Élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.

Discussion générale

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les élections européennes sont un moment clé de la vie démocratique européenne. Pourtant, le niveau de participation connait une érosion systématique, de 62 % en 1979 à 42 % en 2014.

M. François Bonhomme.  - Et ce n'est pas fini !

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - L'enjeu des élections de mai prochain est donc majeur. Sur quelle majorité au Parlement européen le prochain président de la Commission européenne pourra-t-il s'appuyer ? Personne ne peut se satisfaire d'une campagne peu mobilisatrice, plus nationale qu'européenne, d'une participation faible et d'une forme de cogestion entre les principaux groupes politiques au Parlement européen, peu stimulante pour les électeurs.

Le président de la République veut redynamiser le projet européen en renforçant la légitimité, la représentativité et la visibilité du Parlement européen. C'est dans cet esprit que la loi du 7 juillet 1977 relative au scrutin européen a été modifiée en juin 2018 pour rétablir une circonscription électorale unique.

L'Acte électoral de 1976 a aussi fait l'objet d'une procédure de modification lancée par le Parlement européen en 2015, pour rendre le processus électoral plus transparent et plus européen. Car comment expliquer en effet que les règles électorales varient à ce point d'un État à l'autre ?

Dans son rapport d'initiative législative du 11 novembre 2015, le Parlement européen a émis des propositions ambitieuses qui n'allaient pas de soi, étant donné la force des différentes traditions électorales.

Les négociations au Conseil européen ont été difficiles et plusieurs propositions rejetées, sur la fixation d'une date commune ou la participation de citoyens européens résidant à l'étranger par exemple.

Vu l'urgence de donner un nouvel élan démocratique, les négociations ont repris et abouti à un accord entre le Conseil et le Parlement européen en juin dernier. La décision modifiant l'Acte électoral de 1976 a été adoptée par le Conseil des ministres le 13 juillet. Il revient à présent aux États membres de l'approuver.

Cette réforme vise à renforcer les principes communs qui régissent les élections européennes dans les États membres. Je précise que même un Brexit sans accord serait sans incidence sur les dispositions applicables à tous les États membres.

Le nouvel article 1er précise que les membres du Parlement européen sont élus « représentants des citoyens de l'Union », ce qui reprend les termes du traité de Lisbonne et souligne leur légitimité.

Les États membres sont encouragés à l'article 3 ter à ce que l'affiliation des candidats à un parti politique européen apparaisse sur les bulletins de vote, ce qui est déjà possible en droit français.

L'article 3 impose un seuil électoral pour les circonscriptions de plus de 35 sièges, compris 2 % et 5 % des suffrages exprimés, afin de favoriser l'émergence de groupes politiques d'une taille significative. Cette obligation interviendrait pour les élections de 2024. En France, la loi du 7 juillet 1977 fixe déjà le seuil électoral à 5 %.

L'article 3 bis harmonise le calendrier du dépôt des candidatures dans les États membres en fixant la date limite au plus tard trois semaines avant la période électorale, ce qui est cohérent avec les dispositions en vigueur en France.

L'article 4 bis encourage les États membres à prévoir le vote électronique, par correspondance ou par internet ; l'article 9 bis, à prévoir la participation des citoyens résidant dans un pays tiers. En France, les citoyens français résidant à l'étranger peuvent déjà voter par procuration ou dans un bureau de vote du réseau consulaire.

Les sanctions contre le double vote sont renforcées à l'article 9. L'article 9 ter invite les États à désigner une autorité chargée des échanges sur les données relatives aux électeurs et aux candidats, afin de faciliter les échanges ; en France, le décret du 28 février 1979 charge l'Insee et le ministère de l'Intérieur de cette transmission. Les peines en cas de vote multiple vont jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

Je regrette que le Parlement européen n'ait pas donné suite à sa proposition de créer une circonscription électorale commune dans laquelle les candidats auraient été élus sur la base de listes transnationales. La France défendait cette idée, qui aurait contribué à une approche plus européenne de ces élections.

La France continuera à défendre cette idée, le Conseil européen ayant souhaité que les travaux se poursuivent dans la perspective des élections de 2024.

Cette révision de l'Acte électoral représente une avancée et une harmonisation progressive par le haut. Compte tenu de nos normes actuelles, l'approbation de la décision du Conseil n'appelle pas de modification à notre droit interne. Je vous invite à adopter ce texte, pour une entrée en vigueur avant les prochaines élections. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Indépendants et UC)

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Dans le monde difficile qui est le nôtre, l'Union européenne reste la seule voie possible si nous souhaitons conserver notre capacité d'influence.

Le projet européen a plus que jamais besoin d'un nouveau souffle, dont la légitimité démocratique est le préalable. Pour asseoir la légitimité des députés européens, il faut d'abord mettre fin à l'érosion du taux de participation aux élections européennes.

La loi du 25 juin 2018 a supprimé les huit circonscriptions électorales régionales au profit d'une circonscription unique, qui a cours dans la quasi-totalité des États membres.

Seuil d'éligibilité minimal, date limite commune pour le dépôt des candidatures, faculté d'autoriser le vote en ligne : le texte qui nous est soumis aujourd'hui poursuit cet effort d'harmonisation.

En tant que sénateur représentant les Français de l'étranger, je regrette qu'un scrutin sur Internet ne soit pas envisagé pour nos compatriotes résidant dans un État tiers - pour des raisons de sécurité, certes, mais ce n'est pas simple de voter aux européennes lorsque vous vivez, par exemple, au Panama...

Vu de France, ce texte peut paraître modeste puisque les dispositions obligatoires sont pour la plupart déjà intégrées dans notre droit, mais tel n'est pas le cas pour tous nos voisins.

Une harmonisation totale était toutefois difficile, vu le poids des traditions électorales : les électeurs britanniques ou néerlandais votent en semaine, une vingtaine d'États membres tiennent au vote préférentiel, quand la France et l'Allemagne ont un scrutin avec liste bloquée.

Comme pour la construction européenne, la méthode retenue est donc celle des « petits pas ». Les négociations seront relancées avec une ambition renouvelée dans la perspective des élections de 2024. Puissent la parité et l'instauration de listes transnationales en faire partie. Cette dernière idée figurait dans le rapport d'initiative législative adopté par le Parlement européen en novembre 2015, avant d'être finalement retirée de la décision définitive du Conseil, faute d'accord. À titre personnel, je suis favorable à de telles listes pour faire émerger une citoyenneté européenne. L'Irlande, l'Espagne et l'Allemagne nous soutiennent sur ce point - voyez la déclaration de Meseberg. L'opposition est surtout venue du groupe de Visegrád, qui regroupe des États hélas majoritairement eurosceptiques.

Dans une résolution du 16 avril 2016, le Sénat s'est prononcé contre cette initiative, mais il faut faire progresser les idées. (Sourires)

À l'heure où le populisme effectue une percée inquiétante partout en Europe, il nous appartient de retendre le lien entre les peuples européens et leurs représentants. À cette fin, tout pas vers une Europe plus souveraine, plus forte, plus juste, est bienvenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi autorisant l'approbation de la décision (UE, EURATOM) 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (n°298, 2018-2019).

M. Jean Louis Masson .  - L'enjeu de ce projet de loi est très important puisqu'il s'agit de la représentation de la France au Parlement européen. Le Sénat avait initialement opté pour un examen en forme simplifiée, sans débat, amendement ni même explication de vote. J'ai dénoncé ce manque de transparence démocratique et remercie Mme Assassi d'avoir demandé le retour à la procédure normale, comme les présidents de groupe en ont le droit, afin de nous permettre de débattre.

Le choix initial était d'autant plus regrettable que la ratification de la décision du Conseil européen du 13 juillet 2018 est indissociable de celle du 28 juin 2018, pas même évoquée ici, qui répartit les sièges de députés européens entre États membres. Or le vice de constitutionnalité de l'une rejaillit sur l'autre.

L'article 14 du traité de Lisbonne prévoit que chaque État doit avoir un nombre de députés européens dégressivement préférentiel à sa population : chaque député d'un État membre plus peuplé doit représenter davantage de citoyens que chaque député d'un État moins peuplé.

Or la répartition actuelle des sièges montre que ces dispositions sont allégrement violées : un député européen allemand représente 852 000 habitants, alors qu'un député européen français en représente 883 000. L'Allemagne est pourtant plus peuplée ! Cette violation du traité vicie toute la procédure.

Le Parlement européen a lui-même reconnu que la répartition actuelle ne respectait pas le principe de la proportionnalité dégressive.

La décision du Conseil européen du 28 juin 2018 prévoit que si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, la France gagnera cinq sièges, ce qui devrait garantir le respect des règles - mais si ce départ est retardé, l'ancienne répartition continuera à s'appliquer, en violation du traité de Lisbonne. Madame la ministre, je vous ai interrogée dans une question écrite n°7142 de novembre 2018. Vous avez répondu que si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil du 28 juin 2018 deviendrait caduque. Or rien ne l'indique. C'est de l'enfumage complet ! C'est un mensonge ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Si les négociations s'éternisent, nous serions toujours en violation du traité de Lisbonne et donc, indirectement, de notre Constitution. Tant que la répartition des sièges entre États membres n'a pas été redéfinie dans un respect total et non partiel - j'insiste - du traité de Lisbonne, nous devons surseoir à examiner ce projet de loi.

L'article 14 du traité de Lisbonne a été précisé par une décision du Conseil européen du 28 juin 2013, qui rend la répartition certes dégressive mais fort peu proportionnelle. Ainsi, Malte à six députés, soit un écart de représentativité avec la France est de 1 à 12,7... Plus généralement, les grands pays sont défavorisés. Or la Cour de Karlsruhe l'a bien dit, dans un arrêt du 30 juin 2009 : en l'absence de correctif démocratique, continuer de transférer des compétences nationales importantes à une institution dépourvue de légitimité démocratique - c'est la Cour constitutionnelle allemande qui parle ! - n'est manifestement pas pertinent.

Un député européen de Malte représente 60 000 habitants, contre près de 900 000 pour un député français. Le Conseil constitutionnel ne tolère pas un écart de plus ou moins 20 % à la moyenne d'un département et nous tolérerions un écart de 1 100 % pour les élections européennes ?

Et l'article 14 n'est même pas respecté : on fait pire !

M. Richard Yung, rapporteur.  - La commission n'a pu examiner cette motion, qui vient tout juste d'être déposée...

M. Philippe Dallier.  - Il y a toujours des surprises !

M. Roger Karoutchi.  - C'est la génération spontanée !

M. Richard Yung, rapporteur.  - Je m'en étonne, car cela fait cinq mois que nous discutons de ce texte...

À titre personnel, avis défavorable. D'une part, la répartition des sièges relève d'un autre texte, d'application immédiate. D'autre part, la loi du 25 juin 2018 a été validée presque intégralement, non par la Cour de Karlsruhe, mais par notre Conseil constitutionnel, seul compétent.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Il est savoureux d'entendre M. Masson citer le traité de Lisbonne et invoquer le Conseil constitutionnel.

Une partie de notre classe politique, très à droite, pratique volontiers l'enfumage et le mensonge, mais ce n'est pas le cas du Gouvernement. Vos propos sont inacceptables et inappropriés.

La proportionnalité dégressive est accompagnée d'un seuil minimal de six députés et d'un plafond de 96 ; le principe est donc respecté et continuera à l'être. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Les propos de M. Masson sont en effet savoureux ! Lors de l'examen du projet de loi rétablissant la circonscription unique, il estimait que les députés européens représentaient la France - or ils représentent les citoyens européens vivant en France. Je note avec plaisir son évolution...

La proportionnalité n'est pas encore parfaitement prise en compte ? La démocratisation de l'Union européenne est en route !

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Seuil minimal, délai limite pour le dépôt des candidatures, sanction de double vote : la France est dans les clous. Ce texte ne présente pas de difficultés particulières et aurait pu suivre le cheminement discret de la procédure simplifiée.

Notre groupe, qui a compté dans ses rangs Maurice Faure, signataire du traité de Rome, l'approuvera car l'uniformisation des procédures électorales va dans le sens d'une meilleure représentativité des députés européens.

Hélas, face à une participation toujours plus faible aux élections européennes, ce texte ne suffira pas à rétablir le lien entre les citoyens et leurs élus européens.

Nous avions soutenu le rétablissement de la circonscription unique tout en appelant à renforcer la pédagogie sur le rôle croissant du Parlement européen au sein des institutions européennes. Nous avions déposé des amendements pour sensibiliser les jeunes au projet européen. À cet égard, je doute que la présence du drapeau européen dans les classes suffise.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est clair !

M. Jean-Claude Requier.  - Je partage les inquiétudes de mes collègues sur les listes transnationales, proposition soutenue par le président de la République mais à laquelle le groupe de Visegrád est farouchement opposé. Il faudra trouver un système qui garantisse le pluralisme et la représentativité de tous les États membres.

Au-delà, c'est sur l'idée même d'Europe qu'il nous faut travailler. Le président de la République a appelé, à la Sorbonne, à rendre l'Europe à elle-même et aux citoyens. Dans un monde ouvert, c'est l'union qui fait la force. Crise de la dette, crise migratoire : la réponse doit être collective.

L'Europe n'est pas la cause des problèmes mais la solution. Le repli sur soi serait suicidaire.

On ne peut nier qu'une crise de légitimité traverse les institutions européennes. Le RDSE est en tout cas opposé au mélange des genres que constituerait un référendum national le jour des élections européennes.

« Aveuglés par les différences de surfaces, ils n'ont pas su voir l'unité de la profondeur », disait l'ancien président grec, Constantin Caramanlis.

Rappelons que nos États partagent un socle de valeurs démocratiques et incitons leurs dirigeants à fixer un cap ambitieux et novateur à notre vieux continent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et UC)

M. Richard Yung.  - Très bien !

M. Jean Louis Masson .  - Le rapporteur a beau être un européiste et un fédéraliste convaincu...

M. Richard Yung, rapporteur.  - Oui, et alors ?

M. Jean Louis Masson.  - ... il ferait bien de lire le règlement du Sénat : le dépôt d'une motion d'irrecevabilité avant la séance est tout à fait autorisé !

Je n'ai aucunement changé de point de vue depuis le texte sur le Brexit : je suis partisan d'une Europe des nations et considère que l'Europe fédéraliste est celle de la chienlit. La majorité du Sénat n'est pas forcément représentative des résultats des élections au suffrage universel direct de 2017. Pourquoi me ferais-je agresser par les partisans du fédéralisme ? Je représente le point de vue d'un certain nombre de nos concitoyens qui ne sont pas populistes pour autant. Que les chantres de la démocratie commencent par respecter des opinions qui sont largement partagées au niveau national - on le verra lors des prochaines élections européennes...

Ce texte traduit une évolution vers une marginalisation de ceux qui ne veulent pas d'une Europe fédéraliste. Ainsi du seuil minimal de 3 %.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean Louis Masson.  - Voilà la conséquence d'être non inscrit ! Le temps de parole est très limité. J'y reviendrai.

M. François Bonhomme.  - Nous n'en doutons pas...

M. Philippe Bonnecarrère .  - Le plus simple, c'est un projet de loi qui vise à rendre le processus électoral plus transparent et à renforcer la légitimité du Parlement européen. Notre droit électoral national intègre déjà ces évolutions. Nous l'approuvons, car la convergence avec nos partenaires est nécessaire et pertinente.

Le plus important est ailleurs : dans la participation future aux élections européennes et dans l'articulation entre les parlements nationaux et européen. La faible participation, talon d'Achille de l'Europe, nous confronte à la vision que nos concitoyens ont de l'Europe et de son rôle dans leur vie quotidienne. La renforcer demande de la pédagogie, une vision de long terme.

Comment surmonter le paradoxe d'une Europe qui doute d'elle-même alors qu'elle a franchi de multiples étapes en matière d'intégration - marché unique, monnaie unique, espace Schengen, charte des droits fondamentaux... - et accompagné de nombreux États membres vers la démocratie ? Les chantiers à venir ne sont pas moins importants, par exemple en matière de défense.

Cette question nous renvoie aussi à la crise démocratique. On voit, avec le grand débat, que tout est dans tout. Difficile de faire la pédagogie des élections européennes en pleine crise de légitimité nationale, de concilier démocratie participative et démocratie représentative... Au-delà du 26 mai, l'exercice de pédagogie devra s'inscrire dans la durée.

Enfin, les parlements nationaux devraient reprendre le paquet Tusk qui proposait de revaloriser leur rôle dans le processus européen. Nous sommes également attentifs au sort des propositions de résolutions européennes - peut-être ce sujet, que la ministre viendra aborder prochainement devant la commission des affaires européennes, figurera-t-il dans la future révision constitutionnelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et LaREM)

Mme Colette Mélot .  - « L'Europe, c'est l'espoir. Choisissez votre Europe ! » Tel était le slogan des élections de 1979. Depuis, le Parlement européen n'a cessé de voir son rôle renforcé dans l'équilibre institutionnel - tandis que la participation aux élections européennes ne cessait de s'éroder, atténuant la portée de ces progrès démocratiques.

Malgré une réelle transparence, le Parlement européen semble opaque. Nos concitoyens jugent l'Europe illisible et éloignée de leurs préoccupations.

Le contexte a évolué et les questions de l'immigration, du Brexit et de la cybersécurité pèseront le 26 mai. Les citoyens veulent une Europe qui les protège, sociale et solidaire.

Ce texte est une opportunité de répondre aux attentes et de démontrer la légitimité du Parlement européen, mais aussi de dénoncer une nouvelle fois les fake news qui décrédibilisent l'Union européenne.

L'harmonisation du processus électoral est une réponse, même si elle ne sera pas suffisante. C'est une avancée modeste, qui témoigne de la volonté d'avancer, malgré la difficulté de la négociation.

Comme pour le rétablissement de la circonscription unique, il s'agit de faire du Parlement européen le coeur battant d'un projet européen porté par le peuple. Je rends hommage à Simone Veil, première présidente du Parlement européen, dont l'image vient d'être honteusement vandalisée : « Se fixant de grandes ambitions, l'Europe pourra faire entendre sa voix et défendre des valeurs fortes : la paix, les droits de l'homme, la solidarité. L'Europe, c'est le grand dessein du XXIe siècle ». Soyons à la hauteur de ses paroles et ne ratons pas le rendez-vous du 26 mai prochain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ces modifications apportées à l'Acte électoral de 1976 seront sans conséquences en France dont le droit a déjà intégré les différentes dispositions proposées. Nous y sommes donc favorables.

L'exposé des motifs suggère que le texte permettra de redynamiser le projet européen et, partant, la démocratie en Europe. L'objectif est pertinent vue la désaffection croissante pour le scrutin européen, mais je doute que ce texte suffise à y parvenir.

S'il parait opportun de renforcer les principes communs qui régissent les élections au Parlement européen, afin d'en souligner le caractère européen, il serait paradoxal d'accoler à ces élections la tenue d'un référendum national. Les enjeux européens ne doivent pas, le 26 mai, s'effacer derrière les enjeux nationaux.

Je ne suis pas pour autant favorable à l'instauration de l'éventuelle « procédure uniforme dans tous les États membres ». Si des règles communes à tous les États membres sont évidemment essentielles, elles ne doivent pas conduire à ignorer les traditions, les particularités et les sensibilités nationales, auxquelles les citoyens sont attachés.

Dans le domaine électoral comme dans les autres, l'Union européenne doit trouver la bonne distance et laisser aux démocraties nationales des espaces de respiration. Évitons de confondre, en un réflexe pavlovien, harmonisation et uniformisation.

Le président de la République, à la Sorbonne, avait évoqué l'élection de députés européens sur des listes transnationales. À lire l'exposé des motifs, ce serait la suite logique de l'harmonisation des procédures électorales...

Je redis notre opposition à de telles listes, qui reposent sur l'illusion qu'il existerait un peuple européen. Imaginer, comme Guy Verhofsdtat, que des listes transnationales contribueraient à le faire advenir relève de la pensée totémique, pour ne pas dire de billevesées.

Si les peuples qui composent l'Union européenne sont liés par une communauté de destin, ils ont avant tout pour cadre de référence la communauté nationale.

A contrario, les listes transnationales favoriseraient l'élection de députés « hors-sol », « hors-peuple », sans lien avec les électeurs. Mais peut-être est-ce l'objectif du Gouvernement, qui déjà a imposé une circonscription unique. Certes, les huit circonscriptions régionales étaient vides de sens, mais il fallait redécouper en 79 circonscriptions avec scrutin majoritaire, pour garantir davantage de proximité - vous avez fait l'inverse.

Vous m'objecterez que l'Acte électoral de 1976 impose un scrutin proportionnel, mais je reste convaincu que le député européen doit, comme tout élu en démocratie, demeurer à portée d'engueulade de ses électeurs.

Je ne crois donc nullement aux conséquences positives de ce texte sur la participation aux élections du 26 mai et j'entends déjà les lamentations habituelles sur le trop faible taux de participation - les mêmes causes produisant les mêmes effets... Il faudrait plutôt des projets politiques clairs qui répondent aux besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Pierre Laurent .  - Heureusement que notre groupe a demandé ce débat, sinon ce texte serait passé dans l'indifférence générale. Dans trois mois, des élections européennes se tiendront, qui pourraient avoir de graves conséquences sur les nations. Mais, malgré les signaux d'alerte sur la crise démocratique entre les citoyens et l'Europe, rien ne change. L'Europe est au bord du chaos et vous n'agissez pas ! Les décisions sont prises pour le seul intérêt des financiers, les peuples sont mis à l'écart - ce n'est pourtant pas la volonté de débattre qui manque dans notre pays, voyez ce qui se passe avec le « grand débat ».

La France a rappelé son ambassadeur en Italie, c'est grave, le maire de Gdansk a été assassiné, la démocratie est foulée aux pieds en Hongrie, c'est grave. Les Britanniques ont voté le Brexit, c'est grave ! Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a ouvert trois bureaux en Europe, à Bruxelles, Rome et Budapest, pour coordonner les campagnes de l'extrême-droite et peser sur le scrutin à venir, c'est grave ! Mais qui en parle sérieusement aux Français ?

Pendant ce temps, le Gouvernement privatise ADP, Engie, les barrages hydrauliques ; les services publics désertent nos territoires et Bruxelles continue, dans de folles logiques concurrentielles, à déréglementer : quatre textes sont en préparation à la Commission européenne. Il est fou de poursuivre dans un tel aveuglement ! Il faut remettre la souveraineté entre les mains des citoyens.

Le débat européen sera à nouveau bradé, caricaturé en un choix tronqué entre libéralisme et extrême-droite ! Le seuil de 5 % adopté par la loi du 25 juin 2018 et les règles applicables aux temps de parole représentent un véritable déni démocratique.

Il faut au contraire permettre un débat véritablement populaire. Il faut se réveiller ! Stoppez ce déni de démocratie, il y a péril en la demeure - nous connaîtrons des heures sombres si rien ne change rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Yves Leconte .  - Ce texte n'est pas une révolution. Il est bien que nous en débattions néanmoins. Il faut entrer dans le fond des sujets, au-delà de l'opposition stérile entre pseudos progressistes et pseudos populistes. Ce texte est issu d'un long travail du Parlement européen. Dommage que le débat se focalise sur ce que les États n'ont pas fait, plutôt que sur ce qu'a fait le Parlement européen, qui réalise un travail trop méconnu au service des citoyens - c'est même l'outil majeur de la démocratisation de l'Europe.

L'imposition progressive de la rigueur de Maastricht a profondément abîmé la vision de l'Europe. Nous y sommes confrontés.

Les États membres ne semblent plus croire aux avancées de 2014 sur l'élection du président de la Commission européenne, je le regrette. Cependant, et c'est heureux, ce texte rappelle que les députés européens sont des représentants des citoyens européens, pas seulement des États membres.

Dans une résolution de 2016, le Sénat avait plaidé pour une circonscription unique pour les Européens résidant hors de l'Union européenne : nous pourrions prendre cet objectif pour 2024.

Je regrette l'inscription d'un seuil minimal de 5 %, imposé par l'Allemagne pour, pensait-elle, faire barrage à la progression de l'AFD - quelle erreur !

Je salue, comme Français de l'étranger, l'incitation à mettre en place des outils de vote pour les citoyens vivant à l'étranger. Certes, il faut lutter contre les doubles votes, mais cela ne doit pas priver certains de pouvoir voter. Il faut, à cet effet, prévoir un droit de recours.

Le groupe socialiste et républicain votera ce texte, il ne fera pas passer l'Europe d'une communauté de destin à une communauté de desseins, mais c'est un petit pas utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Richard .  - Le groupe communiste républicain et citoyen a eu raison de demander un débat comme le permet notre Règlement. L'Union européenne reste une construction unifiée partielle : nous restons des États souverains qui avons consenti des transferts de compétences - l'unanimité est requise en matière fiscale, par exemple - dans le cadre d'un succédané de traité.

S'agissant des règles de représentativité, le problème vient de ce que nous avons une assemblée unique, qui représente à la foi les États et les citoyens. Je rappelle que si nous avions un critère purement démographique, les petits États disparaîtraient quasiment du Parlement européen. Des députés doivent pouvoir représenter Malte, le Luxembourg ou Chypre.

La proportionnelle, critiquée par M. Bonhomme, n'a pas été combattue, ces quarante dernières années, par sa famille politique - qui a été majoritaire au Parlement européen pendant la majeure partie du temps. La France a toujours choisi la moindre interprétation de la proportionnelle établie par les traités - avec le seuil de 5 % - compte tenu de sa préférence traditionnelle pour le fait majoritaire.

Quand nous en avons débattu au Sénat, nous avons tous souhaité éviter le vote préférentiel. Il faut respecter le choix des électeurs de soutenir des partis sans ralliement européen.

Nous débattrons du nombre de sièges dont disposera la France après le Brexit, après la fin du feuilleton. Le drame qui se joue à Londres rappelle l'utilité de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. Jean Louis Masson .  - Je voterai contre ce texte, comme vous l'imaginez. Je m'oppose aussi aux modalités de ce scrutin. Lorsqu'un État est petit, il est normal qu'il soit moins représenté. Nous le faisons à l'échelle nationale, avec des écarts de 20 % entre circonscriptions, mais nous ne pouvons pas accepter des écarts de représentativité de 1 100 %, comme c'est le cas pour le Parlement européen.

L'article unique est adopté.

Le projet de loi est définitivement adopté.