Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Amendement n°375 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...) Après le troisième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité administrative informe les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire, sollicitant un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, des modes de preuves auxquels ils peuvent recourir pour établir les liens de filiation. » ;

...) Le quatrième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le doute sur authenticité des documents étrangers bénéficie au demandeur. » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement de bon aloi est une proposition du Défenseur des droits, Jacques Toubon. Il renforce le droit des réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire pour prévoir l'information des modes de preuve de la filiation pour la réunification familiale.

L'information des critères de filiation, délivrée par les autorités administratives - diplomatiques et consulaires - permettrait de renforcer la transparence vis-à-vis des étrangers souhaitant venir en France au titre de la réunification familiale.

Par ailleurs, pour ce qui est des documents présentés par les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire d'un titre de séjour, selon un principe désormais bien établi, la CEDH estime que « eu égard à la situation particulière dans laquelle ils se trouvent, il convient dans de nombreux cas de leur accorder le bénéfice du doute lorsque l'on apprécie la crédibilité de leurs déclarations et des documents soumis à l'appui de celles-ci ».

J'insiste : la CEDH a raison de dire que le doute doit bénéficier au demandeur. Avec le soutien de la CEDH et de M. Toubon, je ne doute pas du sort favorable que notre commission et le Gouvernement réserveront à cet amendement...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement poursuit deux objectifs : informer les familles sur la procédure de réunification familiale, et faire que le doute sur l'authenticité des documents profite au demandeur. Ce dernier point est contestable. Le droit des étrangers est fondé sur des filiations « légalement établies », aux termes du Ceseda. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'article 45 du code civil dispose que les actes du pays d'origine font foi, sauf si des éléments tirés des pièces établissent une irrégularité ou une falsification. Compte tenu de la fraude massive dans certains pays d'origine, avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Une proposition : si l'amendement était rectifié, Monsieur le Rapporteur, en conservant seulement le premier alinéa, y seriez-vous favorable ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - À première lecture, je suis d'accord.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je rectifie l'amendement en ce sens.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°375 rectifié bis.

Mme Michelle Meunier.  - Je regrette cette rectification, le doute doit bénéficier au demandeur, nous l'avons établi pour la protection de l'enfant.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Mon avis reste défavorable.

L'amendement n°375 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°192 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le premier alinéa de l'article L. 723-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : « portant sur les signes de persécutions ou d'atteintes graves qu'il aurait subies ».

M. Didier Marie.  - L'article L. 723-5 du Ceseda prévoit que l'Ofpra peut demander à une personne sollicitant l'asile de se soumettre à un examen médical.

Cet amendement précise que cet examen médical porte sur les signes de persécutions ou d'atteintes graves que le demandeur aurait subies. Cette mention assure que l'examen médical est en lien direct avec la demande de protection.

Cette garantie est fidèle à l'article 18 de la directive du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale qui dispose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le demandeur soit soumis à un examen médical portant sur des signes de persécutions ou d'atteintes graves qu'il aurait subies dans le passé ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - On demande au législateur de se substituer au médecin, en introduisant dans la loi des contrôles pour lesquels il n'est pas compétent. Un peu de souplesse ne fait pas de mal. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'examen médical demandé par l'Ofpra doit être en lien avec les missions de protection de l'Office. Ainsi de la recherche de marques d'excision. Il ne s'agit en aucun cas de contrôle, ce qui serait disproportionné avec la mission de l'Office - et la précision de l'amendement n'est pas utile. Retrait ou avis défavorable.

M. Didier Marie.  - Implicitement, l'amendement permet au demandeur de faire reconnaître les persécutions qu'il a subies, sans avoir à subir d'examens médicaux plus invasifs - il en garde l'initiative.

L'amendement n°192 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°191 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...- Après le premier alinéa de l'article L. 723-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si aucun examen médical n'est réalisé conformément au premier alinéa, l'office informe le demandeur qu'il peut, de sa propre initiative et à ses frais, prendre les mesures nécessaires pour se soumettre à un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d'atteintes qu'il aurait subies. »

M. Didier Marie.  - M. Karoutchi voulait s'en tenir à la directive « Procédures ». Cet amendement inscrit justement dans la loi une garantie prévue par cette directive, qui permet à un demandeur d'asile de faire réaliser l'examen médical à son initiative et à ses frais.

A minima, l'État doit prévenir le demandeur de la possibilité de réaliser un tel examen.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. En 2015, l'Ofpra a obtenu la possibilité de diligenter des examens médicaux, notamment pour les mineurs menacés d'atteintes sexuelles. À l'époque, le Défenseur des droits trouvait cela trop intrusif...

Faisons confiance à l'Ofpra, qui n'a aucune raison de refuser un examen médical en tant que de besoin. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le demandeur peut déjà produire un certificat médical, suite à une visite médicale réalisée à son initiative. Cette précision sur son information n'est pas du domaine de la loi et elle n'est pas utile. Retrait ou avis défavorable.

M. Didier Marie.  - On nous demande constamment de nous conformer au droit européen, mais pas ici, où la directive prévoit explicitement une information : c'est difficile à comprendre !

On peut imaginer qu'un examen médical ne soit pas mené par l'Ofpra, ne serait-ce que parce que le demandeur n'a pas pu s'exprimer dans la langue française : l'information est une précaution utile, et cet amendement lui réserve la possibilité de demander un examen médical à ses frais.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°191 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°134 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 114
Contre 229

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le groupe SOCR votera contre cet article, tel que modifié par Les Républicains. Compte tenu des délais d'étude des demandes d'asile et de réunification familiale, il n'est pas concevable de priver de la protection les mineurs qui deviendront majeurs pendant ce délai.

À la demande de la commission des lois, l'article 3, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°135 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 208
Contre 134

Le Sénat a adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°193 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « au », sont insérés les mots « sexe, à l'identité de ».

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement intègre les aspects liés au sexe aux motifs de persécution donnant droit à une protection.

Ce qui semble aller de soi ne figure ni dans la Convention de Genève, ni dans la directive du 13 décembre 2011.

Considérant que les aspects liés au genre et à l'orientation sexuelle sont inscrits dans notre droit, nous pensons que ceux liés au sexe ne doivent pas être seulement pris en compte au titre du « groupe social », comme c'est le cas dans le droit international. Une femme peut être persécutée parce qu'elle est une femme.

M. le président.  - Amendement n°119 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Avant l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « genre », sont insérés les mots : « , à l'identité de genre ».

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement inclut la transidentité dans les critères de persécution liés au genre et à l'identité sexuelle mentionnés par le Ceseda. Les personnes transgenres dans les centres de rétention n'ont parfois pas accès à leurs médicaments lorsqu'ils sont en cours de transition. La France s'honorerait à instaurer un droit d'asile progressiste, l'identité transgenre, pourtant persécutée dans le monde, ne donnant lieu à aucune protection en tant que telle dans le droit international.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Sur l'amendement n°193 rectifié bis, retrait ou avis défavorable. L'article L. 711-2 du Ceseda prend bien en compte le critère du sexe, via l'appartenance à un groupe social - de même que la Convention de Genève.

Les aspects liés au genre sont déjà pris en compte par ce même article du code. L'amendement est satisfait. Avis défavorable à l'amendement n°119 rectifié.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. La loi répond déjà à vos préoccupations.

Mme Michelle Meunier.  - Un groupe social ? Personne ne m'a jamais demandé à quel groupe social j'appartenais. Le genre n'est pas lié à cette notion.

L'amendement n°193 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

L'amendement n°119 rectifié n'a plus d'objet.

ARTICLE 4

Mme Esther Benbassa .  - Cet article étend les possibilités pour l'Ofpra de refuser ou de retirer le statut de réfugié et obliger l'autorité judiciaire à lui communiquer toute information utile à une telle décision - ainsi qu'à procéder à des enquêtes administratives dans ce sens.

Des hommes et des femmes meurent en tentant de rejoindre l'Europe ; mais on invoque ici le sécuritaire en guise de réponse, reprenant les thèmes insidieux de l'extrême droite. Parmi les exilés se cacheraient des terroristes...

C'est triste, venant de la supposée patrie des droits de l'Homme. Il est inutile de durcir les dispositions existantes - sauf pour affirmer une vision strictement sécuritaire de la question migratoire.

M. le président.  - Amendement n°517 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, Carrère et Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1°Au 1° de l'article L. 711-6, le mot : « grave » est remplacé par les mots : « pour la sécurité publique ou » ;

2° Le titre Ier du livre VI est complété par un article L. 611-... ainsi rédigé :

« Art. L. 611-...  -  Les décisions administratives de délivrance, de renouvellement ou de retrait d'un titre ou d'une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 ou des stipulations équivalentes des conventions internationales, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques intéressées n'est pas incompatible avec le maintien sur le territoire.

« Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification.

« Il peut également être procédé aux mêmes enquêtes pour l'application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du présent code.

« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel. »

M. Guillaume Arnell.  - Cet amendement rétablit partiellement la version de l'article 4 adoptée par l'Assemblée nationale et maintient une précision du rapporteur.

La version actuelle de l'article L. 711-6 du Ceseda prévoit que « Le statut de réfugié peut être refusé ou qu'il peut être mis fin à ce statut lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'État et quand la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société ».

La qualification de terrorisme est éminemment politique comme l'a montré le récent jugement de la Française Mélina Boughedir en Irak. Il faut laisser à l'Ofpra des marges d'appréciation concernant cette qualification, très variable d'un État à un autre.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous sommes en désaccord sur cette réécriture qui supprime la prise en compte d'une condamnation dans un État européen ou dans un État tiers et qui retire la protection juridique quand l'Ofpra a été saisi. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La loi transpose exactement la directive sans qu'il soit nécessaire d'ajouter des éléments. Retrait ou avis défavorable.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°517 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°136 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 99
Contre 242

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Patrick Kanner .  - Nous avons consulté l'article 29 ter de notre Règlement. Nous pouvons passer beaucoup d'heures sur les scrutins publics. Mes collègues n'ont pas souhaité quitter la salle pour que vous soyez majoritaires, vous, les Républicains, qui n'avez pas réussi à mobiliser suffisamment dans vos rangs pour un débat de cette importance. Notre groupe socialiste, lui, y est parvenu - parce que nous accordons à ce débat l'importance qu'il mérite.

M. Roger Karoutchi.  - Nous sommes admiratifs !

M. Patrick Kanner.  - Je sollicite donc une suspension de séance pour permettre à nos collègues de garnir leurs travées et de retrouver leur statut majoritaire.

M. le président.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

La séance, suspendue à 22 h 20, reprend à 22 h 25.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 4 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase de l'article L. 711-1, après le mot : « liberté », sont insérés les mots : « et de l'égalité » ;

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement modifie l'article L. 711-1 du Ceseda qui reconnaît la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté : les militants en faveur de l'égalité devraient ainsi bénéficier de cette mesure. L'égalité est une valeur fondatrice et inaliénable de la République. La Convention de Genève et la directive européenne le prévoient déjà.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 53-1 de la Constitution vous donne satisfaction, en disposant que « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour tout autre motif. »

Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°35 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°194 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement revient à la rédaction en vigueur du Ceseda en conservant sa marge de manoeuvre à l'Ofpra pour décider ou non de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié. Faisons confiance à l'Ofpra et évitons d'encombrer la CNDA - qui manque déjà de moyens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Il faut distinguer la qualification des faits sur laquelle l'Ofpra a toute liberté d'appréciation et les conséquences qu'il tire de cette qualification. L'étranger doit avoir été condamné définitivement et constituer une menace grave pour la société ; il n'y a aucun caractère d'automaticité. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison que l'Ofpra ne tire pas les conséquences de faits qu'il aura qualifiés.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Sagesse.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°194 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°137 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 114
Contre 227

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

ou dans un État membre de l'Union européenne

par les mots :

, dans un État membre de l'Union européenne, dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou au sein de la Confédération suisse

M. Jean-Pierre Decool.  - L'article 4 protège notre pays contre les demandeurs d'asile condamnés pour terrorisme dans un autre État membre de l'Union européenne mais ne dit rien des autres pays européens. L'Islande, la Norvège, le Liechtenstein ou la Confédération suisse ont pourtant des partenariats étroits avec l'Union européenne, y compris sur les questions d'asile et d'immigration. Sans compter qu'avec le Brexit, le Royaume-Uni ne sera plus concerné par l'article L. 711-6 du Ceseda. Cet amendement harmonise la rédaction de cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l'alinéa 7 de l'article 4 adopté par la commission qui permet d'écarter une personne condamnée en dernier ressort dans « un État tiers démocratique dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État ». Cela peut donc concerner les États-Unis, le Canada ou encore la Confédération helvétique.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°85 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°156 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy.

Alinéa 5

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

deux

M. Sébastien Meurant.  - Devenir français est soit une chance de la nature, soit un honneur. Avoir été condamné par la justice à une peine de plus de deux ans de prison devrait interdire d'être français.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet article transpose l'article 14 de la directive Qualification qui impose de ne prendre en considération que les infractions d'une particulière gravité. Abaisser le quantum de peine exposerait à des annulations pour non-respect de la directive, voire à des procédures en manquement de la part de la Commission européenne.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis.

M. Sébastien Meurant.  - Alors que le droit français est bafoué de toutes parts en matière d'immigration et que l'intérêt général voudrait que l'on referme les portes grandes ouvertes...

Mme Éliane Assassi.  - Qui êtes-vous pour juger ainsi ?

M. Sébastien Meurant.  - ... on prétend qu'on pourrait s'intégrer à la société française alors qu'on fait l'objet d'une condamnation à plus de deux ans de prison ?

Je retire l'amendement mais il faut revoir les choses de fond en comble. Il conviendrait que cette assemblée éminente prenne avant tout en compte l'intérêt général de la France et des Français. On en est loin.

L'amendement n°156 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°195 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 5 et 7

Remplacer les mots :

pour la société française

par les mots :

grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement remplace la notion curieuse de « menace grave pour la société » par celle de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État », pour plus de clarté.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette définition correspond à l'article 14-4 de la directive Qualification, que transpose le Ceseda.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis. Il faut faire coïncider le droit européen et le droit national.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Mais une menace grave pour la société, cela ne veut rien dire en droit français !

M. Alain Richard.  - Je regrette de me trouver en désaccord avec le rapporteur et avec la ministre. Nous avons à plusieurs reprises fait l'expérience du vocabulaire hasardeux utilisé dans les directives européennes, négociées entre les États dans des langues variées. La notion de « menace grave pour la société » ne correspond à aucune notion juridique française. Rien n'empêche de reprendre celle de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité de l'État. Il est dommageable que le vocabulaire défectueux de la directive, qui ne nous lie pas en droit, nous conduise à écrire la loi dans un langage qui n'a aucune pertinence. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Mme Laurence Rossignol.  - Nous aurions pu nous laisser convaincre par les arguments du rapporteur et de la ministre, s'ils avaient été plus explicites... Qu'y a-t-il dans la notion de « menace grave pour la société » qui ne soit contenu dans la « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État » ? L'opinion, la communauté que nous formons, les valeurs ? Autant de notions subjectives qui n'ont pas leur place dans la loi.

M. David Assouline.  - Ne banalisons pas l'importance de ce débat. Le ministre de l'Intérieur italien vient de déclarer : « Nous avons besoin d'une épuration de masse, rue par rue, quartier par quartier ». Ce qui se passe en Europe et dans le monde est très grave.

Je regrette d'autant plus que la majorité sénatoriale ne soit pas capable de mettre à l'honneur le Sénat par une présence suffisante dans l'hémicycle. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Et le groupe qui soutient le Gouvernement à l'origine du texte n'est représenté que par deux sénateurs ! (Les protestations sur les bancs du groupe Les Républicains redoublent.)

Le bruit ne peut pas compenser l'absence. Nous parlons de vies humaines, de mesures qui décideront du destin d'êtres humains. (Les sénateurs du groupe Les Républicains s'impatientent et tapent sur leurs pupitres, indiquant que l'orateur a épuisé son temps de parole.) Cela mériterait votre présence dans l'hémicycle.

M. Rachid Temal.  - Bravo !

M. Roger Karoutchi.  - Une fois de plus, j'admire la capacité d'oubli de certains qui nous font aujourd'hui la leçon. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Combien de fois le groupe socialiste a-t-il, naguère, recouru aux scrutins publics ?

M. Xavier Iacovelli.  - C'était l'ancien monde !

M. Roger Karoutchi.  - Et le jour reviendra où ce sera au tour du président Kanner d'être dans l'embarras ! Ce genre de commentaire peut facilement se retourner contre vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Exceptionnellement, je suis assez d'accord avec Alain Richard. Je ne comprends pas bien ce que serait une « menace grave pour la société française ». (Mme Marie-Pierre de la Gontrie renchérit.) Cela correspond certainement à une réalité européenne fascinante ; je ne sais pas le sens que cela revêt pour les Français moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je vous renvoie à l'article L. 711-6 du Ceseda, que nous avons modifié en 2015. Le statut de réfugié peut être refusé ou retiré lorsque la personne constitue une menace grave pour la sûreté de l'État ou lorsqu'elle a été condamnée en dernier ressort en France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme à une peine de dix ans d'emprisonnement et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La rédaction est claire. D'où notre avis défavorable.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°195 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°138 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 136
Contre 206

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°196 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces infractions s'apprécient au regard du droit national.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement précise que les notions de crime ou d'acte de terrorisme s'apprécient au regard du droit français.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur. Les infractions devront faire l'objet d'une double incrimination dans le pays tiers et en France et être examinées selon les principes du droit pénal français - ce que confirme le considérant 23 de la décision du Conseil constitutionnel n°485 de 2003. Idem pour les pays de l'Union européenne. Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis. Cette exigence est implicite dans la définition donnée à l'alinéa 7 de l'article 4. L'Ofpra vérifiera que ces conditions sont réunies avant toute décision de rejet ou de retrait.

L'amendement n°196 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° La personne concernée est inscrite au fichier de traitement des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. » ;

M. Jean-Pierre Decool.  - Le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) contient environ 20 000 personnes, dont plus de la moitié est sous haute surveillance. Contrairement aux fameuses fiches S, il recense exclusivement des individus radicalisés. Il est essentiel que ce fichier puisse servir dans l'évaluation d'un dossier de délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement est satisfait. Retrait ? L'article 4 permet de procéder à des enquêtes administratives pour la mise en oeuvre du refus ou du retrait du statut de réfugié pour motifs sérieux de sécurité publique. L'inscription d'un individu au FSPRT ou au fichier S sera prise en compte pour déterminer si la personne constitue une menace.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis. Je comprends votre préoccupation mais le FSPRT est un fichier administratif reposant sur le signalement. La seule inscription à ce fichier ne saurait fonder une décision de refus systématique qui serait contraire au principe de proportionnalité. Retrait ?

M. Jean-Pierre Decool.  - Vous avez dit que cet amendement était satisfait dans l'esprit ; j'aurais préféré qu'il le soit dans la lettre. Cependant, je le retire.

L'amendement n°86 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°197 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase de l'article L. 713-3, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « effective et non temporaire » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - L'article L. 713-3 permet de refuser une demande d'asile si la personne a accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. Celle-ci doit être effective et non temporaire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article L. 713-3 du Ceseda qui transpose l'article 8 de la directive sur l'asile interne suppose par construction que la protection soit effective et non temporaire.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis. Le Gouvernement agit à l'échelon européen pour harmoniser les règles en matière d'asile. Votre amendement introduirait de la confusion, voire une contradiction avec la directive. L'Ofpra et la CNDA veillent à une application protectrice de ce dispositif.

L'amendement n°197 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 713-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le statut de réfugié est refusé ou retiré en raison d'une condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, la décision étrangère traduite par un expert assermenté est versée au dossier du demandeur.

« Lorsque l'Office a connaissance d'une décision de condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, il en informe, sans délai, le demandeur et le cas échéant son conseil afin de recueillir ses observations. Les observations ainsi recueillies sont consignées dans le dossier du demandeur. »

M. Pascal Savoldelli.  - Faute d'un encadrement juridique suffisant, les requérants du droit d'asile se voient parfois refuser leur dossier en raison d'une condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, alors même qu'ils n'ont jamais eu connaissance d'une telle condamnation. Ce n'est pas acceptable.

Cet amendement prévoit que le demandeur soit avisé de l'existence de cette décision de condamnation. Il s'agit de respecter le droit de la défense et le principe du contradictoire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait car cet amendement est satisfait par l'article L. 724-1 à 724-3 du Ceseda introduit au Sénat en 2015 qui prévoit que lorsque l'Ofpra entend mettre fin à une protection, la personne concernée doit pouvoir se défendre dans le respect du principe du contradictoire.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis, l'amendement est satisfait.

M. Pascal Savoldelli.  - Si d'autres collègues souhaitent que je retire l'amendement, soit. (« Oui ! » sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)

L'amendement n°36 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°578, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 10

Compléter cet alinéa par le mot :

français

II.  -  Alinéas 11 et 13, seconde phrase

Après le mot :

traitements

insérer le mot :

automatisés

L'amendement rédactionnel n°578, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°198 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 14 à 25

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - Les alinéas 14 à 25 donnent l'illusion de renforcer la célérité en imposant à l'Ofpra de mettre fin, de sa propre initiative, au statut de réfugié. En réalité, on prive l'Office de tout moyen d'appréciation. Idem à l'article 712-4, 712-2 et à l'article 712-3.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je me suis déjà exprimé sur la compétence liée de l'Ofpra. C'est à lui d'apprécier les faits et d'en tirer les conséquences ; avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable par cohérence.

M. Jacques Bigot.  - Madame la Ministre, votre avis m'étonne. C'est donc que le Gouvernement se méfie de l'Ofpra ? Imaginez qu'un concitoyen se dise victime d'un réfugié auquel l'Ofpra aurait dû retirer ce statut : l'État français pourrait être poursuivi en responsabilité. Mieux aurait valu en rester au texte initial.

L'amendement n°198 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

Mme Éliane Assassi .  - Cet article emblématique cristallise les critiques des associations. Il réduit le délai de dépôt de demande d'asile de 120 à 90 jours pour le traitement en procédure normale ; après ce délai, elle passe en procédure accélérée, avec des garanties bien moindres puisque l'Ofpra statue alors en quinze jours. Le Défenseur des droits s'en est inquiété.

La possibilité d'accélérer l'examen de la demande est justifiée, à en croire le rapport, par l'article 8 de la directive Procédures. Mais celle-ci ne fixe pas de délai maximal : sur ce point, le droit interne va plus loin que ce qu'exige le droit européen. Et en Guyane, le délai est réduit à 60 jours ! Le Ceseda fait des outre-mer des territoires de deuxième zone.

Enfin, la convocation pourra se faire par tout moyen, y compris électronique, ce qui est défavorable aux demandeurs d'asile. Le groupe CRCE votera contre.

M. Maurice Antiste .  - En procédure normale, l'Ofpra a six mois pour statuer, la CNDA cinq mois pour le recours. En procédure accélérée, respectivement quinze jours et cinq semaines. De plus, le demandeur peut être convoqué par tout moyen, y compris par voie dématérialisée ; or les demandeurs, étant donné leur précarité, n'ont pas toujours un accès à Internet ou un téléphone.

L'alinéa 6 permet d'imposer au demandeur d'asile la langue dans laquelle il sera entendu - langue qu'il ne comprend pas forcément même s'il a déclaré le contraire en préfecture pour manifester ses bonnes dispositions à l'intégration.

Le Défenseur des droits invite à abandonner ces dispositions contraires à l'esprit de la directive qui compromettent l'accès effectif du demandeur d'asile à la procédure.

Mme Esther Benbassa .  - La procédure accélérée prive les justiciables de la collégialité devant la CNDA et raccourcit l'instruction au détriment de sa qualité. On peut craindre que les dossiers soient traités à la hâte et les requérants pénalisés. Les agents de la CNDA se voient imposer une logique de rendement.

Les rédacteurs du projet de loi méconnaissent-ils la réalité au point de croire que tous les réfugiés ont un téléphone, une adresse mail et postale ? Malheureusement, je ne le crois pas : on cherche cyniquement à les décourager. Ces exilés qui fuient la guerre, la misère, la dégradation climatique et l'instabilité politique méritent un traitement plus digne et plus humain.

M. Richard Yung .  - Tel qu'il est rédigé, cet article risque d'affaiblir les droits des demandeurs d'asile. Il n'est pas raisonnable de penser qu'ils seront en mesure de monter un dossier complet en 90 jours. En réalité, on cherche à augmenter la proportion de procédure accélérée, qui est déjà de 40 %. La procédure normale donne six mois à l'Ofpra, la procédure accélérée quinze jours.

M. Patrice Joly .  - Comment ne pas s'opposer à cet article ? On peut comprendre la volonté de réduire la durée du traitement des dossiers, mais amoindrir les garanties procédurales plutôt que d'augmenter les moyens ne sera pas efficace. Les demandeurs d'asile ont déjà toutes les peines du monde à tenir le délai de 120 jours ! Le justiciable sera privé de la collégialité. Bref, cet article méconnait les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Didier Marie.  - La main sur le coeur, on nous affirme que l'objectif est de réduire les délais d'instruction des dossiers. Ne s'agit-il pas plutôt de décourager les demandeurs ? Comment justifier ce recul alors que la directive ne fixe aucun délai maximal ?

Pourquoi soupçonner les demandeurs qui tardent à déposer leur demande de frauder ? C'est méconnaitre leur situation. Quand on fuit un conflit, qu'on est maltraité par les passeurs, que l'on voit ses compagnons se noyer, que l'on risque à tout instant de chavirer, que l'on franchit les Alpes en hiver, on peut avoir besoin d'un répit en arrivant. Une jeune femme mauritanienne menacée d'excision a rejoint sa soeur en Seine-Maritime ; après un parcours dangereux, elle y est restée terrée plusieurs mois, incapable d'affronter les démarches. Isolement, précarité, absence de conseils : les demandeurs d'asile ont besoin de temps pour se reconstruire. Et l'on complique encore leurs démarches avec la dématérialisation et la langue imposée !

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Didier Marie.  - La procédure accélérée rend encore plus précaire les conditions d'accès à l'asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article comporte des dispositions affaiblissant considérablement les garanties et les droits fondamentaux des demandeurs d'asile, c'est pourquoi nous en souhaitons la suppression.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Sans surprise, avis défavorable. Je ne peux qu'approuver la réduction du délai de 120 à 90 jours dans lequel une demande d'asile devient tardive, je l'avais proposée en 2015.

Les convocations et notifications de décisions de l'Ofpra par tout moyen sont compatibles avec la garantie des droits de l'usager. La commission des lois a prévu un décret en Conseil d'État pour assurer la confidentialité de la transmission de ces documents et leur réception personnelle par le demandeur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. Cet article contient des mesures destinées à réduire le délai de traitement des demandes ainsi que des mesures protectrices, comme la définition des pays sûrs ou encore la présence à l'entretien de protection d'une association spécialisée accompagnant le demandeur handicapé.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le groupe socialiste votera cet amendement. La procédure accélérée représente un réel affaiblissement des droits. Un débouté de l'Ofpra ne pourra plus bénéficier du recours suspensif auprès de la CNDA. Le passage de 120 à 90 jours pour le déclenchement de la procédure appliquée sera défavorable à des personnes qui ont subi des traumatismes multiples et qui ont besoin d'un peu de temps pour se remettre. L'affaire de l'Aquarius l'a démontré ; au traumatisme qui a motivé le départ s'ajoute le traumatisme du voyage.

L'enjeu principal, c'est l'accueil en préfecture : des rendez-vous sont donnés deux à trois mois plus tard. Il faudrait commencer par là : la directive impose trois jours. Combien de préfectures sont capables de tenir ce délai ?

M. Didier Marie.  - La procédure accélérée est prévue pour les cas où aucun examen approfondi n'est nécessaire ou, au contraire, pour apporter une protection aussi rapide que possible. Il n'est pas acceptable de la généraliser.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les délais que vous avez mentionnés, Monsieur Leconte, datent d'octobre dernier. Depuis, les préfectures ont été réorganisées, du personnel supplémentaire a été affecté et le délai moyen a été ramené à six jours ; l'objectif est trois jours dans toutes les préfectures à la fin de l'année.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...°À l'article L. 721-1, les mots : « chargé de l'asile » sont remplacés par les mots : « des affaires étrangères » ;

...°À l'article L. 722-2, les mots : « conjointe » et les mots : « et du ministre chargé de l'asile » sont supprimés ;

Mme Esther Benbassa.  - Le choix du Gouvernement est de régir en même temps l'asile, qui relève du domaine humanitaire, et l'immigration. Ainsi s'inscrit l'idée que l'asile, comme l'immigration, doit être régulé.

Nous refusons la gradation des misères qui poussent des personnes à s'arracher de leur terre natale. C'est pourquoi il faut rattacher l'Ofpra au ministère des Affaires étrangères, et non au ministère de l'Intérieur, tel que cela était le cas avant 2010, afin de rétablir un droit d'asile indépendant des politiques migratoires qui relèvent du ministère de l'Intérieur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement sous-entend que l'Ofpra n'est pas indépendant. Or le Ceseda garantit, par l'article L. 721-2, cette indépendance qui est réelle.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable. Considérer que le ministère de l'Intérieur mène une politique restrictive par les moyens accordés à l'asile, c'est méconnaître la réalité des faits.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement rappelle qu'il y a quinze ans, l'asile relevait du ministère des Affaires étrangères, et l'intégration de celui des Affaires sociales. Tout cela a été regroupé, en 2007, au ministère de l'Intérieur devenu ministère de l'Identité nationale par les bons soins de MM. Hortefeux et Besson. Depuis la question de l'asile est traitée exclusivement au prisme de la sécurité. Je connais la qualité de l'Ofpra, son indépendance. Mais si nous voulons une intégration réussie, tout ne peut pas passer par le ministère de l'Intérieur. Le groupe SOCR votera cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Roger Karoutchi.  - C'est un faux débat. Si le Gouvernement veut donner une instruction, il le fait que ce soit par le canal du ministère de l'Intérieur ou celui des Affaires étrangères. L'Ofpra applique la loi mais avec une marge de manoeuvre considérable...

M. Jean-Yves Leconte.  - ...que nous essayons de préserver !

M. Roger Karoutchi.  - J'ai du mal à me retenir de vous interrompre, faites le même effort ! Madame Benbassa, le nombre des demandes a été multiplié par cinq, 30 % sont acceptées -  preuve que l'asile est devenu une filière d'immigration détournée. Il est légitime que le ministère de l'Intérieur les traite.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Pour avoir assisté à beaucoup du Conseil « Justice et affaires intérieures », je peux vous certifier que, dans la plupart des pays européens, l'immigration relève du ministère de l'Intérieur.

M. David Assouline.  - Justement, avez-vous entendu les ministres de l'Intérieur d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie oser parler d'un « axe sécuritaire face à l'immigration » ? J'espère que nous n'en arriverons pas là mais évitons d'invoquer l'Europe sur ce point. D'autant que cette loi mélange immigration et asile, ce que personne n'avait jamais fait auparavant. Des débats qui semblaient inimaginables quand la droite était au pouvoir passent désormais inaperçus. Lorsque M. Hortefeux a parlé de 45 jours de rétention, des voix à droite de cet hémicycle ont dit : mais à quoi cela sert-il ? En fermant, on pense protéger ; c'est le contraire qui se passe : le populisme ne cesse de monter.

M. Pascal Savoldelli.  - La question du rattachement de l'Ofpra aux Affaires étrangères renvoie finalement aux relations que la France entretient avec d'autres États.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Pas faux !

M. Pascal Savoldelli.  - Dans certains États, les départs se comptent par dizaine de milliers. Cela impose de réfléchir à nos relations commerciales avec eux. Idem sur les migrations climatiques : on n'avancera pas si le problème climatique perdure. La France, qui a une belle image internationale, ferait bien d'envisager les choses sous cet angle.

Mme Esther Benbassa.  - Qu'entend M. Karoutchi lorsqu'il parle d'immigration détournée ?

M. Roger Karoutchi.  - J'ai parlé d'une filière d'immigration détournée à propos du droit d'asile.

Mme Esther Benbassa.  - C'est une pensée complexe. J'aime la pensée complexe mais là elle est soupçonneuse !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Ces débats auraient un sens si l'Ofpra prenait des décisions discrétionnaires, sous l'autorité d'un ministre. Or son travail est celui d'une quasi-juridiction qui s'est attachée à améliorer la vérification des demandes pour faire diminuer les annulations par la CNDA. Elle y est parvenue. La question du rattachement de l'Ofpra à tel ou tel ministère est totalement dénuée d'importance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi.  - Pas du tout ! Rétablir la tutelle du ministère des Affaires étrangères est le meilleur moyen de rappeler la spécificité du statut de réfugié, de la protection subsidiaire et d'apatride. C'est une demande des agents de l'Ofpra qui, vous semblez l'oublier, se sont mis en grève il y a quelques semaines.

M. Alain Richard.  - Ce débat comporte une part d'illusion. Heureusement, dans notre pays, l'État est un et fait appliquer une seule politique par les différents départements ministériels. Enfin et surtout, ce dont nous débattons relève d'un décret ; personne ne l'a fait remarquer sans doute par volonté de ne pas gâcher la discussion.

L'amendement n°43 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°411 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Lepage, Perol-Dumont, Lubin, G. Jourda, Lienemann, Grelet-Certenais, Meunier, Préville, Ghali, Monier, Artigalas, Tocqueville et Taillé-Polian et MM. Féraud, Durain, Marie, Houllegatte, Lalande, Tourenne, Temal, Manable, Vallini, Cabanel, Daudigny et Devinaz.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le quatrième alinéa de l'article L. 722-1 est complété? par une phrase ainsi rédigée : « Ne peut être considéré? comme un pays d'origine sûr pour les femmes celui dans lequel le recours a? l'avortement est passible de sanctions pénales. » ;

Mme Laurence Rossignol.  - L'Assemblée nationale a précisé la notion de pays sûr. Avec cet amendement, nous précisons que ne peut l'être un pays qui pénalise l'avortement. Au Salvador, il est passible de trente à cinquante ans de prison. Des femmes y sont emprisonnées pour des fausses couches spontanées considérées comme des avortements déguisés... Il serait juste d'accorder une protection aux femmes de ces pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission demande l'avis du Gouvernement sur cette question, qui n'est pas sans conséquences juridiques. La Convention de Genève et la directive « Qualification » tient compte des pratiques d'avortement ou de stérilisation forcés. Comment qualifier juridiquement l'avortement ?

Mme Laurence Rossignol.  - C'est simple !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Plusieurs États membres de l'Union européenne, considérés comme des pays sûrs, interdisent l'avortement ou le réprime pénalement. C'est principalement le cas de la Pologne, de Chypre et de Malte. Le sujet doit être abordé au niveau européen.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est effectivement une question juridique. Dans sa décision du 7 novembre 2013, la CJUE a estimé que la seule condamnation pénale d'une pratique ne suffit pas à caractériser une persécution. Pour bénéficier de la protection subsidiaire, il faut alléguer de persécutions, de tortures, de traitements inhumains et dégradants. Je demanderai le retrait.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous plaisantez ? Assumez et donnez un avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il n'existe pas de liste européenne des pays sûrs parce que les pays européens ne parviennent pas à se mettre d'accord ; certains considèrent même que, par définition, l'asile est une question individuelle.

Mme Laurence Rossignol.  - Où est le problème juridique ? Le seul problème est l'incapacité de l'Europe à se mettre d'accord sur la notion de pays sûrs ; et plusieurs États européens sont en pleine régression sur l'avortement. La question n'est juridique que si on le veut bien ; elle est surtout politique. Toutes les quatre minutes, une femme meurt d'un avortement clandestin dans le monde. Et cela n'est pas une persécution ? Je maintiendrai mon amendement et vous assumerez votre avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. David Assouline.  - Ce débat nous amène à nous interroger sur l'existence de pays qui pourraient ne pas être sûrs au sein de l'Union. Des atteintes aux libertés fondamentales risquent de se multiplier en Pologne, en Autriche, en Hongrie, en Italie. Fermerons-nous les yeux sur ces dérives ? Il était impensable que l'Italie, pays fondateur de l'Europe, parle d'une « épuration de chaque rue, chaque quartier » des Roms. (Marques d'impatience à droite) Certains ne semblent pas choqués, mais la majorité de l'hémicycle l'est. La question que pose cet amendement à propos de l'avortement se posera sur d'autres sujets.

M. Jacques Bigot.  - Je suis presque scandalisé par la demande de retrait. Le président de la République a souhaité que Mme Simone Veil entre au Panthéon dans quelques jours. Et sur cette question fondamentale au sujet de laquelle elle s'est battue, vous demandez le retrait ? Je ne le comprends pas alors que nous nous apprêtons à dire le 1er juillet en quoi Simone Veil est l'honneur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Partout, nous voyons des répressions, des tentations de recul des libertés. Si nous sommes incapables de faire rimer droits de la personne et droits de la femme, nous ne serons pas à la hauteur de notre histoire. J'entends beaucoup de commentaires lorsqu'il s'agit de certaines tendances religieuses mais quand le droit fait condamner des femmes qui veulent avorter, si la France ne prend pas position et ne dit pas haut et fort que les États concernés ne peuvent pas être considérés comme sûrs, c'est un recul pour tout le monde. À mon sens, le droit d'asile est individuel, il ne doit pas être lié à des pays sûrs ou pas sûrs mais puisqu'il existe une liste de pays sûrs, autant en exclure ceux qui répriment l'avortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Pascal Allizard.  - La capacité que nous avons à donner des leçons aux autres ne cesse de m'étonner. Nous avons siégé cet après-midi en CMP pour trouver un accord sur la loi de programmation militaire. Connaissez-vous l'amendement « élastique » ? Il concerne des femmes qui vivent une grossesse tout en étant militaires. Nous avons dû inscrire dans la loi leur droit à porter un uniforme adapté. (On s'esclaffe sur les bancs du groupe CRCE.)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est le principe de réalité !

M. Pascal Allizard.  - Comment donner des leçons aux autres après cela ? Notre débat est décalé. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli.  - C'est vous qui êtes décalé !

M. Sébastien Meurant.  - Je suis étonné par l'étroitesse d'esprit qui règne à gauche de l'hémicycle. Le nombre le plus élevé de féminicides, on le constate dans la Chine communiste et le sous-continent indien. Et vous, vous parlez de la Hongrie, de l'Autriche ? (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Éliane Assassi.  - On va faire un rappel au Règlement si vous continuez !

M. Sébastien Meurant.  - Ouvrez les yeux ! L'Europe est un espace de liberté. (Mmes Cécile Cukierman, Éliane Assassi et Esther Benbassa interrompent l'orateur.)

M. Roger Karoutchi.  - C'est intolérable.

M. le président.  - Je suspends la séance, pour laisser à tout le monde le temps de reprendre ses esprits.

La séance est suspendue quelques instants.

M. Sébastien Meurant.  - Intéressons-nous aux droits humains des Français avant de donner des leçons de morale. La misère est à nos portes et gagne même le VIe arrondissement. Il n'est pas besoin d'aller chercher les femmes du Salvador. Occupons-nous des Françaises, nous sommes les représentants du peuple français.

M. Jean-Yves Leconte.  - Savez-vous de quoi on parle ? Du droit d'asile !

M. Sébastien Meurant.  - Essayons d'abord d'être exemplaires et de prendre du recul. Nous avons d'énormes marges de progression. Le féminicide est excessivement grave, dans les deux pays que j'ai cités...

Mme Cécile Cukierman.  - C'est vous qui êtes grave !

Mme Esther Benbassa.  - Après la discussion que nous avons eue cet après-midi sur la transidentité, nous nous heurtons aux mêmes incompréhensions sur l'avortement. Il ne s'agit pas tant de définir ce qu'est un pays sûr que ce qu'est une persécution. Ce que subissent les transgenres ou les femmes qui avortent entre dans cette catégorie.

Mme Cécile Cukierman.  - Les arguments avancés dans ce débat sont surréalistes. On parle de femmes, de grossesses, de droit à la naissance et l'on caricature cet amendement « élastique ». J'entends certains se préoccuper soudainement du droit des femmes, en citant certains pays envers lesquels ils n'ont pas les mêmes exigences quand il s'agit de business... Nous pouvons qualifier certains pays d'autoritaires mais nous accommoder de leur politique, semble-t-il.

Nous voterons cet amendement car il s'agit de préserver le droit des femmes à disposer de leur corps, quelle que soit leur origine. J'espère que la majorité sénatoriale n'est pas unanime. Certains de ses représentants ont développé des arguments qui ne sont pas recevables. Ils sont une attaque contre le droit des femmes migrantes et des femmes en général.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous devons tenir compte du fait qu'un certain nombre de pays réprime l'avortement. Nous ne pouvons pas renvoyer des personnes dans ces pays, quand bien même ceux-ci seraient considérés comme sûrs. Donnons-nous du temps d'ici la fin de la semaine pour réfléchir à la manière de faire évoluer l'article L. 712-1 du Ceseda et tenir compte des sanctions pénales liées à l'avortement.

M. Roger Karoutchi.  - Réfléchissons à une solution d'ici jeudi en nous souvenant qu'il n'y aura pas de deuxième lecture avec la procédure accélérée.

Le droit d'asile est un droit individuel sans lien avec la liste des pays sûrs. Que chacun mesure ses propos. On peut s'inquiéter de ce qui se passe en Hongrie ou en Pologne. De là à rompre nos relations avec ces pays... Il faudrait, à ce compte, que la France se retire de l'Union européenne. Mieux vaut qu'elle fasse valoir son pouvoir d'influence. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Pascal Savoldelli.  - Je partage la position de M. Karoutchi : on voit bien les limites de la procédure accélérée ! Difficile dans ces conditions de trouver une certaine hauteur de vue. J'attire l'attention du rapporteur sur le fait que l'avortement est un sujet non négociable. Quand on discrimine ou que l'on porte atteinte à des enfants, des femmes de quelque minorité culturelle, sociale ou sexuelle, il n'y a pas de négociation possible.

Monsieur Meurant, « les Français d'abord »... je n'aime pas ce discours. Notre Constitution affirme que tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur le territoire de la République : c'est cela, la France. Et si c'est vrai pour les hommes, c'est aussi vrai pour les femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

À la demande du groupe SOCR, l'amendement n°411 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°139 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 114
Contre 216

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 57 amendements ; il en reste 485.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 20 juin 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus