Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je salue les nouveaux membres du Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres et celui du temps de parole.

Inondations dans l'Aude (I)

M. Hervé Marseille .  - Nous nous associons pleinement, Monsieur le Président, à vos propos à l'attention des victimes de ces inondations et leurs familles. Certains ont perdu la vie, d'autres des membres de leur famille, d'autres encore la construction de leur vie, leur maison, leurs biens, leurs souvenirs, leurs papiers.

Au milieu des populations si durement touchées, se tiennent les élus, conseillers municipaux, maires adjoints, maires, qui ont choisi de les servir bénévolement. Ils doivent faire face à ces situations avec peu de moyens compte tenu de la baisse des budgets, de la disparition des compétences. On oublie aussi de le dire : les maires sont responsables pénalement ! Avec « #BalanceTonMaire », on atteint les limites.

À chaque catastrophe, les mêmes réponses sont apportées. Mme Royal annonçait le SAIP ; d'autres dispositifs ont suivi. Après Saint-Barthélemy, Saint-Martin, hier Vaison-la-Romaine et d'autres catastrophes, et alors que Météo France subit aussi des baisses de budget, comment redresser la barre et trouver les bonnes réponses, les bons systèmes d'alerte, à l'ère numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Dans la nuit du dimanche à lundi, un épisode climatique exceptionnel est survenu. L'épisode le plus dramatique resté dans la mémoire collective datait de... 1891.

J'ai constaté la détresse de ceux qui ont tout perdu, la dignité de ceux qui restent droits, l'exceptionnelle mobilisation des forces de secours, des policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, volontaires de la Croix-Rouge, élus locaux, de tous ceux qui ont souhaité apporter leur soutien à nos concitoyens. En arpentant les rues dévastées de Trèbes ou Villegailhenc, je n'ai entendu aucune mise en cause.

Je partage l'appel à la reconnaissance des élus locaux que vous avez formulé, en tous points. Le même maire qui avait vécu il y a quelques mois l'événement dramatique dont chacun se souvient, avec le décès du colonel Beltrame, m'a dit sa douleur à devoir aller annoncer de nouveaux décès. Mais il est resté debout. J'ai beaucoup de respect pour le maire de Trèbes. (Applaudissements sur tous les bancs)

Sur la question de la vigilance, je n'ai pas de réponse définitive. Il faudra progresser encore pour affiner nos prévisions météorologiques. L'épisode devait être intense certes, mais passager. C'est pourquoi le département était placé en vigilance orange. Au milieu de la nuit, de 2 à 4 heures du matin, alors que le phénomène devait transiter, il s'est figé, avec une intensité jamais vue, au-dessus de l'Aude. Très tôt dans la nuit, le préfet a immédiatement mobilisé le centre opérationnel départemental, passant en vigilance rouge. Mais faire circuler une information à 3 heures du matin, c'est tout sauf facile... Bien sûr, nous pouvons encore faire des progrès, et si nous pouvons féliciter les secours, nous ne pouvons nous satisfaire du bilan.

Le dernier grand épisode climatique du département date de 1999, avec quarante-huit heures de pluie - il y avait eu alors 26 décès. Deux plans de 80 millions d'euros et 20 millions d'euros respectivement ont été mis en place depuis. Des transformations d'urbanisme ont été opérées, des digues construites. Tout indique que notre niveau de réponse, les élus me l'ont dit, avait été amélioré. Il y aurait sans doute eu beaucoup plus de morts sans ces mesures.

On peut toujours faire mieux, mais l'Aude est souvent présentée comme un département pilote en matière de sécurité civile, parce que le risque y est élevé. Comptez sur le Gouvernement pour être extrêmement attentif à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)

Inondations dans l'Aude (II)

M. Michel Amiel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Vous ne serez pas étonné que ma question porte aussi sur ce sujet difficile. Je m'associe à la détresse des familles de l'Aude dont je partage la peine et peux comprendre la colère parfois. Je salue le travail des sapeurs-pompiers, élus locaux et bénévoles. Se pose toujours dans ce type d'événements, la question de la prévention : méthode d'information, d'alerte en cas de crise, prévention dans le cadre des plans de prévention des risques d'inondation, qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Celle des aléas climatiques, plus en amont encore, ne peut manquer de se poser, face à leur récurrence.

Pas moins de 15 % de la population, soit 9 millions de Français, se trouvent dans des secteurs qui seront touchés dans les années à venir par une inondation remarquable. Depuis Nîmes en 1988 et Vaison-la-Romaine en 1992, plusieurs mesures ont été prises. Une directive-cadre sur l'eau et une directive inondations ont été adoptées.

Dans quelle direction, Monsieur le Ministre de l'Intérieur, orienterez-vous vos efforts, face à ces événements au caractère inéluctable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. le président. - Je salue la première prise de parole du nouveau ministre de l'Intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE) Comme élus locaux, vous connaissez la difficile mission de nos maires qui portent la responsabilité de ces sujets.

Plus de 1 000 personnes étaient présentes pour intervenir face à ce phénomène exceptionnel : plus de 300 litres d'eau au mètre carré à 5 heures du matin. Elles se sont mobilisées avec les services communaux pour sauver des vies : pas moins de 180 hélitreuillages, mais évidemment chacun pense aussi aux morts et à ceux qui ont tout perdu.

Le Gouvernement mobilisera les moyens d'intervention sociale. Ainsi, nous prévoyons un soutien de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant pour ceux qui ont tout perdu.

Mais vous avez raison, Monsieur Amiel, ce qui compte c'est l'anticipation, la prévention et la mémoire du risque qui nous fera apprendre plutôt qu'oublier, et éviter de construire dans les zones dangereuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Prévention des inondations

M. Guillaume Arnell .  - Un dicton dit chez nous : quand il pleut, c'est souvent à verse.

Les inondations dans l'Aude ont fait à cette heure treize victimes, auxquelles le groupe RDSE adresse sa sympathie.

En septembre 2017, Saint-Martin était frappée par un cyclone qui n'a laissé derrière lui que désolation et destruction. Je me devais d'intervenir aujourd'hui. Tous ces phénomènes sont une conséquence du changement climatique, n'en déplaise aux climato-sceptiques. Nous ne pouvons que constater les funestes conséquences de l'action de l'homme. Mais l'expertise, la statistique, doivent ici s'effacer devant la nécessité de préserver des vies.

Les chiffres sont inacceptables ; nous ne pouvons plus accepter ces morts sans réagir. Il faut prévenir ces catastrophes très en amont et mieux former la population à la culture du risque. Comment faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - J'ai une pensée pour les victimes et leurs proches, ainsi que les sinistrés, dans l'Aude comme à Saint-Barthélemy.

Malheureusement, cet événement centenaire ne pouvait être évité : le changement climatique nous contraint à mieux anticiper, mieux prévenir, et nous n'avons pas attendu cet événement dramatique pour agir.

En août, j'ai lancé une campagne de sensibilisation dans le Tarn-et-Garonne.

Météo France a investi dans un super-calculateur pour améliorer les prévisions par un facteur. Lancé en mars 2017, le système « Vigicrues Flash » donne des informations en temps réel aux élus locaux. J'invite les collectivités à y souscrire. Nous continuons à améliorer les réponses à ces phénomènes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Projet de loi École

Mme Céline Brulin .  - Le groupe CRCE s'associe pleinement à l'hommage aux victimes et aux sinistrés et au message de soutien aux services publics que vous avez exprimé, Monsieur le Président.

Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale, vous avez présenté votre projet pour l'école devant le Conseil supérieur de l'éducation qui l'a rejeté, indice de l'absence de concertation et des inquiétudes qu'il suscite.

L'abaissement de l'obligation de scolarité obligatoire à 3 ans, que le groupe CRCE défend depuis longtemps, est à saluer, mais nous nous inquiétons des moyens de sa mise en oeuvre, qui laissent à désirer.

Quel soutien aux collectivités territoriales qui devront participer au financement de la mesure, y compris au bénéfice des maternelles privées ? Le fonds de compensation annoncé ne suffira pas et l'on risque, avec le rôle renforcé confié aux assistants d'éducation, de faire face à des problèmes de recrutement et donc d'accroître les inégalités.

Revenir par ordonnance à treize académies serait les éloigner du terrain, et l'expérimentation normande n'est pas pour rassurer. Allez-vous tenir compte des inquiétudes ? Rassurez-nous, Monsieur le Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Merci pour cette question sur le texte qui vous sera soumis en 2019. La scolarisation à 3 ans annoncée par le président de la République, voici plusieurs mois, a une portée majeure : on n'abaisse pas l'âge de l'instruction obligatoire tous les quatre matins.

C'est le troisième abaissement dans notre histoire ; il fait de la France le pays où la scolarité obligatoire commence le plus tôt. L'idée est là depuis quinze ans, mais personne ne l'avait mise en oeuvre. Les obstacles techniques existent, mais ils ne sont rien rapportés à l'importance de l'enjeu, éminemment social : favoriser l'égalité de l'immersion dans le langage.

D'ailleurs, l'introduction de la scolarité obligatoire par Jules Ferry avait déjà suscité l'inquiétude des communes... La Constitution, c'est-à-dire la compensation des coûts pour les collectivités territoriales, sera respectée. Nous allons y travailler. Il est dommage de cultiver les peurs, les inquiétudes, dès le début.

Réalisons ensemble la belle ambition affichée jadis par Jules Ferry. Nous aurons prochainement l'occasion d'en débattre, comme cela était réclamé sur de nombreux bancs et notamment les vôtres. Je m'en réjouis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RDSE et UC)

Inondations dans l'Aude (III)

M. Roland Courteau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) À la suite du cataclysme qui vient de frapper mon département, je m'associe à Gisèle Jourda pour vous adresser une question, Monsieur le Ministre.

À nouveau, l'apocalypse, l'horreur, l'inimaginable, puis le chaos après le déluge, avec un lourd tribut humain, treize morts, des populations en état de choc et des pans de vie anéantis. Nous étions au-delà du hors norme, dans le phénoménal, le monstrueux, avec au bout du cauchemar un terrible sentiment d'impuissance, et cela malgré le formidable élan de solidarité qui réchauffe des coeurs qui pleurent.

Hier, Monsieur le Ministre, vous étiez dans l'Aude ; nous vous en remercions, ainsi que le président du Sénat, pour son message de solidarité.

Saurons-nous retrouver notre volonté acharnée, forgée dans de trop nombreuses épreuves ? Si nous sentons la solidarité nationale et européenne à nos côtés, avec l'activation du fonds de solidarité, nous relèverons la tête encore une fois. Merci de nous y aider. (Applaudissements nourris et prolongés sur tous les bancs)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Les applaudissements montrent toute la volonté de notre soutien. Chacun a été confronté à ce genre d'expérience qui nécessite des témoignages de solidarité -  je songe, lorsque j'étais maire, au crash de la Germanwings sur mon territoire.

Dès hier, nous avons mobilisé l'ensemble des sociétés d'assurance pour que la mobilisation financière soit rapide. Le Premier ministre a demandé la reconnaissance des dossiers en situation de catastrophe naturelle aussi rapide que possible. Il m'a aussi demandé d'activer le fonds de secours d'extrême urgence. Il faut que tous les équipements publics arrachés soient réinstallés. Il faut que là où le malheur passe, nous puissions reconstruire de la fierté et de l'attachement territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Francophonie

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Le groupe Les Indépendants s'associe aux témoignages de solidarité envers les victimes de l'Aude.

Le président de la République s'est rendu la semaine dernière à Erevan pour le dix-septième sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie, qui a vu l'élection de la rwandaise Louise Mushikiwabo comme secrétaire générale. Or depuis 1994, le Rwanda promeut massivement l'anglicisation ; il n'est pas davantage un grand défenseur des droits de l'homme, pourtant au coeur du projet francophone.

En France, nous soutenons le ministre Blanquer quand il fait de l'enseignement du français une priorité absolue de l'Éducation nationale.

Au niveau européen, le Brexit est une opportunité de dynamiser l'usage du français dans les institutions.

Au niveau international, la France doit être le moteur d'une francophonie conquérante : 700 millions de personnes parleront français en 2050. Pour saisir cette opportunité, il faut une stratégie, des moyens, une volonté politique. Qu'allez-vous faire, Monsieur le Ministre, pour le rayonnement de notre langue dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants) Le président de la République s'est rendu, avec une délégation nombreuse, à Erevan, où il a rendu hommage à Charles Aznavour qui faisait rayonner la langue française dans le monde. Il a réaffirmé son ambition pour la francophonie, déjà annoncée dans le discours du 20 mars sous la coupole de l'Académie française.

L'élection de Mme Mushikiwabo, issue d'un pays anglophone, prend acte du fait que l'Afrique est devenue le centre de gravité de la francophonie. Il était important d'adresser ce message aux pays non exclusivement francophones.

Pas moins de 200 millions d'euros seront mobilisés entre 2018 et 2020 pour le partenariat mondial pour l'éducation : c'est un doublement de l'effort financier de l'Agence française de développement.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Franck Riester, ministre.  - La France a un message fort et se donne les moyens de ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Élus locaux et #BalanceTonMaire

M. Bruno Retailleau .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En 2010 en Vendée, j'ai connu la tragédie de Xynthia : 29 morts dans une seule commune. Au nom de mon groupe et du fond de mon coeur, je veux dire notre solidarité aux victimes de l'Aude et à nos collègues élus de ce département meurtri.

Ceux qui sont en première ligne, qui doivent organiser les solidarités d'urgence, annoncer les morts mais aussi réparer les vivants, ce sont les maires. Cela rend d'autant plus insupportable l'opération de dénigrement #BalanceTonMaire. Si certains, dans la majorité, s'en sont distingués, le Gouvernement, lui, y a prêté la main en donnant le premier le signal de la curée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Cette opération de stigmatisation est dangereuse. On ne peut à la fois dénoncer le populisme et jeter les maires en pâture. Il ne peut y avoir de démocratie nationale déconnectée de la démocratie locale. Entre démagogie et démocratie, il faudra choisir. Quand cesserez-vous de faire des élus de France des boucs émissaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je suis sensible à votre éloquent plaidoyer : pour avoir moi-même exercé la fonction de maire, j'en connais les charmes, les difficultés, les moments terribles. Je vous rejoins sur le respect dû aux élus. Beaucoup au Gouvernement ont exercé ces fonctions, tous comprennent le rôle de ces experts de la démocratie.

Il ne m'appartient pas de commenter tel ou tel hashtag...

M. François Grosdidier.  - Tout est parti de la majorité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Vous ne décèlerez jamais dans mes propos l'once d'une critique de l'exercice par les maires de leur mandat. (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains)

J'ai dit, lors d'une interview, que je remerciais les trente mille maires qui avaient choisi de ne pas augmenter le taux de la taxe d'habitation, et que les autres avaient pris leurs responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Grosdidier.  - Ils ne pouvaient pas faire autrement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Assumer des décisions, même impopulaires, c'est l'honneur des élus. Que des conseils municipaux aient décidé d'augmenter le taux de la taxe d'habitation, c'est leur liberté. (Les protestations sur les bancs du groupe Les Républicains redoublent.)

M. François Grosdidier.  - Vous les y avez contraints !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - C'est une donnée publique : il suffit de regarder sa feuille d'impôt. Je ne m'associerai jamais à une opération de délation, mais le dire - alors que le Gouvernement avait choisi la voie du dégrèvement à la demande des élus - n'est pas les pointer du doigt, c'est faire état d'un fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; huées à droite)

M. Bruno Retailleau.  - Vous vous défaussez ! Jamais les maires n'ont été à ce point découragés. Craignez le jour où plus aucun citoyen ne voudra s'engager pour la République. Quant à nous, au Sénat, sur tous nos bancs, nous continuerons à porter la voix de ces hommes et ces femmes qui sont les fantassins de la République et de la générosité française ! (Applaudissements nourris et prolongés sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOCR et CRCE)

Évaluation des élèves en CP et CE1

M. Abdallah Hassani .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Je m'associe à l'hommage rendu aux victimes de l'Aude.

Les premiers résultats d'une évaluation nationale montrent qu'un quart des élèves en début de CP ont des difficultés à reconnaître les lettres et les sons associés. En début de CE1, 30 % des élèves lisent moins de trente mots par minute alors que l'objectif est de cinquante. Un élève sur deux a des difficultés en calcul mental.

Ces fragilités sont largement imputables aux difficultés sociales et familiales. À Mayotte, plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le nombre de naissances est tel qu'il faudrait créer une classe par jour ; 30 % des enfants de plus de 3 ans n'ont pas accès à la maternelle, alors que le shimaore ou le shibushi est la langue du foyer.

Monsieur le Ministre, qu'apporte cette évaluation ? Quelle suite entendez-vous y donner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les premières années sont celles de l'entrée dans les savoirs fondamentaux. Elles sont au coeur de mes deux priorités : élever le niveau général et améliorer la justice sociale, sachant que l'une passe par l'autre. Après le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP+, nous avons besoin, pour appuyer les outils pédagogiques, d'évaluation-diagnostic en début d'année.

Ces évaluations, conçues par des scientifiques, placent la France en tête de ce qui se fait de mieux au monde, en proposant un portrait à 360 degrés des compétences de l'enfant à son entrée en CP et en CE1 - soit 1,6 million de portraits pédagogiques. Pour les enseignants, c'est un outil de communication avec les parents, un élément du pilotage pédagogique de la classe ; c'est un outil moderne de lutte contre les inégalités sociales et contre l'échec scolaire. Il intervient suffisamment tôt pour être efficace ; à 15 ans, il est trop tard. Nous nous donnons les moyens d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

Référendum en Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Frogier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le référendum en Nouvelle-Calédonie le 4 novembre décidera de son avenir, de notre destin commun : la France ou l'indépendance.

Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi de vous taire au prétexte que le rôle de l'État serait d'organiser la consultation dans la plus stricte impartialité. D'ailleurs, aucun président d'aucune formation politique nationale, à l'exception de Laurent Wauquiez, n'a pris la peine de faire campagne chez nous. Où était M. Castaner, délégué général de LaREM, les membres du Gouvernement ? Pourquoi une telle gêne à dire sa préférence, alors que nous avons la France en partage ? Selon toute vraisemblance, une large majorité de Calédoniens choisira d'ancrer sa destinée dans la France.

Vous allez réunir les forces politiques calédoniennes au lendemain du scrutin, quel que soit le résultat. Pour quoi faire ? Nous convaincre que le référendum n'est qu'une péripétie et continuer comme avant ? Tiendrez-vous compte de la voix des Calédoniens en admettant que la lecture indépendantiste de l'accord de Nouméa a vécu ou confisquerez-vous le résultat du référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Monsieur Frogier, nous avons l'habitude d'échanger. J'ai rencontré les acteurs politiques de Nouvelle-Calédonie pour saisir, intimement, ce qui était en jeu, comprendre la logique des discussions engagées lors des accords de Matignon, qui ont porté la transformation de la Nouvelle-Calédonie.

Je ne crois pas que nous ayons, ni vous ni moi, eu recours aux postures. J'ai dit publiquement, comme à l'ensemble des parties, quelle était la position du Gouvernement : étant partie à l'accord, il est déterminé à ce qu'il soit exécuté dans toutes ses stipulations. C'est le chemin de la réconciliation, de la construction d'un avenir commun. Il m'est apparu, comme à mes prédécesseurs, que l'État devait être impartial dans cette consultation.

Après le 4 novembre, le Gouvernement entendra naturellement l'expression du suffrage. Toutefois, d'expérience, je me méfie des résultats connus à l'avance...

Personne ne gagnerait à ce que les tensions, les incompréhensions recommencent. Nous prendrons des initiatives pour que l'avenir de la Nouvelle-Calédonie se construise de bonne foi, avec ceux qui veulent s'engager pour une vie en commun. C'est ma ligne, celle que le président de la République a fixée lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie. Je n'en bougerai pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et quelques bancs du groupe UC)

Adolescent tué dans une rixe (I)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le week-end dernier, un gamin de 13 ans est mort en Seine-Saint-Denis, roué de coups de barre de fer. Nous pensons à lui, à sa famille, mais notre compassion ne le ramènera pas à la vie.

Je vous invite tous à vous poser la question : et si ce gamin avait été le vôtre ? Si nous vivions sur ces territoires bientôt perdus de la République, serions-nous à l'abri ? Aboubacar va rejoindre la liste des jeunes victimes de la violence inouïe des rivalités de bandes, sur fond de trafic ou, comme ici, pour une peccadille.

La violence ne s'arrête pas aux portes des écoles. Il y a un mois, au lycée Paul-Éluard, un gamin a été agressé à coups de marteau et de couteau.

Monsieur le Premier ministre, le 26 septembre dernier, vous avez reçu les parlementaires de Seine-Saint-Denis. Tous vous ont décrit la même situation. Vous nous avez écoutés vous réclamer l'égalité républicaine, des mesures fortes en matière d'éducation, de police, de justice. Nous avez-vous entendus ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - D'abord, les faits. (Murmures à droite) Samedi 13 octobre, à 18 h 50, près du centre-ville des Lilas, un enfant est mort. (Exclamations à droite) Mieux vaut partir des faits plutôt que de se complaire dans la parole politique, mesdames et messieurs les sénateurs. Partir des faits, c'est attendre les résultats de l'enquête de la police judiciaire et de l'autopsie. Assumer les faits, c'est assumer la réalité en face.

Avec Laurent Nunez, nous étions aux Lilas ce matin. L'ancien maire du Pré-Saint-Gervais nous a dit que cette guerre des bandes serait née d'une affaire de casquette. (Vifs mouvements sur de nombreux bancs à droite comme à gauche)

Nous agissons à tous les niveaux : d'abord en mobilisant les services de renseignement. Il existe 92 bandes organisées, nous les connaissons. Il en existe d'autres, moins structurées. L'année dernière, il y a eu 218 affrontements. (Exclamations à droite)

La deuxième réponse est judiciaire : trois jeunes ont été interpellés, deux ont été placés sous écrou.

Troisième réponse : garantir la sécurité du quotidien sur la voie publique. Après les suppressions de 12 000 postes de police et gendarmerie... (huées sur les bancs du groupe Les Républicains) nous nous sommes engagés à recruter 10 000 policiers supplémentaires. (La voix de l'orateur est couverte par les huées ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Philippe Dallier.  - Je suis sidéré par votre réponse. Vous n'avez pas compris le sens de ma question ; je crains que vous n'ayez pas compris ce qui se passe dans ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Des visites ministérielles, nous en avons vu défiler, en Seine-Saint-Denis, et nous n'en pouvons plus ! Nous avons besoin de réponses. Ceux qui vivent dans ces territoires bientôt perdus de la République sont des Français comme les autres, l'État leur doit protection ! Comprenez-le, monsieur le ministre ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et UC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOCR et CRCE)

Adolescent tué dans une rixe (II)

M. Gilbert Roger .  - Je suis moi-même aussi de la Seine-Saint-Denis et j'adresse ma question au ministre de l'Intérieur nouvellement nommé, qui souhaitait ardemment ce poste.

Aux Lilas, un adolescent de 13 ans est décédé dimanche à la suite d'une rixe entre bandes rivales composées essentiellement de mineurs. Ce décès intervient après la mort d'un jeune de 16 ans tué par balles à Saint-Denis, et l'agression, à Garges-lès-Gonesse, d'un jeune de 17 ans à coups de béquilles et de boules de pétanque. Si nous ne trouvons pas de solutions, ensemble, la République est perdue.

Selon votre ministère, 90 bandes organisées sont répertoriées, dont la moitié à Paris et en proche banlieue. La forte augmentation de ce type de violence requiert la mobilisation du Gouvernement tout entier afin d'apporter les réponses sociales et de prévention pour rompre avec cette culture néfaste du conflit entre cités, communes ou établissements.

La Seine-Saint-Denis -  Philippe Dallier l'a dit  - n'est pas traitée de manière équitable : un médecin scolaire pour 13 000 élèves, des professeurs en majorité néo-titulaires, un taux d'absentéisme record, des surveillants en nombre insuffisant...

Quelles mesures de prévention et d'accompagnement comptez-vous prendre ? Que proposerez-vous aux élus locaux qui souhaitent voir tomber ce voile de défiance que vous mettez sur leur action ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Rachid Temal.  - Bravo !

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Merci d'avoir posé votre question avec la sagesse nécessaire à ce sujet qui mérite plus que de la politique politicienne... (Huées et vives exclamations à droite ; les membres du groupe Les Républicains quittent l'hémicycle en signe de protestation.)

Sur ce sujet, il faut ne rien lâcher, travailler avec les élus. Nous avons rencontré Mme Valls et allons organiser très vite de nouvelles rencontres sur le terrain pour aborder le sujet dans sa transversalité. Nous mobiliserons l'éducation, les services sociaux, les moyens du ministère de l'emploi et bien sûr du ministère de l'intérieur. D'ici 2020, ce sera 1 300 postes supplémentaires. La stratégie de reconquête républicaine de ces quartiers en difficulté repose sur une présence policière renforcée avec la création d'unités dédiées, l'amélioration des contacts avec la population, la lutte sans merci contre les trafics de stupéfiants. Tous les acteurs seront mobilisés, élus, bailleurs, Éducation nationale, etc. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 18 h 5.