Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement, retransmises en direct sur France 3, Public Sénat et sur notre site Internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Droits des propriétaires et locataires contre les occupations illégales

M. Alain Fouché .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Certains propriétaires et locataires qui se sont absentés de leur domicile principal pour des vacances retrouvent leur logement, ainsi que la presse s'en fait régulièrement l'écho, occupé par des professionnels du squat qui changent les serrures et apposent leurs noms sur la boîte aux lettres.

Il ne s'agit pas de locataires qui ne paient pas leur loyer mais d'individus commettant un délit pénal, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Une procédure administrative d'évacuation forcée est prévue par la loi dite DALO qui autorise une personne à faire évacuer les squatteurs de son domicile principal sans intervention du juge ni application du délai de flagrance de 48 heures. Or, dans les faits, cette procédure n'est pas ou peu appliquée. Que compte faire le Gouvernement pour garantir l'effectivité des droits des propriétaires et locataires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires .  - Ces derniers jours, des informations fausses ont circulé à ce sujet. Votre question me permet de les rectifier. En effet, la loi applicable est forte vis-à-vis des squatteurs qui occupent le domicile principal d'un propriétaire ou locataire : contrairement à ce que nous avons pu lire, la loi DALO de 2007 permet via le préfet de saisir le juge ou la police. À partir de juin 2015, une loi a étendu l'effraction à l'occupation illicite du logement ce qui autorise la police à intervenir au titre de la flagrance, sans que le délai de 48 heures s'applique en aucune façon.

Il suffit de prévenir la police qui doit intervenir au titre de la flagrance. (Quelques exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. Alain Fouché.  - Souvent la police refuse d'intervenir. Je prévois de déposer une proposition de loi supprimant les bénéfices de la trêve hivernale - qui oblige à saisir le juge, ce qui dure des mois - pour les squatteurs. La soutiendrez-vous ? Je compte sur vous, Monsieur le Ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

Fermeture de classes en zones rurales

Mme Anne Chain-Larché .  - Monde rural rime trop souvent avec abandon, enclavement, déserts médicaux, zones blanches numériques, fermeture de commerces, disparition de services publics.

Nous apprenons que pour la rentrée prochaine, c'est au tour des écoles rurales d'être sacrifiées, sans aucune concertation avec les élus.

Le dédoublement des classes de CP dans les « REP » et de CE1 dans les « REP+ » est une bonne chose, mais pas au détriment des classes du monde rural ! Personne n'est dupe, Monsieur le Ministre, les territoires en ont assez d'être dépouillés au profit de vos politiques publiques.

Les menaces de fermeture de classes en milieu rural se multiplient : 84 dans le Pas-de-Calais, 51 dans l'Oise, 46 en Meurthe-et-Moselle, 27 en Moselle, 66 dans les Vosges, 15 en Corrèze, 45 en Eure-et-Loir, 121 en Seine-et-Marne, mon département, dont parfois plusieurs dans une même commune comme à Souppes-sur-Loing.

Pourquoi tant d'attention aux uns et si peu aux autres ?

Les écoliers des champs n'ont-ils pas les mêmes droits que ceux des villes ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Le rural n'est pas sacrifié au profit de l'urbain. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a plus de 30 000 élèves en moins l'an prochain dans les écoles primaires de France. Nous créons 3 800 postes dans chaque département rural. Il y aura plus de professeurs par élève à la rentrée prochaine. Vous n'avez pas mentionné les ouvertures de classe, ce n'est pas tout à fait honnête. (Nouvelles protestations)

En Seine-et-Marne, que je connais bien, vous avez 40 professeurs supplémentaires, 70 dédoublements à la rentrée prochaine (contre 30 à la rentrée dernière). Vous installez une petite musique de dénigrement du dédoublement... (On s'en défend sur les mêmes bancs.) Le Gouvernement s'est donné les moyens de faire et l'un et l'autre. Nous avons besoin d'analyses non pas fausses, mais conjointes, au profit d'une véritable renaissance ; les contrats de département, sur lesquels nous travaillons avec Jacques Mézard, feront en effet renaître le rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Bruno Sido.  - S'il y a Jacques Mézard...

Mme Anne Chain-Larché.  - Tout se joue en maternelle et à l'école élémentaire. Le président de la République a pompeusement annoncé lors de la Conférence des territoires, le 17 juillet dernier, que les territoires ruraux ne pouvaient être la variable d'ajustement. Vous avez été un recteur d'académie apprécié par les élus en Seine-et-Marne. Écoutez la colère qui monte ! (On s'impatiente sur les bancs du groupe SOCR ; protestations sur les bancs du groupe LaREM ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Carte scolaire

M. Pierre Louault .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ma question prolonge la précédente. Nous vivons une période où 75 % du territoire est en cours d'abandon. La fermeture d'écoles est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Faut-il appliquer les mêmes normes de fenêtre dans le monde rural lorsque l'enseignant gère quatre à cinq niveaux différents dans une même classe ?

Il faudrait ramener le seuil de 25 élèves au niveau national à 20 élèves par classe en milieu rural pour en tenir compte et faire attention aux temps de déplacement. La fermeture de classes, avec les groupes scolaires, signifie des fermetures d'écoles après quelques années. Et on recommence, à saute-mouton, avec chaque réforme.

Les réformes sont menées de Paris, sans voir les problèmes des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - C'est en effet la même question. Je peux répondre la même chose pour tous les départements : le taux d'encadrement s'améliore. Parlons de l'Indre-et-Loire, dont vous êtes l'élu : avec 104 élèves en moins l'an prochain, 12 postes sont fléchés vers des dédoublements en REP, 12 autres pour les remplacements, et 16 pour les écoles rurales. Au total, six postes en plus pour moins d'élèves.

Je suis très attentif à l'école rurale. Nous y travaillons. Les départements sont encouragés, en ce moment même, à signer les contrats ruraux de département, mis en place avec mon collègue, Jacques Mézard, qui permettent notamment l'ouverture de cinq postes. Les classes multiniveaux sont un atout pédagogique. Elles expliquent les meilleurs résultats dans les écoles primaires rurales. Je suis pour des écoles rurales toniques. Nous devons les faire renaître et nous en donner les moyens. Mais ne tenons pas de discours de déploration au moment de la renaissance. Il faut la soutenir plutôt que de désespérer les populations par des discours qui ne correspondent pas à nos priorités. Travaillons donc ensemble à cette renaissance !

Je suis disponible, auprès de chacun de vous, département par département, pour cette stratégie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Catherine Morin-Desailly et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

Chiffres du chômage

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Il est de bon ton de faire part de nos inquiétudes au Gouvernement. La valeur travail est un sujet d'actualité qui intéresse tous les Français. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce matin, l'Insee a publié les chiffres du chômage (Vives marques d'ironie sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM: quelque 205 000 chômeurs avec un taux de chômage de 8,6 % en métropole, 8,9 % sur tout le territoire...

M. Xavier Iacovelli.  - Merci Hollande ! (On renchérit sur divers bancs du groupe SOCR ; on s'en amuse sur certains bancs du groupe Les Républicains.)

M. François Patriat.  - Ce Gouvernement a su créer un climat propice tout en profitant d'une croissance favorable. (Protestations redoublées sur les bancs du groupe SOCR, où l'on invoque l'action du gouvernement précédent ; nouvelles remarques ironiques sur les bancs du groupe Les Républicains) Les mesures de simplification, celles en faveur de l'apprentissage, et de la formation professionnelle y contribuent indubitablement...

Voix sur les bancs du groupe SOCR. - Votre question ? (Rires sur certains bancs du groupe Les Républicains)

M. François Patriat.  - Monsieur le Premier ministre, cette pente peut-elle encore s'accentuer dans le bon sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous connaissons déjà la réponse ! (On rit sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs autres bancs.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Si les chiffres publiés ce matin n'avaient pas indiqué une diminution du chômage, mais une augmentation de même ampleur, touchant 205 000 personnes...Chacun ici n'aurait pas manqué de prendre ces statistiques au sérieux et d'en imputer la responsabilité à ce Gouvernement. (On se récrie sur les bancs du groupe SOCR.) Reconnaissez-le !  (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

L'Insee a publié ce matin les chiffres trimestriels du chômage, au sens du Bureau international du Travail, les seuls que le Gouvernement accepte désormais de commenter, car ils sont plus robustes dans leur présentation et leur définition que les chiffres mensuels.

Le taux de chômage à 8,9 % de la population active est le chiffre le meilleur depuis 2009. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe LaREM) Dois-je m'en réjouir ? Cela représente encore 3 709 500 personnes sans travail. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) On ne saurait donc s'en satisfaire. Tant mieux cependant si le chiffre s'améliore, tout comme le taux d'emploi à 65,7 %, autre indice significatif, taux le plus élevé depuis le début des années quatre-vingt. Peut-on s'en réjouir ? Oui, bien sûr. Le travail est-il fini ? Non, bien entendu.

Nous voulons, non pas célébrer une petite victoire, mais une victoire quand même, et surtout gagner une bataille et une guerre durablement, pour remporter la bataille contre le chômage de masse en apportant des réponses à des problèmes depuis trop longtemps enracinés dans la société française. Cela signifie modifier le code du travail (M. Martial Bourquin proteste ; M. François Patriat renchérit.), transformer la fiscalité, améliorer le système de formation depuis le primaire jusqu'à l'enseignement supérieur, en passant par le bac, l'apprentissage. C'est par l'élévation du niveau des compétences qu'on réduira durablement le chômage. Agissons ainsi, massivement, dans tous les domaines, pour que la France rejoigne l'ensemble des pays qui ont un taux de chômage largement inférieur à celui qui prévaut encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes RDSE et UC)

Vin : culture, économie et santé

Mme Nathalie Delattre .  - Je voudrais vous parler de sa robe, de sa couleur brillante, de ses effluves parfumés, de ce patrimoine français, de cette culture de l'excellence... tout simplement du vin ! (Exclamations) Vous parler de nous, vignerons, de la terre que nous avons façonnée pendant des siècles pour en faire des terroirs de renom ; de nous, chefs d'entreprises qui créons des emplois en dépit de la grêle et du gel, qui faisons notre révolution environnementale, qu'elle soit bio ou HVE...

Le vin se boit avec modération mais extase. (Marques d'appréciation) Pourquoi le ramener à la seule dimension de l'alcool ? Pourquoi pointer du doigt la profession, engagée dans une politique de consommation responsable, alors que le candidat Macron, un verre à la main, désignait le vin comme une part vibrante de nos territoires ? (Même mouvement) Le vin, c'est aussi une économie, qui représente 10,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'exportation en 2016, soit le deuxième poste excédentaire de la balance commerciale française...

Or votre ministre de la santé jette l'opprobre sur nos têtes ; sa stratégie nationale de santé repose sur le passage d'une prévention des risques, à la prévention de toute consommation d'alcool. Or la consommation de vin en a été divisée par deux en 50 ans sans régler le problème de l'alcoolisme.

Monsieur le Premier ministre, reconnaissez-vous l'existence d'une consommation responsable ? La France sera-t-elle le pays de la prohibition comme votre ministre de la santé le veut ?

Allez-vous nous précipiter dans un grand plan de licenciement et de démembrement, ou nous associer à notre destin comme le président de la République s'y engage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs des groupes Les Indépendants, Les Républicains, UC et SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Permettez à un élu normand, ayant représenté une région dont la production vinicole est...

M. François Patriat.  - Limitée ? (Rires)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - ... moins importante que celle d'autres régions. (Sourires) Mais comme des millions de Français, j'aime le vin. (« Ah ! » à droite, sourires, applaudissements)

Cela n'a pas été le cas de tous nos grands élus... (Nombreux sourires)

Le vin occupe une place particulière dans notre imaginaire, notre patrimoine, notre culture, notre attractivité. C'est vrai. Mais vous prétendez que la ministre des solidarités et de la santé serait engagée dans une croisade. Je vous le dis tout net : c'est outrancier. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

D'où tenez-vous que le Gouvernement serait hostile aux viticulteurs ? Les négociations commerciales internationales en cours ont souvent pour conséquence une facilitation, une protection, un développement de nos exportations viticoles, mais on l'oublie souvent...

M. Jean Bizet.  - Exact !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Avons-nous modifié en quoi que ce soit la fiscalité applicable au vin ? Il n'en est rien. Pensez-vous que la ministre en charge de la santé qui, toute sa vie professionnelle, a été médecin, hématologue, engagée en faveur de la santé publique, puisse dire publiquement que le vin ne contient pas d'alcool et qu'il n'ait pas d'impact sur la santé ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Nous voulons développer des pratiques modérées car tout le monde accepte dans cet hémicycle l'idée qu'il faille boire du vin avec modération, n'est-ce pas ? Si ce n'est pas le cas, il n'y a pas de sujet de santé publique.

M. Jacques Genest.  - Ce n'est pas le vin, le problème ; c'est le manque de médecins !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Autant nous respectons la place qu'occupe le vin dans notre culture et notre agriculture, autant il serait irresponsable de ne pas voir l'autre face de la pièce, l'impact qu'il peut avoir sur la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. David Assouline et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Hôpital public

M. Dominique Watrin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Madame la Ministre de la santé, vous n'ignorez pas le ras-le-bol dans les hôpitaux de santé. Oui, notre système de soins se dégrade, et vite ; le temps des rafistolages est révolu. Oui, la prévention est essentielle, mais comment la mener quand les gouvernements successifs ont mis à mal la médecine du travail ? Oui, il faut réévaluer les formations médicales, mais encore faudrait-il donner aux universités les capacités d'accueillir les étudiants. Une réforme, oui, mais avec quels moyens ?

Depuis dix ans, l'hôpital public a subi au moins 7 milliards d'euros d'économies à marche forcée. Ce n'est pas moins de 1,4 milliard d'euros qui a été retiré dans votre budget de la sécurité sociale pour 2018. Dans ces conditions, l'enveloppe annoncée de 100 millions d'euros, en même temps qu'une nouvelle ponction sur les tarifs à l'activité, est vécue comme une aumône, voire une insulte, par le monde médical confronté au « toujours faire plus avec toujours moins ».

Vous souhaitez engager une concertation : chiche ! Nous ne manquons pas de propositions pour construire ou reconstruire un service public territorialisé et coordonné de santé.

Madame la Ministre, recevrez-vous les parlementaires communistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Hélène Conway-Mouret et M. Martial Bourquin applaudissent également.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Bien entendu, je vous rencontrerai : la concertation concernera tous les citoyens, à commencer par les élus qui connaissent bien les difficultés d'accès à des soins de qualité dans leurs territoires.

Le déficit consolidé des hôpitaux devrait friser le milliard d'euros, il a doublé par rapport à l'année précédente. La régulation ne peut suffire à compenser la baisse d'activité et le virage ambulatoire. C'est pourquoi nous voulons donner aux établissements de santé des leviers pour s'adapter à la progression des maladies chroniques, aux besoins de prévention et aux difficultés à trouver des médecins dans les Ehpad.

Un plan de transformation globale s'impose. Il passe, entre autres, par une meilleure articulation entre hôpital et médecine de ville, promotion des organisations innovantes incluant le médico-social. Le temps des rafistolages est effectivement passé. Nous lançons cinq chantiers de concertation : la qualité et la pertinence des soins, les modes de financement et de régulation, le virage numérique, la formation et la qualité de vie au travail des professionnels de santé et, enfin, l'organisation territoriale des soins. Tous les citoyens de ce pays seront amenés à donner leur avis sur une plateforme en ligne au-delà des consultations territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Déserts médicaux

M. Jean-Luc Fichet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Madame la ministre de la santé, vous avez rendu publiques vos ambitions pour notre système de soins mardi dernier. Le constat n'est pas nouveau : l'hôpital public souffre et nos concitoyens ont du mal à trouver une offre de soins cohérente malgré les mesures mises en place depuis 2009. Vous souhaitez placer le patient au coeur du dispositif de soins par une meilleure cohérence entre hôpital et médecine de ville, nous le souhaitons également. En revanche, nous ne voyons pas dans vos annonces ce qui permettrait l'installation de médecins généralistes là où il en manque. Les financements qu'accordent l'État et les collectivités locales n'ont pas de résultats probants. Êtes-vous prête à faire un bilan public de cette politique ?

Les groupements hospitaliers de territoires visaient à mutualiser l'offre hospitalière sur un territoire donné. Dans la pratique, ils ont abouti à la concentrer sur le plus gros établissement hospitalier au détriment des plus petits. Que comptez-vous faire au-delà de la télémédecine qui n'est pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre la désertification médicale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Je suis évidemment prête à rendre publics tous les financements incitatifs accordés pour l'installation de médecins dans les zones sous-dotées. Cela dit, ils ne suffisent pas. Aussi, avec le Premier ministre, nous avons annoncé, dès octobre, un plan dédié à l'accessibilité à des soins de qualité qui reposent sur des changements de paradigme. D'abord, donner à chaque territoire du temps médical, ce qui ne passe pas forcément par l'installation d'un médecin, à répartir entre les communes sous-dotées. Ensuite, développer les coopérations interprofessionnelles : l'hypertension artérielle peut très bien être suivie par une infirmière à condition que cela se fasse au sein de coopérations régulées. Le développement de la télémédecine qui, effectivement, n'est pas l'alpha et l'oméga, raccourcira les délais de prise en charge. Enfin, parce que nous faisons confiance aux collectivités, nous leur donnons 26 leviers d'actions. Une enveloppe de 400 millions d'euros est prévue pour doubler le nombre des maisons de santé d'ici la fin du quinquennat. Aux agences régionales de santé de s'en saisir pour bâtir avec les élus et les citoyens une réponse adaptée à chaque territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Luc Fichet.  - Vous ne me répondez pas vraiment... Vous nous dites que vous ajoutez 400 millions d'euros, soit. L'incitatif ne suffit plus, il faut du coercitif si nous voulons que des médecins généralistes s'installent dans les territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Anne-Catherine Loisier et M. Julien Bargeton applaudissent également.)

LGV Grand Centre Auvergne

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la Ministre des transports, un espoir a pu naître lorsque vous avez affirmé au Sénat, en novembre dernier, que la loi de programmation à venir tiendrait compte des enjeux d'aménagement du territoire. Ce que confirmait le rapport Duron a priori. Pourtant, nombre de projets ont été balayés d'un revers de la main. Ainsi les 17 millions d'habitants du Grand Centre Auvergne Massif Central peuvent s'asseoir sur leur mobilité ferroviaire. Et que dire de Clermont-Ferrand que ce rapport condamne à être la capitale régionale la plus éloignée de Paris par le train ? Avec Rémy Pointereau, le remarquable président de l'association pour le TGV Grand Centre, nous craignons pour la réalisation de ce TGV. Madame la Ministre, quelle est votre vision du maillage ferroviaire national et du désenclavement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je salue l'énorme travail réalisé par le Conseil d'orientation des infrastructures sur ce dossier et des parlementaires de tous les bords -  pour le Sénat, MM. Hervé Maurey, Gérard Cornu et Michel Dagbert. Ce travail était indispensable pour sortir de décennies de promesses non financées : pas moins de 36 milliards d'euros avaient été promis. Résultat, des mises à niveau de routes reportées de contrat de plan en contrat de plan, l'entretien et la rénovation du réseau ferroviaire négligés durant des années.

Pour se dégager de cette impasse, le Conseil d'orientation des infrastructures propose une vision globale, reposant sur une évaluation sincère des coûts. C'est exactement l'approche qu'a retenue votre commission des finances dans son rapport de 2016 intitulé « Infrastructures de transport : sélectionner rigoureusement, financer durablement ».

In fine, il reviendra au Parlement de se prononcer sur cette vision globale en examinant le projet de loi d'orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Marc Boyer.  - Il n'empêche, les déclarations de M. Duron sont très inquiétantes. La semaine dernière, il a déclaré au Sénat que mieux valait « phaser » les infrastructures plutôt que de les repousser sans jamais les faire. Les élus locaux d'Auvergne ont remis au président de la République une motion affirmant la nécessité d'une ligne à grande vitesse. Nous doutons d'être entendus car vous préparez une France à deux vitesses avec des territoires premiers de cordée et d'autres méprisés, avec une France en marche avant et une en marche arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Grand froid

Mme Denise Saint-Pé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce soir, 2 000 Parisiens recenseront anonymement les personnes passant la nuit dehors, dans le cadre de la Nuit de la solidarité. La vague de froid multiplie les problèmes : circulation des avions et des trains perturbée, routes impraticables. Ces blocages pénibles ne doivent pas occulter les terribles problèmes rencontrés par les sans-abri, qui ont conduit 32 départements à activer le plan Grand froid. Le SAMU social est renforcé ; les maraudes sont intensifiées, des places d'hébergement libérées et les horaires des centres d'accueil allongés. Pour autant, combien de personnes sont oubliées parce qu'elles ne sont pas détectées lors des maraudes ? Combien retourneront à la rue quand la remontée des températures les y aura renvoyées ? Nous ne savons pas. En revanche, nous connaissons un chiffre et il est insoutenable : depuis le 1er janvier, 45 personnes sont mortes dans nos rues en France, après 403 morts en 2017.

La situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles, l'hébergement au coup par coup n'est pas une réponse à la hauteur de cette détresse humaine. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour faire du logement un levier de réinsertion ? Comment tiendra-t-il la promesse qu'a faite le président de la République l'été dernier ? Je le cite : « Je ne veux plus d'ici la fin de l'année avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. » (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Didier Rambaud applaudit également.)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Le sujet est grave. La France vit ces drames quotidiennement, comme la plupart des pays développés d'ailleurs, à l'exception peut-être des pays nordiques. Le Gouvernement a pris cette question à bras-le-corps : la période hivernale a débuté dès le 1er novembre, 32 départements ont activé le plan Grand froid il y a quelques jours. Nous ouvrons 10 000 places de plus que l'année dernière, soit plus qu'il n'y en a jamais eu. On ne saurait s'en satisfaire.

Le plan Logement d'abord vise à faire passer de l'hébergement d'urgence à un logement pérenne. Plusieurs dizaines d'intercommunalités veulent y travailler avec nous. En 2018, il s'agit de créer 10 000 places en pension de famille, 40 000 en intermédiation locative.

La collectivité nationale dépense 2 milliards d'euros par an dans l'hébergement d'urgence. On peut certes toujours faire plus, nous y travaillons quotidiennement car ces drames humains nous concernent tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Raymond Vall applaudit également.)

Santé en Guadeloupe

M. Dominique Théophile .  - Depuis plusieurs années, le CHU de Pointe-à-Pitre connaît des difficultés financières qui entravent son fonctionnement. Madame la Ministre, le plan ambitieux que vous aviez mis en place ne suffit plus à faire face à une situation aggravée par l'incendie survenu le 28 novembre dernier. Il va falloir remettre les lieux en état, mettre en place une stratégie pour protéger les effectifs de médecins - 60 % des urgentistes seraient sur le point de partir. Pour garantir un niveau de trésorerie constant, il faudrait mensualiser les aides. Madame la Ministre de la santé, sans attendre la réforme globale que vous annoncez, comptez-vous prendre des mesures financières supplémentaires pour le CHU de Pointe-à-Pitre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - L'incendie du 28 novembre est dramatique pour la santé en Guadeloupe ; heureusement, il n'a pas été un drame humain grâce à la mobilisation du personnel, dont je salue le sang-froid, qui a réussi à évacuer les patients. Quarante-huit heures après, j'étais sur place. Vous le savez, nous avons tout mis en oeuvre pour remédier à cette situation : nous avons livré un hôpital de campagne, débloqué 69 millions d'euros d'aides exceptionnelles pour 2017 - soit 20 millions d'euros de plus que l'année précédente durant laquelle le montant des aides était déjà à un niveau élevé. Cela est nécessaire pour que l'établissement acquière des équipements et mette à niveau les locaux, notamment les blocs opératoires. Les aides continueront d'être mensualisées. Je souhaite un retour à la normale pour 2020, donc avant la date de 2022 initialement prévue pour la mise en oeuvre du nouveau CHU pour lequel nous dégageons 580 millions d'euros de crédits. Vous pouvez compter sur ma détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Zones agricoles défavorisées

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) J'associe à cette question MM. Cabanel et Montaugé qui, comme des sénateurs venant de tous les bancs, vous ont interrogé sur le nouveau périmètre des zones agricoles défavorisées. Les agriculteurs sont inquiets. Vous arrêtez la nouvelle carte aujourd'hui, vous devez la transmettre à Bruxelles le 1er mars. Quelle est cette carte ? Avons-nous encore 14 jours pour vous convaincre ? M. le ministre de l'agriculture dit avoir travaillé dans la concertation, équilibre et clarté. Où sont l'équilibre et la clarté quand élus et agriculteurs protestent dans les départements ruraux, des Pyrénées-Atlantiques, jusqu'au Val de Loire ? Dans mon département de l'Aude, les agriculteurs exclus du zonage se sont vu refuser les résultats de l'étude de l'INRA qui justifient leur exclusion. C'est le cas de 24 communes et de 55 exploitations. Combien de communes seront réintégrées dans le périmètre ? Il y va de leur survie. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe SOCR et applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Vous avez raison (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) mais plutôt que d'alerter, vous auriez dû faire le travail. (Protestations sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Le zonage sur lequel nous travaillons a quarante ans. Depuis quinze ans, la Cour européenne des comptes demande à la France de le revoir. Au fond, la couardise consiste à laisser à d'autres la responsabilité de mettre en oeuvre ce qui est nécessaire depuis longtemps. (Claquements de pupitre sur les bancs du groupe SOCR) Élu des Alpes de Haute-Provence, je connais l'importance de l'ICHN et regarde la nouvelle carte : 3 555 communes entreront dans le périmètre. Adoptons la méthode de Jean-Michel Blanquer et regardons ce qu'il se passe dans l'Aude : demain, une centaine de communes supplémentaires entreront dans le dispositif. Et je ne doute pas, Madame la Sénatrice, que vous expliquerez dans votre territoire que cela est le résultat de l'action de Stéphane Travert, et non de votre intervention... (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains, protestations sur les bancs du groupe SOCR et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Pouvoir d'achat

M. Jérôme Bascher .  - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Ministre de l'économie, le président de la République avait annoncé une réforme des retraites par points - mais nous n'avons constaté que des points de CSG en plus. (Rires)

La retraite moyenne est de 1 367 euros, soit 100 euros de moins que le SMIC. Cependant, vous prenez 300 euros de plus par an dans la poche des deux tiers des retraités !

Une voix à droite.  - Quelle honte !

M. Jérôme Bascher.  - Après des carrières rendues incomplètes par le chômage de masse, les retraités sont victimes de vos ratés technocratiques. Vous avez parlé de neutralité des effets des hausses de CSG. Les Français voient surtout la neutralité des paquets de cigarettes ; le prix du carburant qui augmente touche les banlieusards qui prennent leur voiture pour aller travailler, les provinciaux qui la prennent tout simplement pour vivre.

Toutes les classes moyennes, oubliées voire inconnues du Gouvernement, de la technocratie parisienne, souffrent d'une baisse de pouvoir d'achat.

Pour corriger ces erreurs, quelles mesures prendrez-vous pour un partage enfin juste des fruits de la croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La CSG a été certes augmentée mais compensée pour les salariés du privé, avec une baisse de 3,15 points de leurs cotisations chômage et maladie. Leur pouvoir d'achat augmente grâce aux dégrèvements de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers.

L'augmentation de CSG est neutralisée également pour les fonctionnaires, grâce à l'indemnité compensatoire prévue par le décret du 31 décembre et une augmentation de 290,5 millions des crédits budgétaires pour les employeurs publics, à travers une baisse de la part employeur des cotisations maladie.

Enfin, la CSG n'a été augmentée que pour les retraités touchant plus de 14 404 euros pour une personne seule, c'est-à-dire un tiers des retraités.

Le pouvoir d'achat est bel et bien en progression. Les fruits de la croissance seront répartis équitablement et les Français le savent.

La hausse de deux points de la TVA, préconisée par le candidat que vous souteniez à la présidentielle aurait, elle, signifié une hausse de la fiscalité de 13 milliards... (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Polémique sur le nombre de SDF

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La misère existe dans notre pays et depuis le début de l'année, plusieurs SDF sont morts à Paris. Nous devons lutter contre cette réalité ; c'est une question d'humanité.

Julien Denormandie a déclaré qu'une cinquantaine seulement de SDF dorment dans la rue en Ile-de-France : quand j'entends ce chiffre, je m'indigne !

M. François Grosdidier.  - Il ne parle que du 6e arrondissement !

Mme Marta de Cidrac.  - Louis Gallois, président de la fédération des acteurs de la solidarité, a révélé que les préfets excluraient de leur comptage des personnes sans abri, les célibataires et ceux qui vivent sous une tente : c'est, sans doute, que les préfets se sentent liés par la promesse présidentielle que plus personne ne dormirait dans la rue à la fin de 2017.

Monsieur le Premier Ministre, pensez-vous vraiment qu'il n'y a qu'une cinquantaine de SDF qui dorment dans la rue en Ile-de-France ? Que répondez-vous au député Syvain Maillard, quand il estime que la majorité des SDF qui dorment dans la rue, le font par choix ? Pensez-vous, enfin, que le président de la République a tenu ses promesses ? Ou bien est-on en présence de fake news ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains, en manifestant que la question est posée au Premier ministre) Face à des situations de drame, de misère et de solitude, cette polémique sur les chiffres est déplorable. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Je ne me suis jamais engagé sur des chiffres. Nous sommes tous, au Parlement comme au Gouvernement, dans les collectivités, engagés à ce qu'il y ait le moins possible de gens qui vivent dans la rue. Jamais nous ne donnerions des ordres aux préfets pour cacher les chiffres. Nous avons trop de considération pour eux et ce que nous leur répétons c'est de tout faire pour éviter que des enfants, des femmes et des hommes dorment dans la rue !

Il y a encore bien trop d'enfants, de femmes et d'hommes qui dorment dans la rue, nous en sommes tous convaincus. Mais en faire des phrases polémiques pour les matinales, c'est tout à fait détestable !

M. Julien Bargeton.  - Bravo !

(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Mme Marta de Cidrac.  - De grâce, attelez-vous au travail de fond et cessons de polémiquer ! (On ironise sur les bancs du groupe LaREM) Et faites mentir ce propos de Bertolt Brecht : « Si les puissants de la Terre sont capables de provoquer la misère, ils sont incapables d'en supporter la vue. »

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.