SÉANCE

du jeudi 29 novembre 2018

30e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Financement de la sécurité sociale pour 2019 (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le texte qui vous est présenté ressemble peu, il est vrai, à celui que vous aviez voté en première lecture.

M. Philippe Dallier.  - C'est bien dommage !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Ce dernier contenait certes des progrès, mais ceux-ci ne peuvent être dissociés de la politique d'ensemble que mène le Gouvernement. Il dégradait de plus le solde prévisionnel de plus de 700 millions d'euros et contenait des options incompatibles avec les engagements pris par le président de la République devant les Français. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est l'un des premiers vecteurs du plan Ma Santé 2022. En outre, le Gouvernement présentera un projet de loi Santé au cours du premier semestre 2019. Ce PLFSS traduit un certain nombre de dispositions qui ont vocation à figurer dans une loi financière : la diversification des modes de financement pour mieux prendre en compte la prévention et la qualité, l'extension du champ des expérimentations à l'article 51 de la loi de financement 2018 et le renforcement des dispositifs qui incitent professionnels et établissements à améliorer la pertinence de leurs actes.

Ces mesures font consensus entre les deux assemblées et le Gouvernement s'en réjouit.

Ce projet de loi traduit notre volonté politique d'une mise en oeuvre rapide des orientations du plan Ma santé 2022. L'article 29 quater prévoit le lancement dès janvier de deux négociations, l'une interprofessionnelle relative aux communautés professionnelles territoriales de santé, l'autre avec les médecins portant sur la création de 4 000 postes d'assistants médicaux.

Dès 2019, nous disposerons des outils et des financements pour mettre en oeuvre une transformation en profondeur de l'organisation des soins de proximité dans notre pays.

Ce PLFSS est également celui des droits nouveaux pour nos concitoyens. Une politique familiale efficace et attentive est celle qui adapte ses prestations à l'évolution des besoins et de la société. Les familles avec un enfant handicapé seront davantage aidées pour faire garder leur enfant. De même, l'aide à la garde sera maintenue à taux plein lorsque l'enfant atteint ses 3 ans et jusqu'à sa scolarisation. Les droits des futures mères, travailleuses indépendantes ou agricultrices, seront alignés sur ceux des salariées tout en restant adaptés à leur spécificité professionnelle. Enfin, les pères d'enfants prématurés bénéficieront d'un congé indemnisé pour faciliter l'organisation de la cellule familiale dans ces circonstances très particulières.

Le Parlement s'apprête également à consacrer dans ce projet de loi deux avancées sociales très importantes, particulièrement pour les plus âgés. Dès le 1er janvier prochain, le 100 % santé deviendra réalité dans la vie quotidienne de tous les Français. À compter de cette date, les tarifs de remboursement des prothèses auditives vont être revalorisés de 100 euros et le tarif des prothèses sera plafonné, avec un gain moyen également de 100 euros. À compter du 1er avril, les tarifs de certaines prothèses dentaires vont également être limités. Cette réforme est emblématique de l'orientation que nous voulons imprimer au système de santé : le primat de la prévention, et la diminution des barrières financières pour réduire les inégalités sociales de santé.

Dès l'année prochaine, l'aide à la complémentaire santé fusionnera avec la CMU complémentaire. C'est un progrès social immédiat pour 1,2 million de nos concitoyens, et potentiellement pour 3 millions d'entre eux.

Ces deux réformes ont été menées en concertation avec les professionnels et les assureurs complémentaires.

Cette démarche est à rebours de certaines des dispositions que vous avez introduites en première lecture et qui correspondent des divergences politiques essentielles. La majorité sénatoriale a contesté le choix d'une revalorisation différenciée des prestations. Comme alternative, vous proposez un déficit accru et une remise en cause des droits de nos concitoyens, à savoir une augmentation massive de près de 5 points de la taxe sur les contrats d'assurance complémentaire, c'est-à-dire 1,5 milliard de plus prélevés sur les Français, à l'encontre des ambitions portées par ce PLFSS en matière d'accès aux soins. Vous proposez aussi un relèvement brutal de l'âge minimum légal de départ à la retraite de 62 à 63 ans dès 2020.

Cette alternative n'est ni équilibrée, ni juste. C'est pourquoi le Gouvernement vous proposera, pour l'essentiel des dispositions de financement, le retour au texte adopté par l'Assemblée nationale.

La sécurité sociale est le reflet de notre société, elle accompagne son évolution. Elle doit être ce cadre protecteur, équitable, stable, indépendant pour l'essentiel des statuts professionnels, au sein duquel chacun organise son parcours de vie. Nous assurons son équilibre et nous la désendettons, pour mieux la préparer aux défis démographiques de demain ; nous élargissons son champ, en réinvestissant massivement des domaines du soin jusqu'à présent délaissés et en créant de nouveaux droits pour les familles ; nous la rendons plus universelle et plus équitable grâce à la fusion du RSI dans le régime général que vous avez adoptée en 2018.

Grâce à ces réformes, le Gouvernement construit avec le Parlement l'État Providence du XXIe siècle, et ce projet de loi de financement affermit le socle sur lequel ces projets peuvent être bâtis.

C'est pourquoi je vous propose de soutenir résolument un PLFSS de responsabilité et de progrès social - cela explique peut-être nos divergences. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - L'Assemblée nationale a adopté hier soir le PLFSS pour 2019 en nouvelle lecture. Notre assemblée avait été constructive, en adoptant conformes 49 articles, soit plus de la moitié du texte. La persistance de quelques divergences de fonds avec les députés a conduit à l'échec de la CMP le 20 novembre.

Monsieur le ministre, vous parlez d'une dégradation de 700 millions en première lecture. Vous ne pouvez pas nous reprocher à la fois de ponctionner les Organismes complémentaires d'assurance-maladie (OCAM) pour maintenir l'équilibre et nous reprocher ensuite de ne pas être à l'équilibre.

Mme Corinne Imbert.  - Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - En revanche, le texte issu de la navette fait apparaître un déficit du solde consolidé des régimes obligatoires de base et du FSV de 200 millions d'euros au lieu de l'excédent de 400 millions affiché dans le texte initial. Le budget de la sécurité sociale n'est donc plus à l'équilibre, du fait du Gouvernement.

Nous devons cette dégradation à la non-soumission à la CSG et à la CRDS des revenus du capital des personnes relevant d'un système de sécurité sociale d'un autre pays - Union européenne, EEE ou Suisse - et de l'augmentation de la part de CSG affectée à l'Unedic pour compenser la suppression des contributions chômage des salariés du fait d'un mauvais calibrage initial. Cette dernière mesure illustre d'ailleurs bien la confusion croissante des ressources des organismes de sécurité sociale, et cette volonté de faire financer par la sécurité sociale une mesure décidée par l'État et à laquelle elle est totalement étrangère : cela augure mal de la rénovation que vous souhaitez des relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

L'Assemblée nationale nous a suivis sur certains points : l'article 7 bis, qui concernait les chèques vacances, a été supprimé. L'alignement sur six ans de la fiscalité sur les alcools fort en outre-mer. La priorité donnée aux branches et organismes les plus endettés dans les transferts de déficits cumulés de l'assurance maladie et du FSV en direction de la Cades et la possibilité accordée aux médecins coordonnateurs dans les Ehpad de prescrire en dehors des cas d'urgence.

L'Assemblée nationale a fait un pas sur nos propositions comme sur le dispositif Lodeom - loi pour le développement économique des outre-mer. Elle a maintenu les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dans le régime actuel d'exonération et en adoptant des dispositions spécifiques relatives à la Guyane.

Sur le dispositif Travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi agricole (TO-DE), l'Assemblée nationale a adopté contre l'avis de sa commission et du Gouvernement un amendement qui améliore le mécanisme de sortie progressive issu de la première lecture. Ainsi, l'exonération totale des cotisations et contributions sociales concernera les rémunérations inférieures à 1,20 SMIC en 2019 et en 2020. En revanche, le dispositif s'éteindra fin 2020. Mais la question du maintien dans le temps de ce régime se reposera dans les prochains PLFSS.

La navette parlementaire a donc été utile et, dans une certaine mesure, fructueuse sur quelques mesures.

Cependant, sur de nombreuses autres questions, les députés ont confirmé leur position de première lecture. Sans surprise, cela concerne les points clés qui ont abouti à l'échec de la CMP. L'Assemblée a ainsi rétabli le quasi-gel pendant deux ans des prestations sociales, au détriment du pouvoir d'achat des allocataires parmi lesquels les retraités et les familles. Elle n'a pas non plus suivi le Sénat pour ce qui concerne la mesure d'atténuation de l'effet de seuil de la CSG pour les retraités qui passeraient du taux nul à 3,8 %.

De plus, les députés ont avalisé les conséquences financières des coupes croissantes de TVA à destination de la sécurité sociale programmées par le Gouvernement à partir de 2020. Elles devraient atteindre 5 milliards d'euros par an à compter de 2022, ce qui remet en cause le désendettement de la branche maladie et du FSV.

Sur la branche maladie, l'Assemblée nationale a rétabli le forfait de réorientation des urgences prévu par l'article 29 quinquies de même que le conditionnement des prestations de maternité à une durée minimale d'interruption d'activité de huit semaines pour les travailleuses indépendantes et les non salariées agricoles. Nous avions proposé un dispositif plus souple, mieux adapté, pour ne pas dégrader les indemnités du congé maternité.

Au bout du compte, les différences qui subsistent entre les deux assemblées à l'issue de cette nouvelle lecture des députés traduisent de véritables divergences politiques et budgétaires.

Dans ces conditions, il ne semble plus possible d'adopter des amendements susceptibles d'être repris par l'Assemblée nationale en lecture définitive. La commission a considéré qu'il était temps de constater la fin du dialogue utile entre l'Assemblée et le Sénat sur ce texte : elle vous proposera donc l'adoption d'une question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Yves Daudigny .  - Sans surprise, l'Assemblée nationale a rétabli l'essentiel de son texte de première lecture, même si vous avez considéré, monsieur le rapporteur général, que « la navette parlementaire avait été utile et, dans une certaine mesure, fructueuse sur quelques dispositifs concrets ». Il faut le signaler, à l'heure où certains de nos concitoyens demandent, comme dans certaines émissions de télévision, la « destitution » de notre Institution.

Sans surprise, la discussion de ce texte sera interrompue : cela devient une habitude. Sans doute faut-il regretter que le fonctionnement du bicamérisme n'épuise pas toutes ses possibilités et que des convergences plus fortes ne puissent apparaître sur un sujet d'une telle importance, mais la démocratie se nourrit de la confrontation d'opinions distinctes et opposées.

Première remarque : il n'y a plus d'excédent, puisque le solde consolidé des régimes obligatoires de base de sécurité sociale fait apparaître un déficit de 200 millions d'euros ; l'impact est symbolique, certes. Mais cela soulève des incertitudes pour l'avenir, car l'exécution sera très dépendante du contexte économique international et national.

Deuxième remarque : la nécessité de l'écoute et du dialogue à tous les niveaux de la société. Votre Gouvernement a trop souvent négligé, ignoré - pour ne pas dire plus - les corps intermédiaires. Ce n'est pas ainsi que fonctionne une démocratie moderne, efficace, équilibrée et apaisée.

Le groupe socialiste s'oppose à ce que le rapporteur général de l'Assemblée nationale a pudiquement appelé la « revalorisation différenciée des prestations sociales » (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi s'en amusent.) et que j'appelle, moi, un quasi-gel des pensions de retraite et d'invalidité et des allocations familiales. C'est incompréhensible et inacceptable. En miroir de la suppression de l'ISF et dans le contexte de révolte sociale sur le thème du pouvoir d'achat et alors que les inégalités se creusent, cette mesure porte l'appauvrissement des personnes âgées et des familles ; elle contient les germes de rupture durable de notre cohésion sociale et de menace pour notre démocratie.

Comme notre président Milon, je veux m'opposer en outre à la « bercysation » de la sécurité sociale ; avec la dilution des différentes branches dans un grand ensemble de la protection sociale, incluant les retraites complémentaires et l'assurance chômage : excédents préemptés par l'État et financement par la TVA... Tout nous mène vers un système de protection à l'anglo-saxonne, c'est-à-dire une protection sociale limitée à un filet de sécurité minimal avec un nivellement par le bas des prestations.

Votre système du XXIe siècle ne serait alors plus que le chant du cygne de la sécurité sociale. Notre groupe s'abstiendra sur la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Véronique Guillotin .  - Les échanges et les orientations générales du texte initial n'auront pas permis à la CMP de réussir. Une concertation en amont des différents groupes ne serait-elle pas utile pour parvenir à un accord ? C'est en tout cas ce qui a été dit en CMP.

Pour trouver un compromis, il faut être deux ; mais l'Assemblée nationale n'a retenu que 50 % de nos amendements, contre 80 % les années précédentes.

Deux points d'achoppement ont conduit à l'échec de la CMP : les retraites et le quasi-gel de l'indexation sur l'inflation des prestations sociales. Deux points de désaccords, quel dommage, alors que ce texte devait traduire une profonde transformation de notre système de santé et que le Sénat l'avait enrichi d'un certain nombre de propositions pertinentes.

Concernant les minima sociaux, nous sommes favorables à la revalorisation de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, mais nous ne pouvons nous en satisfaire. D'une part, elles demeurent en deçà de la hausse réelle des prix. D'autre part, les autres minima sociaux sont plafonnés à 0,3 %, bien en deçà de l'inflation. Un accord aurait dû être trouvé !

Sur la question des retraites, notre groupe attend le projet de loi de réforme des retraites, qui offrira à tous les parlementaires l'opportunité d'un débat éclairé et approfondi, c'est pourquoi un amendement au PLFSS ne nous a pas semblé opportun : nous nous sommes abstenus.

J'en viens maintenant aux différentes mesures qui ont retenu notre attention. Tout d'abord, nous sommes satisfaits de la reprise, par l'Assemblée, de la proposition de notre collègue Franck Menonville sur l'exonération applicable aux rémunérations TO-DE jusqu'à 1,20 SMIC. Nous aurions toutefois souhaité que ce dispositif soit pérennisé. Sur le volet santé, l'article 8 bis A introduit par le Sénat permettait aux médecins retraités d'obtenir, sous certaines conditions, une exonération fiscale en cas de reprise d'activité en zone sous-dense. Nous avons tous pris la mesure de la désertification médicale et de son amplification à venir. Cette mesure aurait permis de redonner du temps médical sur de nombreux territoires carencés, et je regrette la suppression de cette disposition par l'Assemblée nationale. Je salue néanmoins le maintien de l'article 41 offrant aux médecins coordonnateurs un pouvoir de prescription médicamenteuse

La politique de prévention commence à porter ses fruits, avec la diminution du nombre de fumeurs et les progrès de la confiance dans la vaccination.

Je me réjouis de l'alignement progressif de la taxation de l'alcool outre-mer et de l'expérimentation dans deux régions de la vaccination contre le papillomavirus qui pourrait être éradiqué en quelques décennies.

La permanence des soins a suscité des débats nourris : j'avais déposé un amendement de suppression de l'article 29 quinquies, voté à l'unanimité par le Sénat. Cette mesure qui complexifie le parcours du patient n'est pas souhaitable et semble difficilement applicable. Nous serons attentifs au bilan de cette expérimentation.

L'article 47 corrige une injustice grâce à l'octroi de prestations de maternité pour les travailleuses non salariées. Toutefois, le déclenchement de ces prestations est conditionné à une durée minimale d'interruption d'activité de 8 semaines. Cette condition pourrait conduire certaines femmes qui ne peuvent pas s'arrêter aussi longtemps à y renoncer. Nous regrettons donc que les arguments de Mme Deroche n'aient pas été entendus.

Nous connaissons les difficultés des grossistes répartiteurs à maintenir un équilibre économique Pour répondre à leurs difficultés, nous avions proposé de réduire le taux de contribution sur les génériques. Des négociations sont en cours, mais leur issue est incertaine et une solution d'urgence doit leur être proposée.

Profondément attaché au dialogue, mon groupe veut continuer le débat et votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Daniel Chasseing .  - Je veux d'abord remercier les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Jean-Marie Vanlerenberghe, Catherine Deroche, Bernard Bonne, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Élisabeth Doineau. Nous saluons l'équilibrage des comptes, approuvons les mesures du plan Santé du président de la République et sommes favorables aux mesures en faveur des hôpitaux et en direction des plus défavorisés. Nous regrettons cependant le manque de personnel dans les Ehpad et la sous-revalorisation des pensions de retraites et d'autres prestations, notamment familiales.

Le Sénat était parvenu à un texte remanié avec une revalorisation à hauteur de l'inflation associée à un report de l'âge de départ à la retraite à 63 ans. Notre groupe avait voté la revalorisation des retraites et autres prestations sociales, tout en proposant un dispositif intermédiaire, dans un esprit de conciliation. En effet, l'allongement de l'âge de départ à la retraite est une vraie question, mais c'est un sujet sensible nécessitant une concertation en amont avec les partenaires sociaux. Aussi, avons-nous proposé un dispositif alternatif de revalorisation des retraites et autres prestations sociales à hauteur de 1 % financé par la compensation de 1,3 milliard de diverses exonérations décidées par le Gouvernement mais non compensées.

Nous ne pouvons que constater l'échec de la commission mixte paritaire. Les points de divergence entre les deux chambres étaient irréconciliables, en particulier sur la question des retraites. Nous regrettons l'abandon par l'Assemblée de certaines des dispositions adoptées au Sénat, notamment le maintien du dispositif d'exonération de cotisations sur les travailleurs occasionnels et demandeurs d'emplois favorable aux producteurs agricoles : la suppression, même progressive, de ce dispositif serait lourde de conséquences, notamment pour les maraîchers, les arboriculteurs et les viticulteurs dont nous nous faisons les porte-parole.

Nous sommes favorables au rétablissement des exonérations fiscales pour favoriser l'activité des médecins retraités dans les zones sous-denses définies par l'ARS pour lutter contre la désertification médicale.

Nous sommes défavorables à l'instauration d'un forfait de réorientation des patients aux urgences que nous avions supprimé au Sénat.

Néanmoins, l'Assemblée a repris quelques mesures, notamment la suppression de l'encadrement des avantages accordés par les employeurs aux salariés et la possibilité de prescription accordée aux médecins coordonnateurs des Ehpad et certaines dispositions dans les outre-mer.

Mon groupe s'inquiète des ruptures de médicaments dans notre pays. Nous avons réalisé une mission d'information à ce sujet, dont mon collègue Jean-Pierre Decool était le rapporteur. Ce matin encore, nous avons été alertés par l'Académie de Pharmacie sur un problème de rupture d'un des principaux traitements anticancéreux, le 5-fluorouracile. Suite au Brexit, 26 000 flacons destinés à la France seraient bloqués en Inde. Nous demandons à ce que l'Agence nationale de sécurité du médicament puisse réagir à cette situation d'urgence. Nous signalons des risques de ruptures imminentes pour d'autres médicaments comme le sel de platine. Des solutions de long terme doivent être prises rapidement.

Notre groupe avait souhaité par principe la poursuite du dialogue, mais reconnaît que les divergences entre nos deux assemblées sont trop fortes. Dès lors, il s'abstiendra sur la question préalable.

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je veux d'abord dire mon regret que les propositions de notre commission des affaires sociales aient été balayées à l'Assemblée nationale d'un revers de main. Pourtant, nous avions proposé des pistes d'amélioration de notre système de santé tout en maintenant l'équilibre budgétaire.

Je salue l'augmentation de l'Ondam, porté à 2,5 % en 2019, mais cela reste insuffisant pour nos patients et nos établissements, qui font de la gestion de la pénurie un mode opératoire, avec les conséquences que cela entraîne sur les conditions de travail du personnel.

Nos hôpitaux publics sont à bout de souffle : malgré des efforts de rationalisation et une activité stable, l'aggravation des finances des hôpitaux publics persiste. Le déficit du budget principal des hôpitaux publics a doublé entre 2016 et 2017 passant de 470 millions à près d'1 milliard.

Outre les déficits, je déplore la nouvelle baisse tarifaire de 0,8 % sur les tarifs de séjours hospitaliers en 2018, ainsi que l'économie annoncée à cinq ans de 1,2 milliard sur les dépenses de personnel.

Je déplore aussi la diminution des dépenses d'investissement qui sont passées sous le seuil de 4 milliards en 2017.

Par ailleurs, nos hôpitaux sont exposés à une judiciarisation exponentielle : asphyxiés par leurs déficits, devant faire face aux nombreuses normes, à la gestion des risques et aux plaintes, l'article 27 propose le dispositif « Incitation financière à l'amélioration de la qualité » qui prévoit la mise en place d'un système de malus. Cette mesure conduit à avoir une double peine car redondante avec le dispositif de sanctions intégré dans le volet Contrat d'amélioration des pratiques des établissements de santé du Caques.

Derrière les hôpitaux publics au bord du gouffre, ce sont les soins d'urgence, les Ehpad, les établissements médicaux sociaux, les soins palliatifs qui sont en crise. Alors, quel plan d'action immédiat ?

Je veux parler de la situation singulière mais non exceptionnelle du service des urgences du centre hospitalier de Perpignan dont les médecins se disent incapables de soigner les patients. Ils tirent la sonnette d'alarme, et cela pour l'ensemble des services d'urgence de notre territoire. Ce n'est pas le forfait de 40 euros de réorientation des patients sur la médecine de ville qui va régler la problématique de la prise en charge des patients aux urgences.

Aussi, ce PLFSS n'apporte aucune solution capable d'améliorer les conditions d'exercice des personnels soignants qui expriment un sentiment de malaise, relatif à la charge et à l'organisation du travail, à la répartition du temps de travail entre les charges administratives et la fonction de soins, à la nature et à la répartition des tâches entre les différents professionnels de santé, à l'impact de la mise en place des 35 heures, à l'explosion des RTT et de l'absentéisme, à l'évolution du rapport aux patients, à l'ampleur des réformes et des restructurations...

La frustration et l'agacement chez les soignants comme chez les patients, détériorent inévitablement ce qu'ils considèrent être comme le pilier de leur métier, la relation humaine. Ce n'est pas aux personnels soignants ni aux patients d'être des variables d'ajustement.

La rémunération des infirmiers, professionnels de santé les plus nombreux en France aujourd'hui, reste toujours aussi indigne comme le montre le panorama 2017 de l'OCDE.

Vous annoncez la création d'une nouvelle profession médico-administrative : les assistants médicaux. Mais quid de leurs missions et du calendrier d'exécution ? Ne faudrait-il pas renforcer les compétences de nos infirmiers ?

Ce sont les patients qui pâtissent de tout cela : les conditions de prises en charge sont loin d'être optimales. Que d'attente dans les services des urgences tandis que la diminution du nombre de lits se poursuit et que les maladies nosocomiales sont toujours un risque.

Nous assistons à une prise en charge à deux vitesses, ce qui est la négation de notre système de sécurité sociale né après-guerre.

Attachons-nous à défendre et à réformer notre système plutôt qu'à le détruire.

L'hôpital public ne doit-il pas être un véritable point d'ancrage sur les territoires, et sur lequel on ne rabote pas ? Davantage d'État ne signifie pas pour autant moins de politiques libérales pour fluidifier notre système.

Le plan Santé 2022 et la prochaine loi Santé seront-ils mis en oeuvre ? Nous l'espérons mais les signaux d'alerte évoqués précédemment ne seront pas éteints à la seule lumière de cette énième loi.

Nos hôpitaux sont en apnée et votre Gouvernement peine à les réanimer. Notre solidarité s'étiole là où elle devrait être à son apogée. Les professionnels ont besoin d'un signal fort du Gouvernement. Il faut réformer structurellement notre système de protection sociale et l'adapter aux enjeux du vieillissement et de l'innovation en préservant son principe d'universalité.

C'est sur les drames que la volonté doit refaire face pour un monde plus fraternel, un monde basé sur le respect de l'homme et sa dignité disait Simone Veil. N'abandonnons pas les hôpitaux, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains jusqu'aux bancs du groupe SOCR)

M. Martin Lévrier .  - (M. Julien Bargeton applaudit.) Le PLFSS porte un double objectif : baisse de la dépense publique, avec le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, et ambition en matière d'accompagnement, de prévention et de simplification de notre système de santé.

Ce texte n'est pas qu'un budget d'économies : il tente de relancer le pouvoir d'achat de nos concitoyens et la compétitivité de nos entreprises...

M. Charles Revet.  - Ah bon ?

M. Philippe Dallier.  - Il faut le dire plus fort ! Personne ne vous croit !

M. Martin Lévrier.  - ... en transformant le CICE et le CITS en baisse de cotisations patronales, en supprimant la totalité des cotisations patronales au niveau du SMIC, alors même que l'an dernier, nous avions supprimé les cotisations maladie et chômage, augmentant de fait les salaires nets, en exonérant de cotisations sociales les heures supplémentaires à compter du 1er septembre 2019.

Ce PLFSS favorise l'accès aux soins et la protection sociale en mettant en oeuvre les mesures du « reste à charge zéro », pour les remboursements des soins dentaires, auditifs et optiques, mesure de justice sociale, fruit d'un engagement présidentiel à l'égard des plus précaires et des retraités. (M. Roger Karoutchi en doute.)

C'est un PLFSS de simplification des normes de santé, avec l'amorce d'une véritable politique du médicament, avec une modification du financement des molécules innovantes et des règles liées à l'AMM ou à l'ATU.

C'est un PLFSS de prévention. La maladie de bon pronostic est celle que l'on n'aura pas. La ministre de la santé, fera de la prévention un point fort de notre politique de santé.

C'est enfin un PLFSS d'avenir car il amorce la grande réforme de notre système de santé. Je salue la fin du tout T2A, avec la création d'un forfait pour les maladies chroniques. Il conviendra de trouver une articulation entre médecine de ville et hôpital.

Nous avons un PLFSS sérieux et novateur. Néanmoins, je regrette le blocage politique qui se manifeste aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs Les Républicains)

Peut-être la marche était-elle trop haute, ou les attentes trop fortes. Je suis un peu déçu que certaines propositions du Sénat, votées à l'unanimité, n'aient pas été entendues par nos collègues députés. (MM. Pierre Louault et Henri Cabanel applaudissent.)

MM. Philippe Dallier, Roger Karoutchi et Charles Revet.  - Et alors, que faites-vous ?

M. Martin Lévrier.  - Je pense notamment à la suppression de l'article 29 quinquies sur le forfait de réorientation des urgences. Mais, le dialogue a eu lieu avec le Gouvernement, qui est revenu sur les seuils de la CSG pour protéger les retraités les plus vulnérables. Il a eu lieu sur la question du TO-DE que craignaient nos agriculteurs. Le Gouvernement a entendu la voix du Sénat. Il a eu lieu enfin sur la question ultramarine. La ministre Annick Girardin a présenté à l'Assemblée nationale en deuxième lecture une solution pérenne pour que ces territoires, et notamment la Guyane, soient également gagnants en matière de baisse de charges.

Je me félicite que le Gouvernement consente à mettre en place un dispositif expérimental de vaccination des personnels soignants contre la grippe.

Je suis ravi également que nous ayons supprimé l'article 7 bis sur la fiscalité des avantages des comités d'entreprise et qu'un travail de fond s'annonce avec les acteurs du secteur pour sécuriser ce dispositif.

Enfin, la question des retraites. Dès le départ, vous saviez que le dialogue n'était pas possible, puisque vous remettez en cause la grande réforme du système que nous mettrons en place l'année prochaine.

Croyez-vous être audibles lorsque vous demandez des efforts aux seuls actifs ? En outre, la taxation des mutuelles aurait nécessité des mois de concertation.

Sur la réforme des retraites, continuons le dialogue, ne restons pas sur des positions stériles. Croyant encore à l'intérêt d'une deuxième lecture, nous voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Cohen .  - Hélas, notre motion d'irrecevabilité constitutionnelle a été rejetée.

C'est pourtant un bouleversement de logique auquel nous assistons : l'impôt domine, et la compensation des exonérations de cotisations sociales par l'État est mise à mal. Le Gouvernement va utiliser les excédents de la sécurité sociale pour renflouer les caisses de l'État.

C'est une première, et le mépris du Gouvernement pour le Sénat est scandaleux.

À l'heure où la colère gronde partout, où les salariés, les chômeurs, les jeunes, les retraités demandent du pouvoir d'achat, plus d'égalité et de justice sociale, il est choquant de voir le Gouvernement persister dans ses choix.

Vous supprimez l'ISF, privant l'État de près de 4 milliards d'euros par an et vous faites les poches de la majorité des Français, à travers la désindexation des prestations sociales, le gel des retraites et la hausse de la CSG ! La ministre de la santé, elle, joue un jeu dangereux en étranglant les établissements de santé. La désespérance des gilets jaunes, des robes noires, des blouses blanches doit être écoutée.

La colère des personnels, des patients, des élus doit déboucher sur une issue positive aux antipodes de ce PLFSS, qui prévoit au contraire de faire 910 millions d'économies supplémentaires sur le dos de l'hôpital public. Vous devez écouter les agents de l'hôpital de Douai en grève depuis le 12 novembre, les personnels et les patients du centre hospitalier de Bapaume dans le Pas-de-Calais, les agents du centre hospitalier de Niort, les 120 médecins de l'hôpital de Saint-Brieuc qui ont démissionné, de la commission médicale d'établissement et les personnels des hôpitaux psychiatriques.

Il y a urgence à changer notre système de santé, les personnels soignants et non soignants, les patients et les représentants d'usagers n'en peuvent plus. Il n'y aura pas de happy end si vous vous contentez de modifier l'organisation du travail sans une enveloppe budgétaire à la hauteur des besoins.

Lors de la première lecture, nous avions demandé un moratoire sur la fermeture des hôpitaux et des maternités. Cet amendement avait permis de lancer un débat à l'occasion duquel des collègues, de toutes sensibilités politiques, avaient exprimé leur inquiétude. Sans l'intervention du président de la commission, je pense qu'il aurait été adopté.

Que dire de la situation des urgences ? En rétablissant l'article 29 quinquies, l'Assemblée prévoit l'expérimentation d'un forfait de réorientation aux urgences. Tous les groupes politiques du Sénat, en dehors de celui de la majorité gouvernementale, ont voté en première lecture la suppression de cette mesure. Vos députés n'en ont pas tenu compte : or la réorientation des malades ne peut pas fonctionner compte tenu de la pénurie des médecins. Les déserts médicaux s'étendent et ils concernent les zones rurales comme urbaines. Des parents dont l'enfant a 40°C de fièvre, le vendredi soir, n'attendront pas leur généraliste le lundi matin ! Le vrai problème des urgences, c'est davantage le sous-investissement et le manque de lits d'aval que la réorientation.

Les personnels ont besoin de reconnaissance et de dialogue dans les établissements. Les déclarations de la ministre de la Santé affirmant qu'elle ne fermera aucun hôpital de proximité ne sont pas de nature à les rassurer car ils vivent des réalités de terrain contraires. Les missions des ARS ne doivent pas se borner à réduire les dépenses de santé dans les territoires.

Nous réclamons un plan d'urgence pour les hôpitaux et les Ehpad publics. La politique que vous menez aggrave les maux de notre système de santé. Avec l'argent que vous avez donné aux grandes entreprises avec le doublement du CICE pour booster l'emploi, ce qui est loin d'être le cas, vous auriez pu supprimer les franchises médicales et les participations forfaitaires, aller vers un remboursement des soins à 100 % par l'assurance-maladie.

Ce PLFSS 2019 discrédite le plan Santé 2022, les moyens n'étant pas au rendez-vous. Nous proposons d'élargir l'assiette des cotisations notamment sur les revenus financiers et les entreprises.

Durant tous nos débats, la droite s'est inscrite en faux avec cette étatisation, mais ses actes ont démenti ses propos puisqu'elle a non seulement voté toutes les exonérations de cotisations patronales, mais encore reculé l'âge de départ à la retraite. Vos projets ne sont pas si éloignés, ce qui est loin de nous surprendre. (On s'en émeut à droite.)

Ce n'est pas le système de sécurité sociale que nous voulons, ce n'est pas la société que nous souhaitons bâtir pour nos enfants et petits-enfants.

Le groupe CRCE votera contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Michelle Meunier applaudit également.)

Mme Catherine Fournier .  - Au moment de son dépôt, le texte comptait 58 articles. L'Assemblée nationale l'a porté à 87, puis le Sénat à 95, dont 49 ont été votés conformes. Nous avons travaillé avec mesure et bienveillance pour garder un texte équilibré. Je veux dire à M. Darmanin que le Sénat est reconnu pour sa sagesse, non pour son hypocrisie... Sages, nous soutenons le plan Santé 2022, même si nous serons vigilants sur le reste à charge zéro.

Nous sommes encore favorables à l'article 7, qui met en place l'exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires et à l'article 8 qui transforme le CICE et le CITS.

Une solution pérenne a été trouvée pour les TO-DE, nous le saluons.

Pour les outre-mer, des adaptations ont été trouvées, notamment en appliquant le régime Lodeom à la Guyane qui avait été oubliée. Cependant, avec une augmentation du coût de l'emploi de 15 % avec le chèque emploi service universel et de 13 % avec le Lodeom, on peut craindre une augmentation du travail au noir. J'invite donc le Gouvernement à agir avec plus de mesure à l'avenir. Les dérives des gilets jaunes, notamment à La Réunion, traduisent une situation sociale préoccupante.

Comme le rapporteur général, nous regrettons que ce budget de la sécurité sociale ne soit plus à l'équilibre, en raison de deux amendements du Gouvernement. Cela est troublant quand on a reproché au Sénat d'adopter des mesures coûteuses.

L'Assemblée n'a pas suivi le Sénat sur l'atténuation de l'effet de seuil de la CSG pour les retraités et le forfait de réorientation des urgences ; en revanche, elle a retenu l'alignement en six ans de la fiscalité sur les alcools forts dans les outremers et la possibilité de prescription du médecin coordonnateur des Ehpad.

Sages, nous le sommes lorsque nous légiférons dans le respect de la Constitution. Nous nous interrogeons : le Gouvernement souffrirait-il en découvrant que le Parlement, et singulièrement le Sénat, peut proposer un projet alternatif ? La CMP ayant échoué, l'Assemblée nationale a rétabli son texte. Sans surprise, elle a supprimé l'indexation des prestations sociales que nous avions financée par un prélèvement sur les OCAM et le report de l'âge de départ en retraite. Nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement prendre pour cible les mêmes, les retraités et les familles.

Comme l'a dit Mme Buzyn, gouverner, c'est faire des choix ; légiférer, également. Vous nous dites prioriser l'action en faveur des plus fragiles, du travail et de l'emploi. Vos mesures de contraction budgétaire contredisent vos annonces. Le chômage augmente : le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de 133 % depuis 2007 ainsi que le nombre de chômeurs de plus de 50 ans - on en parle trop peu... Sur le terrain de la solidarité, des réformes paramétriques amoindrissent les revalorisations annoncées : une personne au SMIC bénéficiera d'une augmentation de 8 euros de sa prime d'activité, au lieu des 20 euros annoncés. La majorité de l'Assemblée nationale durcit cette ligne : elle a repoussé la proposition de loi sur les proches aidants que le Sénat avait adoptée à l'unanimité.

Pour en revenir au budget de la sécurité sociale, la seule mesure d'équilibre substantielle qu'il comporte est aux dépens des familles et des retraités. Cette austérité ciblée exaspérera un peu plus. L'UC soutiendra la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Bernard Jomier .  - Comment en sommes-nous arrivés là ? J'ai bien écouté l'orateur du parti présidentiel à l'Assemblée nationale, pour qui les « oppositions au Sénat font reculer la France ». (M. Philippe Dallier s'en indigne). Entrons dans le détail du projet de loi de financement de la sécurité sociale, où des amendements ont été adoptés ici à l'unanimité, y compris par les sénateurs LaREM. Le bilan est terrible.

Sur les infirmières, sur les assistants médicaux, sur la nécessaire révision du tableau des maladies professionnelles, qui date quasiment du XIXe siècle et doit être révisé sur des fondements scientifiques, sur le symbole désastreux de la tarification à l'inactivité qu'est le forfait de réorientation des urgences, tous nos apports ont été balayés par l'Assemblée nationale.

De cette attitude, l'on ne peut tirer qu'une leçon politique : l'on veut faire croire que le Sénat ne propose aucune réforme, qu'il n'avance rien, qu'il « fait reculer la France ». Un gouvernement qui ne sait pas écouter les parlementaires ne sait pas non plus écouter les Français. Nous en voyons les résultats aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, UC, Les Républicains)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°6, présentée par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.

Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur de nombreux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que la sous-revalorisation des prestations sociales en 2019 et 2020 ou la diminution programmée du montant de la taxe sur la valeur ajoutée affectée à la sécurité sociale en compensation de diminutions de ressources décidées par l'État ;

Considérant que le quasi-gel de leurs pensions pour les deux années à venir, alors même que l'inflation est repartie à la hausse, affectera les personnes retraitées qui ont déjà subi, en 2018, à la fois une année blanche en termes de revalorisation et la hausse non compensée de 1,7 point de la contribution sociale généralisée sur leurs pensions ; qu'une telle succession de mesures défavorables aura des conséquences aussi sérieuses qu'injustes sur le pouvoir d'achat des retraités ;

Considérant que cette sous-revalorisation affectera également les bénéficiaires d'autres prestations sociales, en particulier les familles, elles aussi trop souvent mises à contribution ces dernières années, en contradiction avec le principe de solidarité de la Nation pour les soutenir dans l'éducation de leurs enfants ;

Considérant que l'ampleur des coupes financières programmées au détriment de la sécurité sociale, ne reposant sur aucun principe clair, est de nature à compromettre son retour durable à l'équilibre ainsi que l'amortissement de la dette de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les différences qui demeurent entre le texte de l'Assemblée nationale et celui du Sénat reflètent des divergences politiques de fond.

Les premiers messages que le Gouvernement envoie dans ce texte sont particulièrement inquiétants sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Les non-compensations massives de mesures nouvelles s'élèveront à 2,3 milliards d'euros en 2019 et à 3,6 milliards d'euros en régime de croisière dès 2020. Certes, elles traduisent des principes qui figurent dans le rapport remis cet été par le Gouvernement et elles correspondent au niveau des « surcompensations » des allègements généraux que la Cour des comptes avait identifiés l'an dernier. Du reste, le Sénat a adopté ces mesures, ce qui témoigne de son ouverture au dialogue. (M. Charles Revet le confirme.) Nous sommes d'autant plus fondés à dénoncer les coupes massives de TVA à destination de la sécurité sociale, qui interviendront dès 2020 et atteindront 5 milliards d'euros dès 2022 ; le nouveau rabotage de 200 millions d'euros de CSG pour financer l'Unedic après la suppression des contributions salariales d'assurance chômage. Rien de cela ne figurait dans le rapport de cet été, rien de cela n'a été décidé dans le dialogue avec les parlementaires.

Finalement, un seul principe semble guider le Gouvernement : le siphonage systématique de tout excédent que pourrait réaliser la sécurité sociale. Pour preuve, la présentation, lors de cette nouvelle lecture, d'un budget en déficit après que le Gouvernement avait annoncé triomphalement le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Il y a de quoi craindre pour l'avenir.

Nous nous sommes déjà largement exprimés sur le rabotage, pour les deux années à venir, des prestations sociales et, en particulier des pensions de retraites. M. Darmanin a beaucoup caricaturé nos propositions, elles sont parfaitement responsables. Que vous le vouliez ou non, même dans un régime à point, l'âge de départ en retraite devra être reculé pour assurer aux Français retraités un revenu décent. Quant au prélèvement sur les OCAM, M. Darmanin a oublié de préciser qu'il se limitait à un seul exercice et que la Cour des comptes avait pointé du doigt les frais de gestion de ces organismes qui étaient à l'origine de 6,4 milliards d'euros de surcoût en 2014. Comment craindre, dans ces conditions, une répercussion sur les contrats ?

Les retraités ont souffert en 2018 ; ils verront, une nouvelle fois, leur pouvoir d'achat, diminuer de 1 % en 2019, puis de nouveau en 2020. Un tel acharnement n'est pas tenable. Avant la réforme systémique des retraites, comment envoyer plus clairement le message que le niveau de vie des générations futures ne sera aucunement garanti ? Ce budget le démontre, le Gouvernement ne se gênera pas pour actionner le levier de la valeur du point. Vos choix, là encore, augurent mal de l'avenir.

Nous prenons acte des avancées de l'Assemblée nationale sur les travailleurs occasionnels mais regrettons qu'elle n'ait pas suivi jusqu'au bout le Sénat et qu'elle ait rétabli le forfait de réorientation contre l'avis unanime du Sénat.

Les indices de dégradation du dialogue entre l'Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement sont préoccupants. Constatant le caractère irréductible des différences qui demeurent entre les deux assemblées, la commission des affaires sociales invite le Sénat à voter la question préalable.

Un mot, pour finir. Monsieur le ministre, je regrette que, au nom de la solidarité gouvernementale, vous teniez le rôle de souffre-douleur, en lieu et place de M. Darmanin. (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. Philippe Dallier.  - Les absents ont toujours tort !

M. Martin Lévrier .  - Proposer cette question préalable est regrettable car la majorité sénatoriale, qui a usé de son droit d'amendement, partage les objectifs de ce texte. Certes, la CMP a échoué, à cause du désaccord profond sur l'article 44 et l'âge de la retraite. Les retraités sont votre cheval de bataille : nous avons protégé les petites retraites en recalculant la CSG... (M. Philippe Dallier en doute.)

M. Charles Revet.  - Allez le dire sur le terrain !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Cela dépend de ce qu'on entend par « petites ».

M. Martin Lévrier.  -  ...et en supprimant la taxe d'habitation. (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR) Laissez-moi parler ! Effectivement, nous demandons un effort aux retraités car nous avons choisi de revaloriser la valeur travail (Même mouvement).

M. Fabien Gay.  - Personne n'est dupe !

M. Martin Lévrier.  - Adopter la question préalable affaiblira notre assemblée, vous donnerez le sentiment que seuls les députés ont voix au chapitre. Et certains demanderont la suppression du Sénat, qui est pourtant le lieu de la controverse apaisé - enfin, la plupart du temps - et de la recherche du compromis. Ne la votez pas !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement regrette le dépôt de cette motion. Avis défavorable.

M. Jean-Claude Requier.  - Notre groupe vote, par tradition, pour le dialogue et, donc, contre les questions préalables : nous ne la voterons pas.

Mme Laurence Cohen.  - Le budget de la sécurité sociale devient une variable d'ajustement de celui de l'État. C'est extrêmement grave ! Le Gouvernement puise dans les comptes sociaux pour éponger ses déficits. Ce n'est pas une simple question de méthode, monsieur le ministre ; cette méthode reflète vos choix politiques. Or ce n'est pas seulement ici que ces choix sont critiqués, ils le sont par des Français de toutes convictions, de toutes conditions. Ici même, notre collègue Sol a fait un juste plaidoyer pour l'hôpital public.

Cependant, si le Sénat corrige le tir pour les retraités, la majorité sénatoriale ne propose rien d'autre que de poursuivre dans la voie des exonérations et de reculer l'âge de départ à la retraite. Son projet est profondément réactionnaire. (Exclamations sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Nous nous abstiendrons.

M. René-Paul Savary.  - C'est un peu caricatural... Nous avons voulu, en toute responsabilité, compenser le coût des mesures que nous avons proposées.

Monsieur le ministre, la plupart des personnes qui manifestent aujourd'hui sont des retraités. C'est bien le signe que votre politique n'est pas comprise. Il faut dire la vérité, trouver un juste milieu entre cotisants et pensionnés imposera de modifier de l'âge de départ à la retraite.

Quand nos concitoyens en ont assez, quand ils ne peuvent plus boucler leurs fins de mois, la revalorisation des prestations était une nécessité. Le groupe Les Républicains votera la question préalable.

La motion n°6 tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°29 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 243
Pour l'adoption 198
Contre   45

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.