SÉANCE

du mardi 3 juillet 2018

2e séance de la session extraordinaire 2017-2018

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-cinq questions orales.

Devenir des entreprises adaptées

M. Jean-Pierre Corbisez .  - L'entreprise adaptée est une entreprise à but social, composée majoritairement de travailleurs handicapés qui ont un statut de salarié, avec les mêmes droits et devoirs que tout autre salarié.

L'entreprise adaptée se développe sur un marché concurrentiel et est soumise aux mêmes contraintes de rentabilité et d'efficacité économique que toute autre entreprise. Dans mon département du Pas-de-Calais, elles sont au nombre de treize.

La particularité de ces structures est qu'elles bénéficient, du fait de l'emploi de personnes handicapées, d'une aide au poste et de subventions spécifiques. Ces aides financières sont aujourd'hui remises en cause au bénéfice d'une volonté gouvernementale d'inclure davantage les personnes handicapées dans le milieu ordinaire.

Si cette volonté est tout à fait honorable, elle ne correspond pas aux réalités de terrain : aujourd'hui, dans le Pas-de-Calais, ces entreprises adaptées emploient la plupart du temps des personnes atteintes de déficience cognitive et qui ont d'énormes difficultés à trouver un emploi en milieu ordinaire. La diminution des aides représentera environ 10 millions d'euros par an et accroîtra les difficultés sociales déjà importantes sur ce territoire. En outre, des études montrent que le retour à l'emploi permet un gain social égal à 11 000 euros par travailleur handicapé par rapport à une situation de non emploi.

L'État intervient financièrement pour compenser et non pour assister les entreprises adaptées puisque chaque euro investi par l'État est récupéré par le biais des cotisations et des impôts publics générés par le retour à l'emploi.

Les dernières mesures prises par le Gouvernement inquiètent le secteur des entreprises adaptées. Si on peut se féliciter du report de la réforme au 1er janvier 2019, celle-ci doit s'accompagner d'un véritable processus de concertation avec les représentants du secteur dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2019 afin de prendre en compte les spécificités locales.

De plus, la dégressivité de l'aide au poste préconisée par le rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales et des finances du 17 janvier 2018 risque de mettre en difficulté de nombreuses entreprises adaptées et il est donc nécessaire d'en étudier au préalable les impacts.

Enfin, L'État souhaite que les entreprises adaptées s'orientent davantage vers l'insertion. Madame la Ministre, les prochains contrats d'objectifs triennaux prendront-ils en compte la particularité des handicaps intellectuels et psychiques et intègreront-ils des modalités spécifiques d'accompagnement des entreprises adaptées concernées ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Les entreprises adaptées sont un facteur d'émancipation pour tous. Elles offrent aux travailleurs handicapés la possibilité plus ou moins temporaire de travailler. Ces entreprises sont donc essentielles pour favoriser l'inclusion par le travail.

Le Gouvernement a ajouté 8 millions d'euros au budget initial qui leur était consacré, preuve de notre soutien et de notre attention au secteur. Dès janvier, nous avons lancé une concertation avec l'Union nationale des entreprises adaptées (Unea) pour réaffirmer la vocation économique et sociale des entreprises adaptées autour de deux axes : réaffirmer la vocation économique et sociale des entreprises adaptées en valorisant leur savoir-faire inclusif construit autour du triptyque : situation dans l'emploi réel, formation et accompagnement personnalisé. Le second axe est d'innover en expérimentant de nouvelles approches du parcours professionnel des travailleurs handicapés, notamment dans les entreprises classiques.

Le rapport de 2017 a ouvert des pistes que nous avons évaluées. Le temps de la concertation est arrivé à son terme. Avec ma collègue Sophie Cluzel, nous présenterons ses résultats lors de l'examen du projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, la semaine prochaine.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Si certains travailleurs handicapés n'ont pas besoin d'une entreprise adaptée - j'en suis un exemple, étant sénateur handicapé - je vous remercie d'avoir rappelé que ces entreprises étaient essentielles pour l'inclusion des personnes concernées.

Reconnaissance du tildé

M. Michel Canevet .  - Notre Constitution reconnaît les langues régionales et pourtant, dans la ville de Quimper, le ministère public a refusé de valider à l'état civil la naissance de Fañch pour utilisation de signes non-autorisés. Une affaire similaire a également été portée devant le tribunal de grande instance de Bayonne. Le juge s'appuie sur une circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil et qui régirait l'usage des signes particuliers dans la langue française.

Pourtant, le tildé est couramment employé pour marquer la nasalisation dans les textes de la royauté au XVIe siècle. L'ordonnance royale de 1539, dite de Villers-Cotterêts, imposant l'utilisation de la langue française dans les actes de justice du domaine royal, est rédigée en utilisant à plusieurs reprises des tildés.

Madame la Ministre, modifierez-vous la circulaire du 23 juillet 2014 afin d'introduire le tildé dans la liste des signes susceptibles d'être utilisés dans les actes d'état civil ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Si la loi du 8 janvier 1993 reconnaît le principe de la liberté de choix du prénom d'un enfant par ses parents, elle ne permet pas l'usage de signes diacritiques non connus de la langue française, celle-ci étant la seule admise pour l'établissement des actes publics. Le Conseil constitutionnel a déduit de l'article 2, alinéa 1er de la Constitution que les particuliers ne peuvent se prévaloir d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français dans leurs relations avec l'administration.

La circulaire du 23 juillet 2014 dresse la liste des voyelles et consonnes accompagnées d'un signe diacritique souscrit ou suscrit connues dans la langue française. Cette liste d'une quinzaine de signes ne comprend pas le tildé, et elle a été validée par l'Académie française en 2014.

Dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le tildé apparaît sur le « a » et non sur le « n » pour nasaliser la voyelle, ce qui n'est pas le même usage que celui que vous proposez. Les juridictions ont été saisies de l'utilisation du tildé sur le « n » dans le cadre de l'affaire sur le prénom Fañch. Ce signe a été refusé par le TGI de Quimper en septembre, et les parents ont fait appel de ce jugement : la cour d'appel n'a pas encore rendu son arrêt. Mais les textes en vigueur n'excluent pas que les communes puissent délivrer des livrets de famille bilingues, ce qui offrirait une solution.

M. Michel Canevet.  - Votre réponse ne me satisfait pas. La représentation nationale souhaiterait qu'on reconnaisse davantage les langues régionales. En l'occurrence, le choix des prénoms comportant un tildé n'aurait pas de conséquence dramatique.

Formation des officiers de sapeurs-pompiers

M. Jean-François Longeot .  - En application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) versent au CNFPT une cotisation pour la formation de leurs fonctionnaires territoriaux, sapeurs-pompiers professionnels ou personnels administratifs techniques et spécialisés correspondant à 0,9 % de leur masse salariale, ainsi qu'une sur-cotisation affectée spécifiquement à la formation des officiers de sapeurs-pompiers professionnels correspondant actuellement à 0,86 % de la masse salariale des sapeurs-pompiers professionnels. La formation des officiers de sapeurs-pompiers étant exclusivement assurée par l'établissement national de formation des sapeurs-pompiers, cette sur-cotisation est intégralement reversée à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp) par le CNFPT. Ainsi, ce dernier collecte et reverse ces cotisations sans apporter aucune plus-value.

Le Gouvernement envisage-t-il de faire de l'Ensosp l'organisme collecteur unique des cotisations versées par les SDIS pour financer les actions de formation destinées aux sapeurs-pompiers afin d'optimiser la gestion des 13,4 millions d'euros versés annuellement par les SDIS ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La formation de tous les fonctionnaires territoriaux est assurée par le CNFPT depuis la loi de 1984. Chacun connaît le prélèvement de 0,9 % sur les finances des collectivités locales à destination du CNFPT.

Compte tenu de la spécificité de la formation des officiers, son financement est assuré par l'Ensosp, établissement autonome, auquel contribue le CNFPT. L'hypothèse d'un versement direct par les SDIS à l'Ensosp a fait l'objet d'un débat en amont de la LFI pour 2018 sans qu'aucune mesure n'en découle. Le ministre de l'Intérieur et le président de l'Association des maires de France (AMF) ont demandé au président du CNFPT de leur apporter tous les éléments utiles pour la compréhension de l'utilisation des fonds récoltés. Dans le même temps, le CNFPT s'est engagé à assurer sur ses fonds propres le versement des sommes correspondant au montant de la sur-cotisation et à la scolarité de la première promotion d'élèves colonels en 2018.

Le Gouvernement ne modifiera donc pas ce dispositif qui repose sur la capacité de concertation des acteurs : le ministère de l'Intérieur reste attentif sur la pérennité des financements adaptés et à la mise en oeuvre des formations de haut niveau, marque de l'excellence française.

M. Jean-François Longeot.  - Merci pour cet éclairage.

Droit à l'expérimentation d'une limitation de vitesse différenciée sur les routes secondaires

M. Bernard Delcros .  - La réduction de la vitesse à 80 km/h est intervenue dimanche. Le sujet a donné lieu à des réactions passionnées, certains considérant que la mesure n'aura aucun impact, d'autres non. C'est toujours le cas dès lors que l'on crée des contraintes supplémentaires pour les automobilistes. Souvenez-vous des débats lorsque fut instaurée l'obligation de porter la ceinture de sécurité.

Les résultats sont au rendez-vous : en 1972, nous déplorions 17 000 tués sur les routes. En 1997, le chiffre était tombé à 8 000 et 3 500 tués sur les routes en 2017. J'ai toujours évité les postures politiciennes ou démagogiques dans ce genre de débat. Cependant, il serait judicieux d'exonérer certains axes structurants de cette obligation comme la route nationale 122 dans le Cantal. Les correctifs qui seront apportés après la période d'évaluation de deux ans prendront-ils en compte cette demande ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Merci pour le ton modéré que vous avez adopté : vous avez su rappeler l'importance de cette mesure pour sauver des vies humaines et diminuer le nombre de grands blessés, victimes à vie de la route : 25 000 l'année dernière...

La limitation à 80 km/h fait partie des 17 mesures prises pour une plus grande sécurité routière. Une étude démontre que les routes sans séparateur sont les plus accidentogènes. Aucun département n'échappe à la règle. Dans le Cantal, le réseau structurant représente 18 % du réseau routier mais 80 % des tués.

Dans deux ans, l'évaluation de l'expérimentation donnera le nombre de tués route par route, dans une transparence totale. Il serait prématuré que je m'engage dès à présent sur les corrections qui seront apportées. Quoi qu'il en soit, elles relèveront du réglementaire.

M. Bernard Delcros.  - Merci pour votre réponse.

Protection sociale des agents territoriaux sapeurs-pompiers volontaires

M. Bernard Bonne .  - L'article 19 de la loi du 31 décembre 1991 prévoit une prise en charge en cas d'accident des sapeurs-pompiers volontaires, qu'ils soient fonctionnaires, titulaires ou stagiaires, ou même militaires, non par le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), mais par la collectivité territoriale dont ils dépendent. Ils bénéficient alors du régime d'indemnisation fixé par les dispositions statutaires qui les régissent.

Ces frais, souvent importants, sont supportés par les communes, qui se retrouvent à payer pour un accident sans aucun rapport avec le service rendu par ces personnes en tant qu'agents communaux. Plusieurs communes rurales de la Loire, faibles en ressources, sont concernées et voient leur prime d'assurance augmenter.

En octobre 2013, le ministre de l'Intérieur avait signé un plan d'actions pour les sapeurs-pompiers volontaires qui prévoyait la généralisation, par le biais d'une modification de la loi de 1991, de la prise en charge de la protection sociale par les SDIS. Cette volonté affichée ne s'est pas traduite à ce jour par une modification de la loi. Si l'article 19 de la loi de 1991 était maintenu en l'état, le statut de sapeur-pompier volontaire pourrait représenter un réel frein à l'embauche dans les collectivités territoriales.

Notre collègue Troendlé nous a remis le 23 mai un rapport sur le volontariat qui préconise de généraliser la prise en charge par les SDIS de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires employés dans la fonction publique en cas d'accident ou de maladie contractés en service. En tiendrez-vous compte ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Vous avez fait la question et vous avez donné la réponse. Vous avez rappelé l'importance du volontariat dans notre système de sécurité civile, mais aussi l'article 19 de la loi du 31 décembre 1991 et l'article 17 de la loi du 20 juillet 2011 qui permet aux SDIS de prendre en charge la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires.

Mme Catherine Troendlé, rapporteure de la mission d'information sur les sapeurs-pompiers volontaires, a conclu que la prise en charge devrait être totalement intégrée dans les SDIS.

Le ministre de l'Intérieur a pris en compte cette hypothèse de travail. Le dossier est loin d'être bouclé. Pour avoir été maire pendant 25 ans, je sais bien ce que cette charge représente pour les communes. Cette proposition sera donc examinée avec intérêt.

M. Bernard Bonne.  - J'ai été maire pendant une vingtaine d'années et président de département une dizaine d'années, il faut pousser les municipalités à encourager les fonctionnaires qui souhaitent s'engager comme pompiers volontaires.

Vols de câbles en cuivre dans le Tarn-et-Garonne

M. François Bonhomme .  - Déjà touchée à deux reprises au cours des trois derniers mois, la commune de Bressols, dans le Tarn-et-Garonne, a récemment fait l'objet d'un vol de câbles en cuivre d'une valeur de 14 000 euros. Les entreprises locales pâtissent de cette situation. Quatre jours ont été nécessaires pour rétablir la connexion téléphonique et internet à la suite de ce vol, privant ainsi 3 700 habitants et les quelque cinquante entreprises situées sur les quatre zones d'activités de la commune de tous moyens de communication.

Ce phénomène n'est malheureusement pas nouveau en Tarn-et-Garonne. Déjà en 2017, la commune de Bourret avait subi près de vingt-deux vols de câbles.

Madame la Ministre, quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre afin de mettre un terme à cette situation ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le phénomène est grave car il cause un double préjudice lié à la valeur des métaux volés et aux conséquences induites par ces vols en matière de communication et d'alimentation électrique.

Ces vols de métaux ne sont pas le fait d'individus isolés, mais de réseaux criminels organisés souvent venus d'Europe de l'Est. Dès 2006, la gendarmerie nationale a mis en place un plan d'action destiné à la lutte contre le vol des métaux. L'Office central de lutte contre la délinquance a été saisi de ce dossier.

Le ministère de l'Intérieur a mis en place un partenariat avec les entreprises privées et démantèle les groupes criminels organisés. De nombreux partenariats sont mis en place avec les sociétés victimes de vols de métaux : six conventions régionales ont été passées par Orange avec des antennes de gendarmerie. Le ministère travaille aussi à démanteler ces groupes criminels itinérants : il s'agit d'interpeler les auteurs, mais aussi les receleurs et les donneurs d'ordre. En 2017, l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (Ocldi) a interpellé dans la région toulousaine onze individus originaires de Roumanie coupables de 105 faits de vol dans les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Nous agissons aussi au niveau européen.

M. François Bonhomme.  - Je prends acte de votre action. Cependant, le phénomène, connu, a tendance à s'aggraver. J'espère que le Gouvernement développera tous les moyens nécessaires pour y mettre fin.

Fonds de concours et syndicats d'énergie

Mme Chantal Deseyne .  - À l'occasion de la loi du 7 décembre 2010, le Parlement avait décidé de renforcer le mécanisme des fonds de concours en lui dédiant un article spécifique. Des syndicats d'énergie détenteurs de la compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité se sont vus confier par leurs collectivités membres des prérogatives liées à la maîtrise d'ouvrage des installations d'éclairage public. Le syndicat départemental d'énergie d'Eure-et-Loir assure désormais la gestion quotidienne de plus de 32 000 foyers lumineux pour le compte de 165 communes. Au cours des dernières années, ce syndicat a massivement investi dans les réseaux d'éclairage public pour remplacer les installations vétustes et très consommatrices d'électricité en proposant des solutions peu énergivores et innovantes. Pour procéder à ces investissements, le syndicat d'énergie a eu recours au mécanisme de fonds de concours appelés auprès de ses communes membres. Or il semblerait que la direction générale des collectivités locales remette en cause le régime de ces fonds de concours s'agissant des syndicats d'énergie. Si cette position venait à être confirmée, elle serait de nature à ruiner les efforts déployés localement.

Pour quelles raisons et sur quel fondement juridique la direction générale des collectivités locales restreint-elle l'utilisation du mécanisme des fonds de concours par les syndicats d'énergie et leurs collectivités adhérentes, dès lors que ces établissements publics de coopération interviennent dans le cadre de leurs compétences ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le rôle des groupements de communes est d'exercer les compétences en lieu et place de leurs membres. Ce principe d'exclusivité est une des conditions nécessaires a la clarté de l'organisation locale.

Les fonds de concours sont une dérogation à ce principe et ne sont donc possibles que dans des conditions strictes. Ils ne sont autorisés par la loi que dans le cadre d'EPCI à fiscalité propre. Pour les autres groupements, ils ne sont autorisés que dans des cas très particuliers. Il peut être fait usage des fonds de concours pour trois autres compétences prévues de manière dérogatoire dans le CGCT : pour un syndicat mixte ouvert pour la gestion et la construction des ports autonomes, pour un syndicat intercommunal pour la distribution publique d'électricité, pour un syndicat mixte ouvert pour l'établissement de réseaux publics de communication électroniques.

Dans le cas que vous citez, les syndicats intercommunaux compétents en matière d'autorité organisatrice de distribution publique d'électricité peuvent, afin de financer la réalisation dans le fonctionnement d'un équipement public local, percevoir ou verser à leurs membres des fonds de concours. Le renvoi opéré par l'article L. 5212-26 à l'article L. 5212-24 du CGCT restreint cependant le champ d'action du fonds de concours à la compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité du syndicat. Les autres compétences exercées sont donc exclues, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État en la matière.

La compétence d'autorité organisatrice du réseau de distribution d'électricité étant une compétence spécifique, les travaux réalisés en matière d'éclairage public ne peuvent être financés par le biais des fonds de concours. Il appartient au conseil syndical de voter une augmentation de la contribution de ses membres : les quotes-parts contributives des membres peuvent être modulées en fonction de la nature des travaux mis en oeuvre par le syndicat, mais cela nécessite évidemment d'aménager les statuts.

Mme Chantal Deseyne.  - Votre réponse n'est pas satisfaisante. Cet article devrait satisfaire aux objectifs de réduction des pollutions lumineuses. Il faut corriger ce dispositif. Je déposerai un amendement en ce sens dans le cadre du projet de loi ELAN.

Usage du cuivre en viticulture

M. Daniel Laurent .  - Le cuivre est un des seuls produits minéraux autorisé par la réglementation européenne pour lutter contre les bactéries et autres maladies fongiques. Il est utilisé aussi bien en viticulture biologique qu'en viticulture dite conventionnelle, ainsi que pour les cultures maraîchères et fruitières.

Pour la viticulture biologique, un rapport de l'Institut national de recherche agronomique (INRA), publié en janvier 2018, montre qu'à court terme, le remplacement du cuivre n'est pas envisageable. La piste génétique reste une stratégie à moyen terme. À ce jour, seule une gestion optimisée des doses au plus près en fonction des circonstances de l'année permet de limiter les apports, tout en conservant l'efficacité. Il faudra probablement attendre quelques années avant que des solutions de bio-contrôle ou que des variétés résistantes puissent remplacer le cuivre. Sans cuivre, ou en quantité insuffisante, les producteurs ne pourraient que se détourner du mode de production biologique, ce qui serait contradictoire avec les objectifs fixés par les pouvoirs publics.

Pour la viticulture conventionnelle, la consommation de cuivre devrait mécaniquement continuer à augmenter compte tenu de l'orientation souhaitée vers une forte réduction des produits classés substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR).

Le 16 janvier 2018, l'Autorité européenne de sécurité des aliments a transmis à la Commission européenne ses conclusions en vue d'une nouvelle homologation. Cette dernière devra se prononcer avant le 31 janvier 2019 sur la ré-approbation du cuivre comme substance active dans les produits de protection des plantes.

Sans renouvellement de l'autorisation d'utilisation du cuivre, la filière viticole française se trouverait dans une impasse technique, aux incidences importantes pour la filière biologique viticole. Actuellement la dose de 6 kg par hectare et par an lissée sur cinq ans, soit 0,6 g par m², est la seule qui soit soutenue par la profession. Le lissage est très important car il permet de faire face à une pression des maladies qui change d'année en année en fonction des aléas climatiques. Il serait inconcevable d'interdire immédiatement l'usage du cuivre utilisé depuis plus d'un siècle et demi sans solution alternative, efficace et à un coût acceptable.

Quelle position la France compte-t-elle prendre, au niveau européen, concernant le renouvellement de l'homologation du cuivre ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous connaissez bien ces problématiques en tant que président du groupe d'étude Vigne et vin du Sénat. Les propriétés du cuivre sont connues de longue date pour protéger les plantes, notamment la vigne et les tomates. Cependant, il est persistant dans l'environnement et toxique, aussi faut-il favoriser sa substitution partout où c'est possible.

L'approbation européenne expire fin janvier 2019. Les risques sont mesurés si l'usage est ponctuel. Aussi le Gouvernement est favorable à la reconduction de l'approbation. La Commission européenne a proposé une dose maximale de 4 kg par hectare et par an, mais un dépassement pourrait être autorisé. Le Gouvernement souhaiterait, sur cette base, prévoir un lissage pluriannuel dans les cas de cultures pérennes comme la vigne et de permettre un dépassement limité au cours d'une année, à condition que l'apport total ne dépasse pas la quantité maximale permise. Si elle est retenue, cette possibilité de lissage nécessitera toutefois que les demandeurs d'AMM fournissent à l'Anses les résultats favorables de tests et d'études conduits avec ce protocole. Compte tenu des contraintes liées à l'utilisation du cuivre mais aussi son importance cruciale pour diverses cultures, les travaux doivent s'accélérer pour réduire son utilisation en protection des cultures. L'expertise scientifique de l'INRA de janvier 2018 a identifié plusieurs leviers d'action pour réduire les quantités sans remettre en cause l'efficacité de la protection phytosanitaire. D'autres leviers d'action sont envisagés, tels que le choix des variétés, l'assolement, les conditions de semis, etc.

M. Daniel Laurent.  - Merci de cette réponse. Vous me tranquillisez en disant que le Gouvernement est favorable à la reconduction du cuivre au niveau européen. Mais les professionnels sont arc-boutés sur la quantité d'utilisation, gage d'efficacité.

Nous avons subi une période dramatique dans le vignoble girondin, charentais et charentais-maritime : près de 17 000 hectares de vigne sont sinistrés. Or le cuivre enfin a des propriétés cicatrisantes.

Reconduction de l'approbation de l'utilisation du cuivre agricole

Mme Nathalie Delattre .  - La Commission européenne doit trancher avant l'été 2018 sur la reconduction de l'approbation du cuivre en tant que substance active dans les produits de protection des plantes. Pour cela, selon l'article 79 du règlement du Parlement européen, la Commission européenne doit tout d'abord recueillir l'avis des États membres, représentés au comité permanent européen de la chaîne alimentaire et de la santé animale. À ce jour, la France ne s'est toujours pas positionnée sur cette question.

Monsieur le Ministre, il faut nous dire aujourd'hui quelle réponse le Gouvernement compte apporter à la filière viticole dans la prolongation de l'homologation du cuivre agricole.

Le constat est simple : il n'existe à ce jour aucun autre substitut crédible permettant l'abandon du cuivre en agriculture. Ce fongicide reste l'unique alternative aux produits CMR pour les exploitations viticoles traditionnelles. Plus encore, dans la viticulture biologique, le cuivre est l'un des seuls produits minéraux homologués pour lutter contre le mildiou, maladie de la vigne pouvant entraîner des pertes de récoltes considérables si elle n'est pas combattue.

À terme, la filière viticole s'est engagée à s'affranchir du cuivre. Les exploitants ont adopté un usage raisonné et éclairé de cette fameuse « bouillie bordelaise ». De plus, les professionnels soutiennent activement les recherches conduites pour développer des alternatives de biocontrôle ou de cépages résistants.

L'utilisation du cuivre est donc en constante diminution, mais les exploitants viticoles ont besoin de plus de temps, d'autant plus précieux pour la profession que la succession d'épisodes pluvieux a considérablement augmenté le risque de propagation du mildiou ces dernières années. Pour les exploitations bio, la limitation à 6 kg par hectare et par an offre un compromis acceptable.

La France portera-t-elle la voix de ses viticulteurs auprès de la Commission européenne ? Prônerez-vous le maintien des conditions actuelles d'utilisation du cuivre agricole ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous venez d'un beau département viticole, Madame la Sénatrice. Le cuivre a une persistance dans l'environnement qui doit pousser à des substitutions, lorsque cela est possible. Le Gouvernement est favorable au renouvellement de l'approbation du cuivre, mais il sera nécessaire de réduire les quantités utilisées pour maintenir le risque à un niveau acceptable. La proposition est de 4 kg par hectare et par an. Un travail doit être conduit avec la filière pour réduire progressivement les doses et il faut également que les instituts de recherche proposent des substituts. L'INRA s'est engagé sur ce point. Il faut aussi accompagner les producteurs après les aléas météo. Nous avons devant nous un gros chantier pour réduire l'utilisation du cuivre, puisque demain, la Commission européenne imposera 4 kg à l'hectare par an.

Mme Nathalie Delattre.  - Le temps nous est compté. Vos propos sont inquiétants : proposer 4 kg par hectare et par an, c'est condamner la viticulture bio du Bordelais, et d'ailleurs ! Cette ligne politique est incompréhensible. Les viticulteurs n'ont aucune intention d'empoisonner les gens ou la terre !

Nous prônons 30 kg par hectare lissés sur cinq ans car la solution de substitution au cuivre n'existe pas encore face au mildiou. Ainsi, les producteurs moduleront leur utilisation du cuivre en fonction des risques : ce sera parfois 6, mais aussi parfois moins de 4 kg par hectare.

Délais de renouvellement des cartes de stationnement pour handicapés

M. Joël Guerriau .  - Depuis le 1er janvier 2017, les cartes de stationnement pour handicapés sont progressivement remplacées par la Carte mobilité inclusion (CMI), hormis en ce qui concerne les invalides de guerre. Les CMI, plus sécurisées, sont imprimées directement par l'Imprimerie nationale et non plus au niveau des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les délais actuels sont passés à six mois en moyenne, après constitution d'un dossier complet.

De nombreuses personnes en situation de handicap sont temporairement privées de leur droit à stationner sur les places pour handicapés. Le fait d'apposer une carte dont la date de validité est dépassée depuis moins de six mois n'offre aucune garantie en l'absence de directive officielle. Le risque est accru dans les villes où les infractions au stationnement sont verbalisées par des employés de sociétés privées peu au fait de la situation et ne disposant d'aucun moyen d'évaluation de la situation.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que ces délais accrus de renouvellement ne pénalisent pas les personnes en situation de handicap ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - La CMI remplace depuis 2017 les cartes d'invalidité, de priorité et de stationnement. C'est une simplification pour les personnes handicapées comme pour les MDPH, qui peuvent se recentrer sur leurs missions premières d'accompagnement, d'orientation, et d'évaluation des personnes handicapées.

L'imprimerie nationale a une grande expérience de production des titres sécurisés ; ces cartes sont plus efficaces pour lutter contre la fraude - qui pénalise d'abord les personnes handicapées. Le ministère suit de près ce dossier.

À compter de la réception complète du dossier, le délai d'envoi est de cinq jours - 4,58 pour être exacte - et non six mois comme vous l'avez dit. Compte tenu du délai de réception des photos, l'ensemble de la démarche prend à peine plus d'un mois.

Je travaille à la mise en place d'un plan ambitieux de simplification grâce au rapport élaboré par le député Adrien Taquet et rendu au Premier ministre le 28 mai.

M. Joël Guerriau.  - Je ne partage pas votre point de vue sur les délais. On dirait la bataille des chiffres sur le nombre de manifestants... Mes informations, recueillies sur le terrain, sont toutes autres.

Imaginez la détresse d'une personne en situation de handicap dont la voiture est enlevée par la fourrière !

Gestion des demandes de visas par des sociétés privées

M. Pierre-Yves Collombat .  - À l'origine de ma question, la fin de non-recevoir répétée du consulat de Casablanca à la demande de visa de Mme Gracia Fuamba, demeurant au Maroc, pour rejoindre en France son compagnon français, père de son enfant.

Constatant que ces demandes ont été instruites par une société privée pour le compte du consulat général, qu'il ne leur a été opposé aucune raison sérieuse, devant l'impossibilité de joindre cette entreprise et d'obtenir des réponses autres que routinières du consulat, je me résous à vous interroger directement : qu'est-ce qui s'oppose à la venue de Mme Fuamba en France avec son enfant ? Est-il d'usage au Quai d'Orsay qu'un haut fonctionnaire se moque ainsi ouvertement d'un élu de la République ?

M. Loïc Hervé.  - Cela arrive souvent...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je découvre le cas particulier que vous citez et ne manquerai pas de demander que l'on se penche dessus.

Quelques mots sur le process de traitement des demandes de visa. Il n'y a pas de délégation de la prérogative régalienne de délivrance des visas à des opérateurs privés. Des prestataires extérieurs gèrent les rendez-vous et la collecte des pièces, mais ce sont bien des agents de l'État qui statuent sur les demandes de visa. L'externalisation est encadrée par le code communautaire des visas.

Cette répartition des tâches a permis d'absorber le doublement des demandes de visa en dix ans : on est en effet passé de deux millions de demandes, traitées par 800 ETP, à quatre millions, traitées par 950 ETP. Le consulat de Casablanca gère plus de 100 000 demandes de visas par an.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'espérais une réponse précise sur le cas que j'ai évoqué. Les motifs de refus opposés à Mme Fuamba sont faux, voire ridicules : son enfant de 2 ans n'aurait pas manifesté clairement son intention de venir en France ! Or cette famille est parfaitement intégrée : la mère est mariée à un Français, sa fille est française, son fils, brigadier-chef de gendarmerie...

Je veux bien qu'il y ait une certaine sous-traitance de la gestion des demandes, mais cela reste une compétence régalienne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - C'est un agent de l'État qui statue...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il n'y a aucun contrôle ! On ne m'a donné aucune raison valable.

Quant à la façon cavalière qu'a eue le Quai d'Orsay de me répondre, souffrez que je ne m'y fasse pas.

Accueil touristique de montagne et utilisation de l'eau

M. Patrick Chaize .  - Ma question porte sur l'utilisation des eaux provenant d'une source ou d'un captage en sous-sol par les établissements de montagne accueillant des touristes. Le tourisme de montagne est précieux pour l'économie locale.

Conformément au code de la santé publique, les établissements qui accueillent des touristes doivent respecter des principes en matière de qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

Toutefois, s'agissant des sites touristiques de montagne où les propriétaires d'auberges ou de gîtes utilisent l'eau prélevée dans le milieu naturel, l'application de la réglementation varie d'un département à l'autre, ce qui pose des difficultés. Quelle est la doctrine en la matière, et quelles sont les dérogations possibles ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Je vous prie d'excuser Mme Buzyn.

L'article L. 1321-1 du code de la santé publique dispose que la personne qui fournit de l'eau doit s'assurer qu'elle est propre à la consommation, disposer d'une autorisation préfectorale et se soumettre au contrôle sanitaire assuré par les Agences régionales de santé (ARS). La seule exception est pour l'usage d'une famille. Ces règles n'ont pas vocation à varier d'un département à l'autre. Les ARS seront alertées des disparités que vous évoquez.

M. Patrick Chaize.  - Merci de cette réponse. Dans l'Ain, on ne peut plus faire de tourisme de montagne : l'eau ne peut même plus servir pour la vaisselle ! C'est la fin des établissements montagnards.

Enseignement de l'économie

M. Franck Montaugé .  - Le mode de recrutement des professeurs et directeurs de recherche en économie marginalise les économistes qui ne partagent pas la pensée économique dominante, dite orthodoxe ou mainstream. Or la tradition hétérodoxe française en économie, riche en diversité, participe au rayonnement international de la France ; certains de ses représentants avaient anticipé la crise financière de 2007. Des rapports de 2001 et 2014 préconisent en premier cycle une formation pluridisciplinaire, avec spécialisation progressive, plus tournée vers la compréhension des faits et des institutions économiques.

Ce défaut de pluralisme se traduit par une concentration des flux financiers vers les universités et les laboratoires approfondissant la pensée dominante, ce qui renforce également les inégalités territoriales.

De nombreux universitaires, notamment au sein de l'Association française d'économie politique, proposent de créer une section Économie, société et territoire du Conseil national des universités (CNU) et une section Économie et sociétés au sein du CNRS pour favoriser le pluralisme et la pluridisciplinarité de la recherche en économie. Sachant qu'un projet de décret dans ce sens a été élaboré, quelle suite comptez-vous lui donner ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La recherche en économie a vocation à confronter les théories aux faits pour faire progresser la connaissance. Tous les paradigmes doivent se confronter sur le terrain scientifique, et la notion d'orthodoxie a peu de sens. La recherche française en économie est dynamique - le prix Nobel obtenu par Jean Tirole le prouve - et fait preuve d'ouverture croissante à d'autres disciplines, sciences humaines et sciences dures.

Dans ces conditions, la création d'une section dédiée à l'économie hétérodoxe au sein du CNU ou du CNRS n'aurait aucune plus-value. Il faut que le pluralisme soit la règle. Il y a une trentaine de sections en sciences humaines au CNU, autant au CNRS.

Le rapport remis par Pierre-Cyrille Hautcoeur, de l'EHESS, à Mme Fioraso en 2014 a émis un avis négatif, confirmé par Jean Tirole, sur la proposition de séparer les courants.

Le premier cycle universitaire en économie bénéficiera, comme les autres, d'un enseignement modulaire et capitalisable dans les conditions prévues par la loi du 8 mars 2018 et par le nouvel arrêté licence en cours de rédaction. Les étudiants pourront d'enrichir leur formation au contact d'autres disciplines.

M. Franck Montaugé.  - Je ne partage aucun des arguments exposés, qui sont d'ailleurs partiellement contradictoires. M. Tirole a une démarche respectable mais il appartient au courant dominant.

Votre choix ne fait pas avancer le pluralisme dans la recherche et l'enseignement de l'économie. Il n'y a pas qu'un seul chemin en matière d'organisation sociale et de politique économique. Nous avons besoin de la pensée hétérodoxe. C'est essentiel pour la vitalité de nos démocraties.

Situation du groupement hospitalier du Havre

Mme Agnès Canayer .  - Les agents de l'hôpital psychiatrique Pierre Janet sont en grève depuis le 16 juin pour dénoncer l'absence de moyens. Ce mouvement, initialement circonscrit aux urgences, saturées, s'est étendu à tout le pôle psychiatrie et santé mentale du groupement hospitalier.

Le plan Psychiatrie et santé mentale prévoit la réhabilitation de trois pavillons et douze ETP ont été recrutés. Malgré ces efforts, la situation demeure critique. Faute de lits, des patients reposent sur des matelas à même le sol ! L'ARS a été sollicitée, mais la venue de la directrice sur place, demandée avec insistance, est sans cesse repoussée... Comme à Saint-Étienne-du-Rouvray, les soignants sont à bout et attendent des mesures concrètes et immédiates.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Veuillez excuser la ministre de la santé.

Comme ailleurs, les urgences du groupement hospitalier du Havre connaissent une fréquentation croissante. Aussi un poste d'infirmier d'accueil et d'orientation a-t-il été créé ; un financement spécifique de 500 000 euros a été accordé en 2017 pour des renforts temporaires durant la période hivernale.

Parallèlement, l'ARS déploie des pôles de santé libéraux et ambulatoires et favorise des communautés professionnelles territoriales de santé pour limiter l'impact sur les urgences. Le groupement hospitalier du Havre a engagé des coopérations renforcées avec les soins de ville et le SAMU. Un nouveau cahier des charges de la permanence des soins ambulatoires renforçant les moyens médicaux de la régulation téléphonique sera adopté prochainement par l'ARS de Normandie.

Le groupement hospitalier du Havre a élaboré un ambitieux projet de restructuration immobilière des activités de psychiatrie et défini un plan d'actions pour attirer et fidéliser des médecins psychiatres, repenser le rôle des psychologues et infirmiers, améliorer les conditions de travail et fluidifier les parcours des patients.

Il est essentiel que le dialogue social reprenne sur cette base.

Mme Agnès Canayer.  - L'hôpital est en ébullition, le personnel soignant campe sur le toit depuis plusieurs jours ; la contestation s'étend aux médecins. Le fait que la directrice de l'ARS ne vienne pas sur place pour engager le dialogue cristallise les positions antagonistes. Il faut tendre la main pour trouver une solution rapide à une situation intenable.

Projet de loi ELAN

M. Marc-Philippe Daubresse .  - Le projet de loi ELAN, que nous examinerons bientôt, contient des avancées sur la lutte contre les recours abusifs ou les marchands de sommeil par exemple.

Dommage qu'il ne fasse pas davantage confiance aux élus locaux à qui l'on demande de construire plus, plus vite et moins cher, alors que les contraintes environnementales et procédurales entraînent une raréfaction du foncier et un rallongement des délais.

Il reste beaucoup à faire en matière de simplification des documents d'urbanisme, sur la comptabilité entre SCOT et PLUI par exemple. J'ai déposé des amendements en ce sens, afin de donner plus de souplesse aux maires et de réduire les délais.

Je proposerai également de remettre au goût du jour les plans de secteur qui ont été inscrits dans la loi mais restent peut usités. En adoptant le mécanisme des plans sectoriels, on créera des zones de cohérence homogènes qui tiendront compte de la diversité de notre territoire.

Qu'avez-vous prévu en la matière Monsieur le Ministre ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Nous partageons le même objectif, Monsieur le Sénateur, pour avoir eu tous deux, dans notre vie d'élu local, à élaborer des documents d'urbanisme. Je suis conscient des difficultés rencontrées par les élus dans la préparation des SCOT avec l'accumulation de procédures excessives, et le projet de loi ELAN est précisément un texte de simplification. Il innove en n'ajoutant aucune contrainte nouvelle.

Les SCOT n'auront sans doute plus de raison d'être le jour où tout le territoire sera couvert par des PLUI... Nous n'en sommes pas là, et devons pour l'heure assurer la cohérence entre les deux.

Soyez sûr que nous regarderons vos amendements avec attention. L'accumulation des procédures a été telle qu'il est complexe de simplifier, mais c'est bien l'objectif que nous partageons.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est un plaisir de dialoguer avec un ministre qui connait le terrain et les difficultés concrètes que rencontrent les élus locaux. Nous sommes en phase sur le diagnostic. Il est vrai qu'il est parfois compliqué de simplifier... J'espère être écouté.

M. le président.  - Je salue le conseil municipal des jeunes de Montauban, présent dans nos tribunes.

Dépollution d'un site destiné à la construction de logements pour personnes handicapées

Mme Sabine Van Heghe .  - La construction d'une résidence destinée aux personnes handicapées à Hersin-Coupigny, dans le Pas-de-Calais, se heurte à la pollution du terrain, un ancien site de la gare SNCF racheté par la commune. Ce terrain a ensuite été vendu à Habitat Hauts-de-France afin de construire 41 logements sociaux. Lors du lancement des travaux en avril 2015, une trentaine de fûts contenant des hydrocarbures ont été découverts enfouis dans le sol, le terrain étant lui-même très pollué. Habitat Hauts-de-France a fini par renoncer au chantier en raison du coût des travaux qui atteint déjà 600 000 euros.

Des réunions de concertation ont été organisées mais malgré une proposition de prise en charge de la dépollution à hauteur de 50 % par le bailleur social, la SNCF refuse tout accord, ce qui bloque le projet.

Par ailleurs, les objectifs de maintien à domicile des personnes handicapées défendus par l'association La Vie active méritent d'être soutenus eu égard à l'excellence de ses actions de terrain ; l'État l'a notamment missionné pour distribuer des repas aux migrants. Comment comptez-vous débloquer la situation ? L'inaction du Gouvernement n'a que trop duré, malgré six mois de sollicitations restées sans réponse !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - La polémique ne fait pas avancer les choses, Madame la Sénatrice. Si le dossier n'avance pas, c'est qu'il y a un différend entre les parties : l'État n'y est pour rien. Le travail de l'association La Vie active est reconnu par tous, c'est vrai.

Depuis 2016, le contentieux sur la dépollution du site oppose la société Habitat Picardie à la SNCF. Les services du Gouvernement ont pris l'attache de la Sovafim - créée par mon prédécesseur avec le succès que l'on sait - pour rechercher une solution amiable. Le 21 février, la Sovafim a proposé une transaction à Habitat Picardie, qui n'a pas donné suite mais s'est engagée à reprendre la construction... L'opération reste inscrite dans le programme prévisionnel du logement locatif ; l'État maintient ses engagements mais ne peut aujourd'hui trancher le contentieux.

Mme Sabine Van Heghe.  - Le Pas-de-Calais a besoin d'établissements d'accueil des personnes handicapées. Je m'étonne du silence de la SNCF, responsable de la pollution, et de celui du ministre d'État, qui refuse depuis six mois de répondre à une élue de la République. Une médiation de l'État est nécessaire pour sortir de cette impasse.

Financement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale

M. Jean-Marie Morisset .  - Rapporteur pour avis du programme 177, j'apprends que vous envisageriez de réduire de 57 millions d'euros les crédits aux Centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), dont 20 millions dès 2018... Ces centres accueillent un public en grande détresse, qui a besoin d'un accompagnement humain permanent.

Difficile d'imaginer une telle baisse sans entendre les acteurs de terrain... Tous le disent : le programme 177 souffre d'une sous-budgétisation chronique. Chaque année, les crédits votés sont inférieurs aux enveloppes consommées. Les besoins croissants d'hôtellerie pour les migrants et les sans-abris ne peuvent être satisfaits au détriment de l'accompagnement d'autres publics déstabilisés.

Le rabot s'appliquerait à tous les établissements, et dès cette année. Nous sommes en juin : les CHRS ont pris des engagements, recruté du personnel... Il faut les défendre auprès de Bercy, Monsieur le Ministre !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Je vous entends, Monsieur le Sénateur. Notez que les moyens consacrés à l'hébergement d'urgence sont à un niveau historiquement élevé en 2018. Notez aussi que la sincérité budgétaire, en la matière, a jusqu'ici rarement été au rendez-vous...

Un échange est en cours à propos des 783 CHRS, qui représentent un parc de 44 000 places, autour de la mise en oeuvre de tarifs plafond pour remédier aux inégalités de coûts entre établissements. Nous ciblons un plafond supérieur de 5 % au coût moyen constaté et une convergence sur quatre ans.

Il en va de la bonne gestion de ces structures et des financements de l'État, sachant que la pression sur le terrain va se maintenir.

M. Jean-Marie Morisset.  - Je n'ignore pas l'effort budgétaire consenti en 2018 : les crédits augmentent de 12 % - mais on reste en deçà des crédits consommés en 2017 ! Sans doute faut-il revoir le budget de fonctionnement de chaque CHRS, mais ceux qui sont en deçà du plafond ne doivent pas être pénalisés. Nous y reviendrons en loi de finances.

Ligne 17 du métro automatique du Grand Paris

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - L'aménagement du triangle de Gonesse est une attente forte des Valdoisiens ; 50 000 emplois sont attendus dans un territoire où se trouvent trois des communes les plus pauvres d'Île-de-France. L'avenir de ce projet dépend toutefois de la réalisation de la ligne 17 du métro automatique du Grand Paris.

Or le gouvernement semble vouloir la retarder.

La loi de finances pour 2018 a acté le prêt de 1,7 milliard d'euros par l'État au consortium chargé de construire le Charles-de-Gaulle Express : destiné aux voyageurs d'affaires et aux touristes, cette ligne ne desservira pas les territoires traversés. « La France des quartiers est assignée à résidence alors qu'elle veut réussir » disait pourtant le président de la République dans son discours de Bobigny, en 2016.

La facture du Grand Paris Express explose et certains axes seraient remis à plus tard, dont la ligne 17. Alors que la mise en service jusqu'à l'aéroport Charles-de-Gaulle était prévue en 2024, la nouvelle feuille de route l'a reportée à 2030.

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je vous prie d'excuser Mme Borne, mais suis heureux d'évoquer ici mon département de naissance !

Le Gouvernement a annoncé un nouveau calendrier : le Grand Paris Express arrivera en 2027 au triangle de Gonesse et en 2030 au Mesnil-Amelot. Le projet a été confirmé dans son intégralité, selon un échéancier crédible.

Le budget consacré à la ligne 17 sera de 40 millions d'euros en 2018 et de 900 millions d'euros d'ici la fin du quinquennat.

Le Grand Paris Express accompagnera pleinement le projet d'aménagement du triangle de Gonesse. Une ligne de bus à haut service a été créée entre la gare d'Arnouville sur le RER D et la gare Parc des expositions de Villepinte sur le RER B. Ce sont de nouvelles opportunités de déplacement pour les Valdoisiens.

N'opposons pas le Grand Paris Express au CDG Express : leurs objectifs sont différents, ils sont complémentaires. Transport du quotidien pour le premier, financé sur fonds publics ; transport destiné aux passagers aériens, et donc payé par ces derniers, pour le CDG Express.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Les Valdoisiens participent au financement de la ligne 17 via une taxe spéciale. On ne peut demander aux élus locaux de construire des logements, d'accueillir une population nouvelle sans accès aux transports. Pourquoi les maires feraient-ils des efforts si on enferme la population dans le département ? Le Val d'Oise est le seul département non relié au périphérique. Pas de transport, pas de logements, Monsieur le Ministre !

Affaissement du viaduc de Gennevilliers

M. Arnaud Bazin .  - Le 15 mai dernier, un mur de soutènement de l'A15 s'effondrait à l'entrée du viaduc de Gennevilliers dans le sens Cergy-Paris, illustration du manque d'entretien du patrimoine autoroutier de l'État...

L'A15 supporte 190 000 véhicules par jour. La fermeture complète pendant quatre jours des quatre voies en direction de Paris a provoqué des embouteillages sans précédent qui ont paralysé Argenteuil et les communes alentour. Deux voies sur quatre ont pu être rétablies à partir du 19 mai.

Aucun retour à la normale n'est attendu avant 2019. L'appel d'offres doit se dérouler cet été et les travaux à partir d'octobre 2018 seulement.

Les Valdoisiens, les entreprises du BTP notamment, sont durement touchés par l'allongement de leur temps de parcours. Un collectif d'élus, d'entreprises et d'usagers s'est constitué le 27 juin.

L'État a-t-il pris conscience de l'impact économique et humain de cette situation sur notre territoire ? A-t-il prévu la réduction des délais des travaux et l'examen de variantes techniques dans le cahier des charges de l'appel d'offres ? Est-il prêt à la transparence sur ce dossier ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Depuis cet incident, il y a eu des interventions quotidiennes de la direction des routes Île-de-France pour éviter tout affaissement nouveau et sécuriser les interventions de réparation. Je salue le travail des services. Les travaux devraient durer de la fin de l'été jusqu'au printemps 2019.

L'effondrement du mur de soutènement est dû à des infiltrations d'eau qui ont provoqué la corrosion des armatures jusqu'à ce qu'elles rompent. Pouvait-on l'anticiper ? La dernière évaluation du mur, en 2016, ne faisait apparaître aucun risque de dégradation ou défaut de stabilité. L'inspection détaillée périodique était prévue en 2019.

Le rapport du Comité d'orientation des infrastructures insiste sur l'entretien, la régénération du réseau routier national non concédé et sa modernisation. L'effort consenti devra être stabilisé ; en 2018, il sera de 800 millions d'euros, contre 670 millions ces dernières années.

Le cabinet de la ministre des transports se tient à votre disposition.

M. Arnaud Bazin.  - Ma question portait plus précisément sur le Val d'Oise. Je m'étonne que les services départementaux n'aient pas été davantage sollicités, cela aurait évité des itinéraires de déviation peu pertinents...

J'espère que le préfet fera toute la transparence sur les délais et variantes privilégiées pendant les travaux. Les usagers apprécieraient de gagner ne serait-ce qu'une semaine. J'espère que le Gouvernement a bien pris conscience de l'extrême gravité de la situation pour notre territoire et sera bienveillant envers les entreprises en difficulté.

Prolongement de la ligne 11 du métro

M. Gilbert Roger .  - Ma question porte sur le prolongement de la ligne 11 du métro de Rosny-sous-Bois à Noisy-Champs.

Si le dossier a avancé pour la liaison des Lilas à Rosny-sous-Bois, la suite du parcours semble plus incertaine, malgré le décret du 24 août 2011 qui approuve le schéma d'ensemble du réseau du Grand Paris.

Si ce tronçon ne voyait pas le jour, de nombreux projets immobiliers et zones d'activité pourraient en pâtir : à Neuilly-sur-Marne, à Villemomble, à Champs-sur-Marne, le projet de rénovation urbaine des Fauvettes, la ZAC de Noisy-le-Grand... Ces projets de logements dans le parc social et privé ont été lancés sur la base de l'engagement de l'État. Or ils ne pourront accueillir de nouveaux habitants dans de bonnes conditions que si la desserte est assurée.

Comment le Gouvernement compte-t-il réaliser ce projet de prolongement de la ligne 11, qu'il a lui-même validé ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Borne. Ce projet appartient au réseau complémentaire du Grand Paris Express. Il ne relève pas de la maîtrise d'ouvrage de la Société du Grand Paris mais d'IDF Mobilités.

En 2011, IDF Mobilités avait envisagé une fourche à Rosny, avec une branche allant vers Champigny et l'autre vers Noisy/Champs, sous réserve que cette solution soit validée sur le plan socioéconomique, conduite avec les collectivités territoriales. L'évaluation faite, le maître d'ouvrage se prononce en opportunité et n'a pas retenu cette solution.

L'État restera attentif à la qualité de la desserte des territoires qui ne seront pas inclus dans le tracé et y prendra toute sa part dans le cadre du contrat de plan.

M. Gilbert Roger.  - Le projet initial prolongeait la ligne 15 Est jusqu'à Neuilly-sur-Marne via Villemomble ; on lui a préféré le prolongement de la ligne 11, puis rien. Les collectivités territoriales, encore une fois, sont méprisées.

Avenir des concessions hydroélectriques

Mme Viviane Artigalas .  - Le ministère de la Transition écologique et solidaire a transmis à la Commission européenne une liste d'ouvrages hydroélectriques qui pourraient être proposés à l'ouverture à la concurrence. Sur 400 barrages, 150 pourraient ainsi être soustraits à la gestion d'EDF d'ici à 2022.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit dans son article 126 que, dans le cas d'investissements importants réalisés par les opérateurs industriels, les ouvrages ne peuvent pas être soumis à la concurrence. La Commission européenne conteste cette disposition et exige que la France renouvelle ses concessions hydrauliques au prétexte que la situation existante nuit à la concurrence auprès des clients finaux. Or plus d'un million de nos concitoyens ont changé de fournisseurs en 2017, preuve que la concurrence sur le marché de l'électricité existe déjà.

Les concessions hydroélectriques participent à un service public d'intérêt général, c'est-à-dire l'accès à l'électricité, qui est un bien de première nécessité pour tous nos concitoyens et qui, dès lors, doit rester une compétence exclusivement française.

Cette ouverture à la concurrence menace également la gestion des multiples usages de l'eau, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes environnementaux et sociaux, qu'il s'agisse de sécurité, d'irrigation des cultures, de tourisme mais aussi d'emploi.

Le risque de complexification de la gestion de l'eau n'est pas à prendre à la légère avec une telle décision, qui risquerait de compromettre le développement voire la sécurité sanitaire de la région Occitanie, déjà confrontée à un problème majeur de ressources en eau dans les années à venir.

Les opérateurs historiques doivent être traités équitablement. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement soutient le développement de l'hydroélectricité, composante essentielle de la transition écologique. Le droit européen prévoit la mise en concurrence, qui n'exclut pas l'association des collectivités territoriales au sein de SEM. Des échanges sont en cours avec la Commission européenne pour parvenir à un dispositif équilibré.

Un accord n'ayant toujours pas été trouvé, ces échanges se poursuivent. L'objectif reste de sortir du statu quo le plus rapidement possible. EDF pourra bien sûr participer au processus de mise en concurrence.

Le Gouvernement entend les inquiétudes de certains élus et des personnels, mais la mise en concurrence est une politique nationale, utile à la gestion et à la relance des investissements, mais aussi à la redistribution de revenus aux collectivités. Nous devons renouveler les concessions tout en préservant l'environnement ; la reprise du personnel sera garantie dans le cahier des charges. Nous vous tiendrons au courant des avancées enregistrées avec la Commission européenne.

En tout état de cause, les ouvrages sont et resteront propriété de l'État, qui les valorise comme tels - nous en discutons avec la Commission européenne.

Mme Viviane Artigalas.  - Les grands barrages font partie de notre patrimoine : ils doivent rester français, et les opérateurs historiques ont fait leurs preuves dans ce domaine. Dans ma commune, EDF gère deux barrages et réalise des investissements importants ; l'opérateur, en 2013 et 2018, a mis en service ces installations pour réguler les crues, alors qu'il n'y avait pas de besoin d'électricité - très important pour notre territoire.

Les élus des Hautes-Pyrénées ne souhaitent donc pas qu'un autre opérateur qu'EDF reprenne ces équipements.

Situation de la psychiatrie publique

Mme Maryvonne Blondin .  - Depuis les multiples grèves qu'ils sont subies, les hôpitaux psychiatriques ont dénoncé le manque de moyens, alors que les besoins ne cessent de croître. Entre 2010 et 2016, ils ont accueilli 300 000 personnes supplémentaires - sans parler de la nécessité de soigner les enfants souffrant de troubles, soit un enfant sur dix. Pourtant, le budget annuel de la psychiatrie régresse, comme en témoigne la hausse du forfait journalier hospitalier.

Cinq rapports le confirment, dont celui de la mission d'information du Sénat à laquelle j'ai participé : le personnel manque, le secteur est désaffecté ; 25 % des postes restent vacants, les soins psychiatriques sont réduits à la prise en charge d'urgence. Le recours à une chambre d'isolement s'accroît, conduisant à des « pratiques indignes » - comme l'a constaté la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Le 26 janvier dernier, la ministre de la Santé a présenté un plan comportant douze mesures en faveur de la psychiatrie, mais sans budget supplémentaire.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour améliorer la situation de la psychiatrie ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - La santé mentale est un déterminant de la santé en général. Elle est insuffisamment prise en compte, nous sommes d'accord sur le constat. Le Gouvernement s'engage à changer de stratégie. Le 28 juin, la ministre de la Santé a réuni un comité stratégique et présenté une feuille de route ambitieuse qui porte une attention particulière à la psychiatrie, notamment à la pédopsychiatrie - pour une offre de soins psychiatriques accessibles, diversifiés et de qualité.

Des projets territoriaux de santé mentale seront établis, qui porteront toute l'attention nécessaire en particulier à la pédopsychiatrie. Il faut promouvoir l'accès à la formation dès les deuxième et troisième cycles, développer la recherche et définir des modulations interrégionales avec les ARS.

Mme Maryvonne Blondin.  - Merci pour ces annonces récentes. Les établissements ont fait des propositions pour lutter contre les défaillances du secteur.

Je pose régulièrement la question de la santé à l'école, car un enfant sur dix souffre de troubles psychiatriques qui freinent son apprentissage. Il faut les prendre en charge.

Nous attendons les actes qui montreront que vous soutenez ces établissements de santé mentale.

Financement des services municipaux de santé scolaire

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - La médecine scolaire connait une anémie profonde qui provoque une prise en charge inégale dans la prévention des enfants. Le nombre de médecins scolaires a chuté d'un tiers et l'amplitude des visites varie de 0 à 90 % selon les départements, ce qui conduit à une double inégalité.

Monsieur le Ministre, onze villes - Antibes, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lyon, Nantes, Rennes, Grenoble, Paris, Strasbourg, Vénissieux, Villeurbanne - disposent de services de médecine scolaire pour répondre aux besoins des enfants. En détectant tôt les pathologies, on les traite mieux et pour moins cher. Pourtant, ces services sont sur la sellette et souffrent d'une inégalité financière.

Les villes souhaitent maintenir la gestion de ce service, mais ce volontarisme ne peut pas être assuré à n'importe quel coût. La prise en charge pour l'État s'élevait à 39,76 euros par enfant et par an alors que l'État verse une subvention moyenne de 9,50 euros. Le Gouvernement peut-il revaloriser les subventions à la hauteur de 39,76 euros par enfant pris en charge ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Nous sommes d'accord sur le constat. L'objectif est que tous les enfants bénéficient d'une visite médicale avant six ans - c'est nécessaire pour que l'école réduise les inégalités sociales. Le parcours éducatif de santé assure la cohérence du suivi depuis la maternelle jusqu'à la terminale.

L'article 141-1 du code de l'éducation rend obligatoire les visites médicales ou de dépistage à la sixième et à la douzième années des élèves.

L'État verse une subvention par l'intermédiaire des académies aux collectivités territoriales qui assurent ces visites via une convention de délégation. Mais les dépenses des collectivités territoriales et de l'Éducation nationale ne sont pas comparables. La plus grosse part des dépenses de santé du ministère concerne le salaire des membres du personnel, qu'il s'agisse des infirmières ou des médecins ; je regarderai avec attention le dispositif que vous signalez pour voir s'il peut nous aider à faire évoluer la prise en charge par l'État de la santé scolaire.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Ces onze communes se substituent à l'État en prenant en charge une compétence qui n'est pas obligatoire. Leur situation est difficile et elles ne pourront pas tenir très longtemps sans davantage d'aide de l'État.

Si l'État impose des dépenses aux collectivités territoriales, il serait bon qu'il les soutienne lorsqu'elles développent des politiques vertueuses.

Enseignement des langues vivantes à l'école primaire

M. Jean-Marc Todeschini .  - Les élèves reçoivent un enseignement de langues étrangères à partir du CE1. À l'issue de l'enseignement primaire, tous les élèves doivent avoir atteint le niveau A1 du cadre européen commun de référence des langues dans l'une des huit langues retenues. Pour chaque académie, la Commission sur l'enseignement des langues vivantes étrangères veille à la diversification de l'offre linguistique. Cependant, force est de constater sur le terrain que de nombreux parents d'élèves s'émeuvent d'une situation qui apparaît bien éloignée de la théorie.

Dès 2011, j'ai pris l'exemple de la commune de Talange en Moselle pour alerter le ministère sur le fait que la langue proposée était l'italien alors que l'enseignement de l'allemand avait été adopté. Sept années plus tard, la situation n'a pas évolué. À Talange, l'absence de diversité linguistique reste la norme, le ministère nous répond qu'il est difficile de faire coïncider l'offre et la demande.

Pourtant, toutes les études s'accordent à dire que les premières années d'enseignement sont décisives dans l'apprentissage d'une langue. La réponse du ministère de l'Éducation nationale n'est pas satisfaisante pour les parents, car l'avenir des élèves ne saurait se trouver pris au piège des contingences matérielles ou financières.

Monsieur le Ministre, quelles mesures entendez-vous prendre afin qu'une offre linguistique diversifiée soit accessible à tous les élèves dans l'ensemble du territoire ? Je pose la question sans avoir rien contre l'italien, étant moi-même d'origine italienne...

M. Jean-Michel Blanquer, ministre .  - Nous nous retrouvons sur ce point : j'aime l'Italie - et nous devons diversifier nos enseignements linguistiques, en renforçant en particulier celui de l'italien. Si la situation en matière d'enseignement des langues vivantes étrangères a progressé en France depuis une vingtaine d'années, il reste des progrès à accomplir. J'ai interrogé l'académie de Nancy-Metz. En 2017-2018, en Moselle, entre le CP et le CM2, les élèves ont été 56 % à apprendre l'anglais, 41 % l'allemand, 2 % l'italien et 0,55 % le luxembourgeois.

Tallange est historiquement lié à la culture italienne en raison de sa population. L'influence culturelle italienne demeure aujourd'hui. Le festival du film italien de Villerupt reste une référence. L'inspectrice atteste de la qualité de l'enseignement dispensé en italien - par trois enseignants locuteurs natifs, rémunérés par le consulat italien - et n'a fait part d'aucun retour négatif des familles en la matière. La continuité est assurée au collège et au lycée.

Il est du reste possible de proposer l'apprentissage d'autres langues vivantes au titre de la diversité.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je connais la situation du plateau lorrain. Et l'implantation de nombreux Italiens dans cette région. Cependant, imposer l'apprentissage de l'italien à tous est excessif. Les associations de parents s'inquiètent, n'oublions pas que 80 000 Mosellans franchissent chaque jour la frontière pour travailler au Luxembourg. Pourquoi ne pas aussi développer l'enseignement de l'allemand ?

Situation scolaire des enfants dyslexiques

Mme Jocelyne Guidez .  - Les troubles dyslexiques concernent 10 % de la population. À l'occasion d'une rencontre avec l'Association d'adultes et de parents d'enfants dyslexiques de l'Essonne (APEDYS 91), j'ai entendu des récits qui semblaient en totale contradiction avec le discours officiel prononcé lors de la rentrée de septembre 2017. En effet, alors qu'était évoqué « le développement de l'information aux familles afin de simplifier leurs démarches », ces familles parlaient plutôt d'un parcours du combattant et de méandres administratifs. Alors que « le renforcement de l'accompagnement humain » était annoncé comme une priorité, ces familles faisaient état d'un handicap « invisible », d'un manque de communication et parfois de considération. Enfin, alors que « le numérique au service d'une école inclusive » était vanté, ces parents dénonçaient une « discrimination » en constatant que leurs enfants se voyaient refuser pour des examens les aménagements qu'ils utilisaient pourtant en classe habituellement.

La scolarisation de ces jeunes à besoins particuliers peut susciter des difficultés pour l'administration. Cependant, afin de les accompagner dans leur parcours scolaire, il apparaît légitime que des aménagements simples et pragmatiques soient mis en place pour simplifier la vie des familles et soutenir les enfants dans l'apprentissage des savoirs.

Cette situation me rappelle celle des jeunes aidants qui ont besoin urgemment d'un accompagnement.

L'école de la République ne saurait négliger l'idéal d'égalité. Pour reprendre les mots de Jacques Chirac : « La démocratie, c'est l'égalité de tous, mais la République, c'est l'égalité des chances ». Monsieur le Ministre, que comptez-vous faire ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - La situation de l'école inclusive a beaucoup évolué depuis que Jacques Chirac a prononcé cette phrase. Le repérage des troubles dyslexiques a progressé et la formation des professeurs s'est améliorée, même s'il reste des marges de progression.

Nous avons créé 10 000 postes supplémentaires pour l'accueil des élèves en situation de handicap, dont ceux atteints de troubles dyslexiques. Des plans d'accompagnement personnalisés prévoient des adaptations pédagogiques. Ainsi, nous recommandons l'aménagement des examens dès lors que cela a été le cas pendant toute la scolarité.

La politique développée par Sophie Cluzel prend pleinement en compte les élèves dyslexiques en développant parallèlement vision pédagogique et vision médicale quand cette dernière est nécessaire. Nous sommes en progrès. Je suis certain que la rentrée prochaine sera encore meilleure. Merci de votre écoute.

Mme Jocelyne Guidez.  - J'espère que ce chemin, longtemps semé d'embûches, nous conduira bientôt à l'égalité des chances. Certains parents rencontrent des problèmes sérieux avec l'impression d'un manque d'écoute. Vous dites que la situation s'améliore, je place mes espoirs dans la rentrée prochaine.

La séance est suspendue à midi quinze.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.