Projet de loi de finances pour 2019 (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale (Suite)

M. Emmanuel Capus .  - (M. Claude Raynal applaudit.) C'est le second projet loi de finances du quinquennat d'Emmanuel Macron. Le contexte est particulier, avec l'expression de tensions exacerbées - qui étaient latentes depuis des années. Nous devons examiner le budget sans excès ni caricature, avec mesure, pragmatisme, et sens des responsabilités. C'est la raison d'être des membres du groupe Les Indépendants. Débattons de faits et de valeurs.

M. Philippe Dallier.  - Et de chiffres aussi ?

M. Emmanuel Capus.  - Les valeurs du groupe Les Indépendants sont la justice sociale, l'efficacité économique et des mesures équitables pour tous, adaptées à la vie quotidienne des Français. Les chiffres sont des faits, ce qui satisfera mon collègue Dallier. La fiscalité énergétique augmente, c'est une réalité factuelle. Cependant, moins que l'an dernier, selon la trajectoire votée l'an dernier : nous ne découvrons pas le problème. Cependant, le Gouvernement va trop loin. Oui il faut changer notre modèle de société, mais avec pragmatisme et pédagogie, sans laisser personne au bord du chemin. Il faut sortir de la logique punitive perçue par nos concitoyens et les entreprises.

Notre responsabilité est de démontrer que la transition écologique est une chance pour chacun de nos compatriotes. Nous ne pensons pas, aux Indépendants, que notre rôle soit de rééduquer le peuple, mais d'encourager, d'accompagner nos concitoyens sur la voie que nous pensons être la meilleure. Du reste, l'État doit s'appliquer les règles à lui-même - nous demanderons au Gouvernement d'introduire les objectifs du développement durable dans le budget.

Certaines mesures telles que les transpositions sont inévitables mais il faut assurer la sécurité juridique pour les entreprises et préserver notre compétitivité, y compris celle des PME qui n'ont pas la même capacité d'adaptation que les plus grandes.

Malheureusement, en 2019, le montant des économies budgétaires reste très insuffisant. La réduction du déficit structurel est très faible et contradictoire avec nos objectifs européens. La dette française, de quasiment 100 % du PIB, est abyssale. Selon le Haut Conseil des finances publiques, la France n'aura pas amorcé la réduction de son ratio de dette publique au PIB, contrairement aux autres pays européens. Cela met en danger notre souveraineté. Or les marges de manoeuvre s'amenuisent et les perspectives mondiales de croissance sont fragiles.

Il faut plus d'efforts sur la dépense publique - une ambition de 10 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, c'est trop peu.

Supprimer 4 500 ETP dans la fonction publique en 2019 après les 1 600 suppressions de 2018, cela reste bien insuffisant et très loin de la promesse de 50 000 suppressions de postes sur le quinquennat.

Je salue néanmoins la sincérité de ce budget. Ainsi la mission « Travail et emploi », que j'ai l'honneur de rapporter, se concentre sur des dispositifs qui fonctionnent.

Les maires nous font part de leurs inquiétudes. Vous stabilisez les dotations après des années de diminution drastique et indiscriminée ; cependant, de grandes inégalités subsistent. La hausse de la fiscalité sur le gasoil non routier aura un impact sur le BTP, notamment, donc sur les maires bâtisseurs - nous proposerons de revenir sur cette hausse.

Enfin le remplacement des revenus de la taxe d'habitation tarde à venir. Nous ne croyons pas que ce budget favorise certains Français plutôt que d'autres, qu'il oppose des catégories les unes aux autres, mais il faut entendre la détresse qui s'exprime.

Le Premier ministre a dit qu'il l'entendait, le groupe Les Indépendants a des propositions pour vous aider à y répondre, pour accompagner la transition énergétique, défendre nos PME et ETI, mieux respecter la cohésion territoriale et l'autonomie des collectivités territoriales. Nous espérons que ce débat budgétaire verra des solutions émerger, au fil d'un exercice collectif où nous nous serons mis, avec pragmatisme, au service de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) L'examen du PLF se fait dans un contexte particulièrement lourd, nos concitoyens et les collectivités territoriales perdent de la confiance dans le Gouvernement ; d'un indice 108 en 2017, la confiance des ménages est passée à 94.

Le 20 juillet 2017, le Gouvernement envisageait 1,9 % de croissance en 2019. Je crains que 1,7 % ne soit un maximum. En 2017, Gérald Darmanin annonçait une réduction des prélèvements obligatoires - allant jusqu'à dire que les impôts ne seraient plus le refuge de notre lâcheté - et une stabilité de la dépense publique. Or ce PLF l'augmente de 0,6 % point l'an prochain : il y a loin de la coupe aux livres. Et ces faibles économies proviennent de la sous-revalorisation des allocations et des pensions, pour 3,5 milliards d'euros. Ce n'est pas glorieux de faire payer familles et retraités.

Le déficit annoncé pour 2019 sera supérieur à celui de 2017 et même de 2016. Sans surprise, l'État continuera de porter la totalité du besoin de financement des administrations publiques, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale étant, elles, à l'équilibre.

Malgré les 6 milliards d'euros de baisse des prélèvements sur les ménages annoncés par le Gouvernement, le gain en pouvoir d'achat sera d'1 % au maximum pour les plus riches et celui pour les classes moyennes se fera au détriment des plus pauvres. La vérité, c'est que votre théorie du ruissellement ne fonctionne pas.

Les parlementaires socialistes ont travaillé sur un budget alternatif. La conclusion est qu'il aurait été aisé de dégager davantage de recettes. La suppression de l'ISF et le prélèvement forfaitaire unique nous privent de 5 milliards d'euros de recettes.

Les 20 milliards d'euros du CICE auraient pu être utilisés différemment. Avec l'accroissement de la CSG des retraités, la baisse des APL, votre politique est inefficace et injuste.

Il aurait fallu revaloriser les retraites comme prévu et compenser la CSG. Vos actions pour la transition écologique ne sont pas suffisantes. Il aurait fallu aller plus loin.

Vous ne faites pas assez en faveur de la cohésion sociale. Notre pays doit prendre en charge différemment nos aînés, avec un grand plan pour les Ehpad.

Ces orientations, certes, sont incompatibles avec la start-up nation. Mais notre pays n'est pas une entreprise, c'est une communauté de destin.

Nous proposerons de revenir sur les mesures pénalisantes pour l'outre-mer, les mesures favorables au grand, voire très grand capital et les mesures de fiscalité écologique punitive qui pèsent sur les classes populaires - d'autres pistes sont à explorer, en particulier la TICPE flottante.

Nous proposerons également la suppression de la fiscalité réduite sur les produits utilisant de l'huile de palme, qui est une anomalie Nous aborderons aussi la question des CCI et des sociétés coopératives d'intérêt collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous abordons le débat budgétaire dans un contexte radicalement différent de l'an passé. Les Français sont profondément déçus, au point de manifester bruyamment leur exaspération, mais le Gouvernement ne change jamais sa réponse, invariablement compassionnelle, tout en défendant son action - le président de la République et le Premier ministre répètent qu'ils entendent, qu'ils comprennent les Français, mais aussi que la politique du Gouvernement est la meilleure possible. Il faudra donc expliquer ce paradoxe d'un gouvernement satisfait de lui-même et de Français qui ne le sont pas.

Les Français sont-ils insatisfaits par tempérament car ce seraient des Gaulois réfractaires, ou bien, comme je le crois, ont-ils de vraies raisons de se plaindre ? Le chômage se maintient à un niveau élevé, l'inflation repart, la croissance faiblit.

« Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console » disait Talleyrand. C'est malheureusement l'inverse pour la France, qui détient de tristes records : nous sommes passés du 22e au 24e rang européen pour le chômage, nous sommes au 28e rang européen pour la dépense publique, nous sommes au dernier rang de l'OCDE pour les prélèvements obligatoires, nous sommes au dernier rang de la compétitivité fiscale : voilà ce qui nourrit les déficits jumeaux de la dépense publique et de la balance commerciale.

Ce budget est de divergence européenne. La France paiera 31 milliards d'euros de plus d'intérêts de dette que l'Allemagne. Quelle sera la légitimité du président de la République lorsqu'il voudra morigéner l'Italie ? Comment pourra-t-il se présenter comme le héraut de l'Europe et prétendre faire la leçon aux autres Européens, alors qu'il n'est pas capable de mettre de l'ordre dans ses comptes ?

Les Français sont donc déçus, d'abord, parce qu'il n'y a pas de résultats.

Mais ils sont déçus, également, parce qu'Emmanuel Macron n'est pas au rendez-vous de ses promesses. Ce budget est-il de transformation comme le promettait la première déclaration de politique générale du Premier ministre - où il nous a promis de rompre avec l'addiction des Français pour la dépense publique ? La dépense publique continue à galoper et le déficit public repart à la hausse pour la première fois depuis 1999, alors qu'il recule partout ou presque en Europe.

Là où François Hollande - que vous connaissez bien, monsieur le ministre, vous l'avez soutenu - a fait 37 milliards de dépenses publiques supplémentaires, Emmanuel Macron porte le surcroit, en deux ans, 51 milliards d'euros ! Comment osez-vous prétendre nous faire la leçon ? Les comptes des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale sont au vert : seul l'État ne fait pas les efforts qu'il devrait fournir. L'effort structurel français est deux fois moindre que les exigences européennes. Aucune réforme de structures et, comme sous le précédent quinquennat, vous remettez à demain les efforts sur le personnel de la fonction publique - tout en continuant à vous servir des vielles recettes que sont les décalages calendaires et les coups de rabot, au détriment des familles et des retraités.

Troisième déception : alors qu'Emmanuel Macron avait promis de réconcilier les Français, c'est le contraire que produit votre politique injuste, elle les divise en concentrant les gains de pouvoir d'achat sur 2 % d'entre eux, notre commission des finances l'a démontré.

Les retraités subissent la triple peine : revalorisation décalée de six mois, hausse de la CSG non compensée et désindexation de l'inflation. Vous chaussez les chaussures de François Hollande en continuant à casser la politique familiale.

Et que dire des Français qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, mais que vous choisissez de taxer. Je pense à ces ménages de la ruralité, mais aussi de la ville, qui ont deux véhicules diesel et qui se chauffent au fioul que parce qu'ils n'ont pas le choix ! (M. Daniel Gremillet renchérit.)

C'est pourquoi notre commission des finances, et je l'en félicite, proposera d'annuler la trajectoire funeste que vous suivez avec la TICPE. Sur ce point, je vois que des soutiens à votre camp vous adjurent de renoncer à cette hausse.

Le consentement à l'impôt doit être annuel : c'est le sens profond, politique, de l'annualité budgétaire. Vous ne pouvez enfermer nos compatriotes dans des trajectoires engagées pour cinq ans.

Une seule question, à vous qui présentez votre politique comme la meilleure possible : pourquoi ne produit-elle pas de résultats ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Bonne question !

M. Julien Bargeton .  - On reproche à ce PLF de ne pas comporter de mesure fiscale nouvelle, mais on ne peut pas se plaindre de l'instabilité fiscale et critiquer le fait qu'un projet de loi de finances poursuive les trajectoires du précédent ! Ce PLF continue à baisser la taxe d'habitation, l'impôt sur les sociétés et les cotisations salariales. Rien de pire que l'imprévisibilité fiscale pour les acteurs.

Même chose pour la taxe carbone. Certes, des groupes politiques ont alerté dès l'an dernier sur les risques en cas d'augmentation du prix du pétrole - mais la fiscalité écologique figurait dans le programme de tous les candidats à la présidence de la République, certains proposant même une bien plus douloureuse augmentation de deux points de la TVA...

La crise que nous traversons précède, elle explique même pour partie l'élection d'Emmanuel Macron. (On en doute sur les bancs à droite et à gauche.)

M. Claude Raynal.  - Ouvrez les yeux !

M. Julien Bargeton.  - La fiscalité écologique est l'un des éléments de la transition énergétique. Elle figurait dans le Grenelle de l'environnement. Cependant elle doit être accompagnée. Autant il me paraît irresponsable de revenir en arrière sur cette politique, autant on peut attendre des propositions sur le sujet.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Comment, avec l'article 40 de la Constitution ?

M. Julien Bargeton.  - Je me réjouis que le chèque énergie des députés Les Républicains, à 15 milliards d'euros, ait été écarté par la sagesse des sénateurs.

M. Bruno Retailleau.  - N'est-ce pas ?

M. Julien Bargeton.  - Certes, la suppression d'un impôt rend populaire... Mais, dans un passé récent, la tendance a plutôt été à la hausse : + 30 milliards pour François Fillon, + 30 milliards encore pour son successeur - où l'on voit que les conseilleurs ne sont pas les payeurs et qu'un ancien Premier ministre, bien qu'il dise avoir trouvé l'État « en faillite », n'a guère trouvé de solution... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La commission propose d'augmenter les jours de carence dans la fonction publique, de supprimer les redondances entre l'État et les collectivités territoriales. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est facile de dire qu'il faut baisser les dépenses publiques, mais toujours plus difficile de dire lesquelles...

Les réformes structurelles ne sont pas toutes dans la loi de finances : les réformes du code du travail, de la SNCF, de la formation professionnelle, des retraites : quand les réformes sont justes et efficaces, les Français les partagent. C'est tout l'enjeu du débat sur la réforme écologique. Quant aux 1 500 millions d'euros d'investissement pour l'enseignement supérieur, ils préparent l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Antoine Lefèvre.  - Quel avenir ?

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Face aux enjeux climatiques, la mise en place d'une fiscalité énergétique a commencé il y a vingt ans. Pourtant notre pays est plongé dans une crise grave. La fiscalité écologique est certes mal calée et illustre l'injustice du Gouvernement, mais elle n'est pas la cause de la crise.

La fiscalité écologique est un outil pour lutter contre le réchauffement climatique, mais quelle erreur de l'avoir dissociée de son objectif social ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, renchérit.) Et comment avez-vous pu choisir de pénaliser les ruraux et les plus modestes ?

Le Gouvernement dit comprendre les souffrances des Français, mais il ne fait rien pour y remédier. C'est une attitude dangereuse, car la fiscalité écologique risque d'être remise en question.

M. Julien Bargeton.  - Que proposait Benoît Hamon, votre candidat ?

M. Rémi Féraud.  - Il faudrait prendre en compte la hausse du prix du baril et prévoir une période de transition. Autre solution, une TICPE flottante, comme l'avait fait Lionel Jospin en son temps.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Rémi Féraud.  - Nous proposerons un amendement en ce sens. On nous répondra que l'effet serait minime. Mais alors, pourquoi le refuser ?

Le produit de la fiscalité écologique, à tout le moins de son augmentation, devrait être intégralement reversé à la transition écologique. Or 600 millions sont directement reversés au budget général.

Je renouvelle notre proposition d'une conférence nationale sur le financement de la fiscalité écologique qui nous permettrait de sortir par le haut de l'impasse dans laquelle le Gouvernement s'est mis.

La fiscalité écologique est indissociable de sa visée sociale. Lier les deux est possible si la volonté politique est là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Yvon Collin .  - Le projet de loi de finances s'inscrit encore cette année dans une trajectoire de déficit public à moins de 3 %. La procédure pour déficit excessif a été levée mais demeure une épée de Damoclès si la croissance ramenait notre déficit à 3,2 %.

L'hypothèse de croissance à 1,7 % est crédible mais fragile, vu le contexte international trouble.

La volonté de rétablissement d'une trajectoire plus saine de nos finances publiques ne suffit pas. L'effort de maîtrise des dépenses publiques est écorné et le déficit structurel peine à se résorber. C'est en réalité notre vraie faiblesse qui nous pénalise par rapport à nos partenaires européens, notamment l'Allemagne.

L'exercice est difficile. Comment faire table rase de 45 années de difficultés budgétaires ? Entre diminution des dépenses et coups de pouces à l'activité, le Gouvernement a déterminé des mesures qui ne sont pas toutes populaires.

Ce ras-le-bol fiscal qui s'exprime ces jours-ci est très préoccupant. Le consentement à l'impôt est au coeur du pacte républicain.

Le Gouvernement a baissé des cotisations sociales, la taxe d'habitation - mais les effets n'en sont pas ressentis. Selon l'OFCE, le revenu disponible des ménages a baissé de 440 euros entre 2008 et 2016 : c'est cette réalité que les Français vivent. Peut-être faudrait-il réorienter certains dispositifs fiscaux touchant au pouvoir d'achat, comme le propose notre commission des finances.

Quant à la fiscalité écologique, elle doit faire preuve d'équité, non de brutalité. Dans ce sens, il faudrait équilibrer le projet de loi de finances en intégrant des mesures de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, contre les juteuses opérations d'arbitrage de dividendes - qui, on l'a vu dans la presse, permettent d'échapper à l'impôt sur les dividendes.

L'autre priorité de ce projet de loi de finances est de revaloriser le travail. La transformation du CICE en baisse des charges y participe. Cependant, l'industrie ne représente que 12 % du PIB contre 16 % il y a encore quelques années : ne faut-il pas concentrer des mesures sur l'industrie, tant elle est importante pour la vie des territoires ? La transformation du CICE en allègement de charges aura-t-elle un impact suffisant pour relancer notre compétitivité ?

Enfin, tout doit être mis en oeuvre pour éviter la concurrence intra-européenne. La taxation des GAFA et l'Union des capitaux sont des outils pour renforcer la solidarité européenne. On ne peut pas d'un côté imposer des règles budgétaires et de l'autre laisser perdurer de telles différences en matière de taxation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement avait fixé des objectifs à court et moyen termes - nous pouvons voir ce qu'il en est advenu.

Vous aviez fixé le cap, sur le quinquennat, de cinq points de dette en moins, trois points de dépense publique et un point de prélèvements obligatoires en moins. Ce texte s'inscrit dans cette perspective.

Cependant, avec une prévision de déficit public de 2,8 % du PIB, avec un taux de prélèvements obligatoires en légère baisse mais qu'il faut corriger avec le CICE, avec une dépense publique certes réduite mais qui augmente de 24 milliards d'euros, en valeur absolue, avec un niveau d'endettement qui baisse légèrement mais augmente de 67 milliards d'euros en valeur absolue, gagnerez-vous le pari du redressement de nos comptes publics ?

Quant à l'emploi, après tant d'efforts aussi sincères que vains des gouvernements successifs, vous avez fait le pari d'endiguer le chômage en renforçant la compétitivité des entreprises par l'allègement de la fiscalité du capital et la relance de l'investissement. Vous poursuivez sur cette ligne avec la transformation du CICE en allègements de charges, la poursuite de la baisse de l'impôt sur les sociétés, des mesures en faveur de la robotique, la modernisation de la fiscalité agricole ou la mise en oeuvre du volet social de la loi Pacte. Nous voulons bien vous suivre sur cette voie, à condition qu'elle s'accompagne de mesures concrètes à destination des plus démunis.

La réduction massive des contrats aidés ne relève pas de la bonne stratégie, tant ils comptent pour les chômeurs, pour l'insertion, mais aussi pour l'offre de services locaux.

Les résultats ne sauraient être immédiats, mais cela n'enlève rien à nos attentes : il faut qu'ils soient au rendez-vous avec une baisse significative du chômage.

La transition énergétique est une question trop importante pour que nous tombions dans le déni ou la démagogie. Nous devons assumer le fait que les énergies fossiles ne peuvent pas être l'avenir.

Il nous faut développer l'usage des produits qui ne sont pas nocifs. Nous devons changer nos comportements.

Pour que les taxes soient comprises, il faut qu'une alternative existe, accessible financièrement. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

Comment faire accepter autrement la hausse d'une taxe sur les carburants aux agriculteurs, ou bien la hausse du prix du fioul pour ceux qui n'ont pas les moyens de changer de chaudière ?

Pour réussir, il faut revoir la trajectoire de la hausse des taxes et développer les mesures d'accompagnement.

Je tiens à saluer les mesures fiscales en faveur des agriculteurs, décidées en étroite collaboration avec la profession et un groupe de parlementaires. L'agriculture joue un rôle majeur dans notre économie et fait vivre la ruralité. Le dispositif d'épargne de précaution, le relèvement du plafond pour faciliter la transmission des baux ruraux, le maintien du régime du micro-BA sont de bonnes mesures.

Monsieur le ministre, vous êtes élu local, vous le savez, les élus locaux ont besoin d'y voir clair et ils attendent des décisions justes. Après la baisse de la DGF et des réorganisations territoriales perturbantes, vous avez apporté la stabilité dès 2018. En 2019, le maintien de la DGF à son niveau de 2018, la hausse de la péréquation, la réforme de la dotation d'intercommunalité qui revient sur le dispositif injuste des catégories d'EPCI vont dans le bon sens, de même que la péréquation à destination des départements qui ont des difficultés à faire face aux dépenses individuelles de solidarité.

Toutefois, la réduction des crédits affectés aux contrats de ruralité, à la prime à l'aménagement du territoire et au Fisac, qui sont de petites sommes mais dont l'effet de levier est important, est inacceptable. Nous soutenons les propositions de la commission des finances de les relever.

Les modifications des périmètres consécutifs à la loi NOTRe et les changements de catégories des intercommunalités ont considérablement impacté la répartition des dotations entre les collectivités. Une remise à plat est nécessaire et vous êtes prêt à engager le chantier.

Nous suivrons avec la plus grande attention le projet de loi sur la réforme de la fiscalité locale - sur laquelle la commission des finances a fait des propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'été dernier, vos hypothèses semblaient prudentes ; en matière de logement, vous étiez rassurants. Lors des débats sur la loi ELAN, en juillet, Julien Denormandie nous assurait que vous alliez pouvoir construire plus avec beaucoup moins d'argent. Mais la conjoncture nationale et internationale a changé et la croissance ralentit, le chômage ne baisse pas, le moral des Français est en berne et l'investissement industriel aussi.

Un secteur aurait pu y échapper, tant que les taux d'intérêt restent sages. Las, c'est celui que vous avez choisi de cibler pour vos économies, avec vos réformes sur l'IFI, le PTZ, le Pinel, l'APL accessibilité, baisse des ressources tirées des loyers pour les bailleurs, augmentation de la TVA sur les bailleurs et la taxe sur les ventes de HLM. L'an dernier, nous avons attiré votre attention sur les risques que vous faisiez courir à ce secteur qui sortait à peine du marasme des années 2014 et 2015.

Le marasme de la construction de logements, d'où venait-il ? Des brutalités de M. Ayrault et de Mme Duflot, notamment sur l'investissement locatif et les aides à l'accession.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'était avant !

M. Philippe Dallier.  - Vous n'avez rien voulu entendre sur le repli du marché annoncé par tous les acteurs et vous avez lancé une réforme brutale du monde HLM à grands coups de coupes budgétaires. Nous y sommes, et bien plus vite que prévu. En 2018, moins de 100 000 logements sociaux auront été construits, ce qui nous ramènera dix ans en arrière, en plein milieu de la crise de 2008.

Pour les promotions privées, ce n'est pas mieux : au troisième trimestre 2018, les baisses sont très inquiétantes dans les zones A et A bis, elles sont de 8,78 % pour les mises en vente et de 3,2 % pour les réservations, dans les zones B1, de 15,8 % pour les mises en vente et 19,5 % pour les réservations, dans les zones B2, 21,1 % pour les mises en vente et, singularité, hausse de 8,2 % pour les réservations, Pour la zone C, les baisses sont respectivement de 26,9 %et de 13,9 %. Ces chiffres sont très inquiétants et les professionnels du bâtiment parlent d'une perte de 120 000 emplois en 2019 et de 200 000 emplois en 2020. Reconnaissez-vous que ces chiffres sont conformes à la réalité ? Jusqu'à présent, le Gouvernement était dans le déni. À l'Assemblée nationale, des mesures vont dans le mauvais sens, avec la suppression de l'exonération de TSCA sur l'assurance décès des emprunteurs et la taxation du gasoil non routier qui impactera le secteur du bâtiment et des travaux publics. La Gouvernement a desserré - très peu - le Pinel en coeur de ville et accepté le retour de l'APL-Accession mais dans quelques territoires d'outre-mer. Ce n'est pas ainsi que vous inverserez la tendance.

Il faut revoir de toute urgence le zonage, rétablir l'APL-Accession sur tout le territoire, recalibrer le PTZ partout. Votre politique - notre politique fiscale - à l'égard du logement est incohérente : on surtaxe d'un côté et on accorde des aides fiscales de l'autre. Cela ne peut plus durer !

Vous avez présenté des mesures l'an dernier de compensation des baisses de loyers en faveur des bailleurs sociaux : allongement des prêts, prêts de haut de bilan, blocage du taux de livret A. Dans un récent rapport, la CDC démontre que ces mesures permettent de passer le début de la période, mais l'autofinancement des bailleurs sera nul en 2037. Vous fragilisez ce secteur pour vingt ans, alors qu'il permettrait de mener des politiques contra-cycliques en période de ralentissement économique.

Les collectivités territoriales sont un facteur majeur : elles peuvent aider à soutenir le mouvement. Les investisseurs institutionnels étant de retour...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Ils sont fous !

M. Philippe Dallier.  - Ils veulent réinvestir le logement après l'avoir quitté il y a quinze ans. Mais cela se fait au détriment des communes sur les exonérations de taxe foncière. Au moment où vous supprimez la taxe d'habitation, vous ne pouvez exonérer de taxe foncière le logement social et intermédiaire.

J'espère obtenir un avis favorable du Gouvernement sur l'amendement que je fais adopter tous les ans depuis cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Yvon Collin et Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.)

M. Victorin Lurel .  - J'exhorte le Gouvernement à apporter un soin particulier à la situation explosive à La Réunion. Des gendarmes en plus ne parviendront pas à rétablir la concorde.

En 2017, le président de la République, alors candidat, a parlé de girondisme, de respect de l'autonomie des territoires et des élus, de progrès social et de justice fiscale. Deux ans après, la déception est grande. La colère gronde et ce budget n'est pas de nature à rassurer ni à reconquérir les coeurs et les esprits. Nombreux sont ceux qui dénoncent la vanité, la rigidité, le mépris, l'arrogance. Il faut tenir compte du vécu et du ressenti des populations.

Dans les outre-mer, le candidat Macron s'était engagé pour 4,5 milliards d'euros : 1 milliard dans une lettre pour la Nouvelle-Calédonie, 1 milliard pour la Guyane et 2,5 milliards sous forme de quote-part provenant du Grand Plan d'investissement. Mais la verticalité raide a mis fin à l'adaptation au profit d'une expertise aveugle et technocratique, d'indifférence brutale et de mépris à l'égard des élus.

L'exécutif a décidé de mettre fin au traitement différencié des outre-mer, consacré par l'article 73 de la Constitution : le maître mot est désormais l'alignement, la standardisation. Ce budget est une guerre contre les outre-mer. Était-il raisonnable d'écarter les élus et les socio-professionnels de nos territoires lorsqu'il s'agit de préparer la réforme des aides économiques outre-mer ? Était-il utile d'organiser les Assises de l'outre-mer uniquement pour augmenter l'impôt sur le revenu outre-mer et une fiscalité énergétique ? Était-il pertinent de supprimer la TVA NPR et les outils de construction du logement social, en un mot de prendre toutes ces mesures anti-sociales ?

Le Sénat a une tradition de compromis ; j'espère que vous serez ouvert à nos propositions transpartisanes. J'espère que vous resterez à l'écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Christine Lavarde .  - De premier abord, le PLF comporte peu de mesures importantes relatives aux collectivités territoriales. Le Gouvernement a annoncé pour le printemps une loi de finances rectificative qui abordera l'épineuse question de la réforme de la taxe d'habitation qui représente un tiers des recettes fiscales du bloc communal.

La suppression pour 100 % des ménages, exigée par le Conseil constitutionnel, aura lieu en 2021. Cela constituera un surcoût de près de 14 milliards d'euros en 2020 par rapport à la trajectoire des finances publiques, augmentation qui sera financée par le déficit. Ainsi, le contribuable national paiera pour le contribuable local. Les amendements présentés à l'Assemblée nationale sur ces points ont été repoussés au prétexte de la loi à venir : je vous souhaite bien du courage pour traiter de toutes ces questions en un laps de temps aussi court.

Si la loi que vous annoncez doit être le grand soir de la fiscalité des collectivités locales, pourquoi tant de mesures dans ce projet de loi de finances ? Réforme de la dotation de l'intercommunalité, modification des modalités de répartition de la dotation de la politique de la ville, transformation de la dotation globale d'équipement des départements en une dotation à l'investissement...

Nous ne disposons d'aucune simulation. Tout au plus, savons-nous que la modification des règles de plafonnement de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des départements est neutre pour la catégorie des départements et n'a d'effets qu'individuels ou encore que la réforme de la dotation d'intercommunalité sera neutre pour la catégorie des EPCI à fiscalité propre et n'aura que des impacts individuels. Nous ne pouvons pas continuer à prendre des décisions ainsi, sans simulation.

En tant qu'élue d'Île-de-France, je regrette l'abandon de la réforme institutionnelle de cette région ; le millefeuille à cinq couches est indigeste.

Le maintien en euros courants des dotations aux collectivités territoriales au niveau de 2018 masque une baisse en euros constants puisque l'inflation reprend.

De plus, en 2018, selon une étude de la Banque Postale de septembre, près de la moitié des communes ont vu leur dotation globale de fonctionnement baisser et les deux-tiers ont été touchés par une baisse de la dotation forfaitaire. Toute hausse doit en effet être gagée au sein des variables d'ajustement ; or il y a une baisse de 144 millions d'euros de ces variables. Dit autrement, c'est donner d'une main et reprendre de l'autre et financer la péréquation verticale par la péréquation horizontale. Cette année, cette logique n'est pas parfaitement respectée car le bloc local viendra financer à hauteur de 34 millions l'augmentation des ressources des départements.

La loi de finances pour 2018 avait élargi l'assiette des variables d'ajustement à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et des EPCI. En avril 2018, une instruction fiscale de Bercy venait geler l'application de cette disposition pour les EPCI au regard de sa très forte concentration. Les mêmes effets se sont fait sentir lors de la ventilation de la minoration sur les communes, conduisant quatre maires des Hauts-de-Seine à attaquer en justice l'arrêté préfectoral de notification. L'article 23 vient annuler les dispositions de la LFI 2018. Mais les mêmes causes produiront les mêmes effets : pourquoi donc inscrire à nouveau une minoration de DCRTP dans cette loi de finances ?

Côté dépenses, la situation est très déséquilibrée : la hausse de la fiscalité environnementale aura un effet non négligeable sur les finances des collectivités territoriales, dont 75 % du parc automobile est composé de véhicules diesel.

Le surcoût pour les collectivités des mesures sur le recyclage pourrait coûter jusqu'à 1 milliard d'euros selon l'association Amorce puisque 30 % des déchets ménagers ne sont pas recyclables.

Enfin, la hausse de la TICPE sur le GNR va pénaliser à hauteur de 500 millions d'euros le secteur des travaux publics : ce surcoût sera certainement refacturé aux clients. Or les donneurs d'ordre en matière de travaux publics sont à 65 % les collectivités, soit une hausse potentielle pour elles de 325 millions.

Alors que les maires de France sont réunis, je crains que ce PLF ne confirme les conclusions de l'AMF-Cevipof : « La recentralisation ressentie de l'action communale ne se traduit pas par le transfert de compétences communales à l'État central mais résulte plutôt des contraintes budgétaires installées dans la durée ». Un sondage du même Cevipof nous apprend qu'un maire sur deux ne veut pas se représenter à l'issue de son mandat. Il est temps de passer des mots aux actes (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacky Deromedi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Un budget, ce sont des visages d'hommes, de femmes et d'enfants dont nous voulons améliorer la vie. Pour moi, ce sont ceux des Français de l'étranger. Ceux-ci ne profiteront pas de la suppression de la taxe d'habitation pour leur résidence française. Quand donc leur logement en France sera considéré comme leur résidence principale ?

Bercy a lâché du lest sur quelques impôts dans ce budget, en matière de plus-values ou de pensions alimentaires notamment. Mais on reprend d'une main ce qu'on a accordé de l'autre. Le taux minimum d'imposition sur les revenus de source française augmente de 20 à 30 %.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Nous y avons remédié.

Mme Jacky Deromedi.  - J'ai déposé un amendement de suppression de cette augmentation. Nos compatriotes m'écrivent pour s'inquiéter de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Ils ont le sentiment que le nouveau système leur sera défavorable et qu'ils paieront davantage

Vous m'avez répondu par écrit qu'il n'y aurait pas de double prélèvement. Mais que se passera-t-il en cas de convention fiscale ?

En matière de CSG-CRDS, nos compatriotes affiliés à un régime de sécurité sociale de l'Union européenne ont été exonérés mais les autres Français des pays tiers sont restés sur leur faim. Pourquoi celui qui vit en Belgique, en Italie, en Espagne serait-il exonéré de la CSG-CRDS et pas celui qui vit en Chine, aux USA, en Afrique ou en Australie ? Où est l'égalité qui figure dans notre belle devise ?

En ce qui concerne notre réseau scolaire à l'étranger, le président de la République souhaite un doublement du nombre d'élèves d'ici 2030 : il s'agit de faire plus avec des moyens qui, au mieux, stagnent. Le leitmotiv du Gouvernement est la réduction des effectifs de professeurs alors que les besoins de places dans les établissements scolaires à l'étranger augmentent.

La subvention à l'AEFE stagne à 384 millions, la contraignant à prélever plus sur les établissements conventionnés. En outre, la dotation consacrée aux bourses diminue. En 2017, les parents ont financé à hauteur de 65 % les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés.

La recherche des partenariats locaux et du mécénat, que le Gouvernement réclame, est difficile.

Nous subissons une baisse considérable des effectifs des enseignants : suppression de 166 ETP en 2019 après celle de 180 ETP en 2018. La législation ne permet plus de renouveler un CDD au-delà de six années et le ministère remercie des agents qualifiés et expérimentés pour les remplacer par de nouvelles recrues qui n'ont pas la même expérience ni la même qualification. On marche sur la tête !

Encore une fois, les Français de l'étranger sont pénalisés. Ils ont droit à notre considération et à votre attention. Ne les oubliez pas ; eux sauront se souvenir de vous aux élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je remercie tous les intervenants.

Ce projet de loi de finances comporte des réformes structurelles, avec une baisse de cotisations de 19 milliards d'euros pour favoriser l'emploi et la compétitivité. Ce ne serait pas utile de transformer le CICE en allègement de charges, monsieur Raynal ? C'était pourtant une promesse de François Hollande devant le monde des entreprises en 2016.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Grave erreur !

M. François Bonhomme.  - Vous devez le savoir !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Cela simplifiera le travail des entreprises et améliorera leur trésorerie.

Les heures supplémentaires seront exonérées de cotisations sociales à partir de l'automne prochain. Ces mesures sont financées par des économies substantielles : le gel du point d'indice dans la fonction publique permet une économie de 20,8 milliards d'euros, la revalorisation maîtrisée de plusieurs prestations sociales ou encore la limitation à 2,5 % de l'Ondam. Ce sont plus de 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat que nous rendons aux ménages, avec 3 milliards d'impôts en plus mais 9 milliards d'allègements.

Notre politique porte ses fruits, contrairement à ce que dit M. Retailleau. Le déficit public était inférieur à 3 % du PIB dès 2017 et il le sera encore en 2019, même si nous avons un ressaut du déficit du fait de la transformation du CICE en allègement de charges. La dépense publique est très nettement ralentie. La confiance des acteurs économiques est retrouvée : 77 % des investisseurs étrangers veulent investir en France.

La baisse du chômage se confirme : moins un point depuis 2017 et moins 2,6 % en un an pour les jeunes.

En matière de comptes publics, nos objectifs sont ambitieux : 5 points de moins de dette publique et 3 points de moins de dépenses publiques. Nous les tiendrons.

Les dépenses de l'État baisseront de 0,8 % en volume en 2019. Les dépenses locales augmenteront, quant à elles, de 2,3 % et les dépenses maladie de 2,5 %.

En matière de fiscalité écologique, je rappelle que la hausse de la TICPE votée dans la trajectoire carbone sous le mandat précédent ne tire pas son caractère écologique de son affectation. Le principe d'universalité budgétaire interdit de toute manière la généralisation des affectations de recettes.

Il s'agit d'encourager les comportements vertueux. Le Premier ministre a annoncé des mesures d'accompagnement. Le budget du ministre de l'écologie est en hausse de plus de 3 % - en valeur absolue, cela se rapproche de la hausse de la fiscalité écologique et environnementale. Ainsi, la prime à la conversion a pu être majorée pour des bénéficiaires qui ne sont pas imposables à 70 %. De même, le chèque énergie sera porté de 150 euros à 200 euros par an.

Coupons court aux mauvais procès sur les annulations de crédit en fin d'année : nous nous sommes appuyés sur les chiffres de la CRE. Les dépenses se révélant moins élevées que prévues, l'État ne surcompensera pas les opérateurs en 2018, ce serait inutile et illégitime.

Les crédits de la mission « Outre-mer » sont en hausse de 20 %, c'est inédit. Suite aux Assises de l'outre-mer, des décisions courageuses ont été prises au bénéfice des territoires ultramarins. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de cette mission. Plus de 170 millions iront à l'économie avec notamment des aides à l'investissement.

Un mot sur la question des collectivités territoriales : vous avez reconnu que les concours aux collectivités étaient stabilisés. Si la DGF est maintenue au même niveau, de nombreuses communes ont vu son montant fluctuer. La répartition de la DGF répond à un critère démographique et à des mécanismes propres tels que l'écrêtement ou au potentiel financier agrégé des communes. L'importante modification de la carte intercommunale le 1er janvier 2017 explique ces modifications. À critères constants, l'année 2019 sera beaucoup plus stable. Mme Lavarde a évoqué la question des variables d'ajustement. À mon sens, c'est le symptôme que le système de financement des collectivités territoriales est à bout de souffle. En 2017, les variables d'ajustement s'élevaient à 923 millions et en 2018 à 323 millions. Nous sommes aujourd'hui à 144 millions d'euros : le Gouvernement tente donc de minorer ces variables pour que les collectivités n'aient plus ce sentiment d'injustice quand leurs dotations baissent. L'effort du Gouvernement pour le minorer est certain. Le président de la République a indiqué hier qu'il était favorable à un débat sur les modalités de répartition.

Un PLFR sera présenté mi-avril au Conseil des ministres sur la fiscalité locale. Il assurera aux collectivités territoriales une compensation intégrale. Nous y travaillons.

Je vous annonce déjà que le Gouvernement a l'intention de conserver la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Nous réfléchissons aux taxes et impôts que les collectivités territoriales pourront continuer à percevoir.

Grâce à la technique du dégrèvement, nous continuerons à compenser la taxe d'habitation pour les communes.

J'ai conscience d'avoir été parcellaire dans les réponses que j'ai apportées aux différents intervenants mais la suite des débats permettra d'entrer dans les détails.

En application de l'article 44-6 du Règlement, le Gouvernement demande l'examen en priorité lundi 26 novembre, dès 14 h30, les articles 4, 5 et 6 du PLF. L'article 5 bis n'est pas inclus dans cette demande de réserve.

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - La commission des finances n'a pas d'objection.

M. le président.  - Il en est ainsi décidé.

La discussion générale est close.

Discussion des articles de la première partie

ARTICLE LIMINAIRE

M. Éric Bocquet .  - Remarquons les mouvements qui affectent notre système de prélèvements. Première rupture, la mise en place du prélèvement à la source. Encore un effort ! Demain, le quotient familial passera à la trappe et les 12 milliards d'euros présumés de son coût pour les finances publiques étant capitalisés par les plus aisés. C'est un risque qui pèsera sur la sécurité des finances publiques d'autant que le prélèvement à la source n'a jamais permis de lutter contre la fraude fiscale dans les pays où il a été instauré depuis fort longtemps.

Selon un sondage, seuls 54 % des Français jugent le paiement de l'impôt comme un acte citoyen. À force de ne pas combattre la fraude et l'évitement fiscal, l'absence de consentement à l'impôt fragilise la République.

Seconde rupture, la fiscalisation croissante de la sécurité sociale avec l'article 36. Pas moins de 36 milliards d'euros sont ainsi transférés à des caisses de l'État à l'Acoss. Une telle mesure anticipe l'activation du nouveau système qui transférera les excédents des comptes sociaux vers le remboursement de la dette de l'État. Laissez-moi citer Bruno Retailleau qui disait récemment qu'on se dirigeait progressivement vers un modèle à l'anglo-saxonne sans le dire aux Français, en passant d'un financement par cotisations à un financement par l'impôt.

M. le président.  - Amendement n°I-720 rectifié bis, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Cabanel, Mme Préville, MM. Durain et Tissot, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. P. Joly, Mmes Monier et Jasmin, M. Tourenne, Mme Lubin, MM. Kerrouche, Jacquin, Antiste et Assouline et Mme Meunier.

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En points de produit intérieur brut)

 

 

Exécution 2017

Prévision d'exécution 2018

Prévision 2019

Solde structurel (1)

-1,3

-1,3

-1,3

Solde conjoncturel (2)

-1,2

-1,0

-0,5

Mesure exceptionnelle (3)

-0,1

-0,1

-0,1

Solde effectif (1+2+3)

-2,6

-2,4

-1,9

 

M. Patrice Joly.  - Cet amendement propose, comme l'année dernière, de repenser le calcul du solde effectif pour les années 2017, 2018 et 2019.

Le déficit structurel et l'effort structurel reposent sur la notion de croissance potentielle, qui est un indicateur non observable qui consiste à apprécier ce que serait la croissance économique d'un pays si tous les facteurs de production étaient mobilisés à 100 %.

Des problèmes ont été constatés dans la calibration de cet indicateur. Ainsi le FMI, en 2013, a modifié le mode de calcul de l'indicateur de croissance potentielle qu'il utilisait jusque-là. En 2016, plusieurs ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne ont écrit à la Commission européenne pour demander une révision du mode de calcul, à l'instar de ce qui a été fait par le FMI.

Cet amendement recalibre le solde structurel de 2017 en s'inspirant des corrections engagées par le FMI dès 2013 pour le calcul du solde structurel.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Sujet complexe... L'amendement prétend s'inspirer des travaux du FMI pour évaluer le déficit structurel à 1,3 %, alors que le FMI dit 2,5 %, soit un chiffre beaucoup plus proche de celui du Gouvernement qui est de 2,3 %.

Avec 1,3 %, on s'éloigne de l'hypothèse du Gouvernement comme de celle du FMI. Avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. La loi de programmation pour les finances publiques couvre une période longue. Il n'est pas opportun de modifier le mode de calcul pendant le délai de la loi de programmation.

L'amendement n°I-720 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°I-20 n'est pas défendu.

L'article liminaire est adopté.

ARTICLE 37

M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La contribution de la France à l'Union européenne répond à un cadre strict. En 2019, le prélèvement sur recettes est estimé à 21,5 milliards d'euros. Au total, c'est 23,2 milliards d'euros si on ajoute les droits de douane. Pour la deuxième année, le montant du prélèvement européen est en hausse par un effet de rattrapage de la consommation des crédits européens, notamment ceux dédiés à la politique de cohésion et au développement rural. Cette augmentation devrait bénéficier à nos territoires.

En 2017, la France était le troisième contributeur net en volume au budget européen et le premier bénéficiaire net en volume, avec 13,5 milliards d'euros dépensés en France, principalement sur la PAC.

La volatilité du prélèvement sur recettes peut toutefois nous inquiéter. Son évaluation est difficile à réaliser, car elle dépend des prévisions de l'Union européenne, des éventuels budgets rectificatifs et des corrections apportées sur les exercices antérieurs. En 2017, il y a eu plus de 2,3 milliards d'euros d'écart entre les prévisions et la réalisation.

Mon second sujet de préoccupation est celui des difficultés rencontrées ces dernières années pour le versement des primes de la PAC aux agriculteurs et celui du retard du décaissement des crédits européens pour le développement rural. C'est particulièrement criant pour certains programmes comme le programme Leader. Sur 700 millions prévus pour la période 2014-2020, seulement 10 millions ont été effectivement payés à ce jour. Alors que les dépenses européennes en France sont conséquentes, ce sont les territoires les plus fragiles qui peinent à en bénéficier. Ces retards contribuent à l'augmentation du « reste à liquider » qui devrait d'ailleurs atteindre le niveau record de 300 milliards en 2020, soit près de deux fois le budget annuel de I'Union européenne. On mesure l'impact négatif de ces retards sur les dynamiques économiques des territoires qui doivent être accompagnés dans leur développement.

Cette situation est incompréhensible pour nos concitoyens. Il est urgent d'y remédier.

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européens sur le budget de l'Union européenne ont échoué lundi dernier, pour un conflit sur le programme de recherche « Horizon 2020 » de 400 millions, sur 160 milliards au total. Cela en dit long sur l'engagement européen de certains... La Commission européenne doit présenter un nouveau projet de budget.

Dans le contexte actuel de désordre mondial, l'Europe doit être à la hauteur. Les peuples européens sont désabusés, désorientés et parfois désespérés. Leur sentiment d'abandon se traduit par la montée des populismes, par le Brexit ou par la conduite par certains États de stratégies individuelles ou de repli sur soi.

Quand les risques sont devant nous, le cadre financier pluriannuel devrait traduire des orientations politiques fortes. Or, mis à part des discours du président de la République adressés à nos partenaires, les traductions politiques sont inexistantes au plan national. Cela ne facilite pas la compréhension, le partage et l'acceptation par les peuples des politiques européennes. À plusieurs reprises, j'ai appelé à faire preuve de plus d'ambition pour définir le plafond de dépenses de l'Union européenne. Je me réjouis que le Parlement ait renouvelé son souhait d'un cadre financier pluriannuel s'élevant de 1,3 % du revenu brut de l'Union européenne. Madame la ministre, confirmez-vous que la France ne refuse pas cette légère hausse ?

Une dernière question, les investissements portuaires rendus nécessaires par le Brexit seront-ils financés seulement par la France ?

Je recommande l'adoption sans modification de cet article 37. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes .  - Je salue le travail du rapporteur spécial.

Comme l'an passé, notre contribution au budget de l'Union augmente. Les raisons de cette hausse sont vertueuses : enfin, l'utilisation des crédits européens s'accélère cinq ans après le début de l'actuelle programmation.

La Commission a dévoilé les orientations du projet de cadre pluriannuel 2021-2027 en mai dernier. Les négociations sont difficiles, il serait illusoire d'espérer leur adoption définitive avant les élections européennes. D'un côté, de moindres recettes en raison du Brexit ; de l'autre, des priorités nouvelles - sécurité, frontières et migrations, jeunesse, recherche et innovation. Cela ne doit pas conduire à sacrifier la PAC et la politique de cohésion. La France a déjà et doit encore se battre : la réduction des crédits de la PAC est une ligne rouge.

Face à ces contraintes, se dessinent des opportunités de réformes longtemps repoussées : des ressources propres pour l'Union pour en finir avec le « juste retour » ; la simplification des politiques européennes, qui dépasse l'administratif, pour les rendre plus lisibles auprès des citoyens européens ; la suppression des ristournes et des rabais qui, à notre sens, doit se faire en un an le plus tôt possible, et non en cinq ans.

Pour conclure, à l'unité du Parlement européen sur un budget de l'Union à 1,3 % du PIB au lieu de 1,1 %, répond la division cacophonique des États membres. Si le prochain cadre pluriannuel n'est pas adopté avant les élections européennes, le risque est de voir les programmes lancés avec retard comme nous l'avons connu durant cette programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE ; M. Simon Sutour applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Nous regrettons la place moindre concédée dans cette enceinte aux débats sur la politique européenne, lesquels se dérouleront après le Conseil européen des 14 et 15 décembre. Réduire à une question de deux minutes l'intervention en séance révèle l'intérêt porté à la question européenne dans cet hémicycle... (MM. Simon Sutour, André Gattolin et Philippe Bonnecarrère applaudissent.)

M. Simon Sutour.  - C'est malheureusement vrai !

M. Pierre Ouzoulias.  - Je profite donc de ces cinq minutes pour vous confier le trouble qui m'habite à l'idée de donner un avis technique et comptable sur la contribution de la France au budget européen alors que le Royaume-Uni s'apprête à quitter l'Union, alors que le prochain scrutin risque d'installer au Parlement européen une majorité de députés hostiles aux valeurs humanistes au nom desquelles nous pourrions encore défendre l'Europe. Nous devrions donc nous prononcer sur un budget dont nous ne savons pas quel usage il sera fait. À ces incertitudes s'ajoute le désaccord persistant entre le Conseil et le Parlement européen. Une seule mesure fait consensus : la protection des frontières européennes. Les petites querelles semblent indifférentes au grand projet européen. Elles m'évoquent ces vers de Constantin Cavafy :

Qu'attendons-nous, rassemblés sur l'agora ?

On dit que les Barbares seront là aujourd'hui.

Pourquoi cette léthargie, au Sénat ?

Pourquoi les sénateurs restent-ils sans légiférer ?

Parce que les Barbares seront là aujourd'hui.

À quoi bon faire des lois à présent ?

Ce sont les Barbares qui bientôt les feront.

[...]

Pourquoi ce trouble, cette subite

Inquiétude ? - Comme les visages sont graves !

Pourquoi places et rues si vite désertées ?

Pourquoi chacun repart-il chez lui le visage soucieux ?

Parce que la nuit est tombée et que les Barbares ne sont pas venus

Et certains qui arrivent des frontières

Disent qu'il n'y a plus de Barbares.

Mais alors, qu'allons-nous devenir sans les Barbares ?

Ces gens étaient en somme une solution.

Comme sur l'agora de Constantin Cavafy, il semble que l'évocation des Barbares, ceux de l'intérieur pour certains, de l'extérieur pour d'autres, soit devenue l'unique préoccupation d'élites incapables de proposer un projet transcendant qui nous évite et les repliements nationalistes et la gestion libérale honnie d'une part toujours plus importante des peuples européens.

Écoutez la jeunesse. Son désir d'Europe est ambitieux, généreux et prometteur. Elle s'est forgé, dans la tourmente des renoncements successifs, une conscience européenne ; elle demande plus de droits sociaux, une défense sans compromis des libertés individuelles, une association étendue et renouvelée au fonctionnement démocratique de l'Union et, au-dessus de tout, une action d'envergure pour le climat et l'environnement. Aucune de ces ambitions n'est portée par le budget européen. Pourquoi s'engager ainsi vers la catastrophe annoncée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Franck Menonville .  - L'article 37 doit être regardé avec bienveillance et intérêt parce qu'il traduit la participation et l'attachement de la France à l'Union.

Avec un peu plus de 21,5 milliards d'euros, la France est le troisième contributeur net au budget de l'Union européenne Rapporté au budget national, ce montant représente 5,5 % de nos dépenses publiques nettes.

Pour les détracteurs de l'Europe, cela fait beaucoup. Rappelons-leur que la France est le premier bénéficiaire en volume des dépenses de l'Union. Il ne faut pas craindre une augmentation tendancielle du prélèvement européen, sous réserve, comme le veut la France, d'une modernisation des politiques, de la création de ressources propres, de la fixation de conditionnalités et de la suppression des rabais.

Retrait du Royaume-Uni qui était le deuxième contributeur, élections européennes en mai 2019, installation d'une nouvelle Commission compliquent la négociation du prochain cadre pluriannuel financier.

Cependant, la Commission a fléché trois nouvelles ressources propres ; l'une est tirée d'une nouvelle assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, l'autre de la mise aux enchères des quotas d'émissions et enfin une contribution nationale calculée sur la base de la quantité de déchets d'emballages en plastique non recyclés.

Il faut continuer à plaider pour la création d'une taxe sur les GAFA. Les travaux avancent, nous devons nous accorder sur le taux le plus pertinent - 3 ou 5 %. Je m'en réjouis même si Mme Merkel, à la tête d'une coalition fragile, ne s'engage que timidement. C'est une question d'équité fiscale.

Dans les prochaines années, nous devrons concilier le financement des politiques traditionnelles avec celui des nouvelles priorités - la gestion des migrations, la sécurité et la défense. Nous nous inquiétons d'une réduction des crédits de la PAC, à laquelle nous sommes fermement opposés. L'agriculture est stratégique, non seulement pour la cohésion de nos territoires, mais aussi pour notre sécurité alimentaire.

Dans un discours prononcé dimanche devant la chambre des députés allemande, le président de la République a appelé à une Europe plus forte et plus souveraine. Espérons que cela soit possible sans rien sacrifier des mécanismes de solidarité. C'est ainsi que l'on luttera contre la montée des populismes.

Le groupe RDSE, qui a l'Europe dans son ADN, votera en faveur de ce prélèvement et soutient votre action, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM ; MM. Marc Laménie et Simon Sutour applaudissent également.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Qu'il est stimulant d'aborder les questions européennes, si centrales dans notre vie politique, même en six minutes et par le biais du prélèvement au titre de la participation de la France au budget européen, quand le débat européen est relégué dans notre hémicycle à de rares séances où l'on nous autorise une question technique de deux minutes ! (MM. Simon Sutour, André Gattolin et Pierre Ouzoulias applaudissent.)

La contribution de la France s'établit à 21,515 milliards d'euros. Que le quinquennat précédent est loin quand, à la fin de l'exercice, on retirait de ce prélèvement, parce que l'exécution était partielle, une recette sans fatigue et sans mérite. Cette époque est révolue et nous devons faire face à une augmentation de notre contribution de plus de 8 %.

Nous ne pouvons pas tout demander à l'Europe sans lui en donner les moyens. Commençons par expliquer à nos concitoyens que le budget européen s'élève à 165 milliards d'euros, celui de notre pays à 390,8 milliards d'euros et celui de notre sécurité sociale à plus de 500 milliards d'euros. Gardons-nous de tout double discours à Paris et à Bruxelles.

Avec un budget fixé à 1,11 % du revenu national brut européen, il ne sera pas possible d'absorber la perte des 14 milliards d'euros de la contribution britannique et d'assumer les 20 à 30 milliards d'euros de dépenses nouvelles. La France a-t-elle les moyens et la volonté de porter sa contribution à 1,2 % ? Si oui, au prix de quelles économies ? Nous ne sommes plus très loin d'un sujet d'actualité qui paralyse, au moins partiellement, notre pays... Cette question conditionne le financement du fonds de cohésion et de la PAC. L'Europe dépend encore plus des États, que nos collectivités dépendent de l'État.

Alors que les solutions à nos problèmes, comme la maîtrise des migrations, sont largement européennes, les États-Unis, la Chine et la Russie ont engagé un nouveau cycle historique où le rapport de forces est devenu la norme. Le défi n'est pas lancé à la France, mais à l'Europe qui, instruite par les souffrances de l'Histoire et avertie des risques que font peser des illégalités économiques de plus en plus fortes, sait la nécessité du multilatéralisme. Nous devons porter une ambition européenne qui ne soit pas que de discours. Si certains en doutent encore, la fracture britannique et l'angoisse devant le grand saut devraient achever de les convaincre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; MM. André Gattolin, Jean-François Rapin et Simon Sutour applaudissent également.)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La France est le deuxième contributeur au budget européen après l'Allemagne, à hauteur de 15 % des contributions nationales. La France a touché en retour 11 % de dotations accordées à des États membres. Elle est le premier bénéficiaire de la PAC dont la modernisation ne doit pas conduire à modifier le montant.

À ceux qui fustigent la gabegie européenne, je rappellerais que l'Union européenne redistribue la quasi-totalité de ses moyens aux États membres, ne conservant que 6 % des fonds pour son fonctionnement administratif. Il faut le rendre plus visible en axant les dépenses de l'Union sur des actions concrètes et quotidiennes. Le rapport Monti avait sonné l'alerte l'an passé, il est plus que temps de réformer le budget européen. Le Parlement européen a pris des positions fortes en réclamant un budget à 1,3 % du RNB des États membres. Ce serait du jamais vu !

Ce besoin de repenser le budget européen est valable en recettes comme en dépenses. L'Union européenne doit se doter de ressources propres, de manière que le prélèvement sur recettes ne représente plus qu'une part marginale du financement de l'Europe. Parmi les hypothèses les plus crédibles figurent l'impôt sur les sociétés, une taxe sur les GAFA et la vente de quotas d'émissions de CO2. Il faut, en outre, mettre fin à la logique des rabais après le Brexit.

La protection des Européens doit être une priorité du budget, tout comme le développement d'une économie de la connaissance en augmentant les crédits pour l'innovation, la recherche et le marché unique numérique - c'est la seule stratégie valable face aux géants américains et chinois. C'est ensemble que nous serons plus en sécurité, plus prospères et plus forts. Donnons-nous en les moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. André Gattolin .  - Heureux ! Heureux je suis comme Fernand Raynaud. (Sourires) Je suis heureux de pouvoir m'exprimer au sujet de l'article 37 dans cet hémicycle. Suis-je donc fou quand cet article, à défaut de tenir dans la main, comme le schmilblick de Coluche, tient aisément dans un tweet puisqu'il ne comporte que 187 signes, espaces compris ? Suis-je donc fou de me réjouir de cet article à 21,5 milliards d'euros ? Une hausse de 1,6 milliard tout de même ! Oui, et je fais partie de ceux qui pensent que le budget européen est bien trop faible au regard des défis que ce monde, toujours plus soumis à des forces centrifuges, doit affronter ?

Mais la raison principale de ce bonheur momentané vient de ce que je dispose de six minutes pour m'exprimer sur un sujet européen. L'occasion est devenue rare dans cet hémicycle depuis que la majorité sénatoriale a décidé de supprimer le temps d'expression politique des groupes à l'occasion des séances publiques qui se tenaient autrefois en amont de chaque Conseil européen. (M. Julien Bargeton applaudit.) Nous devons nous contenter désormais d'une petite question de deux minutes par intervenant, espaces compris, en aval des Conseils européens, ce qui promet d'être passionnant pour ceux qui n'en auront pas lu les conclusions dans la presse.

Ce souci de parcimonie du temps de parole tombe particulièrement mal : le 25 novembre, le Conseil européen extraordinaire portera sur la question cruciale de l'accord trouvé sur les conditions de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est ballot, d'autant que nous sommes à six mois des élections européennes.

Bienveillant par nature et bienséant par devoir, je ne vois pas là une manoeuvre politique de la part d'une majorité sénatoriale, peut-être encore un peu agacée de n'être pas devenue la majorité gouvernementale. Il y aura bien une prise de parole du Sénat, avec huit minutes de temps de parole pour deux ou trois présidents de commission devant un hémicycle certainement plein à craquer, un lundi après-midi...

Madame la ministre, s'il ne vous appartient pas de discuter une décision souveraine du Sénat, peut-être pouvez-vous dire si ces séances publiques en amont de chaque Conseil avaient une utilité pour vous ?

Enfin, non par bienveillance mais par gêne, veuillez m'excuser, chers ex-collègues de la commission des finances, pour ce détournement cavalier du débat budgétaire.

Le groupe LaREM votera en faveur de l'article 37.

M. Julien Bargeton.  - Excellent !

M. Simon Sutour .  - La suppression des interventions des groupes lors des débats préalables au Conseil européen n'est, fort heureusement, qu'expérimentale. Le 19 décembre prochain, le président Bizet fera des propositions à la Conférence des présidents, soutenons-le dans son action : il est impensable que les groupes ne s'expriment pas.

Le prochain débat préalable aura lieu après le Conseil européen. Monsieur le président, veuillez rappeler à la présidence qu'il y a un article 88 de la Constitution qu'il convient de respecter. (MM. Claude Raynal, André Gattolin et Pierre Ouzoulias applaudissent.)

Erasmus +, moyens renforcés pour la protection des frontières et l'accueil des demandeurs d'asile, l'Union européenne a fait la preuve qu'elle pouvait faire face aux défis nouveaux.

Dimanche prochain, le Conseil européen se prononcera sur l'accord avec le Royaume-Uni. S'il ne l'approuvait pas, si le Parlement britannique ne l'approuvait pas, les conséquences seraient catastrophiques pour les Britanniques mais aussi pour les Européens.

Le Parlement européen juge, à juste titre, qu'il faut relever le budget européen. Certains États membres veulent, au contraire, le diminuer ; cela complique l'équation. Les deux principaux postes budgétaires - PAC et cohésion - sont en danger, ce n'est pas acceptable. La France a besoin de la PAC pour accompagner les petites exploitations de montagne et de moyenne montagne, du pourtour méditerranéen si importantes. Sans les fonds structurels, le développement de nombreuses régions s'arrêterait net. Le PIB d'un État ou d'une grande région ne veut rien dire : en Occitanie, nous savons bien que les Cévennes n'ont pas les mêmes besoins que le bassin toulousain. L'heure est venue d'agir. Nous devons nous mobiliser pour faire de l'Europe un espace inclusif de paix, de prospérité, de connaissance et de bien-être.

Le groupe socialiste votera l'article 37. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. André Gattolin, Yvon Collin et Mme Jacky Deromedi applaudissent également.)

M. Marc Laménie .  - Je tiens à saluer le travail de Patrice Joly, rapporteur spécial. Le prélèvement est une dépense importante : avec 21,5 milliards d'euros, c'est le 5e poste de notre budget.

Pour la seconde année consécutive, il progresse. Il se divise en deux recettes : TVA pour 4,5 milliards d'euros et 16,96 milliards basés sur le RNB, auxquelles il faut ajouter 1,7 milliard de droits de douane.

Le projet de budget européen s'établit à 149 milliards d'euros en crédits de paiement avec deux postes importants : la croissance inclusive et la croissance durable.

Le rapport que la Cour des comptes a présenté à la commission des finances, le 10 octobre dernier, pointe les défaillances de la chaîne de paiement des aides agricoles et ses conséquences pour plus de 350 000 agriculteurs. D'où la nécessité de simplifier en travaillant avec tous les acteurs et ils sont nombreux : Europe, États, directions, Agence de services et de paiement.

Le groupe Les Républicains suivra l'avis du rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'examen de cet article est important. La France contribue à hauteur de 15 % du budget européen, lequel est une vision pour une Europe unie, forte, solidaire et plus efficace. Trois défis sont à relever : la PAC, le Brexit et les migrations.

La PAC, budget fondateur, vital pour nos agriculteurs, est attaquée. La France doit se battre, garder son leadership agricole quand les agriculteurs ont de plus en plus de mal à faire face à leurs charges.

Sur le Brexit, un accord a été trouvé ; mais il doit être ratifié par le Parlement européen et le Parlement britannique. Le Brexit pourrait servir de catalyseur pour la réforme de l'Europe, pour que les citoyens comprennent à qui elle sert.

L'immigration irrégulière est en constante augmentation depuis 2015. L'augmentation de 4 % des crédits de Frontex va dans le bon sens mais ne suffit pas.

C'est ensemble que nous serons plus forts, nous voterons donc l'article 37. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Yvon Collin et André Gattolin applaudissent également.)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Merci pour ce débat, exercice démocratique utile.

Je confirme, monsieur Gattolin, l'intérêt pour la France de s'appuyer sur l'expression des deux chambres du Parlement avant d'aller au Conseil européen.

Il n'y a pas eu d'accord sur le budget européen. La négociation a échoué, à cause d'un élément de principe défendu par le Parlement européen et auquel s'oppose le Conseil européen : la possibilité de recycler des crédits non consommés en matière de recherche. Le blocage n'est pas à la hauteur des enjeux. Si ce blocage persiste, il faudra en passer par les douzièmes provisoires comme cela s'est vu par trois fois dans les années 1980.

Sur les 165,6 milliards d'euros de crédits d'engagement et les 148,7 milliards en crédits de paiement, la PAC et la cohésion restent les principales postes du budget européen et veuillez croire que nous y avons veillé... La France reçoit plus que par le passé. En 2017, nous étions le premier bénéficiaire en volume, alors que nous étions le troisième en 2016. Je rappelle que nous étions le troisième contributeur net en 2017, le deuxième en 2016.

Ce budget permet d'agir pour la croissance et l'innovation, pour la jeunesse : avec Erasmus +, davantage d'étudiants et désormais les apprentis pourront se former en Europe.

Ce budget contribuera aussi à une meilleure politique migratoire, un meilleur contrôle des frontières de l'Union ainsi qu'à une plus forte solidarité au-delà de ses frontières en continuant à financer l'accompagnement, l'éducation et l'hébergement des personnes qui fuient les conflits, notamment en Syrie.

Autre priorité, la défense. L'année 2019 sera un tournant pour l'industrie de la défense, avec un programme dédié permettant aux entreprises européennes d'unir leurs forces. C'est une préfiguration du fonds européen de défense que la Commission propose de doter de 13 milliards d'euros pour la période 2021-2027.

Je ne crois pas que nous aurons un accord sur la programmation avant les élections européennes. Ce serait d'ailleurs un étrange message que de dire aux électeurs européens que les grandes lignes sont déterminées avant même qu'ils ne s'expriment.

De nouveaux besoins sont apparus, en effet, mais la PAC ne peut être la variable d'ajustement du Brexit. Nous avons su mobiliser : 21 États membres ont demandé son maintien à son niveau actuel.

Le budget doit traduire la solidarité de l'Union et refléter ses valeurs, c'est pourquoi la France soutient, aux côtés de nombreux États membres, la proposition de la Commission de renforcer le lien entre l'octroi de financements européens et le respect des valeurs fondamentales de l'Union. Nous pensons qu'il faut aller plus loin sur la convergence fiscale et sociale pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Bruno Le Maire et Olaf Scholz ont présenté nos idées pour un budget de la zone euro, le 19 novembre.

Le départ du Royaume-Uni est l'occasion de remettre à plat notre système de financement. La Commission a fait de bonnes propositions, il faut aller au bout de la logique et supprimer immédiatement la totalité des rabais ; nous réclamons de nouvelles ressources propres à rechercher dans le domaine environnemental mais aussi dans le numérique.

Monsieur le rapporteur Joly, le budget consacré aux investissements portuaires pour faire face au Brexit repose sur l'hypothèse d'un accord qui est le plus probable. Mais il reste une incertitude : la ratification par le Parlement britannique. Le Gouvernement est conscient des enjeux pour nos ports. Dès le 30 mars, en cas d'absence d'accord ou après si l'accord les nécessite, la France mettra en route les mesures nécessaires : recrutements, installations pour assurer les contrôles dont nous avions perdu l'habitude. Le coordinateur national finalise actuellement l'estimation des besoins. En décembre, la Commission ouvrira un appel d'offres pour le mécanisme d'interconnexion en Europe, doté de 65 millions d'euros. Nous encouragerons le plus grand nombre possible de ports français à y participer pour le corridor Mer du Nord-Méditerranée.

Le budget européen pour 2019 donnera les moyens à l'Union européenne d'être plus forte, plus efficace et plus protectrice. C'est pourquoi je vous demande d'adopter l'article 37.

L'article 37 est adopté.

Prochaine séance, demain, vendredi 23 novembre 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 15.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus