SÉANCE

du jeudi 25 octobre 2018

10e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres et celui du temps de parole.

Tarifs des mutuelles

M. François Patriat .  - (Exclamations à droite) Le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre l'engagement du président de la République du reste à charge zéro pour l'optique, le dentaire et l'audition dans les trois ans qui viennent. Cela représentera un milliard d'euros d'économie pour la Nation.

La ministre de la santé, après une large concertation, a obtenu un accord sur l'ensemble des tarifs. Or un organisme comptable a affirmé, au début de la semaine, que les cotisations des mutuelles augmenteraient en conséquence de 6 % à 9 %, ce qui atteindrait surtout les revenus plus pauvres, par suite de cette réforme. Quelle est la réponse du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Ce débat a été relancé ces derniers jours après la publication de l'étude d'un cabinet de courtage en assurances. C'est un métier tout à fait respectable, mais je n'exclus pas totalement que ce cabinet soit intéressé ou plutôt désintéressé à la réussite de cette réforme...

Nos concitoyens ont du mal à s'équiper en prothèses auditives ou à aller chez le dentiste. Le reste à charge individuel est en effet considérable. Aussi, avons-nous décidé de le réduire.

Notre dispositif, adopté après des discussions entre l'assurance maladie, les acteurs industriels et les mutuelles, garantit qu'au 1er janvier 2021, nos concitoyens n'auront plus de reste à charge pour leur panier de soins auditifs, dentaires et optiques. C'est un véritable progrès. Les trois quarts du coût seront pris en charge par l'assurance maladie et un quart par les mutuelles qui se sont engagées à ne pas répercuter le coût sur leurs clients. Je n'ai pas de raison de douter de leur parole.

La ministre de la santé, comme l'ensemble du Gouvernement, est totalement engagée dans cette réforme afin qu'elle réussisse, conformément aux objectifs fixés par le président de la République, d'obtenir un service de qualité au meilleur coût pour nos concitoyens, qui représente une véritable avancée sociale, dont le Gouvernement est très fier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, SOCR et Les Républicains)

Comité des droits de l'homme de l'ONU

Mme Françoise Laborde .  - Madame la garde des Sceaux, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a critiqué le 10 août dernier la décision de la Cour de Cassation dans l'affaire de la crèche Baby Loup.

Le 23 octobre, il a rendu un nouvel avis critique sur le bien-fondé de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public - déjà critiquée en 2014. Cette année-là, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait jugé que la loi ne portait nullement atteinte aux libertés et n'était pas discriminatoire.

Le Comité est composé d'experts et ses avis sont informels. Ses invectives à répétition sont inquiétantes, qui laisse croire à quelque pouvoir juridictionnel, inexistant. Le Gouvernement ne doit pas faillir face à ce parti pris idéologique. À l'approche de l'Assemblée générale des Nations unies et de l'anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, le 10 décembre, quelle position prendra le Gouvernement ? Répondra-t-il à cet avis dans le délai de 180 jours fixé par ce comité ? (Applaudissements sur presque tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE, où Mme Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que MM. Pierre-Yves Collombat et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le comité est en effet composé d'experts. Chargé de veiller à l'application des conventions dont la France est signataire, il a estimé, s'agissant de la loi du 11 octobre 2010, qu'était méconnu le droit des plaignants de manifester leur religion.

Les avis de ce comité n'ont aucune force obligatoire, et le Conseil constitutionnel a jugé cette loi conforme aux articles 4, 5 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au préambule de la Constitution de 1946. Il a même jugé qu'elle conciliait de manière équilibrée protection des droits de l'homme et de l'ordre public. La CEDH elle-même a jugé cette conciliation équilibrée.

Cette loi protège les femmes dans l'espace public, et aide à faire de notre société une société pacifiée, respectueuse de chacun et des principes qui fondent notre démocratie. (Applaudissements des bancs du groupe Les Républicains aux bancs du groupe SOCR)

Utilisation des fonds du livret de développement durable et solidaire

M. Guillaume Gontard .  - Madame la secrétaire d'État, votre collègue de l'économie et des finances promettait que chaque euro dans un livret de développement durable et solidaire (LDDS) contribuerait à la transition énergétique.

ATTAC a demandé au Gouvernement d'exclure les deux cents entreprises les plus polluantes des investissements du fonds LDDS, centralisé à la Caisse des dépôts et consignations, dont en réalité 10 des 100 milliards - soit uniquement la rénovation thermique des bâtiments anciens, seul chantier prévu par la loi - sont consacrés à la transition énergétique et nous n'avons aucune information sur les 40 milliards d'euros gérés par les banques.

Le rapport annuel sur l'utilisation de fonds tient en une page ! (La plupart des sénateurs du groupe CRCE brandissent ce document.) Le LDDS devait financer toute la transition énergétique ; il faut contrôler drastiquement l'utilisation des fonds. Soyons clairs avec les détenteurs de ce produit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul, MM. Joël Labbé et Ronan Dantec applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - La collecte du LDDS sera affectée au financement des projets ayant un impact positif sur le climat.

Aux 170 milliards du livret A - 60% de son encours total - s'ajoutent ainsi pour financer ce chantier, 60 milliards d'euros qui financent prioritairement la construction et la rénovation de logements sociaux écologiques.

Les actifs qu'il détient, actions et obligations, sont gérés selon le principe d'investissement responsable. En 2017, les prêts verts, pour un encours de 3,1 milliards d'euros, ont largement dépassé la collecte du LDDS. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

Relations avec l'Arabie saoudite

M. Michel Boutant .  - La disparition le 2 octobre du journaliste d'origine turque Jamal Khashoggi au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul a choqué le monde entier. Son assassinat aurait été particulièrement sordide d'après les déclarations du président turc Erdogan au Parlement.

Ce n'est pas un simple fait divers. J'en veux pour preuve les réactions mondiales dont celle de Donald Trump, le retrait des investisseurs du sommet de Riyad, la rencontre entre Mohammed Ben Salman et le secrétaire d'État, Mike Pompeo. Les responsables européens ont aussi réagi : la chancelière Merkel a appelé à cesser l'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite. Or la France a exporté pour 11 milliards d'euros au royaume.

À quelques mois des élections européennes, l'Union européenne va-t-elle encore donner un spectacle de discussion ? L'héritier de l'empire ottoman ne cherche-t-il pas à semer la division pour reprendre la main sur le monde sunnite et rétablir le califat ? La realpolitik ne poussera-t-elle pas à un statu quo pour éviter l'affaiblissement de l'Arabie saoudite ou que celle-ci se tourne vers d'autres puissances ? Il y a en jeu plus que la vie d'un homme, que l'on disait proche des islamistes et de Ben Laden.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser le ministre des affaires européennes qui est au Mexique.

Nous parlons du meurtre d'un journaliste saoudien dans une enceinte diplomatique. Ce sont des faits d'une extrême gravité, plus qu'un fait divers vous l'avez dit.

Les autorités saoudiennes ont reconnu le caractère de « meurtre » mais n'ont établi ni les circonstances ni les responsabilités. La France a demandé qu'elles fassent la lumière sur celles-ci : nos intérêts communs n'excluent pas les attentes. Nous devons la vérité aux proches de M. Khashoggi. C'est pourquoi la France prendra des sanctions contre les coupables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Simon Sutour.  - On verra !

Surveillance des déplacements maritimes

M. Jérôme Bignon .  - Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et solidaire. L'époque suscite interrogations et craintes. Les pouvoirs publics doivent répondre aux unes et prévenir les autres. Le phénomène cévenol qui a frappé l'Aude récemment interroge nos compatriotes sur la capacité des pouvoirs publics à prévenir les risques engendrés par le dérèglement climatique. Il y a 12 000 navires par an dans le canal de Corse, ce qui fait venir d'autres risques encore. Là encore, nos concitoyens s'interrogent sur la capacité de l'État à prévenir et prendre en charge les risques.

Les services de l'État, pour désincarcérer les navires, réparer les dégâts, ont été efficaces.

Pourtant, en Méditerranée comme dans l'Aude, peut-on faire mieux pour prévenir et réparer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Les deux phénomènes n'ont rien à voir mais illustrent des risques réels. Le Premier ministre et moi-même nous sommes rendus dans l'Aude immédiatement pour prendre la mesure des dégâts et saluer les services de l'État et des collectivités territoriales en première ligne. Depuis des années, les leçons des catastrophes ont été tirées. Dans l'Aude, près de 100 millions d'euros ont été investis, financés à 50 % par l'État et 50 % par les collectivités territoriales. Il faudra cependant continuer à anticiper les effets du dérèglement climatique.

L'accident au large de la Corse était totalement incroyable. Je me suis aussi rendu sur place, en Corse et dans le Var et salue à nouveau l'engagement des services de l'État. Il nous faudra travailler pour mieux faire face à ces risques y compris en oeuvrant pour modifier le droit maritime international. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Situation de l'économie

M. Michel Vaspart .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La suppression de la taxe d'habitation représente un manque à gagner de 26,3 milliards d'euros à l'horizon 2020. Pour compenser, on augmente la taxation des carburants, notamment le gasoil non routier - de 6,5 centimes - et l'essence - de 2,9 centimes - ou les véhicules polluants. Avec les hausses de TICPE et de TGAP, la fiscalité écologique devrait rapporter 15 milliards d'euros - insuffisant pour le Gouvernement, trop pour les Français, qui en ont besoin pour travailler et vivre, tout simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

L'impôt est efficace quand il est juste ; la « fiscalité verte » est punitive. Or cette fiscalité finance essentiellement le budget général de l'État. Quelle est son utilisation écologique ? Quand allez-vous faire enfin des économies de fonctionnement au sein de l'État et arrêter ces hausses. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - (Murmures de protestation sur les bancs du groupe Les Républicains) La suppression de la taxe d'habitation, pour 80 % des ménages d'ici 2020, puis pour 100 % d'entre eux d'ici 2022 vous inquiète ; nous travaillons avec Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu à la préservation des recettes des collectivités territoriales, grâce à un dégrèvement intégral. Les collectivités territoriales auront ainsi des recettes justes, durables, pérennes.

La fiscalité écologique est assumée. Le prix du gasoil augmente pour de nombreuses raisons, 7 à 8 centimes de cette augmentation sur 24 sont dus à des choix de transition qui sont nécessaires et que nous accompagnons au mieux (Mme Sophie Primas proteste.) : chèque énergie (Même mouvement), prime à la conversion des véhicules polluants, encouragement des économies d'énergie, parce que l'énergie la moins polluante est celle que l'on ne consomme pas...

Nous accompagnons la transition écologique et assumons l'impopularité de certaines mesures pour conduire cette transition. Enfin, il faut mentionner, en faveur des plus fragiles, la hausse des minima sociaux pour le chèque énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; on proteste sur plusieurs bancs du groupe SOCR.)

Sécheresse

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La sécheresse persistante qui sévit sur une grande partie du territoire a des conséquences multiples et impressionnantes. Elle est dramatique pour nos agriculteurs et nos éleveurs.

Le Fonds national de gestion des risques en agriculture doit traiter au plus vite les dossiers déposés par les agriculteurs puis effectuer les paiements tout aussi rapidement. Le principe d'un dégrèvement collectif de la taxe sur le foncier non bâti, à hauteur des taux de pertes fourragères établis par la commission d'expertise des calamités agricoles, doit être acquis.

Le Gouvernement entend-il répondre à ces demandes qui visent la juste réparation d'un préjudice certain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation - Les premiers touchés par les aléas climatiques, en plus des habitants, sont toujours les agriculteurs. Je me rendrai demain dans la Meuse et les Vosges pour rencontrer les acteurs locaux.

Le Premier ministre et le Gouvernement ont d'ores et déjà acté le principe du dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti. La PAC vient d'élever à 4,3 milliards d'euros le plafond d'avance aux agriculteurs, pour donner une bouffée d'air à leur trésorerie. Les stocks de fourrage sont déjà entamés, ce qui inquiète.

Nous allons réunir fin novembre et en janvier le comité des calamités agricoles pour apporter une réponse rapide. Le Premier ministre organise cet après-midi une réunion interministérielle sur le sujet. Nous appelons à une solidarité nationale et interrégionale car il y a eu spéculation sur le transport de fourrage. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

M. Jean-Marie Mizzon.  - Monsieur le ministre, vous êtes un homme nouveau, pas en politique mais au Gouvernement. (On apprécie sur de nombreux bancs.) Vous n'avez ni passé ni passif. Je n'ai pas de raison de douter de votre bonne volonté mais je vous invite à méditer cette phrase de Gustave Le Bon : « Les volontés précaires se traduisent par des discours ; les volontés fortes, par des actes... » À bientôt, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Impact du prix de l'énergie sur l'industrie

M. Bernard Cazeau .  - Ma question est à M. de Rugy, ministre d'État. Sur le terrain, nombre de réorganisations industrielles en cours méritent l'attention spécifique des pouvoirs publics. Je pense aux papeteries de Condat en Dordogne, qui emploient plus de 500 salariés et produisent 400 000 tonnes de papier par an, pour 330 millions de chiffre d'affaires. Or ses charges énergétiques, représentant 30 % des coûts de production de papier, grèvent sa compétitivité. Le précédent gouvernement a hélas supprimé les modalités avantageuses de rachat de son électricité en 2013. Récemment, un projet de chaudière biomasse présenté par l'entreprise n'a pas été retenu par l'État au titre des aides directes à la production énergétique. L'accompagnement de la transition énergétique de cette entreprise est nécessaire. L'équilibre économique du Périgord en dépend ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Les papeteries de Condat sont en effet le premier employeur privé de Dordogne, et l'État est mobilisé pour les préserver. L'appel d'offres sur la biomasse lancé en 2016 n'a pas abouti car la solution proposée était trop chère pour l'État. D'autres solutions sont à l'étude. La diversification de la production vers des étiquettes adhésives est envisagée, des réunions se sont tenues les 16 et 19 octobre à l'Élysée et Matignon avec un possible repreneur. L'actionnaire principal, le fonds britannique CVC, qui investit au total 3 milliards d'euros chaque année, devra prendre sa part pour que la solution soit viable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Ascoval

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Les 281 salariés d'Ascoval, dans le Nord, sont au bord du précipice ; l'avenir de ce fleuron de notre sidérurgie, qui n'en compte plus beaucoup, est en jeu. Ascoval a deux semaines pour trouver un repreneur ; or Vallourec, détenteur de 40 % de l'usine, refuse de contribuer à la reprise.

Les gestionnaires s'écharpent sur les chiffres, mais il s'agit d'abord de femmes, d'hommes, de vies et de générations consacrées à cette usine, suspendus au bon vouloir des actionnaires, dont l'État fait partie puisqu'il en détient 15 %.

À l'État d'agir. Madame la ministre, monsieur le Premier ministre, quelle est la cohérence entre vos paroles et vos actes ? Pourquoi refusez-vous d'engager les moyens nécessaires au sauvetage ? Est-ce la start-up nation, le chacun pour soi qui va avec, que vous préférez à la vie de ces usines ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État .  - Quelques éléments factuels plus larges pour commencer. Pour la première fois depuis dix ans, l'emploi industriel a progressé l'an passé, l'investissement augmente de 3,1 % par an ces cinq dernières années. La production industrielle a crû de 1,6 % entre août 2017 et août 2018, et l'emploi manufacturé aussi a augmenté. Notre politique est la reconquête industrielle, celle des emplois de demain. (Exclamations à gauche)

Nous finançons l'impression numérique, des robots à commande numérique, nous adoptons des mesures de suramortissement... (Brouhaha à gauche, couvrant la voix de l'oratrice)

À gauche et à droite.  - Et Ascoval ? Répondez !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - Ascoval, ce sont 240 emplois ; Vallourec, 2 800, et des pertes importantes, de 300 millions d'euros au premier semestre. Il faut être responsable ! (Vives exclamations sur de nombreux bancs)

Le seul projet de reprise sur la table est pour le moins flottant : le repreneur apporte 10 millions sur les 150 millions nécessaires... Or le droit européen exige que pour un euro public, un euro privé soit apporté. Laissez-moi instruire ce dossier avec sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; brouhaha et huées à gauche)

Violences en milieu scolaire

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les évènements inadmissibles du lycée Branly de Créteil ont accouché du mouvement #pasdevague. C'est la parole de professeurs bâillonnés qui se libère, alors que « pas de vague » est la réponse de leur hiérarchie aux incivilités, aux agressions, aux violences. Il aura fallu une vidéo pour qu'on entende les professeurs !

Monsieur le ministre, vous vous êtes présenté comme le ministre des professeurs, vous parlez de l'école du respect. Comment pouvez-vous tolérer que la parole de l'élève vaille celle du maître ? Que ce soit uniquement au maître de respecter l'élève ? Que l'autorité soit relativisée au sein même de l'école ? Il faut des actes. Comment répondre aux difficultés des professeurs ? Quels moyens humains, quelles sanctions ? Il est temps de mettre fin à l'emprise de la pensée qui de Bourdieu à Meirieu (Protestations sur les bancs à gauche) a conduit à un laxisme qui n'a que trop duré ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les évènements de la semaine dernière ont justement ému la France. J'exprime mon empathie à la professeure visée et à l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale qui sont trop souvent victimes de violence et qui peuvent se sentir insuffisamment soutenus par leur institution, aussi bien que par le reste de la société.

Ma formule de « ministre des professeurs » peut aujourd'hui susciter l'adhésion unanime ; ce n'était pas le cas à mon arrivée.

Tous les responsables de l'Éducation nationale le savent, je suis contre le « pas de vague ». Nous avons rétabli l'ordre dans plusieurs établissements, comme le lycée Gallieni de Toulouse. Dès mon arrivée, j'ai mis en place une cellule sur la sécurité dirigée par un préfet. Demain avec Christophe Castaner, nous tiendrons une réunion sur la sécurité des établissements. Des mesures seront prises pour venir en aide aux professeurs, aux établissements mais aussi remédier à ce qui se passe dans leurs alentours.

Beaucoup de choses n'ont pas été faites pendant des années. Nous ne sommes là que depuis un an et demi et nous avons agi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Josiane Costes et M. Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau.  - Quelles sanctions ?

M. Max Brisson.  - Nous n'avons pas besoin d'un comité stratégique de plus. Nous ne voulons pas de parole, mais des actes pour restaurer l'autorité à l'école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Taxes sur le gazole

M. Jean-Claude Luche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Monsieur le ministre d'État : 1,60 euros, c'est le prix du diesel à la pompe cette semaine. Se déplacer devient un luxe dans les départements ruraux.

Et vous proposez, dans le projet de loi de finances pour 2019, de supprimer le taux réduit de taxe sur le gazole non routier, ce qui pénalisera les petites entreprises, telles celles que je connais dans l'Aveyron. Or, l'artisanat est la première entreprise de France, monsieur le ministre, qui crée des emplois non délocalisables et fait vivre le tissu économique local.

L'argument écologique ne convainc pas : la construction polluera toujours autant, tandis que les avions et les bateaux sont exonérés - alors que le kérosène et le mazout maritime sont bien plus polluants !

Comment compenserez-vous cette charge nouvelle pour les petites entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Pendant des années, j'en ai entendu des discours sur le climat, sur la nécessité de donner un prix au carbone ; sur les grands principes, tout le monde est d'accord ! Pour en voter les modalités, il y a beaucoup moins de monde, et pour soutenir les mesures déjà votées, il n'y a carrément plus personne ! Certains anciens ministres de l'écologie se dédisent même... (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR)

Nous, nous assumons. D'autant que nous avons annoncé la couleur avant. Nous assumons de supprimer progressivement les niches fiscales anti-écologie, de baisser les taxes sur le travail et les entreprises et d'augmenter les taxes sur le CO2 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Les PME bénéficieront des mesures de la loi Pacte et des baisses de cotisations sur les salaires. Nous assumons tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Brexit

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le Brexit suscite l'inquiétude dans les ports : la circulation des marchandises est menacée. Avec le Brexit, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers soumis aux contrôles douaniers et phytosanitaires. Il y aura pour les camions des procédures de déclaration spécifique qui impliqueront des coûts supplémentaires et beaucoup plus de temps d'attente.

Le Havre, Dieppe seront très touchés, en particulier pour les produits phytosanitaires et d'origine animale. Qu'allez-vous faire pour y remédier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Les discussions avec le Royaume-Uni n'ont pas encore abouti, achoppant sur la question irlandaise. Nous recherchons une solution conforme au Good Friday agreement, évitant le rétablissement d'une frontière en Irlande et tâchant de préserver l'intégrité du marché unique. Les Européens restent unis. Un Conseil européen extraordinaire peut être convoqué à tout moment si la négociation progresse.

Oui, il y a urgence. Les autorités britanniques doivent faire des choix difficiles ; quant à nous, nous devons envisager divers scénarios, y compris une absence d'accord, d'ici le projet de loi d'habilitation que nous vous soumettrons.

Le Gouvernement a nommé un coordinateur pour examiner, port par port, les difficultés et les solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Canayer.  - En 2017, 4,4 millions de camions ont traversé la Manche. Deux minutes d'attente de plus, ce sont des kilomètres de bouchons et un équilibre économique menacé. La situation des ports est une urgence nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Culture

M. Alain Schmitz .  - Le recours à une combinaison de financements publics et privés est indispensable pour monter des projets culturels, qu'il s'agisse de spectacle vivant, des arts plastiques ou de patrimoine, où les besoins sont particulièrement criants.

Rapporteur d'une mission d'information de la commission de la culture consacrée au sujet, je suis inquiet des menaces sur le dispositif fiscal du mécénat.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Très bien !

M. Alain Schmitz.  - Le plafonnement à 10 millions d'euros des sommes éligibles à la réduction d'impôt au titre du mécénat d'entreprises serait un terrible coup de canif dans la loi Aillagon de 2003, alors que les organisations pâtissent déjà d'une baisse drastique des dons ; le rapporteur général de l'Assemblée nationale a proposé un tel plafonnement, avant de se raviser.

Jean-Jacques Aillagon lui-même suggère, paraphrasant Montesquieu, qu'on ne touche que d'une main tremblante à sa loi. L'État est le principal mécène au titre des pertes et recettes fiscales qu'il consent dans l'intérêt du patrimoine et de la culture. Quelle est la position du ministère de la culture sur ce dispositif fiscal ? Certes un amendement au projet de loi de finances devrait relever le plafond appliqué au mécénat des TPE. Respecterez-vous les engagements du président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; MJérôme Bignon applaudit également.)

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - La loi Aillagon de 2003 est particulièrement utile. Grâce à elle, sur 2 millions d'euros de dons, 500 000 euros sont investis dans la culture. En effet, il est important de ne pas prendre de décisions qui auraient des conséquences graves sur le mécénat. Pour autant, il est légitime d'évaluer la politique fiscale en la matière, comme toute politique publique. C'est pourquoi un rapport a été demandé à la Cour des comptes. Nous en tirerons les enseignements, pour éviter les dérives ou mieux intégrer les TPE-PME qui investissent localement dans le patrimoine et la culture. La politique publique de la culture doit retrouver tous ses liens avec les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Emmanuel Capus et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

M. le président.  - Merci.

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.