Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.

Seconde partie (Suite)

Cohésion des territoires

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Nous examinons aujourd'hui les crédits d'une mission nouvelle qui regroupe deux anciennes missions : territoires et logement d'une part, politique des territoires, d'autre part ; ainsi la politique du logement et la politique de la ville se trouvent réunies.

Je dois vous renvoyer pour la présentation générale des crédits à mon rapport écrit, afin de concentrer mon propos, dans le temps imparti, sur les points saillants, qui sont nombreux.

La mission est l'un des principaux postes d'économie du budget, avec une baisse de 1,7 milliard d'euros, la plus forte sur un an, confirmée en triennal 2018-2020 avec une baisse de 8,3 % en valeur. Cette baisse est surtout supportée par le programme « Aide à l'accès au logement » avec la baisse des APL de 1,9 milliard d'euros.

L'article 52 propose des mesures qui ne nous convainquent pas. Surtout, derrière une soi-disant mesure - très minime - en faveur du pouvoir d'achat des locataires se cache une simple mesure de rendement budgétaire dont vous aviez sous-estimé les conséquences. Trouvons une solution de compromis, plus soutenable pour les bailleurs sociaux.

La baisse des APL, prise pour équilibrer le budget de 2017, s'applique aussi à 2018 et entraîne une économie de 400 millions d'euros.

Le pilotage par le Gouvernement de la politique du logement ne manque pas de me laisser perplexe. Votre projet de loi de finances envoie des signaux contradictoires, pour ne pas dire négatifs. Sur le programme 177, vous opérez un rebasage bienvenu, mais insuffisant face à l'inéluctable augmentation des besoins de l'hébergement d'urgence.

Les aides à la pierre sont asséchées - elles diminuent de 50 millions d'euros - tandis que la contribution au fonds national des aides à la pierre (FNAP) est augmentée. Nous ne sommes pas rassurés par la menace de mesures de régulation budgétaire comme cela a été le cas à l'été.

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH), en revanche, fait son grand retour dans le budget ; ses ressources sont sécurisées. Ainsi, 110 millions d'euros sont inscrits pour le programme « Habiter mieux » en 2018 et une enveloppe d'1,2 milliard d'euros est annoncée sur le quinquennat dans le cadre du « grand plan d'investissement » (GPI). Ces crédits viennent prendre le relais des crédits du « programme d'investissements d'avenir » (PIA) qui s'achèvent.

Le Gouvernement affiche de fortes ambitions en termes de rénovation urbaine, avec une enveloppe portée à 10 milliards d'euros pour le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Les crédits du programme « Politique de la ville » sont globalement sanctuarisés, avec de fortes ambitions sur la rénovation urbaine. La situation financière de l'ANRU et du NPRU est correcte, mais plusieurs interrogations subsistent sur la trésorerie de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU).

L'article 52 a donné lieu à des échanges jusque tard dans la nuit, à la recherche d'un compromis. Le taux réduit de TVA adopté en première partie, dégagera 700 millions d'euros, auxquels s'ajoutent, par un amendement de la commission des finances, 850 millions d'économies de dépenses que nous venons de trouver.

La commission des finances a demandé l'examen de l'article 52 par priorité, pour statuer en connaissance de cause sur les crédits de la mission que la commission des finances vous proposera d'adopter, en fonction de ce que nous aurons décidé, dès lors que le Gouvernement aura présenté l'amendement annoncé lors de l'examen de l'article d'équilibre pour inscrire 700 millions d'euros supplémentaires sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances .  - J'aborderai les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État », avec un accent sur le manque de cohérence et l'absence de réponses aux besoins des territoires. Deux outils financiers - les contrats État-métropole et contrats de ruralité - sont transférés vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT).

C'est une dispersion malvenue ; à quelle logique répond-elle ?

Les crédits relatifs aux contrats de ruralité diminuent et perdent en lisibilité, alors que 400 contrats ont été signés cette année. Le projet de loi de finances 2018 conserve le dispositif prévu en dehors des 44 millions de crédits de paiement du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », aucun nouveau crédit pour les nouveaux contrats n'est indiqué. Il n'y aura pas de fonds pour financer les nouveaux contrats de ruralité, sauf à consommer la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

La prime d'aménagement du territoire (PAT) avait des crédits de 20 millions d'euros en projet de loi de finances 2017, ramenés à 10 millions puis à 15 millions par l'Assemblée nationale dans le projet de loi de finances 2018. Ces 20 millions sont un minimum - la reprise du site Whirlpool d'Amiens est en jeu. Nous proposerons un amendement rétablissant cette enveloppe.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) doit, dit le président de la République, faciliter l'accompagnement des projets des territoires. Doit-elle s'appuyer sur le pilotage du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ? Pour ma part, j'en suis convaincu.

Pour la première fois, une nouvelle action est inscrite au programme des interventions territoriales de l'État (PITE), le plan Littoral 21 pour l'Occitanie. En revanche, je déplore la baisse des crédits pour le programme Marais poitevin. Il faut accompagner les acteurs locaux vers la sortie du dispositif.

L'année 2018 marque donc un recul ; je me rallierai à la position de M. Dallier à l'issue des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les crédits des trois programmes que j'ai examinés diminuent pour atteindre 15,8 milliards d'euros. Ceux du programme relatif aux APL, en particulier, baissent de 12 %, notamment en raison de la réduction de 1,7 milliard d'euros imposée des loyers de solidarité, notamment de 1,5 milliard sur les APL, décidée brutalement et sans concertation avec les bailleurs sociaux et les élus.

Le coût réel pour les bailleurs sociaux dépasse largement 1,5 milliard d'euros. Cela fragilisera les collectivités territoriales à travers les garanties d'emprunt en cas de défaillance des bailleurs sociaux. Tout cela menace un secteur qui marche. D'où la réflexion que Philippe Dallier, Sophie Primas, Valérie Létard et moi-même avons conduite. J'ai proposé d'augmenter les cotisations à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) afin de pouvoir alimenter le FNAL à hauteur de 850 millions d'euros et de maintenir l'APL Accession.

Sur le programme 135, les crédits baissent aussi, en raison d'un désengagement de l'État des aides à la construction et à la pierre. Les dispositifs Pinel et PTZ sont recentrés.

Les crédits du programme 177 augmentent mais ils restent sous-budgétisés.

Au total, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur ces trois programmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Annie Guillemot , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Les crédits du programme « Politique de la ville » baissent de 16 % en autorisations d'engagement en raison de la baisse des crédits de l'État dédié au NPNRU mais restent stables en crédits de paiement. L'État s'est engagé à ne pas pratiquer le rabot ; nous y veillerons.

Le président de la République s'est engagé à porter le montant de son financement au Nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU) à 200 millions d'euros pour le quinquennat mais cela ne suffit pas. Je regrette la réduction des loyers de solidarité, décidée brutalement.

Avec Valérie Létard, nous avons préconisé une évolution des moyens de financement du NPRU.

Attention à ne pas oublier les politiques de peuplement et la sécurité sociale.

Le programme « Politique de la ville » consacre 106 millions d'euros à l'emploi ; au risque d'un effet d'aubaine pour les entreprises qui embauchent des jeunes.

La commission a donné un avis de sagesse sur le programme et un avis favorable sur l'article 52 sexies. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - J'ai trois minutes pour vous présenter l'avis de notre commission sur le programme 177, qui est le réceptacle des insuffisances des politiques sociales face à la question du sans-abrisme, d'une acuité croissante. Bien que le droit à l'hébergement soit inscrit dans notre code de l'action sociale et des familles, 21 % des demandes d'hébergement adressées aux services d'accueil et d'orientation ne sont pas satisfaites.

Les crédits du programme augmentent mais sont inférieurs, en réalité, à ceux consommés en 2017. Ce programme se distingue par une insincérité chronique, même si le Gouvernement s'engage à ne pas prendre de décrets d'avance - voeu pieux à mon sens.

Le président de la République a annoncé un plan quinquennal « Logement d'abord » avec un accompagnement social renforcé. Cela fait consensus, mais il faudrait des moyens beaucoup plus conséquents, et notamment un fort développement des logements très sociaux. Avec l'article 52, il est permis d'en douter. Le programme 177 est sous-budgété. Cette insincérité est préoccupante.

La commission a émis un avis de sagesse.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes les Républicains et UC) Le 17 juillet dernier, le Gouvernement s'est engagé dans une dynamique en faveur de la ruralité lors de la première conférence nationale des territoires. Or quatre mois plus tard, le transfert des crédits des contrats de ruralité hors du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » est un signal négatif, d'autant qu'il n'y a aucune garantie sur l'avenir de cet outil, très pertinent pour le soutien des projets transversaux de développement local.

De plus, des éléments constants du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » continueront à baisser. La création envisagée d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) n'est pas cohérente avec la baisse des ressources du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), amplifiée par celle des crédits du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema). Les collectivités territoriales appellent au contraire de leurs voeux une ingénierie territoriale plus développée !

Je signale, au titre des points plus positifs, le développement des maisons de services au public (MSAP) et la nouvelle action Littoral 21.

Au total, les crédits ne suggèrent pas une réduction de la fracture territoriale. C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a donné un avis négatif à l'adoption des crédits du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La mission cohésion des territoires est transversale. Son budget reste mineur, 3 % des crédits de la politique d'aménagement du territoire.

Je regrette le manque d'intérêt des pouvoirs publics pour la question de la cohésion des territoires. Deux programmes y concourent. D'abord, le PITE, qui contient les aides aux collectivités territoriales, pour l'électrification en zones rurales, en baisse de 4,5 % à 360 millions d'euros. Ce n'est pas anodin.

La baisse est encore plus drastique pour le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », en raison du retrait des contrats de ruralité. Or ceux-ci sont unanimement salués ainsi, 500 contrats de ruralité, environ, ont été lancés pour revitaliser les centre-bourgs ou renforcer l'attractivité territoriale.

Quelques satisfactions cependant : le maintien de la prime d'aménagement du territoire (PAT) -  une des rares aides encore autorisées par l'Union européenne -, des zones de revitalisation rurale (ZRR), par exemple.

L'augmentation des crédits aux MSAP est également bienvenue.

Votre groupe s'inquiète des mesures antisociales de l'article 52, en premier lieu la baisse de l'APL quoiqu'atténuée par l'Assemblée nationale : nous rejetterons pour cette raison les crédits de la mission.

Le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux pour le haut débit et la téléphonie mobile, qui malheureusement ne se traduisent pas dans les crédits de la mission.

Regrettant le manque d'attention portée à la question de l'aménagement du territoire dans ce budget et s'inquiétant de cette baisse drastique des APL, le groupe Les Indépendants votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Guillaume Arnell .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) La mission cohésion des territoires subit la plus importante réduction de crédits, alors qu'il faut mener en même temps la réforme du logement. Or cela touche au droit pour tous de vivre dans la dignité. Or 4 millions de personnes sont mal logées dans notre pays.

Le constat d'inefficience de la politique du logement - à laquelle sont consacrés tout de même 40 milliards d'euros, soit 2 % du PIB - est partagé.

Nous sommes nombreux à souhaiter que les aides à l'accès au logement soient réformées, en particulier les APL, dont on peut admettre le caractère inflationniste, quoiqu'il soit difficile à mesurer. La baisse des APL aurait dû s'inscrire dans une réflexion plus globale, au-delà de 1,7 milliard d'économies attendues. Le premier touché est le logement social où les loyers sont encadrés.

La situation financière globale des bailleurs sociaux est en effet confortable, mais la baisse des loyers de solidarité les frappe indistinctement. Nous espérons que la péréquation et les restructurations permettront d'y remédier. Le Sénat a voté une hausse du taux réduit de TVA pour compenser en partie ; d'autres mesures sont attendues.

Il faut accélérer l'accroissement de l'offre de logement à prix accessible dans les zones tendues, pour mettre fin au cercle vicieux dans lequel la dépense publique ne cesse d'augmenter pour répondre imparfaitement aux dysfonctionnements du marché immobilier.

L'accession à la propriété doit elle aussi être encouragée. D'après un rapport de la commission des finances, le taux des propriétaires de 25 à 44 ans a baissé de 53 % entre 1973 et 2013, alors que chez les ménages aisés, le taux augmentait dans les mêmes proportions.

L'augmentation des crédits du programme 177 sur l'hébergement d'urgence, notamment sous-budgétisé, est à saluer.

Quand des territoires sont isolés, la solidarité est rompue, surtout quand, comme Saint-Barthélemy, Mayotte ou Saint-Martin, ils subissent de plein fouet des handicaps structurels.

Ces réserves n'entament en rien, Monsieur le Ministre, notre admiration pour vous et notre confiance en votre sens de l'équité, votre capacité d'écoute et de dialogue, car vous êtes un homme d'engagement. (On renchérit notamment sur les bancs du groupe RDSE ; murmures sur divers bancs.)

M. François Patriat .  - La réflexion sur le logement a pour objectif de réduire la dépense publique...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Pas n'importe comment !

M. François Patriat.  - ... sans léser personne. Le Gouvernement a montré son écoute tout en maintenant son exigence. La politique du logement, c'est 42 milliards d'euros. C'est un montant important.

Première raison, l'inflation incontrôlée des loyers ; en second lieu, un taux d'effort des ménages très élevé ; troisièmement, la persistance du mal-logement qui touche quatre millions de personnes.

Pour défendre notre modèle social, il faut le rendre plus efficace. Notre objectif reste la baisse des loyers, à travers la péréquation et la progressivité. Une personne touchant 40 euros d'APL gagnera ainsi 100 euros par an.

Le groupe LaREM est conscient des craintes de l'USH, dont le Sénat a entendu les représentants. Le taux du livret A sera maintenu, au bénéfice des bailleurs sociaux.

De plus, le mécanisme de compensation via la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) a été abandonné au profit d'une hausse de la TVA de 5,5 % à 10 % votée par le Sénat, qui rapportera 700 millions d'euros. Mais il faudra aller plus loin.

Un compromis devrait aboutir bientôt ; j'invite le Sénat à rejeter les amendements des commissions des affaires étrangères et des finances.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Ben voyons !

M. François Patriat.  - Le parc HLM, géré par 732 organismes, doit être restructuré. L'ancienneté moyenne des locataires est de treize ans - sept ans dans le parc privé ! L'attente moyenne pour un logement social est d'un an et demi...

On ne peut pas continuer comme cela. Le projet de loi Logement 2018 sera l'occasion d'un vrai débat et la première étape de la réforme.

Notre groupe votera les crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Cécile Cukierman .  - Les choix du Gouvernement sur le logement, présentés à l'été, annonçaient un rabot général. Or la crise s'aggrave, avec quatre millions de mal-logés, 1,9 million de personnes en attente de logement. Nous soutenons le collectif « Vive l'APL ! » qui s'oppose à votre décision inique de réduire de 5 euros cette allocation. Le désengagement de l'État est ainsi poussé à son paroxysme.

Nous sommes pour le droit au logement, la performance sociale et énergétique du bâtiment et l'innovation architecturale. Les aides à la pierre sont encore en baisse. La baisse des APL dégradera le logement social...

M. François Patriat.  - Vous êtes pour la hausse des loyers...

Mme Cécile Cukierman.  - Non, Monsieur Patriat, vous savez bien que ce sont toujours, à la fin, les locataires qui trinquent ! (M. Xavier Iacovelli applaudit, suivi d'applaudissements croissants sur les bancs des groupes SOCR et CRCE et sur quelques bancs du groupe UC.)

Pour l'an prochain, 50 millions d'euros sont prévus pour rénover les logements contre 500 millions en 2012. C'est ridicule. (On approuve sur les mêmes bancs ; M. François Patriat proteste.)

Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) est financé à 86 % par les bailleurs sociaux - donc par les locataires.

Les bailleurs sociaux sont aussi sommés de financer le NPRU à hauteur de 2 milliards, ainsi que le FNAL et enfin de compenser la baisse des loyers induite par la baisse des APL.

Tout cela fait des bailleurs sociaux, du 1 % logement et des collectivités territoriales les principaux financeurs du logement ; 14 600 emplois du bâtiment seraient menacés selon l'USH ; on craint des faillites de bailleurs sociaux, répercutées sur les collectivités territoriales qui en sont les garantes. Les niches fiscales, par ailleurs, restent trop nombreuses.

La loi Logement du printemps risque de remettre en cause la loi SRU.

Promouvons plutôt un développement du territoire équilibré, et tourné vers la transition écologique, complémentaire entre l'urbain et le rural, en renforçant les coopérations entre territoires. Ne les opposons pas, ne les hiérarchisons pas.

Le groupe CRCE ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Serge Babary .  - Cette mission comporte six programmes ; 16,4 milliards d'euros sont inscrits en autorisations d'engagement et 16,5 milliards en crédits de paiement. Ces crédits sont globalement en baisse.

Le programme 147 voit ses crédits baisser de 16 % en autorisations d'engagement et stagner en crédits de paiement. Le NPNRU est toutefois bien doté avec un engagement du Gouvernement à hauteur de 10 milliards d'euros à l'article 52 sexies, ce dont nous nous réjouissons. Le rapport Guillemot-Létard a été suivi, mais le retour de l'État dans le financement du renouvellement urbain reste balbutiant. En 2018, seuls 15 millions d'euros sont inscrits... Et le décret d'avance du 27 juillet 2017 a annulé l'intégralité des sommes prévues pour le renouvellement urbain en 2017 !

Si le NPNRU est bien doté, il manque toujours 4 milliards d'euros.

L'article 52 impose, en contrepartie de la baisse des APL, une réduction des loyers étalée sur trois ans. En 2018, la perte à absorber pour les offices publics de l'habitat sera de 822 millions d'euros. S'y ajoute la hausse de la participation au FNAP. Bref, la capacité d'autofinancement des organismes HLM et donc la politique locale en faveur du logement social seront fragilisées, au risque de remettre en cause l'ensemble des projets de rénovation urbaine.

Un accord a été trouvé le 21 novembre 2017 avec Action Logement, qui apportera 2 milliards d'euros, mais le financement du NPNRU sur le quinquennat n'est pas bouclé. Les contrats de ville signés seront-ils concrétisés ?

La brutalité de ces mesures et l'absence de concertation montrent que ce Gouvernement n'est guidé que par la recherche d'économies.

Notre groupe salue l'effort fait en première partie sur la TVA et se déterminera en fonction du vote des amendements de Philippe Dallier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) J'irai droit au but, car Annie Guillemot a tout dit sur les objectifs de cette politique. Le passage de 5 à 10 milliards d'euros pour le NPNRU souffrira toutefois de l'article 52, car enlever 1,7 milliard d'euros à l'autofinancement des bailleurs sociaux pèsera forcément sur le renouvellement urbain.

M. Antoine Lefèvre.  - Il y a des chances.

Mme Valérie Létard.  - Nous avons déposé un amendement identique à celui de Mme Estrosi Sassone. Faut-il espérer un compromis entre une baisse des loyers de 800 000 euros en 2018 puis de 1,5 milliard en 2020, au risque de mettre à bas le monde du logement social dans l'attente d'une hypothétique réforme globale au printemps, ou saisir la main tendue par le Sénat ?

La mesure budgétaire proposée par le Gouvernement est trop brutale. La politique locale de l'habitat pourrait être détruite, selon les choix que nous ferons. Nous avons ici, au Sénat, la possibilité de trouver une voie de passage. Sécurisez-la, Messieurs les Ministres. Laissez-nous, parlementaires expérimentés, vous aider à aller au bout de votre réforme, au bon rythme. Écoutez la voix des territoires que nous représentons ! (Mme Françoise Gatel approuve.) Mettez les choses dans le bon ordre : on commence une maison par les fondations, pas par le toit ! (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SOCR, UC et Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Xavier Iacovelli .  - J'ai trouvé dans la stratégie nationale pour le logement du Gouvernement des orientations que je partage : accession sociale à la propriété, accélération des rénovations, relance de la construction... Le choc de l'offre, nous l'avons d'ailleurs réalisé sous le quinquennat précédent (M. Philippe Dallier , rapporteur spécial, s'exclame.)

Vous prétendez poursuivre les efforts, mais par votre approche purement comptable, vous allez aggraver la situation des moins aisés. Vous opérez des coupes claires, et non des coupes sombres, comme l'aurait précisé Jean d'Ormesson.

M. François Grosdidier.  - Quelle référence !

M. Xavier Iacovelli.  - Après le plus grand plan social de l'année sur les contrats aidés, vous continuez l'offensive. Cette perte de recette d'1,5 milliard d'euros, c'est 70 % des capacités d'investissement des bailleurs sociaux, 154 000 logements qui ne seront pas construits, 100 000 qui ne seront pas réhabilités.

Nous ne sommes pas dogmatiques.

M. Philippe Pemezec.  - C'est nouveau, ça !

M. Xavier Iacovelli.  - Non, nous ne le sommes pas, contrairement à vous.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Il a de l'humour...

M. Xavier Iacovelli.  - Le Sénat a proposé un compromis tenant compte des propositions de l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui préserve le modèle économique du logement social en France. Vous le balayez, avec un amendement de dernière minute qui impose une baisse irréversible des loyers.

Que reste-t-il d'une stratégie politique quand elle est animée par une logique purement budgétaire ? Vous diminuez les aides à la personne, les aides à la pierre, vous supprimez les APL accession, les aides aux maires bâtisseurs... Quelle est votre vision pour le logement ?

La nôtre, c'est la justice, la solidarité et la cohérence économique. Le groupe socialiste défendra la suppression de l'article 52 et le rétablissement de ces aides, bref, tout ce qui définit le modèle qui protège les plus modestes. Suppression de l'ISF, politique du logement... Vous faites le choix des inégalités. Nous choisissons la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe CRCE)

Mme Pascale Bories .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « La France qui trompe, c'est fini », a dit le ministre de l'économie lors de la discussion générale. Mais quand je regarde ce premier budget, j'ai l'impression d'un double langage.

La Conférence nationale des territoires a suscité les attentes des élus. La ruralité demande à avoir les mêmes chances de réussite, avait estimé le président de la République. La création de l'Agence nationale des territoires semblait porteuse d'un souffle nouveau - mais sans crédits, ce souffle retombe.

On comprend le sentiment d'abandon, voire la défiance des ruraux. Fin de la dotation d'action parlementaire, amputation de 209 millions de la DETR, réforme de la taxe d'habitation, baisse de 13 milliards d'euros des dotations de l'État, réduction du nombre d'élus. Les territoires ruraux sont inquiets, ce budget ne les rassurera pas.

Les changements de périmètre de cette mission ne facilitent pas la compréhension du budget. Si les crédits du PITE augmentent, le programme 212 témoigne d'un désengagement : la baisse de 58 % des autorisations d'engagement démantèle une politique qui a pourtant fait ses preuves. Où sont les crédits pour les contrats de ruralité ? Dans le Gard, le préfet a signé six contrats de territoire, qui deviendront des coquilles vides.

La ruralité peut être terre de croissance et de développement ! Comment les contrats restants seront-ils financés ? Quelle ZRR pour les petites communes rattachées à de grands EPCI, comme les 73 communes cévenoles de la communauté d'agglomération d'Alès ? Les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) sont aussi en baisse...

Je me réjouis que les financements des maisons de service public augmentent, mais cela ne doit pas conduire à la dévitalisation de secrétariats de mairie. La question du maintien des services publics en zone rurale est essentielle.

Cette mission n'a ni dynamique, ni sens, ce qui est très décevant. Il faut simplifier, rendre plus équitables et transparentes les dotations aux collectivités territoriales. L'État n'est plus stratège, n'a plus d'ambition en matière d'aménagement du territoire. Avec mon groupe, je voterai contre ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les crédits consacrés à l'aménagement du territoire sont en légère hausse en crédits de paiement mais en nette baisse en autorisations d'engagement : moins 53 % ! Ce n'est pas un bon signe et nous en sommes fort inquiets.

Certes, les crédits dédiés aux contrats de ruralité sont transférés vers un autre programme, mais nous n'avons aucune garantie que l'enveloppe sera pérennisée. Près de 500 contrats sont déjà conclus ou en cours de négociation. Notre groupe est à l'origine de la réflexion sur cet outil adapté au monde rural, avec la proposition de loi de Pierre Jarlier et Bernard Delcros que le gouvernement de l'époque avait repoussée avant de la reprendre à son compte !

Autres sujets d'inquiétude : la baisse de moitié de la prime d'aménagement du territoire, légèrement amoindrie à l'Assemblée nationale ; l'avenir incertain des pôles de compétitivité ; la politique des centres-bourgs, objet d'un groupe de travail piloté par MM. Rémy Pointereau et Martial Bourquin.

Le Gouvernement a fixé des objectifs en matière de couverture numérique pour le haut et très haut débit et la téléphonie mobile, mais les moyens d'y parvenir sont incertains. Je prends le pari que l'objectif de couverture mobile de 100 % du territoire en 2020 ne sera pas tenu, ce qui créera déception et colère. (Applaudissements sur les bancs des groupeUC et Les Républicains)

En matière d'accès aux soins, les plans des gouvernements successifs pour lutter contre la désertification médicale se résument à des mesurettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.) Celui annoncé par Mme Buzyn n'est pas à la hauteur des enjeux, et je prends le pari qu'il ne règlera rien.

Nous attendons le retour d'un État stratège. Il ne pointe pas derrière ce budget : nous ne voterons donc pas ces crédits. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La stabilité des crédits du programme 147 atteste que le Gouvernement inscrit son action dans le prolongement des lois de 2014 et 2017. L'efficience doit être le maître mot de la politique destinée aux quartiers, de la conception à l'évaluation. Les acteurs de la politique de la ville ont besoin de visibilité et de garanties. Les engagements pris à Tourcoing devront être tenus.

Les crédits du NPNRU ont été portés à 10 milliards d'euros sur le programme 2014-2024. La capacité contributive des collectivités territoriales est entamée, et les bailleurs sociaux s'interrogent sur leur engagement dans la durée. Les 200 millions d'euros prévus sur le quinquennat semblent insuffisants à provoquer l'effet levier nécessaire. D'où notre amendement portant à 100 millions d'euros les crédits de l'action « Rénovation urbaine ».

Le calcul de la participation de l'ANRU et celle des bailleurs sociaux devront être revus. Mais l'efficience de la politique de la ville sera aussi fonction des stratégies territoriales de logement et de peuplement. Les ménages les plus pauvres ne doivent pas être systématiquement orientés vers les quartiers. La politique de peuplement doit être définie à l'échelle de territoires d'habitat dépassant largement ce périmètre, pour que la mixité sociale prenne une dimension spatiale adaptée aux enjeux de long terme. Il faut une stratégie de peuplement globale et cohérente avec celle des quartiers, marquée du sceau des valeurs de la République.

Nous avons pour l'heure un avis de sagesse sur ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En mai 2017, Emmanuel Macron déclarait : « Je suis maoïste : un bon programme, c'est un programme qui marche ». (Rires) Moi, je ne suis pas maoïste, mais si vous n'acceptez pas les propositions de nos rapporteurs, Messieurs les Ministres, nous ferons un grand bond en arrière sur la politique du logement.

Le Gouvernement a annoncé en septembre un choc de l'offre. C'est bien, mais si les mesures que vous annoncez ne sont pas financées, on risque un contre-choc. Pour répondre aux évolutions de la natalité, de la décohabitation des couples et de l'espérance de vie, il faut construire 450 000 logements par an. Nous avons fait des programmes qui marchent, avec Jean-Louis Borloo. Des programmes consensuels, construits avec les parlementaires et les représentants des collectivités : doublement du financement social du logement, quadruplement de l'accession sociale à la propriété, hausse de 50 % de l'offre de construction - pour 5 milliards d'euros de recettes fiscales de plus que le coût du programme, avec cette martingale gagnante : la confiance.

Faites donc confiance aux acteurs du logement social ! Le recentrage du Pinel et du PTZ détruira mécaniquement plusieurs milliers de logements dans les territoires ruraux et les villes moyennes. La plupart des jeunes couples n'ont pas d'autre solution que ces dispositifs fiscaux pour sécuriser leur parcours d'accès au logement. Dans ces territoires, 15 000 primo-accessions dans le neuf seront perdues, 20 000 emplois seront détruits en 2019, le double en 2020.

Pourquoi ne pas créer, plutôt qu'un PTZ, un prêt à taux réduit ? Le Périssol a été créé quand les taux d'intérêt étaient à 9 %, le PTZ+, quand ils étaient à 4,5 %. Ils sont aujourd'hui à 1,6 %, mais pourraient remonter. Un prêt à taux réduit serait alors bienvenu... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Toucher brutalement à la compensation de la baisse des loyers conduira des offices HLM à la faillite ; les collectivités territoriales seront appelées en garantie ; tout le circuit du logement sera démantibulé, le secteur du bâtiment sera pénalisé, jusqu'aux petits artisans.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Exact !

Mme le président.  - Veuillez conclure.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - De grâce, ne touchez pas aux APL d'accession sociale, saisissez notre main tendue et acceptez le compromis que nous proposons. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Après ce concert de louanges, j'ai toujours autant de plaisir à m'exprimer devant le Sénat de la République auquel je suis si profondément attaché, vous le savez.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Pas assez !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Si d'aucuns l'avaient été davantage ces dernières années, nous n'en serions peut-être pas là !

Le titre du ministère sous-entend qu'il existe des déséquilibres territoriaux dans ce pays. Nous en sommes tous responsables. Depuis 1997 au moins, tous les groupes ici représentés, le mien compris, ont été un jour aux affaires, et ont contribué à ces déséquilibres.

Le Gouvernement est engagé dans un processus de maîtrise des dépenses, je l'assume. Pas assez de crédits sur tel ou tel chapitre ? Je n'aurais pas le mauvais goût de revenir sur les promesses de campagne des uns et des autres - peu ont préconisé des dépenses à tout-va...

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il s'agit d'avancer, d'obtenir des résultats concrets. Ce budget, c'est 16,5 milliards d'euros de crédits budgétaires et 18 milliards de dépenses fiscales. Il regroupe politique du logement, politique de la ville et politique de l'aménagement du territoire.

À la demande du président de la République, nous avons engagé une réforme profonde de la politique du logement. Oui, elle a une dimension budgétaire. Je comprends que M. Daubresse ou Mme Lienemann défendent leur action passée, mais la réalité, c'est que malgré les 40 milliards d'euros que nous dépensons par an, nous avons quatre millions de mal-logés !

Brutalité de la méthode ? Julien Denormandie et moi-même avons toujours privilégié le dialogue avec les bailleurs sociaux, les professionnels et les collectivités : les discussions se comptent en centaines d'heures. Je remercie le Sénat pour sa contribution.

Je me réjouis de la perspective d'une conférence de consensus sur le logement, co-animée avec le président du Sénat.

La baisse des APL et des loyers de solidarité sera neutre pour le pouvoir d'achat des locataires. J'ai souvent entendu parler, sur ces bancs, des « dodus dormants ». Nombre d'acteurs reconnaissent qu'une réforme structurelle est nécessaire. Nous l'engageons, dans le dialogue, et je ne désespère pas d'aboutir à une solution consensuelle.

En 2018, l'État consacrera 13,6 milliards d'euros au financement de cette politique d'aide au logement, qui s'élève au total à 16,4 milliards d'euros si l'on inclut la participation des employeurs et des collectivités territoriales.

Mutualisations, économies d'échelle, simplification, réorganisation des offices HLM... Cette réforme, conduite sur trois ans, préservera la proximité - j'y veillerai particulièrement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.)

La cohérence exige de la concilier avec la réforme des aides au logement. Je remercie Philippe Dallier et Dominique Estrosi Sassone pour le travail considérable qu'ils ont réalisé. La hausse du taux de TVA m'a toujours paru une bonne chose ; je me réjouis que cette proposition vienne du Sénat.

Les réformes suscitent toujours des réactions, c'est le propre de la vie démocratique. Ce n'est pas en attisant les inquiétudes que l'on aidera à quoi que ce soit : nous avons pris des mesures de péréquation et nous aiderons les bailleurs sociaux avec 6 milliards d'euros de prêts bonifiés, sans parler de la stabilisation du Livret A.

Les dispositifs PTZ et Pinel votés dans le projet de loi de finances pour 2017 devaient prendre fin au 31 décembre 2017. Nous les prolongeons pour assurer une visibilité aux professionnels de l'immobilier. Le Pinel sera concentré dans les zones tendues - seuls quelques dizaines de logements sont concernés dans les autres. Comme l'a annoncé le président de la République, le PTZ est maintenu sur quatre ans dans le neuf en zone tendue ; sur deux ans à taux réduit dans le neuf et quatre ans sur l'ancien en zone détendue. Cela me semble constituer une avancée plutôt qu'un recul.

Nous avons renforcé les crédits de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui lutte contre les passoires thermiques. Des crédits sont également inscrits au budget du ministère de la transition écologique. Le programme « Habiter mieux » est doté d'1,2 milliard d'euros sur le quinquennat.

Dans le cadre du projet de loi Logement, nous proposerons un dispositif exceptionnel réduisant l'imposition des plus-values immobilières pendant trois ans pour accroître l'offre.

Un mot sur l'hébergement d'urgence. La politique du « logement d'abord » sera préservée quoi qu'il arrive. Depuis des années, les budgets ont été insincères ; la France compte plus de 120 000 sans-abris, et cela ne date pas du mois de mai dernier. La situation est en outre aggravée par les flux migratoires. Il faut donc augmenter les crédits : ce budget s'y emploie. Mais cet hiver encore, hélas, des femmes et des hommes décèderont dans la rue. Le Gouvernement fait ce qu'il peut pour l'éviter. Notre stratégie « logement d'abord » a été saluée par toutes les associations.

Certains trouvent que nous ne faisons pas assez en matière d'aménagement du territoire. On ne fait jamais assez, surtout quand on hérite d'une telle situation ! (M. Roland Courteau s'exclame.) J'assume ma part de responsabilité, ayant voté les budgets du précédent quinquennat - ce n'est sans doute pas ce que j'ai fait de mieux. (Applaudissements à droite et au centre) Mais j'ai toujours dit en face ce qui ne me convenait pas.

Je connais les problèmes des contrats de ruralité. Mon ami député du Cantal vient de battre le record sur le Paris-Aurillac : vingt et une heure trente ! Il y a des marges de progression.

Nous aurions pu nous contenter d'honorer les contrats en cours, or les dotations DETR et DSIL ont été maintenues au plus haut niveau. Ce n'était pas évident. La politique de contrat de ruralité sera maintenue. Ceux qui ont voté les textes sur les métropoles devraient savoir qu'ils ont privé la ruralité de 90 millions d'euros...

Nous engagerons un vrai plan pour redynamiser les villes moyennes, qui souffrent d'être délaissées. (Approbation sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous coordonnons notre action avec la CDC et Action Logement qui a déjà engagé 1,5 milliard d'euros sur les villes moyennes.

Sur le financement des maisons de service au public, nous avons été clairs.

La lutte contre la désertification médicale, qui faisait l'objet de huit des vingt et une questions qui m'ont été posées lors de notre dernier débat sur la ruralité, est un sujet sur lequel nous devons progresser. Je travaille avec Mme Buzyn pour améliorer encore le plan proposé.

Les crédits des primes à l'aménagement du territoire ont été augmentés de 50 % à l'Assemblée nationale ; si vous faites plus, je n'en serai pas malheureux, car c'est un instrument efficace.

Nous avons sanctuarisé les crédits pour la politique de la ville, rabot inclus, et doublé le financement du NPNRU, qui passe de 5 à 10 milliards d'euros. Action Logement a signé pour les 2 milliards d'euros supplémentaires.

Le Sénat est toujours là pour construire avec tous les gouvernements ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, et RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)

Rappel au Règlement

M. Fabien Gay .  - Plusieurs de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40.

L'un d'entre eux demandait un rapport sur une plateforme de recensement des solutions issues des quartiers prioritaires politiques de la ville, qui s'intitulerait Agence des solutions locales. Une telle structure aurait pu soutenir l'action des pouvoirs publics.

On ne voit pas comment un rapport constituerait une charge nouvelle pour l'État... Le droit d'amender est un droit inaliénable des parlementaires. Nos amendements reprenaient les préconisations de l'appel de Grigny lancé le 16 octobre par un grand nombre de maires.

La fracture territoriale et sociale s'aggrave, les difficultés que concentrent ces quartiers sont autant de coups portés au pacte républicain. Il faut entendre leur appel. Revenez sur cette irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. Philippe Dallier, en remplacement de M. Vincent Eblé, président de la commission des finances .  - Un amendement déclaré irrecevable agace toujours. Mais la procédure est précise, et la même pour tous. La commission des finances a mis en place une cellule spécialisée sur l'irrecevabilité. Quand les amendements sont déclarés irrecevables, c'est toujours pour une raison précise et bien établie : soit parce qu'ils aggravent les charges publiques, soit parce qu'ils ne cadrent pas avec la discussion de la LOLF.

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas notre lecture !

Mme le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

EXAMEN DES CRÉDITS ET DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 52 (Appelé en priorité)

Mme Cécile Cukierman .  - Cet article fait l'objet de toutes les attentions. Sa rédaction initiale prélevait les bailleurs d'1,5 milliard d'euros puis l'Assemblée nationale a étalé la mesure sur trois ans, sous réserve d'un rehaussement de la participation des bailleurs au Fonds national des aides au logement au travers de leur cotisation à la CGLLS qui passe de 3 à 8 %. Pour se justifier, le Gouvernement invoque une hausse du financement des APL, de 18 milliards, qu'il serait urgent de contenir.

Il est vrai que, depuis les années 1970, les gouvernements, en choisissant l'aide à la personne plutôt qu'à la pierre, n'ont pas aidé la construction - et comme les logements ont manqué, les loyers sont devenus plus chers. Mais le Gouvernement n'envisage pas d'augmenter les aides à la pierre en proportion de la baisse des APL, il ne pense qu'à faire des économies.

Or, si les crédits aux APL doivent augmenter, ce n'est pas le fait du logement social, dont les loyers sont réglementés, mais celui des loyers dans le secteur privé, puisque les aides sont réglées sur les loyers. Cela rend d'autant plus inquiétante, soit dit en passant, la remise en question de l'encadrement des loyers...

Il faut aussi regarder du côté du 1 % logement : les entreprises ne contribuent en réalité que pour la moitié - rehaussons leur participation, nous compenserons la plus forte demande d'APL.

Cette hausse des crédits n'est pas imputable aux politiques du logement, mais bien à la pauvreté qui gagne du terrain et à la précarité qui gangrène notre société.

Baisser les APL ne résoudra rien. Il faudrait plutôt renforcer le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

L'article 52 ouvre un mauvais débat, nous vous proposerons de le supprimer et de sortir de cette mauvaise logique. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Antoine Lefèvre .  - Avec une production annuelle de 230 logements, 90 logements démolis et 50 logements vendus aux locataires, l'office d'HLM de l'Aisne, que je présidais encore il y a quelques semaines, est indispensable au territoire : 200 logements réhabilités thermiquement par an, 50 millions d'euros d'investissements annuels, plus de 500 emplois non délocalisables. Or la baisse des loyers induite par cet article représente pour lui quelque 6 millions d'euros : l'office en deviendra déficitaire ! Les collectivités en pâtiront. Celles qui ont investi régulièrement pour améliorer l'habitat devront subir la baisse des loyers.

Dans nos territoires ruraux, seuls les bailleurs sociaux permettent de moderniser l'habitat. Mieux vaudrait augmenter la TVA sur la construction et la rénovation des logements sociaux, comme le Sénat l'a voté en première partie et rallier ici les propositions de nos rapporteurs Philippe Dallier et Dominique Estrosi Sassone.

Mme Nassimah Dindar .  - Pour régler la crise du logement, il faut construire, donc il faut des terrains ; or nombre de propriétaires conservent leurs terrains en attendant une plus-value supérieure, ou une moindre imposition, c'est vrai aussi outre-mer.

Pour créer un « choc d'offre », la loi prévoit un abattement fiscal jusqu'en 2020 lorsqu'un terrain est vendu pour y construire des logements sociaux - jusqu'à un abattement complet lorsque le terrain est en zone dite « tendue ».

Cependant, cette notion de zone tendue, définie par la loi ALUR, ne s'applique pas aux départements d'outre-mer. À La Réunion, par exemple, des ventes de terrain sont bloquées parce que la taxe sur la plus-value peut atteindre 48 % : les propriétaires préfèrent ne pas vendre.

Peut-on espérer l'extension de la mesure et du classement en zone tendue, à tous les départements d'outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Maurice Antiste .  - Je suis défavorable à cet article, qui constitue une bien mauvaise nouvelle pour les ménages modestes qui souhaitent devenir propriétaire. Les APL accession leur permettent d'acquérir un logement en bénéficiant d'aides, qu'ils achètent dans le neuf ou dans l'ancien et cela sur une durée de trente-cinq ans.

L'APL accession représente 5 % des allocations logement et a bénéficié à 8 % des allocataires ; quelque 447 000 foyers ont pu acquérir leur bien, pour une APL de 155 euros mensuelle, à comparer avec les 260 euros de l'APL locative ; elle constitue donc une utilisation maîtrisée et pertinente des aides publiques.

Le Gouvernement manque de vue car il supprime ce dispositif alors même qu'il souhaite s'attaquer aux passoires thermiques.

J'appelle mes collègues à voter l'amendement de suppression de l'article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Patrice Joly .  - L'article 52 aura des conséquences désastreuses dans les territoires ruraux. L'effet sera anti-péréquateur dans les territoires tendus. Dans les territoires détendus, comme la Nièvre, l'APL n'a pas d'effet sur les loyers. La mise en oeuvre du prélèvement sur les bailleurs sociaux les mettra en difficulté plus grande que sur le reste du territoire. Ainsi, la contribution des offices HLM nivernais sera de 14 % de leur budget, contre 10 % en moyenne.

Les pertes se cumuleront avec celles liées à la vacance des logements, importante dans les territoires détendus. De plus, en affaiblissant les capacités d'investissement des organismes HLM, cette mesure empêchera d'engager des travaux de réhabilitation, ce qui aura aussi des conséquences sur les entreprises locales du bâtiment. Ainsi, d'après l'USH Bourgogne-Franche-Comté, 4 200 logements de la région ne seront pas réhabilités, ce qui représente quelque 420 millions d'euros de travaux et 6 000 emplois par an... 

Monsieur le Ministre, c'est la mort de nos organismes locaux sans discernement que vise cet article, et aussi nos capacités d'action dans les centres-bourgs : attention danger ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - Dans ce débat, nulle posture ni caricature, mais des arguments, du réel. Mettons-nous à la place d'un locataire HLM. Par la grâce d'un amendement de la majorité sénatoriale, 140 euros lui seront ponctionnés à travers le taux de TVA, qui n'iront pas à l'entretien de l'immeuble ni des espaces collectifs.

Les populations les plus modestes constituent la proportion la plus importante des familles logées en HLM où 70 % des locataires ont des revenus inférieurs à 60 % du plafond. Prélèvement forfaitaire unique, ISF, taxe d'habitation : tout cela ne les concerne pas.

En revanche, l'article 52 demande à notre locataire HLM de contribuer à l'effort de rétablissement des comptes publics... en renonçant aux 720 euros d'APL qu'il apporte au secteur du logement social - ceci en échange d'une baisse de loyer qui aura pour première conséquence d'assécher les fonds propres des bailleurs, donc leur capacité d'améliorer les logements. D'un côté, les allocations baissent ainsi que les loyers dans le secteur social ; de l'autre, les organismes bailleurs n'auront plus les moyens d'entretenir leur patrimoine.

Quoi qu'il arrive, le Gouvernement met le logement social en difficulté. L'article 52 pose le problème de l'égalité des citoyens face aux charges. Il menace le BTP d'effondrement et les collectivités territoriales en difficulté d'un point de vue financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Monique Lubin .  - Dans mon département, l'office départemental reçoit 40 millions d'euros de recettes et dégage 4,1 millions de capacité d'autofinancement, laquelle serait intégralement effacée par la baisse des loyers, qui représentera 4,5 millions d'euros. Comment poursuivre l'amélioration de l'existant dans ces conditions ? Comment répondre au millier de ménages inscrits sur liste d'attente ? Ce ne sont pas des mots, mais des faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Un budget, c'est un choix politique. Faire payer par le mouvement HLM et les territoires 1,5 milliard d'euros alors qu'on pouvait trouver des recettes, même dans le secteur des logements ? Ce n'est pas tenable.

1,5 milliard d'euros, c'est la moitié de ce que représente la baisse d'ISF votée en première partie. On pouvait trouver d'autres recettes : j'ai proposé de ponctionner, légèrement, les transactions immobilières dont le prix dépasse 10 000 euros le mètre carré - la recette serait de 400 millions d'euros, vous n'en n'avez pas voulu ! Au lieu de quoi, vous avez doublé la valorisation des stock-options et amélioré le sort des rapatriés fiscaux...

Toucher aux APL et au logement, c'est un mauvais choix. Non, les APL ne sont pas inflationnistes dans le secteur public régulé. On touche aux APL qui ne représentent que 0,9 % du PIB depuis 1996. Ce ne sont pas les APL qui ont dérapé, mais les aides fiscales. Bien sûr, il faut repenser la politique de logement. Mais pourquoi taper sur le secteur régulé ?

Monsieur Patriat, il n'y aura pas de gain de loyers. En revanche, vous privez les organismes des capacités de rénover les logements. C'est un mauvais coup que vous leur portez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Viviane Artigalas .  - L'APL accession représente 800 millions d'euros par an et aide 450 000 ménages qui ont acheté pour 33 % dans le neuf. Elle aide les ménages aux revenus modestes à accéder à la propriété, dans les centres-bourgs notamment - qui en ont grand besoin.

L'APL accession déclenche des prêts auxquels les ménages concernés n'auraient pas accès. Elle réduit d'un quart les mensualités de remboursement pour ceux qui bénéficient du PTZ. Ensuite, elle allège l'APL locative, puisque les ménages qui n'accèdent pas, restent le plus souvent aidés par l'APL, pour un montant supérieur.

Qui plus est, cette suppression de l'APL accession n'est pas cohérente avec l'annonce faite par le président de la République de rendre 40 000 ménages en logement social propriétaires de leur habitation - comment le faire sans aide, alors qu'ils n'en ont pas les moyens ?

Supprimer l'APL accession aura des répercussions sur l'activité économique de nos secteurs du bâtiment. La baisse des APL est une grave erreur qui aura des répercussions sur le long terme. Le Gouvernement a-t-il au moins mesuré ces conséquences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Sabine Van Heghe .  - La célérité et la brutalité des mesures du Gouvernement suscitent des réactions fortes. Les pertes de recettes pour les bailleurs sociaux atteignent 233 millions d'euros par an, ce qui représente 1,4 milliard d'euros de travaux en moins -  13 500 logements rénovés en moins et 19 200 emplois directs et indirects sont menacés en région Hauts-de-France.

Dans le Pas-de-Calais, le patrimoine minier sera particulièrement touché.

Il en va de même pour Pas-de-Calais Habitat, le bailleur social de mon département, qui ne pourra pas poursuivre ses chantiers de rénovation. Vous attaquez les classes moyennes et populaires alors que vous supprimez l'ISF.

L'article 52 ne permettra pas de mettre en place le choc de l'offre. Supprimons-le. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Victorin Lurel .  - L'article 52 n'est pas bon en l'état et les groupes de cette Haute Assemblée ne le soutiendront pas. D'où les amendements déposés de manière transpartisane pour le faire évoluer ; certains de mon groupe ont été votés en commission des finances.

L'article 52 oublie totalement les outre-mer. Les APL ne s'y appliquent pas et pourtant les outre-mer sont inclus dans la mutualisation financière. Les outre-mer participeront à l'effort de ceux qui sont mieux lotis qu'eux. Le supplément de loyer de solidarité (SLS) que nous payons en outre-mer alimente le FNAP, dont nous ne bénéficierons pas !

Ce serait une mesure de sagesse d'extraire de l'assiette le SLS, d'autant que le Sénat a voté une taxe sur les plus-values. Il y a urgence à modifier l'article 52. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Daniel Dubois .  - Si aucun compromis n'est trouvé, l'article 52 aurait des conséquences dramatiques. Le Gouvernement ne voit la politique du logement social que comme une charge sans voir ce qu'elle apporte en termes économique et fiscal. Est-ce que cela a été chiffré ? Il n'y a pas eu d'étude d'impact. La construction d'un logement HLM représente 140 000 euros ; 10 milliards de travaux en moins, c'est 10 000 emplois menacés et une perte fiscale considérable.

Les loyers sont la pierre angulaire du système. Y toucher, c'est déstabiliser le secteur HLM.

Il faut un débat pour définir une grande réforme du logement social. Supprimons l'article 52. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Martial Bourquin .  - L'article 52 baisse les APL dans le parc public et met en place une réduction du loyer appliquée par les bailleurs sociaux, que vous appelez pudiquement « compensation ». Parlez plutôt d'une coupe sombre ! La baisse des APL est imposée brutalement et appliquée sans mesure d'impact.

La Fédération du bâtiment, dont j'ai rencontré les représentants il y a quelques jours, est très inquiète. Le Gouvernement invoque un effet inflationniste des aides, ainsi que des marges non réinvesties ; donnez-nous en des chiffres ! Les taux de loyer dans le logement social sont réglementés. Les parcs HLM accueillent un ménage sur deux en-dessous du seuil de pauvreté.

Le logement social, c'est 17 milliards de travaux qui ont rapporté 800 millions de TVA à l'État.

Votre mesure est trop lourde pour les bailleurs sociaux qui ne pourront plus rénover, ni construire. Les collectivités territoriales ne pourront plus continuer à couvrir leurs emprunts.

La décision du Gouvernement fait peser une menace inacceptable sur le logement social. Nous demandons la suppression de l'article 52. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial .  - J'ai une dernière question Monsieur le Ministre. Mais rappelons d'abord quelques faits : 1,5 milliard de baisse des APL étaient prévus. À l'Assemblée nationale, la mesure a été étalée sur trois ans, avec l'accord du Gouvernement. On a, ensuite, au Sénat, coupé la poire en deux en relevant le taux de TVA sur les travaux dans le logement social, ce qui rapporte 600 à 700 millions. Là encore, le Gouvernement a approuvé.

Restent 800 millions d'euros à trouver. Réduction des loyers, caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ou solution à mi-chemin ? Ce qui bloque, c'est de savoir si le Gouvernement accepte de revenir sur la progressivité et de s'en tenir au montant fixé cette année. C'est un vrai problème politique.

Les bailleurs sont d'accord pour se lancer dans la réforme structurelle. Pourquoi ne pas se laisser du temps ? Pourquoi ne pas désamorcer la bombe politique que vous avez déclenchée ? Nous vous proposons de vous y aider, Messieurs les ministres !

Le Sénat - Valérie Létard, Dominique Estrosi Sassone, Marie-Noëlle Lienemann, si je peux la compromettre - et d'autres, nous avons passé des heures à chercher un compromis avec le Gouvernement. Cela serait-il en vain ?

Je crains que nous ne trouvions pas de solutions si vous n'acceptez pas la progressivité. Il faut une clause de revoyure qui soit définitive, sans changement à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains ; Mme Annie Guillemot applaudit également.)

M. Jacques Mézard, ministre .  - J'ai toujours eu dans ma vie la volonté de mettre en application ce que je dis de bonne foi. Je vous tromperais si je prenais l'engagement que vous me demandez, car je ne peux le faire.

Le Sénat n'a pas oeuvré en vain. J'ai souhaité que l'on recoure à la TVA pour abonder le dispositif : c'est déjà un pas en avant. La loyauté républicaine veut que je ne prenne d'engagement sans être sûr de pouvoir le tenir.

M. Bruno Retailleau .  - J'assure M. Mézard de ma compassion républicaine. (Sourires) Je salue l'excellente synthèse de M. Dallier. Nous avons besoin de faire le point. J'ai rarement vu un esprit aussi constructif, sur tous les bancs. Nous voulons déminer la situation dans laquelle le Gouvernement s'est mis, ceci parce que nous poursuivons un intérêt supérieur de la Nation. Si le ministre n'a pas le mandat pour prendre la main que nous lui tendons, notre travail aura été vain et remis en cause.

Je demande une suspension de séance.

La séance suspendue à 17 h 15 reprend à 17 h 35.

Mme le président.  - Amendement n°II-91 rectifié, présenté par Mme Joissains et M. Détraigne.

Supprimer cet article.

M. Yves Détraigne.  - Cet article réformerait de manière drastique les aides au logement et les loyers dans le parc social. En effet, plus le bailleur social logerait de personnes modestes, plus il serait taxé; plus la famille serait nombreuse, plus la taxe serait élevée. Cette mesure est contraire à l'esprit du logement social.

Mme le président.  - Amendement identique n°II-238, présenté par Mme Duranton.

Mme Nicole Duranton.  - Cet amendement supprime l'article qui prévoit une baisse de 1,7 milliard des crédits alloués à la politique du logement, baisse supportée par les bailleurs sociaux dont certains sont déjà en grande difficulté.

Alors que nous avons besoin d'une réforme globale des aides au logement, le Gouvernement choisit un changement à la marge : la baisse annoncée des APL sera répercutée directement sur les bailleurs qui devront baisser d'autant leurs loyers.

Ces mesures auront probablement un impact sur le NPNRU et mettront en péril les engagements financiers des bailleurs pour prendre en charge la réhabilitation et la construction de nouveaux logements.

À cela s'ajoute la suppression des APL accession qui va nécessairement réduire la capacité des ménages à accéder à la propriété.

La décision d'appliquer le surloyer de solidarité dès le premier euro de déplacement du plafond va pénaliser, une fois de plus, les bailleurs. Plutôt que de remplir le rôle compensatoire, il aura l'effet inverse. En cas de départ d'un locataire pour cause de SLS, celui-ci sera remplacé par un locataire bénéficiaire des APL dont la baisse sera compensée par bailleur.

Mme le président.  - Amendement identique n°II-240, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Cet amendement remet en cause le financement du logement social de notre pays en imposant des réductions de loyers à des bailleurs sociaux déjà lourdement sollicités.

Certes, un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, rend progressives les baisses de loyers ; mais cette logique de désengagement de l'État est inacceptable. Les contreparties sont en outre insuffisantes, telle la hausse des cotisations affectées au FNAL. L'augmentation de la TVA sur les logements sociaux, votée par le Sénat, rapporterait 600 millions à l'État.

Cette politique de deux poids deux mesures met en péril les bailleurs sociaux et le secteur du BTP.

Vous proposez en contrepartie aux offices HLM d'emprunter toujours plus, de vendre leur parc... Ce n'est pas acceptable.

Mme le président.  - Amendement identique n°II-388 rectifié bis, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis.  - Les organismes HLM répondent à une demande sociale forte, ils logent la moitié des ménages sous le seuil de pauvreté. Leur résultat d'exploitation de 2,2 milliards est entièrement réinvesti dans le parc.

La baisse des APL augmentera leur capacité d'investissement. Concrètement, la baisse des loyers sera de 50 euros pour un célibataire et de 60 euros pour un couple - et de 10 euros supplémentaires par personne à charge. Plus un office loge de personnes démunies, plus il sera taxé. Les baisses de loyers sont complexes et d'une mise en oeuvre coûteuse.

Cet amendement supprime l'article 52. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme le président.  - Amendement identique n°II-431, présenté par M. Pemezec.

M. Philippe Pemezec.  - Nous ne sommes pas contre la réforme, au contraire, d'autres n'ont pas eu le courage de l'entreprendre - et nous sommes bien sûr favorables à des économies ; mais ici, vous cassez le jouet. Supprimer la taxe d'habitation fait plaisir aux classes moyennes, mais elles se rendront compte bientôt qu'elles n'auront plus de services publics locaux. C'est le même mécanisme pour les baisses de loyer : vous paupérisez le logement social.

J'ai 40 % de logements sociaux dans ma ville de Meudon ; les gens - comme moi - ne vont pas comprendre la logique, qui est purement comptable. Reprenez-vous ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Avis défavorable à ces amendements puisque nous cherchons un compromis. Différents amendements vous seront présentés à cet effet. Voilà le travail utile que nous pouvons faire.

M. Roger Karoutchi.  - Monsieur le Ministre, un beau geste ! (Sourires)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Monsieur Karoutchi, je vous en ai souvent demandé quand vous étiez au Gouvernement... (Nouveaux sourires)

Bien sûr, avis défavorable. J'entends. Il faut faire des économies, il faut restructurer... mais pas comme cela ! Je ne dis pas que l'article 52 est parfait, mais jugez sur pièces !

J'ai dit, très tôt, qu'il fallait le faire évoluer. Il évolue ; votre assemblée y a beaucoup travaillé.

Avis défavorable parce que nous avons avancé, grâce au Sénat, en sollicitant davantage la TVA ; le Gouvernement proposera, d'ici à la fin des débats, un dispositif de péréquation.

Sur l'APL accession, j'entends vos arguments. Nous intégrons le dispositif dans les discussions avec le secteur des HLM ; je veillerai à ce que la question soit évoquée en deuxième lecture.

Mme Laurence Cohen.  - Tous les bancs, avec leur sensibilité propre, tentent de réaménager ce mauvais article. J'insiste sur la paupérisation et la ghettoïsation accentuée du logement social ; il y a 86 000 demandeurs de logement social dans mon département, tous les acteurs du logement que Pascal Savoldelli et moi-même avons rencontrés sont vent debout contre l'article 52.

M. Victorin Lurel.  - Je n'ai pas entendu de M. le ministre d'indications sur le sort réservé aux outre-mer. Je m'associe à l'amendement de suppression de mon groupe, mais j'attends une réponse sur ce point. (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)

Mme Viviane Malet.  - À La Réunion, une telle mesure se traduirait par la disparition de près de 600 projets individuels d'accession très sociale et d'amélioration lourde de l'habitat et de 300 ventes de logements à leur locataire par an. Or le secteur du BTP, qui serait touché, est déjà très en crise, avec une baisse de 45 millions d'euros d'investissement par an. L'action sociale, La mixité, la diversité de l'habitat, la résorption des logements insalubres, la stabilité des familles à La Réunion seraient menacées. Je voterai les amendements de suppression.

L'amendement n°II-91 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°II-238.

À la demande du groupe CRCE, les amendements nosII-240, II-388 rectifié bis et II-431 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°36 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 95
Contre 245

Le Sénat n'a pas adopté.