Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.

Chacun veillera à respecter son temps de parole ainsi qu'à observer une valeur essentielle au Sénat, le respect des uns et des autres.

Fermeture de maternités

Mme Laurence Cohen .  - L'agence régionale de santé des Hauts-de-France vient d'acter la fermeture de la maternité de Creil et son transfert à Senlis contre l'avis des élus locaux, dont le maire de la ville, mon ami et camarade (Exclamations ironiques à droite) Jean-Pierre Bosino ; contre l'avis des usagers, des syndicalistes et du personnel de santé. Il y a un an déjà, je répondais à l'appel de leur comité de défense.

Loïc Pen, chef de service des urgences, aura démissionné en vain ; vous avez choisi le passage en force et tant pis pour les 1 500 accouchements que cette maternité de niveau III réalisait par an. Idem pour les maternités de Bernay dans l'Eure, de Blanc dans l'Indre ou encore de Guingamp dans les Côtes d'Armor. Cette catastrophe sanitaire est au détriment des femmes.

Les blouses blanches sont en grande souffrance ; leur mobilisation d'aujourd'hui le montre. Pensez-vous vraiment, madame la ministre de la Santé, pouvoir améliorer l'accès aux soins, la qualité de la prise en charge sur tout le territoire et les conditions de travail du personnel à moyens constants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Dans votre question, je relève de nombreuses affirmations et beaucoup sont fausses. Je ne peux pas en laisser passer une, en particulier ; non, ces décisions ne se font pas au détriment des femmes. Aucune maternité ne ferme pour des motifs financiers. (Mme Éliane Assassi en doute.) Cette décision est prise quand la sécurité des parturientes est menacée. Certaines maternités fonctionnent parfois sans pédiatre ou sans anesthésiste. Les plateaux techniques sont parfois défaillants.

Ces maternités sont transformées en centre de périnatalité. Seul l'acte d'accouchement est délocalisé. La décision de fermeture de Creil a été prise en 2017 avant mon arrivée au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme Laurence Cohen.  - Dans le bassin de Creil, 40 % des habitants n'ont pas de voiture ! Accoucher dans une voiture ou un camion de pompier, c'est sûr, ce sera plus secure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé et M. Antoine Lefèvre applaudissent également.) Que ce sujet, vital pour les Français, ne soit pas inclus dans le grand débat national est un scandale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe UC)

Alstom

M. Martial Bourquin .  - Monsieur le ministre de l'Économie, la Commission européenne pourrait remettre en cause l'accord de fusion Siemens-Alstom. Soit les groupes acceptent de nouvelles cessions d'actifs, ce qui signifie des suppressions d'emplois, soit la Commission européenne refusera la fusion. Ce dogmatisme empêche l'émergence de champions européens, même si cet accord, mauvais, est plutôt une absorption d'Alstom par Siemens qu'une fusion entre égaux. Monsieur le ministre, refusez toute nouvelle cession d'actifs ! Elle signifierait un démantèlement d'Alstom.

En cas de refus de l'Union européenne, l'urgence sera de nouer un pacte d'actionnaires pour protéger Alstom d'éventuels prédateurs financiers. Thalès pourrait y participer, de même que la Caisse des dépôts et consignations ou BPI-France. Monsieur le ministre, défendrez-vous ce fleuron industriel ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - J'ai parfois l'impression que les responsables européens ne vivent pas dans le même monde que le nôtre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Depuis quinze ans, un champion chinois a émergé. Il y a 26 000 km de LGV en Chine, un marché captif, contre 9 000 en Europe. Le chiffre d'affaires de CRRC est le double de ceux d'Alstom et de Siemens réunis.

Il est temps d'adapter l'industrie européenne à la réalité du XXIe siècle. Les règles européennes de la concurrence n'ont pas changé depuis 2004 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

Alstom et Siemens ont déjà fait des concessions ; ils n'en feront plus de nouvelles. À la Commission européenne de prendre ses responsabilités, nous prendrons les nôtres. Si elle refusait la création d'un champion industriel européen, ce serait une erreur économique et une faute politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Martial Bourquin.  - Alstom, c'est 8 500 personnes en France, 4 500 fournisseurs, 27 000 empois ; cela vaut la peine de le défendre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, UC et Les Républicains)

Zones de revitalisation rurale

M. Alain Marc .  - J'associe mon ami M. Jean-Claude Luche à cette question.

En Aveyron, les exonérations sociales et fiscales qu'autorise le classement en ZRR représentaient 6,5 millions d'euros en 2017. Elles ont un réel intérêt pour les territoires ruraux ! Les deux députées qui les ont évaluées pensent autrement. Pourtant, l'une est de l'Aveyron... Elles disent avoir procédé à des auditions, sans doute n'auditionnons-nous pas les mêmes personnes. Elles préconisent de mettre ces sommes à la main des préfets pour renforcer la dotation d'équipement des territoires ruraux. Quelles suites donnerez-vous à leur rapport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur une partie des bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Comme vous le savez parfaitement, les parlementaires sont libres d'écrire ce qu'ils veulent dans leur rapport.

M. le président.  - Ouf !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement est très attaché aux zones de revitalisation rurale, un dispositif qui contribue très activement à la conservation des emplois et au soutien des territoires ruraux. Deux critères fondent le zonage : la densité de population et la richesse des habitants. Dans la réforme de 2015, a été pris l'engagement d'y maintenir 14 000 communes. Elle a fait des gagnants et des perdants. Raison pour laquelle, dans la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a proposé que les communes perdantes continuent à profiter du dispositif jusqu'en 2020. Au total, 18 000 communes, soit la moitié des communes françaises, en bénéficient.

Pour l'avenir, la réflexion est en cours. Le classement en zone de revitalisation rurale à partir de critères communaux, et non intercommunaux, provoquerait un émiettement du dispositif et exacerberait les concurrences territoriales, à l'opposé de l'effet recherché. Toutes les options restent sur la table.

M. Alain Marc.  - Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne ? Dans l'Aveyron, certaines communes ont une densité de cinq habitants par kilomètre carré. Grâce à ce dispositif, nous avons pu faire venir des médecins et ne pas trop perdre en attractivité. Il faut le maintenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur plusieurs bancs des groupes RDSE, UC, Les Républicains ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Politique migratoire

M. François-Noël Buffet .  - Le Gouvernement, le 15 janvier, a donné les derniers résultats statistiques de la politique migratoire. Tous les chiffres sont en hausse - celui des entrées irrégulières sur notre territoire, celui des demandes d'asile qui augmente de 22 % ; tous sauf un : le taux de renvoi dans les pays d'origine reste faible, à moins de 10 %.

Le Gouvernement nous expliquait : « tout va bien » ; il ne prévoyait pas de budget en hausse pour traiter l'immigration irrégulière. Et voici que le président de la République a décidé d'inclure ce thème dans le grand débat et reprend l'idée de quotas annuels pour laquelle le Sénat se bat depuis longtemps. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? Vous tabliez sur la stabilité des chiffres et c'est tout le contraire qui se produit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - En 2018, les demandes déposées à l'Ofpra ont augmenté de 21,6 %, notamment en raison des flux secondaires.

Notre politique d'accueil est juste et réaliste, nous nous donnons les moyens d'accueillir mais aussi de procéder à des éloignements. Les éloignements forcés sont d'ailleurs en hausse significative en 2018, la plus importante depuis le début de la décennie. Ce résultat n'est pas le fruit du hasard ; il est la conséquence de la loi du 10 septembre 2018 et du renforcement des contrôles aux frontières, notamment avec l'Italie, la Belgique et l'Espagne, avec la nomination d'un coordonnateur. Dans la loi de finances pour 2019, le budget Asile et immigration est en hausse de 7 % en 2019.

Pour autant, il faut tenir compte de l'inquiétude de nos concitoyens, une inquiétude qui s'est exprimée avec virulence contre le pacte de Marrakech. C'est pourquoi ce sujet a été ajouté au grand débat. (MM. François Patriat, Jacques Mézard et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)

M. François-Noël Buffet.  - Le Sénat défend une autre politique migratoire : accueillir moins mais beaucoup mieux, traiter plus rapidement les demandes d'asile et les déboutés du droit d'asile pour un renvoi dans le pays d'origine. Que l'exécutif en tienne compte ! D'accord pour qu'il reprenne l'idée des quotas annuels mais que fait-il de celle consistant à conditionner la délivrance des visas à celle des laissez-passer consulaires ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Interdiction du glyphosate

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Mardi 15 janvier, le tribunal administratif de Lyon a annulé la mise sur le marché du Roundup Pro 360, estimant que l'Anses a fait une erreur d'appréciation en mars 2017. Les professionnels et la communauté scientifique ne comprennent pas cette décision arbitraire. Je rendrai prochainement un rapport avec Pierre Ouzoulias au nom de l'Opecst sur cette crise de confiance naissante envers les agences d'expertise.

Monsieur le ministre de l'Agriculture, ne pensez-vous pas que ce type de décision discrédite totalement le travail de l'Anses ? En quoi un tribunal administratif est-il compétent sur ce type de dossiers ? N'y a-t-il pas un risque de surenchère dans la suppression des autorisations de mise sur le marché au nom du principe de précaution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Rémy Pointereau applaudit également.)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je n'ai pas à commenter une décision de justice. Le Gouvernement tout entier est mobilisé pour faire muter l'agriculture vers l'agroécologie et donner aux agriculteurs les moyens de participer à cette mutation. Le président de la République a demandé l'interdiction du glyphosate avant le 1er janvier 2021, elle interviendra plus rapidement qu'en Europe. Le glyphosate est interdit depuis le 1er janvier pour les particuliers ; il le sera le 1er février pour toute dispersion avant récolte.

N'opposons pas principe de précaution et science. Protégeons les Français et, en même temps, donnons les moyens à notre agriculture d'évoluer, d'être compétitive, de développer des circuits courts et de conquérir des parts de marché à l'international ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et LaREM)

M. Pierre Médevielle.  - Protégeons la population et les agriculteurs. L'agriculture française occupe un cinquième rang indigne de ses capacités. Ces juges sont archaïques et incompétents. Retrouvons l'audace, faisons confiance à nos experts. Vive l'agriculture, vive la République et vive la science ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean Bizet.  - Oui, vive la science !

Maisons de naissance

M. Dominique Théophile .  - Huit maisons de naissance ont été ouvertes après la loi de décembre 2013 et le décret de 2015. Dans ce cadre plus intime, les parents sont suivis par les mêmes sages-femmes depuis le début de la grossesse jusqu'à la surveillance postnatale. Le taux de satisfaction est élevé mais elles manquent de visibilité. Quelles seront les suites données à leur expérimentation qui prend fin en novembre 2020 ? Comme prévu, les rapports d'évaluation ont été adressés par toutes les maisons de naissance au 31 mars 2017 aux ARS et au ministère de la Santé. Ils n'ont toujours pas été exploités. Afin d'éviter des ruptures de prise en charge des parturientes, il faudrait le faire au plus vite. Quand cela sera-t-il fait ? Ne peut-on pas, dès aujourd'hui, établir qu'elles ont été un succès, les pérenniser et en installer dans tous les territoires.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Ces neuf structures autonomes, dont deux situées en Guadeloupe et à La Réunion, dirigées par des sages-femmes, sont adossées à une maternité où les parturientes sont transférées en cas de risque.

Après deux ans, on peut constater que leur activité a été modeste : entre 35 et 135 accouchements ont été réalisés dans chaque structure. Qualitativement, il n'y a pas eu d'incident grave, grâce aux procédures de réorientation vers la maternité attenante. Les parturientes et les équipes sont satisfaites.

La réflexion sur leur avenir s'intègre dans la réforme des autorisations des activités de soins en périnatalité, qui a été lancée en juillet 2018. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

ArianeGroup

Mme Nathalie Delattre .  - La métropole bordelaise est un pôle majeur de l'industrie spatiale. En 2020, Bordeaux sera capitale européenne de l'espace, l'année du lancement inaugural d'Ariane 6. Toutefois des acteurs industriels très concurrentiels émergent.

Ariane a annoncé la suppression de 2 300 postes, dont bon nombre dans la région bordelaise. Le cluster aquitain doit être défendu. Or la préférence européenne n'est pas toujours respectée dans la commande publique. Le satellite CSO a ainsi été lancé par une fusée Soyouz : comment expliquer que nos satellites de renseignement soient confiés aux Russes ? La politique européenne de la concurrence nous fait payer un lourd tribut. Les Américains, eux, se posent moins de questions : ils conçoivent américain, produisent américain et lancent américain.

En cette année d'élection européenne, ne faut-il pas promouvoir un Buy European act qui figurait d'ailleurs au programme du candidat Macron ? Je vous en conjure : il faut faire vite avant qu'il ne soit trop tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, sur quelques bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La France est une grande nation spatiale, qui est motrice en Europe. Ariane 5 et le lanceur Vega ont toujours été défendus, Ariane 6 et le lanceur Vega-C le seront aussi. Le succès européen est dû à l'excellence du CNES, d'Ariane Espace et de l'Agence spatiale européenne.

En effet, le développement d'acteurs internationaux bouleverse le marché. Aussi, il faut soutenir la recherche et le développement et investir dans les nouveaux usages du spatial - le New space. Quelque 200 millions d'euros supplémentaires ont été prévus pour le CNES dans le budget pour 2019.

Il faut aussi aider ArianeGroup à se réorganiser, pour qu'elle gagne en compétitivité. Nous devons rappeler notre confiance dans les lanceurs européens. La commissaire européenne a d'ailleurs signé avec Ariane 6 les premiers contrats pour le lancement des satellites européens.

Grand débat national

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - Monsieur le Premier ministre, depuis deux semaines, nous assistons au grand show médiatique du président de la République, six à sept heures de débat bien orchestré en Normandie et en Occitanie ; un président de la République en campagne plus qu'à l'écoute des Français.

Et voilà que nous apprenons que la secrétaire d'État à l'égalité des femmes co-animera le grand show de Cyril Hanouna pour, je cite, « ramener des gens vers le débat public ». Les Français ne sont-ils pas assez subtils et intelligents ? Monsieur le Premier ministre, est-ce avec votre accord que Mme Schiappa participe à cette émission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - La parole est à Mme Marlène Schiappa.

Plusieurs voix à droite.  - La question s'adresse au Premier ministre !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Merci de votre question toute en bienveillance et en nuance. (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Éliane Assassi.  - Comme Cyril Hanouna !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - C'est étonnant : vous déplorez que l'on parle à Cyril Hanouna et vous consacrez tout votre temps de parole à parler de lui. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme la secrétaire d'État se tourne vers le président pour obtenir le retour au calme.)

M. le président.  - Poursuivez, Madame, mais faites dans la modération, pour une fois ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Des centaines de milliers de personnes regardent chaque jour Cyril Hanouna. Ce sont des Français, comme ceux qui écoutent France Culture.

Le grand débat est très bien organisé par Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon. Il s'agit de parler à tous les citoyens. Il n'y a pas de citoyens de seconde zone. (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains et sur quelques bancs des groupes CRCE et SOCR) Arrêtons ce mépris de classe, d'une intelligentsia qui a alimenté le mouvement des gilets jaunes. (Même mouvement) On ne règle pas des problèmes de 2019 avec des solutions de 1999 ! (Même mouvement)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - En mélangeant les genres, vous participez à l'éloignement et au rejet de la classe politique dans son ensemble. La politique, ce n'est pas de la téléréalité ! Imagine-t-on, mais c'était dans l'ancien monde, Françoise Giroud animer une émission politique avec Guy Lux ou Léon Zitrone ? (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

Illectronisme

M. le président.  - Je donne la parole à M. Roux, à qui je veux dire toute la solidarité du Sénat.

M. Jean-Yves Roux .  - Il y a un an et demi, le Gouvernement voulait dématérialiser les services publics d'ici 2022. Cela peut être enthousiasmant, mais c'est ni réaliste ni souhaitable. La dématérialisation inquiète car elle passe pour le cheval de Troie de la réduction des services publics. Le Défenseur des droits a récemment alerté sur les inégalités qu'elle développe, en raison de la fracture numérique. L'inégalité est d'abord territoriale puisque l'accès à internet est défaillant dans certains territoires ; économique, ensuite, puisque les artisans locaux ne peuvent pas participer aux appels d'offres publics qui sont obligatoirement dématérialisés depuis le 1er octobre 2018 quand ils sont supérieurs à 25 000 euros ; financière, enfin car acheter une tablette ou un Smartphone est cher.

Selon le Credoc, 36 % des Français ne sont pas familiers du numérique. Que compte faire le Gouvernement pour accompagner nos concitoyens et préserver l'égalité d'accès aux services publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Gouvernement vous exprime également, monsieur Roux, sa solidarité après la vandalisation de votre permanence. (Applaudissements)

Il y a, c'est vrai, une France à deux vitesses. Certains Français sont frappés par l'illectronisme. L'objectif du Gouvernement est que 100 % des démarches administratives puissent se faire en ligne en 2022 ; cela ne signifie pas qu'internet remplacera le papier. Gisèle Jourda, lors du débat de la loi Essoc, m'a ainsi permis de corriger notre action, en offrant aux Français habitant dans des zones blanches, la possibilité de déclarer sur papier et de payer par chèque. Nous examinerons le rapport du Défenseur des droits avec attention. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Limitation de vitesse

M. Jean-Marc Boyer .  - Monsieur le Premier ministre, vous avez mis le feu au pays avec une décision dont personne ne voulait et dont l'efficacité n'est pas prouvée : la limitation à 80 km/h.

Le groupe de travail du Sénat sous la haute responsabilité de Michel Raison a proposé de limiter cette mesure aux tronçons accidentogènes, sur décision conjointe du président du conseil départemental et du préfet.

Surtout, ne nous taxez pas d'irresponsables ! Nous soutenons toutes les mesures qui favorisent la réduction du nombre de morts sur les routes ; celles portant sur l'état des routes et des véhicules, ou encore le comportement des conducteurs.

Le président de la République propose de chercher « des solutions plus pragmatiques, de faire quelque chose de plus acceptable ». Suivrez-vous les propositions intelligentes du Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La limitation à 80 km/h sur les 400 000 kilomètres du réseau secondaire sera au coeur du grand débat. C'est un sujet important pour nos concitoyens car il touche aux mobilités, notamment en zone rurale. Le débat qui va s'ouvrir traitera aussi de la lutte contre l'insécurité routière, qui reste une priorité du Gouvernement.

Selon les premiers chiffres, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018, le nombre de morts a baissé de 13 % sur le réseau secondaire par rapport à 2017. (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il faut aussi tenir compte des effets induits - sur le temps de déplacement, la consommation de carburant et la cohabitation entre voitures et poids-lourds. Une étude a été demandée à la délégation à la sécurité routière, qui sera rendue publique.

La question sera aussi celle de la responsabilité des gestionnaires de voierie. Remonter la vitesse sur un axe, c'est accepter, le cas échéant, de voir l'accidentalité augmenter. L'avis des présidents de conseils départementaux sera précieux. (On s'en félicite sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous veillerons à rendre publiques les analyses. Je sais que nous avons le même objectif : sauver des vies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Marc Boyer.  - Je regrette que vous ne m'ayez pas répondu, monsieur le Premier ministre, sur cette mesure que vous avez imposée. Nous ne vous demandons pas de vous renier mais de tenir compte de la réalité des territoires, de donner un signe d'apaisement ! Écoutez le Sénat, la voix des ruraux et des territoires. Nous, sénateurs, vous appelons à la raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Loi sur la prostitution

Mme Laurence Rossignol .  - Le Conseil constitutionnel examine aujourd'hui une question prioritaire de constitutionnalité visant à abroger la loi de 2016 sur le système prostitutionnel, et notamment la pénalisation du client, sur deux motifs : la liberté d'entreprendre et le droit à la vie privée.

Je rappelle que 80 % des victimes de traite des êtres humains sont victimes d'exploitation sexuelle et que 90 % des prostituées de rue sont étrangères. Voilà qui casse le mythe de la prostituée au grand coeur, libre et heureuse. Le business du sexe est l'un des principaux marchés mafieux. Or il n'y a pas de proxénète sans client.

Tant que l'on pourra louer, acheter ou vendre le corps des autres, l'égalité entre les femmes et les hommes sera une illusion. Je rappelle que 90 % des prostitués sont des femmes.

La seule liberté d'entreprendre en cause, c'est celle des proxénètes. Et la seule vie privée, c'est celle du client, car il n'y a pas d'intimité dans la prostitution, qui est une effraction dans le corps de l'autre. Selon un sondage, trois quarts des Français sont favorables à la loi de 2016 et estiment que la prostitution est une violence.

Madame la ministre, vous avez été très silencieuse sur ce sujet, alors que toutes vos prédécesseures se sont exprimées en faveur de cette loi. Le Gouvernement la défend-il devant le Conseil constitutionnel, et avec quels arguments ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur certains bancs du groupe UC ; Mme Françoise Laborde et M. Jérôme Bignon applaudissent également.)

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations .  - Je connais et salue votre engagement sur ce sujet. Nous attendons la décision du Conseil constitutionnel. Sur mandat du Premier ministre, le Gouvernement a fermement défendu la constitutionnalité de la loi de 2016.

À l'international, le Gouvernement s'engage contre le système prostitutionnel - non par des discours mais en en faisant un axe majeur de la diplomatie féministe de la France, notamment dans le cadre de la présidence du G7.

J'ai pris en novembre 2017 un décret pour mettre en oeuvre toutes les dispositions de la loi. J'ajoute que j'ai doublé la subvention au Mouvement du Nid, qui est ainsi passée de 150 000 à 300 000 euros par an ; 95 000 euros ont été débloqués et 100 % des demandes locales ont reçu une réponse positive.

Dans le cadre de la présidence française du G7, le président de la République a proposé à Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, de rejoindre le conseil consultatif à l'égalité femmes-hommes pour porter la position de la France. (M. Alain Richard applaudit.)

Démocratie participative et représentative

M. Jean Louis Masson .  - (Mouvements divers) Le soutien populaire aux gilets jaunes confirme que les Français veulent une démocratie plus directe. C'est l'objet du référendum d'initiative citoyenne. Les tenants de la pensée unique n'écoutent le peuple que s'il est de leur avis. Ainsi en est-il du traité de Lisbonne, ratifié sans état d'âme par le Parlement en désavouant le résultat du référendum. Preuve que la démocratie représentative a ses limites. C'est un miroir déformant, en raison du tripatouillage des partis politiques.

Lors des élections de 2012, le Front national et le Parti de gauche ont rassemblé respectivement 18 % et 9 % des suffrages, mais n'ont obtenu que deux députés chacun. Les Verts, eux, en ont eu dix-sept, avec seulement 2 % des suffrages !

Les gilets jaunes ont raison de réclamer une vraie démocratie. Le prétendu grand débat le montre : le président de la République veut bien discuter, mais écarte tous les sujets stratégiques qui intéressent le peuple. Il devrait avoir le courage de consulter le peuple par référendum sur le matraquage fiscal des retraités, sur l'immigration, sur le choix entre Europe des Nations et Europe fédéraliste.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean Louis Masson.  - En France comme ailleurs, le peuple se révolte contre le mépris des dirigeants. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient de couper la France en deux, entre des pseudo-élites bouffies d'arrogance et le vrai peuple qui n'en peut plus ? (Exclamations sur plusieurs bancs)

M. Bruno Sido.  - Démago !

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci de votre question. Pour nous, le peuple, les représentants du peuple et des territoires sont ici et à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, RDSE et LaREM et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

N'opposons pas le peuple et ses représentants, démocratie participative et représentative ! Nous sommes à l'écoute des Français. Le grand débat est ouvert, autour de quatre thématiques mais, chacun l'a vu, la parole est libre et aucun sujet n'est tabou. Au Gouvernement et au Parlement de se saisir de ce que diront les citoyens pour en donner une traduction législative. Quand on oppose le peuple et ses représentants, on sait ce que cela donne : l'histoire est truffée d'exemples ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, RDSE et LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.