Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je souhaite excuser l'absence du président du Sénat qui assiste au Congrès des maires de France. (Applaudissements)

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles au Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Situation à La Réunion (I)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Malgré l'instauration d'un couvre-feu, La Réunion est en proie à une flambée de violences. Nombre de services publics, d'entreprises et de commerces sont bloqués ou inaccessibles.

J'ai entendu le président de la République mais la répression ne peut être, en aucune manière, la seule réponse que le Gouvernement apporte à une île où le taux de chômage est de 30 %, celui des jeunes de moins de 25 ans atteint 58 %, où le coût de la vie est supérieur de 20 % à celui de la Métropole et où 42 % de la population se situe en dessous du seuil de pauvreté.

Des mesures fortes doivent être prises immédiatement. Le gel de la taxe sur les carburants décidé par la région est une première réponse que l'État doit compléter. Les incitations fiscales doivent être préservées, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi de finances. Ce sont, non des avantages indus, mais une nécessité.

Plus que jamais, il faut soutenir la société réunionnaise et apporter des réponses spécifiques aux territoires ultramarins.

Que compte faire immédiatement le Gouvernement pour sortir de la crise ? Comment entend-il résoudre à long terme les difficultés économiques et sociales de l'île ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - La Réunion connaît depuis samedi un climat de tension extrême. Des actes graves ont été commis contre des personnes dépositaires de l'ordre public. Nous sommes tous d'accord pour dire que cela est intolérable.

La réponse est juste et mesurée. Près de 110 casseurs ont été interpellés, certains ont été lourdement condamnés en comparution immédiate. Des moyens considérables sont mobilisés pour le maintien de l'ordre public, des opérations de déblocage sont en cours.

Au-delà, il faut entendre le malaise profond des Réunionnais. Cette situation n'est pas récente mais je ne me déroberai pas. Lors des Assises de l'outre-mer, chacun a pu s'exprimer. Les Réunionnais ont peur pour leur avenir, peur pour leurs enfants. Nous devons collectivement leur apporter une réponse. Le Livre bleu comporte des solutions concrètes, qui seront mises en oeuvre dès 2019 pour que les Réunionnais retrouvent confiance dans leur territoire et leur avenir. (M. François Patriat applaudit.)

Politique du logement

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Le ministre du logement et de la ville à qui j'adresse ma question est ailleurs, j'espère que celui qui me répondra connaît le dossier...

Il y a un an, je l'interrogeai sur les risques majeurs que faisaient courir les décisions fiscales et financières prises l'an passé sur la politique du logement, le bâtiment et les travaux publics. Nous souhaitons tous, pour reprendre le slogan de la loi ELAN, construire plus, plus vite et moins cher. D'ailleurs, le président Larcher et de nombreux sénateurs de tous bords vous ont accompagné dans cette démarche tout en soulignant les incohérences avec la loi de finances pour 2018.

Les chiffres sont tombés. Tous les experts s'accordent à dire que la construction neuve entre dans une récession grave en zone urbaine et très grave dans les villes moyennes et la ruralité. Oui, la situation est grave, si grave que le PDG de Nexity a publié une lettre ouverte au président de la République. Et le président de la Fédération du bâtiment annonce la destruction de 200 000 emplois d'ici 2020.

Nous assistons à un choc sur l'offre plutôt qu'un choc de l'offre parce que le pouvoir d'achat est en berne. La taxe sur les carburants en ajoute une louche et vous créez pour les entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics une taxe sur la taxe.

Le logement social, c'est pire encore : 50 % d'agréments en moins. Ce sont les permis de construire de demain et les constructions d'après-demain.

Bref, tous les clignotants sont au rouge. Allez-vous inverser des mesures fiscales qui nous feront perdre, comme en 2014, un demi-point de croissance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - L'absence de M. Denormandie ne vous empêchera pas d'obtenir une réponse du Gouvernement...

Les chiffres que vous citez, monsieur le sénateur, sont exacts. Ils prennent pour année de référence l'année 2016, une année exceptionnelle pour la construction du logement. (M. Philippe Dallier se récrie ; les membres du groupe socialiste applaudissent.) Oui, il y a des éléments positifs dans le bilan des socialistes.

Nous avons pris des mesures de soutien à la construction : le PTZ et le Pinel ont été reconduits pour 4 ans.

Mme Françoise Gatel.  - Pas partout !

M. Marc Fesneau, ministre.  - La loi ELAN, qui a fait l'objet d'une CMP conclusive, va se mettre en place avec l'allégement des normes, la mobilisation du foncier, l'aide à la rénovation thermique avec 9 milliards d'euros d'aide pour 500 000 rénovations, l'abaissement du coût de la construction, le développement de la filière bois.

La politique du logement s'appuiera sur la dynamique des projets de territoire, nous voulons un État facilitateur... (Murmures désapprobateurs à droite)

Mme Sophie Primas.  - Tout va bien, donc !

M. Marc Fesneau, ministre.  - L'objet de cette loi est que cela aille mieux ! Donnons le temps aux mesures de produire leurs effets. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Situation à La Réunion (II)

Mme Nassimah Dindar .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) J'associe Mme Malet à cette question.

Des événements quasi insurrectionnels se déroulent à La Réunion. Comment en est-on arrivé là ? À qui la faute ? Je ne dirais pas, par facilité, que c'est celle du Gouvernement ; je lui reconnais le courage et la volonté de changer de système. Cependant, reconnaissons un raté à l'allumage.

Quand il y a un taux de chômage de 23 % et de 57 % pour les jeunes de moins de 25 ans, vous supprimez les contrats aidés qui sont une solution de survie pour les amochés de la vie.

Quand le coût de la vie est 37 % supérieur à celui de la Métropole et les salaires 40 % inférieurs, la réponse du Gouvernement est de passer la tondeuse à la classe moyenne.

Vous opérez sans anesthésie, madame la ministre, et ça saigne. Il y a dans la mise en oeuvre de vos réformes un gros défaut de synchronisation et un manque de dialogue évident avec les élus de France qui vous lance régulièrement, sur ces bancs, un avis de tempête.

Comment ferez-vous preuve d'équité envers les Français de l'Océan indien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. le président.  - La parole est à Mme Annick Girardin, ministre.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - On espère une vraie réponse, cette fois-ci !

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Je viens de répondre sur le volet sécuritaire. Je ne peux pas entendre qu'il n'y a pas de mesures sociales et fiscales pour l'outre-mer. Prenons la santé, une question prioritaire dans votre territoire, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit une extension de la CMU-C, à La Réunion comme ailleurs.

Mme Éliane Assassi.  - Oui et alors ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Le minimum vieillesse a été revalorisé au 1er avril 2018, il augmentera de 35 euros en 2019 puis à nouveau en 2020. En matière de pouvoir d'achat, les heures supplémentaires seront exonérées à compter de 2019. Alors qu'il y a de nombreuses mères célibataires à La Réunion, 1 500 places de crèche supplémentaires seront financées. Les jeunes qui portent le gilet jaune et demandent un emploi seront mieux formés grâce aux engagements de Muriel Pénicaud qui prévoit 253 millions d'euros sur quatre ans.

La Réunion a 11 000 contrats aidés - c'est le département d'outre-mer qui en a le plus, et ils ne sont pas tous utilisés... Sans compter les crédits prévus dans la mission Outre-mer pour le soutien à l'investissement dans les petites communes ; cela aussi, c'est une réponse à ces jeunes qu'on a malheureusement vu prendre le relais des gilets jaunes pour connaître des méfaits scandaleux la nuit. (MM. François Patriat et Jean-Claude Requier applaudissent.)

Situation à La Réunion (III)

M. Michel Dennemont .  - Samedi 17 novembre, nombre de Réunionnais ont exprimé leur mécontentement devant la hausse du prix du carburant mais seulement... Ces fortes mobilisations ont dégénéré en une flambée de violence. Des crèches aux universités jusqu'aux services publics, l'île est paralysée. Un couvre-feu a été instauré dans la moitié des communes entre 21 heures et 6 heures.

Nous condamnons les violences et les pillages mais devons entendre le message. La Réunion est le département le plus inégalitaire. L'échange constructif, madame la ministre, que nous avons eu avec vous, nous les sénateurs Réunionnais lundi soir, ne s'est pas traduit sur le terrain. Le préfet refuse le dialogue avec les représentants du mouvement après les avoir invités. Cela est vécu comme une humiliation. Je vous invite donc à venir à La Réunion car nous savons qu'avec vous, on peut dialoguer.

Que compte faire le Gouvernement pour le rétablir et apaiser la situation sur place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - La situation est grave. Il faut entendre le mécontentement des Réunionnais. La question dépasse le prix du carburant, sinon le geste du président de région aurait suffi.

Je réaffirme mon soutien aux forces de l'ordre qui défendent la liberté de circulation et la sécurité. Hors de l'État de droit, rien n'est possible, nous le savons tous.

Le Livre bleu de l'outre-mer sera mis en action dès 2019. C'est pour ceux qui manifestent que nous baissons le coût du travail pour faciliter l'embauche, que nous supprimons pour 65 millions d'euros de taxe d'habitation, que nous recréons l'APL accession pour La Réunion et cherchons un outil pour la remplacer. Nous avons aussi pris des engagements pour les petites retraites, ils seront tenus.

Dans quelques jours, je serai à La Réunion face ou plutôt, je l'espère, à côté des gilets jaunes et des élus. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Obligations de service public d'Orange

M. Yvon Collin .  - Au regard d'un récent échange avec le président de l'Arcep, je souhaite interroger le Gouvernement sur Orange, cela le changera du jaune... (Sourires) Chacun salue le développement international d'Orange, son implication dans le déploiement de la fibre et ses innovations dans les domaines de la cybersécurité, des objets connectés et de l'intelligence artificielle mais revenons à des sujets plus quotidiens pour les Français. Nous avons confié à ce groupe une mission de service universel dont la qualité s'est fortement dégradée ces derniers mois. Comment expliquer que des fils tombés à terre le restent ? Ces défaillances mettent des habitants dans l'incapacité de joindre les services d'urgence là où la couverture mobile est défaillante. Nous demandons solennellement à l'État, en tant qu'actionnaire et gardien du service public, de tout faire pour accélérer le retour de la qualité de service. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Comme vous, je salue le travail de qualité qu'Orange a engagé sur l'international, le digital et la fibre dont tous les Français bénéficieront d'ici 2022. Comme vous, je rappelle qu'Orange a une mission de service universel que je lui ai confié par arrêté, il y a quelques mois ; cette mission est indispensable pour les territoires ruraux, que je connais bien, et les ménages modestes. Des engagements ont été pris et ils doivent être tenus. Quand des fils sont tombés à terre, ils doivent être réparés dans les 48 heures.

Comptez sur moi, comme ministre et élu rural, pour faire respecter la qualité du service d'Orange. L'Arcep suit le dossier, mes services examineront le plan d'action d'Orange dans quelques jours. De deux choses l'une : soit Orange remplit ses engagements, soit il s'expose à des sanctions financières. Je ferai respecter le service universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; quelques applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Statut de l'élu

M. Pierre-Yves Collombat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) « J'ai besoin de vous, parce que vous avez décidé de vous engager, parce que le pays ne se redressera pas [...] par les décisions de quelques-uns, mais par une action menée partout sur le territoire, par les engagés et les convaincus que vous êtes. Rien ne sera possible sans cette relation de confiance et de responsabilité. » (Rires)

Ainsi parlait Emmanuel Macron devant les maires de France l'année dernière.

M. François Grosdidier.  - C'est l'ancien monde !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Beau comme l'antique, si ce n'est que la défiance s'est installée depuis entre le pouvoir et les élus. Un geste hautement symbolique permettrait de la dissiper : inscrire dans la loi un statut de l'élu territorial à la hauteur des attentes et des besoins. Y êtes-vous prêt ? (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je connais votre attention aux élus, monsieur le sénateur, pour avoir moi-même été maire. Vous avez posé une question simple en faisant une citation que tout le monde partage (Sourires), je vous ferai donc une réponse simple et concrète.

Le Gouvernement salue le travail que le Sénat a accompli sur le statut de l'élu. La question a été mise maintes fois sur le métier, ce Gouvernement veut aboutir.

M. Mathieu Darnaud.  - Il faudrait accélérer le rythme !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Oui, nous le ferons. (On se récrie sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains.) Le Sénat a fait 46 propositions qui portent sur le régime social de l'élu qu'il faut clarifier, compléter et adapter ; sur la conciliation entre vie politique et vie personnelle et professionnelle durant le mandat, avant le mandat parce qu'il faut s'y préparer et après le mandat, parce qu'il faut faciliter la reconversion ; sur la formation parce que les sujets que les élus traitent sont de plus en plus complexes ; enfin, sur la responsabilité pénale de l'élu et l'on se rappelle que la première loi a été votée au Sénat sous l'impulsion du sénateur Fauchon. Le Gouvernement est prêt à travailler avec vous sur ces quatre sujets éventuellement dans le cadre de niches sénatoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Monsieur le ministre de l'impossible, les constats ne remplacent pas les actes et les promesses sont toujours à crédit. Or le Gouvernement n'en a plus, de crédit ! Nous proposerons un texte d'ici peu et chacun pourra vous juger à vos actes. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM et RDSE)

Blues des maires

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) De plus en plus d'élus de nos communes rurales, des maires mais aussi des conseillers municipaux, traversent une crise des vocations, à tel point que beaucoup démissionnent en cours de mandat. Ce blues des maires est plus qu'un vague à l'âme : la lassitude est réelle.

Cela fragilise nos départements et les citoyens les plus isolés pour lesquels les maires sont souvent l'unique référent politique et social.

Baisse des dotations, suppression de la taxe d'habitation, organisation territoriale de plus en plus complexe, poids des intercommunalités, les difficultés s'accumulent. Le budget des communes est de plus en plus contraint et on demande toujours plus aux maires des petites communes qui travaillent souvent beaucoup, et bénévolement.

Le Sénat a fait des propositions. Comment le Gouvernement compte-t-il redonner leur place aux maires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mmes Mireille Jouve et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

M. le président.  - La parole est à M. Marc Fesneau, ministre.

Plusieurs voix à droite. - Encore !

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Vous dressez un bilan accablant. Maire de 2008 à 2013 et conseiller municipal depuis 1995, il me semble que ce bilan n'est pas dû à ce Gouvernement. (Protestations sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La lassitude des élus est souvent inhérente au mandat. Le nombre de maires déclarant ne pas vouloir se représenter est de 50 % cette année, il était de 60 % en 2014.

Je sens une vraie lassitude chez les élus municipaux qui se sont engagés dans des communautés de communes. Il y a une perte de sens et un sentiment d'impuissance. Il faut y répondre par de la souplesse, de la clarification. Nous en reparlerons lors des débats sur la réforme institutionnelle et du débat sur les finances locales au printemps prochain. Le Premier ministre lance un programme de reconquête industrielle des territoires car, sans reconquête industrielle, il n'y a pas d'avenir pour ces territoires et d'espoir pour les élus. Je suis sûr que le Sénat nous encouragera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Viviane Artigalas.  - C'est trop facile, vous parlez toujours des gouvernements précédents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Martial Bourquin.  - Ils viennent de là !

Mme Viviane Artigalas.  - Vous êtes en responsabilité, à vous de donner des réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Fiscalité locale et statut de l'élu

M. Charles Guené .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Porte de Versailles, les maires sont moroses, dénonçant une absence de visibilité fiscale et abasourdis par le prélèvement à la source. Ils subissent les variations incontrôlées de tout un système aux contours incertains, qui prend l'eau avec la suppression de la taxe d'habitation, dont on ne sait ce qui la remplacera. Les maires assistent à un jeu de bonneteau entre la métropole du Grand Paris et les établissements publics. Le projet de loi de finances pour 2019 engagera-t-il une réforme d'ensemble ?

Jusqu'à présent, les maires bénéficiaient d'une compensation pour leur frais, jusqu'à l'équivalent d'une commune de 2 000 habitants et plus. Le prélèvement à la source ramène ce seuil au niveau du maire d'une commune de 500 habitants, en les assimilant purement et simplement à des salariés. Leur rendrez-vous justice en rétablissant ce statut particulier auquel ils demeurent très attachés ?

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - (Protestations à droite) Vous avez raison. Il y a un besoin de clarification sur les ressources fiscales et les dotations. L'ensemble de la fiscalité locale sera réexaminé. Le Premier ministre l'annonce devant les maires cet après-midi : il y aura un collectif au printemps prochain, et c'est bien l'ensemble de la fiscalité locale qui sera réexaminée, au-delà de la taxe d'habitation. Le président de la République a dit hier qu'il est ouvert à une réflexion sur la péréquation et sur la DGF.

La revalorisation des valeurs locatives commerciales a fait l'objet d'une réflexion et de certaines corrections, après des contestations justifiées. Pour la revalorisation de l'ensemble des valeurs locatives, le Gouvernement est prêt à ouvrir un nouveau chantier pour résoudre sereinement avec les élus locaux ce problème qui n'a pas été traité depuis plus de quarante ans. Il compte également répondre à l'absence de visibilité globale dont nous sommes sans doute tous ici responsables.

La question sur le statut de l'élu que vous portez sera prise en compte dans les travaux que j'ai annoncés dans ma réponse à une question précédente. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Charles Guené.  - La suppression de la taxe d'habitation correspond à 20 % de la ressource. Le système établi il y a plus de cinquante ans pour les communes ne pourra pas supporter l'addition de la suppression de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.

Sur le statut de l'élu, je vous accorde le bénéfice du doute et vous recommande une seconde lecture plus attentive. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Urgence pour l'hôpital public et les infirmiers

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le plan « Ma Santé 2022 » a suscité l'espoir. Mais 2022, c'est loin. La réorganisation des hôpitaux, le soutien des carrières se font attendre. Les infirmiers se sentent exclus. La mise en place des assistants médicaux pose question. C'est la désespérance dans les établissements publics. Ainsi, 78 % des présidents de centres hospitaliers estiment qu'ils seront en déficit - c'est le cas des trois hôpitaux du Lot-et-Garonne.

Faire plus avec moins, c'est insoutenable, à l'hôpital comme dans les collectivités. Cela conduira à une rupture irréversible de l'offre de soins. L'hôpital public peut-il compter sur une accélération des mesures et la mise en place d'une anticipation ? Sans les praticiens issus des États membres de l'Union européenne, les hôpitaux ruraux fermeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Non, les infirmières et les infirmiers ne sont pas oubliés dans le plan « Ma Santé 2022 », ils en font partie intégrante, même s'ils connaissent un malaise - symptôme d'un système de santé qui n'est plus adapté aux défis du XXIe siècle et qu'il faut en conséquence transformer en profondeur. Le plan du Gouvernement n'est pas une liste de mesures catégorielles. Avec l'universitarisation, le concours d'entrée dans les IFSI est supprimé, les étudiants en soins infirmiers auront les mêmes droits que les autres étudiants. Nous souhaitons en effet mettre fin aux logiques de cloisonnements entre professions de santé.

Nous développons de nouvelles compétences pour les infirmiers et la reconnaissance des infirmiers en pratique avancée est une évolution majeure. Le 4 décembre prochain, leurs représentants doivent retrouver le chemin de la négociation conventionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Compensation de la taxe d'habitation pour les communes

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Cette semaine de Congrès des maires est importante. Les élus locaux échangent entre eux et le Gouvernement les entend, les écoute, pour retisser les liens entre représentation locale et nationale.

Jacqueline Gourault est venue récemment dans la Drôme, au congrès des maires du département. Les élus locaux, qu'elle a écoutés, ont apprécié son jugement. (Marques d'ironie à droite)

La majorité des Français constatent une baisse de la taxe d'habitation, qui augmente leur pouvoir d'achat d'autant. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Promesse tenue ! (Même mouvement)

Les maires ont en revanche besoin de lisibilité sur leurs ressources pour programmer leurs dépenses pour les prochaines années. C'est pourquoi ils s'interrogent sur la compensation par l'État de cette ressource communale. Comment le budget de l'État préservera-t-il des ressources dynamiques, dans la durée, pour les communes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - (« Ah ! », « Encore ! » à droite) Je salue votre première question dans cet hémicycle (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et UC)

Oui, le Congrès des maires est un moment de dialogue, un moment pour faire le point et se projeter dans l'avenir, territorial et fiscal. Le président de la République a écrit aux maires sur la taxe d'habitation et a échangé avec près de 2000 d'entre eux, hier, au palais de l'Élysée. (Exclamations sur divers bancs, notamment à droite)

Une voix à droite.  - Des maires triés sur le volet ?

Mme Cécile Cukierman.  - Oui, sur invitation uniquement !

M. Marc Fesneau, ministre.  - La suppression de la taxe d'habitation ne se fait pas au détriment des communes, puisque l'État se substitue au contribuable à l'euro près.

Il y aura un débat global sur les finances locales au printemps, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui a été annoncé. L'État et le Gouvernement répondent, conformément aux propositions du comité des finances locales, à la fois aux exigences du pouvoir d'achat des Français et à celles des communes, par la fiscalité et les dotations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Quelles mesures budgétaires pour l'outre-mer ?

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je m'associe aux collègues de La Réunion pour inciter le Gouvernement à privilégier le dialogue. Or l'île vit sous le régime du couvre-feu et le représentant de l'État n'a pas souhaité recevoir les responsables des collectifs. J'exhorte le Gouvernement : sa réponse ne peut pas être seulement répressive, face à une situation aussi explosive.

Nous nous apprêtons à voter 38 articles dans la première partie du projet de loi de finances pour 2019. Quelles mesures sont positives pour les outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. Stéphane Artano et Jean-Louis Lagourgue applaudissent également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Pas moins de 300 millions d'euros, à périmètre constant : telle est ma réponse et celle que pourrait vous apporter Mme Annick Girardin. Tels sont les crédits supplémentaires dont bénéficieront tous les territoires d'outre-mer en 2019. Ils seront réaffectés pour créer de l'emploi, car le chômage de masse est la première faiblesse et le premier drame des outre-mer.

Ils bénéficieront aussi, comme tous les autres territoires français, de la suppression de la taxe d'habitation. Dans votre Lettre ouverte à mes compatriotes de l'Hexagone - ouvrage remarquable dont je recommande la lecture - vous présentez les contradictions entre l'outre-mer et l'Hexagone. Je voudrais souligner une autre contradiction française : celle qui consiste à demander la réduction des impôts tout en exigeant toujours plus de dépenses publiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Réduire la dépense publique demande du courage. Si nous voulons réduire les impôts, il faut soutenir la croissance, soutenir le travail. Or le salaire net des Français a été augmenté. (On proteste vigoureusement à gauche.) Dans ces temps agités, plus que jamais nous avons besoin de voir loin. Nous redresserons la France en ayant le courage, comme nous l'avons fait, d'adopter des décisions difficiles sur les emplois aidés, les chambres de commerce et d'industrie, l'audiovisuel public. C'est en agissant ainsi, avec constance et détermination, que nous soutiendrons la croissance, les entreprises, la création d'emplois, (Les protestations redoublent sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs autres bancs, notamment du groupe Les Républicains.) tout en réduisant la dette, pour redresser la France (Les sénateurs des groupes SOCR et Les Républicains frappent sur leur pupitre et couvrent la voix de l'orateur, en faisant remarquer qu'il a dépassé son temps de parole ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Victorin Lurel.  - Je vous félicite pour vos lectures que je vous engage à poursuivre par celle d'un rapport remis à l'époque sur le sujet au Premier ministre. Comme Diogène qui cherche le soleil à midi, je cherche les 300 millions d'euros. Le président de la République avait promis un milliard et demi d'euros aux outre-mer dont un milliard pour la Guyane. Mais en réalité, c'est l'outre-mer qui financera l'outre-mer à hauteur d'un milliard d'euros dans les quatre ans, en faisant fi d'une notion constitutionnelle, l'adaptation, ou la solidarité nationale...

Mme Catherine Conconne.  - Très bien !

M. Victorin Lurel.  - C'est une conception dévoyée du développement endogène. C'est la raison pour laquelle rien, absolument rien, aucune mesure positive pour les outre-mer ne figure dans la première partie de ce projet de loi de finances. Je vous exhorte au dialogue et aux compromis raisonnables que nous ne manquerons pas de vous proposer. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

Dialogue entre les élus locaux et le Gouvernement

M. Mathieu Darnaud .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au Premier ministre. L'an I du « nouveau monde » a vu l'avènement d'une de vos oeuvres inachevées, la Conférence nationale des territoires, qui devait bâtir le « pacte de confiance » annoncé par le président de la République. Hélas, comme il arrive parfois dans une discussion, les élus ne sont pas venus vous dire ce que vous vouliez entendre. Ils ont entendu vos promesses, néanmoins, démenties avec une célérité qui force le respect.

Las de ne pas être écoutés, ils ont lancé un appel, celui de Marseille, resté sans réponse, si ce n'est un catalogue de bonnes intentions. Ils avaient cru le président de la République lorsqu'il s'était engagé à venir chaque année « rendre compte des engagements » pris. On aurait imaginé mieux quand on sait que la moitié des maires ne souhaitent plus s'investir après 2020.

Le candidat En Marche rêvait de changer le personnel politique ; le président Macron pourrait être comblé ! Alors que le dialogue est au point mort, quel avenir imaginez-vous pour nos communes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le président de la République ne s'est pas rendu aux Congrès des maires ; il s'était engagé à rendre des comptes. (On le conteste vivement à droite.)

L'exercice de dialogue non artificiel auquel le président de la République s'est prêté hier n'était pas facile. (Fortes protestations à droite et à gauche)

La Conférence nationale des territoires répondait à une demande des associations d'élus, d'un lieu de dialogue entre l'État et les collectivités locales. Le président de la République souhaite laisser une porte ouverte à ce dialogue. Elle se réunira selon des modalités différentes : en format plénier, sous la présidence du Premier ministre ; en format restreint, présidé par la ministre de la cohésion des territoires, qui réunira les présidents des délégations parlementaires, et les représentants des associations d'élus. Des groupes thématiques seront créés.

Il y a un besoin de dialoguer ; les associations, et notamment l'Association des maires de France, le demandent. Les citoyens le veulent. (Exclamations à droite ; M. Arnaud de Belenet applaudit.)

M. Mathieu Darnaud.  - Arrêtez cette mystification ! Cessez de dire que tout est sur la table. Passez aux actes ! Prenez vos responsabilités comme nous l'avons fait avec nos trente propositions pour revitaliser les communes et pour retravailler la loi NOTRe tant décriée. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Action du Gouvernement

M. Vincent Segouin .  - Que de chemin parcouru depuis 2017 : il fallait « en finir avec le vieux monde », ou encore « remettre les Français au coeur de la vie politique » ! Objectivement, est-ce le cas ?

Les retraités, les automobilistes, les élus locaux protestent ; les gilets jaunes, des familles qui n'ont jamais manifesté, mais ne supportent plus l'augmentation du prix des carburants, des taxes, et se retrouvent à découvert bien avant la fin du mois, des maires qui ont perdu leur liberté d'agir avec des budgets en baisse mais restent responsables de tout, même des catastrophes.

Tous ensemble dans le même avion ! Le Gouvernement et le président de la République sont enfermés dans le cockpit et l'appareil perd de l'altitude. Les passagers - les Français - s'inquiètent. Vous envoyez de temps en temps une chef de cabine, Mme Gourault, pour dire que tout va bien ; ou votre ministre de l'Intérieur pour vérifier que les ceintures sont bien attachées. M. Collomb l'a compris et ouvert son parachute.

Quand comprendrez-vous que vous n'y arriverez pas seuls ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - (Protestations à droite) Nous comprenons et percevons bien la situation. Face à toutes les impasses, que fait le Gouvernement ?

Plusieurs voix à droite.  - Rien !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Il agit ! Pour sortir de l'impasse sur la transition écologique, sur les transports, sur la désertification médicale, avec la fin du numerus clausus, afin de déployer selon des formes nouvelles plus de médecins sur le territoire, entre autres... C'est parce que les réformes structurelles n'ont pas été faites avant que nous en sommes là. (Protestations sur divers bancs des groupes Les Républicains et SOCR notamment)

Mais le Sénat a été responsable et a voté des réformes ; il est bon de se retrouver. Il est inacceptable que l'on insulte des élus de la Nation, ou que l'on voie fleurir des appels à la violence.

De nombreuses voix à droite.  - « Balance ton maire » !

M. Marc Fesneau, ministre.  - C'est alors la République qu'on attaque ! Et c'est elle qu'il faudra défendre, au-delà des mesures à prendre pour répondre aux angoisses de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE ; M. Vincent Segoin se lève pour répliquer au ministre.)

M. le président.  - Il vous reste moins de cinq secondes, donc il n'y a pas de réplique. Merci.

La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 15.