'année, dans les conditions prévues au 7° de l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un rapport faisant état du coût, au titre des exercices budgétaires précédents, et des dépenses prévues, pour l'exercice à venir, en vue du financement des actions de prévention et de lutte contre le terrorisme.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement, déjà adopté au Sénat, demande un rapport sur le coût des actions de prévention du terrorisme. C'est un domaine opaque, avec des crédits dispersés entre différents programmes et sans aucun contrôle des associations impliquées.

Il conviendrait de confier des missions de lutte contre la radicalisation aux établissements pour l'insertion dans l'emploi (Épide), qui sont très bien structurés. La prévention est essentielle !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - En effet, le Sénat s'est déjà posé cette question. Dans les tableaux du ministère des Armées, les crédits sont clairement fléchés ; vos prédécesseurs ne les ont pas fait apparaître dans la présentation de cette mission. La commission a rendu un avis de sagesse - plutôt défavorable - pour laisser le temps au nouveau Gouvernement de répondre à la demande.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - J'ai entendu le premier cri de Mme Goulet, mais nous aurons l'occasion d'y revenir, une fois la question étudiée, peut-être après un deuxième cri de Mme Goulet... Un rapport global sur l'ensemble des actions sera remis dans deux ans.

Mme Nathalie Goulet.  - Je n'ai pas l'intention de m'égosiller, mais il faut absolument contrôler les budgets des associations en charge de la déradicalisation, car il y a des effets d'aubaine. Je vous invite à en rencontrer les responsables. Je retire l'amendement, mais nous en reparlerons.

L'amendement n°II-342 est retiré.

L'article 62 quater est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 62 QUATER

M. le président.  - Amendement n°II-404 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Cabanel, Mme Conconne, M. Féraud, Mmes Ghali et Grelet-Certenais, M. Iacovelli, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mmes Meunier, Monier et Taillé-Polian, M. Tissot, Mmes Rossignol et Préville, MM. Jomier, Kerrouche, Devinaz et Assouline, Mme Tocqueville, MM. Temal et Manable, Mme Lienemann, M. Marie et Mme Espagnac.

Après l'article 62 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à évaluer le coût et les conditions de mise en place d'un système d'attestations de contrôles d'identité et de leur expérimentation.

Ce rapport détermine les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en oeuvre de ce système. Il en établira également les modalités d'expérimentation.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Le président de la République l'a reconnu, il y a un problème de confiance entre les forces de l'ordre et les jeunes des quartiers. La future police de la sécurité du quotidien devra y remédier. Reste qu'un jeune a huit fois plus de risque d'être contrôlé que les autres ; un jeune homme d'apparence noire ou maghrébine, 80 % de chances en plus ! D'où un sentiment de discrimination qui nourrit les tensions.

Certaines grandes villes, dont Paris, proposent d'expérimenter la traçabilité des contrôles d'identité. Cet amendement demande un rapport sur la mise en place d'un récépissé, sachant que l'État a été condamné pour faute lourde, en novembre 2016 pour contrôle d'identité discriminatoire. Il ne s'agit pas d'une vue de l'esprit, mais de la réalité que vivent les jeunes des quartiers ! Je compte sur votre talent, Monsieur le Ministre, pour expliquer aux syndicats de police que tout le monde y aurait intérêt.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Avis défavorable : la délivrance d'une attestation de contrôle d'identité relève de ces tâches indues que nous dénonçons. De plus, les caméras piétons, très efficaces, sont en cours de déploiement.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le rapporteur spécial défend avec tant de conviction les arguments du Gouvernement que je me demande s'il ne regrette pas son vote sur les crédits de la mission... (Sourires) Même avis.

M. François Grosdidier.  - Les policiers et gendarmes consacrent les deux tiers de leur temps à la procédure, au détriment de l'opérationnel. Cessons de rajouter des exigences de paperasserie !

Oui, dans certains quartiers, les relations avec la population sont tendues. On peut se satisfaire des caméras individuelles mais je regrette la lenteur de leur déploiement. Nous en sommes encore au stade de l'expérimentation... Les caméras garantissent contre tout débordement des forces de l'ordre, contre toute mise en cause injustifiée, et offrent des éléments tangibles en cas d'outrage ou de rébellion.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - La République doit être la même pour tous. Or certains publics sont en défiance et se sentent discriminés. Je voterai cet amendement qui est aussi dans l'intérêt des forces de l'ordre.

M. Roger Karoutchi.  - Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, déclarait en 2015 que les attestations de contrôle d'identité seraient un signe de défiance vis-à-vis des policiers. Deuxième argument : beaucoup de policiers, déjà débordés par la paperasse, renonceront tout simplement aux contrôles d'identité. Nous faisons confiance à la police de la République et au ministre d'État pour donner par circulaire les instructions pour que l'ordre public soit concilié avec la tolérance et la générosité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Arnaud Bazin.  - Je fais crédit au ministère de l'intérieur de sa volonté de déployer les caméras piétons, mais si les gendarmes de Persan en sont équipés depuis les évènements de Beaumont, c'est qu'elles ont été payées par la commune. Raison de plus pour voter contre les crédits... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Jean-Yves Leconte.  - Le Défenseur des droits, la Cour des comptes, le Conseil constitutionnel, tous estiment que les contrôles d'identité posent problème : il y a une discrimination perçue, malsaine pour la société. Vous refusez de voir le problème, c'est dommage. Cet amendement prévoit seulement un rapport. Contrôler cinq ou dix fois les mêmes personnes chaque mois, n'est-ce pas une surcharge inutile ?

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Cela ne sert à rien !

M. Jean-Yves Leconte.  - Jeter un voile sur les difficultés ne les résout pas, au contraire ! Même une expérimentation dans les communes volontaires a été refusée. Adoptons cet amendement pour aider la police à être plus performante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Esther Benbassa.  - Le groupe EELV avait déposé une proposition de loi dès 2011, le groupe CRC aussi - hélas rejetée. Dès 2012, un séminaire organisé par le Défenseur des droits avait mis en avant les expériences britannique, américaine et madrilène : le récépissé, initialement refusé par la police, a contribué à retisser les relations avec la population. M. Rebsamen avait évoqué une expérimentation près de Dijon. Les caméras sont un substitut mais pas la solution : on ne voit pas toujours le matricule, et elles sont souvent éteintes. Nous attendons encore les caméras promises après l'agression du jeune Théo...

L'amendement n°II-404 rectifié bis n'est pas adopté.

COMPTE SPÉCIAL : CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

M. le président.  - Amendement n°II-310, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

20 000 000

20 000 000

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

Désendettement de l'État

TOTAL

20 000 000

20 000 000

SOLDE

- 20 000 000

- 20 000 000

 

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Cet amendement diminue de 20 millions d'euros la subvention versée à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai), dont le fonds de roulement dépassait 38,1 millions d'euros au 1er janvier 2017, bien au-delà du niveau prudentiel. Je n'ai pas obtenu du Gouvernement de justifications sur cette somme : dans le cas de l'Antai, il n'y a aucune raison pour que le paiement des opérateurs extérieurs et le recouvrement auprès des collectivités soient en décalage. Cet argent n'est manifestement pas utilisé correctement.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable. Le niveau du fonds de roulement prévisionnel doit être maintenu, compte tenu des deux réformes majeures prévues en 2018 : la décentralisation du stationnement payant et l'externalisation de la conduite des véhicules Radar, appelée à générer un surcroît de PV électroniques.

L'amendement n°II-310 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-311, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

47 800 000

47 800 000

Désendettement de l'État

47 800 000

47 800 000

TOTAL

47 800 000

47 800 000

47 800 000

47 800 000

SOLDE

0

0

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - La dotation du programme 754 est en diminution de 22,3 % par rapport à la loi de finances pour 2017.

La part des collectivités territoriales, qui recevaient auparavant la totalité du produit des amendes forfaitaires radar, est réduite à 516,6 millions d'euros. Cette baisse anticipe les conséquences financières pour les collectivités territoriales de la décentralisation du stationnement payant. L'amendement maintient les crédits sans augmenter la ponction pour le désendettement de l'État, et réaffecte 47,8 millions au programme 754.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Cet amendement renvoie à la question des conséquences financières de la décentralisation du stationnement payant. La perte de recettes pour l'État a été estimée à 200 millions d'euros. Pour garantir la neutralité de la réforme, les 95 millions de perte sur le programme 755 financeront le désendettement de l'État -  selon la clé de répartition existante, à savoir 43 % pour les collectivités territoriales et 47 % pour l'État. Avis défavorable.

L'amendement n°II-311 est adopté.

Les crédits du compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routier », modifiés, sont adoptés.

L'article 67 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 67

M. le président.  - Amendement n°II-312, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission.

Après l'article 67

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la troisième phrase du c du 2° du B du I de l'article 49 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour 2018, le montant de cette perte de recettes est calculé de sorte que le montant des versements au budget général soit égal à celui prévu par la loi de finances initiale pour 2017. »

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Cet amendement est la conséquence du précédent.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°II-312 est adopté et devient un article additionnel.

La séance, suspendue à 17 heures, reprend à 17 h 15.

Demande de priorité d'examen

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de priorité de la commission sur l'article 52, afin qu'il soit examiné avant les crédits de la mission « Cohésion des territoires » prévu demain après-midi.

Selon l'article 44, alinéa 6 de notre Règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Je n'ai pas d'opposition.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances.  - La commission des finances a considéré qu'il serait plus pertinent pour la rationalité de nos débats de commencer nos débats par l'examen de cet article.

La priorité est ordonnée.

Immigration, asile et intégration

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains). Le budget de cette mission est insincère. Il n'est pas sérieux. Cette mission est sous-budgétisée, même si c'est moins que l'année dernière, alors que la crise migratoire n'a guère faibli.

Ainsi, les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière vont baisser de 7 % alors que ceux dédiés à l'accueil des primo-arrivants augmentent de 10 %. Peut-on m'expliquer par quel miracle nous pourrions accueillir davantage d'étrangers et que, dans ce contingent, il y ait moins d'étrangers à reconduire à la frontière ? Autre incohérence, les demandes d'asile au titre de la procédure Dublin ne sont pas comptabilisées, alors qu'elles ont progressé de 114 % en 2016 !

Alors qu'on diminue les crédits de la lutte contre l'immigration clandestine, on augmente de 62 % ceux des centres provisoires d'hébergement.

Cette mission s'intitule officiellement « Immigration, asile et intégration». La réalité, c'est que 14 % vont à l'intégration, 6 % à la lutte contre l'immigration clandestine - et 71 % à l'asile.

Or l'asile, qui se taille la part du lion, est dans un état calamiteux : le délai moyen d'instruction d'une demande d'asile est de 449 jours, deux fois plus que l'objectif ! Ceci parce que l'asile a été détourné de son objet pour devenir une nouvelle filière d'immigration clandestine.

Force est de reconnaître que nous n'avons pas de politique d'immigration digne de ce nom. Nous nous refusons à voir en face que les demandes d'asile sont désormais majoritairement une filière, parfaitement connue et reconnue, d'immigration clandestine et non une façon de venir en aide aux persécutés, contraints de fuir leur pays.

Le coût d'une reconduite à la frontière étant évalué à 4 200 euros, la reconduite ne serait-ce que de 30 000 personnes coûterait 126 millions d'euros - mais le Gouvernement ne prévoit que 83 millions d'euros...

Un tel défaut de politique est dangereux pour la France, pour les Français et pour les étrangers.

Dangereuse pour la France qui se voit privée de ce choix élémentaire des nations souveraines : choisir qui nous voulons accueillir chez nous ! Notre collègue Georges Patient, le 17 octobre, nous a dit qu'en Guyane, certains parlaient de « génocide de substitution ». Le terme est sans doute exagéré, mais qui peut nier que 11 000 demandes d'asile pour 250 000 habitants, c'est un chiffre difficilement supportable ?

Cette absence de politique est aussi dangereuse pour les Français. Il n'est certes pas très bien vu de lier immigration, terrorisme et insécurité. Mais ce lien a été fait par l'État islamique lui-même, quand il a demandé aux djihadistes de se glisser parmi les réfugiés - et aussi par Gilles de Kerchove, le coordinateur pour l'Union européenne de la lutte contre le terrorisme, dont les mises en garde ont bien sûr été balayées avec mépris par les commentateurs bien-pensants...

Enfin, notre absence de politique migratoire, doublée de toutes les pompes aspirantes que l'État-providence déploie pour attirer toute la misère du monde, est dangereuse pour les candidats à l'immigration eux-mêmes. Le drame qui se joue actuellement en Méditerranée, l'esclavage qui se répand comme une traînée de poudre en Libye, sont directement liés à notre laxisme migratoire qui a donné des ailes aux passeurs. Le général italien Vincenzo Santo, ancien numéro deux de l'OTAN en Afghanistan, déclarait récemment qu'il suffirait d'en confier à l'armée la mission, pour arrêter le débarquement de migrants sur les côtes italiennes.

Ce n'est pas tout. Cette absence de politique migratoire détourne profondément le sens l'État-providence. Quand on voit que l'allocation de demandeur d'asile est de 360 euros par mois, et que l'on songe que le tiers des agriculteurs français vivent avec moins de 350 euros par mois, on se dit qu'il y a quelque chose de pourri dans notre beau pays de France !

Ressaisissons-nous ! Je vous invite à relire Que survive la France le livre que Michel Poniatowski a publié en 1991. À force de retarder les décisions douloureuses, nous les rendons plus douloureuses encore. À force de différer, nous préparons les conditions d'une déflagration catastrophique. Nous devons assumer nos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Le budget de cette mission est en hausse de 10 % en autorisations d'engagement.

Le Sénat a été entendu avec la construction de 3 000 nouvelles places dans les centres provisoires d'hébergement (CPH). Mais la politique d'intégration est en grande souffrance : le nombre de visites médicales effectuées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) baisse de 76 %, cela crée un problème sanitaire certain. Le contrat d'accueil et d'intégration ne parvient pas à ses objectifs : 40 % des étrangers en situation régulière qui suivent les enseignements contractuels, n'atteignent pas le niveau de français requis.

Il faut abroger les circulaires Valls de 2012. Quelque 53 600 déboutés du droit d'asile ne sont pas raccompagnés, ils engorgent les possibilités d'accueil, au détriment des personnes persécutées. L'immigration irrégulière est préoccupante. Les 10,5 millions d'euros consacrés au démantèlement de la « jungle » de Calais auraient pu être utilisés dans le cadre d'une politique d'éloignement. Les crédits débloqués pour mettre en oeuvre cette politique ne permettront que 14 500 éloignements en 2018, soit moins qu'auparavant.

Enfin, le budget des centres de rétention administrative (CRA) est en deçà de l'exécution de 2016, alors que leur taux d'occupation a augmenté de 40 % à la suite de l'attentat de Marseille et que vous envisagez de passer la durée de rétention de 45 à 90 jours. Comment, dans ces conditions, respecter les droits fondamentaux des étrangers placés en rétention mais également des personnels de la police aux frontières ?

Pour ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable à ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Antoine Karam .  - Ce budget est essentiel : il traduit la volonté du Gouvernement de mieux maîtriser les flux migratoires, tout en améliorant l'asile et l'intégration.

Le budget de la mission progresse de 285 millions d'euros. Je salue cette hausse, une avancée dans un contexte budgétaire contraint. Les chiffres donnés par le rapporteur spécial sont incomplets. Il reconnaît lui-même que le nombre d'immigrants accueillis est calculé en fonction du nombre des bénéficiaires de l'aide médicale d'État - qui, par exemple, n'est pas applicable à Mayotte. La gravité de l'immigration clandestine est sous-estimée pour des territoires comme Mayotte et La Guyane. En 2016, à Mayotte, on a recensé 22 600 reconduits à la frontière, contre 13 000 dans l'Hexagone. En Guyane, on compte 11 000 demandes d'asile par an : c'est comme si l'Hexagone recueillait un million de demandes !

Demander l'asile est un droit, mais c'est aussi une réalité - et cette réalité, c'est que la Guyane est trop attractive pour les demandeurs d'asile qui n'ont pas un besoin manifeste de protection. En 2016, seuls 2,6 % des dossiers ont été acceptés par l'Ofpra. Les reconduites à la frontière ne sont pas suffisantes. En octobre, le président de la République a annoncé des mesures importantes pour la Guyane : réduction à deux mois du versement de l'ADA, accélération des délais de traitement, conditionnement de l'accès au RSA à quinze ans de résidence, contre cinq actuellement, démonétisation du RSA. Nous avançons dans les négociations avec le Suriname et gardons espoir que notre voisin ratifie l'accord de réadmission signé en 2004.

Je me satisfais donc de voir le chef de l'État et ce gouvernement ouvert à un dialogue franc et responsable sur la manière de mieux lutter contre l'immigration irrégulière dans ces territoires au bord de l'asphyxie.

Plusieurs points demeurent cependant très inquiétants, Monsieur le ministre. Le nombre de mineurs isolés explose : 4 000 en 2010, 13 000 en 2016, 25 000 en 2017 ! Les collectivités territoriales sont dépassées. L'enveloppe de 132 millions d'euros est insuffisante. Il faudrait un milliard d'euros. Enfin, comment ne pas penser aux tragédies en Méditerranée, aux personnes vendues sur les marchés d'esclaves en Libye ? Je déplore que la majorité sénatoriale ait réduit de 300 millions d'euros les crédits de l'aide médicale d'État.

Le groupe LaREM votera ce budget qui va dans le bon sens et marque le départ d'une politique ambitieuse pour répondre aux besoins en France et en outre-mer, en attendant la future loi sur l'asile.

Mme Esther Benbassa .  - Le président de la République a qualifié la vente d'exilés noirs sur des marchés d'esclaves en Libye de crimes contre l'humanité. Ce triste spectacle devrait nous ouvrir les yeux sur le devenir de ceux qui sont poussés sur les routes et la mer par la misère, la guerre ou l'oppression - et nous inviter à une certaine pudeur, dont tous les membres de cette assemblée ne sont pas capables, manifestement. Je cite votre rapport, Monsieur Meurant : l'ADA étant de 360 euros alors que le Smic roumain n'est que de 320 euros, nous attirons l'immigration clandestine. Comment peut-on imaginer décemment que des gens acceptent d'être réduits à l'esclavage pour 360 euros ?

Cette mission est biaisée ; en mêlant immigration, asile et intégration, elle opère un tour de passe-passe politique mêlant trois problèmes différents dans l'esprit de nos concitoyens. Ce qui permet, par exemple, à notre rapporteur spécial d'évoquer à tout propos la « menace » qui pèserait sur notre « cohésion sociale »...

Comment peut-on tenir de tels discours lorsqu'il n'y a que 1,17 demande d'asile pour 1 000 habitants - quand il y en a 1,95 en Italie, 4,71 en Grèce et 8,83 en Allemagne ? L'écart est grand entre les mots et les actes. Alors que le président de la République assure que tous les migrants seront logés dignement d'ici la fin de l'année, les préfets prennent chaque jour des décisions illégales, les policiers attentent chaque jour dans le Calaisis, dans la Roya, à Briançon, à la sécurité et à la santé des exilés, tout comme à nos concitoyens qui leur portent secours et font acte de solidarité humaine.

Quant aux mineurs isolés, ils ne sont pas protégés alors qu'ils dorment dans la rue - et ils sont même renvoyés directement de Menton vers l'Italie...

Nous ne voterons pas ce budget, insuffisant pour répondre aux exigences de solidarité ; la majorité sénatoriale votera contre aussi, mais au motif qu'il n'y a pas assez de reconduites à la frontière !

Deux visions radicalement différentes de la société s'opposent dans un même vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Des réformes sont nécessaires. De l'immigration à l'intégration, tout est lié. Ce budget concerne le volet franco-français, mais nous sommes dépendants de la crise en Libye, au Moyen-Orient, en Guyane ou à Mayotte.

Les accords de Dublin ne sont pas respectés, ce qui pose un problème d'équité entre les pays membres au sujet des éventuelles relocalisations.

Si la mise en oeuvre des mesures d'éloignement dépendait uniquement des crédits alloués, le problème aurait été réglé depuis longtemps. Les enjeux sont ailleurs : accords de réadmission, refonte du droit d'asile. Le Gouvernement fait un effort de sincérité en limitant les sous-budgétisations.

Une approche centrée seulement sur le nombre de reconduites à la frontière budgétées est réductrice. Il importe de distinguer entre demandeurs du droit d'asile et migrants économiques. Le délai de quinze mois pour recevoir la demande n'est pas acceptable. Inspirons-nous du modèle allemand qui a su revoir son droit dans le respect de sa loi fondamentale et de sa cour constitutionnelle, qui ne sont pas moins exigeantes que les nôtres. Que pense le Gouvernement de l'arrêt de la Cour de Cassation du 27 septembre dernier, portant interprétation du règlement 604/2013 de l'Union : notre voie législative est-elle libre, ou bien faut-il réformer le règlement européen ?

Le groupe UC dans sa majorité suivra l'avis des rapporteurs. Je vous invite au dialogue pour revoir le droit d'asile ou renégocier plusieurs conventions internationales.

M. Jean-Yves Leconte .  - Asile, immigration : voilà deux politiques distinctes qui ne devraient pas être discutées ensemble, même si certains liens existent. L'asile est avant tout une tradition conforme à nos valeurs, un engagement de la France, un droit constitutionnel. Le précédent gouvernement a réduit sensiblement les délais d'examen des dossiers, mais ils restent toujours terriblement longs.

Je salue le travail de l'Ofpra et des consulats pour la délivrance de visas. Il n'est pas acceptable de devoir risquer sa vie pour avoir des droits !

J'ai des doutes sur la réforme en cours du paquet d'asile et la notion de pays tiers sûr, qui revient à déléguer à d'autres pays nos propres obligations - j'y vois un déni de ces obligations : qu'en pensez-vous, Monsieur le Ministre ?

Pourquoi ne pas donner aux demandeurs d'asile un permis de travail ? Tout le monde y gagnerait. J'ai été choqué de voir que des mineurs ont été reconduits en Italie dans les Alpes sans être accompagnés. Je suis frappé par le non-respect des décisions de la Cour de Cassation sur les placements en centre de rétention administrative. De même, je suis choqué par l'usage des tests osseux, qui sont une véritable escroquerie quand il s'agit de déterminer l'âge des personnes dont on doute qu'elles soient mineures.

Je suis inquiet pour l'espace Schengen si on laisse les pays d'entrée seuls face à la gestion de la crise : on voit ce que cela donne avec l'Italie, qui a fini par s'entendre avec la Libye.

L'immigration n'est pas une plaie. Il est préférable pour un pays de faire envie que de faire fuir ! Et parce que c'est par l'innovation, la diversité que l'on pourra s'adapter, les immigrés peuvent nous accompagner positivement dans cette période de transition économique. Dans la Silicon Valley, la moitié des créateurs d'entreprises ne sont pas américains ! L'immigration peut être une chance. Nous avons tous été choqués par les images des marchés aux esclaves en Libye, mais le colonel Kadhafi n'était qu'un paravent ; aujourd'hui, nous ne pouvons plus faire semblant de ne pas voir - c'est bien pourquoi nous devons trouver les moyens pour que de telles injustices ne se produisent plus. Monsieur le Ministre, pensez-vous possible de détruire le mythe qui pousse, en Afrique, autant de personnes à prendre tant de risques pour venir chez nous ?

Notre responsabilité est lourde face à ces gens qui risquent leur vie pour un avenir. C'est notre histoire et notre confiance en nos valeurs qui sont en jeu.

Le groupe SOCR s'abstiendra.

M. Dany Wattebled .  - Cette mission représente 1,35 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,38 milliard d'euros en crédits de paiement, en hausse respectivement de 10,44 % et 26 %. Cependant, ne nous y trompons pas : la hausse s'explique par celle du nombre de demandeurs d'asile, qui a bondi de 62 % entre 2010 et 2016.

Je ne comprends pas la stratégie du Gouvernement. Derrière la fermeté de son discours, le Gouvernement n'envisage pas d'abroger la circulaire Valls du 28 novembre 2012 qui a fait régulariser 30 % de plus d'irréguliers en quatre ans. Pas moins de 240 millions d'euros sont consacrés à l'immigration régulière et à l'intégration. Or il s'agit de financer les nouvelles missions de l'Ofii, dont la priorité n'est plus l'intégration, mais la prise en charge des demandeurs d'asile.

Les visites médicales sont de moins en moins nombreuses. Le contrat d'intégration républicaine est un échec : 40 % des migrants échouent à atteindre le niveau requis. La procédure d'instruction des demandes de droits d'asile est trop longue : quatorze mois en moyenne. Il y a enfin un suivi insuffisant des déboutés de la demande d'asile, au nombre de 53 600 demandeurs, qui engorgent le système au détriment des vraies victimes de persécution.

Trop peu d'éloignements sont effectués : moins de 18 % des mesures prononcées sont appliquées. Le président de la République avait souhaité le 15 août expulser les étrangers en situation irrégulière ayant commis un délit. Mais on en sera loin. Seules 14 500 reconductions sont budgétées et quelque 75 000 personnes sont maintenues en France en toute illégalité.

Le groupe Les Indépendants ne votera pas cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Stéphane Ravier .  - Le Front National a trois minutes pour porter la voix de la majorité de nos compatriotes qui, malgré une propagande tous azimuts, considèrent que l'immigration est une menace pour la France, son identité et sa prospérité. Le budget de cette mission est en hausse de 28 % avec une part dérisoire consacrée à la lutte contre l'immigration irrégulière dont les crédits diminuent de 7 %.

Le budget de l'allocation pour les demandeurs d'asile relève de la provocation : 318 millions d'euros. Nos agriculteurs, nos artisans et nos retraités aimeraient en percevoir autant.

Un chiffre : 18 % des expulsions ordonnées sont exécutées et vous diminuez de 3 millions d'euros les crédits dédiés.

Nous faisons face à une explosion des demandes d'asile. On recense 90 000 demandeurs d'asile dont 45 % ont déjà fait une demande dans un ou plusieurs États européens. Votre obsession masochiste de protéger le lointain au détriment de son prochain prend ici toute son ampleur.

Mme Esther Benbassa.  - C'est de la haute psychologie !

M. Stéphane Ravier.  - Macron et son gouvernement déconstruisent la France, mais aussi l'unité du peuple français. Il est urgent de sortir des accords de Schengen.

Mme Esther Benbassa.  - C'est déjà fait, en partie !

M. Stéphane Ravier.  - Vous masquez le danger par le cache-sexe de la sémantique du vivre ensemble.

Mme Esther Benbassa.  - Après le masochisme, le cache-sexe !

M. Stéphane Ravier.  - Si l'immigration est une chance pour le grand patronat, pour les syndicats résiduels et les idiots utiles des partis de gauche,...

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Merci !

M. Stéphane Ravier.  - ... libérez-vous, Monsieur le Ministre, de ce dogme. Le peuple français, si généreux, n'en peut plus de se sentir étranger dans son propre pays.

Mme Claudine Kauffmann.  - Bravo !

M. Guillaume Arnell .  - Le 12 juillet dernier, le Gouvernement a rendu public son plan destiné à garantir le droit d'asile et à mieux maîtriser les flux migratoires. Ce budget correspond à ces engagements, en particulier sur le droit d'asile.

L'action 2 de cette mission « Garantie du droit d'asile » concentre 71 % des crédits, contre 67 % l'an dernier. À ceux-ci s'ajoutent également les crédits de l'action « Accompagnement des réfugiés » au sein du second programme « Intégration et accès à la nationalité française », qui doublent presque cette année. Il faut, en outre, intégrer les moyens des préfectures mais surtout ceux attribués à la Cour nationale du droit d'asile et aux juridictions administratives au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Grâce à ces efforts, seront réduits les délais d'examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié ou de protection devant l'Ofpra et les recours portés devant la CNDA.

La priorité est d'agir face à une situation d'urgence découlant de la déstabilisation de pays de la rive sud de la Méditerranée, qui agissaient jusqu'alors comme des régulateurs. Nous avons aussi à mettre en oeuvre le Règlement Dublin III.

Le rééquilibrage entre droit d'asile et titre de séjour initiant un parcours d'intégration ouvrant la voie vers l'acquisition de la nationalité française mérite réflexion. De nombreuses personnes sont tentées de demander l'asile et la reconnaissance de l'Ofpra pour régulariser leur situation. Les parcours s'entremêlent nourrissant la confusion entre immigration et asile. Sur le plan administratif, la conséquence en est l'apparition d'une juridiction et d'une administration propre à l'asile animées par de jeunes diplômés recrutés comme contractuels. Aux demandeurs en détresse font face des agents inexpérimentés. À terme, un rapprochement des services examinant les demandes de titres de séjour, d'asile et de protection subsidiaire pourrait être envisagé ; les demandeurs seraient mieux orientés et le coût de l'examen des dossiers et des recours réduit. C'est ainsi que nous redonnerions au droit d'asile son sens premier, celui inscrit dans Constitution de 1793 : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans ». Une meilleure distinction entre asile et immigration passe aussi par une meilleure intégration.

Les territoires français ne sont pas exposés de la même manière au phénomène migratoire. Saint-Martin est un cas d'école pour constituer une zone frontalière éloignée et insulaire. Cela justifierait que le député Aurélien Taché nous rende visite dans le cadre de sa mission. Selon une évaluation de la Direction générale de l'outre-mer, plus de 30 % des habitants de l'île sont nés ailleurs qu'en France, principalement dans l'île d'Hispaniola. Une révision des modalités de contrôle de l'immigration s'impose de même qu'une adaptation des parcours d'intégration à chaque âge de la vie.

Pour conclure, l'immigration n'est plus un phénomène épisodique, elle se renforcera avec l'immigration climatique. La France n'a plus la capacité d'accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre sa part en veillant à préserver ses équilibres sociaux et territoriaux.

Le groupe RDSE votera les crédits. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Alain Dufaut .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La maîtrise des flux migratoires passe par une lutte sans ambiguïté contre l'immigration irrégulière. La baisse de 7 % des crédits affectés à ce volet...

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Faux !

M. Alain Dufaut.  - ...est en totale contradictoire avec la volonté affichée par le Gouvernement. Détaillons-les : 40,4 millions d'euros pour financer les 27 centres de rétention administrative, les 4 locaux de rétention administrative et la zone d'attente de Roissy ; 30 millions d'euros pour les frais d'éloignement. Or les correctifs apportés à la sous-occupation des centres de rétention administrative feront mécaniquement augmenter le nombre des candidats au retour. Pour le seul premier semestre 2017, François-Noël Buffet notait dans son rapport que le taux d'occupation des centres de rétention administrative a augmenté de 66 %.

Si l'on extrapole à partir du nombre de bénéficiaires de l'AME - 311 310 personnes fin 2016, il y a probablement plus de 400 000 immigrés irréguliers sur notre sol. Faut-il rappeler que 92 000 mesures d'éloignement ont été prononcées en 2016 dont 18 % seulement ont été exécutées ?

Il faut renégocier avec les pays d'origine, en particulier le Maroc, la Tunisie et le Pakistan pour obtenir des laissez-passer consulaires indispensables à une véritable politique d'éloignement.

Ce budget démontre que le Gouvernement sera incapable de tenir ses objectifs. Le groupe Les Républicains votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fournier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Devant les crédits de cette mission, je me sens partagé. L'effort budgétaire pour améliorer les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et la politique d'intégration est indéniable. Pour autant, votre politique demeure floue : il y a un décalage entre le discours et la réalité. Rien n'est simple en ce domaine où nous devons trouver un équilibre entre humanisme et réalité.

La pression migratoire a été extrêmement forte, en particulier en 2015. Depuis quarante ans, nos politiques migratoires échouent. Le problème devient de plus en plus aigu car nous devons intégrer des gens qui viennent de pays de plus en plus éloignés ne partageant aucune de nos valeurs culturelles.

Seules 18 % des mesures d'éloignement sont exécutées. Il est trop tôt pour juger de la mise en oeuvre des engagements du président.

Les aides aux collectivités sont insuffisantes, particulièrement en Guyane et à Mayotte, exposées à une explosion de l'immigration irrégulière.

Les pays du groupe de Visegrad refusent obstinément les mesures de solidarité demandées par Bruxelles. Seulement 23 % des franchissements irréguliers des frontières de l'Europe donnent lieu à un prélèvement d'empreintes digitales. Cela dit tout de l'efficacité de la politique en matière d'immigration. Que se passera-t-il si M. Erdogan, pour faire pression sur l'Europe, décide de remettre en question l'accord signé en avril 2016 avec l'Union européenne ?

Je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Gérard Collomb, ministre d'État .  - Les crédits de la mission sont en hausse de 26 % par rapport à 2017.

L'Europe affronte une crise migratoire sans précédent, avec un nombre croissant de réfugiés fuyant le théâtre de guerre irako-syrien, mais aussi de plus en plus de réfugiés économiques venant de pays réputés sûrs. Au niveau européen, les demandeurs d'asile ont décru entre 2016 et 2017. Ce n'est pas le cas en France où l'on a enregistré 85 726 demandes d'asile en France en 2016, 71 699 durant les six premiers mois de 2017. Cela s'explique par le fait que pas moins de 180 000 personnes se trouvent dans les centres de rétention d'Italie dont beaucoup cherchent à passer en France. Quelque 1 000 clandestins sont interceptés chaque semaine à Vintimille, 100 dans les Hautes-Alpes. Ensuite, une nouvelle autoroute de l'immigration s'est ouverte en Espagne avec 105 % d'interceptions en plus à la frontière depuis le début de l'année. Enfin, en Allemagne, on recense 300 000 déboutés dont 80 000 seulement reconduits. Nous serions confrontés à une situation impossible si nous ne prenions pas de mesures.

La politique du Gouvernement est claire : l'asile, droit imprescriptible, pour ceux qui fuient les théâtres de guerre et sont victimes de persécutions ; la fermeté à l'égard des réseaux qui exploitent les réfugiés économiques.

Nous essayons de passer des accords avec les pays d'origine considérés comme sûrs. À Abidjan, où j'ai accompagné le président de la République, nous avons fixé pour objectif le renforcement des capacités de leurs forces de sécurité pour lutter contre les passeurs, la facilitation de la réadmission pour dissuader les départs et l'enrichissement de l'état civil par des éléments de biométrie pour faciliter la délivrance des laissez-passer consulaires.

Notre politique d'éloignement est crédible. Depuis début 2017, le nombre des éloignements a augmenté de 8 %, celui des éloignements forcés de 13 %. Cette politique se poursuivra en 2018, ce budget comprend tous les moyens nécessaires à sa conduite. Nous créerons les places d'hébergement en centres de rétention administrative.

Mme Esther Benbassa.  - Ah bon ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Je l'ai dit et répété, la diminution des crédits affichée dans les bleus budgétaires est optique. Elle s'explique par la fermeture des camps de Calais et de Grande-Synthe. À structures constantes, les crédits de la lutte contre l'immigration irrégulière augmentent de 5 %.

Nous souhaitons renforcer en parallèle notre politique d'intégration, c'est un enjeu de premier plan pour notre cohésion sociale. La dynamique des flux migratoires demeurant soutenue et le Gouvernement se tenant au principe qu'il s'est fixé de sincérité budgétaire, nous avons prévu, pour les dépenses qui concernent l'asile, 1 500 nouvelles places en CADA, 2 500 places en hébergement d'urgence et 3 000 places dans les centres provisoires d'hébergement.

Notre politique est équilibrée. Oui à l'asile ; non aux personnes qui organisent les trafics et font mourir des dizaines de milliers de jeunes sur les routes du Sahel et en Méditerranée.

Examen des crédits et des articles rattachés

M. le président.  - Amendement n°II-380, présenté par M. Ravier.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

83 000 000

83 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

83 000 000

83 000 000

TOTAL

83 000 000

83 000 000

83 000 000

83 000 000

SOLDE

0

0

M. Stéphane Ravier.  - Il faut doubler les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière quand le taux des retours forcés exécutés stagne désespérément en dessous de 50 % en prenant sur l'enveloppe destinée à l'accueil des primo-arrivants. Le regroupement familial, qui a contribué à la déferlante migratoire, n'a plus sa raison d'être.

Pour 2018, vous financez seulement 14 000 éloignements, soit moins que sous Hollande. Il fallait le faire ! Le rapport de notre commission des lois avance que la réduction du délai de rétention empêche l'administration de rassembler les éléments pour ordonner une OQTF.

Le Maroc, la Tunisie et le Pakistan refusent les éloignements groupés et nous condamnent ainsi à la double peine. La France doit taper du poing sur la table et conditionner les échanges économiques à l'acceptation des expulsions groupées et la délivrance rapide des laissez-passer consulaires.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Ne prenons pas de crédits sur l'intégration, il lui faudrait un plan Marshall. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Nous voulons une politique équilibrée : accueil de ceux qui ont droit à l'asile ; éloignement de ceux qui n'y ont pas droit. Avis défavorable.

L'amendement n°II-380 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-381, présenté par M. Ravier.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

17 016 700

17 016 700

Intégration et accès à la nationalité française

17 016 700

17 016 700

TOTAL

17 016 700

17 016 700

17 016 700

17 016 700

SOLDE

0

0

M. Stéphane Ravier.  - Pas moins de 44 000 personnes ont été placées dans les centres de rétention, 50 % d'entre elles ne sont pas expulsées. Depuis l'attentat de Marseille, le taux d'occupation des centres de rétention administrative atteint 100 % ; il était de 60,9 % auparavant. Deux jeunes filles ont été sacrifiées sur l'autel de l'incurie des pouvoirs publics car leur meurtrier, clandestin multirécidiviste, aurait dû être en rétention. Un budget pour la lutte contre l'immigration irrégulière en baisse de 7 %, les familles et les Français apprécieront !

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Le taux d'occupation des centres provisoires d'hébergement est élevé. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Rejet également.

L'amendement n°II-381 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-383, présenté par M. Ravier.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

10 000 000

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Stéphane Ravier.  - Revoyons à la baisse les montants alloués aux programmes d'alphabétisation et d'accès aux droits, à l'insertion professionnelle et à l'emploi des migrants pour renforcer le volume de dépenses relatives à l'éloignement des migrants en situation irrégulière.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - L'apprentissage de notre langue et de nos valeurs républicaines est essentiel à l'intégration. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°II-383 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-382, présenté par M. Ravier.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

5 000 000

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

M. Stéphane Ravier.  - Le but est d'affecter 5 millions d'euros supplémentaires pour étendre les centres de rétention administrative existants et en créer de nouveau dans le Calvados, dans le Pas-de-Calais et dans les Hautes-Alpes.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Encore une fois, vous amputez les crédits de la politique d'intégration. Ce n'est pas en dégradant les conditions d'accueil des étrangers en situation régulière qu'on réglera le problème des étrangers en situation irrégulière. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Les foyers de travailleurs accueillent les vieux travailleurs maghrébins, les Chibanis, qui ont construit la France des Trente Glorieuses. Ne pas les accueillir dignement serait inhumain. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE, LaREM et SOCR)

L'amendement n°II-382 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-406 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Cabanel, Mmes Ghali, G. Jourda et Grelet-Certenais, M. Lalande, Mme Conconne, M. Féraud, Mmes Taillé-Polian et Préville, M. Iacovelli, Mme Lepage, MM. Kanner et Antiste, Mmes Harribey et S. Robert, MM. Durain et P. Joly, Mmes Monier et Meunier, MM. Tissot et Jomier, Mme Rossignol, MM. Kerrouche, Jacquin, Devinaz et Assouline, Mme Tocqueville, MM. Manable et Temal, Mmes Lienemann et Cartron, M. Marie et Mme Espagnac.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

1 500 000

1 500 000

Intégration et accès à la nationalité française

1 500 000

1 500 000

TOTAL

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

SOLDE

0

0

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement renforce les moyens des associations qui interviennent dans les lieux de rétention. Monsieur le Ministre, vous avez incité les préfets à la plus grande sévérité dans votre circulaire du 20 novembre. Vous doublez la période de rétention. Comment assurez-vous l'accès au droit des personnes en rétention avec 20 000 euros supplémentaires seulement ? J'aimerais qu'on me réponde sur le fond, et non sur le gage.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Sur le fond, votre amendement est recevable. Mais sur la forme, vous diminuez les crédits à la formation linguistique et civique des étrangers. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Pas moins de 150 emplois seront créés dans les services des étrangers et de l'asile des préfectures, 15 ETP seront alloués à l'Ofpra qui verra son budget augmenter de 5 milliards d'euros, 35 ETP à l'OFII dont les moyens sont rehaussés de 18 millions d'euros. Nous nous donnons les moyens de notre politique. Avis défavorable.

L'amendement n°II-406 rectifié bis n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ne sont pas adoptés.

ARTICLE 56

M. le président.  - Amendement n°II-377, présenté par M. Ravier.

Alinéa 4

Remplacer l'année :

2020

par l'année :

2022

M. Stéphane Ravier.  - Vous ne réglerez rien à Mayotte tant que vous ne changerez pas radicalement les règles migratoires. Le contrat d'intégration fait obligation aux migrants de suivre des cours de français. La belle affaire ! Une immigration incontrôlée empêche toute perspective d'intervention et menace l'île d'être submergée sous l'immigration irrégulière.

Mme Esther Benbassa.  - Parler de submersion à propos de Mayotte, c'est assez malvenu...

M. Stéphane Ravier.  - En 2005, François Baroin, ministre de l'outre-mer, avait appelé de ses voeux des mesures radicales pour lutter contre l'immigration dans les îles, se déclarant prêt à remettre en cause le droit du sol. Tous nos efforts doivent porter sur le démantèlement des filières de passeurs.

M. le président.  - Amendement n°II-276, présenté par M. Meurant, au nom de la commission des finances.

Alinéa 4

Remplacer l'année :

2020

par l'année :

2019

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Cet amendement, à l'inverse, limite le report de l'entrée en vigueur du contrat d'intégration républicaine à Mayotte de deux à un an.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Avis défavorable aux deux amendements Le contrat d'intégration républicaine a été reporté à Mayotte au 1er janvier 2020 car nous ne pouvons pas ouvrir les centres d'accueil au vu des contraintes techniques dans l'île.

L'amendement n°II-377 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-276 est adopté.

L'article 56, modifié, est adopté.

ARTICLE 57

M. le président.  - Amendement n°II-378, présenté par M. Ravier.

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l'article L. 744 - 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Le versement de l'allocation prend fin à l'expiration de trois jours francs suivant la notification de la décision définitive concernant cette demande ou si cette condition n'est pas satisfaite, à la date à laquelle a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues à l'article L. 743-2. »

M. Stéphane Ravier.  - Le budget de l'aide allouée aux demandeurs d'asile est extravagant : 318 millions d'euros. Un demandeur peut toucher jusqu'à 350 euros par mois - plus que beaucoup de nos agriculteurs. Au 31 juillet 2017, 80 000 bénéficiaient de cette aide. L'asile, dévoyé, constitue dorénavant une filière d'immigration clandestine qui coûte 2 milliards à l'État.

Le coût de l'asile atteint 13 524 euros par demandeur. Un tel dérapage est intolérable quand 75 % des demandeurs sont déboutés et 1 % de ces derniers expulsés.

Parmi cette cohorte de migrants en pleine forme physique, jeunes et non accompagnés de leur famille, combien fuient vraiment la guerre ou la persécution ?

Mme Éliane Assassi.  - Arrêtez un peu vos délires !

M. Stéphane Ravier.  - Nous ne jetons pas l'amalgame sur ces populations qui quittent leur pays mais la sécurité des Français reste notre priorité.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Soyons réalistes... Réduire le délai à trois jours francs ne permet pas au système de fonctionner. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°II-378 n'est pas adopté.

L'article 57 est adopté.

ARTICLE 57 BIS

M. Jean-Yves Leconte.  - La commission des finances a déclaré irrecevable une série d'amendements accordant aux demandeurs d'asile dont la demande n'a pas été étudiée après neuf mois le droit de travailler. Je ne comprends pas cette interprétation très restrictive de l'article 34 de la LOLF.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte.  - L'article 57 bis, qui reprend l'article L. 213 du Ceseda, m'inquiète. À demander aux compagnies aériennes de prendre en charge les frais de séjour et de réacheminement des étrangers qui se voient refuser l'entrée sur le territoire, ne risque-t-on pas de les transformer en police de l'air et des frontières bis ? Les refus d'embarquement, j'en ai déjà vu lorsque je voyageais pour les États-Unis, vont se multiplier.

M. le président.  - Amendement n°II-395 rectifié, présenté par MM. Bizet, Mouiller et Allizard, Mme L. Darcos, MM. Paul, Sol, Bonhomme, Courtial, Bouchet, de Nicolaÿ, B. Fournier et Paccaud, Mme Gruny, MM. Bazin et Revet et Mme Lassarade.

Supprimer cet article.

M. Jean Bizet.  - Je ne mets pas en cause le principe d'une redevance à la charge des compagnies aériennes pour financer les frais de prise en charge ainsi que les frais de réacheminement des étrangers venant d'un pays tiers auxquels l'accès en France a été refusé, il est conforme au droit européen.

En revanche, le dossier mérite une concertation avec les transporteurs aériens. Les frais d'interprétariat ou encore d'hébergement du demandeur d'asile refoulé seraient imputés aux compagnies aériennes. La France s'affranchirait ainsi des règles définies dans la Convention de Chicago. Cela mérite réflexion, mieux vaut y revenir durant l'examen du projet de loi sur l'asile et l'intégration.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Les acteurs du transport aérien doivent être responsabilisés. De manière générale, il faut viser l'ensemble de la chaîne qui faciliterait l'immigration irrégulière. Avis défavorable.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le droit prévoit déjà que les entreprises de transport doivent acquitter les frais d'hébergement des personnes qui ne sont pas autorisées à pénétrer sur le territoire où elles les ont acheminées. Cette mesure n'est pas appliquée, en raison d'une difficulté d'écriture. Résultat, l'État finance l'hébergement, les soins et la sécurité des étrangers en situation irrégulière à Roissy pour un total de 6,7 millions d'euros. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je voterai cet amendement. Avoir un visa ou même venir d'un pays dispensé de visa n'est plus une assurance pour entrer sur le territoire français. Si on donne une responsabilité nouvelle aux compagnies aériennes, le risque est énorme : les refus d'embarquement arbitraires se multiplieront. Il faut rendre le droit applicable sans prendre le risque que les compagnies aériennes ne choisissent leurs clients au faciès.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Ces dispositions sont prévues dans la Convention de Chicago qui date de 1944. Rien de nouveau !

L'amendement n°II-395 rectifié n'est pas adopté.

L'article 57 bis est adopté.

La séance, suspendue à 19 heures, reprend à 19 h 10.

Administration générale et territoriale de l'État

M. Jacques Genest, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comporte 2,757 milliards de crédits de paiement. Une fois passés les rendez-vous électoraux de 2017, nous retrouvons le rythme de croisière. Le projet de loi de programmation des finances publiques retient un simple maintien des dotations en valeur à l'horizon 2020.

Or cette mission porte les moyens de l'administration générale de l'État dans les territoires ; sa sourde relégation budgétaire ne peut nous satisfaire.

En application du plan préfecture nouvelle génération (PPNG), les guichets du réseau préfectoral ont été fermés aux usagers et 1 300 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supprimés. Dans la dernière décennie, le réseau des préfectures et sous-préfectures a perdu 11 % de ses moyens, essentiellement dans les préfectures départementales et, plus encore, les sous-préfectures.

La fin de l'accessibilité du réseau, en particulier pour l'obtention des titres d'identité, a été partiellement compensée par les mairies mais, avec la dématérialisation, 33 000 points d'entrée en mairie ont disparu. Les emplois supprimés n'ont pas été réaffectés et les moyens annoncés ne sont pas au rendez-vous. Quelles orientations stratégiques pour le réseau ?

Les moyens nouveaux pour l'accueil des étrangers restent très insuffisants, compte tenu de l'augmentation de l'activité. On peut en dire autant des besoins liés à la sécurité des Français : trente créations d'emplois, contre 415 suppressions... Les créations d'emplois devraient être concentrées dans les services d'éloignement des préfectures dont le tragique attentat de Marseille a illustré les difficultés.

Si nous avons jusqu'ici échappé à la fermeture de sous-préfectures, soixante d'entre elles fonctionnent avec moins de dix fonctionnaires.

Le budget pour l'informatique et l'entretien des bâtiments est en baisse. L'état des 1 500 implantations du réseau est pourtant souvent mauvais et les collectivités territoriales s'inquiètent de son lent délabrement et du risque de non-paiement des loyers.

Reste le sentiment que l'État s'éloigne du local, d'une vraie politique d'aménagement du territoire ; au contraire, il confirme le choix de la métropolisation.

Avec la fin du cycle électoral de 2017, le financement de la vie politique ne mobilisera l'an prochain que 100 millions d'euros, dont 68,7 millions iront aux formations politiques. Cette enveloppe n'a pas été revalorisée depuis 2014 ; 26,3 millions combleront les manques de 2016.

La volatilité de l'opinion publique pourrait être mieux prise en compte dans la répartition de l'aide aux partis politiques. L'extension de responsabilités de la commission nationale des comptes de campagne ne trouve aucune traduction budgétaire.

L'administration centrale du ministère coûte cher. Le programme 216 est lesté par la création de la commission du contentieux du stationnement payant mais, dans le même temps, le fonds interministériel de prévention de la délinquance perd le quart de ses crédits, avec des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation. Les dépenses de contentieux atteignent 140 millions d'euros en 2017, alors que seuls 55 millions avaient été budgétés.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jacques Genest, rapporteur.  - Enfin, la prévention des contentieux liés aux refus de concours de la force publique me paraît contraire au principe d'égalité.

Malgré ces réserves, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - C'est bien !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Les crédits de la mission sont presque stables. Nous ne sommes plus en période électorale, les crédits du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » baissent logiquement. Faute de temps, je me concentrerai sur l'examen des crédits du programme « Administration territoriale » qui, s'ils sont stables, s'inscrivent dans une tendance longue de réduction des effectifs, inlassablement conduite de gouvernement en gouvernement : moins 1 300 ETP sur les trois dernières années, moins 4 000 depuis dix ans, et on nous annonce un train de 350 suppressions par an pour les prochaines années.

Dans la version Bibliothèque Rose, les réformes territoriales compenseront les effets de cette hémorragie. Le plan Préfectures nouvelle génération n'est pas arrivé à son terme que le Premier ministre annonce le prochain, baptisé Action publique 2022. La stoïque capacité d'adaptation des fonctionnaires force l'admiration !

Le PPNG prévoit une réorganisation complète de la délivrance des titres et la dématérialisation des procédures, les gains de productivité étant censés compenser la baisse des effectifs. Il serait stupide de se priver d'un tel instrument, sauf si c'est un cache-misère qui conduit à marginaliser la population qui n'a pas accès au réseau. La présence de l'État, c'est celle de ses représentants, pas de leur image. Et là, nous sommes loin du compte...

La commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission.

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Avec 2,76 milliards d'euros, les crédits de la mission reculent de 11 %, le programme 232 étant lié au cycle électoral. En réalité, la stabilité des crédits appelle notre vigilance. Le redressement des finances publiques ne doit pas se faire au détriment du déploiement territorial de l'État, de la complète information des électeurs et de l'accueil en préfecture et sous-préfecture.

Le PPNG supprimera 1 300 emplois, 5 % des effectifs. Plus de 11 % des emplois de réseau d'administration générale de l'État auront été supprimés en dix ans. L'accueil des étrangers, notamment, mais aussi la lutte contre la fraude documentaire risquent d'en pâtir.

Les crédits du programme 232 baissent de 344 millions d'euros. Les délais de remboursement des frais de campagne sont trop longs. Il faut dire que l'extension des responsabilités de la commission de contrôle des comptes de campagne ne s'est pas répercutée sur ses moyens.

Vous le savez, la Haute Assemblée est attachée à la propagande électorale papier : il y a encore trop de zones blanches dans le pays pour que la démocratie puisse en faire l'économie.

Le programme 216 appelle trois remarques. Les dépenses contentieuses restent sous-budgétisées. L'action sociale au sein du ministère de l'intérieur a été critiquée par la Cour des comptes pour son caractère inégalitaire. Enfin, le devenir du fonds interministériel de prévention de la délinquance nous inquiète.

Ces réserves faites, notre groupe votera comme à l'habitude les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Éric Kerrouche .  - À travers cette mission, le ministère de l'intérieur met en oeuvre trois responsabilités fondamentales : garantir l'exercice des droits dans le domaine des libertés publiques ; assurer la présence et la continuité de l'État sur tout le territoire ; déployer les politiques nationales au niveau local.

Cela pose la question de l'articulation entre l'État et les territoires, et du rôle des préfectures et sous-préfectures. Les missions doivent déterminer les moyens, et non l'inverse !

Le programme 307 a fait l'objet d'efforts de rationalisation et d'adaptation des préfectures à la nouvelle carte régionale ; mais il en résulte un sentiment d'éloignement des citoyens et des élus locaux, voire d'abandon des territoires.

Il faut assurer un accès équitable de tous aux services dématérialisés. La fracture numérique suppose un accompagnement dans les téléprocédures, sans quoi la simplification pour les uns devient exclusion pour les autres.

L'objectif de 100 % de services dématérialisés pour 2022 réclame plus de volontarisme ; or dans le programme 307, les crédits de maintenance du matériel informatique et des systèmes d'information sont réduits... Nous serons vigilants.

Le PPNG devait permettre à l'État de se recentrer sur ses missions prioritaires et en faire un co-constructeur et facilitateur. Comment assurer la pérennité du contrôle de légalité au moment où l'on nous annonce un développement de l'ingénierie territoriale et un dialogue entre préfectures et collectivités dans le cadre des contrats d'objectifs ? Le nombre d'actes à transmettre est en baisse et varie suivant les préfectures.

Malgré une augmentation de 2,4 % des autorisations d'engagement et crédits de paiement, les moyens restent insuffisants pour assurer la soutenabilité des missions des préfectures comme la place des sous-préfectures.

Troisième objet de préoccupation, la baisse de 27 millions des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance, alors que la lutte contre la radicalisation est plus que jamais une priorité.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Fouché .  - Cette mission comprend trois programmes d'ampleur inégale : « administration territoriale » pour 1,9 milliard d'euros, « vie politique, cultuelle et associative » pour 125,6 millions d'euros, « conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », qui finance les moyens généraux du ministère, à hauteur de 941 millions.

La nette baisse des dotations reflète la fin du cycle électoral. Les dotations du programme 232 sont en baisse de 73 %, ce qui explique l'essentiel de la réduction des crédits de la mission.

Le programme 307, avec le plan PPNG, enregistre une suppression de 415 emplois en 2018, pour porter le total à 1 300 suppressions sur trois ans. Ce qui induit une perte de qualité et de proximité du service rendu en préfecture et sous-préfecture. Tous les territoires ne sont pas équipés en connexion Internet... Les téléprocédures en milieu rural, c'est l'exclusion ! L'État se défausse sur des prestataires délégués et poursuit sa réduction des effectifs. Heureusement que les collectivités territoriales sont là... Les préfectures auront-elles encore les moyens d'assister les petites collectivités en matière d'ingénierie ?

Je regrette que l'État n'aille pas jusqu'aux confins des territoires oubliés. Le groupe Les Indépendants s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)

Mme Maryse Carrère .  - Le programme 232 retranscrit le creux d'une année sans scrutin majeur ; mais je regrette le manque de compensation des frais engagés par les communes pour ces élections.

Le groupe RDSE s'oppose aussi à la dématérialisation totale de la propagande électorale. (M. Yvon Collin le confirme.)

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » prévoit la création de 119 ETP pour la gestion du contentieux du stationnement. Nous relevons quelques étrangetés, dont la baisse des crédits des plans de lutte anti-terrorisme et contre la radicalisation.

Le programme « Administration territoriale », le plus important, est stable mais recouvre d'importantes mutations. Depuis le 1er décembre, les guichets pour la délivrance des cartes grises et des permis de conduire ont baissé le rideau : tout se fait en ligne. Ce recentrage des missions rompt le lien que les citoyens entretenaient avec leur préfecture ou sous-préfecture. Les points de contact numérique prévus dans les préfectures suffiront-ils à assurer un accès équitable au réseau ?

Élus de proximité, nous voyons bien sur le terrain les conséquences du plan de modernisation de la préfecture. Le PPNG succède à la RGPP et à la Réate (réforme de l'administration territoriale de l'État), en attendant le programme Action publique 2022 annoncé par le Premier ministre. Un point commun, les réductions d'effectifs. Beaucoup de sous-préfectures ont désormais moins de dix agents. Peu de fermetures donc, mais une lente dévitalisation...

Pas sûr que l'amélioration du service rendu soit au rendez-vous, en particulier sur le contrôle de légalité ou la lutte contre la fraude documentaire.

Enfin, le montant de la dotation pour la délivrance des titres sécurisés ne compense pas les frais engagés par les communes à ce titre.

Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera les crédits de la mission AGTE. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Pierre-Yves Collombat .  - La mise en place des 58 centres d'expertise et de ressources titres (CERT) pour traiter les demandes de titres sécurisés retire cette tâche aux préfectures départementales. Les compétences, les moyens des CERT dépendent largement des sureffectifs réaffectés. Heureusement, le volontariat a prévalu dans les mobilités géographiques.

Le CERT de Châlons-en-Champagne traite les demandes de permis de conduire de cinq départements, avec vingt ETP. La modernisation de la délivrance des cartes d'identité, certes souhaitable, représente un nouvel éloignement des services de l'État et une charge pour les 2 300 communes qui réceptionnent les demandes. Celles-ci voient toutefois la compensation augmenter.

Des problèmes techniques mais aussi psychologiques compromettent la mise en place de la dématérialisation. Ainsi dans la préfecture de la Marne, les usagers vivent comme une discrimination le fait de ne pas être accueillis par un agent, contrairement aux étrangers qui viennent pour un titre de séjour ! C'est dire le sentiment d'abandon des administrés.

Un audit a montré que le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) n'était pas parfait en terme de sécurité. Le ministère a heureusement pris en compte les recommandations des parlementaires.

La réforme des sous-préfectures a été très limitée ; on s'est borné à faire coïncider les limites des arrondissements avec celles des intercommunalités. Il faut redéfinir leurs moyens pour qu'elles puissent remplir leur rôle de proximité.

Dans le programme « Vie politique, cultuelle et associative », le principal chantier est la réforme de l'inscription sur les listes électorales et le répertoire unique. Les communes devront s'y préparer.

Le Gouvernement, qui semblait décidé à contourner encore une fois le Parlement, a finalement renoncé à dématérialiser la propagande électorale par ordonnance. Pour combien de temps ?

Je ne crois pas que l'on puisse se satisfaire de cette politique de retrait de l'État des territoires. Le groupe CRCE ne votera pas les crédits qui l'organisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue le travail des rapporteurs.

Le programme 307 « Administration territoriale » est globalement stable, à 1,69 milliard d'euros. Le programme 216, doté de 941 millions d'euros, aussi. Le programme 232, lui, voit ses crédits baisser avec la fin du cycle électoral que nous avons traversé.

Il s'agit surtout d'une mission d'effectifs, d'où l'importance des moyens humains - et il faut saluer le dévouement des personnels.

Dans le programme « Administration territoriale », les crédits de paiement sont inégalement répartis selon les actions. Nous assistons depuis 2007 à une réduction des effectifs : 3 757 ETP en moins, soit 11 % des effectifs. Pour 2018, la baisse se poursuit, surtout à l'échelon départemental. Nous restons pourtant très attachés au préfet et au sous-préfet, principaux interlocuteurs des élus locaux, du monde de l'économie, de l'école ou de la santé. Un vrai service public de proximité !

La carte des sous-préfectures a beaucoup évolué. Dans les Ardennes, il en reste trois - Rethel, Sedan et Vouziers - avec des moyens humains très variables ; nous y sommes attachés, tout comme aux maisons de l'État et aux maisons de service public, autant de points de contact de proximité. Les réductions d'effectifs nous inquiètent. Le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales, qui sont leur coeur de métier, en pâtit. Ancien maire d'une petite commune de 170 habitants, je peux témoigner du rôle des services déconcentrés de l'État pour le FCTVA, le financement des investissements, le FSIL ou encore le suivi de la gestion de la réserve parlementaire, dont nous regrettons tous la disparition.

La présence de l'État est déterminante pour la sécurité et la mise en place de la police de sécurité du quotidien est un enjeu capital. N'oublions pas non plus le soutien aux associations patriotiques et aux manifestations dans le cadre du devoir de mémoire.

Notre groupe suivra la commission des finances et adoptera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE)

M. Julien Bargeton .  - Alain Richard vous prie de l'excuser. Derrière un intitulé technique, cette mission concerne l'exercice des droits des citoyens, la continuité de l'action de l'État dans les territoires et la déclinaison locale des politiques publiques nationales.

La réforme qui marque l'administration générale et territoriale de l'État se traduit dans le programme 307 avec le PPNG. Il répond à deux attentes fortes avec la dématérialisation et la mise en place des Centres experts ressources titres (CERT) pour accélérer la délivrance des documents. De nouvelles économies seront réalisées grâce à la rationalisation, les actions 1 et 3 du programme progressent. L'action 3 concerne le contrôle de légalité.

Quant au programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », il est marqué par une volonté de renforcer la cohérence des projets : prévention de la délinquance, amélioration des fonctions supports, etc.

Le programme 216 enfin porte la stratégie immobilière qui se poursuit notamment dans l'îlot Beauvau.

Le groupe LaREM votera les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui comprend le budget des préfectures, préserve ses crédits en 2008. Si l'on met à part les crédits prévus pour les élections, la mission est stable, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé. Entre 2010 et 2017, les suppressions avaient été particulièrement importantes.

J'ai souhaité préserver le budget des préfectures avec 1,22 milliard d'euros de crédits. Les suppressions d'emplois seront compensées par la mise en place du PPNG décidé en 2015.

La mise en oeuvre de cette réforme est d'une grande actualité car de nouvelles procédures dématérialisées de remise de titre - cartes grises notamment - ont été mises en place. Quelque 1 000 agents ont été réaffectés sur ces missions.

J'avais des craintes sur le déploiement ; nous avions quelques problèmes avec certains professionnels de l'automobile à ce sujet. Nous avons signé un protocole d'accord avec eux pas plus tard que cet après-midi.

Pour les cartes nationales d'identité, 22 millions sont inscrits dans cette mission. Nous créons 25 CERT pour les cartes nationales d'identité et passeports, 25 pour les permis de conduire, 6 pour les cartes grises et 3 polyvalents pour les titres outre-mer.

Quant aux moyens technologiques, les demandes sont désormais traitées grâce au fichier TES dont nous avons renforcé la cryptographie, en réponse aux objections de l'ANSSI.

Dans le cadre du nouveau plan Action publique 2022, nous voulons lancer une réflexion globale sur l'administration territoriale de l'État : multiplier les fonctions supports, fusionner certains guichets, tels sont les objectifs.

Ce budget renforcera aussi les services dédiés à l'asile avec 150 recrutements de personnels titulaires. Pas moins de 795 millions d'euros sont prévus pour compléter les services d'administration centrale.

Des crédits ont été inscrits pour l'installation d'un troisième site pour la DGSI à Neuilly, en attendant le regroupement dans un site unique.

Nous augmentons les crédits du contentieux, de 55 à 80 millions d'euros, ce qui est plus conforme à la réalité - donc plus sincère.

Pour ce qui est de la prévention de la radicalisation, la baisse des crédits s'explique par la fermeture du centre de Pontourny, qui s'est avéré un échec et nous réfléchissons à un redéploiement de crédits accordés à des associations autoproclamées dans ce secteur.

La juridiction spéciale chargée du contentieux sur le stationnement payant, dotée de 119 ETP et d'un budget de 8 millions, sera installée à Limoges, selon la volonté du précédent gouvernement.

Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » sont adoptés.

Examen des crédits et des articles rattachés

L'article 49 B est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 49 B

M. le président.  - Amendement n°II-393, présenté par M. P. Dominati.

Après l'article 49 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le huitième alinéa de l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également n'indiquer aucun parti ou groupement politique, l'aide correspondante venant alors en déduction du total de la seconde fraction. »

M. Philippe Dominati.  - J'ai déjà présenté cet amendement à plusieurs reprises. Il concerne la liberté de tous les parlementaires. La France a choisi de faire financer par le public la vie politique. Tous les parlementaires doivent choisir, au mois de novembre, entre les onze partis politiques qui bénéficient de la manne publique.

L'année 2017 a été paradoxale : un candidat qui n'est issu d'aucun des onze partis subventionnés, devient président de la République et le parti majoritaire à l'Assemblée nationale n'est pas non plus l'un des onze. Aussi, je propose, avec cet amendement, de laisser aux parlementaires la liberté de ne pas choisir et de reverser alors leur dotation au budget général.

M. Jacques Genest, rapporteur.  - L'amendement de M. Dominati a déjà été voté par le Sénat. Avis de sagesse très favorable ; à titre personnel, je voterai l'amendement.

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - M. Dominati a du mal à voir les évolutions positives du Gouvernement. Je lui démontre qu'elles existent : pour la troisième fois qu'il présente cet amendement, avis favorable !

M. Jacques Genest, rapporteur.  - Avis favorable de la commission.

L'amendement n°II-393 est adopté et devient un article additionnel.

(Applaudissements sur de nombreux bancs)

La séance est suspendue à 20 h 20.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Je l'informe également que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.

Seconde partie (Suite)

Justice

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des finances .  - Le budget de la Justice augmente de 3,9 %. Insuffisant, diront certains. Il est vrai que notre pays consacre 72 euros par habitant à ses juridictions, alors que ce montant s'élève à 95 euros en Italie et jusqu'à 146 euros en Allemagne, on pourra dire que 3,9 %, c'est peu. Cependant, comparée à l'armée ou aux forces de sécurité, la justice fait figure, avec cette augmentation, d'une priorité dans ce budget.

Les résultats tardent à arriver : la surpopulation carcérale reste patente, le traitement des détenus est indigne dans certaines maisons d'arrêt et nous place sous la menace de condamnation de la CEDH, et les délais de jugement sont trop longs. Quel est le sens d'une peine prononcée plusieurs années après contre un mineur devenu majeur et installé dans la délinquance profonde ou au contraire rangé dans une vie paisible ? Aucune efficacité, mais quelle perte de temps !

Dans un rapport présenté en commission des finances l'an passé sur l'agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, je soulignais qu'en matière de drogue ou de criminalité organisée, la saisie et la confiscation de biens étaient parfois bien plus efficaces qu'une peine d'emprisonnement, considérée comme un risque du métier par les auteurs de ces infractions.

Je me suis intéressé cette année à la fin de vie et à la maladie mentale en détention. Il n'est pas souhaitable d'enfermer des malades grabataires et dépendants dans un environnement carcéral inadapté. Répondre à ces problèmes ne passe pas par des moyens supplémentaires mais par une réflexion plus large sur la place de la justice dans la cité et sur le sens de la peine.

Je suis favorable au plan de 15 000 nouvelles places de prison, mais cela prendra du temps.

Les défis sont colossaux pour améliorer le fonctionnement de la justice. La garde des Sceaux a prévu plus de 1 000 postes supplémentaires au sein du ministère de la justice, mais comment favoriser l'attractivité de la profession, en particulier celui des surveillants pénitentiaires ? Voilà la vraie question. En visitant le TGI de Bobigny, il m'a semblé que l'amélioration des conditions de travail devrait faire l'objet d'une attention particulière. Les créations de postes permettront d'ouvrir de nouveaux établissements, mais pas de remédier aux vacances de postes. Or les vacances dégradent les conditions de travail des agents en poste.

Le PLF doit traduire une transformation plus profonde de la justice ; le chantier du numérique ne saurait en tenir lieu. Nous attendons la loi de programmation pluriannuelle avec impatience.

Ce budget est donc en demi-teinte. Si l'augmentation des moyens est indéniable, je m'interroge sur la capacité réelle du ministère à se transformer et à se moderniser. La PNIJ permettra peut-être de réaliser les économies ambitieuses promises.

Quid du coup de rabot de 9,4 millions votés en seconde délibération par l'Assemblée nationale ?

Malgré des réserves et des doutes, la commission des finances est favorable à l'adoption des crédits de cette mission. À titre personnel, je regrette toutefois que la ministre soit revenue sur les promesses de construction de 15 000 places de prison lors de son audition le 29 novembre par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois pour le programme Administration pénitentiaire .  - Au 1er novembre 2017, plus de 69 000 personnes étaient détenues, soit 1,1 % de plus qu'un an auparavant. La densité carcérale est de 117 %. Notre parc immobilier pénitentiaire est inadapté. Dans ce contexte, les crédits sont largement insuffisants. Les dépenses d'investissement, à 236 millions d'euros, diminuent de 18,2 % en CP et de 76,26 % en AE...

Le programme de construction de 15 000 places annoncé par le président de la République n'est donc pas crédible. Seuls 21 millions d'euros y sont alloués. Ce programme ne sera jamais achevé en 2022, la ministre nous l'a d'ailleurs avoué en commission. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas soutenu la proposition de loi ambitieuse du président Bas, adoptée en octobre dernier. D'autant qu'avec la destruction de 3 à 4 000 places dans les établissements vétustes, c'est plutôt 20 000 places qu'il faudrait construire pour une création nette de 15 000.

Les crédits consacrés à la maintenance du parc immobilier sont manifestement insuffisants. Il faudrait 140 millions par an pour le maintenir en état... Or seuls 87 millions sont prévus, contre 114 millions en 2017. Il en va de même pour les créations d'emplois qui ne sont pas en suffisamment grand nombre. La baisse des crédits alloués aux aménagements de peine et à la lutte contre la récidive nous inquiète.

Les mesures catégorielles ont été annulées pour 2018 ce qui ne contribuera pas à améliorer l'attractivité des métiers de l'administration pénitentiaire.

La commission des lois a émis un avis défavorable à ces crédits. (Mme Sophie Joissains applaudit.)

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Notre justice a besoin d'abord de moyens. Le Gouvernement a tenté d'y répondre avec une hausse de 19 % de ses crédits d'ici 2022 ; c'est bien moins ambitieux que ce que prévoit la proposition de loi Bas votée ici le 24 octobre, qui programme une hausse de 28,9 % avec des réformes de structure. Le budget n'est donc pas à la hauteur des difficultés rencontrées par notre justice.

Je prends acte des augmentations des crédits de paiement alloués aux programmes « Justice judiciaire » « Accès au droit et à la justice » « Conduite et pilotage de la politique de la justice » « Conseil supérieur de la magistrature ». Globalement, cette augmentation s'élève à 5,4 %, dont 4,1 % pour le programme « Justice judiciaire ». Mais les moyens dévolus aux juridictions judiciaires restent trop faibles, surtout en comparaison des efforts accomplis lors de la loi de finances pour 2017.

Concernant les moyens dévolus aux juridictions judiciaires, seuls 148 créations nettes d'emplois sont prévues, contre 600 l'an dernier, dont aucune création nette d'emplois de greffiers.

Les délais de traitement des affaires s'allongent ; les sous-effectifs demeurent ainsi que la sous dotation manifeste des frais de justice. Les crédits de fonctionnement et d'investissement des juridictions seront absorbés par l'ouverture du nouveau palais de justice de Paris.

Toute augmentation de crédits sera de toute façon vaine si la pratique des annulations de crédits en gestion est perpétuée ; le Gouvernement s'est engagé à revenir à une pratique plus conforme à l'autorisation parlementaire, mais je constate qu'un décret d'avance du 30 novembre a ainsi annulé 78 millions de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement, dont 23 millions pour la seule justice judiciaire...

En conséquence, la commission des lois a émis un avis défavorable à ces crédits. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UC)

Mme Josiane Costes, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Je dirai un mot du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » qui représente 10 % des crédits de la mission. Le montant consacré à la PJJ s'élève à 857 millions, soit une augmentation de 3,4 %. Le plafond d'emplois augmente de 16 ETP supplémentaires et les crédits augmentent globalement, ce qui est une bonne chose.

Toutefois, le patrimoine immobilier fait l'objet d'une attention insuffisante. Seule une hausse plus sensible des crédits permettra d'enrayer la dégradation et de rattraper le retard accumulé.

De plus, le secteur associatif voit ses crédits de soutien augmenter trop faiblement. En début d'année, la garde des Sceaux a annoncé la création de vingt centres éducatifs fermés (CEF) pour 2019. Cela ne doit pas se faire au détriment des prises en charge en milieu ouvert.

Un mot sur les jeunes filles, qui sont 10 % des jeunes pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse ; faut-il les intégrer dans des structures majoritairement masculines ? La délinquance des jeunes filles est en hausse ; il est temps de réfléchir aux conditions d'accueil et à la formation du personnel aux enjeux de mixité, voire de construire des établissements non mixtes.

La commission des lois a émis un avis favorable aux crédits de ce programme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jacques Bigot .  - Le budget de la Justice est souvent le parent pauvre des budgets ministériels - l'on attend toujours beaucoup de la défense ou de l'éducation nationale... Or la justice a besoin de moyens et d'une programmation pluriannuelle, qui doit faire l'objet d'un large consensus - dont vous êtes en quelque sorte le symbole, Monsieur le Secrétaire d'État.

Cette programmation pluriannuelle aurait pu être réalisée tout de suite. Sous le précédent gouvernement, il y a eu des États généraux, des rapports, des réflexions : tout était prêt ; hélas, on ajourne, on temporise.

Ce budget est en conséquence en demi-teinte, bon en apparence mais insuffisant au regard des enjeux pour qui connaît la machine judiciaire. Nous avons encore à convaincre, en appui de la garde des Sceaux, qu'il faut des moyens.

Il faut certes aussi améliorer l'organisation de la justice : introduction d'une approche numérique - 51 emplois y seront dédiés - proximité territoriale... Mais la marque de la garde des Sceaux n'apparaît pas assez clairement. La programmation pluriannuelle ne pourra pas attendre la fin 2018.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très juste !

M. Jacques Bigot.  - En matière d'effectifs, le solde positif ne sera en 2018 que de cent magistrats ; guère plus pour les greffiers, alors que les manques sont criants. Les efforts de Jean-Jacques Urvoas se sont relâchés, c'est dommage.

Nous ne pourrons pas non plus faire tourner l'administration pénitentiaire dans les conditions actuelles, à plus forte raison si l'on construit 15 000 places supplémentaires.

Madame le rapporteur pour avis pour la protection judiciaire de la jeunesse, votre avis est favorable mais les moyens et les efforts ne sont pas non plus au rendez-vous ! Si l'on veut créer 20 CEF en 2019, rien n'est prévu dans le budget pour 2018 pour préparer leur réalisation.

Nous pourrions voter contre les crédits de la mission...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Vous devriez !

M. Jacques Bigot.  - Nous nous abstiendrons néanmoins, dans l'attente de la programmation pluriannuelle. Il faudra débattre du sens de la peine et des alternatives à la prison.

M. Arnaud de Belenet .  - Étonnamment, nous voterons pour.

M. Loïc Hervé.  - Quelle surprise !

M. Arnaud de Belenet.  - Dans le contexte du redressement des comptes publics, nous ne pouvons que nous réjouir d'une hausse de près de 4 % des crédits de cette mission.

Reste que les délais de jugement sont trop longs et que le budget de la justice par habitant est plus faible que chez nos voisins. Le budget de la justice ne peut se résumer à une augmentation des moyens mais doit s'inscrire dans une transformation en profondeur. La garde des Sceaux a lancé les 5 et 6 janvier derniers le chantier de la justice pour améliorer les procédures civiles et pénales, amorcer le virage numérique, réfléchir au sens et l'efficacité de la peine et à l'organisation du système judiciaire. Le secrétaire général de la Chancellerie y a ajouté le chantier des ressources humaines, qui arrivera à sa conclusion au printemps. Un projet de loi de programmation quinquennale en sera la traduction.

La baisse de 39 % du programme « Administration pénitentiaire » pour 2018 s'explique par le séquençage du programme de construction annoncé par Jean-Jacques Urvoas : les terrains ne sont pas tous disponibles et les délais entre acquisition de foncier et lancement des travaux peuvent être longs.

Le président de la République a toutefois reconnu devant la CEDH le scandale de la surpopulation carcérale : 68 000 détenus pour 59 000 places. La création d'une agence a été annoncée pour mieux organiser l'enfermement et promouvoir les peines alternatives, et il conviendra de solliciter la garde des Sceaux sur les critiques formulées par l'Observatoire international des prisons.

Il convient de réfléchir sur les peines et sur les conditions de travail de l'administration pénitentiaire. Reste que les prisons continuent d'accueillir des personnes atteintes de pathologies psychiatriques graves - qui concerneraient, selon certaines évaluations, 30 % des détenus. Adeline Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous a alertés sur ce sujet et nous connaissons l'hostilité des médecins psychiatres à l'internement.

Tous les programmes connaissent des augmentations substantielles et l'effort en faveur du numérique connait un effort remarquable. Le programme « Conduite et pilotage de la justice » augmente de 15,3 % en crédits de paiement. Les moyens de faire entrer la justice dans l'ère du numérique sont au rendez-vous. Ce sont aussi ceux de regagner la confiance de nos concitoyens qui éprouvent une forme de défiance à l'égard de notre justice la jugeant à raison trop lente et trop complexe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi .  - Le budget de la Justice augmente de 2,9 %. C'est plus que les 2,6 % constatés en moyenne depuis 2012, mais c'est inférieur à la hausse exceptionnelle de l'an passé. L'Union syndicale des magistrats regrette ce ralentissement qui traduit un manque d'ambition.

L'orientation est la même que les années passées : le programme de l'administration pénitentiaire absorbe l'augmentation en grande partie. Augmenter les moyens, oui, mais pour quoi faire ? Le retard structurel de notre justice n'est pas rattrapé ! La France est quatorzième sur vingt-huit en Europe avec 72 euros par habitant par an consacrés à la justice ! En nombre de juges par habitant, la France est vingt-quatrième sur vingt-huit avec huit juges professionnels pour 100 000 habitants.

Un Français attend 304 jours en moyenne pour voir son affaire jugée en première instance, contre 19 au Danemark !

Mettons un terme à l'inflation carcérale, comme l'ont déjà fait nombre de pays européens. Il faut aussi réhabiliter les établissements vétustes, voire insalubres comme Fresnes, privilégier les alternatives à l'emprisonnement et le milieu ouvert.

La protection judiciaire de la jeunesse a été fragilisée par une application indiscriminée de la RGPP entre 2007 et 2012 ; ce budget ne la renforce guère. La justice des mineurs n'est hélas pas un chantier prioritaire du quinquennat. On peut s'étonner que les crédits de la justice des mineurs, signalée comme un enjeu majeur par le président de la République, ne soient pas en forte augmentation.

L'aide juridictionnelle pâtit elle aussi de crédits insuffisants malgré une hausse de 8,7 % alors que c'est le seul outil destiné aux plus démunis ! Nous vous proposerons de l'abonder. Les avocats qui prennent en charge ces dossiers ne sont pas rémunérés mais indemnisés en fin de procédure ; ils assurent seuls le coût de ce service public. Il est temps de revoir le financement de l'aide juridictionnelle. Il y a urgence à instaurer une justice plus humaine.

Les membres du groupe CRCE voteront contre les crédits de la mission. Nous attendons les propositions de la garde des Sceaux avec impatience.

Mme Sophie Joissains .  - « Dans un État de droit, rien n'est possible sans une justice forte. Si elle est lente ou lointaine, ou inégalitaire, ou même seulement trop complexe, la confiance se trouve fragilisée », disait le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Belle promesse, comme nous en avons tant entendu en début de mandature...

J'espère que notre pays pourra remonter au classement du Conseil de l'Europe, mais je reste sceptique sur les effets que ce budget pourra avoir.

Le Sénat a pris sa part de la réflexion et adopté deux textes sur la proposition du président Bas le 24 octobre. Je crains que la loi de programmation promise par le garde des Sceaux pour le premier semestre 2018 n'arrive trop tard, en tout cas après la programmation pluriannuelle des finances publiques.

L'aide juridictionnelle à laquelle Jacques Mézard et moi-même avons consacré un rapport en 2014 est fondamentale ; ses moyens augmentent de 8,7 % en 2018 mais son financement n'est pas pérenne, il faudra donc y revenir. Faut-il taxer les contrats d'assurance ? Une mission a été confiée à l'IGF et l'IGJ : puissent-elles trouver des solutions.

En 2017, plus de 450 postes étaient vacants chez les magistrats. Le taux de vacance atteint 7,44 % chez les greffiers. Certes, le solde sera réduit par les créations de 100 postes de magistrats et 108 postes de greffiers mais il faudra au moins dix-huit mois pour en sentir les effets.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est vrai !

Mme Sophie Joissains.  - Pourquoi de tels taux de vacance ? L'attractivité de certaines juridictions est en cause, mais pas seulement.

Autre sujet : les dettes et charges à payer pour frais de justice qui s'élèvent à 122,6 millions d'euros et que ce budget ne traite pas.

Le taux d'encellulement individuel est inférieur à 40 % et la densité carcérale est de 120 %. Les chiffres disent l'ampleur des efforts à faire. La lutte contre la radicalisation impose des efforts particuliers.

La ministre a déclaré devant la commission des lois que l'objectif des 15 000 places de prison ne serait pas atteint, alors que le président de la République s'y était engagé. C'est tout à fait regrettable.

Les membres du groupe UC ne pourront voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Marc .  - L'augmentation des crédits apparaît modeste, compte tenu de la situation critique de notre justice.

La hausse de 19 % des crédits prévue d'ici à 2022 par la loi de programmation des finances publiques du Gouvernement reste très inférieure à celle préconisée par la proposition de loi Bas.

Les créations nettes d'emploi prévues en 2018 sont insuffisantes : 148 contre 600 en 2017 et aucune pour les greffiers. Les dotations pour les charges et dettes pour les frais de justice sont elles aussi insuffisantes ; et les hausses des crédits de fonctionnement et d'investissement sont en trompe l'oeil. L'immobilier du ministère est trop souvent en piteux état. Tout a été concentré sur le palais de justice de Paris.

Il sera impossible de construire les 15 000 places promises par le président de la République, la ministre nous l'a confirmé. Et les établissements existants se dégradent.

Le projet de budget présente de trop nombreuses lacunes et ne prend pas la mesure de la situation, dramatique, du personnel pénitentiaire.

Les membres du groupe Les Indépendants ne voteront pas ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Nathalie Delattre .  - Dans l'attente des résultats de la réflexion engagée par la ministre, ce budget ne peut être que de transition.

La proposition de loi Bas propose d'isoler organiquement le programme « Administration pénitentiaire » qui représente 41 % des crédits de la mission Justice puis, de faire respecter la loi car, comme le disait le radical Clemenceau : « Toute tolérance devient à la longue un droit acquis ».

M. Yvon Collin.  - Très bien !

Mme Nathalie Delattre.  - Le budget ne répond pas à la catastrophe que rencontrent nos juridictions : engorgement, manque de moyens, sous-effectifs, vétusté, délais interminables.

Nous regrettons l'abandon de l'objectif de construction de 15 000 places, même si j'ai bien noté le lancement des travaux de la prison de Bordeaux-Gradignan, dont je vous remercie vivement.

L'annonce par le président de la République de la création d'une agence des travaux d'intérêt général reste en deçà des attentes. Il est anormal pour un grand pays comme le nôtre de tolérer un tel niveau de surpopulation carcérale. Mais la construction de places de prison ne résoudra pas tous les problèmes. Réfléchissons plutôt au sens de la peine et infligeons des peines pour donner à réfléchir et pour protéger la société.

Et puis, certains individus ont souvent besoin d'être protégés contre eux-mêmes : je pense aux cas psychiatriques et pathologiques.

Dans un rapport de mai 2010, l'ancien président du groupe RDSE, Gilbert Barbier, établissait que 10 % des détenus n'avaient rien à faire en prison ; et près de 30 % des détenus pourraient être pris en charge autrement. En cause, la division par deux du nombre d'établissements psychiatriques dans notre pays ces trente dernières années.

La prison n'est pas un lieu de soins. Ce n'est donc pas par ce budget que nous sortirons de cette impasse. La création d'unités spéciales dans les prisons, évoquée par le bleu budgétaire, est une bonne première étape.

Les membres du groupe RSDE s'abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. François-Noël Buffet .  - Ce budget est au rang des priorités gouvernementales avec 262 millions d'augmentation des crédits. Cette hausse est continue depuis plusieurs années ; et pourtant la justice reste en souffrance. Les délais s'allongent, passant au civil, en première instance, de 7,5 mois à 1 an en 10 ans et, en appel, de 37 à 40 mois, quand le stock d'affaires en attente augmentait d'un quart. Les postes annoncés ne compensent pas les vacances : il faudrait 1 600 à 1 800 agents dans l'administration pénitentiaire, 400 magistrats et 150 greffiers !

En 2016, 16 % des peines devenues exécutoires deux auparavant n'avaient pu être exécutées.

Nous dénonçons depuis des mois un problème de méthode. Les deux propositions de loi Bas sont un avant-goût de début de ce plan. Nous réclamons en particulier une loi de programmation susceptible de faire oeuvre, comme en 2002, de boussole pour la Chancellerie, en augmentant de 37 % ses crédits sur cinq ans et en priorisant ses dépenses.

Ne balayons pas l'ancien monde d'un revers de main, d'autant que vous ne savez pas vraiment où vous voulez aller - tirez au moins les enseignements de ce qui s'est fait avant. Comment nous demander d'adopter un budget dont on ne connaîtra l'application qu'à partir de l'an prochain, au gré de la prochaine loi sur la justice ?

Nous avons, dans la proposition de loi, dessiné une trajectoire quinquennale de hausse de 29 % ; la vôtre, quadriennale, est deux fois moins ambitieuse - le compte n'y est pas !

À nos propositions pour mieux maîtriser les délais, à nos demandes d'encourager la procédure de conciliation, vous ne répondez pas. Seule réponse budgétaire : la création de 50 postes en administration centrale pour la numérisation des procédures, alors que ce sont les juridictions qui ont besoin de renforts. Quant à la simplification des procédures, elle attendra.

Nous avons proposé de réduire de moitié le seuil d'aménagement de peine ; la ministre a dit qu'il fallait y réfléchir, mais les crédits sur cette action, eux, baissent de 46 % ! Comment voulez-vous régler les problèmes connus, récurrents, en baissant les moyens pour le faire ? Ce budget ne permettra pas non plus d'assurer l'exécution des peines : 5 000 places manqueront au plan 15 000 du candidat Macron... Et les moyens ne suffiront pas même à entretenir le parc pénitentiaire.

Au vu de ce constat partagé sur tous les bancs, le groupe Les Républicains ne peut voter aveuglément les crédits de cette mission.

Les politiques partiales, partielles, de désencombrement des prisons à tout prix n'ont pas marché. Des rustines ont été posées sur un système qui est aujourd'hui en danger. Les effets d'annonce ne suffisent plus à rassurer les professionnels de l'institution judiciaire, ni les Français qui trouvent leur justice trop lente et trop complexe.

Le constat est affligeant ; la proposition de loi Bas a proposé des solutions balayées certes élégamment par la garde des Sceaux.

Pas d'engagement non plus sur l'organisation administrative du ministère, qualifiée d'archaïque par la Cour des comptes. Le ministère n'est parfois pas à même d'anticiper le remplacement d'un photocopieur : Nous en sommes là ! Derrière l'institution judiciaire, c'est l'État qui risque de perdre son autorité.

Je terminerai sur une phrase de Sénèque : « il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. »

M. Bruno Retailleau.  - Elle est aussi de Philippe Bas ! (Sourires)

(Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je complèterai le propos, très juste, de Jacques Bigot en m'attachant aux questions immobilières. Avec Hugues Portelli, j'ai rédigé un rapport intitulé Les contrats de partenariats : des bombes à retardement ? Le point d'interrogation était peut-être de trop. Le palais de justice de Paris en est un ; il coûtera 2,3 milliards en vingt-sept ans. Dès 2018, ce seront 73 millions d'euros...

La Santé fait elle aussi l'objet d'un partenariat public-privé. Ces opérations obèrent lourdement le budget de la justice.

Le parc immobilier carcéral voit ses crédits baisser de 29,3 % ; ceux des aménagements de peine de 23 %. Il faut construire des places de prison - car dans notre pays, des prévenus s'entassent parfois à trois dans des cellules de 9 mètres carrés.

Robert Badinter disait que la condition pénitentiaire est la première des causes de la récidive. Il est impératif de développer les alternatives à la prison, les aménagements de peine, la préparation à la sortie. Ce que font six ou sept établissements actuellement.

Attention aussi aux courtes peines souvent l'occasion pour les jeunes de faire connaissance avec le milieu de la délinquance.

Un dernier mot sur la prison de Saran dans le Loiret : Jean-Jacques Urvoas m'avait écrit que les travaux seraient finis fin 2017, ils n'ont pas commencé. Mme Belloubet m'a écrit qu'ils seront finis à la fin du premier trimestre 2018, d'autres sources disent plutôt fin 2018 : Monsieur le secrétaire d'État, puissiez-vous intervenir pour qu'ils commencent au moins cette année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR).

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Belloubet, la garde des Sceaux, qui se trouve en Nouvelle-Calédonie avec le Premier ministre.

Ce budget du ministère augmente de 3,9 % en 2018. Des ajustements de 0,14 million d'euros sur l'aide juridique, de 3,6 millions sur les crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire, de 3,6 millions d'euros sur les crédits de fonctionnement courant des services judiciaires, de 1,1 million d'euros sur la protection judiciaire de la jeunesse qui seront répartis entre le secteur associatif habilité et le secteur public, de 0,8 million sur le programme « Conduite et pilotage de l'action de la justice » et d'autres modifications mineures ont été opérés à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale.

1 000 emplois seront créés en 2018 et les crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention progresseront de 4,9 %.

Entre 2017 et 2022, les crédits progresseront fortement et de manière sécurisée. À l'horizon 2020, la progression est plus rapide que celle prévue par la proposition de loi Bas. Certes, vous prévoyiez davantage de créations d'emplois - plus de 13 000 contre 6 500 - mais c'est parce que nous sommes plus réalistes sur le recrutement de surveillants : rien ne sert de créer des emplois si on ne peut les pourvoir.

Ces moyens nouveaux doivent s'accompagner d'une rénovation en profondeur de notre justice. Nous avons l'ambition de déverrouiller le fonctionnement de la justice, dans un esprit consensuel.

Ce budget améliorera le fonctionnement quotidien de la justice avec un total de 148 emplois créés : 100 magistrats et 48 greffiers assistants de magistrats ; 183 pourront aussi, grâce à la numérisation, être affectés à de nouvelles missions.

Les crédits de fonctionnement augmenteront de 9,9 % et les crédits immobiliers des services judiciaires augmenteront de 30,8 %. Le Gouvernement n'aura plus recours au partenariat public-privé pour les prochaines opérations.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est temps !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Les travaux de la prison de Saran démarreront en janvier et devraient prendre fin en juin 2018.

La question des délais de jugement est essentielle. Les chantiers lancés par la garde des Sceaux sur la transformation numérique et la simplification des procédures doivent permettre d'améliorer la situation. Plus de 74,8 millions sont ouverts au titre des frais de justice soit 10 millions de plus qu'en 2017. C'est moins que ce qui a été dépensé en 2016, mais c'est qu'il y a eu alors un fort apurement de dettes, d'où une dépense particulièrement élevée.

La plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) souvent décriée à tort, permet d'économiser 50 millions par an.

Ce budget renforce aussi l'efficacité des peines. La construction de 15 000 nouvelles places de prison est bien une priorité. 470 emplois seront créés en 2018, qui permettront les ouvertures des établissements d'Aix2, de Draguignan et de Paris La Santé. La garde des Sceaux est consciente de la nécessité de fidéliser les agents pénitentiaires ; 26 millions seront débloqués pour une première vague de projets. Mais soyons réalistes : 15 000 places, c'est un objectif à fixer sur dix ans.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Pourquoi cette promesse, dès lors ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Pour renforcer l'efficacité des peines, la garde des Sceaux a lancé des chantiers de réflexion, en particulier sur les travaux d'intérêt général - et la création d'une Agence nationale des travaux d'intérêt général. 150 emplois seront créés pour le suivi des personnes sous main de justice. Le renseignement pénitentiaire bénéficiera, lui, de 35 emplois supplémentaires. Pour la protection judiciaire de la jeunesse, nous allons créer 20 centres éducatifs fermés et 40 postes d'éducateurs en milieu ouvert. Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse augmente de 8,7 %, pour atteindre 438 millions d'euros, à quoi s'ajoutent 83 millions de ressources affectées.

Dernier marqueur du budget, l'attention aux plus démunis. L'unité de valeur qui servira de base au calcul de l'indemnisation des avocats de l'aide juridictionnelle sera fixée.

Je tiens à vous remercier de vos interventions qui préludent à un débat riche au moment de la présentation de la programmation pluriannuelle de la Justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Josiane Costes applaudit également.)

Examen des crédits et des articles rattachés

M. le président.  - Amendement n°II-374, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciaire dont titre 2

 

 

 

 

Administration pénitentiaire dont titre 2

 

100 000 000

 

100 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

100 000 000

 

100 000 000

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2

 

 

 

 

Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

100 000 000

100 000 000

100 000 000

100 000 000

SOLDE

0

0

 

Mme Éliane Assassi.  - Les quelques efforts réalisés dans l'accueil des justiciables dans les palais de justice et les modifications à la marge des dispositifs d'accès au droit ne suffiront pas à masquer une politique budgétaire catastrophique en matière d'aide juridictionnelle, pourtant seule à même d'assurer une assistance par un avocat aux plus démunis.

Notre amendement est d'appel ; il abonde le programme « Accès au droit et à la justice » par une partie des crédits du programme « Administration pénitentiaire » à hauteur de 50 millions sur l'action 2 et 50 millions sur l'action 4.

M. le président.  - Amendement n°II-407 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Rossignol, MM. Jomier et Tissot, Mmes Meunier et Monier, MM. P. Joly et Durain, Mmes S. Robert et Harribey, MM. Antiste et Kanner, Mme Lepage, M. Iacovelli, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. Féraud, Mmes G. Jourda et Conconne, M. Lalande, Mme Grelet-Certenais, M. Cabanel, Mme Ghali, M. Assouline, Mme Tocqueville, MM. Temal et Manable, Mmes Lienemann et Cartron, M. Marie et Mme Espagnac.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

 

 

 

 

Administration pénitentiaire

dont titre 2

 

 

 

 

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

19 065 848

 

19 065 848

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

 

19 065 848

 

19 065 848

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

19 065 848

19 065 848

19 065 848

19 065 848

SOLDE

0

0

 

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement a le même objet. Pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale, il faut gagner moins de 1 007 euros par mois. C'est un seuil très bas. La piste des assurances a déjà été explorée. C'est un chantier à ouvrir en 2018, or rien ne semble indiquer une ambition sérieuse sur ce point.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°II-374. Le plafond d'accès à l'aide juridictionnelle a déjà été relevé de 941 à 1 007 euros par la réforme de 2014. Le plafond est de plus indexé sur l'inflation. Le dispositif semble en adéquation avec les besoins constatés.

Demande de retrait de l'amendement n°II-407 rectifié bis.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Les crédits du programme 101 progressent de 8,7 % ; ceux des points départementaux d'accès au droit de 11 %. Au total, en quatre ans, les moyens publics consacrés à l'aide juridictionnelle ont augmenté de 39 %, ce qui a permis de relever le plafond de revenus avant accès et de revaloriser la rémunération des avocats. Avis défavorable à l'amendement n°II-374.

Concernant l'amendement n°II-407 rectifié bis, les dépenses visées par les crédits qu'il ponctionne sont très rigides, consistant essentiellement en des loyers. Retrait ou avis défavorable.

Les besoins de l'aide juridictionnelle sont couverts par les crédits de 2018 ; ils ne le seraient pas si le plafond était relevé, ce qui est une des questions posées par la mission d'inspection.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Les ressources extrabudgétaires que le rapporteur a évoquées sont au même niveau que l'an dernier. Un plafond de 1 007 euros, cela ne choque-t-il personne ? Peut-on me répondre « Circulez, il n'y a rien à voir » sur un sujet aussi important ?

L'amendement n°II-374 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-407 rectifié bis.

Les crédits de la mission « Justice » ne sont pas adoptés.

L'article 57 ter est adopté.

L'amendement n°II-405 rectifié n'est pas défendu.

Prochaine séance, demain, mercredi 6 décembre 2017, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 25.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 6 décembre 2017

Séance publique

À 10 h 30, à 14 heures et le soir

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente Mme Catherine Troendlé, vice-présidente M. Vincent Delahaye, vice-président Secrétaires : Mme Mireille Jouve M. Guy-Dominique Kennel

Suite du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018).

Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII.

Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI.

Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII.

Avis fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI.

Avis fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX.

Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ articles 50 et 51).

Cohésion des territoires (+ articles 52, 52 bis, 52 ter, 52 quater, 52 quinquies et 52 sexies).

Gestion des finances publiques et des ressources humaines (+ article 55 ter), Crédits non répartis et Action et transformation publiques.

Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État.

Régimes sociaux et de retraite.

Compte d'affectation spéciale : Pensions.

Engagements financiers de l'État (+ articles 55 et 55 bis).

Compte d'affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce.

Compte d'affectation spéciale : Participations financières de l'État (+ articles 68 et 69).

Compte d'affectation spéciale : Accords monétaires internationaux.

Compte d'affectation spéciale : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics.

Investissements d'avenir et Remboursements et dégrèvements.

Nominations à un organisme extraparlementaire

Commission de surveillance de la caisse des dépôts et consignations

MM. Jacques Genest et Claude Raynal sont membres titulaires.