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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Envasement de la Rance

Mme Sylvie Robert

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Déchets plastiques lourds en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Aménagement de la liaison routière entre Saint-Nazaire et Laval

M. Christophe Priou

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Axe Rhône-Saône-Moselle et place des transports en Lorraine

M. François Grosdidier

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Développement des trains intercités de nuit

Mme Viviane Artigalas

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Aménagement de la nationale 19

M. Laurent Lafon

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Voies réservées sur les axes autoroutiers

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Marnières du plateau de Caux

Mme Nelly Tocqueville

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Contrôle technique des véhicules associatifs assurant le transport sanitaire

Mme Catherine Procaccia

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Situation des personnes en situation de handicap en Seine-Saint-Denis

Mme Éliane Assassi

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Financement du plan Pauvreté par les départements

Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Édouard Courtial

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Fin du numerus clausus et années intermédiaires

Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Bernard Bonne

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Avenir de la profession infirmière et santé des Français

M. Philippe Madrelle

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Situation des kinésithérapeutes

Mme Annie Guillemot

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Revalorisation du métier d'infirmier et « plan Santé 2022 »

Mme Nathalie Delattre

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Appellation camembert de Normandie

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Mise en place du service national universel pour les jeunes Français établis hors de France

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fusion des rectorats de Nice et d'Aix-Marseille

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Financement des accompagnants d'enfants handicapés sur les temps périscolaires

Mme Françoise Gatel

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Le sport au baccalauréat

M. Michel Savin

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Diffusion des compétitions sportives féminines

Mme Dominique Vérien

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Commission (Nomination)

Questions orales (Suite)

Assujettissement des hippodromes à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Projet d'intérêt général Metaleurop Nord et taxe foncière

Mme Sabine Van Heghe

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Fin des téléphones fixes

M. Daniel Gremillet

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Suppressions d'emplois dans le groupe Carrefour

Mme Michelle Gréaume

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Sécurisation des bouteilles de gaz

M. Yves Bouloux

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Fermeture de la base aérienne de Châteaudun

Mme Chantal Deseyne

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Prises de vues aériennes des prisons françaises accessibles sur internet

M. François Bonhomme

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Sécurité dans les prisons

Mme Brigitte Lherbier

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Malaise des élus locaux

M. Alain Fouché

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Lutte contre les squats en Guyane

M. Antoine Karam

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Construction de nouvelles casernes de gendarmerie

M. Patrick Chaize

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Dépollution des ballastières de Braqueville à Toulouse

Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Démission légitime des assistants maternels

Mme Laurence Rossignol

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Centre de l'AFPA de Nevers

M. Patrice Joly

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Financement de la sécurité sociale pour 2019 (Suite)

Explications de vote

M. Michel Amiel

Mme Laurence Cohen

M. Yves Daudigny

M. Guillaume Arnell

M. Jean Louis Masson

Mme Élisabeth Doineau

M. Daniel Chasseing

M. Alain Milon

Scrutin public solennel

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Diplomatie de la France à l'aune de la COP 24

M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

M. Guillaume Gontard

Mme Angèle Préville

M. Ronan Dantec

Mme Évelyne Perrot

M. Jérôme Bignon

Mme Pascale Bories

M. Richard Yung

M. Joël Bigot

M. Jacques Le Nay

M. Cédric Perrin

Mme Nelly Tocqueville

M. Christophe Priou

M. Stéphane Piednoir

M. Cyril Pellevat

M. Gérard Longuet

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains

Lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans

Explications de vote

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Mme Sylvie Robert

Mme Françoise Laborde

Mme Colette Mélot

Mme Laure Darcos

M. André Gattolin

M. Pierre Ouzoulias

M. Michel Laugier

Mise au point au sujet d'un vote

Conférence des présidents

Echecs en CMP

Commissions (Nominations)

Accord économique et commercial global (CETA)

M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

M. Stéphane Artano

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Joël Guerriau

Mme Sophie Primas

M. André Gattolin

M. Guillaume Gontard

M. Didier Marie

M. Olivier Henno

M. Laurent Duplomb

M. Jean-Yves Leconte

M. François Bonhomme

M. Christophe Priou

M. Damien Regnard

M. Cyril Pellevat

M. Fabien Gay

Annexes

Ordre du jour du mercredi 21 novembre 2018

Analyse des scrutins publics

Conférence des présidents

Nominations au sein de trois commissions permanentes




SÉANCE

du mardi 20 novembre 2018

22e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Envasement de la Rance

Mme Sylvie Robert .  - Voici un dossier qui s'enlise depuis plusieurs décennies. La Rance, qui serpente dans les Côtes-d'Armor et l'Ille-et-Vilaine, doit faire face à une situation écologique de plus en plus critique. En quatre ans, pas moins de 200 000 m3 de sédiments ont été charriés, et ce, malgré plusieurs opérations visant à désenvaser la Rance. À certains endroits, les masses de boues grises ont rendu la navigation impossible, portant ainsi préjudice aux riverains et aux communes situées le long du cours d'eau.

L'impact sur la biodiversité est sensible : disparition des poissons plats, raréfaction des oiseaux nicheurs. Pourtant, en 2016, le rapport issu d'une mission interministérielle concluait déjà que « le phénomène d'envasement de l'estuaire de la Rance a atteint aujourd'hui un niveau tel qu'il convient de réduire au maximum les dépôts, voire de mettre un terme à la progression des volumes de sédiments. » Le rapport proposait d'adopter un programme expérimental sur cinq ans en vue d'extraire 250 000 m3 de sédiments, tout en recherchant une solution pérenne à plus long terme.

Néanmoins, ce plan quinquennal achoppe toujours sur la question budgétaire. Jusqu'à présent, EDF, en tant que concessionnaire de l'usine marémotrice avait payé la quasi-intégralité des opérations de désenvasement mais aujourd'hui, plus d'un tiers du plan, d'un montant initial de 9,5 millions d'euros, reste non financé, EDF refusant d'augmenter sa participation et certains acteurs refusant de compenser ce qui leur semble relever de la responsabilité de l'opérateur.

Où en est le dialogue avec les collectivités territoriales concernées ? Comment finaliser le financement du programme quinquennal ? Associations, élus locaux, riverains, plaisanciers attendent un soutien affirmé de l'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - M. de Rugy, retenu, m'a chargé de vous répondre.

Le point d'étape du préfet en juillet a confirmé les avancées : le désenvasement du chenal par EDF a été réalisé au début de l'année 2018, les travaux d'aménagement du centre de transit ont débuté à la fin du mois d'août et le curage du piège à sédiments à la mi-septembre.

La maîtrise d'ouvrage du programme sera assurée par l'établissement public territorial du bassin Rance-Frémur qui reprend à sa charge la gestion sédimentaire de la Rance, à l'exception des actions de curage du « Lyvet 3 ».

La gouvernance, qui a été validée par l'ensemble des acteurs, comprend le comité de pilotage, le comité des financeurs, le conseil scientifique et la commission locale de l'eau Rance. Le comité de pilotage, coprésidé par le président du conseil régional et le préfet de région, intègre les acteurs locaux et, notamment, les élus de l'association Coeur émeraude qui pourront avoir un rôle d'impulsion, compte tenu de leur implication historique sur le dossier. Le conseil scientifique, dont la composition a été validée, a été installé en septembre ; il devra, notamment, traiter la question de l'utilisation des bassins de stockage après l'opération afin de déterminer les différentes mesures de gestion sédimentaires qui peuvent être conjuguées et la durée de dépose sur le site de stockage.

Au plan financier, EDF participe à hauteur de 50 % à l'opération « Lyvet 3 », soit 550 000 euros. L'objectif est la parité entre EDF et les autres acteurs publics pour le financement des travaux.

François de Rugy accorde toute confiance au préfet de région pour la conduite des opérations.

Mme Sylvie Robert.  - J'espère de tout coeur une décision conjointe de financement de la part des acteurs publics.

Déchets plastiques lourds en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat .  - Le traitement des déchets est assuré en Dordogne, comme dans de nombreux départements, par un syndical départemental, le SMD3. Depuis la fermeture de l'usine Recymap de Saint-Pierre-de-Côle qui traitait les déchets plastiques lourds pour en faire des paillettes en décembre 2017, il est obligé d'enfouir ces déchets, ce qui est en parfaite contradiction avec l'objectif de 100 % de plastique recyclé en 2025. Certes, la feuille de route pour l'économie circulaire prévoit une fiscalité aménagée pour rendre la valorisation moins chère que l'élimination mais cela ne suffira pas quand les collectivités territoriales n'ont pas de marge de manoeuvre sur la réduction des volumes. Si elles respectent tous les objectifs de la loi sur la transition énergétique, le coût supplémentaire sera au moins d'un euro par habitant.

Ne pourrait-on pas créer une taxe sur les produits non recyclables, une sorte de TGAP en amont, ou même une responsabilité élargie du producteur (REP) qui prendrait en charge tous les projets recyclables ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je vous réponds à la place de M. de Rugy qui est retenu.

Aujourd'hui, le recyclage peine à se développer. Le Gouvernement, à travers la feuille de route pour l'économie circulaire, fruit de plus de six mois de concertation, a décidé une réforme globale de la fiscalité afin de rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur mise en décharge ou leur incinération. Cela repose sur une trajectoire de la TGAP revue à partir de 2021 telle que le coût moyen de l'élimination des déchets devienne supérieur au coût moyen de leur recyclage. En parallèle, il s'agit de donner de nouvelles capacités financières aux collectivités pour investir et pour s'adapter en allégeant la pression fiscale sur les activités de tri et de recyclage. Cela se traduira notamment par une baisse du taux de la TVA pour les opérations de prévention, de collecte, de tri et de recyclage des déchets mais également par une baisse des frais de gestion de la TEOMi pour les collectivités qui font le choix d'opter pour une tarification incitative.

La réforme des filières REP sera également menée l'an prochain. Elle permettra de développer le recyclage en fixant de nouveaux objectifs aux éco-organismes, les bonus-malus pour favoriser l'incorporation de matière plastique recyclée, et de créer de nouvelles filières REP. L'objectif est de s'appuyer sur l'écoconception des produits pour stimuler tant l'offre que la demande en matière recyclée pour qu'une véritable économie du recyclage se développe sur notre territoire. Soixante entreprises et fédérations professionnelles se sont déjà engagées à incorporer près de 300 000 tonnes en plus de matières plastiques recyclées. C'est un premier pas mais il faudra aller au-delà. D'autres idées pourront être débattues lors de l'examen du projet de loi sur l'économie circulaire.

Aménagement de la liaison routière entre Saint-Nazaire et Laval

M. Christophe Priou .  - Le 29 avril 2018, Mme Élisabeth Doineau et le maire de Blain en Loire-Atlantique, Jean-Michel Buf, sont intervenus auprès du Premier ministre pour rappeler l'importance majeure de la liaison routière entre Saint-Nazaire et Laval. Depuis plusieurs décennies, les élus et les acteurs de la vie économique des départements de la Loire-Atlantique, de la Mayenne et du Maine-et-Loire sont réunis pour faire aboutir ce dossier.

Des mesures ont été mises en place comme le contournement de Cossé-le-Vivien, dans le Maine-et-Loire le contournement de Pouancé et, en Loire-Atlantique, les contournements de Châteaubriant puis Treffieux ainsi que des créneaux de dépassement en deux fois deux voies. Sur la partie de la route nationale RN171 de Nozay à Saint-Nazaire, l'État a concentré ses investissements sur la section entre Savenay et le futur contournement de Bouvron, laissant le tronçon de Nozay à Blain sans nouvelles perspectives. Pourtant, la sortie de la deux fois deux voies Rennes-Nantes vers la Grigonnais est particulièrement dangereuse. La traversée de Blain n'est plus supportable pour les habitants et un contournement est devenu absolument nécessaire. La commune est traversée par 13 000 véhicules par jour. Avec l'axe Redon-Nord-Erdre, ce nombre s'élève à 23 000 par jour avec une projection à 31 000 véhicules quotidiens dans moins de dix ans !

Une alternative est étudiée entre la RN137 et la RN171 vers Bouvron. Une autre alternative semblait se dessiner pour créer une route nouvelle de la RN173 à la RN171 au sud de Blain. Pour autant cette dernière solution ne permettra pas un aménagement complet de contournement de Blain.

Quelles sont les dernières positions du comité consultatif piloté par la préfecture à la lumière de l'abandon du projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes et, donc, de la desserte routière dédiée ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - L'État a engagé une étude de faisabilité sur la liaison entre la RN137 et la RN171 en co-maîtrise d'ouvrage avec le conseil départemental de Loire-Atlantique. Cette démarche a permis d'établir un état des lieux de la RN171 et des axes assurant la liaison Nort-sur-Erdre-Bouvron.

Vous le savez, l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes a modifié le cadre général de la réflexion ; un temps supplémentaire a été nécessaire pour mener de nouvelles études qui ont été restituées le 5 juillet lors d'un comité de suivi auquel vous étiez convié. Deux des cinq scénarios possibles prévoient un contournement complet de Blain.

Une concertation publique sera engagée en 2019, votre avis sera bien sûr pris en compte. Quand elle sera achevée, je ne manquerai pas de vous informer des suites que nous donnerons sur l'aménagement de cet axe essentiel au bon développement de la Loire-Atlantique.

M. Christophe Priou.  - Le contournement de Blain, très attendu, doit s'inscrire dans le projet stratégique pour les mobilités du Grand Ouest. On sait les conséquences de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour nos territoires, nous demandons des mesures compensatoires extrêmement fortes.

Axe Rhône-Saône-Moselle et place des transports en Lorraine

M. François Grosdidier .  - L'axe Rhône-Saône-Moselle était le premier axe Nord-Sud à l'époque romaine. Aujourd'hui, tout dysfonctionne et le pire est pour demain car les routes de la Soie arrivent à Rotterdam, se prolongent par chemin de fer à Bettembourg puis se diffusent au Sud par notre réseau routier et autoroutier. Le Gouvernement français en répercute le coût sur les usagers français, après avoir renoncé à faire payer le transit international. Le fiasco de l'écotaxe en 2013 s'est soldé par le versement d'un milliard d'euros d'indemnités à Ecomouv', la perte de centaines d'emplois et d'un milliard d'euros par an pour financer nos infrastructures. Résultat, ce sont les Lorrains, dont 100 000 travailleurs transfrontaliers, et tous les autres voyageurs qui vont payer un péage sur l'A31 bis, comme l'a décidé l'État le 24 septembre 2018 - jusqu'à 6,36 euros par automobiliste. Ceux-ci se révoltent en mettant leur gilet jaune...

Deuxième décision funeste, l'abandon de la liaison fluviale Moselle-Saône au prétexte qu'elle n'est pas financièrement soutenable. L'idée est de relier le Rhin à la Méditerranée. La défendrez-vous à l'échelon européen, le seul qui soit pertinent ?

Cerise sur le gâteau, la suppression par la SNCF de la liaison ferroviaire quotidienne Metz-Nice en décembre. Pour aller dans le Sud, les Lorrains devront passer par Strasbourg ou Paris. Madame la ministre, allez-vous rétablir cette liaison et réduire l'embouteillage ferroviaire à Lyon qui empêche le développement de l'autoroute ferroviaire entre Bettembourg et Perpignan ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Le Gouvernement n'a pas l'intention de restaurer l'écotaxe. L'état de nos réseaux de transport étant très dégradé, il a décidé d'inscrire dans la loi Mobilités une programmation des infrastructures sincère qui prévoit une augmentation de 40 % de l'investissement dans les systèmes de transport pour les cinq prochaines années. En 2019, cette augmentation des investissements a été assurée par redéploiement au sein du budget de l'État mais il faudra une ressource nouvelle et durable à hauteur de 500 millions d'euros à partir de 2020.

Concernant le secteur nord de l'A31 bis, la réalisation d'un contournement de Thionville en tracé neuf est nécessaire. Un débat public sur les différentes options de tracé vient d'être lancé. Je sais la contrainte financière que représente un péage pour les usagers de l'A31 mais ce dernier est indispensable pour répondre rapidement aux difficultés qu'ils connaissent.

Le projet Rhin-Saône-Moselle a un coût hors de portée, même avec le soutien de l'Union européenne.

Enfin, les travaux à la gare de Lyon-Part-Dieu jusqu'en 2023 compromettent pour le moment la liaison directe entre Metz et Nice. La SNCF a rencontré les élus pour leur présenter des solutions de remplacement. Un groupe de travail se réunira pour aborder en amont les évolutions de dessertes TGV et TER. Enfin, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire impose la création de comités de desserte au sein desquels les élus seront représentés.

Développement des trains intercités de nuit

Mme Viviane Artigalas .  - De nombreuses villes demeurent à cinq heures de train de Paris et les temps de trajet sont souvent de plus de sept à huit heures sur les transversales vers Lyon, Strasbourg, Nantes, Lille ou Nice. Dans ces conditions, le train intercités de nuit présente de nombreux avantages : il permet d'arriver tôt le matin, de partir après une journée de travail ou d'arriver en centre-ville. Complémentaire des lignes à grande vitesse, il peut devenir une offre de mobilité touristique attractive si les voitures sont rénovées et le confort amélioré.

À l'étranger, un opérateur autrichien a démontré que les trains de nuit, avec un bon niveau de services, peuvent réaliser des bénéfices ; en France, cette qualité de services est très basse et ces trains de nuit font souvent l'objet d'annulations et de déprogrammations. L'unique train de nuit actuel pour le sud-ouest dessert Rodez, Toulouse, Latour de Carol, Portbou. Il n'y a pas assez de voitures pour chaque destination, seulement trois pour Rodez et Latour de Carol, et ce train affiche souvent complet. Les horaires ne peuvent être optimisés pour autant de destinations disparates et, surtout, la desserte des Hautes-Pyrénées, mon département, a été oubliée. Je regrette cet oubli ainsi que la suppression récente de la liaison de nuit Paris-Tarbes-Hendaye, la célèbre palombe bleue. L'aménagement du territoire s'en trouve déséquilibré avec un enjeu d'équité territoriale.

À l'aube de la présentation du projet de loi Mobilités et au moment où le maintien et la rénovation des lignes reliant Paris aux Pyrénées-Orientales d'un côté, et aux Hautes-Alpes de l'autre, viennent d'être annoncés, l'État serait-il prêt à améliorer la desserte du sud-ouest avec un deuxième train de nuit reliant les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Pour avoir récemment emprunté le train de nuit, je suis convaincue, comme vous, que c'est un atout pour l'accessibilité et le développement économique et touristique des territoires. Les deux lignes existantes, Paris-Briançon et Paris-Cerbère, seront maintenues, ce qui constitue un effort de subvention de plus de 20 millions d'euros par an. La rénovation du matériel roulant sera financée à hauteur de 30 millions. Ainsi les couchettes seront changées, des prises et le WIFI installés.

En revanche, une nouvelle ligne vers la Nouvelle-Aquitaine et l'Occitanie n'est pas envisageable dans le cadre de la convention des trains d'équilibre du territoire, d'autant que l'offre ferroviaire s'est sensiblement améliorée dans le Sud-ouest avec la LGV Paris-Bordeaux-Bayonne. Je rappelle également qu'à compter de 2020 un opérateur pourra librement mettre en place de tels services.

Mme Viviane Artigalas.  - La rénovation des trains de nuit est indispensable. Je continuerai d'attirer votre attention sur l'isolement des Hautes-Pyrénées.

Aménagement de la nationale 19

M. Laurent Lafon .  - Le contournement de Boissy-Saint-Léger par la RN19, dont les travaux sont lancés, constitue une étape importante mais ne doit pas faire perdre de vue l'objectif majeur du projet : l'aménagement de la RN19 jusqu'à la Francilienne.

L'année prochaine, nous fêterons le 25e anniversaire de l'inscription de la déviation au schéma directeur de la région Ile-de-France. Voilà plus de trente ans que l'association pour l'aménagement de la RN19 a été créée par les maires pour alerter l'État sur les risques que faisait peser l'absence d'opérations routières structurantes, au vu de la forte croissance démographique du territoire. Le temps leur a donné raison.

En mars 2018, la commission permanente de la région Île-de-France a débloqué 1,5 million d'euros de crédits pour financer les études préalables en vue de la saisine de la Commission nationale du débat public, conformément au contrat de plan État-région 2015-2020.

Quelle est la position de l'État sur ce dossier ? Va-t-il s'engager dans la poursuite du réaménagement et selon quel calendrier ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je suis consciente des attentes des usagers. Une première phase d'aménagement consistant en la déviation de Boissy-Saint-Léger est en cours de travaux. La réalisation de la tranchée couverte s'est achevée à l'été 2017. Les travaux du diffuseur Sud ont, quant à eux, démarré au printemps 2017 et l'achèvement de l'opération est prévu à la fin de l'année 2019. La mobilisation financière de l'Etat et de la Région 11e-de-France aura permis la bonne avancée du projet.

Le projet d'aménagement de la RN19 entre Villecresnes et la Francilienne constituera la seconde phase de l'aménagement de la RN19 en route express jusqu'à la RN104. Pour cette seconde phase de l'opération, 3 millions d'euros, à parité entre l'Etat et la région, ont été inscrits au CPER 2015-2020.

Une convention de financement pour 2015 à 2020 a été signée avec la région Île-de-France. Rassurez-vous, l'engagement de l'État est entier. Les services réalisent des études et le calendrier reste inchangé. La Commission nationale du débat public pourrait être saisie en 2020.

Voies réservées sur les axes autoroutiers

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Les conditions d'utilisation de la voie en site propre sur l'autoroute A10, en Essonne entre Villebon-sur-Yvette et la gare de Massy, sont définies par un arrêté préfectoral du 16 novembre 2017.

Cette voie dédiée aux bus vise à réduire et à fiabiliser le temps de parcours des usagers, en leur permettant de franchir la congestion la plus dure dans ce secteur. L'expérience quotidienne montre que cet objectif a été atteint.

En revanche, la voie est réservée aux seuls véhicules assurant les services de transport public régulier de personnes organisés par Île-de-France mobilités ou par les services du réseau des personnes à mobilité réduite. Les navettes privées mises en place par certaines sociétés, notamment Thalès air défense, fleuron de la technologie française, à Limours, dont j'ai été maire pendant dix-sept ans, n'étant pas considérées comme du transport public, elles ne sont malheureusement pas autorisées à utiliser cette voie pourtant disponible.

Autoriser la circulation de ces navettes sur cette voie dédiée de l'autoroute A10 entre Villebon-sur-Yvette et la gare de Massy serait une mesure d'efficacité et de bon sens qui ne coûterait pas un centime de plus à qui que ce soit et qui permettrait un gain de temps et d'organisation pour leurs utilisateurs.

Envisagez-vous d'ouvrir la circulation aux navettes privées sur l'A10 ? Plus largement, quelles mesures comptez-vous prendre pour encadrer et favoriser le développement de services de mobilité propres sur l'ensemble du territoire francilien ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - La voie réservée sur l'A10 aménagée en 2017 fait partie du programme prioritaire de voies dédiées sur les routes nationales franciliennes pour 2014-2020. D'un montant de 65 millions d'euros, ce programme vise à encourager l'utilisation des transports en commun en les rendant plus fiables et performants, et donc plus attractifs. Après la mise en service de voies réservées sur l'A1, l'A6a, l'A10 et l'A12, il se poursuivra avec la mise en service prochaine d'une voie réservée sur l'A3 et des études des voies réservées sur la RN104 et la RN118. La loi Mobilités développera plus avant ces solutions.

Quant à votre demande concernant les navettes privées, elle est actuellement en cours d'instruction. Je vous tiendrai informé des résultats auxquels nous serons parvenus avec le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Merci de votre intérêt pour ce sujet. Pour nous territoires périurbains, vous savez combien le développement économique et le transport sont étroitement liés.

Marnières du plateau de Caux

Mme Nelly Tocqueville .  - J'attire votre attention sur la problématique des cavités souterraines, plus communément appelées marnières, sujet particulièrement sensible en Seine-Maritime, dans le pays de Caux. Celles-ci sont le résultat de l'exploitation de la craie à des fins agricoles. Elles sont constituées d'un puits et d'une ou plusieurs galeries souterraines. Bien que ce genre d'exploitation n'existe plus, elles réapparaissent et provoquent des affaissements de terrain. Le plus souvent, ces marnières ne sont pas décelables a priori. De nombreux cas se déclarent chaque année. Des familles doivent abandonner leurs logements. Beaucoup de propriétaires se retrouvent dans une situation de grand désarroi. Le fonds Barnier peut parfois être mobilisé, ainsi que des aides départementales. L'un d'eux doit payer 100 000 euros, dont 20 000 euros de TVA. Cependant les subventions sont calculées sur le hors taxes et la TVA à 20 % reste à la charge du propriétaire.

Est-il possible, dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2019, d'envisager un taux nul ou du moins réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur ces dossiers qui sont peu nombreux mais qui impactent fortement les particuliers concernés ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - M. de Rugy, qui ne peut être présent ce matin, partage votre préoccupation. Le ministère est engagé sur le sujet depuis des années dans des actions ayant pour objectif d'améliorer la connaissance et de réduire le risque inhérent à l'existence de ces carrières souterraines. À ce titre, des guides et documents méthodologiques sur l'étude, la prévention et la gestion du risque associé aux cavités souterraines ont été élaborés, en lien avec les collectivités locales. En complément, le Bureau de recherches géologiques et minières réalise actuellement un inventaire des cavités souterraines abandonnées en Normandie orientale.

Sur le plan financier, collectivités territoriales et particuliers sont accompagnés par le fonds Barnier - 40 % à 50 % d'aide pour les collectivités territoriales, 30 % pour les particuliers si les travaux sont moins chers que l'expropriation.

Beaucoup de collectivités territoriales se mobilisent sur cet enjeu important pour la région. Malgré cela, le problème reste difficile à traiter et M. de Rugy prévoit de missionner le Conseil général de l'environnement et du développement durable pour qu'il améliore le dispositif, notamment sur le volet d'accompagnement financier.

Contrôle technique des véhicules associatifs assurant le transport sanitaire

Mme Catherine Procaccia .  - L'arrêté du 4 septembre 2017, entré en vigueur le 20 mai 2018, a introduit des nouveaux points de contrôle pour les véhicules de secours associatifs équipés d'avertisseurs sonores et lumineux, tels que ceux utilisés par la Croix-Rouge française dans le cadre de sa mission de premiers secours à la personne. Les modifications introduites par ce nouvel arrêté et leur application stricte par les opérateurs agréés pour le contrôle technique des véhicules légers amènent ces organismes à recevoir des avis défavorables pour différents types de véhicules associatifs, avec pour motif : « défaillance majeure ».

Sans intervention du Gouvernement, les équipements sonores et lumineux actuellement installés sur les véhicules de secours de la Croix-Rouge devront être retirés. Cela aura pour conséquence de restreindre l'usage et l'efficacité des secours : sans avertisseur, il leur sera impossible d'obtenir la priorité sur la voie publique lors d'interventions urgentes et ils y arriveront plus tard. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Rassurez-vous, les règles du contrôle technique établies le 20 mai 2018 sont compatibles avec les caractéristiques spécifiques des véhicules associatifs assurant les services d'urgence aux personnes. Les feux et avertisseurs doivent être mentionnés sur le certificat d'immatriculation du véhicule sous la mention d'une affectation au transport sanitaire ; dans ce cas, la présence de ces équipements spécifiques n'est pas sanctionnée lors du contrôle technique. Cette mention peut être ajoutée si nécessaire en présentant le véhicule en réception à titre isolé à la Dreal et en recourant à la téléprocédure de l'Agence nationale des titres sécurisés.

Mme Catherine Procaccia.  - Je transmettrai ces précisions à la Croix-Rouge et à la Protection civile auxquelles on refuse actuellement le contrôle technique, sans doute à cause du certificat d'immatriculation.

Situation des personnes en situation de handicap en Seine-Saint-Denis

Mme Éliane Assassi .  - Ma question porte sur la pénurie de places en instituts médico-pédagogiques du département de Seine-Saint-Denis et, plus généralement, sur la prise en charge largement insuffisante des enfants, adolescents et adultes en situation de handicap.

Selon la MDPH, il n'existe que 1 800 places dans les instituts médico-éducatifs (IME), médico-professionnels (Impro) et thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), pour les 3 400 enfants et adolescents orientés vers ces établissements. Les conséquences en sont la déscolarisation, une mauvaise orientation d'enfants et d'adolescents fragiles, le recours à des écoles privées hors contrat dont le coût ne peut être pris en charge que partiellement par l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).

Concernant les adultes, 450 sont placés en Belgique quand 165 jeunes adultes de plus de 20 ans sont maintenus dans les établissements pour enfants et adolescents au titre de l'« amendement Creton ». Selon le plan départemental Défi handicap, il manque 900 places dans les structures pour adultes. Les institutions de Seine-Saint-Denis sont confrontées à des impasses.

L'agence régionale de santé n'a pas pris la mesure de la gravité de la situation alors que l'Éducation nationale n'offre aucun débouché concret aux familles à part la déscolarisation.

Au nom des familles, nous appelons le Gouvernement à prendre des mesures d'urgence pour permettre aux établissements et services de Seine-Saint-Denis de répondre aux besoins.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je partage votre constat. Cette situation n'est pas acceptable. Ce constat n'est malheureusement pas nouveau, puisqu'il rejoint celui de la Cour des comptes en 2012 dans un rapport sur les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), regrettant l'insuffisance du rééquilibrage de l'offre médico-sociale entre les territoires. La CNSA n'a pourtant revu qu'en 2017 sa méthode de répartition des crédits pour renforcer l'équité territoriale.

Aussi, Sophie Cluzel a pris, dès sa nomination, la décision de renoncer à l'emploi de la « réserve ministérielle » pratiquée par tous les gouvernements précédents, dont la Cour des comptes avait critiqué la pratique opaque et noté qu'elle était un frein au rééquilibrage. L'intégralité des crédits nouveaux de 2018 a ainsi été répartie selon des critères pour mieux prendre en compte les besoins en Île-de-France.

D'ores et déjà bénéficiaire prioritaire de l'enveloppe de 180 millions d'euros de transformation de l'offre, cette région a disposé pour cette seule année d'une enveloppe de plus de 18 millions d'euros pour développer et transformer son offre, améliorer l'accompagnement des personnes autistes et prévenir les départs non souhaités vers la Belgique.

Les tensions sur l'offre francilienne sont fortes, en particulier en Seine-Saint-Denis.

L'ARS priorise ainsi ce département dans sa politique d'équipement et a lancé un plan de développement des réponses inclusives, mobilisant, outre ces crédits, les moyens juridiques plus souples qui lui ont été accordés de manière dérogatoire par le décret du 29 décembre 2017. Le premier appel à manifestation d'intérêt, lancé en juillet, a rencontré un vif succès : 305 dossiers de candidature ont été déposés. Les premières autorisations seront délivrées avant la fin d'année.

Les projets qui n'auraient pas pu être retenus dans cette première phase pourront l'être dans le cadre d'une seconde vague d'appel à manifestation d'intérêt, mais aussi des contrats pluriannuels d'objectifs que l'ARS doit engager tout au long de l'année 2019.

Cette politique ne pourra porter pleinement ses fruits qu'en étroite coopération avec les départements qui partagent la responsabilité de cette politique avec l'État, et un travail de concertation est déjà engagé.

Mme Éliane Assassi.  - Que de nombreux enfants et adultes soient privés de leurs droits fondamentaux est choquant dans un pays comme le nôtre. Ils ne sauraient attendre. Ils l'ont déjà trop fait. Le Gouvernement doit prendre la mesure de l'urgence pour le pays et notamment pour la Seine-Saint-Denis. C'est une question d'humanité.

Financement du plan Pauvreté par les départements

Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Édouard Courtial .  - Faire mieux avec moins, un principe devenu, année après année, au fil des baisses inédites des dotations de l'État depuis la précédente législature, plus qu'une ligne de conduite, un crédo et même une condition de survie pour de nombreuses collectivités. Et ce, malgré leurs efforts tous aussi inédits, pour certaines d'entre elles de réduction des dépenses de fonctionnement par respect de la parole donnée aux électeurs autant que des deniers publics, fruits du travail de nos compatriotes.

Mais depuis peu, il s'agit de faire mieux avec plus, non pas de moyens, mais de compétences et de dépenses supplémentaires non compensées par l'État. Le plan Pauvreté du Gouvernement en est un parfait exemple pour les conseils départementaux.

Car si le président de la République a annoncé une compensation de 8,5 milliards d'euros, elle est toujours en deçà de ce que l'État doit chaque année aux départements pour compenser des dépenses qu'ils effectuent pour lui et qui ne leur sont pas remboursées.

Je prendrai deux exemples concrets. Ainsi, le plan Pauvreté renforce l'accompagnement vers l'emploi, c'est-à-dire le RSA. Or, avant même cette annonce, l'État ne remboursait que 47 % du coût du RSA aux départements. Et vous leur demandez de dépenser toujours plus sur leurs budgets propres : ce n'est pas raisonnable.

Deuxième exemple : le plan Pauvreté étend l'aide sociale à l'enfance jusqu'à 21 ans. Certes, c'est le coeur de métier du département, mais la politique migratoire qui est menée depuis 2012, quant à elle, ne l'est pas et les choix gouvernementaux font littéralement exploser la demande d'accueil des mineurs étrangers isolés. Avant même cette annonce, les centres d'accueil étaient déjà saturés. Et vous demandez aux départements d'aller au-delà : là encore, cela n'est pas raisonnable.

Selon un principe général du droit, personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. C'est pourtant bien ce que fait l'État en se défaussant sur les conseils départementaux mais plus généralement sur les collectivités territoriales en leur demandant toujours plus d'efforts budgétaires qu'il ne s'applique pas à lui-même.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Vous avez raison : la stratégie doit être mise en oeuvre au plus près des territoires. L'État a pour mission d'organiser un pilotage par tous les acteurs, les associations comme les collectivités à l'échelon régional. Des animateurs seront désignés parmi eux pour faire avancer le travail collectif sur les différentes thématiques de la stratégie.

En ce qui concerne les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d'aide sociale, la stratégie prévoit une contractualisation ambitieuse avec ces derniers. Les travaux de contractualisation ont déjà été engagés avec les territoires démonstrateurs de la stratégie et elle sera déployée ensuite avec l'ensemble des départements avant la fin du premier semestre 2019.

La contractualisation est dotée de 135 millions de crédits dont 50 millions pour le fonds d'appui aux politiques d'insertion en 2019, et elle disposera d'au moins 210 millions en 2022.

Elle porte sur un socle de thématiques et d'actions dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance, de l'insertion, des droits fondamentaux des enfants et du travail social.

De plus, les départements pourront proposer des actions en lien avec les ambitions de la stratégie, par exemple en matière de prévention spécialisée ou de PMI, auxquelles l'État apportera son soutien financier.

Notre stratégie émane d'une large concertation de terrain et sa mise en oeuvre requiert une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l'ensemble des acteurs, à partir des territoires, car c'est bien sur le terrain que le combat doit être mené.

Mme Catherine Procaccia.  - En cette semaine du Congrès des maires, entendez le cri d'alarme des collectivités territoriales. Les personnes à prendre en charge sont de plus en plus nombreuses et la contractualisation ne permet pas de faire face à l'afflux des demandes.

Fin du numerus clausus et années intermédiaires

Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Bernard Bonne .  - Lors de la présentation du plan stratégique de transformation du système de santé, le président de la République a annoncé la fin du numerus clausus à partir de 2020 et du concours de la première année commune aux études de santé (Paces).

Plus personne ne défend en l'état ce dispositif qui visait, lors de son instauration, à limiter le nombre de médecins formés et les dépenses d'assurance-maladie, d'autant que cette première année est unanimement pointée comme un gâchis, dans la mesure où plus des trois quarts des quelque 60 000 inscrits en Paces échouent à l'issue de cet examen reposant largement sur les seules capacités de mémorisation des candidats.

Or, en annonçant la fin de ce système à compter de 2020, ce sont les actuels étudiants en Paces qui s'interrogent sur les conséquences de la suppression du numerus clausus, alors qu'ils seront les derniers à y être soumis.

Ces étudiants, en première année pour la première fois ou qui redoublent leur première année, et qui passeront le concours en 2019 s'estiment terriblement pénalisés par rapport à ceux qui entreront en première année en 2020.

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point précis ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Votre question me permet de répondre aux inquiétudes sur la suppression du numerus clausus.

Le président de la République a présenté, le 18 septembre, notre stratégie pour transformer en profondeur le système de santé. Dans le plan, « Ma santé 2022 », l'adaptation des formations aux enjeux de la santé de demain a été identifiée comme un axe prioritaire de travail avec l'annonce de la suppression du numerus clausus et la refonte des premiers cycles des études en santé. En effet, le numerus clausus ne permet plus d'assurer la couverture suffisante du besoin en professionnels de santé sur l'ensemble du territoire. Il conduit, de plus, à un véritable gâchis humain. Il représente aujourd'hui un obstacle à un déroulé des études d'enseignement supérieur fluide en ne prévoyant que des débouchés insuffisants vers l'offre de formation globale des universités.

Partant de ces constats, les principaux objectifs de la réforme, que nous conduisons avec la ministre en charge de l'enseignement supérieur, et qui sera concertée avec tous les acteurs, apporteront des réponses plus adaptées aux défis de notre système de santé. Il s'agira notamment de diversifier les profils des étudiants et de décloisonner les études en favorisant les passerelles et les enseignements communs entre plusieurs filières, de garantir le niveau de qualité de nos formations en santé et d'améliorer la qualité de vie des étudiants.

La suppression du numerus clausus tiendra compte du bilan des expérimentations alternatives à la Paces lancées en application de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013. Ce bilan permettra de prendre les décisions les plus adaptées à la gestion de la période transitoire mais il est aujourd'hui prématuré d'affirmer une position définitive. Nous veillerons, en tout cas, à ce que les étudiants qui passeront le concours en 2019 ne soient pas désavantagés par rapport à ceux qui entreront en première année d'études universitaires en 2020. Le Gouvernement sera très attentif à la conservation de la qualité de nos études qui ne pourra se traduire que par le maintien d'un système sélectionnant les candidats les plus aptes à exercer le métier exigeant mais passionnant de médecin.

Mme Catherine Procaccia.  - Je prends note de votre réponse. Nous partageons l'objectif de votre réforme, mais pour l'instant, rien n'est encore décidé. La période transitoire suppose une attention particulière. Ne vaudrait-il pas mieux augmenter cette année de 15 % ou 20 % le numerus clausus ? Il ne faudrait pas que 2019 soit une année noire pour la formation des médecins.

Avenir de la profession infirmière et santé des Français

M. Philippe Madrelle .  - Cette journée du 20 novembre est une journée de grève pour les infirmiers qui n'en peuvent plus du manque de considération que marque le Gouvernement à leur égard. Deux ans après la réforme de notre système de santé, les trois syndicats représentants 120 000 infirmiers libéraux ont quitté la table des négociations.

Les infirmières constituent le seul maillon assurant la continuité et la permanence des soins du domicile des patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Dans quel délai sera mise à jour la nomenclature générale des actes professionnels, afin que les infirmiers puissent répondre aux attentes des demandes des patients, comme la prise de tension, la pose de bas de contention ou l'administration de médicaments ? Les infirmiers doivent pouvoir travailler en toute sécurité. En outre, la prise en charge des suivis de pathologies lourdes est très largement sous-cotée. À titre d'exemple, pour un soin de stomie, qui dure de 20 à 30 minutes, le professionnel va percevoir pour l'acte 5,30 euros, la moitié de cette somme étant versée en charges sociales. Sur trois actes consécutifs, le premier est rémunéré à taux plein, le second à moitié prix, et les autres actes seront effectués gratuitement. L'infirmière devrait être rémunérée lorsque le patient l'appelle pour un incident. Le rôle de prévention et d'organisation des soins n'est jamais pris en compte alors que l'augmentation de la chirurgie ambulatoire accroît leur responsabilité de surveillance dans le suivi des patients.

À toutes ces inégalités, vient s'ajouter la non-revalorisation des indemnités forfaitaires de déplacement : 0,50 centimes en quinze ans !

Enfin, quelle est la compétence de vaccination accordée aux pharmaciens ? Surtaxés à outrance, ces professionnels de santé exercent leur mission avec compétence.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Comme vous, j'estime que la profession d'infirmier doit jouer un rôle central dans notre système de santé.

Le Gouvernement entend s'appuyer sur l'engagement et les compétences des infirmières pour relever les défis qui nous attendent en ce qui concerne notamment l'accès aux soins et la prise en charge des maladies chroniques. La reconnaissance de la pratique avancée pour la profession par le décret du 18 juillet 2018 marque une avancée importante. Les infirmières auront des compétences élargies et la responsabilité du suivi régulier des patients pour leurs pathologies et elles pourront prescrire des examens complémentaires, demander des actes de suivi et de prévention ou encore renouveler ou adapter certaines prescriptions médicales.

Cette nouvelle pratique et ces nouvelles compétences fondées sur une formation universitaire, bénéficieront d'une reconnaissance en termes de statut et de rémunération, aussi bien dans le cadre de la fonction publique hospitalière qu'au sein des équipes de soins primaires.

Nous souhaitons que cette nouvelle pratique se développe rapidement sur l'ensemble du territoire au bénéfice des patients. Nous sommes également sensibles à la juste reconnaissance de l'activité des infirmières libérales et à l'évolution de leur rémunération.

Ce sont les partenaires conventionnels c'est-à-dire les syndicats représentatifs de la profession et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) qui déterminent l'inscription des actes à la nomenclature ainsi que leurs tarifs. À ce titre, l'avenant 5 à la convention des infirmières libérales signé le 21 novembre 2017 a d'ores et déjà pris en compte les contraintes liées à l'activité des infirmières libérales en revalorisant notamment la majoration du dimanche et des jours fériés à compter du 1er août 2018. Les négociations doivent reprendre en décembre avec l'assurance maladie.

Nous souhaitons que cette négociation permette de valoriser le rôle des infirmières dans le système de santé et accompagne les pratiques pour une réponse aux besoins de soins de nos concitoyens : prise en charge des maladies chroniques, maintien à domicile des personnes âgées, prévention et éducation à la santé par exemple. Je fais pleinement confiance aux partenaires conventionnels pour parvenir à un accord.

Concernant la prise en charge vaccinale des pharmaciens, une étude va être menée pour mieux connaître la réalité du terrain.

Situation des kinésithérapeutes

Mme Annie Guillemot .  - Le 5 juillet, plus de 2 000 masseurs-kinésithérapeutes se sont rassemblés au ministère de la santé pour exprimer leurs vives inquiétudes et réclamer une meilleure reconnaissance de leur métier.

Ces professionnels de santé revendiquent la reconnaissance de leur formation au grade international de master à hauteur de leurs 300 crédits européens compte tenu de leur niveau bac+5. Ils dénoncent l'inégalité des différentes professions de santé au regard des droits liés au congé maternité. En effet, depuis octobre 2017, les femmes médecins libérales conventionnées et éligibles au congé maternité peuvent percevoir de 2 066 à 3 100 euros mensuels, pendant trois mois auxquels s'ajoute une aide forfaitaire d'environ 3 300 euros. Les masseurs-kinésithérapeutes, comme les autres professionnels paramédicaux, ne bénéficient pas de ce traitement et une pétition réclamant l'« égalité de l'aide financière pour toutes les femmes libérales en congé maternité » a rassemblé plus de 55 000 signataires.

Lors de l'examen du PLFSS, j'ai déposé un amendement à l'article 47 prévoyant une extension du dispositif à tous les professionnels de santé mais il a été frappé par l'article 40.

Aussi, face à ces inquiétudes et à ce légitime besoin de reconnaissance, d'équité et de justice, quelles réponses comptez-vous donner à ces revendications et selon quel échéancier ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La profession de chiropracteur, reconnue depuis mars 2002, n'est pas concurrente de celle de masseur-kinésithérapeute. Ses missions et conditions d'exercice diffèrent en de nombreux points. Il ne s'agit pas d'une profession de santé, reconnue au titre du code de la santé publique, et les actes délivrés ne sont pas pris en charge par l'assurance-maladie. L'arrêté du 13 février 2018 vise à encadrer un usage professionnel déjà existant et consolide sur le plan réglementaire l'exercice et la formation des chiropracteurs.

Au regard de la tarification, les actes des masseurs-kinésithérapeutes sont pris en charge par la sécurité sociale. Ceux des chiropracteurs peuvent être remboursés par les organismes complémentaires.

Quant au supplément du congé maternité, il a été mis en place pour renforcer l'attractivité de la profession pour les jeunes médecins. Les masseurs kinésithérapeutes conventionnés bénéficient déjà d'avantages importants dont une allocation forfaitaire de 3 311 euros et d'indemnités journalières forfaitaires de 54,43 euros. L'avenant 5 à la convention médicale prévoit des revalorisations substantielles entre 2018 et 2022. Les pouvoirs publics sont attentifs à cette profession importante.

Mme Annie Guillemot.  - Ma question portait sur les congés maternité : l'article 47 du PLFSS pour 2019 aligne les droits au congé maternité aux travailleuses indépendantes et aux exploitantes agricoles mais pas aux professionnels de santé conventionnés. S'absenter pendant trois mois représente un manque à gagner de 10 000 à 12 000 euros. Tout cela manque d'équité pour les praticiennes libérales.

Revalorisation du métier d'infirmier et « plan Santé 2022 »

Mme Nathalie Delattre .  - Aujourd'hui à 14 heures, tous les syndicats de la profession d'infirmier se mobiliseront pour faire entendre leur mécontentement suite aux annonces du président de la République.

Le plan Santé 2022 repose sur une vision médico-centrée de l'offre de soins. Les 660 000 infirmiers répartis sur l'ensemble de notre territoire n'ont obtenu ni la revalorisation espérée de leur métier, ni celle de leurs compétences et encore moins de leur tarification.

Comment expliquer que 4 000 nouveaux postes d'assistants médicaux seront créés aux frais des collectivités, alors que le plan Santé 2022 ne prévoit aucune réactualisation du décret d'actes et d'exercice de la profession d'infirmier datant de 2002 ?

Si l'ensemble de la profession se mobilise c'est parce qu'aucune spécialisation n'a obtenu gain de cause. Que dire des infirmiers libéraux ? Les indemnités forfaitaires de déplacement n'ont été revalorisées que de 50 centimes d'euros en quinze ans. Une hausse dérisoire face à l'augmentation du prix de l'essence.

Il y a bel et bien un décalage entre l'exercice, sur le terrain, au quotidien, du métier d'infirmier et la nomenclature générale des actes professionnels, qui ne recense toujours pas un grand nombre d'entre eux. contrario, quand ils sont pris en compte, le troisième acte médical dispensé est gratuit, aussi le travail de vaccination antigrippale, plan dont vous vous enorgueillissez, reste le plus souvent non rémunéré pour nos infirmiers.

Pourtant, face à l'augmentation du nombre de maladies chroniques et au vieillissement croissant de la population, les infirmiers répondent présents ; ils sont les premiers acteurs de terrain, de jour comme de nuit. En se déplaçant à domicile, les infirmiers libéraux participent notamment au désengorgement des services d'urgence. Ils sont d'ailleurs souvent les derniers dans les déserts médicaux.

Le Gouvernement va-t-il répondre aux attentes de nos infirmiers et, au-delà, à celle des Français qui sont très attachés à ces femmes et à ces hommes ? Allez-vous adapter votre plan Santé 2022 aux réalités du terrain ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Votre question me permet de répondre à la déception exprimée par les infirmières après la présentation par le président de la République le 18 septembre du plan « Ma Santé 2022 ».

Vous évoquez leurs revendications concernant la revalorisation de l'ensemble de la profession infirmière en termes de métier et de tarification conventionnelle ainsi que l'absence d'actualisation du décret d'actes et de compétences depuis 2002.

Nous regrettons ces prises de position alors que la profession d'infirmière a récemment bénéficié d'avancées notables grâce au développement de protocoles de coopération et notamment dans le secteur ambulatoire, avec le dispositif Action de santé libérale en équipe (Asalée). En outre, le Gouvernement a reconnu le cadre d'infirmier en pratique avancée, dont le cadre juridique a été fixé par les décrets du 18 juillet 2018.

Les premières infirmières en pratique avancée diplômées par les universités accréditées en octobre dernier mettront leurs compétences élargies au service des usagers du système de santé dès septembre 2019.

Au-delà des premiers domaines d'intervention ouverts à la pratique avancée, d'autres champs, tel celui de la psychiatrie, vont faire l'objet de prochains travaux. Encore plus récemment, le décret et l'arrêté du 25 septembre 2018 ont permis aux infirmières d'élargir leurs compétences en matière de vaccination antigrippale.

Enfin, le processus d'universitarisation se poursuit en lien étroit avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Par ailleurs, vous estimez que la réforme du système de santé engagée pérennise une vision médico-centrée de l'offre de soins. Tel n'est pas le cas. Différentes mesures annoncées par la ministre des solidarités et de la santé concernent l'exercice pluri-professionnel et encouragent une organisation en structure regroupée ou au sein d'une communauté professionnelle territoriale de santé.

Notre objectif est clair : l'exercice isolé doit devenir une exception. Ces orientations donnent aux infirmières toute leur place, notamment quand elles exercent dans le secteur libéral. Cette profession est un des acteurs majeurs de la prise en charge préventive et éducative et nous avons bien conscience de leur rouage essentiel dans le système de santé.

Mme Nathalie Delattre.  - Si les avancées que vous mentionnez satisfaisaient les infirmiers, ils ne seraient pas dans la rue, dans 17 régions de France. Sortez de votre bulle et allez à leur rencontre : ils ont besoin d'être écoutés et entendus.

La séance est suspendue quelques instants.

Appellation camembert de Normandie

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Certains symboles contribuent au rayonnement d'un territoire. Le camembert est sûrement, avec le Neufchâtel, le Livarot et le Pont-l'Evêque, l'élément le plus emblématique de la gastronomie normande, de nos traditions et des savoir-faire de nos artisans fromagers et de ceux de nos producteurs. Inimitable, et à ce titre soumis à une Appellation d'origine protégée (AOP) depuis 1983, le véritable camembert de Normandie est composé de lait cru et moulé à la louche.

En tant que sénatrice de la Seine-Maritime et élue normande, j'ai été très surprise d'apprendre qu'il était question de modifier les critères de cet AOP en introduisant un nouveau procédé de fabrication : la pasteurisation. L'introduction d'une telle méthode reviendrait à revoir à la baisse le cahier des charges de notre AOP, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de qualité du produit fini.

Avoir recours à la pasteurisation entraînerait par ailleurs un bouleversement dans la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne de production. En effet, en substituant la pasteurisation au moulage à la louche, le risque est grand de créer une distorsion de concurrence au sein de la filière. Et pour cause : favoriser un procédé de fabrication moins cher et standardisé revient à tirer à la baisse la rémunération des petits producteurs, les futurs camemberts AOP pasteurisés étant vendus à moindre prix dans la grande distribution. Déjà, le niveau moyen de valorisation du lait AOP ne s'élève qu'à 50 % en Normandie.

À terme, seuls les consommateurs les plus aisés pourront se permettre d'acheter un véritable camembert AOP produit par un réseau spécialisé haut de gamme.

Il faut prendre garde à ne pas reproduire les erreurs de filières voisines qui, en introduisant la pasteurisation dans leur processus de production, ont contribué à la disparition d'un grand nombre de producteurs. Il serait regrettable de corrompre une recette qui perdure de génération en génération depuis la Révolution française au profit d'intérêts financiers. Les multinationales qui appellent à l'industrialisation et à la standardisation le font pour exercer une domination plus grande encore sur nos producteurs et réduire les coûts par des suppressions d'emplois. Or la démarche de I'AOP est tout autre et doit favoriser une concurrence saine et garantir un certain niveau d'exigence. Les critères de l'appellation nous permettent de préserver notre produit dans sa noblesse sans pour autant nuire à la croissance de la filière.

Je vous demande donc, madame, de maintenir I'AOP camembert de Normandie dans sa formule actuelle.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Didier Guillaume est à Bruxelles pour le Conseil agriculture de l'Union européenne. Je vous prie de l'excuser.

Le 21 février, tous les acteurs de la filière du Camembert de Normandie AOP et du Camembert « fabriqué en Normandie » ont conclu un accord, après des années de discussions et de travaux. Cet accord vise à terme la disparition de la mention « fabriqué en Normandie », qui créait de la confusion chez les consommateurs. Il ne s'agit pas d'abaisser les exigences du cahier des charges actuel. Bien au contraire, cet accord vise à accompagner la montée en gamme et l'évolution des pratiques de tous les opérateurs actuels et futurs de l'AOP. II s'agira notamment d'augmenter la part des vaches normandes dans les troupeaux, de renforcer la place du pâturage et de l'herbe dans l'alimentation des animaux ou encore d'introduire des dispositions relatives au bien-être animal.

Ces pratiques pourront être différenciées grâce à deux gammes distinctes de Camembert de Normandie. Cette segmentation permettra aux opérateurs de faire le choix de produire l'une ou l'autre et aux consommateurs d'éviter la confusion entre elles.

Le Gouvernement va s'attacher à suivre très précisément et régulièrement les travaux relatifs à l'évolution du cahier des charges de l'AOP. Il sera particulièrement vigilant à ce que les termes de l'accord soient respectés et que les travaux aboutissent bien à une montée en gamme pour l'ensemble de la filière.

Mise en place du service national universel pour les jeunes Français établis hors de France

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - Les jeunes Français établis hors de France sont une ressource formidable de talents et de connaissances. Ils sont cultivés, ouverts d'esprit, entrepreneurs. Ils façonnent au jour le jour l'image de la France. Plus de 620 000 jeunes Français de moins de 25 ans vivent à l'étranger : c'est plus que le nombre d'habitants de la Vendée ou du Gard. Dans certaines zones, plus de 70 % de Français possèdent la double nationalité. C'est une richesse : deux langues, deux cultures, deux pays. Mais le lien fort qui permet de dire « je suis Français » est parfois mis à mal, car c'est le rôle de l'école française de le maintenir. C'est aussi celui du service national universel (SNU) qui est en préparation et qui a pour objet de renforcer chez les jeunes le sentiment d'appartenance à la France. Or les jeunes Français de l'étranger n'ont pas été consultés lors de la concertation en ligne, le mois dernier. L'annonce, il y a quelques semaines, de la suppression des journées « défense et citoyenneté » est d'autant plus inquiétante.

Qu'avez-vous prévu pour renforcer le lien de ces jeunes avec la France dans le cadre du futur service national universel ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Votre question entre en résonance avec les travaux que nous menons actuellement à l'échelle interministérielle autour de la mise en oeuvre du SNU qui recouvre plusieurs enjeux essentiels : favoriser la participation et l'engagement de chaque jeune dans la vie de la Nation, valoriser la citoyenneté et le sentiment d'appartenance à la communauté nationale rassemblée autour de ses valeurs, de renforcer la cohésion sociale et de dynamiser le creuset républicain.

L'universalité de ce dispositif, que vous interrogez en soulevant la question de la participation des jeunes Français de l'étranger, sera en effet un important défi auquel nous consacrerons toute notre énergie. Nos réflexions s'appuient actuellement sur les pratiques qui avaient cours au temps du service national. Avant la suspension de ce dernier, l'appel au service national actif était différé pour les jeunes Français qui résidaient jusqu'à l'âge de 29 ans dans un pays étranger, sauf dans certains territoires européens. Si ces jeunes revenaient habiter sur le territoire national avant d'avoir atteint 29 ans, ils étaient appelés au service national actif dans les quatre mois qui suivaient la date de leur changement de résidence. Dans le cas contraire, ils étaient dispensés.

Depuis la mise en place de la JDC, chaque poste diplomatique ou consulaire adresse aux administrés âgés de 16 à 25 ans qui ont été recensés une convocation écrite leur indiquant la date de la session à laquelle ils doivent participer. L'attaché de défense participe aux JDC sous l'autorité du chef de poste diplomatique ou consulaire.

Les Français établis hors de France qui n'ont pu participer à une session de la JDC, sont tenus, dès lors qu'ils viennent résider habituellement sur le territoire national avant l'âge de 25 ans, de participer à une JDC.

Différentes options sont actuellement à l'étude pour la mise en oeuvre du SNU. L'identification préalable de ces jeunes et les conditions d'accueil (hébergement, sécurité des sites, accessibilité des sites) dans lesquelles ils pourraient effectuer ce service hors de France posent en effet de nombreuses questions pratiques que nous analysons phase par phase.

Cela n'est pas arrêté définitivement pour le moment mais, tout comme au temps du service militaire et comme cela se fait aujourd'hui pour la JDC, les jeunes expatriés pourraient ainsi être dispensés d'effectuer le SNU tant qu'ils résident à l'étranger.

Nous devons ainsi prendre en considération le contexte particulier de chacun des territoires concernés, l'absence d'infrastructures, le caractère très dispersé des communautés françaises, les problèmes de sécurité dans certains pays, l'absence de personnel d'encadrement, le caractère non francophone de certains jeunes et, bien sûr, le cas particulier des jeunes binationaux. Les travaux ne sont pas encore aboutis. Le président de la République fera les annonces voulues et nous mènerons une première expérimentation en 2019. Nous étudions cependant, en lien étroit avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, l'ensemble des options envisageables avant d'arrêter une option définitive.

Fusion des rectorats de Nice et d'Aix-Marseille

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - J'attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la réorganisation des académies et la suppression éventuelle de celle de Nice.

En juillet 2018, vous avez annoncé vouloir une académie par région. Pourtant, lors de votre venue à Nice, au début de l'année, vous penchiez en faveur d'un rapprochement des services, non pas pour la fusion des académies de Nice et d'Aix-Marseille en un seul monobloc.

Si la décision de fusion devait être définitivement prise, les professeurs, les proviseurs et le personnel des établissements actuellement sous la responsabilité du rectorat de Nice perdraient inévitablement en proximité pour la mise en oeuvre des politiques éducatives. Un rectorat unique redéfinirait aussi les modalités du passage du bac et du brevet. Et, si certains postes doivent être transférés à plusieurs centaines kilomètres de distance, ce sont des familles qui seront affectées par cet éloignement.

En outre, si le rapport Weil préconise un rectorat unique par nouvelle région, les effectifs des deux rectorats Aix-Marseille et Nice additionnés donnent un ensemble proche d'une académie francilienne mais dans le cadre d'un territoire.

La justification avancée par les services administratifs est l'application du cadre régional fixé par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral avec la création de 17 régions. Or la région Sud n'a pas été redécoupée géographiquement dans le cadre de cette loi compte tenu d'une superficie et d'une organisation territoriale adaptées.

Comptez-vous fusionner les rectorats de Nice et d'Aix-Marseille et si oui selon quel calendrier ? Qu'allez-vous changer dans la gouvernance éducative de la région Sud, particulièrement dans l'organisation de ces deux académies ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Tout le monde reconnaît que la réforme des régions de 2015 a entrainé certaines ambiguïtés dont il faut sortir. Les centres des académies et des régions ne correspondent pas, ce qui est problématique, même si je reconnais qu'il y avait déjà avant deux académies pour une seule région.

Nous nous appuyons sur les conclusions de la mission conduite par François Weil, conseiller d'État. Au 1er janvier 2020, il y aura 13 académies dans 13 régions métropolitaines, et au besoin, dans les plus vastes, un adjoint pour le recteur. Il s'agit de rééquilibrer certains aspects de la réforme de 2015, afin que les territoires sortent gagnants de cette réforme.

On peut distinguer, si besoin, rectorat d'académie et chancellerie d'université avec des sièges dans des villes différentes. Après une large concertation avec les élus et les services académiques, nous disposerons d'une feuille de route dès la fin de cette année. Les arbitrages seront annoncés par Frédérique Vidal et moi-même début 2019. L'enjeu est la gestion au plus près du terrain, avec une vision stratégique à l'échelle de la région et des compétences renforcées à l'échelle du département, pour prendre des décisions pragmatiques au quotidien, dans la lignée du discours du président de la République au Congrès de Versailles de juillet dernier.

Une expérimentation de gestion des ressources humaines de proximité est conduite. Cela va dans le sens que vous souhaitez, celui d'une vision départementale de proximité.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - La perte de proximité ne doit pas se traduire par une rupture du service public. Il importe en particulier de rassurer les personnes concernées sur les suppressions de postes et les mobilités contraintes.

Financement des accompagnants d'enfants handicapés sur les temps périscolaires

Mme Françoise Gatel .  - J'attire votre attention sur le financement des accompagnants d'enfants handicapés scolarisés.

L'accueil à l'école des enfants handicapés progresse de manière significative. Les communes se sont pleinement engagées pour favoriser cette intégration en milieu ordinaire.

Le Conseil d'État a estimé que les auxiliaires de vie scolaire et les accompagnants d'élèves en situation de handicap relèvent de l'éducation nationale lorsqu'ils interviennent en temps scolaires mais également périscolaires.

Toutefois, une note du ministère du 5 janvier 2018 a annoncé que leur financement devait être supporté par les communes, sans doute en lien avec la décision du tribunal administratif de Pau d'octobre 2017 estimant que la prise en charge financière de l'accompagnement incombait à la commune lorsque l'activité périscolaire ne pouvait être regardée « comme tendant à l'inclusion scolaire ».

Le plus souvent, les équipes qui répartissent les heures de travail des accompagnants les consacrent au temps scolaire. Les collectivités locales sont alors contraintes de financer les accompagnants en temps périscolaire.

L'accueil des enfants handicapés à l'école est un enjeu de société qui ne peut dépendre de la capacité financière éventuelle des communes.

Il appartient à l'État, responsable de l'équité territoriale et de l'égalité des chances, porteur d'un projet ambitieux d'intégration, d'assurer la prise en charge financière d'un service indispensable à l'intégration des enfants handicapés à qui on ne saurait dire qu'ils peuvent être accueillis à l'école mais pas à la cantine.

En tiendrez-vous compte dans la réflexion que le Gouvernement a lancée en octobre 2018 pour rénover la scolarisation des élèves handicapés ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - L'accueil des enfants en situation de handicap est un enjeu de société, au coeur de nos priorités. L'école inclusive doit être une réalité. Le ministère de l'Éducation nationale y consacre 2,9 milliards en 2019, après 2,3 milliards en 2018 et 340 000 élèves handicapés sont accueillis cette année à l'école, accompagnés de 43 041 AESH, ce qui dépasse, pour la première fois, le nombre d'emplois aidés, de 29 000.

L'aspect juridique de l'accompagnement des élèves handicapés est complexe. Quand l'accompagnant aide aussi l'enfant sur le temps périscolaire, il est mis à disposition par l'État à la commune, via une convention, qui doit le rémunérer ; d'où des contentieux qui ont reçu des réponses divergentes de la part des juridictions administratives du fond ; la décision du Conseil d'État à laquelle vous faites référence, prise dans le cadre d'un référé, ne fait pas jurisprudence.

Mes services ont formé deux pourvois en cassation afin que le Conseil d'État clarifie les responsabilités de chacun. Au-delà de ces questions juridiques, nous avons, avec Mme Cluzel, lancé une concertation, dans le cadre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) pour rendre la profession plus attractive et assurer une meilleure continuité entre temps scolaire et périscolaire.

Mme Françoise Gatel.  - Le temps le plus important est celui de la cantine. Je connais la complexité juridique de la question, mais il est vraiment nécessaire que les enfants handicapés aient les mêmes accompagnants à la cantine qu'à l'école.

Remboursez aux communes le temps de la cantine : c'est peu au regard de l'enjeu.

Le sport au baccalauréat

M. Michel Savin .  - L'Éducation physique et sportive (EPS) ne sera plus une option choisie dans le programme du futur baccalauréat mis en place en 2021.

Dans un entretien paru le 30 septembre 2018 dans le Journal du dimanche, vous avez indiqué que « le latin et le grec seront les deux seules options qui rapporteront des points bonus dans le nouveau baccalauréat ». Ce n'est pas prévu pour les arts.

Or les langues vivantes et étrangères, les arts et le sport étaient des matières optionnelles permettant d'obtenir des points bonus pour le baccalauréat.

Sachant que la France accueillera en 2024 les Jeux olympiques et paralympiques, le Gouvernement a l'ambition de renforcer la pratique sportive et l'Éducation nationale a mis en place un programme d'appui aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 avec une labellisation « génération 2024 ». Dans le même temps, l'Olympiade culturelle permettra de renforcer l'accès à la culture pour l'ensemble des Français.

Alors qu'un plan est lancé pour renforcer l'attractivité de la pratique sportive, pourquoi supprimer le sport mais également les arts, des options rapportant des points bonus au baccalauréat à partir de 2021 ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je n'oppose pas les langues anciennes à l'EPS, essentielle au bien-être des jeunes et au respect d'autrui. Au demeurant, les Jeux olympiques ne sont pas sans lien avec l'Antiquité...

Il y a deux heures d'EPS obligatoires de la seconde à la terminale, puis trois heures en option, soit beaucoup plus que latin et grec. L'enseignement optionnel d'EPS permet à tous les élèves du lycée général et technologique d'approfondir leur pratique sportive dans un objectif de formation ou de santé.

Les sections sportives scolaires, maintenues dans le cadre de la réforme du lycée, valorisent un haut niveau de pratique sportive.

Les programmes seront révisés : après les préconisations du Conseil supérieur des programmes, rendues en octobre, les textes réglementaires concernant les nouveaux programmes seront publiés au premier trimestre 2019. De plus, une action volontariste de promotion des pratiques sportives a été engagée. En outre, le nombre d'heures de sport dans la scolarité est bien supérieur à celui des langues et cultures anciennes. Il est indispensable que ces langues et cultures aient un poids particulier dans le nouveau bac ; c'est un signal que nous assumons, pour le renouveau du latin et du grec en France. Le sport et les arts font l'objet d'autres mesures d'encouragement. En outre, le bulletin pèsera pour 10 % de la note finale et le sport fait l'objet d'un contrôle continu.

M. Michel Savin.  - Je prends acte de l'effort d'inclusion de l'initiation au sport dans les programmes. Mais le sport reste maltraité au plan budgétaire et éducatif. Il est regrettable qu'il ne soit pas mieux reconnu au niveau du bac.

Diffusion des compétitions sportives féminines

Mme Dominique Vérien .  - La question est posée au ministre de la Culture mais je ne doute pas qu'elle éveillera l'intérêt de M. Blanquer.

La réforme de l'audiovisuel public prévoit l'arrêt de la chaîne France 4 sur la télévision numérique terrestre (TNT) pour la basculer exclusivement en format numérique, ce qui privera 50 % du territoire national qui n'a pas accès à un débit internet suffisant pour une telle diffusion. La chaîne qui diffuse le plus grand nombre de compétitions sportives féminines sur le service public va ainsi disparaître.

Or la représentation du sport féminin dans les médias est un enjeu majeur qui touche à la place des femmes dans notre société, à la pratique d'une activité sportive par la population ou encore à l'économie du monde sportif.

La part d'antenne des compétitions sportives féminines est passée de 7 % des diffusions sportives en 2012 à près de 20 % en 2017, grâce à l'audiovisuel public mais également grâce à l'implication des chaînes privées comme W9, D8 ou encore TMC qui ont perçu le potentiel financier et l'importante rentabilité de ces programmes. De plus, des événements sportifs comme la finale de la Coupe du monde féminine ont été de grands succès : quatre des dix plus grosses audiences de la TNT sont des retransmissions de compétitions sportives féminines.

Le nombre de femmes licenciées dans une fédération sportive est en nette augmentation, marquant à la fois la réussite et aussi la nécessité de poursuivre ce développement.

L'arrêt de la chaîne France 4, principal canal de diffusion du sport féminin de l'audiovisuel public, ne doit pas mettre en danger ou freiner cette dynamique. Bien au contraire ! Profitons-en pour diffuser le sport féminin sur des chaînes principales comme France 2 ou France 3.

Dans le cas contraire, l'arrêt de France 4 sur la TNT affecterait les parts de diffusion et laisserait intégralement aux chaînes privées ce filon économique et la promotion du sport féminin, alors qu'une bonne médiatisation des compétitions féminines permettrait de sortir d'une spirale infernale de faibles investissements par manque de diffusion.

L'approche de la prochaine Coupe du monde féminine de football en juin 2019, organisée en France, pourrait être l'occasion de diffuser sur une chaîne principale du service public une compétition entièrement féminine.

Quel est votre engagement à cet égard ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - En effet, la question m'intéresse tout particulièrement. Je réponds à la place de Franck Riester, en déplacement officiel à Bruxelles.

L'exposition du sport dans toute sa diversité est au coeur de la mission de service public de France Télévisions. Le Gouvernement se félicite que le CSA ait souligné, dans son avis sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2017 de la pluralité des disciplines sportives dans les diffusions de service public.

Le sport féminin trouve sa place sur toutes les antennes de service public. Nous encourageons la diffusion de ce sport tout en respectant la liberté de programmation. Les acteurs privés se sont intéressés au sport féminin puisque les droits de la Coupe du monde de foot féminin 2019 ont été acquis par TF1 et Canal +.

Le sport n'est pas uniquement diffusé sur France 4. Ainsi 10 des 14 premières parties de soirée consacrées à la Coupe du monde ont été diffusées sur France 2 et France 3.

Toutefois, la transformation de l'audiovisuel public a pour but d'enrichir l'offre numérique. Par conséquent, en 2020, certains programmes basculeront du hertzien au numérique. Nous ferons en sorte que cela ne se traduise pas par une dégradation de l'exposition du sport féminin, bien au contraire.

Commission (Nomination)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Questions orales (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons notre ordre du jour.

Assujettissement des hippodromes à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Les surfaces de piste des hippodromes sont considérées comme des propriétés bâties, ce qui est incohérent d'autant que la taxe foncière acquittée par les sociétés de courses à partir de cette année, au titre de leurs infrastructures, dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, connaîtra une très forte augmentation.

La situation financière des sociétés de courses, qui représentent des milliers d'emplois, est fragilisée après plusieurs années de baisse des enjeux liée notamment à la concurrence des paris sportifs : pour plusieurs d'entre elles, la hausse de taxe foncière annoncée à moyen terme n'est pas supportable.

Les services fiscaux semblent avoir révisé leur interprétation dans un sens plus compréhensif. Il faudrait considérer toutes les surfaces non couvertes comme du foncier non bâti et classer les espaces dédiés au public, vestiaires, hangars, ateliers et boxes, en « Autres surfaces ». Allez-vous le faire ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - En application de l'article 1381 du CGI, les hippodromes sont imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties lorsqu'ils sont à usage commercial.

Vous proposez d'élargir l'exception pour les terrains de golf, lorsque l'aménagement de ces terrains ne nécessite pas la construction d'ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions, aux hippodromes. Cela ne semble pas justifié et susciterait des demandes similaires de la part d'autres activités, sans compter que cela aurait des conséquences financières importantes pour les collectivités territoriales.

Enfin, des mécanismes atténuateurs ont été prévus. Cependant, mes services s'assurent de la correcte évaluation de l'imposition des bâtiments concernés, en lien avec les professionnels du secteur.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le secteur du cheval n'est pas comparable en termes d'emplois à celui du golf. Une subtilité possible serait de faire passer les hippodromes de la catégorie 1 à la catégorie 2.

Projet d'intérêt général Metaleurop Nord et taxe foncière

Mme Sabine Van Heghe .  - J'attire votre attention sur l'abattement de 50 % de la taxe foncière pour les propriétaires situés à l'intérieur du périmètre du projet d'intérêt général (PIG) Metaleurop Nord. En effet, celle-ci, bâtie en 1893, a, jusqu'à sa fermeture en 2003, rejeté dans l'air quantité de polluants, notamment du plomb et du cadmium, de manière irréversible. En 1999, un périmètre dit PIG a été défini afin de délimiter les terres polluées autour de l'usine à Courcelles-lès-Lens, Evin-Malmaison et Noyelles-Godault. Les habitants concernés par ce périmètre ne peuvent pas construire comme ils veulent ou cultiver leurs terres, d'où un réel préjudice comme une moins-value de leur habitation. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté, en décembre 2016 dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016, une disposition permettant un abattement de 50 % de la taxe foncière pour tous les propriétaires touchés dans le périmètre précité avec l'engagement que l'État le compenserait intégralement.

Les élus des communes touchées et de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin ont voté cet abattement pour qu'il puisse être applicable en 2018 mais la compensation de l'État n'est pas venue... Ce flou suscite de vives inquiétudes quant à l'équilibre du budget des communes concernées. L'engagement pris par l'État doit être respecté afin d'éviter aux villes concernées des difficultés financières supplémentaires. Il faut que cessent les tergiversations.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La disposition à laquelle vous faites référence compense la perte de recettes pour les collectivités territoriales, créée par un amendement parlementaire n°517 dans la loi de finances rectificative 2016, déposé par le député Philippe Kemel.

Il n'est pas juridiquement possible de prévoir une compensation individuelle pour la communauté d'agglomération Hénin-Carvin, les communes de Courcelles-les-Lens, de Dourges, d'Evin-Malmaison, de Leforest et de Noyelles-Godault. En effet, la détermination du montant des prélèvements sur les recettes de l'État, au profit des collectivités territoriales relève du domaine de la loi de finances. Le législateur n'a jamais majoré la DGF. D'où l'impossibilité d'appliquer la compensation.

Mme Sabine Van Heghe.  - Voilà une subtilité que les collectivités territoriales concernées apprécieront. Une réponse adaptée serait bienvenue en cette époque de Congrès des maires.

Fin des téléphones fixes

M. Daniel Gremillet .  - L'opérateur téléphonique Orange a annoncé l'arrêt de la commercialisation des téléphones fixes à compter du 15 novembre 2018. Je souhaite m'assurer du maintien d'un service téléphonique de qualité.

Une majorité des sociétés françaises dépendent encore du réseau téléphonique commuté (RTC) pour au moins une partie de leurs installations téléphoniques. Qu'il s'agisse des ascenseurs, des terminaux de paiement, des systèmes d'alarme ou du fax, les secteurs concernés vont devoir revoir leur fonctionnement.

Les nouveaux dispositifs seront hors service en cas de panne électrique. En outre, 7,5 millions de Français n'ont pas d'internet de qualité. L'État est garant d'un service téléphonique de qualité à un prix raisonnable.

La mutation se fera-t-elle dans de bonnes conditions ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - L'arrêt des lignes fixes en RTC, annoncé le 15 novembre, constitue une étape essentielle pour la modernisation de nos infrastructures de télécommunications.

Entre 2022 et 2024, le service RTC sera arrêté par plaques, annoncées cinq ans à l'avance. Il s'agit d'améliorer la qualité du service téléphonique. Le réseau de cuivre demeurera pleinement maintenu en attendant le plein déploiement de la fibre.

La fin du RTC ne signifie pas la modification des tarifs qui restent fixés indépendamment de la technologie utilisée. Il y va du service public téléphonique.

M. Daniel Gremillet.  - Il n'est pas question de refuser le progrès, mais de prêter attention aux plus faibles.

Suppressions d'emplois dans le groupe Carrefour

Mme Michelle Gréaume .  - Le groupe Carrefour a engagé un vaste plan de restructuration et d'économies début 2018, axé notamment sur la fermeture du réseau de proximité formé par les ex-magasins Dia et la suppression de 2 100 emplois.

Les promesses et les engagements n'avaient pas manqué à l'époque pour rassurer sur le sort des salariés. Promesses dans la recherche de repreneurs pour limiter de nombre de fermetures « sèches » de magasins. Promesses également en termes de reclassement au sein du groupe, d'aide à la formation censés limiter au maximum le nombre de licenciements.

Onze mois plus tard le verdict est tombé, dans sa cruelle réalité : 273 magasins ont été fermés, 1 300 salariés ont reçu leur lettre de licenciement. Seuls un peu plus de 200 salariés ont trouvé un nouveau poste en interne. Des questions se posent et méritent d'être posées quant à la réalité des efforts fournis par le groupe Carrefour pour respecter ses propres engagements, que ce soit pour la reprise de magasins ou en matière de reclassement des salariés. Il semble que des offres sérieuses aient été refusées, pour affaiblir la concurrence.

Le Gouvernement avait plusieurs fois fait état de sa vigilance sur la qualité du dialogue social. On ne peut donc que s'étonner du silence assourdissant qui accompagne le plus grand plan de licenciements de 2018. Il n'est pas inutile de rappeler que le groupe Carrefour est, parmi les sociétés du CAC 40, un de ceux qui rémunère le plus ses actionnaires et qu'il a bénéficié de 2 milliards d'exonérations sociales en cinq ans.

Quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour contraindre le groupe Carrefour à respecter ses engagements et pour préserver les emplois ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les choix stratégiques de Carrefour conduisent l'entreprise à favoriser le numérique. Deux accords majoritaires ont été signés avec les syndicats. L'un concerne les 2 400 emplois menacés et prévoit un plan de départ volontaire. L'autre entraîne la fermeture de plus 200 magasins Dia et la mise en gérance de 75 autres pour plus de 2 000 suppressions d'emplois.

Des mesures de reclassement interne sont prévues avec des actions de formation, des garanties sociales et l'aménagement de périodes d'adaptation.

Quelque 156 dossiers ont déjà fait l'objet d'un reclassement interne et 1 753 courriers ont été envoyés portant deux offres de reclassement.

L'État a affirmé son attachement à un dialogue social de qualité. Le Gouvernement a demandé que la commission de suivi du redressement de l'emploi dans le groupe Carrefour fasse preuve de la plus grande rigueur au sujet des conséquences sociales des mesures adoptées. Le jugement prononcé par le tribunal administratif de Caen, le 8 novembre dernier, en atteste.

Le groupe doit au maximum garantir l'accès à l'emploi de ses salariés.

Mme Michelle Gréaume.  - Le Gouvernement fait preuve d'une grande passivité vis-à-vis de Carrefour. L'argent public investi a servi à tout sauf à préserver l'emploi.

Sécurisation des bouteilles de gaz

M. Yves Bouloux .  - Les sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels, sont un exemple. Pour autant, rien ne justifie de les exposer à des dangers évitables. Des mesures ont été prises pour les voitures au gaz, mais rien n'est prévu pour sécuriser les bouteilles de gaz.

Un sapeur-pompier est mort, plusieurs ont été blessés. Il est impératif d'agir au plus vite comme pour les voitures. Il s'agirait d'incorporer un système de soupape avec fusible qui permettrait une lente évacuation du gaz, excluant ainsi un phénomène d'explosion.

Quelles mesures prendra le Gouvernement et dans quel délai ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Ce sujet est extrêmement contraint en droit. L'Union européenne n'oblige pas à installer une soupape sur ces bouteilles et il ne peut y avoir de sur-transposition. Ensuite, nos bouteilles actuelles sont incompatibles avec les soupapes.

Le Gouvernement a confié une mission à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour examiner le comportement au feu de nos bouteilles, et voir comment limiter les risques et les comportements à adopter. Sur cette base, il nous faudra nous tourner vers nos partenaires de l'Union européenne pour changer la réglementation.

M. Yves Bouloux.  - De grâce, faisons très vite pour les sapeurs-pompiers.

Fermeture de la base aérienne de Châteaudun

Mme Chantal Deseyne .  - Le ministère des Armées a pris la décision de fermer la base militaire de Châteaudun dès le second semestre 2021. Cette base compte encore 330 personnels civils et militaires. À compter de 2021, l'activité de démantèlement d'avions militaires sera totalement externalisée, pour des raisons de coûts. Quelque 330 militaires et civils vont partir, ce qui représente en tout près de 500 consommateurs, contribuables et élèves en moins pour ce territoire. Les conséquences sociales et économiques de cette décision sont considérables pour les salariés, pour l'économie locale et l'avenir de tout le bassin de vie de Châteaudun qui est déjà particulièrement sinistré. Le maintien de cette base aérienne pourrait-il être envisagé, et à défaut quelles sont les solutions proposées par le Gouvernement pour l'avenir de ce site où les gros-porteurs de plus de 40 tonnes peuvent décoller et atterrir ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je réponds à la place de Mme Parly. La base de Châteaudun a été recentrée en 2014 sur le stockage d'aéronefs. Le ministère des Armées a envisagé la déconstruction de ces aéronefs et examiné les dossiers au début de 2018. Il a tranché rapidement en faveur du contrat de redynamisation du site de défense (CRSD) avec un désengagement progressif d'ici 2021.

Un nouveau CRSD devrait être signé d'ici l'été prochain. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour valoriser la reconversion du site de Châteaudun : circuit automobile, centrale photovoltaïque ou démonstrateur de dirigeables sont trois pistes envisagées.

Mme Chantal Deseyne.  - Cette réponse n'apporte pas d'éléments nouveaux. Selon la presse locale d'aujourd'hui, le Premier ministre pourrait donner la liste des territoires propres à l'industrie ; Châteaudun, avec ses 13 000 habitants serait éligible, avec la possibilité d'un accompagnement financier de l'État.

Ce territoire est particulièrement sinistré. Il faut le revitaliser car il est dans une spirale infernale de déclin.

Prises de vues aériennes des prisons françaises accessibles sur internet

M. François Bonhomme .  - Ma question porte sur les problèmes de sécurité posés par la diffusion de prises de vues aériennes des prisons françaises sur Google Maps et Google Earth.

Je rappelle que l'arrêté du 27 octobre 2017 liste les 247 zones interdites de prises de vues aériennes en France, parmi lesquelles figurent notamment 68 prisons.

La prise de vues aériennes de l'un de ces sites est ainsi passible d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Je m'étonne que, près d'un an après la publication dudit arrêté, une cinquantaine de prisons demeurent encore visibles, dont certaines accueillent des individus dangereux. C'est notamment le cas de la maison centrale de Réau, en Seine-et-Marne, tristement connue désormais.

Google explique cette absence de floutage par le caractère non rétroactif de l'arrêté du 27 octobre 2017 : ce dernier ne s'appliquerait qu'aux photos prises depuis. Or ces photographies, visibles sur le réseau, peuvent aider à planifier des évasions.

Constatant que ses demandes de floutage de sites sensibles sur Google Maps demeuraient lettre morte, le ministère de la Défense belge a ainsi annoncé en octobre 2018 sa volonté d'attaquer Google en justice.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour s'assurer que Google garantisse le retrait ou le floutage des vues aériennes de nos prisons ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le 31 juillet dernier, j'ai écrit à Google France pour demander de retirer ou de flouter les images aériennes des établissements pénitentiaires.

Google France m'a répondu le 14 août et le 8 octobre, m'assurant que tout est mis en oeuvre pour finaliser le floutage d'ici début décembre : nous pourrons le vérifier très rapidement.

En parallèle, le Secrétariat général de la défense refond le cadre juridique de captation et de diffusion des prises de vues aériennes afin de préserver la sécurité des zones sensibles.

Cela concerne tous les fournisseurs, pas seulement Google. L'arrêté du 12 octobre du ministère de la Justice a élargi la liste des sites sensibles, portant le total de 38 à 89. Nous menons donc une action globale.

M. François Bonhomme.  - Je prends acte de votre réponse, mais regrette la faible réactivité de Google. Les captures d'écran ont eu lieu et le mal est difficilement réparable. On ne peut pas rester dans un tel niveau d'insécurité.

Sécurité dans les prisons

Mme Brigitte Lherbier .  - Pas un mois sans que la sécurité de nos établissements pénitentiaires ne soit mentionnée dans les médias.

La mission de sécurité de l'administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les prisons, en prévenant les évasions, les violences, les dégradations ou les suicides. Sa mission est aussi de prévoir la réinsertion des prisonniers.

Depuis 2015, le contexte terroriste a naturellement accentué cette exigence de sécurité, et nous oblige à une vigilance accrue. L'agression de trois surveillants à Vendin-le-Vieil en janvier 2018, par un détenu condamné pour terrorisme, fut à l'origine d'un grand mouvement de mobilisation du personnel pénitentiaire. Les surveillants à qui je rends hommage nous ont alertés sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles, sur le manque de personnel qui les expose dangereusement pendant l'exercice de leur mission et sur les difficultés à recruter de nouveaux surveillants pénitentiaires.

La surpopulation continue de dégrader la vie carcérale et pèse sur les conditions de sécurité de nos établissements pénitentiaires. L'été a été chaud à tous points de vue dans de nombreuses maisons d'arrêt.

La semaine dernière, lors d'une visite de la prison de la Santé, le personnel m'a redit le manque de reconnaissance dont il souffrait. Le logement et les salles de sport manquent, notamment pour certains surveillants stagiaires venus des outre-mer qui n'ont pas d'hébergement décent. Le sénateur Grosdidier, dans le rapport de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieures, l'avait souligné. Je sais que vous connaissez la situation, madame la garde des Sceaux. Contexte terroriste, surpopulation carcérale et mécontentement des surveillants : voilà un cocktail explosif.

Avez-vous les moyens budgétaires pour garantir la sécurité de nos prisons ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Il me faudrait plus d'une heure pour vous répondre, tant nous avons pris des mesures complémentaires pour assurer la sécurité des établissements pénitentiaires et mieux reconnaître les personnes de l'administration pénitentiaire. Le budget de l'administration pénitentiaire s'élève à 3,8 milliards d'euros dans le PLF2019 - en hausse de 5,7 % -, avec 2,5 milliards - soit 95 millions supplémentaires - pour le personnel.

La sécurisation des établissements pénitentiaires fait l'objet d'une attention particulière avec un effort de plus de 50 millions d'euros.

Quant au personnel, nous avons augmenté la prime de sujétions spéciales (PSS) de plus de 2 %, augmenté la prime des dimanches et jours fériés de 26 à 36 euros, prévu une prime de fidélisation pour les établissements les plus difficiles ou situés dans des zones où le coût de la vie est élevé, comme l'Île-de-France.

Matériel, renseignement pénitentiaire, système d'étanchéité pour les détenus les plus dangereux, telles sont quelques-unes des mesures du plan global que nous avons mis en place - en plus du plan de construction qui porte, d'ici 2022, sur 7 000 places supplémentaires livrées et 8 000 places engagées.

Malaise des élus locaux

M. Alain Fouché .  - Le Congrès annuel des maires de France s'ouvre sur un malaise, avec 55 % de maires supplémentaires ayant quitté leurs fonctions depuis 2014.

Les maires sont usés par les tracasseries administratives qui augmentent, usés par une faible rémunération - moins de 360 euros mensuels pour la moitié d'entre eux - alors qu'ils assument une tâche difficile et indispensable. Il faudrait définir un vrai statut de l'élu : vous en avez pris l'engagement, les maires l'attendent depuis très longtemps. Le Sénat a fait des propositions. Allez-vous les considérer ? Quelles sont les grandes lignes de votre projet ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le Gouvernement connaît les difficultés des élus locaux qui mettent leur temps et leurs compétences au service de nos concitoyens. Toutefois, le nombre de démissions des maires a très peu augmenté par rapport à la mandature précédente et résulte surtout de mouvements mécaniques liés à la création de communes nouvelles et à la fin du cumul des mandats, ou encore à des motifs familiaux - l'analyse des chiffres montre qu'il y a peu de départs volontaires dus à la lassitude.

Devant le Congrès des maires de France, l'an dernier, le président de la République a démontré sa considération pour les édiles, soulignant la conviction et le dévouement des maires. Plusieurs mesures en témoignent. Une circulaire du Premier ministre du 20 octobre 2017 précise que toute norme supplémentaire doit s'accompagner d'une simplification suppression de deux normes existantes.

Une autre circulaire, prise par le Premier ministre le 12 janvier dernier, demande de laisser le champ le plus large possible au pouvoir réglementaire local. Le Gouvernement s'est engagé à consulter les collectivités locales sur toute mesure les concernant. Dans le plan de simplification de l'administration de l'État, les collectivités territoriales sont directement concernées.

Les propositions d'Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, maire du Mans décédé récemment, font l'objet d'un examen attentif du Gouvernement, tout comme les travaux du groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales.

C'est un pacte de confiance que le Gouvernement propose aux maires.

M. Alain Fouché.  - J'ai rapporté le texte de simplification des normes. Vous ne m'avez pas répondu sur le statut de l'élu. Vous n'avez pas évoqué la baisse des dotations - qui touche 155 des 280 communes de la Vienne. Il faudrait évidemment faire plus.

Lutte contre les squats en Guyane

M. Antoine Karam .  - Depuis plusieurs années, la Guyane, et Cayenne en particulier, sont touchées par une prolifération de l'habitat informel et des occupations illicites.

En septembre dernier, c'est une nouvelle affaire de squat qui a agité l'actualité. Des locaux qui avaient été signalés depuis plusieurs années aux forces de l'ordre par les riverains exaspérés par les nuisances, demeuraient occupés illégalement et généraient un climat d'insécurité dans le quartier. La situation a dégénéré avec la menace de mort dont a été l'objet une personne du voisinage. Les citoyens ont procédé à l'évacuation du squat par leurs propres moyens. Certes, c'est contraire à l'État de droit mais ces faits d'une rare violence rappellent la nécessité d'éradiquer les occupations illicites en Guyane tant elles génèrent de graves troubles à l'ordre public.

Le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), en voie de promulgation, prévoit pour la Guyane et Mayotte, une procédure accélérée lorsque les locaux illégalement occupés présentent des « risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique » ; le préfet pourra ordonner aux occupants d'évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst).

Ce dispositif permettra-t-il également d'agir plus rapidement et plus efficacement s'agissant des squats précités qui causent des troubles à l'ordre public ?

Plus largement, quelles actions complémentaires le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour mieux protéger les propriétaires et les riverains exposés, premières victimes des nuisances liées aux occupations illicites ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le département de la Guyane et celui de Mayotte voient se développer un habitat sommaire et insalubre. En 2018, les gendarmes de Guyane ont prêté main-forte à 59 opérations d'expulsion. Ils étaient assistés d'un huissier de justice. Ces expulsions sont l'aboutissement d'une procédure administrative et judiciaire très longue, parfois incompatible avec le maintien de l'ordre public.

Le projet de loi ELAN devrait contribuer à accélérer cette procédure en cas de risque grave pour l'ordre public, ou encore pour la salubrité et la tranquillité publique. L'expulsion n'est cependant pas automatique, notamment si le préfet considère que l'opération risque de provoquer davantage de troubles à l'ordre public que la situation constatée.

Construction de nouvelles casernes de gendarmerie

M. Patrick Chaize .  - Selon les textes en vigueur, la construction de nouvelles casernes de gendarmerie connaît différentes étapes, avec la délivrance d'un agrément du ministère de l'Intérieur suivie de la validation du terrain, préalable indispensable pour le lancement de la conception réelle du projet avec l'établissement des plans et la réalisation des appels d'offres.

Cette validation s'inscrit dans le cadre d'une commission tripartite composée de représentants du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'Intérieur (Sgami), de la gendarmerie et du service de santé des armées (SSA) qui assurerait sa mission au sein des armées et de la gendarmerie et depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur en 2009, dans le cadre de la convention de délégation de gestion entre le ministère des armées et le ministère de l'intérieur.

Le SSA étant surchargé, des projets de construction de gendarmerie sont bloqués, comme dans l'Ain où trois dossiers sont en instance, du fait des difficultés à réunir la commission tripartite. Cette situation a des incidences fortes pour les collectivités concernées.

Monsieur le ministre, ne faut-il pas réformer les procédures entre les deux ministères et, dans l'attente, adapter les moyens du SSA ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Votre question témoigne de votre attachement à la gendarmerie. Les collectivités locales souhaitent participer à des projets immobiliers destinés à la gendarmerie. La procédure que vous mentionnez a déjà été abrogée et la situation des casernes de l'Ain est résolue. Dans le cadre des projets de casernes locatives, une commission mixte devrait prendre l'avis du SSA. Cette procédure est désormais simplifiée sans être pour autant moins efficace.

M. Patrick Chaize.  - Merci !

Dépollution des ballastières de Braqueville à Toulouse

Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau .  - Je pose cette question au nom de Mme Brigitte Micouleau qui a été retenue dans son département.

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, 5 000 tonnes de nitrocellulose, poudre explosive produite en grande quantité sur un site proche de Toulouse, sont immergées dans quatre ballastières aux portes de la ville.

Depuis 2001 et l'explosion de l'usine AZF, site voisin des ballastières, élus locaux et associations n'ont eu de cesse d'alerter l'État sur cette véritable « poudrière » à ciel ouvert, réclamant une dépollution dans les meilleurs délais.

En visite officielle à Toulouse, le 13 janvier 2017, Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, avait fini par annoncer le déblocage de ce dossier et avait affirmé avoir demandé au ministère de la Défense, propriétaire du site, d'engager les travaux de dépollution. Hélas, depuis ce jour et malgré les interventions du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, auprès du ministère de la Défense, c'est le statu quo.

Cette dépollution est-elle toujours d'actualité et, si oui, quand débutera-t-elle, pour quelle durée, selon quel procédé technique et à quel coût ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Après le rachat de l'emprise par l'État en 2004, le site de ballastières a fait l'objet d'un classement en site pour la protection de l'environnement. Il bénéficie d'une situation environnementale exceptionnelle en matière de biodiversité ; il a été classé zone spéciale de conservation et zone humide ; sa partie sud a été classée au titre de la directive Oiseaux et de la convention Natura 2000. Il jouxte une zone protégée au titre de la protection des oiseaux migrateurs. Il se situe enfin en zone inondable.

Tous ces éléments font qu'il est difficile de toucher à ce site, sans risquer de détériorer l'environnement. Le site est durablement fermé au public. Le ministère des Armées y reste très attentif.

Mme Chantal Deseyne.  - Je ne connais pas suffisamment le dossier. Cependant, il me semble que l'enjeu sanitaire devrait être une priorité pour la ville de Toulouse.

Démission légitime des assistants maternels

Mme Laurence Rossignol .  - J'apporte mon soutien aux mesures de renforcement de la vaccination infantile. Cependant, les enfants qui ne satisfont pas aux obligations vaccinales ne peuvent être accueillis plus de trois mois chez une assistante maternelle. Si la situation vaccinale de l'enfant n'a pas été régularisée à l'issue de ces trois mois, l'assistante maternelle doit mettre fin au contrat de travail - il s'agit alors d'une démission.

En l'état des textes, cette démission n'ouvrira aucun droit au chômage aux assistantes maternelles démissionnaires, alors que leur démission est imposée par la loi.

Pour mettre fin à cette injustice, cette démission devrait être considérée comme une démission légitime et ouvrant droit à l'allocation de retour à l'emploi. La démission légitime existe, il suffit d'y intégrer une nouvelle catégorie, celle de la démission d'un assistant maternel pour cause de non-respect par les parents employeurs de l'obligation vaccinale de l'enfant. Y êtes-vous favorable ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Même si votre question est légitime, les situations que vous mentionnez restent très minoritaires et seront encore réduites par l'obligation vaccinale. Les règles du droit du travail permettent déjà de les prendre en compte.

L'assistante maternelle peut prendre acte de la rupture du contrat. Si le juge des prud'hommes lui confère un caractère de licenciement, elle aura droit aux indemnités chômage. Sinon, après 121 jours, elle peut demander un réexamen de son dossier.

La création d'un nouveau cas de démission légitime relève des partenaires sociaux. Le Gouvernement accompagnera les associations nationales concernées, notamment en les orientant vers les services compétents.

Le mieux reste bien sûr la prévention pour éviter ce type de situations

Mme Laurence Rossignol.  - Si les associations nationales peuvent sensibiliser les parents, elles sont parfois confrontées à des parents militants anti-vaccins. Il faut éviter d'engorger les prud'hommes. Le Gouvernement peut suggérer des sujets de négociation aux partenaires sociaux. Même si la situation en question est marginale, elle engendre de l'amertume chez des personnes qui ne se sentent pas entendues. Les implications financières sont minimes, j'espère que ce changement sera possible prochainement.

Centre de l'AFPA de Nevers

M. Patrice Joly .  - L'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a annoncé la suppression de plus de 1 500 postes et menace de fermer 38 sites dont le centre de Nevers dans le cadre du plan de restructuration pour 2019-2020.

Sur le territoire nivernais, l'AFPA occupe une fonction essentielle en proposant des formations en rapport avec les caractéristiques économiques du territoire, c'est-à-dire des formations liées à la transformation d'une ressource importante du département, le bois avec des formations en charpente, menuiserie et des formations dans la mécanique et la métallurgie avec des formations de soudeurs, de réparation-moteur, de machinisme agricole. C'est assez lourd et difficilement couvert par le prix demandé.

Les conséquences seraient graves pour le bassin d'emploi. De plus, pour le seul centre de Nevers, ce sont 17 contrats à durée indéterminée qui sont menacés de suppression.

Il faut pérenniser la structure en réunissant tous les acteurs engagés, pour une concertation approfondie : le Gouvernement l'envisage-t-il ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Le modèle économique et les missions de l'AFPA n'ont pas été repensés depuis la réforme de 2004 et l'ouverture à la concurrence en 2008. Conséquence : 20 % de pertes de recettes. Depuis dix ans, les gouvernements successifs n'ont pas su recentrer l'AFPA sur ses missions qui apportent de la valeur ajoutée. Les pertes s'accumulent.

Chaque année, l'État doit combler 100 millions d'euros de pertes d'exploitation. Ne rien faire serait irresponsable. Le Gouvernement va confier à l'AFPA des services d'intérêt général comme la formation des réfugiés, dans le cadre du programme HOPE.

De plus, un projet de réorganisation de l'AFPA a été mis en consultation. Certes, 1 500 postes sont concernés par les redéploiements, mais parmi ces 1 500, il y a 600 départs à la retraite et, en outre, 600 postes sont créés.

L'AFPA n'a pas vocation à disparaître ; là où les centres fermeront, une offre innovante et mobile sera déployée.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.

La séance reprend à 14 h 30.

Financement de la sécurité sociale pour 2019 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019.

Explications de vote

M. Michel Amiel .  - Après plus d'une centaine d'amendements adoptés, nous votons un projet de loi de financement de la sécurité sociale dénaturé. (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi se récrient.)

Les discussions ont été d'une grande qualité technique...

M. Philippe Dallier.  - C'est déjà ça !

M. Michel Amiel.  - ...plus de 600 amendements ont été débattus. Je sais gré à la ministre d'avoir respecté le bicamérisme, en répondant à chacun d'entre nous.

Mais, au-delà du financement des comptes sociaux, quid des mesures concrètes pour l'avenir de notre pays ? Les nouvelles relations envisagées entre l'État et la sécurité sociale s'écartent du modèle assuranciel tel que conçu par le Conseil national de la Résistance (CNR).

Mais ne balayons pas le retour à l'équilibre du régime général et du FSV pour la première fois depuis dix-huit ans - que tant ont voulu que le Gouvernement réalise.

La finalisation du reste à charge zéro est le reflet de l'engagement du président de la République sur l'accès réel aux soins. La fusion de la CMU-C et de l'ACS est une autre mesure en direction des plus faibles.

L'annonce d'une politique du médicament avec la modification du financement sur les molécules innovantes est bienvenue, tout comme les nouvelles règles sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) et sur les autorisations temporaires d'utilisation (ATU). Je ne suis cependant pas favorable à restreindre l'utilisation de la mention « non substituable ».

Je salue la création du forfait pour les maladies chroniques mais m'inquiète de l'articulation entre la médecine de ville et l'hôpital.

La place faite à la prévention, l'une de vos priorités avec notamment la vaccination contre la grippe, madame la ministre, doit être développée.

Je regrette la non-prise en compte du rapport du Sénat sur les addictions - c'est dommage, quand nous venons de créer un fonds de lutte contre les addictions.

Alors que le Gouvernement réfléchit à rendre plus justes et universels nos systèmes de retraite, le Sénat a décidé le report d'un an de l'âge de la retraite. Que ne l'avez-vous pas fait lorsque vous étiez au pouvoir ? (Protestations sur les bancs à droite) C'est pénaliser les seniors les moins qualifiés : c'est à eux que vous demandez plus d'efforts ! (Les protestations redoublent.)

Avez-vous pensé aux conséquences sur la santé des seniors, sur l'absentéisme, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ? C'est du bricolage à la marge, à l'aube d'une réforme ambitieuse qui sera conduite par Jean-Paul Delevoye.

M. Philippe Dallier.  - Bon courage !

M. Michel Amiel.  - Madame la ministre, nous sommes impatients d'examiner la loi sur la réorganisation de notre système de santé. La démographie médicale est en berne, les infirmières manifestent aujourd'hui. Les attentes des professions de santé sont grandes, surtout après les annonces du plan Santé 2022.

Les amendements du Sénat creusent le déficit ou augmentent les taxes ; curieux, eu égard aux positions de M. Wauquiez.

Le groupe LaREM votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Cohen .  - Le débat a confronté deux projets de société. Pour vous, les excédents de la sécurité sociale doivent participer au désendettement de l'État. Ce choix nous a conduits à déposer une motion d'irrecevabilité constitutionnelle, puisque vous mettez fin au principe de compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales par l'État. Les cotisations ne sont pas des charges qui nuisent à la compétitivité des entreprises, mais la part socialisée des salaires. Toutes les caisses de la sécurité sociale se sont opposées à ce précédent.

Avec le remboursement du CICE pour 2018 et la baisse des cotisations pour 2019, les entreprises reçoivent 40 milliards d'euros en guise de cadeaux de Noël au titre des exonérations - un cadeau, puisqu'il n'y a pas de contrepartie !

C'est un non-sens d'encourager le développement des heures supplémentaires, quand notre pays compte quelque 11 millions de chômeurs et de précaires et que l'OFCE estime que la précédente exonération a même fait perdre des emplois...

La réalité de ce PLFSS, c'est qu'il n'y aura bientôt plus de cotisations patronales pour la sécurité sociale.

Une fois grignotées les recettes, vous rabotez les dépenses avec un tour de vis de 910 millions d'euros sur les hôpitaux. À cela s'ajoute le quasi-gel - 0,3 % - des cotisations familiales et pensions de retraite, pour une inflation à 1,7 %. Pas moins de huit retraités sur dix verront leur pouvoir d'achat baisser en 2020, de 700 euros par an en moyenne. La droite aggrave la note en repoussant l'âge de la retraite.

Écoutez la colère, madame la ministre, les Françaises et les Français rejettent vos choix « austéritaires ». Ce n'est pas avec 400 millions d'euros pour les hôpitaux, ni un Ondam à 2,5 %, qu'on résout les problèmes.

Le groupe communiste propose un plan d'investissement à la hauteur, avec 100 000 emplois nouveaux dans les hôpitaux, autant dans les Ehpad - au lieu de fermetures d'hôpitaux et de services. Nous demandions un moratoire sur les fermetures d'hôpitaux et de services, on nous répond qu'elles se justifient pour des raisons de sécurité ; mais croyez-vous qu'accoucher dans sa voiture ou un camion de pompier, c'est plus « sécure » qu'à l'hôpital ?

Le président de la commission des affaires sociales partage avec notre groupe l'hostilité à l'étatisation de la sécurité sociale, mais toutes nos propositions ont été rejetées.

Nous avons été les seuls à proposer de mettre à contribution les revenus financiers, revenir sur les suppressions de cotisations sociales patronales, proposer de mettre à contribution les entreprises selon leur politique salariale, notamment concernant l'égalité des traitements des femmes pour un travail de valeur égale et le respect de l'écologie. Nous avons été les seuls à proposer la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Et nous allons rester vigilants.

Quant à la situation catastrophique de la psychiatrie, elle n'est pas prise en compte, si ce n'est indirectement avec l'incitation financière à l'amélioration de la qualité (IFAQ), qui risque d'aggraver les choses.

Nous aurons la maigre satisfaction que le Sénat ait adopté la suppression de l'article 7 bis qui portait atteinte aux chèques vacances et aux prestations relevant des activités sociales et culturelles octroyées par les comités sociaux et économiques (CSE) et remettait donc en cause le droit aux vacances pour les plus modestes. De même pour la suppression de l'article 29 quinquies, introduit par l'Assemblée nationale, qui prévoyait un dispositif de réorientation des patients aux urgences vers la médecine de ville, alors que les déserts médicaux conduisent justement les patients à attendre pendant des heures aux urgences.

Il faut embaucher 750 urgentistes et réduire les lits d'aval.

Quant au reste à charge zéro, vous brouillez les pistes puisque les mutuelles compenseront en augmentant leurs tarifs. Notre groupe, lui, propose le 100 % sécurité sociale. Ce texte ne fera pas reculer les renoncements aux soins ni les déserts médicaux. En utilisant la sécurité sociale pour désendetter l'État, votre Gouvernement réalise le plus grand hold-up du siècle. Le Gouvernement franchit sans état d'âme la ligne rouge. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Yves Daudigny .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Faut-il parler de moment historique, avec 200 millions d'euros d'excédents en 2019 pour 510 milliards de dépenses et une extinction de la dette en 2024 ? Certes, le résultat est lié à la progression de la masse salariale, la branche maladie reste déficitaire, le déficit des hôpitaux atteint 1,5 milliard d'euros. Mais notre système est conforté dans ses fondements, c'est un signe de confiance pour les jeunes générations.

Dans ce contexte, l'acharnement contre les retraités est incompréhensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) Le gel des pensions de retraite est inquiétant, surtout quand l'augmentation de CSG n'a pas été compensée.

Nous nous opposons aux mesures votées par la majorité du Sénat, notamment le report de l'âge de la retraite. Sans pénaliser la compétitivité des entreprises, un dispositif maintenant à 20 milliards d'euros le soutien pour l'exercice 2019 était possible.

Les minima sociaux sont revalorisés ; mais quelle autonomie, demain, pour la sécurité sociale ? Vous mettez fin à la règle d'or de la compensation par l'État des exonérations de charges, vous utilisez les éventuels excédents de la sécurité sociale pour les caisses de l'État ; vous substituez aux cotisations sociales des parts de CSG ou de TVA. Madame la ministre, l'universalisation de la protection sociale ne peut être synonyme de réduction de la protection.

M. Martial Bourquin.  - Absolument !

M. Yves Daudigny.  - Nous redisons notre attachement à la justice sociale et à la solidarité collective. Le remplacement de l'ACS par la CMU-C pose la question d'une cotisation liée à l'âge, à l'opposé de la solidarité intergénérationnelle, fondement mutualiste. Le reste à charge zéro appelle un suivi, notamment sur les tarifs des mutuelles.

Comment le plan Santé se traduit-il dans la loi ? Pour la médecine de ville, les missions d'assistance médicale relèveront de la négociation conventionnelle. Nous avons soutenu l'expérimentation de l'infirmier référent. Les mesures pour l'hôpital, bien accueillies, n'apportent pas de réponse immédiate à la souffrance du personnel dont nous soutenons les revendications syndicales - en particulier le dégel complet de la réserve prudentielle de 415 millions d'euros et la création d'une mission de réflexion sur l'Ondam. L'article de nouvelle tarification « à l'inactivité » visant à facturer aux services d'urgence la réorientation vers la médecine de ville a été opportunément supprimé.

La prévention est le pilier du progrès de la santé publique ; mais le financement du nouveau fonds des addictions n'est pas suffisant. Nos amendements de taxation des produits alimentaires utilisant l'alcool comme argument de vente à destination des jeunes, d'extension de la « taxe prémix » aux vins aromatisés type « rosé sucette » sont des signes forts adressés aux industriels.

Nous avons défendu la suppression du plafonnement des exonérations aux aides employeur à la culture et aux vacances ; l'augmentation des seuils de dégressivité et de sortie des charges sociales patronales du dispositif dit de compétitivité renforcée en outre-mer ; le maintien des seuils d'exonérations du TO-DE et la compensation de la perte du CICE dans le secteur agricole. Nous attirons votre attention, madame la ministre, sur l'importance et la gravité des pénuries de médicaments et de vaccins.

Rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale ne doit avoir qu'un seul objectif : répondre aux défis de notre système de santé, de l'allongement de la vie, de justice sociale quand l'individualisme prime sur le collectif. C'est un enjeu fondamental de cohésion sociale déterminant pour l'avenir d'une démocratie apaisée.

Le groupe SOCR votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Guillaume Arnell .  - Vous avez, madame la ministre, avoué qu'échanger avec le Sénat était un grand plaisir - partagé, ajouté-je.

Ce texte marque un retour à l'équilibre, certes fragile, des comptes de la sécurité sociale. Nous souscrivons à la vaccination contre les infections liées au papillomavirus auprès des jeunes filles, avec une prévention dans le cadre scolaire.

La fusion de la CMU-C et de l'ACS est elle aussi à saluer, ainsi que le reste à charge zéro pour les prothèses oculaires, dentaires et auditives ; de même que l'allongement du congé paternité pour les pères de nouveau-nés nécessitant des soins intensifs.

Le forfait de réorientation des urgences, porté par notre groupe, a été adopté unanimement.

L'exonération pour les TO-DE, crucial pour l'ensemble des filières agricoles, a été maintenue. Je crains toutefois que notre rédaction ne soit pas retenue par l'Assemblée nationale.

Je rappelle à la ministre des outre-mer les incidences de l'article 8 pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; la reconstruction pourrait être freinée par les charges supplémentaires. Madame la ministre, reconsidérez la position du Gouvernement, il en va de la pérennité de la vie économique locale.

Notre collègue Catherine Conconne a dépensé beaucoup d'énergie à démontrer la non-coïncidence du recul de l'alcoolisme et de la taxation du rhum. Chacun sait que les boissons alcoolisées les plus consommées sont le vin, la bière et le champagne. La taxation du vin est taboue, parce qu'il est un fleuron de notre gastronomie - mais le rhum antillais l'est tout autant ! (On le confirme sur quelques bancs.) Je salue le rééchelonnement de la taxe sur six ans plutôt que quatre.

Dans mon département, le recrutement des médecins intérimaires crée une surenchère. Comme Mme Guillotin, j'estime qu'une conférence des ARS garantirait la cohérence de l'action publique.

Si, pour certains, le recul de l'âge de départ à la retraite est inéluctable, il serait prématuré d'en débattre avant le rendu des conclusions de la mission Delevoye.

Madame la ministre, nous aurions tellement aimé soutenir votre projet, mais trop de sujets nous séparent.

Le groupe RDSE s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Lors des dernières élections présidentielles, je n'ai pas voté pour Macron, contrairement à d'autres parlementaires. Je suis donc parfaitement cohérent lorsque je dénonce des mesures injustes et démagogiques, comme la suppression de la taxe d'habitation.

Les personnes âgées sont victimes du matraquage fiscal avec l'augmentation de 3 % de la CSG et le gel des pensions. M. Delevoye a confirmé officiellement en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale que le Gouvernement imposerait un abattement de moitié sur certaines pensions de réversion.

C'est une honte, car la France d'aujourd'hui a été bâtie par les retraités actuels, qui ont travaillé quarante ans sans bénéficier de RTT. Ils touchent désormais nettement moins que ce que l'État dépense pour recevoir des immigrés qui viennent pomper nos finances publiques sans avoir jamais travaillé pour la France. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)

Certains agriculteurs n'ont même pas la moitié de ce dont les immigrés bénéficient. (Mêmes mouvements)

M. David Assouline.  - Mensonge !

M. Jean Louis Masson.  - Les petits retraités paient le ticket modérateur quand les immigrés ne paient strictement rien pour les soins dentaires ou pour les lunettes - ceci grâce à l'assistance médicale de l'État (AME) à 100 %. (Les sénateurs du groupe SOCR protestent et tapent sur leur pupitre.)

Je voterai sans hésitation contre ce projet de loi. (Mme Claudine Kauffmann et M. Stéphane Ravier applaudissent.)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Année après année, le groupe UC appelle de ses voeux le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale pour des raisons de crédibilité et de respect des générations futures. Je salue donc l'excédent de 700 millions d'euros, une première depuis 18 ans.

Avec ce PLFSS, nous aurions pu exprimer notre satisfaction. Nous saluons les exonérations sur les cotisations sociales de l'article 7 qui devraient améliorer le pouvoir d'achat. Nous soutenons la mesure de l'article 8 qui transforme le CICE et le CITS en allègement de charges pérenne.

Je salue l'expérimentation du reste à charge zéro à l'article 33. Je regrette que les mesures en faveur des familles soient si peu nombreuses. Elles ont été approuvées par le Sénat. La prime à la naissance devrait être versée avant la naissance - et l'attribution des allocations familiales dès le premier enfant devrait faire l'objet d'un débat approfondi.

Plusieurs mesures nous font déchanter comme celles en faveur des agriculteurs, insuffisantes malgré les exonérations que le Sénat a su préserver.

Votre Gouvernement instaure pour deux ans une « moindre revalorisation des pensions de retraite », selon son euphémisme : cette désindexation fait faire 3,2 milliards d'économie : le retour à l'équilibre n'est pas si difficile avec de telles manoeuvres - pas si difficiles, sauf pour le pouvoir d'achat des Français.

Les rabotages successifs sur la politique de la famille, de 260 millions cette année, auront des conséquences non négligeables.

Les retraités seront les plus gros contributeurs au redressement des comptes. Avec la désindexation, un retraité touchant 1 376 euros par mois, c'est-à-dire la pension moyenne, perdra plus de 200 euros de pouvoir d'achat sur l'ensemble de l'année, avec une revalorisation de 4 euros par mois au lieu de 22 euros.

Pourquoi s'en prendre toujours aux mêmes ?

Le prix du fioul a augmenté de plus de 30 % en un an. Si le Gouvernement n'est pas responsable de l'évolution des prix du marché, il l'est du nouveau coup de massue que constituent les nouvelles taxations.

Dans le nouveau monde, on ponctionne donc le pouvoir d'achat des Français tout en augmentant le coût de la vie.

La majorité sénatoriale a adopté des amendements qui repoussent l'âge de la retraite à 63 ans dès 2020. L'espérance de vie des Français croît. Ces amendements permettront de financer le pouvoir d'achat des retraités et des familles.

De plus en plus de nos concitoyens estiment être les seuls contributeurs à l'effort demandé par le Gouvernement. Les retraités ont le sentiment d'être stigmatisés ; les familles s'interrogent ; les automobilistes sont excédés.

Ce coup de canif dans la cohésion sociale risque de déséquilibrer nos institutions. Nous voterons ce PLFSS mais vous incitons à ne pas pousser la population à la désespérance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Depuis 2001, nous souhaitons un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. La Cades se désendette et nous soutenons les objectifs de financement des établissements de santé.

Nous saluons l'investissement pour la qualité et la pertinence des soins à l'hôpital, le financement forfaitaire pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique, l'amélioration de la coordination ville-hôpital avec le numérique, la place donnée à la prévention, l'implication des pharmaciens, le renforcement des urgences et de la psychiatrie.

Le plan Santé 2022 devrait désengorger les urgences. Tout cela est bien accueilli par les professionnels de santé. Espérons que les financements suivront.

Je rejoins notre rapporteur sur le maintien de la mention « non substituable », la poursuite du développement des médicaments hybrides, l'exonération partielle de cotisations sociales des médecins retraités dans les zones sous denses.

La fusion de la CMU-C et de l'ACS contribue à une meilleure prise en charge des plus vulnérables, sachant que 65 % des ayants-droit de l'ACS n'y avaient pas recours. Même chose pour le reste à charge zéro et la valorisation de l'AAH ainsi que celle du minimum vieillesse.

Nous soutenons les aides fortes pour l'emploi et la transformation du CICE et CITS en allègement de charges pérennes, ainsi que l'exonération pour l'aide à domicile. Même chose pour le maintien de l'exonération TO-DE à 1,25 SMIC.

Nous sommes aussi favorables à l'exonération des heures supplémentaires à condition que l'État compense les pertes à hauteur de 1,3 milliard d'euros à destination des retraités et des familles.

Sur le plan médico-social, vous souhaitez améliorer le maintien à domicile des personnes âgées et renforcer les aides attribuées aux Ehpad ; les sommes envisagées ne combleront pas les manques, en particulier pour les aides-soignantes et les infirmières de jour.

Le prix de la journée d'hospitalisation reste trop élevé et le forfait de soins, insuffisant. Des progrès restent à faire pour augmenter le nombre de places d'hébergement pour les personnes handicapées.

Nous sommes défavorables à la faible revalorisation des pensions de retraite à 0,3 %. Nous avons proposé un amendement demandant à l'État de compenser les pertes de la branche famille à hauteur de 1 %. C'était une proposition d'équilibre, sachant que nous n'avons pas suivi la majorité sénatoriale pour repousser d'un an l'âge du départ à la retraite - un sujet qui requiert un débat.

À l'exception de ce point, nous sommes d'accord avec les propositions du Gouvernement. Nous saluons l'objectif d'amélioration des conditions de soins dans les territoires à condition que la répartition de l'effort soit équitable et juste.

Nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Comme toujours, nos débats ont été passionnés et passionnants, mettant en exergue nos différences avec le Gouvernement, notamment sur le financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement en modifie les sources de recettes en supprimant les cotisations de sécurité sociale pour les salariés. En 2019, les recettes de la sécurité sociale seront assurées à hauteur de 52 % par des cotisations et de 42 % par la fiscalité. Le régime assurantiel selon lequel chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins est ainsi remplacé par un régime universel. Ce n'est pas un débat technique mais éminemment politique. Compte tenu de cette évolution, nous ne pouvons nous contenter de débats partiels et réclamons des états généraux de la santé.

Le matraquage des retraités et des familles est un autre point de divergence. Le Gouvernement propose le quasi-gel des pensions de retraites alors que les études montrent que toutes les mesures cumulées font 79 % de perdants. Idem du côté des familles avec la modulation des allocations familiales et la baisse de la PAJE, accentuée cette année. Les efforts demandés aux familles s'inscrivent dans un contexte de baisse de la natalité.

Pour financer la revalorisation des pensions, le Sénat a pris ses responsabilités, sans hypocrisie - n'en déplaise à Gérald Darmanin dont je redis que l'intervention sur une chaîne télévisée le matin de nos débats était malvenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Nous avons prélevé un milliard d'euros sur les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM). Tous les acteurs de santé ont fait des efforts depuis des années, sauf les complémentaires santé. D'où la contribution exceptionnelle que le Sénat leur demande, sachant que leurs frais de gestion sont bien plus élevés que ceux de la sécurité sociale - 4,5 % pour celle-ci, pour 20 à 25 % et, même, jusqu'à 42 % pour les OCAM. La Cour des comptes a déploré cette gestion déjà en 2016. Je rappelle que les complémentaires dépensent 3 milliards d'euros à leur communication et publicité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Depuis 2010, les frais de gestion des complémentaires ont augmenté de 30 %, ce qui explique une hausse de 36 % de leurs tarifs. Elles ont aussi 50 milliards d'euros en réserve. Dégager 1 milliard d'euros serait un geste de solidarité sans réelle incidence.

Cette mesure votée par le Sénat découle de la volonté du Gouvernement d'amputer le pouvoir d'achat des retraités et des familles. Aucune hypocrisie du Sénat là-dedans. Je rappelle que dès l'an prochain, les salariés devront partir à la retraite à 63 ans s'ils souhaitent bénéficier de l'Agirc-Arrco.

Il n'y a que trois leviers pour réformer les retraites : cotisations patronales, qui sont déjà à 28 %, âge de la retraite, niveau des pensions - qui est déjà faible.

Madame la ministre, souhaitez-vous que les retraités de demain soient paupérisés ? Le Sénat a certainement tort d'avoir raison trop tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Il y a urgence à agir dans le secteur hospitalier et ce PLFSS ne répond que partiellement au problème. Les établissements de santé sont exsangues. La diversification des modes de financement n'y suffira pas.

Naturellement, le groupe Les Républicains votera ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. le président.  - Je suis heureux d'accueillir M. Bernard Buis en qualité de sénateur de la Drôme en remplacement de M. Didier Guillaume.

Scrutin public solennel

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Ce scrutin de droit, en application de l'article 59 du Règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des Conférences.

Je remercie nos collègues M. Yves Daudigny, Mmes Jacky Deromedi et Françoise Gatel, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

La séance, suspendue à 15 h 30, reprend à 16 heures.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°20 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption 181
Contre 125

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Merci au président de la commission, au rapporteur général et aux rapporteurs ; ils ont contribué à la qualité de ce débat qui doit tenir dans un temps contraint. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Je remercie très chaleureusement le Sénat pour la richesse de nos échanges, dans toute leur diversité. Ces débats se sont déroulés dans une atmosphère sereine, nous le devons à nos concitoyens.

Le Gouvernement ne partage pas tout à fait les options prises par le Sénat, notamment le fait de reculer brutalement à 63 ans l'âge minimal légal de départ à la retraite (On le conteste à droite.), la hausse massive des taxes sur les mutuelles et les assurances complémentaires,...

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est pas une taxe !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - ... qui est contraire à notre volonté de réduire le reste à charge pour les Français.

Certains jugent ce budget de la sécurité sociale insuffisant. Il prévoit pourtant une augmentation de 10 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros pour la branche maladie. Équilibré, il consolide les comptes et le désendettement de la sécurité sociale en même temps qu'il anticipe de nouveaux risques sur lesquels nous débattrons probablement en fin d'année prochaine. Ce texte facilitera l'accès à l'emploi, un objectif que s'était assigné le président de la République et sur lequel nous nous retrouvons tous, avec la suppression des charges salariales sur les heures supplémentaires et des charges patronales au niveau du SMIC.

Nous créons de nouveaux droits pour les familles, nous créons de nouveaux droits pour tous les Français avec le 100 % Santé sur les prothèses auditives, les lunettes et les prothèses dentaires ; avec la fusion de la CMU-C et de l'ACS grâce à laquelle 3 millions de nos concitoyens accéderont à une complémentaire santé à moindre coût avec 1 euro par jour au plus de cotisation - cela représente 30 euros de moins par mois pour les retraités modestes.

Il y a eu consensus sur ces avancées sociales comme sur notre projet de transformation de notre système de santé qui donnera toute leur place aux infirmières avec une nouvelle répartition des tâches entre professionnels de santé. Je le dis car elles sont inquiètes (Mme Catherine Troendlé approuve.)

Vous l'aurez compris, le budget de la sécurité sociale sera complété par un projet de loi sur notre système de santé qui vous sera probablement présenté à la fin du premier trimestre 2019. Je sais que nos débats seront riches et constructifs, comme ils le sont toujours au Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, et UC et sur quelques bancs du groupe LeRépublicains)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

Diplomatie de la France à l'aune de la COP 24

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la diplomatie climatique de la France à l'aune de la COP 24, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Trois semaines avant la conférence de Katowice en Pologne, il a semblé essentiel, au groupe Les Républicains, de dresser un état des lieux des négociations climatiques.

La France a un vrai leadership international sur la question climatique, nous le devons à l'accord de Paris mais aussi à notre mix énergétique décarboné grâce au nucléaire.

Les contributions nationales effectuées dans le cadre de l'accord de Paris depuis trois ans ne suffiront pas à contenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C. Malgré l'urgence, la transition vers une économie décarbonée prend du temps et nécessite des changements en profondeur qu'il convient d'accompagner. Il en va de même pour la société civile qui ne peut modifier ses habitudes du jour au lendemain. Pour faire accepter ces changements, il faut une trajectoire politique forte, de la progressivité, la transparence du financement et une fiscalité écologique qui doit fédérer et non pas diviser. Limiter le réchauffement climatique n'est pas hors d'atteinte mais réclame volonté et courage politiques.

La COP 24 est plus importante que les deux précédentes ; son objectif principal est, en effet, de finaliser le programme de travail de l'accord de Paris et de revoir les contributions nationales à la hausse.

Rappelons qu'à Paris, en 2015, les parties se sont engagées à limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation des températures à 1,5 °C. » Il a été prévu de revoir à la hausse les contributions nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de créer un cadre de transparence renforcé pour vérifier ces engagements et d'évaluer périodiquement les progrès réalisés. Enfin, les parties ont décidé de débloquer 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour les pays en développement.

Lors de la COP 22 de Marrakech, il a été convenu de la nécessité « de rehausser d'urgence les ambitions et de renforcer la coopération » et de prendre en compte les besoins spécifiques et circonstances particulières des pays en développement. Le plus intéressant était l'accélération des financements avec le fonds d'investissement de Marrakech pour l'adaptation (MICA), le Fonds pour l'adaptation, l'aide au réseau des technologies climatiques et, enfin, le Fonds vert pour le climat.

Dès avant la COP 23 de Bonn, dont nous retiendrons le « dialogue de Talanoa » qui a été lancé en janvier 2018, la COP 24 a été désignée comme l'étape la plus cruciale. Je note avec intérêt la montée en puissance de la thématique de l'eau ; c'est, de fait, la première ressource concernée par le dérèglement climatique puisque 90 % des catastrophes naturelles y sont liées.

Le choix de Katowice est symbolique car la ville minière incarne le défi de la transition énergétique : la Pologne dépend du charbon à 80 % pour produire son électricité. La COP 24 sera l'occasion de finaliser les règles de mise en oeuvre du pacte sur le climat, notamment sur la « transparence », c'est-à-dire la façon dont les États rendent compte de leurs actions et de leurs résultats. L'épineuse question du financement du réchauffement climatique sera aussi abordée.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable prend ce sujet très au sérieux. Lorsque Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, est venue nous présenter le dernier rapport du GIEC, dont elle est membre, elle a souligné que la protection de l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique passent aussi par le bas, par les territoires et les acteurs de ces territoires que sont les agriculteurs, les associations et, bien sûr, les élus locaux qui déploient les plans climat territoriaux.

Au niveau de la France, il y a la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie bas carbone. Au niveau de l'Union européenne, il y a parmi les engagements pris le paquet Climat-Énergie. L'Europe, pour conserver son leadership climatique, doit indiquer, dès la COP 24, qu'elle rehaussera ses ambitions.

Que propose la France au reste du monde pour relever le défi de la transition énergétique ? Quels sont les objectifs de la diplomatie française pour la COP 24 ? Quel est l'impact du rapport du GIEC sur la stratégie française ? Comment la France conciliera-t-elle la question climatique avec l'accès aux matières premières et la croissance démographique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Il n'est pas de plus grand défi que la lutte contre cette épée de Damoclès qu'est le changement climatique. La France, hôte de la COP 21 a une responsabilité particulière : s'assurer de la mise en oeuvre de l'accord de Paris et de le rendre irréversible en mobilisant l'ensemble de la société sur des actions concrètes. « Par le bas » dit M. Chevrollier ; je partage l'idée, moins l'expression.

La diplomatie climatique de la France sera à la hauteur de la COP 24. Nous sommes sur une trajectoire d'élévation de la température mondiale de 3 °C d'ici 2100, très loin des objectifs. L'urgence est là, comme le confirme le dernier rapport du GIEC. La priorité doit aller à l'application pleine et entière de l'accord de Paris et à la révision à la hausse des contributions nationales.

L'entrée en vigueur de l'accord de Paris, prévue en 2020, est intervenue dès novembre 2016 grâce à l'action de la France en Europe mais aussi dans le monde. La France est attendue, je peux vous le garantir pour avoir effectué de nombreux déplacements à l'étranger avec le président de la République, le ministre d'État ou seule, pour réussir la COP 24. Elle s'active au sein de l'Union européenne, car ce n'est pas la France qui négocie mais l'Union ; elle multiplie les échanges avec les acteurs-clés de la négociation. Je reviens de Chine après avoir été en Inde.

M. Stéphane Ravier.  - En voilà du carbone ! Pourquoi pas une visioconférence ?

M. Gérard Longuet.  - Moi, j'étais sur les barrages des gilets jaunes...

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - J'échange aussi très régulièrement avec le secrétaire d'État polonais à l'environnement.

La France est aussi engagée sur les actions concrètes. Le président de la République a lancé, après le retrait de Donald Trump de l'accord de Paris en 2017, un cri de ralliement : « Make our planet great again ! », invitant les acteurs internationaux à se mobiliser autour d'engagements les plus ambitieux possible.

Le One planet summit, créé le 12 décembre 2017, qui vient de connaître sa deuxième édition, est la traduction de cet appel en termes financiers car 100 milliards de dollars ne suffiront pas. La transition écologique réclame 32 000 milliards de dollars à l'échelle mondiale ; c'est pourquoi, il faut impérativement mobiliser les fonds privés au service d'une finance verte, comme le président de la République l'a dit à New York, où il a appelé à diriger 30 à 40 % des investissements vers des projets bas carbone.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Au sein de l'Union européenne, la France travaille à obtenir le rehaussement des ambitions climatiques ; avec quelques difficultés, disons-le franchement. Certains partenaires ne sont pas aussi allants que nous sur le sujet. Nous devons pourtant faire preuve d'exemplarité d'autant que la COP 24 est perçue comme européenne.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Pour conclure, la France est mobilisée sur les négociations climatiques traditionnelles au sens anglo-saxon du terme comme sur les actions concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Guillaume Gontard .  - La fiscalité carbone du Gouvernement provoque la colère de nos concitoyens, elle s'est dramatiquement exprimée ce week-end. Par principe, je ne suis pas contre la fiscalité écologique mais veux pointer du doigt cette délétère habitude qui consiste à ponctionner nos compatriotes plutôt que les activités économiques polluantes. Le transport aérien est responsable de 3,2 % des émissions de gaz à effet de serre annuelles pour 3,7 millions de passagers transportés. Chaque passager d'un long-courrier consomme autant de carburant que s'il accomplissait seul ce parcours dans une grosse cylindrée. Le secteur connaîtra un taux de croissance annuelle de 5 % par an dans les années à venir ; en cause, les low cost qui profitent des prix très compétitifs du carburant. C'est que depuis la convention de Chicago de 1944, la taxation de kérosène est interdite sur les liaisons internationales. Aberration écologique, le transport aérien est exclu des négociations climatiques.

Pour rétablir un semblant de justice fiscale, la France mettra-t-elle fin à cette aberrante exonération fiscale du kérosène ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Ne refaisons pas le débat sur la fiscalité carbone domestique ; certaines incohérences existent, je le reconnais, mais elles ne sont pas imputables au gouvernement auquel j'appartiens.

Vous avez raison, le transport aérien est particulièrement émetteur de CO2. Nous travaillons au niveau européen pour mettre fin à cette aberration, j'ose le même mot que vous. En 2016, après quinze ans de négociations, l'Organisation de l'aviation civile internationale, agence de l'ONU, a fini par adopter un accord autorisant le transport aérien à compenser ces émissions croissantes de CO2 en achetant des crédits carbone à d'autres entreprises. Cela reste largement insuffisant.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le transport aérien mais la situation est la même dans le transport maritime. Toutes les décisions se prennent dans des instances internationales où l'on ne peut que constater des blocages de la part de certains États.

Mme Angèle Préville .  - Ce qu'attendent de nous les pays malmenés par le réchauffement climatique comme les Maldives et les îles Fidji, ce sont des actes. Ils sont impatients et las d'attendre alors qu'ils perdent tout. À quelques semaines de la COP 24, des mécontentements se sont déjà manifestés à Bangkok.

Le Fonds vert doté de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 peine à remplir ses caisses alors que c'est l'outil essentiel de la finance climatique. La gouvernance de ce mastodonte financier pose problème. Nous devons nouer des partenariats plus forts, encourager le bilatéralisme fraternel, si nous voulons être à la hauteur du problème. Selon la Banque mondiale, il y aura 143 millions de réfugiés climatiques en 2050.

La France est engagée auprès de plusieurs de ces pays avec l'initiative WACA, un programme de gestion du littoral ouest africain qui lutte contre la dégradation du littoral par une approche régionale et intégrée ou encore par l'initiative africaine pour les énergies renouvelables lancée en marge de la COP 21. Quel est l'état d'avancement de ces programmes ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Le Fonds vert est passé par des crises de gouvernance profondes, ce qui souligne la difficulté que nous avons à plonger les mains dans le cambouis de la transition écologique. Nous avons évité le blocage ; à la veille de la COP, il est de nouveau sur les rails. Concrètement, il représente 1 milliard d'euros de contributions au bénéfice de 19 projets Lancement immédiat du processus de reconstitution du Fonds vert dont la conclusion est visée en octobre 2019 avec le démarrage en parallèle d'une revue indépendante de la performance du Fonds, l'accréditation de 16 nouvelles entités, le recrutement du futur directeur exécutif du Fonds et la sélection de l'agent fiduciaire du Fonds ; voilà où nous en sommes sur ce dossier.

Plus globalement, vous posez la question d'un bilatéralisme fraternel. J'irai même jusqu'à parler d'amour car sans fraternité, sans amour, il n'y aura pas de mouvement pour la transition énergétique. Ce n'est pas de la langue de bois, c'était l'objet du One Planet Summit : développer de manière massive des projets solidaires et écologiques pour mettre fin au carnage. La France concentrera toute son énergie à mobiliser autour de cet objectif lors des prochaines échéances internationales, notamment lors du prochain G7.

M. Ronan Dantec .  - Madame la ministre, nous sommes en situation d'échec : les émissions de CO2 ont plus augmenté l'année dernière qu'elles n'avaient augmenté depuis dix ans. L'association Climate Chance, que je préside, vient de le documenter par un rapport très précis. La situation est dramatique parce que nous n'avons pas réussi à lier développement et lutte contre les émissions de CO2, à créer les flux financiers nécessaires entre les pays les plus nantis et les autres pour financer la transition vers le bas carbone.

La COP de la dernière chance, on nous le dit à chaque fois... Il ne faut pas attendre plus qu'il n'en faut de celle de Katowice. Son plan d'action mentionne une transition juste. Concrètement, cela signifie-t-il que la France s'engage à aider la Pologne à sortir du charbon ? Et aura-t-elle la même logique à l'échelle internationale ? Le milliard promis n'a pas encore été mis sur la table, et l'on n'a pas vu non plus la couleur de l'argent français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La question est essentielle. Oui, il faut développer la finance climatique et c'est la responsabilité de la France que de respecter les engagements de l'accord de Paris en contribuant au financement de la stratégie bas carbone et en encourageant les autres à en faire autant. Nous avons pris le leadership mondial dans ce domaine et la secrétaire générale adjointe de l'ONU, Amina Mohammed, avec laquelle j'ai déjeuné aujourd'hui, a confié au président de la République une mission sur la finance climatique. C'est une des réponses pour aller vers une transition juste : en finir avec les projets nocifs pour la planète que continuent de financer des organisations et des banques.

M. Ronan Dantec.  - La France avait pris de l'avance sur le transport aérien avec la taxe Chirac. Nous vous proposerons d'indexer cette taxe sur le prix de la contribution climat-énergie. Nous dégagerions 100 à 150 millions d'euros pour la solidarité internationale et la boucle serait bouclée ! J'espère que vous soutiendrez cette proposition.

Mme Évelyne Perrot .  - En août dernier, M. Trump a notifié son désengagement de l'accord de Paris. Son homologue brésilien envisage d'en faire autant alors que la forêt amazonienne est une immense consommatrice de CO2. Comment ne pas penser à l'accord de libre-échange avec le Mercosur ? Depuis 2012, le Brésil est devenu le plus grand exportateur de viande bovine au monde et a prévu de doubler son cheptel d'ici 2025 et c'est sans parler de l'arrivée du porc brésilien sur le marché européen. Quand la France privilégie les produits issus d'une agriculture raisonnée, il serait impensable d'importer des bêtes qui sont issues de l'élevage intensif, dans un pays qui se retirerait de l'accord de Paris. Pouvez-vous nous donner des garanties ? Les consommateurs et les producteurs français en ont besoin.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Je ne cherche pas à me dédouaner mais la transition écologique est de la responsabilité de chacun, chacun devrait commencer par réduire sa consommation de viande. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Duplomb.  - C'est la dictature écologique !

M. Stéphane Ravier.  - De toute façon, les Français n'ont pas les moyens d'acheter du boeuf !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Réaction typique...

Une des réponses, c'est aussi une agriculture respectueuse de l'environnement. Le président de la République a précisé que le compte n'y était pas dans l'accord avec le Mercosur : nous voulons négocier des quotas sur le boeuf. À la tribune de l'ONU, il a réaffirmé que nous ne ferions pas de commerce avec des pays qui ne respectent pas l'accord de Paris. Cela ne vous a pas échappé, vous qui suivez avec tant d'intérêt ce sujet...

M. Jérôme Bignon .  - Comment les États peuvent-ils coordonner leurs efforts pour mettre en oeuvre l'accord de Paris ? Le rapport du GIEC rendu public le 8 octobre dit en substance que le changement climatique affecte déjà les populations et les écosystèmes. Chaque demi-degré compte. La France n'est pas seule et peut compter sur l'Union européenne. Cependant, les points de vue divergent au sein de l'Union.

La France est en train de réviser sa stratégie bas carbone. Comment favoriser l'émulation et la solidarité pour renforcer les engagements ? Comment tenir les objectifs sur la durée ? Il faut que la transition soit juste pour être acceptée.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La France négocie en tant que membre de l'Union européenne qui la représente dans les négociations internationales. C'est très difficile. Je ne vous cache pas qu'il y a des divergences de vues entre les pays européens. La question de la transition juste est un point difficile de négociation. Certains États refusent de revoir leurs objectifs à la hausse.

Nous sommes parvenus à ce que l'Union européenne négocie en tant qu'entité unique, c'est un début. Nous nous réunissons avec les pays les plus allants avant chaque conseil européen des ministres de l'environnement. Ce dialogue difficile a du mal à se concrétiser.

Mme Pascale Bories .  - Le Global Carbon Project démontre que la France n'a pas à rougir de son bilan carbone. Elle se hisse au deuxième rang des pays les plus performants en la matière selon l'indice de performance de Yale. La France peut être fière.

Mais en ce lendemain de crise des gilets jaunes, force est de constater que vous accentuez l'écologie punitive. Contrairement aux caricatures, les Français veulent travailler et ne peuvent pas tous le faire en patinette électrique ; les Français veulent s'engager dans la transition énergétique si on leur en donne la possibilité au regard de leurs moyens. La conquête des opinions est en train de vous échapper.

La COP 24 est essentielle pour l'application de l'accord de Paris, la France ne sera crédible que si elle commence par restaurer le calme chez elle. Et la programmation pluriannuelle de l'énergie se fait attendre. Quand remettrez-vous la population au coeur de la transition écologique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Décidément, ce sont d'abord les sujets domestiques qui vous intéressent... Je suis choquée de vous entendre dire que la France peut être fière de son bilan carbone alors que les émissions sont à la hausse. (M. Laurent Duplomb proteste.)

Le Gouvernement a pris des mesures inédites et mis en place une palette d'outils pour aider les plus modestes d'entre nous. Je rappelle, madame la sénatrice, que la taxe carbone a été votée par un gouvernement dont faisait partie M. Wauquiez et confirmée la main sur le coeur par la majorité suivante. Nous payons les effets néfastes de plusieurs années d'impréparation et d'hypocrisie.

M. Laurent Duplomb.  - Encore la leçon !

M. Richard Yung .  - Pour un débat placé sur le signe de l'estime et de l'amour, cela manque un peu de respect. Écoutons-nous même si nous ne sommes pas d'accord entre nous. Il s'agit de débattre sur la diplomatie climatique de la France à l'aune de la COP 24.

Mes questions sont financières. L'accord de Paris réaffirme l'engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 et d'aider les pays en voie de développement à prendre les mesures qui s'imposent. Ces derniers disent aux pays développés que cela fait 150 ans qu'ils pillent la planète, et que maintenant qu'ils arrivent à se développer, il faudrait qu'ils se restreignent... J'aime manger de temps en temps une côtelette de veau, mais je peux accepter qu'on me demande d'en modérer ma consommation !

Comment faire pour réorienter la finance mondiale vers des actions climatiques et comment articuler la contribution française et la contribution européenne ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Merci d'avoir recentré le débat. La France sera au rendez-vous des 100 milliards. C'est un engagement dans le cadre de l'accord de Paris. Nous travaillons sur la finance verte à l'échelon européen en l'axant sur les risques climatiques, car c'est le langage qui parle à la finance.

La France mobilise ses partenaires. L'Allemagne sera aussi au rendez-vous financier. Notre pays participe enfin à nombre de projets, dont l'Alliance solaire internationale et l'Agence française de développement.

M. Joël Bigot .  - Il y a un an, ici même, je vous interrogeais sur la COP 23 et le fléchage des aides, notamment agricoles, vers les pays du sud. La transition agro-écologique dans ces pays est un enjeu majeur. Or la chaise des États-Unis reste désespérément vide.

D'après le rapport du GIEC, des changements très rapides sont nécessaires pour contenir à 1,5° C le réchauffement climatique. Pourtant, le changement, c'est maintenant.

Or le Fonds vert pour le climat, principal outil des accords de Paris, semble avoir du plomb dans l'aile : on annonce 4 milliards de financement pour une centaine de projets, bien loin des 100 milliards par an prévus. La COP 14 biodiversité qui se réunit actuellement à Charm-el-Cheikh, démontre la nécessité de mieux rémunérer le capital nature.

Où en est la France ? Vous vous félicitez de la taxe sur les transactions financières (TTF). Celle-ci pourrait générer des ressources nouvelles pour le Fonds vert climat. Or la loi de finances pour 2019 diminue de 50 à 30 % la part de la TTF allouée à la solidarité internationale et au climat.

Quels sont les progrès de la France pour créer une TTF européenne pour aider la transition écologique des pays en développement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La France est et sera au rendez-vous des 100 milliards, avec 5 milliards en 2020 dont 1,5 milliard pour l'adaptation au changement climatique.

L'Agence française de développement s'est engagée à ne plus financer de projets contraires à l'accord de Paris.

Les 100 milliards font beaucoup débat avec les pays en développement. L'OCDE rendra un rapport qui fera le bilan des engagements publics. Nous devons explorer d'autres moyens de financement, y compris privés. C'est l'objet du One Planet Summit.

Il faut réfléchir avec créativité pour trouver de nouveaux modes de financement innovants.

M. Jacques Le Nay .  - Le changement climatique n'est plus une menace mais une réalité déjà visible, concrète et quotidienne dans le monde et en France. La sécheresse exceptionnelle et persistante dans les Alpes et en Franche-Comté le montre. Le Morbihan, et plus généralement la Bretagne, sont tout aussi concernés. Le GIEC annonce l'augmentation du nombre et de l'intensité des tempêtes et la salinisation des cultures proches des rivages du fait de la hausse du niveau de la mer.

L'accord de Paris est une avancée saluée par tous. La COP 24 va s'ouvrir à Katowice la semaine prochaine sans les États-Unis et d'autres. Face à ces renoncements d'États, l'activisme de nos territoires apporte une lueur d'espoir. Les grandes villes du monde s'organisent en réseau. Les collectivités territoriales sont le berceau d'initiatives nombreuses. La diplomatie décentralisée va-t-elle enfin être reconnue ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Il est de plus en plus difficile de mobilier les États, même si certains restent moteurs. La décision du président Trump de quitter l'accord de Paris a des conséquences même si elle a aussi mobilisé de certains États, notamment fédérés, des villes, des entreprises et des ONG qui sentent que l'action contre le changement climatique doit passer aussi par eux.

Le meilleur moyen de rendre l'accord de Paris irréversible, c'est de le mettre en oeuvre. À la COP 24, une place importante sera faite aux entreprises. Leurs propositions nourriront les débats. Il reste néanmoins indispensable que la France se mobilise car il faut un signal clair pour que les acteurs économiques se mettent en place.

M. Cédric Perrin .  - Merci au groupe Les Républicains d'avoir inscrit ce débat à ordre du jour.

En 2017, 30,6 millions de personnes ont dû fuir des conflits ou des catastrophes dans 143 pays, d'après un rapport de l'Internal Displacement Monitoring Center et 39 % de ces déplacements étaient causés par des conflits, 61 % par des catastrophes naturelles, soit 18,8 millions de personnes déplacées à la suite de catastrophes météorologiques.

En 2050, il y aura 250 millions de réfugiés climatiques. Le changement climatique est un multiplicateur de risque et les organisations internationales, qui sont structurées en silo, ne prennent pas suffisamment ce sujet en compte.

Comment la France s'inscrit-elle dans la construction de cette gouvernance des migrations environnementales ? Quel modèle défend-elle ans le cadre des négociations internationales ?

Dans la proposition n°29 du rapport précité, nous recommandions à la France d'être à l'initiative au sein de l'OTAN d'une réflexion sur l'analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique afin de les prendre en compte dans l'appréciation des risques et des menaces, ainsi que dans les perspectives de transformation de l'organisation des forces.

Sur ce sujet, c'est certainement le général Pierre de Villiers qui en parle le mieux. S'il a retrouvé ses habits de civil, il est surtout un homme d'expérience et de terrain. Dans son dernier essai, il alerte avec force sur les graves conséquences géostratégiques qu'induit le dérèglement climatique. Il témoigne des déplacements incontrôlés de populations, du manque d'eau, des facteurs éventuels de vulnérabilité pour les armées ou encore, des risques accrus de conflictualité

M. Benoît Huré.  - Très bien !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Beaucoup d'États prennent conscience du poids du changement climatique sur les conflits. La réponse, c'est de lutter contre ce changement. Aussi, la France s'engage dans des organisations telles que l'Agence solaire internationale en Afrique ou l'Agence française de développement. En juillet 2019, la France prendra la présidence de la plateforme sur les déplacements dus aux catastrophes naturelles située à Genève.

Il est de plus en plus difficile de détacher les questions de migrations de celles du changement climatique.

Il faut aussi aider les États et renforcer leurs capacités internes. Beaucoup de déplacements se font à l'intérieur des frontières étatiques, par exemple en Inde ou au Nigeria.

La meilleure réponse sera un succès de la COP 24.

Mme Nelly Tocqueville .  - Alors que la COP 24 va se réunir la semaine prochaine, le GIEC a publié le 8 octobre un rapport alarmant : il annonce des migrations climatiques massives. Les effets du changement climatique se feront sentir sur nombre d'espèces, dont l'espèce humaine. Nous devons donc revoir nos ambitions climatiques à la hausse.

Les deux précédents sommets ont axé leurs efforts sur le calendrier pour mettre en oeuvre l'accord de Paris. La COP 24 doit clarifier les règles de transposition des engagements en actions concrètes.

C'est collectivement que les États, dont l'Union européenne, doivent respecter l'accord de Paris et même s'engager plus avant.

La France doit assumer son rôle de leader et redoubler d'efforts pour plaider pour un comportement écologique correct. Quelles ambitions financières la France exprimera-t-elle à la COP 24 ? Un accord pérenne est-il envisageable ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La France sera au rendez-vous des financements. Quelque 5 milliards d'euros seront débloqués d'ici 2020 pour le climat. La France mobilise aussi ses partenaires européens.

Dans le cadre de l'accord de Paris, chacun donne sa feuille de route. C'est à chacun aussi de s'assurer de sa traduction concrète.

Ainsi, la France a annoncé un texte ambitieux en faveur de l'économie circulaire, a lancé un plan climat en 2017 pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Elle a mis en place un paquet solidarité climatique. Elle met en cohérence ses politiques nationales avec ses engagements internationaux : ainsi, les financements de l'Agence française de développement (AFD) respectent l'accord de Paris.

M. Christophe Priou .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre, vous avez répondu vertement à Mme Bories - c'est de circonstance, sans doute !

La centrale thermique de Cordemais va fermer. Si l'hiver est rigoureux, nous importerons de l'électricité d'Allemagne ; or celle-ci utilise des centrales à charbon pour sortir du nucléaire. Pas si simple... Sur 37 milliards, seuls 7 milliards de la TICPE iront à la transition énergétique.

Des milliers d'éoliennes offshore tournent dans les pays du Nord ; zéro en France, à cause de changements de règlementation qui ne rassurent pas les investisseurs.

Quelle sera la position de la France à la COP 24 en matière maritime ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Les questions que vous posez sont au coeur des débats. La fermeture de la centrale de Cordemais est la preuve de la volonté de la France de ne plus faire appel aux énergies fossiles.

L'équilibre est compliqué. Nous avons un dialogue fructueux avec l'Allemagne, notamment avec M. Altmaier.

Nous travaillons aussi sur la demande énergétique, sur l'amélioration de l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et nous veillons à garantir la sécurité de nos approvisionnements tout en faisant appel à une énergie la plus décarbonée possible. La PPE qui vous sera prochainement présentée répondra à toutes ces problématiques.

Nous travaillons sur l'éolien offshore auquel nous croyons beaucoup : des simplifications réglementaires seront bientôt effectives. Ce sera, là aussi, au coeur de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

M. Stéphane Piednoir .  - Il y a un large consensus : la COP qui va s'ouvrir sera la plus importante en termes d'enjeux depuis celle de 2015 à Paris. II devient en effet primordial d'établir un plan d'actions précis et opérationnel pour atteindre des objectifs raisonnés face à l'urgence climatique. Parmi les multiples sujets liés à ces objectifs, prenons celui de la mobilité décarbonée. L'Opecst publiera en début d'année prochaine un rapport sur la faisabilité de l'arrêt de la commercialisation des véhicules à moteurs thermiques d'ici 2040. En tant que co-rapporteur, j'explore depuis deux mois les nombreux défis à relever pour passer de l'annonce, voire de l'injonction politique, à la mise en oeuvre effective. Ainsi, la multiplication des véhicules électriques suscite de réelles questions. D'un point de vue technologique, l'Europe ne maîtrise pas la chaine de production des batteries lithium et elle est fortement dépendante pour les matières premières, ce qui la rend vulnérable vis-à-vis de la Chine notamment. L'accélération de la mise en circulation de véhicules électriques pose aussi la question de notre production d'électricité qui devra être décarbonée. Sur ce point, nous devons être extrêmement prudents sur les annonces de fermeture de centrales nucléaires tant que l'EPR de Flamanville n'est pas en service. Pour être à la hauteur du défi climatique et des transitions qu'il implique, les États européens doivent renforcer et coordonner leurs efforts, pour une action pertinente et efficace, tant sur les questions d'industrialisation que de recherche et développement, par exemple sur la filière hydrogène.

Pouvez-vous nous indiquer quels moyens la France met-elle en oeuvre pour doter l'Union européenne d'un véritable plan cohérent en matière de transition énergétique ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - D'ici 2040, nous ne voulons plus de véhicules thermiques en France. Les entreprises s'y préparent.

M. Gérard Longuet.  - ... en disparaissant !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Les batteries ne sont que l'une des solutions technologiques. La France veut conduire de véritables politiques industrielles dans ce secteur ; il faut développer un avantage compétitif par rapport à la Chine sur les batteries et sur l'hydrogène.

Oui, un parc automobile électrique consomme beaucoup d'électricité, mais l'objectif est atteignable et la PPE répondra à ces enjeux.

M. Cyril Pellevat .  - Le contexte social français est lourd : les automobilistes se révoltent, avec trois perdants : les Français, en proie à un ras-le-bol fiscal, le Gouvernement, qui se voit affaibli, et l'écologie.

Avec la taxe carbone, le Gouvernement pousse les Français à devenir des « anti-écolos ». Il s'y prend très mal : absence d'explications sur la taxe carbone, absence d'explications sur l'utilisation des recettes, absence de concertation, absence de justice sociale.

Pourtant, avec l'accord de Paris, notre pays s'avère être un des leaders de la conscience écologique au niveau mondial. La réussite de la transition environnementale est notre souhait à tous. Mais il va falloir expliquer, et surtout, mettre en place des mesures redistributives, et non pas des mesurettes pour compenser à court terme, telle que l'extension du chèque énergie. Cela ne permettra pas de restaurer la confiance.

Il est urgent de créer un véritable consensus social en faveur de l'environnement.

La parole de la France à l'international est affaiblie par le conflit social que nous vivons : comment porter la voie de la France lors de la COP 24 dans ce contexte ?

En tant que sénateur d'un département montagnard, je souhaite savoir si vous êtes favorable à la prise en compte des zones géographiques de montagne dans les négociations internationales ? Cela a été le cas pour les zones insulaires, pourquoi ne pas faire de même pour les territoires de montagne ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - La voix de la France porte plus que jamais, contrairement à ce que vous affirmez.

Monsieur le sénateur, à quelle majorité appartenez-vous ? Quel gouvernement a fait voter la taxe carbone ? Nous payons le prix d'années d'impréparation. (On se récrie à droite.)

Vous savez comme moi qu'une partie de la colère des gilets jaunes est légitime et compréhensible - celle qui porte sur le pouvoir d'achat. Or le Gouvernement leur redonne ce pouvoir d'achat avec la croissance et la baisse des dépenses publiques, avec la loi Pacte, avec le plan Pauvreté, ou la loi sur la formation et l'apprentissage... Nous réalisons les réformes trop longtemps repoussées. N'exploitez pas ces manifestations à des fins politiques ! (Exclamations indignées à droite)

M. Gérard Longuet .  - Madame le ministre, vous allez participer à la COP 24. La COP 21 a été un succès diplomatique de la France, mais peut revendiquer un succès beaucoup plus ancien : la décarbonation de la filière électrique par la filière nucléaire.

Le nucléaire n'est pas un complément aux énergies renouvelables mais leur condition ; car éolien et solaire sont intermittents, aléatoires et dispersés, ce qui les rend très coûteux en réseaux de la densification des réseaux. De par sa souplesse, le nucléaire est un instrument de consolidation de ces énergies alternatives.

Avez-vous une stratégie diplomatique pour qu'au niveau international, le nucléaire devienne un outil de l'énergie décarbonée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Votre langue a sans doute fourché : vous avez dit « madame le ministre ».

M. Gérard Longuet.  - Je l'assume. Le masculin est générique en français !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Je vous demande de m'appeler « madame la ministre ». Vous prétendez parler au nom des Français, et leur aspiration, c'est l'égalité entre les femmes et les hommes ! (Exclamations à droite) Le débat est clos : c'est comme ça et pas autrement.

Nous allons réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français d'ici à 2025.

Les Français veulent que nous développions massivement les énergies renouvelables ; cela figurera dans la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie.

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains .  - « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs... ». Ces mots du président Chirac en 2002 résonnent encore et ont contribué à marquer un tournant dans la politique Française en matière d'engagement pour la planète.

Organisé à la demande du groupe Les Républicains, ce débat montre que le corps législatif que nous représentons a compris l'importance des enjeux liés au réchauffement climatique, et cela bien au-delà des clivages politiques.

Depuis la loi portant protection de la nature du 10 juillet 1976, la France n'a cessé de s'engager en faveur d'une meilleure protection de la planète. Le Grenelle de l'environnement organisé en 2007 fut une étape majeure qui permit à notre pays d'engager une véritable révolution de la pensée et législative. À la suite du Grenelle, diverses lois ont été votées, comme celle relative à la transition énergétique et la loi Biodiversité. Le Sénat s'est mobilisé pour renforcer les dispositions en faveur de l'environnement dans divers textes. Ainsi, la notion de préjudice écologique a été introduite par nos collègues Retailleau et Bignon.

Si nous souhaitons tous réduire nos émissions de CO2, il arrive que nous ne soyons pas d'accord sur les moyens pour y parvenir.

Ainsi, nous croyons au sein du groupe Les Républicains que c'est en développant une écologie incitative et non punitive que nous pourrons obtenir de meilleurs résultats et une meilleure acceptation de l'opinion publique.

La mobilisation des gilets jaunes montre bien que nous ne pouvons construire un modèle écologique durable contre les citoyens. La pédagogie et la volonté politique ne suffisent pas, la fiscalité doit être intégralement utilisée pour accompagner nos concitoyens vers le changement.

À l'opposé de cette démarche punitive, je me dois de saluer la concertation pour l'élaboration de la feuille de route en faveur de l'économie circulaire, madame la ministre, dont nous débattrons dans cet hémicycle dans quelques mois.

Il convient de développer un mix énergétique entre les énergies renouvelables et le nucléaire pour suppléer les énergies fossiles. Notre pays émet ainsi deux fois moins de CO2 que notre voisin allemand.

Les changements engagés par notre pays en faveur de l'environnement nous ont permis de porter une nouvelle voix sur le plan international. La COP 21 et l'accord de Paris ont été un véritable succès.

Ce sujet est devenu bien plus qu'un enjeu national pour la France mais s'est converti en une arme diplomatique de taille. Notre pays apparaît désormais sur la scène internationale comme le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique.

L'Union européenne se mobilise également en faveur du climat. Des réglementations importantes et contraignantes ont été votées afin d'engager les pays membres dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, 180 milliards d'euros, soit 20 % du budget 2014-2020 de l'Union européenne devraient être consacrés à la protection du climat.

Le combat est pourtant loin d'être gagné et la fragilité des accords de Paris montre combien de nombreux gouvernements doutent encore de l'urgence climatique, je pense notamment aux États-Unis ou au Brésil.

Cette mobilisation internationale n'a cependant pas été vaine et nous pouvons nous satisfaire d'avoir déjà gagné la bataille de la mobilisation des consciences. Je regrette que la question de la démographie ne soit pas corrélée systématiquement à celle de l'utilisation des ressources.

Sans engagement citoyen, il ne peut y avoir de changement.

Le succès de cette politique repose sur un équilibre subtil entre les trois piliers du développement durable : l'environnement, le social et l'économie.

La France doit mettre l'Homme au coeur de sa réflexion pour un plein succès de la COP 24. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes sur la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues, à la demande de la commission de la culture.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au Chapitre VII bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - À l'occasion de ma mission sur la formation à l'heure du numérique, j'ai été sensibilisée par plusieurs experts de la santé sur les troubles du développement qu'ils observaient chez un nombre croissant de jeunes enfants et les liens de cause à effet qu'ils constataient entre ces troubles et l'exposition précoce aux écrans de leurs jeunes patients.

J'en suis arrivée aux conclusions suivantes. D'abord, l'exposition aux écrans commence dès la petite enfance et tend à augmenter en raison de la multi-exposition des enfants aux écrans. Nous ne disposons que de peu de statistiques mais de nombreuses enquêtes. Je renvoie aux trois que j'ai déjà citées la semaine dernière : une étude de l'Inserm, une enquête déclarative de l'Association française de pédiatrie ambulatoire et une enquête Ipsos menée en 2017 qui montrent l'ampleur du phénomène.

La deuxième conclusion à laquelle je suis parvenue, et que confirment toutes les études scientifiques, c'est que les interactions qu'un enfant a avec son entourage et son environnement sont la meilleure source de stimulation pour lui. Or plus un enfant passe de temps devant un écran durant une journée, moins il lui en restera pour jouer et interagir avec les autres.

Toujours selon des données scientifiques, une surexposition aux écrans peut avoir de nombreuses conséquences néfastes : ainsi, la surexposition des plus petits risque d'entraîner une attitude passive face au monde qui les entoure.

En dépit de ces signes alarmants, les industriels continuent de mettre sur le marché toute une panoplie de jouets pseudo-éducatifs en direction des enfants en bas âge, contribuant à développer un environnement favorable à l'augmentation du temps passé devant les écrans et à créer l'illusion qu'il est normal pour l'enfant de passer plusieurs heures de sa journée devant un écran.

C'est pourquoi les sénateurs de la commission de la culture ont décidé, à l'unanimité, de renforcer la visibilité des recommandations nationales déjà existantes en exigeant la présence d'un message à caractère sanitaire avertissant des dangers liés à l'exposition des écrans pour le développement des enfants de moins de 3 ans sur tous les outils et jeux numériques disposant d'un écran, mais également sur toutes les publicités les concernant, quel que soit leur support.

Il convient également d'organiser des actions régulières d'information et d'éducation institutionnelles en partenariat avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Cette proposition de loi n'a pas la prétention de régler tous les problèmes. La question de l'extension des messages sanitaires aux sites d'achat en ligne et aux sites qui fournissent des contenus audiovisuels en ligne n'est ainsi pas traitée. Mais face à un sujet qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique, nous avons adopté des mesures simples et efficaces pour sensibiliser les parents ainsi que tous ceux qui gravitent dans leur entourage et pour atténuer l'asymétrie d'information dont ils sont les premières victimes.

Aussi, je suis particulièrement étonnée de l'absence de soutien du Gouvernement à cette proposition de loi et surtout des arguments avancés pour justifier ce refus.

La semaine dernière, vous avez estimé que « les données manquent quant à l'ampleur de l'exposition des enfants de moins de 3 ans aux écrans et surtout quant aux effets d'une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ». Vous souhaitez attendre les résultats d'une mission donnée au Haut Conseil de la santé publique avant d'élaborer une nouvelle campagne nationale de prévention.

Madame la secrétaire d'État, depuis dix ans, le CSA supervise chaque année une campagne de sensibilisation financée par les chaînes de télévision pour rappeler les bonnes pratiques à adopter en matière d'exposition des enfants aux écrans. Est-ce que cette campagne ne se base pas sur des données scientifiques ?

Le 1er avril 2018, les nouveaux modèles de carnet de santé de l'enfant sont entrés en vigueur. Dans son communiqué de presse du 5 mars, le ministère de la Santé et des Solidarités écrivait : « les principales évolutions de la nouvelle édition concernent les messages de prévention, qui ont été enrichis et actualisés pour tenir compte des évolutions scientifiques et sociétales, de nouvelles recommandations et de l'identification de nouveaux risques ». Il est ensuite dit qu'il faut « éviter de mettre un enfant de moins de 3 ans dans une pièce où la télévision est allumée (même s'il ne la regarde pas) ».

Où est la logique ? Les messages à caractère sanitaire figurant dans le carnet de santé seraient validés scientifiquement, mais les mêmes messages que la proposition de loi souhaite imposer sur les emballages ou au moment des publicités sur des outils ou des jeux numériques comprenant des écrans ne seraient pas légitimes faute de preuves scientifiques suffisantes ! Ce n'est pas sérieux.

Vous avez confié une étude au Haut Conseil de la santé publique alors qu'un comité tripartite rassemblant l'Académie des sciences, l'Académie des technologies et l'Académie de médecine travaille déjà sur le sujet. Cette étude renforcera les faisceaux d'indice mais n'apportera pas de preuves définitives. Les enfants ne sont pas des rats !

En commission, la ministre a eu la maladresse de mélanger troubles liés à la surexposition aux écrans et troubles du spectre de l'autisme. Je n'ai jamais parlé d'autisme, seulement de troubles de langage et de l'attention. C'est vous seule qui avez évoqué l'autisme.

Oui, nos méthodes divergent. Notre commission de la culture a coutume de travailler avec tous les gouvernements pour faire progresser les dossiers ; sur l'interdiction du téléphone portable à l'école, nous avons fait confiance au Gouvernement, malgré l'absence d'études.

Nous connaissons le poids des lobbies : il a fallu trois ans pour obtenir le bandeau sanitaire sur les publicités pour les boissons sucrées ! Va-t-on recommencer le scandale de la cigarette, de l'alcool, des produits sucrés ?

En cette journée internationale des droits de l'enfant, le Défenseur des droits recommande le principe de précaution, à savoir l'interdiction de l'exposition des moins de 3 ans aux écrans dans les lieux les accueillant. Le Sénat prend ses responsabilités en prenant partie pour la santé de nos enfants, que le Gouvernement prenne les siennes ! (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je salue le travail de la commission et l'investissement de sa présidente sur les questions liées au numérique. Celui-ci a changé nos modes de vie. Il est important de porter un regard critique sur ces bouleversements. Vous appelez à prendre en main notre destin numérique, de sensibiliser les citoyens aux enjeux ; à cet égard, nous devons porter une attention particulière aux enfants.

Les potentiels effets d'une surexposition aux écrans de très jeunes enfants sont source de questionnement. Le Gouvernement partage l'objectif de mieux communiquer sur des repères dans l'usage des outils numériques.

À partir des recommandations établies par le ministère en 2008, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) s'est saisi du sujet.

La proposition de loi visait initialement à diffuser un message sanitaire sur les emballages des outils numériques ; en commission, vous l'avez étendue à toute publicité pour ces outils.

S'il est vrai que le temps passé devant les écrans augmente, les données manquent quant aux conséquences sur le développement psychomoteur des enfants.

À travers le nouveau carnet de santé de l'enfant, le ministère invite les parents à éviter de mettre un enfant de moins de 3 ans dans une pièce où un téléviseur est allumé. Cependant, le principe de responsabilité fait que nous ne pouvons imposer des messages sanitaires non étayés par des analyses scientifiques.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est irresponsable !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - C'est pour répondre à ces interrogations que la ministre a saisi le Haut Conseil de santé publique ; nous attendons ses recommandations. Preuve, s'il le fallait, que le Gouvernement partage vos inquiétudes. (M. Pierre Ouzoulias s'exclame.)

Le plan Priorité prévention prévoit une campagne d'information sur les repères d'usage d'écrans qui seront créés. La question de la surexposition des enfants aux écrans fait aussi l'objet d'une réflexion dans le cadre des états généraux des nouvelles régulations du numérique. Le mouvement doit être européen, voire international.

Je veux insister sur le rôle des parents. Être parent est une mission difficile, sans doute plus qu'autrefois. Avec la démultiplication des supports, limiter l'exposition des enfants aux écrans peut se révéler une bataille quotidienne.

L'un des axes de la stratégie « Dessine-moi un parent » est de sensibiliser les parents et de former les professionnels aux risques de surexposition des jeunes enfants aux écrans ; il nous faut évaluer le rôle des adultes référents dans ces usages. Le réseau des écoles des parents et des éducateurs propose des animations collectives, des ateliers de sensibilisation, des conférences-débats qui facilitent la prise de conscience des parents. Les PMI ont aussi un rôle à jouer.

Enfin, le passage à l'instruction obligatoire dès 3 ans favorisera chez tous les enfants l'apprentissage de la vie en collectivité, l'interaction avec les autres, l'ouverture sur l'extérieur.

Nous voulons agir. Mais à ce jour, les données que vous avez citées sont trop partielles pour imposer un message sanitaire. Nous avons besoin qu'une instance d'expertise se prononce pour mener, sur cette base, les actions pertinentes. (Murmures sur plusieurs bancs à gauche)

C'est pourquoi nous ne pouvons soutenir cette proposition de loi, même si nous en partageons l'objectif.

Mme Sylvie Robert .  - Dans un entretien à un hebdomadaire français, Philip Roth expliquait que « face à l'écran et à son pouvoir hypnotique, la lecture de romans (...) comme vecteur d'informations sur le monde et l'expérience humaine, et comme plaisir, est devenue obsolète. » Au-delà de la lecture, les contacts humains, la découverte de la vie sont déterminants pour l'apprentissage du langage, de la communication verbale ainsi que corporelle, pour la capacité d'attention et de concentration, bref, pour la construction des plus jeunes.

Or l'utilisation immodérée, voire frénétique, des objets numériques les met en danger. Veillons à ce que ces objets ne finissent pas par prendre possession de l'être humain !

Après la phase d'euphorie liée à la démocratisation d'internet, nous avons pris conscience que l'entrée dans la troisième révolution industrielle s'accompagnait de défis nouveaux. Cette phase de transition doit être une phase de régulation si nous voulons maintenir un rapport harmonieux entre la société et le déploiement des nouvelles technologies.

C'est dans cette philosophie que s'inscrit cette proposition de loi. C'est une première étape. À l'avenir, il serait pertinent de faire preuve de plus de pédagogie en évitant la stigmatisation des parents car le numérique impose aussi une éducation des parents.

Les parents doivent veiller à ne pas donner le mauvais exemple, et s'imposer une certaine distanciation.

Les actions de prévention prévues dans ce texte nécessitent des moyens financiers. Il faudra sans doute prévoir dans les années à venir un vaste plan de prévention incluant des différentes problématiques de santé publique liées à la surexposition.

La position du Gouvernement suscite surprise et incompréhension. Cette proposition de loi de bon sens n'est qu'une première étape. Son rejet par le Gouvernement laisse perplexe.

Mme Maryvonne Blondin.  - Tout à fait.

Mme Sylvie Robert.  - Madame la ministre, vous souhaitez mener des études d'impact avant de légiférer. Pourtant, quand il a fallu interdire les téléphones portables à l'école, vous n'avez pas attendu et la précipitation a été de rigueur.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le président de la République avait décidé...

Mme Sylvie Robert.  - Nous vous avons suivis. Je regrette que vous favorisiez les postures sélectives plutôt que les arguments.

Suivons le Défenseur des droits car il y va de la construction des adultes de demain. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Françoise Laborde .  - Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité en PLEC, tant elle est d'intérêt majeur pour la santé des futures générations. Les scientifiques le démontrent depuis des années, l'exposition précoce des enfants aux écrans est délétère pour leur développement. Certes, exercer une vigilance de chaque instant sur l'usage des écrans par les enfants incombe d'abord aux parents, qui doivent aussi donner l'exemple.

Les écrans allient la facilité du virtuel et la force de l'émotionnel, le plus souvent en huis clos. Il faudrait appliquer la règle des 3, 6, 9,12 : pas d'écran avant 3 ans, pas de jeux vidéo avant 6 ans, pas d'internet avant 9 ans, pas de réseaux sociaux avant 12 ans.

Une étude de 2017 a montré que les enfants de 1 à 6 ans passent en moyenne 4 h 37 par semaine devant les écrans, soit 55 minutes de plus qu'en 2015. Les conséquences sur l'apprentissage et la concentration sont dramatiques : problème de langage, de repère dans l'espace, de sommeil, passivité, voire vision du monde à plat !

En commission, nous avons adopté un texte imposant l'affichage d'un message sanitaire sur les emballages des outils numériques et prévu un message similaire sur les publicités, à l'instar de ce qui existe dans l'alimentaire. Plusieurs amendements ont été déposés pour élargir le message aux sites de e-commerce et aux plateformes de visionnage des vidéos à destination des enfants. La renégociation de la directive e-commerce et la future loi sur l'audiovisuel seront l'occasion d'en débattre.

Nous devons inclure dans la prévention tous les services sanitaires et socio-éducatifs intervenant auprès des enfants. Les agents des médiathèques, par exemple, doivent être formés.

Pour le Gouvernement, il est urgent d'attendre. Pour nous, il est urgent d'agir ! Tout en regrettant que la PLEC ait limité l'examen du texte, le groupe RDSE le votera. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Colette Mélot .  - À l'heure où l'on possède un téléphone portable à 10 ans en moyenne, la surexposition des enfants aux écrans devient un enjeu de santé publique.

Sean Parker, Bill Gates ou Steve Jobs eux-mêmes limitent l'utilisation des écrans pour leurs enfants.

Selon les experts, la surexposition des enfants aux écrans expose à des risques de dépendance, de myopie, des troubles de l'attention, de la mémoire et du comportement, à des difficultés d'apprentissage, à un isolement social, à un risque d'exposition aux contenus violents, au cyber-harcèlement...

Nous soutenons cette démarche qui est un complément utile aux campagnes de sensibilisation que le CSA mène depuis dix ans.

Nous avions proposé des mesures complémentaires dans la proposition de loi visant à interdire les téléphones portables à l'école : équiper les écrans de filtres à lumière bleue ou encadrer la durée d'utilisation pédagogique des écrans par classe d'âge. Nous avons redéposé ces amendements sur le présent texte, et convenu ensemble d'une application par voie réglementaire.

Si le numérique est une rupture technologique égale à l'invention de l'imprimerie, nous devons rester attentifs aux signaux envoyés par les communautés scientifiques et éducatives pour en réguler les effets néfastes. Nous soutiendrons cette proposition de loi qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue le travail de fond de Catherine Morin-Desailly. Le contexte est préoccupant, voire alarmant. Tous les spécialistes que nous avons auditionnés soulignent les dangers d'une exposition trop précoce des tout petits aux écrans, tels que des troubles de l'attention ou une socialisation imparfaite.

Les conséquences désastreuses d'une exposition avant 3 ans compromettent les chances de ces enfants de devenir des adultes autonomes et équilibrés.

La proposition de loi s'adresse d'abord aux industriels, rappelés à leur responsabilité sociétale. Ils doivent non seulement apposer un message d'alerte mais reconsidérer la conception de leurs produits. Cette autorégulation est possible ; l'industrie agroalimentaire a su le faire pour les produits gras et sucrés.

L'éducation aux écrans est un devoir de tous les instants qui incombe aux parents. Ce serait abdiquer ses responsabilités éducatives que de laisser son enfant seul devant un écran au prétexte que l'on serait débordé, ou pour avoir la paix. Le rôle parental suppose de poser des règles, de donner l'exemple, de n'accepter aucune habitude addictive.

Pour résister à la fascination de l'écran, il faut s'investir dans des activités, interagir, éveiller l'attention, la curiosité. Outre l'environnement familial, cette mission relève aussi des lieux de socialisation et des structures d'accueil de la petite enfance. L'engagement doit être collectif.

Il importe que les professionnels soient formés et qu'ils respectent la règle définie par Serge Tisseron : pas d'écran avant 3 ans, car le temps passé devant un écran est préjudiciable au développement à cet âge ; pas de console de jeux avant 6 ans, pas d'internet avant 9 ans, et de manière encadrée et accompagnée jusqu'à 12 ans. Je suggère l'instauration d'une journée hebdomadaire sans écran pour permettre aux familles de se retrouver. Je propose enfin un atelier obligatoire pour les parents à la maternelle et dans les PMI. Interdire les outils numériques serait illusoire : c'est par la prévention qu'il faut agir.

Le groupe Les Républicains soutient cette proposition de loi avec conviction. En cette journée internationale des droits de l'enfant, il aurait été appréciable que le Gouvernement accepte ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. André Gattolin .  - Les gouvernements rejettent toujours les propositions de loi pour les mêmes raisons. Nos propositions seraient pertinentes mais percuteraient des projets plus larges portés par l'exécutif. Le Parlement ne s'appuierait pas sur des données assez étayées. Soit, mais c'est le principe même des propositions de loi que d'être contraintes et concises pour pouvoir entrer dans les niches réservées à leur examen - alors que les ministères peuvent s'appuyer sur le Conseil d'État et sur l'expertise de leur administration. Nos travaux sont parfaitement sérieux pourtant et s'appuient sur de nombreuses auditions.

Cette proposition de loi inscrit dans le code de la santé publique l'affichage d'un message sanitaire sur les emballages et lors de la diffusion de publicités. Elle va dans le bon sens en protégeant les plus jeunes, qui sont les plus fragiles, de messages qui détournent leur attention à des fins au mieux récréatives, au pire de communication persuasive visant à orienter leurs choix en matière de consommation, voire à entraîner des comportements addictifs.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la même veine que l'interdiction du téléphone à l'école ou que ma proposition de loi visant à supprimer la publicité destinée aux enfants dans les programmes jeunesse du service public.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Tout à fait.

M. André Gattolin.  - Les études sur le sujet ne manquent pas. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), du ministère de la Santé, souligne ainsi que la part des enfants de grande section portant des lunettes est passée de 12 % à 18 % en treize ans. Le taux de surcharge pondérale est supérieur de 40 % à la moyenne chez les jeunes qui ont un écran dans leur chambre.

Les membres du groupe La République En Marche voteront en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Pierre Ouzoulias .  - Madame la présidente, madame la rapporteure, madame la ministre... j'ai plaisir à utiliser exclusivement le féminin ! (Sourires)

Sous la conduite de sa présidente, la commission de la culture mène une réflexion de fond sur les apports et les dangers du numérique, de façon consensuelle et en se détachant des sollicitations et des contingences d'un monde soumis à la dictature de l'instant.

Dans cette démarche ambitieuse de régulation de l'espace numérique, il était judicieux de s'intéresser, ab ovo, aux plus jeunes. Cette proposition de loi porte sur les écrans, néanmoins ce n'est pas sur l'objet lui-même mais sur l'enjeu qu'il représente pour les apprentissages cognitifs de l'enfant que nous légiférons.

Ses trois articles seront introduits dans le code de la santé publique, mais, dans l'absolu, pourraient constituer les prémices d'un code de la santé mentale qui reste à écrire ! (Mme Maryvonne Blondin approuve.)

Je suis surpris d'entendre la ministre affirmer que les données manquent sur l'ampleur de l'exposition des enfants et sur les effets de la surexposition. Un spécialiste des neurosciences que nous avons reçu dit l'inverse - je veux parler de votre collègue M. Blanquer. Il a ainsi déclaré que l'usage du téléphone portable peut empêcher la construction d'une sociabilité harmonieuse, essentielle au développement des enfants ; que l'addiction aux écrans peut devenir une plaie qui nuit aux rapports humains ; qu'il faut éviter que les enfants soient devant les écrans de manière abusive, notamment avant 7 ans. (Mmes Françoise Laborde et Catherine Morin-Desailly, rapporteure, approuvent.)

Cette proposition de loi, qui sera sans doute votée à l'unanimité, répond donc à l'injonction ministérielle. Il aurait été utile que votre Gouvernement engageât une réflexion interministérielle sur le numérique et ses usages. Je parle au passé car le secrétariat d'État de M. Mahjoubi a été rétrogradé : auparavant rattaché au Premier ministre, il l'est désormais au ministre de l'Économie. Certes, le numérique peut être un outil puissant de transformation de l'économie et de l'administration. Néanmoins, il faut protéger nos concitoyens lorsqu'il porte atteinte aux libertés et les mettre en garde contre un usage immodéré. Sur tout cela, nous aurions aimé entendre M. Mahjoubi. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Michel Laugier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Bien sûr, le groupe centriste votera ce texte des deux mains, non seulement parce que Catherine Morin-Desailly en est l'auteur, mais parce que c'est un texte de bon sens, qui fait l'unanimité dans cet hémicycle... sauf sur le banc du Gouvernement, pour lequel il serait urgent d'attendre. Mais l'heure n'est plus à la tergiversation. Elle est à l'action. Face aux évidences, nous nous tâtons, nous interrogeons. Nos concitoyens sont fatigués des atermoiements. Ils veulent des actes.

La politique meurt de notre incapacité à prendre nos responsabilités.

M. Pierre Ouzoulias.  - Tout à fait.

M. Michel Laugier.  - Cette proposition de loi ne fait que tirer les conséquences des études sur le sujet. Toutes constatent que l'exposition précoce a des conséquences néfastes sur le développement, qui vont d'une moindre forme physique au retard scolaire en passant par les difficultés de socialisation. L'information des parents passe par des messages sanitaires, comme pour l'alcool, le tabac et les boissons sucrées. Qui songerait à supprimer le macaron avertissant les femmes enceintes des dangers de l'alcool ?

Le texte a été amélioré et complété en commission. Il soulève la question fondamentale de l'éducation aux médias et au numérique. L'écran à haute dose n'est bon pour personne.

Après avoir stigmatisé le contenant, il faut s'interroger sur le contenu. Ces technologies ont un impact très fort et très négatif sur les nouvelles générations et nous en sommes encore à discuter. Il n'est plus urgent d'attendre, il est urgent d'agir. (Applaudissements sur tous les bancs)

À la demande de la commission de la culture, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°21 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 333
Contre 2

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur tous les bancs)

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Brigitte Lherbier.  - Lors du scrutin public n°11 du 7 novembre, je souhaitais voter contre l'amendement n°1 et non pour.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

La séance est suspendue à 18 h 50.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Conférence des présidents

Mme la présidente.  - Les conclusions de la Conférence des présidents réunie ce soir, et complétant celles de la Conférence des présidents du 7 novembre, vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observations d'ici la fin de la séance de ce soir.

Echecs en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Je l'informe également que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Commissions (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de trois commissions ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Accord économique et commercial global (CETA)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les conditions de mise en oeuvre de l'Accord économique et commercial global (CETA).

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.

Je vous rappelle que l'auteur du débat disposera d'un temps de parole de 8 minutes y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste .  - Notre groupe a souhaité ce débat sur le CETA, traité de libre-échange de l'Union européenne avec le Canada, car il règne une grande opacité autour de ce traité nouvelle génération : dans sa négociation, sa mise en oeuvre, sur ses effets, son échéance et sa ratification.

Ce traité n'est pas un accord commercial comme un autre, il ne se contente pas d'abaisser les barrières tarifaires mais il amoindrit toute entrave au commerce même quand l'intérêt général est en jeu, c'est-à-dire qu'il abat les barrières non tarifaires y compris lorsqu'elles protègent nos services publics, notre santé et l'environnement.

Or d'autres accords de cet ordre sont en préparation, avec Singapour, le Mercosur, le Vietnam, l'Indonésie, le Japon.

Le CETA a été négocié à Bruxelles, au 3e sous-sol, par la Commission européenne en 2014.

Même si nous avons gagné en transparence sur les mandats de négociation, publiés sur le site du Parlement européen, et même si l'Union Européenne a toute compétence pour ces négociations depuis le traité de Lisbonne, l'association des Parlements nationaux reste un enjeu majeur.

Le CETA, signé le 30 octobre 2016, est entré en vigueur de manière provisoire le 21 septembre 2017 pour les barrières tarifaires. Mais nous devions nous prononcer sur les barrières non-tarifaires. Nous venons de voter la timide loi EGalim et demandons à nos agriculteurs qualité et traçabilité, alors que le Canada autorise encore 46 substances actives interdites ailleurs.

Monsieur le ministre me dira que les quotas de viande porcine - de 75 000 tonnes - et bovine - de 35 000 tonnes - ne sont pas atteints. Mais il est impossible d'étiqueter la viande aux hormones. Qui nous dira que le saumon nourri aux OGM ne se retrouvera pas un jour dans nos assiettes ?

M. Roger Karoutchi.  - Ah !

M. Fabien Gay.  - Nous restons dans la logique : « pas chez nous, mais ailleurs, oui » ! Allez-y ! Polluez ! Nous cautionnons par les importations des pratiques destructrices de l'environnement. Le climat est le grand oublié, sachant que le trafic maritime entre l'Europe et le Canada doit augmenter de 7 % après ce traité.

Avec les sables bitumineux et la montagne d'or en Guyane, votre slogan c'est effectivement : make our business great again !

Jusqu'à quand allons-nous laisser l'exécutif nier aux parlementaires le droit de se prononcer sur le CETA ? Il a été ratifié côté canadien et par le Parlement européen. Chacun des États membres devait ensuite le ratifier, ce qu'ont fait la Lituanie, la Lettonie, le Danemark, la Croatie et le Portugal.

Mais ici comme en Italie, rien ne vient. Est-ce pour laisser au gouvernement italien un moyen de le faire accepter ?

Nous et nos camarades communistes européens proposons un grand référendum sur le CETA - qu'il faudrait respecter, celui-ci, pas comme celui de 2005. Monsieur le ministre, vous pourriez l'intégrer dans vos clips de propagande... (Sourires)

Dernier point, qui devrait nous rassembler : les tribunaux d'arbitrage. Allons-nous laisser les multinationales décider à notre place ? L'association Les Amis de la Terre a récemment révélé que Vermilion Energy, une entreprise canadienne, a menacé la France de poursuites. Si nous baissons les bras, autant démissionner tout de suite et déménager l'hémicycle au conseil d'administration des GAFA !

Cette citation a 170 ans mais elle est toujours d'actualité : « En général, de nos jours, le système protecteur est conservateur tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, messieurs, que je vote en faveur du libre-échange ».

Ces mots de Karl Marx, je les fais miens aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Merci de me donner à nouveau l'occasion de débattre de ce sujet, déjà abordé en auditions de commissions et dans cet hémicycle, ainsi qu'à l'Assemblée nationale. Mais vous ne m'aurez pas à l'usure ! (Sourires)

Lorsque je siégeais sur ces bancs, j'étais déjà très vigilant sur le CETA. Il ne me semblait pas de bonne méthode en 2014 d'apprendre des éléments de cette négociation, non de la Commission européenne mais du négociateur canadien ou québécois... Au Gouvernement désormais, je suis résolument déterminé à améliorer la procédure de négociation par la Commission, pour plus de transparence.

Cet accord a permis au Gouvernement de prendre des engagements en matière de politique commerciale.

Nous avons adopté un plan d'action pour le suivi de cet accord, afin d'affirmer notre ambition notamment en matière climatique, dans notre relation avec le Canada et pour les négociations à venir.

Un an d'application provisoire après, nous notons des retombées positives : nous exportons 5 % de vins français en plus, 8 % de fromages en plus et certaines craintes se sont révélées vaines. Le Canada est un partenaire important pour défendre le multilatéralisme - il organisait il y a peu une conférence pour sauver l'OMC. Ce que nous visons, plus que le libre-échange, c'est le juste échange. Ce ne sont pas des mots. En effet, nous devons mettre, au regard des inégalités qui tiraillent nos sociétés, de l'équité dans les échanges commerciaux internationaux.

Vous parlez d'opacité. Il y a les auditions parlementaires, les débats comme celui de ce soir, le comité de suivi de la politique commerciale publie des tableaux récapitulatifs de la mise en oeuvre du plan d'action, dont la dernière version est en ligne : tout est à la disposition du public et des parlementaires en particulier.

Du côté de l'agriculture, nous avons obtenu un contingent de 18,5 tonnes de fromage, là où les tarifs douaniers s'élevaient à 245 %. Même chose pour les vins et spiritueux. Il y a eu un peu moins de 500 tonnes d'importations de viande bovine entre janvier et août 2018, soit à peine plus de 1 % du contingent de 45 000 tonnes, qui est loin d'être saturé !

M. Regnard, élu des Français d'Amérique du Nord, vous le confirmera, nos compatriotes connaissent des problèmes dans leur insertion dans les ordres professionnels au Canada et au Québec. Le Canada a reconnu 42 de nos IGP : notamment le jambon de Bayonne, le piment d'Espelette, les huîtres de Marennes-Oléron, le brie de Meaux, le crottin de Chavignol et j'en passe.

M. Christophe Priou.  - Et le Chablis ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Et le Chablis, bien sûr ! Nous sommes mobilisés pour suivre la mise en oeuvre de cet accord dans le détail. Il n'y a pas de déferlement de viande canadienne, les Canadiens n'étant pas outillés pour exporter vers l'Europe et n'ayant pas l'appétence pour construire une telle filière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Artano .  - Merci au groupe communiste pour ce débat. Le CETA démontre la prééminence du pouvoir de la technocratie européenne sur le pouvoir politique. On attend avec optimisme la libéralisation des services, qui représenteraient plus de 6 milliards d'euros par an de PIB européen. Cet optimisme n'est certes pas partagé par tous

On est inquiet à Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité de l'article 74, à qui l'Union européenne verse 26 millions d'euros de crédits pour son développement et son insertion dans sa région - soit le Canada qui est à 30 kilomètres.

Or il est navrant que Saint-Pierre-et-Miquelon n'ait jamais été intégrée dans la négociation. En 2016, la Direction générale du Trésor a fourni un rapport qui n'a pas été suivi d'effet.

Le Gouvernement français doit assumer la responsabilité du CETA. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; Mme Sophie Primas applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Effectivement, Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas été intégrée dans l'accord économique et commercial global. La France a négocié des délais pour les produits de la mer - jusqu'à sept ans. Une mission en 2016 a conclu que Saint-Pierre-et-Miquelon serait peu impactée par cet accord. Nous redemanderons une nouvelle mission pour s'assurer que c'est toujours le cas.

À chaque fois que la France et le Canada se parlent, nous évoquons Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous avons obtenu l'exonération de l'augmentation des frais d'inscription dans les universités canadiennes.

Vous le savez, Annick Girardin est très attachée à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont tous les sujets de préoccupation sont pris en compte par le président de la République et le Premier ministre. Soyez assuré que nous sommes à vos côtés.

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Les exportations sont en hausse -  notamment le chocolat belge, le jambon italien, les fromages, les fruits, les produits pharmaceutiques - mais il semblerait que certaines taxes aient augmenté au Canada : la Colombie britannique limiterait la vente des vins européens en grande surface ; l'Ontario appliquerait des taxes de 60 centimes de dollars canadiens par litre, deux fois plus élevées que pour les vins nord-américains ou chiliens. Vigilance, donc.

L'élevage bovin, sans accès aux pâturages, utilise des méthodes en contradiction avec nos lois, mais rien n'empêche à l'avenir cette viande engraissée aux hormones de croissance, aux farines animales et aux antibiotiques de se déverser sur notre marché, grâce au contingent très important, qui concernerait presque exclusivement le morceau le plus rémunérateur pour nos éleveurs : l'aloyau. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nous l'avons dit systématiquement au Canada, au niveau fédéral, comme au niveau provincial au Québec : il est impensable que les avancées obtenues par l'accord soient remises en cause par des limitations telles que celles que vous évoquez ou par diverses autres mesures. Mme Hudon, la très active ambassadrice du Canada en France, qui nous écoute, aura noté que la Représentation nationale rejoint le Gouvernement sur ce point.

Le quota de viande bovine est de 45 000 tonnes. Je connais la crainte de remplir ce quota de morceaux de choix. D'après les Canadiens, ce risque est infondé : ils devraient exporter des carcasses. Nous restons vigilants.

M. Joël Guerriau .  - Le CETA se veut novateur. Il a pour but d'améliorer la croissance et l'emploi. Le Canada a promis la transparence en publiant ses marchés publics sur un site web unique.

Ce débat est aussi l'occasion de s'attarder sur le mode de négociation de la Commission européenne. Elle tend à oublier ces régions périphériques et les enjeux climatiques. Le commerce doit être un levier pour imposer les standards européens.

Enfin, il est fondamental de ne pas être naïfs concernant la réciprocité. Il faut se confronter à la Chine ou aux États-Unis qui font preuve de protectionnisme.

Quelle est la position de la France pour moderniser la politique commerciale européenne ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - La France défend au Conseil européen les intérêts des régions ultrapériphériques. Notre requête figure dans le préambule des deux mandats de négociation. Nous ne baissons pas la garde.

Sur le climat, nous avons obtenu un certain nombre de références aux enjeux qui nous sont chers. L'accord avec le Japon prévoit un engagement à mettre en oeuvre effectivement les accords de Paris. L'accord avec Singapour, signé il y a un peu moins d'un mois, prévoit une baisse préférentielle des barrières tarifaires pour les biens verts.

Sur la réciprocité, vous parlez d'or : l'Union européenne ne peut pas être naïve face au protectionnisme. Nous avançons pour défendre notre souveraineté industrielle et technologique.

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous avons interdit dans la loi EGalim l'interdiction de vente de produits non conformes aux normes européennes et dans le même temps la France ouvre ses frontières aux produits étrangers, tels que le boeuf canadien.

Le traité avec le Mercosur ouvrirait les portes à 99 000 tonnes de viandes non tracées utilisant intensivement antibiotiques et farines animales.

Il y a un vrai déficit d'évaluation de l'impact cumulé de ces accords, comme l'a souligné le Sénat dans sa résolution. Comment en évaluer précisément les conséquences, au moment où nos frontières deviennent poreuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nous souscrivons à EGalim pleinement. Sur l'accord avec le Mercosur, la France souhaite des garanties de traçabilité - vous connaissez les scandales ayant été révélés au Brésil. La France fédère régulièrement les États membres de l'Union européenne pour tracer des lignes rouges. Il s'agit de respecter les sensibilités agricoles des différents États, dont la France.

Avec nos amis belges, nous avons obtenu qu'il soit fait référence à l'impact cumulé des traités de libre-échange. C'est une avancée notable.

M. André Gattolin .  - La politique commerciale de l'Union européenne focalise les critiques contre l'Union européenne. On lui a souvent reproché d'être trop pro-business, focalisée sur le marché, ou de réfléchir en silo, en ne prenant pas les droits de l'homme et des travailleurs en compte, dès qu'il est question de commerce.

La Commission a aussi été considérée comme une industrie de production de traités, qui n'en assure pas le suivi. Je me souviens des paroles dans ce sens de Matthias Fekl, alors ministre du commerce, prononcées ici même il y a deux ans et demi.

Sous l'impulsion de la demande des opinions publiques et de la présidence Juncker, le mode de négociations est plus équilibré et plus démocratique, moins secret.

L'Union européenne, enfin, met du politique en posant des conditions sur les droits de l'homme et des travailleurs. Elle le fait pour le Vietnam ou le Cambodge. Dans ce dernier cas, on a montré que l'on est capable de remettre en cause des accords pour non-respect de telles conditions sociales. N'est-ce qu'une illusion, monsieur le ministre ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - La politique commerciale européenne est en profonde mutation, vers la transparence des mandats et des négociations.

La France plaide pour la mise en place d'un procureur commercial au sein de la DG Commerce, qui s'assure que les accords sont respectés. Nous nous réjouissons de recevoir des informations sur les accords déjà conclus. Ainsi, nous avons appris que l'accord de 2011 avec la Corée du Sud a permis à notre commerce de redevenir excédentaire, nos exportations de vins et de spiritueux vers ce pays ayant bondi de plus de 150 %.

Notre ambition environnementale, notre ambition politique et notre ambition sociale sont liées. Nous tenons compte en effet des normes de l'OIT, du respect des libertés, dans les feuilles de route de nos négociations avec le Vietnam, le Cambodge, la Birmanie, marquée par le drame des Rohingyas. À propos de ce dernier pays, des discussions sont enclenchées pour la prise de telle ou telle sanction par certaines entités. L'Union européenne promeut ses valeurs dans ces négociations.

M. Guillaume Gontard .  - Le 14 février, Nicolas Hulot déclarait à l'Assemblée nationale que les accords CETA et Mercosur n'étaient pas « en l'état climato-compatibles ». Cette lucidité ne nous étonne pas de sa part. Pas besoin d'être un expert du GIEC pour s'en douter. Le fret est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre, et ces émissions devraient augmenter de 290 % d'ici 2050.

Pourquoi le Gouvernement s'est-il donné la peine de commander un rapport le 3 juillet sinon pour que Nicolas Hulot sauve la face en brandissant un « veto climatique » ?

Le 8 mars, Nicolas Hulot déclarait qu'il allait falloir mener un fort travail de conviction. Depuis qu'il a démissionné, c'est le silence radio. Allez-vous enfin le briser ? Où en est la demande française d'instaurer un tel veto climatique ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - L'entrée en vigueur provisoire de l'accord, décidée, non par nous, mais par l'Union européenne, montre qu'on n'a pas été envahis par des substances dont nous n'aurions pas voulu. La France a transmis un texte élaboré sur le veto climatique. Je fais partie de ceux qui se sont battus contre le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, dit ISDS, initialement prévu. Nous l'avons remplacé par la préfiguration d'une cour permanente de l'investissement puisque les arbitres ne seront plus désignés à l'affaire.

Le président de la République a déclaré qu'il était hors de question d'avoir un accord global commercial avec les États-Unis, depuis que ces derniers se sont retirés de l'accord de Paris. Je me remémore un travail très fructueux avec Nicolas Hulot, ses équipes, et le député Matthieu Orphelin.

M. Guillaume Gontard.  - Vous ne m'avez pas complètement rassuré. On n'y arrivera pas avec des petits morceaux de sparadrap. Il faut un véritable veto climatique. M. Hulot a démissionné pour montrer l'incohérence du Gouvernement en matière environnementale.

M. Didier Marie .  - Si l'accord est présenté positivement sur le plan commercial, il en va différemment sur le plan climatique. Il faut prévoir la neutralité carbone du CETA.

Les dispositions sanitaires et sur le principe de précaution sont insuffisantes. Le CETA est un accord vivant; il doit progresser avant notre ratification. Où en est-on, notamment concernant le code de conduite du futur organe de règlement des différends qui commencerait son activité en cas de ratification ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Le plan d'action prévoyait que nous puissions compléter l'accord. Le 16 avril dernier, neuf engagements très concrets ont été signés, comportant par exemple un travail commun au sein de l'Organisation maritime internationale sur la réduction des émissions du transport maritime.

J'ai recueilli l'accord de la Commission européenne et du Canada sur les clauses interprétatives. Nous avons souhaité des règles arbitrales très strictes avec au besoin révocation de l'arbitre. Les modalités seront prises en 2019. Ce volet n'entrera en vigueur qu'après ratification puisque l'application provisoire ne concerne que l'aspect tarifaire.

M. Didier Marie.  - Les intentions sont bonnes mais les inquiétudes persistent sur l'adhésion de l'ensemble de nos partenaires européens à cette voie.

Sur le règlement des différends, nous attendons un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne.

M. Olivier Henno .  - Beaucoup de nuages noirs planent sur le commerce international et le multilatéralisme, à l'heure du Brexit, du budget italien et des tweets de M. Trump...

Le groupe UC est favorable au CETA et c'est pourquoi il souhaite sa ratification par le Parlement. Il y a de nombreuses proximités avec le Canada, qu'elles soient linguistiques ou culturelles.

Le CETA doit être une chance pour toutes les entreprises y compris les PME. Comment les intégrer ? M. Gay a cité Marx. Or « l'effet naturel du commerce est de porter à la paix », selon Montesquieu. Le développement du commerce n'empêche pas la régulation, notion familière à l'Europe, mais encore peu présente outre-Atlantique.

Ainsi, le bien-être animal est trop souvent oublié au Canada. Comment le prendre en compte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Oui les nuages noirs s'amoncellent.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Qui sème le vent récolte la tempête.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les entreprises ont tendance à freiner leurs investissements en conséquence. Pour y faire face, il faut moderniser l'OMC. Nous partageons votre ambition d'un commerce international régulé.

Un travail pédagogique doit être mené dans nos territoires pour exposer aux entreprises les opportunités offertes par le CETA. À titre d'exemple, l'entreprise française Lauak, chère à la sénatrice Espagnac, a pu se rapprocher du canadien Bombardier.

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Avec le CETA, c'est une fois de plus le « en même temps » catastrophique. Quelle incohérence ! D'un côté, la loi EGalim qui stigmatise l'agriculture française et prône un modèle moins intensif, moins polluant, bref, plus bobo... (On s'amuse à gauche.), qui multiplie les contraintes pour nos agriculteurs, interdit les rabais, ristournes et remises sur les phytosanitaires, interdit les néonicotinoïdes, interdit le cumul entre vente et conseil... De l'autre, le CETA : possibilité pour le Canada d'exporter des bovins et porcins élevés selon des méthodes interdites chez nous, des céréales produites avec 42 pesticides interdits chez nous. Le tout, sans droits de douane ! Les Canadiens seront plus compétitifs que nous. Et je ne parle même pas de l'application transitoire puisque nous n'avons pas encore ratifié cet accord.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous faire cela à nos agriculteurs et à nos consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Cohérence, dites-vous ? Cet accord a été initié par Nicolas Sarkozy.

M. Laurent Duplomb.  - C'était avant EGalim.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Un élu de votre département faisait du Gouvernement...

Cohérence, dites-vous ? Nos filières agricoles sont exportatrices, elles ont beaucoup à gagner dans la mondialisation.

Monsieur Duplomb, vous avez présidé Sodiaal - ce n'est pas la PME du coin...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Une petite coopérative ! (Sourires)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Septième groupe mondial, elle a bénéficié à plein des opportunités ouvertes pour l'exportation de produits laitiers.

Mme Sophie Primas.  - Capitaliste ! (Sourires)

M. Jean-Yves Leconte .  - Je partage les réserves et inquiétudes exprimées sur la manière dont les négociations ont été engagées, qu'il s'agisse de la définition de nos intérêts ou des exigences environnementales. Mais face au monde selon Trump, le rapprochement de deux espaces économiques aux valeurs communes pour faire primer les règles sur le rapport de force est à saluer.

Matthias Fekl avait fait avancer les choses sur les appellations d'origine protégée. Mais le CETA, c'est deux parties : 90 % de l'accord, le tarifaire, relève de la Commission. Mais le reste, les chapitres 8 et 13 attendent la ratification par les 27 États, soit 37 parlements nationaux et régionaux. Ne faudrait-il pas attendre que la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par la Belgique, se soit exprimée ?

Quand le Gouvernement assumera-t-il de demander la ratification du CETA devant le Parlement français ? Comment gérerez-vous un refus de ratification par l'Italie ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Vous avez raison, le monde selon Trump, c'est la loi du plus fort. Le dialogue entre l'Union européenne et le Canada sur des questions réglementaires est une belle chose. Si la Chine et les États-Unis se mettaient d'accord sur les normes, nous ne pèserions plus grand-chose. Il est important d'être offensifs dans les accords de juste échange, d'imposer nos IGP, de garder la main.

Je reconnais volontiers avec vous le rôle positif de M. Fekl sur l'arbitrage. Initié sous la droite, continué sous la gauche, chacun a eu à coeur de faire de cet accord une chance.

Avant de prévoir la ratification, nous attendons une étude d'impact française. Nous avons mandaté un organisme de recherche et des inspections pour évaluer l'impact de l'accord sur des filières sensibles, notamment agricole. C'est à la fin de ce travail que le Gouvernement proposera la ratification au Parlement. Je sors d'ailleurs d'une réunion avec des experts sur la méthodologie.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il faut un moratoire !

M. François Bonhomme .  - Quels soutiens financiers pour la filière bovine, dès lors que les importations à droits nuls seront tout à fait ouvertes ? Les quotas canadiens sont fixés à 45 000 tonnes, soit 0,6 % de la consommation européenne. Le CETA prévoit certes une clause de sauvegarde en cas de déséquilibre brutal du marché - mais celui de la filière bovine risque d'être progressif.

Quand les contingents seront tout à fait ouverts, la filière canadienne deviendra structurellement plus attractive. Dès lors, quel accompagnement, quelles compensations financières le Gouvernement prévoit-il pour aider nos éleveurs confrontés à ce déséquilibre compétitif ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Accompagner les éleveurs, c'est leur offrir des marchés extérieurs. Nous sommes au rendez-vous. Le marché chinois est rouvert aux éleveurs européens. Les accords avec le Japon et avec le Vietnam sont porteurs de nombreuses opportunités, pour le boeuf comme pour le porc. Si nous nous barricadons tous, nous n'aurons plus, nous non plus, de débouchés.

Merci d'avoir rappelé que 45 000 tonnes, c'est 0,6 % du marché européen. Actuellement, nous en sommes à moins de 500 tonnes, soit 1 % de 0,6% ! (M. Laurent Duplomb proteste.)

Nous veillons aux clauses de sauvegarde pour pouvoir reprendre la main en cas de déstabilisation, de même que dans les négociations à venir, nous tenons compte des consommations passées - c'est le mécanisme dit de Single Pocket. Nous avons obtenu cette référence dans la négociation avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Bref, nous sommes mobilisés aux côtés des éleveurs.

M. Christophe Priou .  - Sur le principe de précaution, l'accord est insuffisamment explicite : il prévoit que l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas faire obstacle à l'application du traité de libre-échange. Quarante ans après l'Amoco Cadiz et vingt ans après l'Erika, il n'est pas inutile de prévoir une harmonisation des normes de sécurité maritime selon la procédure d'équivalence.

Il n'y a en effet pas de convergence des instruments de lutte contre le changement climatique ni la sécurité maritime. La mission parlementaire sur le fonctionnement du fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures a fait des préconisations. Le CETA fait mention d'un forum de coopération réglementaire. Comment fonctionnera ce dispositif ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - À l'époque de la négociation du CETA, les accords de Paris n'étaient pas signés. C'est désormais la boussole dans tout accord commercial. Au dernier comité de suivi, nous avons veillé à ce qu'il soit fait mention de ces engagements. Je sais votre engagement de longue date sur la sécurité maritime ; le sujet ne ressort pas de la politique commerciale mais nous serons attentifs aux propositions issues de vos travaux que nous pourrions porter au niveau européen. Nous avons besoin de protéger nos littoraux.

M. Christophe Priou.  - Nous avons besoin d'échanges sûrs, surtout avec l'ouverture de nouvelles routes maritimes au nord de l'Amérique.

M. Damien Regnard .  - Le Canada est le dixième partenaire commercial de l'Union européenne ; il compte cinq pays européens parmi ses premiers partenaires économiques. Le CETA promet la suppression progressive des barrières douanières pour stimuler l'investissement des deux côtés de l'Atlantique. Les échanges commerciaux représentent 60 milliards d'euros par an : l'accord en augmentera le volume à terme de 25 %, générant 12 milliards d'euros supplémentaires par an pour le PIB européen.

En un an, la France en a profité, avec une hausse de 5 % de ses exportations agroalimentaires, 8 % pour les fromages, 14 % pour les vins. Le Canada fait en un an avec la France ce qu'il fait en trois jours avec les États-Unis.

Pour que les entreprises françaises puissent en profiter, il faut le soutenir : le CETA ne remet aucunement en cause nos normes sanitaires, n'en déplaise aux partisans du repli sur soi... Il préserve la souveraineté des parties, leur modèle social et leur réglementation environnementale.

Je reviens du Canada ; la ministre québécoise Nadine Giraud s'inquiète. Quand le Gouvernement suivra-t-il les douze États membres de l'Union européenne en proposant à la représentation nationale de ratifier le CETA ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les autorités fédérales et provinciales le savent, le Gouvernement soutient cet accord, sans ambiguïté. C'est un bon accord, nous avons obtenu des engagements du Canada pour le compléter. Nous voulons une mise en oeuvre exemplaire.

Oui, il y a là matière à renforcer nos échanges. Jacques Attali parle de francophonie économique : en voici un exemple concret. Le Canada est un espace francophone, cela facilite les échanges. Nous sommes déterminés à mettre en oeuvre cette feuille de route, sous votre regard vigilant. Je me réjouis que la première résolution ait été prise par le Sénat sur l'accord à venir avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Une fois de plus, le Sénat est en avance ! (M. Fabien Gay s'amuse.)

M. Cyril Pellevat .  - La communication sur le CETA en direction du grand public pose problème. On a entendu beaucoup de contre-vérités et peu de voix pour défendre l'accord. Les informations sont rares, et souvent en anglais. Comment vulgariser les accords commerciaux et redonner confiance aux citoyens ? Quelles seraient les conséquences en cas de non-ratification ? Où en est le Gouvernement de son plan d'action ? Il faut plus de transparence.

Les entreprises françaises sous-exploitent les possibilités offertes par les accords de libre-échange. Seules 258 entreprises exportatrices françaises s'étaient enregistrées pour profiter du CETA, contre 410 belges, 1 200 allemandes et 12 000 britanniques. Comment aider nos entreprises à saisir ces opportunités ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Vous avez raison, il faut expliquer au grand public et aux entreprises les opportunités qui s'offrent. Il faut faire partager les succès, pour dédramatiser. Les inquiétudes souvent sans fondement ont la vie dure.

En cas de non-ratification par un Parlement, l'accord tombe. Ce n'est pas rien. Chaque Parlement devra se prononcer en responsabilité ; nous vous soumettrons une étude d'impact complète.

Le plan de suivi est mis à jour tous les quatre mois ; la version de septembre est en ligne.

M. Fabien Gay .  - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses : il y a eu un débat ce soir.

Vous avez cité les hausses de nos exportations : vins, chocolat, produits pharmaceutiques, machinerie... Mais quid des importations ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Dynamiques.

M. Fabien Gay.  - Assurément : en hausse de 206 % pour l'aluminium, de 78 % pour la chimie, de 45 % pour le pétrole et les combustibles. Notons l'incohérence à interdire la production d'hydrocarbures sur notre sol et à augmenter l'importation...

Mme Sophie Primas.  - Merci !

M. Fabien Gay.  - À quand la ratification ? Vous ne pourrez esquiver indéfiniment la question, même si votre réponse sur ce point était un bel exercice d'équilibrisme... La ratification initialement prévue en septembre a-t-elle été repoussée à cause de la position italienne ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - C'est indépendant.

M. Fabien Gay.  - Je le tiens de Patrick Le Hyaric, qui est quelqu'un de sérieux. Je vous adresserai demain une question écrite. Peut-être aurais-je avec vous plus de chance qu'avec vos collègues.

Pas un mot sur l'environnement, sur nos PME ! Le CETA ne profitera qu'aux grandes entreprises, à coup sûr.

Le débat doit porter sur les barrières non tarifaires, sur le service public, l'impact environnemental et sanitaire. Nous avons du mal à harmoniser nos législations - en tout cas vers le haut. Je rappelle que le glyphosate est autorisé au Canada. Il est impossible de distinguer un saumon nourri aux OGM. C'est impossible à étiqueter, comme le boeuf !

Le problème démocratique des tribunaux arbitraux reste entier et vous le savez : vous avez d'ailleurs changé votre fusil d'épaule pour les traités en cours de négociation. Mais pour le CETA, la société Vermilion a fait pression... J'espère que nous pourrons nous retrouver sur ce sujet quand nous débattrons de la ratification. Merci pour ce débat de bonne tenue.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance demain, mercredi 21 novembre 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 5.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 21 novembre 2018

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente Secrétaires : M. Guy-Dominique Kennel M. Éric Bocquet

Ordre du jour réservé au groupe RDSE

1. Proposition de loi visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux, présentée par M. Éric Gold et plusieurs de ses collègues.

Texte de la commission (n°124, 2018-2019).

2. Débat sur le thème : « La ruralité, une chance pour la France ».

De 18 h 30 à 20 heures

Ordre du jour réservé au groupe LaREM

3. Proposition de loi organique relative à l'élection des sénateurs, présentée par M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues (n°744, 2017-2018).

De 21 h 30 à minuit

Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président

4. Proposition de loi visant à la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l'emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques, et usages similaires, établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail le 18 septembre 2018, présentée par Mme Françoise Cartron et plusieurs de ses collègues.

Texte de la commission (n°126, 2018-2019).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°20 sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :306

Pour :181

Contre :125

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 134

Abstentions : 11 - M. Robert del Picchia, Mme Jacky Deromedi, MM. Christophe-André Frassa, Alain Houpert, Ronan Le Gleut, Sébastien Meurant, Olivier Paccaud, Cyril Pellevat, Cédric Perrin, Damien Regnard, Vincent Segouin

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (73)

Contre : 73

Groupe UC (51)

Pour : 41

Contre : 1 - Mme Anne-Catherine Loisier

Abstentions : 9 - M. Yves Détraigne, Mmes Nathalie Goulet, Sylvie Goy-Chavent, MM. Loïc Hervé, Jean-Marie Janssens, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-Claude Luche, Jean-Marie Mizzon, Mme Sylvie Vermeillet

Groupe RDSE (22)

Pour : 3 - M. Yvon Collin, Mme Nathalie Delattre, M. Franck Menonville

Contre : 9 - Mme Maryse Carrère, MM. Jean-Pierre Corbisez, Ronan Dantec, Éric Gold, Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve, MM. Joël Labbé, Olivier Léonhardt, Jean-Yves Roux

Abstentions : 10

Groupe LaREM (23)

Pour : 2 - MM. Antoine Karam, Georges Patient

Contre : 21

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 1 - M. Jean-Louis Lagourgue

Abstentions : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1 - M. Philippe Adnot

Contre : 4

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Collomb

Scrutin n°21 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans

Résultat du scrutin

Nombre de votants :335

Suffrages exprimés :335

Pour :333

Contre :2

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (146)

Pour : 135

Contre : 2 - M. Jérôme Bascher, Mme Christine Lavarde

N'ont pas pris part au vote : 9 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, MM. Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, M. Christophe Priou, Mmes Catherine Procaccia, Frédérique Puissat, Isabelle Raimond-Pavero, M. Michel Raison

Groupe SOCR (73)

Pour : 73

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe RDSE (22)

Pour : 22

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2

N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Gérard Collomb, Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Conférence des présidents

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 17 décembre 2018

À 15 heures et le soir

- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2018

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne (procédure accélérée)

- Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune

Mardi 18 décembre 2018

À 14 h 30

- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 17 h 45 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ou nouvelle lecture et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ou nouvelle lecture

Mercredi 19 décembre 2018

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2019 ou nouvelle lecture

- Suite des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ou nouvelle lecture et des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ou nouvelle lecture.

Prochaine réunion de la Conférence des présidents : mardi 18 décembre 2018 à 18 h 30

Suspension des travaux en séance plénière : du jeudi 20 décembre 2018 au dimanche 13 janvier 2019

Nominations au sein de trois commissions permanentes

- M. Jean-Marie Mizzon (UC) est membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication ;

- M. Dominique Théophile (LaREM) est membre de la commission des affaires sociales ;

- M. Bernard Buis (LaREM) est membre de la commission des affaires économiques.