Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement, retransmises en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Chacun veillera à la courtoisie, au respect mutuel et au respect du temps.

Actes antisémites (I)

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette semaine, des violences à l'encontre des juifs et la promotion de la barbarie nazie ont marqué l'actualité. La première semaine de février, sept édifices catholiques ont été profanés. Comme si à la crise sociale, à la crise territoriale s'ajoutait une crise du coeur, qui touche l'essence de notre humanité, à notre histoire personnelle et collective. Or la République laïque doit garantir à tous la liberté de croire ou de ne pas croire.

Quelles dispositions prendrez-vous pour garantir une spiritualité apaisée, pour que la France reste le pays des Lumières et ne devienne pas celui de la barbarie et de l'obscurantisme ?

N'est-il pas temps de nommer les fauteurs de troubles ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Vous m'interrogez sur le climat nauséabond qui se répand dans notre pays. Vous m'interrogez avec gravité et demandez des réponses effectives : nous sommes en phase. Les actes antisémites, inacceptables, répugnants, se multiplient : menaces contre les personnes, tags, attaques contre les symboles, à l'exemple de l'atteinte à la mémoire d'Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois.

Vous faites bien de rappeler que la République respecte le sacré. Nous avons le droit de croire ou de ne pas croire ; quand nous croyons, nous devons être respectés. Toujours, sous la République, on a respecté les églises, les cimetières, les lieux de culte. Le dire ne suffit certes pas mais le jour où nous ne le dirons plus, nous serons perdus.

Il faut certes aller plus loin. Le Gouvernement agit dans plusieurs domaines. Celui de la formation des policiers, gendarmes et magistrats d'abord, car ces actes doivent être mieux décelés, faire l'objet d'instructions plus complètes et de sanctions plus sévères. Celui de l'éducation ensuite - combat ancien mais permanent contre l'ignorance et l'obscurantisme. Ce combat est difficile. L'expression « hussard noir » faisait référence à l'uniforme des instituteurs mais aussi à leur combat. Partout, nous devons livrer ce combat contre la haine, les préjugés, la bêtise la plus crasse et la méchanceté la plus vile.

Nous aurons encore l'occasion, en 2019, de renforcer notre droit, notamment sur la responsabilité des gestionnaires de réseaux sociaux qui prétendent n'en être que les hébergeurs. Nous avons engagé la discussion avec nos partenaires européens et agirons au plan national.

Enfin, il faut nommer ceux qui commettent de tels actes. Du vieil antisémitisme français, qui n'a jamais été l'apanage d'une seule famille politique, à cet antisémitisme résurgent qui se nourrit du conflit israélo-palestinien et de l'islamisme radical, tous doivent être combattus. Soyez assuré de l'indéfectible détermination du Gouvernement. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Dominique de Legge.  - Il faut avoir le courage de nommer les auteurs : c'est l'extrême-gauche antisémite, l'islamisme radical qui veut imposer la charia et l'extrême-droite néonazie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

« Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde », disait Albert Camus. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Rétablissement de l'ordre républicain

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Au nom du groupe UC, j'exprime notre plus vive indignation contre les inscriptions et profanations antisémites visant Simone Veil ou Ilan Halimi. Révulsés, nous redisons notre solidarité envers la communauté juive et condamnons les dégradations d'églises, synagogues et mosquées. Cela doit cesser.

Or le mouvement des gilets jaunes est aussi générateur d'appel à la haine, et entretient chaque samedi un climat nauséabond fait de populisme et d'antiparlementarisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC) Ils ne sont plus qu'une poignée, ne représentant qu'eux-mêmes. Dans une démocratie, les représentants sont élus ! Vous recevez comme moi des courriers insensés appelant à la destitution du président de la République. Au diable l'État de droit ! Peu importent les conséquences économiques, les salariés mis au chômage technique !

Les commerçants n'en peuvent plus et descendent eux aussi dans la rue, l'exaspération gagne les élus municipaux dont les villes subissent des dégradations. L'agitation de rue doit cesser : qu'ils manifestent, mais selon les règles républicaines !

Le mandat du président s'achève dans 166 semaines ; en serons-nous alors à l'acte CLXVI des gilets jaunes ? Quand allez-vous rétablir l'ordre républicain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - En effet, le mouvement des gilets jaunes se résume désormais à des manifestations de voie publique, tous les samedis après-midi, qui dégénèrent souvent - et c'est un euphémisme. Á chaque manifestation, quelques centaines d'individus s'en prennent aux institutions, aux mairies, aux forces de l'ordre, aux parlementaires, de manière très violente.

C'est inédit, avec des manifestations non déclarées, infiltrées par l'ultragauche, l'ultradroite parfois, avec des gilets jaunes radicalisés qui ne représentent plus qu'eux-mêmes.

J'étais hier à Dijon pour soutenir nos forces de l'ordre, dont je salue le courage et l'abnégation. Depuis le 16 novembre, nous avons interpellé 8 410 personnes. 7 500 gardes à vue ont été décidées et 1 500 personnes condamnées. Les investigations judiciaires permettent de confondre les casseurs, parfois plusieurs semaines après les faits. Nous attendons beaucoup des dispositions législatives qui permettront d'écarter ces individus des manifestations. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)

Prélèvement à la source

M. Bernard Buis .  - L'impôt sur le revenu est désormais prélevé à la source depuis janvier, réforme longtemps annoncée, aujourd'hui soutenue par les trois quarts des Français.

Le Gouvernement a fait le pari de l'intelligence collective. Le pari que les Français verraient l'avantage d'un paiement en temps réel de l'impôt. Le pari que les entreprises s'organiseraient en temps et en heure. Le pari que les crédits d'impôt soient versés sous forme d'avance de 60 % dès le 15 janvier, sur la base du montant de l'année précédente pour les cinq millions de Français utilisant des services à la personne ou de garde d'enfants. Le pari que le ministère déploierait tous les moyens de communication, d'information et d'accompagnement.

Ce succès montre la préparation de la réforme. (Exclamations croissantes à droite où l'on juge la question complaisante.)

Les Cassandre en tout genre se sont trompés : ceux qui parlaient d'usine à gaz au Sénat - une proposition de loi a même été déposée pour retarder la réforme...

M. le président.  - Votre question.

M. Bernard Buis.  - Si c'est un succès (Manifestations d'impatience à droite), c'est grâce aux entreprises et collecteurs, mais aussi aux équipes techniques de votre ministère. Il faut maintenant transformer l'essai. (Les protestations à droite couvrent la voix de l'orateur.) Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour accompagner les entreprises en 2019 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. le président.  - Terminé !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - (Brouhaha sur les bancs ; M. Martin Lévrier applaudit.) Oui, le prélèvement à la source est une bonne réforme.

M. Rachid Temal et M. Jean-Marc Todeschini.  - Merci Hollande !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Sept millions de nos compatriotes voient leur revenu varier de plus ou moins 10 % chaque année. Désormais le montant de l'impôt sera ajusté chaque mois.

Nous avons formé 40 000 agents des finances publiques pour apporter toutes les réponses aux contribuables et aux entreprises, dans les perceptions, sur internet et via les quatorze centres d'appel. Nous avons travaillé avec les éditeurs de bulletins de paie pour que cette évolution prenne la forme d'une opération de maintenance des logiciels de déclaration sociale nominative, sans investissement nouveau, pour contenir les coûts.

Nos équipes se sont pleinement mobilisées pour répondre aux contribuables et contemporanéiser autant que possible les crédits d'impôt et, comme nous nous y étions engagés devant le Sénat, à faire preuve de bienveillance envers les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Actes antisémites (II)

M. Olivier Léonhardt .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Monsieur le Premier ministre, lundi 11 février, les arbres plantés à Sainte-Geneviève-des-Bois en hommage à Ilan Halimi ont été coupés, profanés. J'étais maire de cette commune en 2006, quand Ilan a été retrouvé agonisant près de la voie ferrée, après 24 jours de torture. Il est mort parce qu'il était juif. C'était malheureusement un événement annonciateur.

Depuis ce 13 février 2006, mourir en France parce qu'on est juif n'est plus si exceptionnel. Les condamnations de principe, commémorations et minutes de silence ne suffisent plus. J'étais avec vous, monsieur le Premier ministre, mardi dernier, lors de la remise du prix Ilan Halimi. Je sais que vous allez me dire, à raison, que des efforts sont faits, pour la formation des policiers et des magistrats, qu'il faut légiférer contre les messages haineux sur les réseaux sociaux...

Mais il faut des actions plus rapides et plus fortes. L'éducation doit primer. Or des projets pédagogiques, associatifs ou institutionnels, destinés à la jeunesse ne sont pas menés, faute de moyens. Les 6 millions d'euros annuels consacrés à la délégation interministérielle contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT suffisent-ils ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Cette profanation a suscité une immense émotion ; je comprends particulièrement la vôtre, vous qui étiez maire au moment du drame.

Mardi - la date était fixée depuis longtemps -, nous remettions pour la première fois le prix Ilan Halimi, né d'une initiative portée par Jérôme Guedj, alors président du conseil général de l'Essonne, récompensant les projets pédagogiques visant à faire comprendre les enjeux de l'antisémitisme. Toutes ces initiatives mobilisant les jeunes - ici une scène nationale, là un collège ou une association - sont des messages d'espoir.

Les quatre projets qui ont été primés étaient remarquables. Oui, il faut former, éduquer, dénoncer, ne jamais renoncer. D'autres l'ont dit avec plus de talent que moi, mais pas avec plus de détermination.

Ce combat est un art d'exécution, à mener de façon systématique. Nous avons apporté un soutien matériel aux équipes laïcité.

Ce ne sera jamais suffisant, certes, et le combat est sans doute éternel. Nous sommes à l'écoute de toutes les pistes, de tous les instruments que vous pourriez proposer, car nous avons besoin de l'engagement et de l'intelligence de chacun. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, RDSE, LaREM et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Tarif de l'électricité

Mme Cécile Cukierman .  - En décembre, le ministre de la transition écologique assurait que les tarifs de l'électricité seraient gelés et que les tarifs de l'énergie baisseraient de 2 à 3 %. Nous en sommes à 6 % de hausse ! Après celle de la mobilité, vous allez créer une nouvelle fracture territoriale et risquez de faire basculer de nouveaux ménages dans la précarité énergétique, alors qu'ils sont déjà six millions.

Vous demandez à nos concitoyens de payer encore plus, alors que ces hausses sont le reflet de l'échec de la libéralisation du marché de l'électricité : les factures augmentent de 100 euros par an, alors que les demandes de revalorisation du Smic sont balayées d'un revers de main.

Hausse des prix du carburant, de l'énergie, des prix alimentaires : c'est une véritable politique de paupérisation que vous conduisez. CTA, TFCE, TVA, CFCE pèsent pour un tiers dans la facture des ménages. Quand allez-vous réduire la taxation de ce bien de première nécessité qu'est l'électricité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous avez mentionné trois types d'énergie. La forte hausse des prix des carburants en octobre était liée à la hausse du prix du pétrole sur le marché mondial.

M. Philippe Dallier.  - Et ça va revenir !

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Depuis, ils ont baissé. Nous avons tenu notre engagement de stopper la trajectoire de hausse des taxes sur les carburants - un alignement entre essence et diésel, motivé par des considérations de santé publique - et sur le gasoil non routier.

Je me suis engagé à ce que le tarif régulé du gaz baisse au 1er janvier 2019 ; de fait, il a baissé de 2 %.

Quant au tarif régulé de l'électricité, il doit, dit la loi, recouper les coûts de production. Nous appliquons la loi : ces derniers augmentent, le tarif augmentera donc. Si nous ne le faisions pas, la hausse serait plus douloureuse l'année prochaine. Toutefois, nous nous sommes engagés à ne pas augmenter le tarif pendant l'hiver, nous nous y tiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Cécile Cukierman.  - Je vous interroge sur la baisse des taxes, vous me répondez que le prix de l'électricité augmentera à l'été. Mais cette hausse sera répercutée l'hiver prochain ! Vous ne réglez pas la question du prix d'achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Actes antisémites (III)

M. Yves Daudigny .  - Rues de Paris noircies d'inscriptions antisémites, croix gammées sur des portraits de Simone Veil, « Juden » sur la devanture d'un restaurant, les arbres en mémoire d'Ilan Halimi sciés : l'hydre renaît.

Cet antisémitisme qui reste, qui mute, qui questionne notre devoir de mémoire et percute nos valeurs républicaines, est désinhibé par les réseaux sociaux qui véhiculent une insondable passion pour la haine.

Les actes et menaces antisémites ont crû de 74 % l'an dernier.

Ils traduisent la réalité vécue par nos compatriotes à cause de leur kippa ou de leur patronyme, dans la rue, dans les transports, sur internet, à l'école ou devant leur lieu de culte.

À ceux qui se croient imperméables, rappelons ces mots de Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l'oreille : on parle de vous ».

Quelles mesures allez-vous prendre contre ce phénomène qui sème la honte et l'horreur dans le pays des droits de l'homme ? Nous serons aux côtés de tous ceux qui lutteront contre ce fléau. (Applaudissements)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le Premier ministre vous a présenté notre plan 2018-2020 contre le racisme et l'antisémitisme.

La plateforme Pharos permet de repérer les contenus haineux sur internet et de demander aux fournisseurs d'accès de les retirer. Des investigations judiciaires permettent de confondre les auteurs et donnent lieu à de nombreuses condamnations. Une expérimentation est menée à Marseille pour former les enquêteurs et magistrats afin de mieux caractériser cette odieuse circonstance aggravante qu'est le caractère antisémite d'une infraction. Nous allons poursuivre dans ce sens.

Le ministre de l'Intérieur travaille étroitement avec tous les cultes pour sécuriser les fêtes et cérémonies les plus importantes dans les lieux de culte. Nous agissons avec détermination. L'ensemble des fonctionnaires de police et de gendarmerie sont mobilisés et le fonds interministériel de prévention de la délinquance aide tous les cultes à investir dans des dispositifs de sécurisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

Décrets d'application caméras mobiles

M. Jean-Pierre Decool .  - Ni provocation ni perfidie dans ma question : un coup de téléphone aurait peut-être suffi. Mais il y a un malaise.

Emmanuel Macron a lancé des pistes de réflexions sur les institutions, dont la simplification et l'accélération de la procédure législative. Certes, nous sommes réticents à toucher à nos droits parlementaires... Mais comme vous tancez sur la lenteur législative, permettez-nous de vous tancer sur la lenteur réglementaire. Une loi a été votée au Sénat le 13 juin 2018, puis définitivement adoptée le 30 juillet par l'Assemblée nationale pour expérimenter l'utilisation de caméras piétons par les policiers municipaux. Procédure rondement menée... mais les décrets n'ont toujours pas été pris et les caméras restent dans les tiroirs ! L'opinion publique ne comprend pas ce décalage entre la décision politique et sa concrétisation, surtout sur les caméras piétons, qui ont démontré leur utilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs des groupes RDSE et UC)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les caméras piétons ont été expérimentées pendant deux ans, la loi en a généralisé la possibilité d'usage. Elles sont un outil précieux pour les policiers et les gendarmes et je souhaite que les policiers municipaux puissent les utiliser. Elles font baisser les tensions, apportent des preuves et sont utiles dans la formation du personnel.

M. François Grosdidier.  - Nous le savons depuis dix ans !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Le décret en Conseil d'État est en cours d'examen, les circonstances d'utilisation sont complexes.

M. Simon Sutour.  - C'est Courteline !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous travaillons avec les polices municipales pour améliorer le continuum de sécurité. Il n'y a aucune volonté de temporiser mais au contraire le souci d'améliorer la gestion de la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Financement du logement social

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les chiffres de la construction pour 2018 sont mauvais : - 7 %. Ceux des logements sociaux sont très mauvais : 20 % en deux ans en Île-de-France, sans perspective d'amélioration en 2019.

Cela pénalise les Français qui attendent un logement social et les communes pour la réalisation de leurs objectifs de la loi SRU - le CGEDD tirait la sonnette d'alarme dès 2015, estimant qu'en 2019 les deux tiers des communes risquaient d'être carencées.

Á cela s'ajoute la crise du secteur du logement social que vous avez déclenchée !

Quelles instructions les préfets de région - qui président le comité régional de l'habitat - recevront-ils pour tenir compte de la bonne volonté des maires pour atteindre leurs objectifs de la loi SRU ? (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes CRCE et LaREM)

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Les chiffres viennent de tomber : 119 000 logements ont été lancés en 2018 contre 113 000 l'année précédente. Notez que l'année de référence, 2016, était une année exceptionnelle. (On s'en félicite sur les bancs du groupe SOCR.)

La baisse de 3 % en Île-de-France porte le niveau de construction au même niveau qu'en 2015. C'est vrai, nous n'avons pas assez de logements sociaux. À court terme, il faut lever les inquiétudes. C'est le sens de la clause de revoyure.

Deuxième volet, la mise en oeuvre de la réforme des organismes HLM - grâce à la loi Elan ; 230 sur 340 ont autorisé le regroupement, les deux tiers ont bien avancé.

Quant aux carences vis-à-vis de la loi SRU, je prends bonne note de vos propos.

M. Philippe Dallier.  - Sur le constat au moins, nous pouvons être d'accord : il y a urgence pour le logement social. Mais ici au Sénat, sur tous les bancs, des Républicains aux Communistes, nous avons tous dit, dès l'an dernier, que vos décisions allaient précipiter le secteur dans la crise : nous y sommes ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Les maires ne doivent pas payer les pots cassés de vos erreurs ! Prenez enfin les bonnes décisions ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Épidémie de grippe

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'épidémie de grippe est à son niveau maximum, avec 1 100 décès depuis janvier. Les salles d'attente sont pleines, comme les urgences. Un médecin réanimateur de l'hôpital d'Arpajon a expliqué à France 3 qu'il était obligé de donner la priorité aux urgences virales, au détriment de prises en charge programmées notamment en chimiothérapie - qui ont dû être décalées.

Selon l'Agence nationale de santé publique, les résultats en semaine 5 sur l'efficacité du vaccin sont insatisfaisants : 59 % pour la souche A(H1N1) et 19 %pour la souche A(H3N2). Pouvez-vous confirmer le bilan ? Qu'en est-il de cette efficacité ? Faut-il rendre le vaccin obligatoire pour les publics fragiles et le personnel le plus exposé ? Ne faut-il pas lancer des campagnes de prévention plus ambitieuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Chaque hiver, le virus de la grippe circule, avec des conséquences graves sur les publics fragiles, personnes âgées et malades.

Les urgences sont saturées ; aussi nous avons cherché à augmenter la couverture vaccinale des personnes âgées, des personnes diabétiques, obèses et femmes enceintes. Nous avons augmenté la couverture des personnels de santé de 16 % et élargi la possibilité de se vacciner dans les pharmacies dans quelques départements, ce qui a donné lieu à 700 000 vaccinations. Nous l'étendrons à toute la France en 2020. J'ai également demandé à tous les ordres des professionnels de santé, d'agir en leur sein pour inciter à la vaccination des professionnels.

Certes, le vaccin n'a pas une efficacité optimale, mais il faut tenir également compte qu'en cas de vaccination, si la maladie se déclare, son effet est moindre. En semaine 6, l'efficacité est de 74 % et 21 % pour les deux souches, nous en saurons davantage prochainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jacques Mézard et Mme Françoise Laborde applaudissent également.)

Fonction publique

M. Arnaud de Belenet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Voilà près de 80 ans, le statut des fonctionnaires était créé. Hier soir, monsieur le ministre Dussopt, vous avez présenté aux partenaires sociaux un projet de réforme pour la transformation de la fonction publique. Cette transformation est nécessaire, parce que le secteur public, comme le privé, est confronté à des changements majeurs, avec le digital et l'intelligence artificielle, ainsi que les exigences nouvelles des usagers, parce que la mobilité est un enjeu nouveau pour les jeunes générations, et encore parce que des contraintes d'organisation empêchent le redéploiement de services publics dans certains territoires, en particulier ruraux.

Depuis 40 ans, on demande aux agents de s'adapter, sans que les moyens ne suivent. Des métiers doivent être interrogés, les fonctionnaires ont droit à une deuxième ou une troisième carrière. Vous proposez plus de mobilité, plus de reconnaissance du mérite, plus d'égalité dans les carrières entre les hommes et les femmes.

Quelle place donnerez-vous dans le débat aux syndicats, aux associations de collectivités, aux fonctionnaires, aux agents publics eux-mêmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - J'ai en effet présenté hier aux partenaires sociaux - avec lesquels nous travaillons depuis un an - une réforme pour transformer la fonction publique, la rendre plus efficace, tout en donnant de nouveaux droits aux agents, améliorer leur formation et les mobilités, encourager le mérite, tenir compte des évolutions numériques, offrir une deuxième voire une troisième carrière.

M. Rachid Temal.  - C'est un démantèlement !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Vous avez vous-même remis mardi, avec le député Jacques Savatier, un rapport très utile sur la formation, né de rencontres nombreuses sur le territoire. Il nous sera précieux. La place réservée aux syndicats et parlementaires sera grande naturellement pour construire une fonction publique rénovée, moderne au service des agents et de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; exclamations sur quelques bancs à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous cassez la fonction publique, plutôt !

Retrait américain de Syrie

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Dans la guerre contre Daech, les Kurdes ont neutralisé plus de 30 000 djihadistes, sacrifiant des milliers de combattants. Pourquoi alors, à l'heure de la victoire, les abandonner ? Privés d'armes lourdes et de couverture aérienne, ils sont exposés à une attaque de l'armée turque et de ses supplétifs islamistes - on l'a vu l'an passé dans le canton d'Afrin, où il y a eu des crimes relevant d'un véritable nettoyage ethnique. Nous ne pouvons l'accepter.

Il faut que l'ONU crée une zone de protection dans le nord de la Syrie, pour protéger les Kurdes de la Turquie et du régime syrien, contenir l'influence russe et iranienne, et protéger les minorités. Il y a là une occasion historique de sauver l'honneur de la coalition contre Daech.

Pouvons-nous compter sur le président de la République et le Gouvernement pour agir en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE ; M. Julien Bargeton et Mme Françoise Laborde applaudissent également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Nous sommes à la veille d'une opération décisive au Levant. L'opération Chammal achève la reconquête de l'ultime bastion de Daech en Syrie. Nos alliés américains conditionnent leur retrait annoncé à la défaite du califat terroriste. Il ne faut pas se précipiter, d'autant que certaines vérifications sur le terrain sont difficiles à établir. Nous poursuivons les discussions pour donner des garanties aux Kurdes de Syrie. Alors que la situation humanitaire se dégrade, il faut une solution politique pour prendre en compte leurs préoccupations mais aussi celles de la Turquie.

M. Rémi Féraud.  - J'entends l'intention, mais il faudra passer aux actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

Débat national

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, Emmanuel Macron a organisé le grand débat. Concertation, discussion, négociation, ouverture, écoute : ces mots martelés par le président de la République sont devenus l'alpha et l'omega de sa méthode... mieux vaut tard que jamais ! C'est le seul moyen de sortir de la crise.

Mais cette nouvelle méthode aurait-elle échappé à votre Gouvernement ? Réforme de la justice contre tous les professionnels, malgré une table ronde organisée par le Sénat pour vous tendre la main, loi Santé sans concertation, réduction de la desserte TGV que les Français n'ont pourtant pas demandée, carte pénitentiaire imposée sans dialogue avec les élus locaux, ordonnances sur toujours plus de sujets... Pourquoi mettre les parlementaires à distance, si vous recherchez l'apaisement ? Quand accepterez-vous la seule méthode qui fonctionne : la concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci de cette question qui vient à point. Le grand débat est en cours ; vous citez des textes sur lesquels nous avons des désaccords... Il faut bien les acter, mais sans oublier ceux sur lesquels nous avons trouvé des accords, par exemple la loi ferroviaire. C'est le jeu normal de la démocratie.

Le Parlement sera saisi des questions traitées par le grand débat, car il faudra aussi revitaliser la démocratie représentative dans son rôle d'interface entre le Gouvernement et les citoyens. Nous comptons sur le Parlement pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Une voix à droite.  - Et la réponse ?

M. Cédric Perrin.  - Pour dialoguer, il faut être deux ; quand il y a décalage entre les annonces et les actes, le remède peut être pire que le mal - gare à la déception qui risque d'être à la hauteur des espoirs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Situation d'Arjowiggins

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur l'avenir, que vous avez le pouvoir d'améliorer, des 250 salariés de l'entreprise Arjowiggins, victimes de patrons voyous et charognards. Arjowiggins est la seule entreprise française à pouvoir réaliser le papier de nos passeports, cartes d'identité, permis de conduire... Sénatrice de Seine-et-Marne, je suis sidérée par votre mutisme. Pas plus que le président de la République, Bruno Le Maire n'a pas daigné répondre à mon courrier, rien non plus en réponse à la question de Christian Jacob hier à l'Assemblée nationale. (M. Edouard Philippe le dément avec indignation.)

Qui d'autre qu'une entreprise française pour réaliser le papier de nos documents d'identité ? C'est une question de sécurité nationale ! Qu'attendez-vous, monsieur le Premier ministre ? Les salariés se désespèrent, et nous aussi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La société Arjowiggins Security de Jouy-en-Morin a été placée en liquidation judiciaire le 30 janvier dernier. L'ancienne filiale de Sequana de 265 salariés avait été reprise par le groupe germano-suisse Blue Motion Technologies, qui s'était engagé devant le tribunal de commerce à maintenir les emplois et à investir. Ce groupe n'a pas tenu ses engagements, malgré les efforts de l'État y compris sur le plan financier : le repreneur a eu un comportement irresponsable.

Le Premier ministre a répondu hier au président Jacob et rappelé l'engagement de l'État et dit aussi combien la situation est dégradée.

Les acteurs privés n'ont pas tenu leurs engagements, il faut regarder la réalité en face. La question du président Jacob arguait hier de la capacité des élus locaux à se rassembler pour trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Jacques Mézard et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)

Mme Anne Chain-Larché.  - Assez de vent ! Il n'est pas question ici de savoir si l'on doit cocher la case « parent 1 » ou « parent 2 », mais de sauver des emplois en France et d'assurer notre indépendance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.