SÉANCE

du mercredi 7 mars 2018

61e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Yves Daudigny.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Rappels au Règlement

Mme Éliane Assassi .  - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur la base de l'article 36.

Le groupe CRCE a inscrit dans son espace réservé de cet après-midi une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 2 février 2017, sur la revalorisation des pensions agricoles. Elle est très attendue par le monde rural, la commission des affaires sociales la soutient à l'unanimité. L'adoption conforme était acquise et voici que le Gouvernement dépose, ce matin, un amendement qui a pour effet de reporter la mesure sine die puisqu'est exigée sa compatibilité avec la future réforme des retraites. Il s'agit d'un coup de force d'une rare violence contre le Parlement. Pour la première fois, l'article 44-3 de la Constitution, sorte de 49-3 du Sénat, est utilisé contre un texte inscrit dans l'espace réservé d'un groupe parlementaire. Ce coup de force s'inscrit dans une série : recours aux ordonnances, application anticipée d'un texte avant son adoption par le Sénat - la loi instituant Parcoursup - mais aussi liquidation du droit d'amendement annoncée hier par le Premier ministre. Le moment est grave pour notre démocratie, face à un Emmanuel Macron qui accapare tous les pouvoirs.

Le Gouvernement doit abandonner le vote bloqué. Monsieur le président, le groupe CRCE demande la réunion d'une Conférence des présidents en urgence pour que le Sénat, à la plus large unanimité possible, décide comment riposter à ce coup de force. (Vifs applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Inutile de vous dire combien il est urgent de revaloriser les retraites du monde agricole, nous en sommes tous d'accord. Si je prends la parole, c'est parce que la commission des lois est aussi celle du Règlement qui, orné de la majuscule, est celui du Sénat. Pour la présider, je veux m'associer aux propos de Mme Assassi. Je n'ai pas connaissance de l'utilisation de l'article 44-3 de la Constitution autrement que pour faire aboutir un texte du Gouvernement. L'opposer à un texte adopté à l'unanimité dans un espace réservé constitue un précédent extrêmement dangereux...

M. Bernard Jomier.  - Honteux !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Certes, il y a le droit mais il y a aussi l'abus de droit quand l'on s'écarte de l'esprit de la Constitution. La décision du Gouvernement me paraît d'ailleurs largement improvisée. Elle augure mal des discussions à venir sur le débat parlementaire.

Monsieur le Ministre, je vous demande solennellement de prendre les mesures nécessaires dans la journée pour que le débat ait lieu. Il n'est pas bon de soumettre ainsi le Parlement à un rapport de force inadmissible. Recourir à des instruments de rationalisation du parlementarisme quand l'on dispose d'une telle majorité constitue, à mes yeux, un aveu de faiblesse de la part du Gouvernement. Nul besoin de recourir à de tels artifices si l'on dispose d'arguments convaincants. Pardonnez la véhémence et la solennité de mon propos mais un autre ton ne pouvait convenir quand le moment est si grave. (Vifs applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM ; M. Pierre Ouzoulias se lève.)

Mme Nathalie Goulet .  - Je m'associe au rappel au Règlement de Mme Assassi. Le président Bas a dit tout ce qui devait l'être et bien mieux que moi ; je veux cependant souligner que ce climat de tension procédurale est de mauvais augure pour une réforme constitutionnelle qui, pour aboutir, doit être consensuelle. Le Gouvernement confond vitesse et précipitation, légiférer vite et légiférer mieux. Le débat est très mal engagé. (Applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je m'engage à rapporter ces interventions au Premier ministre dans les plus brefs délais.

M. Marc Daunis .  - Le groupe socialiste et républicain, qui s'associe avec force à ce rappel au Règlement, veut dire son indignation et son incompréhension devant ce passage en force. La réaction du Premier ministre à notre interpellation sera déterminante dans les positions politiques que nous prendrons dans l'hémicycle. (Applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM)

M. Jean-Claude Requier .  - Le groupe RDSE, dans sa diversité et sa liberté, s'associe à ce rappel au Règlement. Sénateur depuis six ans, je n'ai jamais vu utiliser la procédure du vote bloqué contre une proposition de loi. Nous sommes attachés à la liberté du Parlement et à la liberté d'amendement. (Applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Dans la mesure où le ministre nous a proposé d'informer le Premier ministre toutes affaires cessantes, je suggère, pour l'y aider, une suspension de séance. Il y a urgence, le texte doit être examiné à 18 h 30. (Vifs applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM)

M. le président.  - Deux groupes politiques, le CRCE et le RDSE, souhaitant une réunion de la Conférence des présidents, nous transmettons leur demande au président du Sénat en conformité avec l'article 29-2 du Règlement.

La séance, suspendue à 14 h 45, reprend à 14 h 50.