Création de l'Office français de la biodiversité

Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement (procédure accélérée) et du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (procédure accélérée).

Discussion générale commune

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - J'ai le plaisir de vous présenter le projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations de chasseurs et de la police de l'environnement.

Ce projet s'inscrit dans le prolongement des plans pour la biodiversité de 2018. L'Office français de la biodiversité fusionne l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l'Agence française pour la biodiversité (AFB).

La biodiversité est une richesse pour la France, qui représente 10 % de la biodiversité grâce à ses outre-mer et son espace maritime, et qui abrite de nombreuses espèces protégées. Mais cette biodiversité est, pour 30 %, menacée par la pollution et l'artificialisation des sols. C'est pourquoi, le Gouvernement a lancé un plan pour la protéger.

Un mot d'abord sur le nom de l'établissement, l'Office français de la biodiversité. Certains voulaient y inclure la chasse. Opposer chasse et protection de la biodiversité n'est pas pertinent. Finalement l'Office français de la biodiversité a été retenu, conformément au choix du Gouvernement et des agents qui ont été consultés.

J'ai dit à l'Assemblée nationale que le conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité comprendra 30 à 40 membres ; avec ses commissions pouvant réunir des délégations. Il y aura un collège de parlementaires, avec un représentant prévu pour les outre-mer.

Je veux vous rassurer : cet établissement sera financé. Nous devons trouver 30 millions d'euros pour sécuriser la partie fonctionnement, mais aussi pour abonder la contribution, à hauteur de 10 euros par permis de chasse, des actions en faveur de la biodiversité des fédérations de chasseurs.

La préfiguration avance. J'ai présidé deux comités de pilotage. La discussion avec les partenaires sociaux avance, notamment pour la requalification des inspecteurs de l'environnement de la catégorie C vers la catégorie B.

Le nombre d'accidents mortels à la chasse a baissé, mais les accidents restent nombreux : 130 l'an dernier. C'est pourquoi le Gouvernement veut renforcer la sécurité. Nous déposerons deux amendements pour homogénéiser les règles de sécurité à la chasse et mettre en place un dispositif de rétention-suspension du permis.

Pour les dommages du gibier, un dispositif d'indemnisation est prévu avec la suppression de la péréquation d'une incitation financière de chaque chasseur.

La gestion des associations communales de chasse agréée (ACCA) et des plans de chasse seront transférés aux fédérations départementales de chasseurs. L'État interviendra en cas de défaillance grave des fédérations et restera compétent pour fixer les objectifs de prélèvements d'espèces au niveau départemental. Ce transfert sera financé dans le cadre du financement global de la réforme.

La gestion adaptative des espèces consiste à mieux adapter le niveau de prélèvement d'une espèce à son état de conservation. Là encore, elle contribuera à une chasse plus durable. Un comité d'experts a été créé début mars. La liste des espèces concernées est renvoyée à un décret.

La mobilisation de 5 euros par permis de chasse et par an a pour contrepartie, je l'ai dit, l'apport de 10 euros par permis validé à la charge de l'État. Les modalités de mobilisation de cette contrepartie font l'objet d'un travail conjoint avec l'AFB et la fédération nationale. Nous y associerons, si besoin est, les agences de l'eau.

Le fichier national du permis de chasser, sujet sur lequel le Gouvernement a déposé un amendement de précision, sera créé à partir de la base des permis délivrés, alimentée par l'ONCFS puis bientôt l'OFB, et de la base des validations de permis, gérée par la fédération nationale et alimentée par les fédérations départementales. Ces deux bases sont depuis très récemment opérationnelles et interconnectées.

Troisième volet, le renforcement des pouvoirs de la police de l'environnement. Les inspecteurs de l'environnement pourront désormais mener des enquêtes ordinaires en totalité, du constat de l'infraction jusqu'à l'orientation de poursuites. En outre, de nouvelles procédures entrent en vigueur dans le cadre de la loi Justice, notamment la co-saisine par le procureur des inspecteurs de l'environnement et de la gendarmerie lorsque cela est nécessaire. La mission sur la justice environnementale, lancée par la Chancellerie et le ministère de la Transition écologique et solidaire, a identifié quelques évolutions utiles qui vous seront proposées sous forme d'amendements. Elle ne recommande pas, à ce stade, d'attribuer à ces inspecteurs des pouvoirs de coercition.

Au titre de la police administrative, le Gouvernement souhaite également compléter le dispositif, notamment pour garantir l'exécution des décisions de suspension prises à titre conservatoire par l'autorité administrative compétente, dès lors qu'il y a un caractère d'urgence avéré.

Vous le constatez, ce texte est riche et équilibré. J'espère que vous l'examinerez dans le même esprit constructif qu'à l'Assemblée nationale et qu'en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Nous examinons ce texte trois ans après la loi sur la biodiversité de 2016, qui avait créé l'AFB, en fusionnant l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), les parcs nationaux de France, l'Agence des aires marines protégées et l'Atelier technique des espaces naturels (ATEN). À l'époque, il semblait prématuré d'y associer l'ONCFS. C'est chose faite avec ce projet de loi dont nous partageons les principales dispositions.

Les chasseurs sont les premiers gardiens de la biodiversité. Pour arpenter la nature de long en large, ils sont les premiers à constater les changements de la nature ou les dépôts sauvages. La nature, parfois rude et hostile, a besoin d'être entretenue pour offrir ces paysages époustouflants que les touristes admirent l'été.

Le texte transmis par l'Assemblée nationale présentait certaines lacunes, qui appelaient des clarifications et un rééquilibrage général. En commission, nous avons adopté près de 80 amendements. Je salue Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques et M. Cardoux, président du groupe d'études Chasse et pêche, avec lesquels nous avons travaillé en étroite concertation.

Nous avons, d'abord, amélioré la gouvernance de l'établissement public, avec une représentation plus équilibrée de toutes les parties, en particulier du monde cynégétique, dont nous avons voulu marquer la place en renommant l'opérateur « Office français de la biodiversité et de la chasse ». Nous avons supprimé la règle de la majorité acquise aux représentants de l'État et renforcé l'efficacité du conseil d'administration en le rendant moins pléthorique tout en le rendant plus représentatif.

Nous avons, ensuite, étoffé les pouvoirs de police des inspecteurs de l'environnement. Favorables à un renforcement de leurs pouvoirs de coercition, sur lesquels le texte initial était presque muet, nous avons toutefois refusé de leur conférer des pouvoirs calqués sur ceux des officiers de police judiciaire.

Puis, nous avons renforcé la partie du texte sur la chasse. Toutes les chasses doivent être prises en compte, dans leur diversité. Dans nombre de territoires, la chasse reste une activité populaire, accessible aussi bien à des jeunes ouvriers ou artisans qu'à des retraités aux revenus modestes. Nous avons conforté les missions des fédérations départementales en matière de gestion du patrimoine naturel et d'organisation des activités de chasse. Nous avons inscrit dans la loi l'abondement par le Gouvernement de 10 euros par permis de chasse et par an, en contrepartie de l'obligation incombant à chaque fédération de dépenser au moins 5 euros par permis en faveur de la protection de la biodiversité. La Fédération nationale des chasseurs gérera un fonds de péréquation entre fédérations locales.

Les dégâts des grands gibiers sont un fléau. Ainsi la commission a-t-elle accru les pouvoirs des préfets et décidé de mesurer avec certains critères le nourrissage des sangliers ainsi que la vente et le transport de ces animaux, pour mieux maîtriser les populations et les risques sanitaires.

En matière de gestion adaptative, la commission veut éviter que ce nouveau dispositif ne se traduise par des contraintes excessives pour les chasseurs. Elle a donc atténué les sanctions encourues en cas de manquement à l'obligation de transmettre les données de prélèvement.

Pour améliorer la protection du patrimoine naturel, outre l'introduction dans le code de l'environnement d'une définition de la géodiversité, nous avons élargi le périmètre des aires marines protégées et clarifié les critères de reconnaissance des zones humides.

Nous sommes favorables aux mesures renforçant la sécurité à la chasse. Chacun a compris qu'il était temps de sortir des oppositions stériles et caricaturales entre défenseurs et opposants de la biodiversité. Nous devons avancer ensemble pour trouver des solutions pragmatiques, concrètes, partagées.

Enfin, le budget : il manque 40 millions d'euros au budget de l'OFB. Madame la ministre, vous vous êtes engagée à financer l'office pour des crédits strictement budgétaires mais je crains que les agences de l'eau ne soient mises à contribution.

M. Charles Revet.  - C'est à craindre, en effet !

M. Jean-Claude Luche, rapporteur.  - J'espère que le débat sera l'occasion de lever les craintes. (Applaudissements sur tous les bancs, sauf sur ceux du groupe CRCE)

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Les chasseurs, souvent décriés, sont des acteurs incontournables de la biodiversité. Je ne peux que regretter que leur rôle ne soit pas reconnu à sa juste valeur.

Les chasseurs n'ont, en effet, pas attendu ce texte pour conduire des actions en matière de biodiversité. Les montants engagés dépassent bien souvent les 5 euros par permis de chasser.

Ce texte confie aux fédérations départementales de chasseurs les plans de chasse et la gestion des ACCA, qui sont la garantie d'une chasse populaire.

La fusion de l'AFB et de l'ONCFS fait l'unanimité désormais, y compris des chasseurs. Par souci de rééquilibrage, nous avons rebaptisé le nouvel opérateur.

Nous avons rééquilibré son conseil d'administration en faveur des chasseurs, mais aussi des agriculteurs et des forestiers. Il est important que l'État recherche des consensus avec tous les acteurs. Il ne détient pas la majorité dans les parcs nationaux, non plus qu'à l'ONCFS, ce qui n'empêche pas leur bonne gestion.

Se pose la question des moyens humains et financiers de l'OFB. Alors même qu'on renforce les pouvoirs des inspecteurs de l'environnement, ils ne sont pas en nombre suffisant. Il manque 40 millions d'euros au budget de l'OFB. Vous avez pris des engagements mais nous connaissons tous Bercy. Nous craignons tous que les agences de l'eau soient de nouveau mises à contribution. Ce serait contraire au principe, fixé dans la directive européenne, selon lequel l'eau paie l'eau.

M. Charles Revet.  - Exactement !

M. François Bonhomme.  - Elles sont à sec !

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis.  - Ces prélèvements deviennent une manie alors que les besoins des communes et des intercommunalités en matière d'eau potable et d'assainissement restent importants.

En conclusion, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable au texte sous réserve de l'adoption de ses amendements et de réponses aux questions que suscitent ses aspects financiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Jérôme Bignon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Si l'on me disait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier. Je reprends à mon compte ces propos de Martin Luther King. Mon engagement sur ces questions est ancien, il m'a conduit un peu partout dans le monde. Et, je peux en témoigner, il y a de très belles initiatives en métropole comme en outre-mer.

Chaque action, même la plus anodine, compte pour maintenir cette biodiversité, qui est une condition de notre propre survie. La biodiversité est le tissu vivant de notre planète et notre pharmacie. Plus de 70 % des cultures que nous consommons dépendent de la pollinisation et les experts s'accordent pour dire que la crise actuelle d'extinction est plus rapide que jamais et liée exclusivement à l'activité humaine. L'équivalent d'un département de terres agricoles disparaît tous les dix ans en France. Heureusement, la biodiversité s'impose de plus en plus dans le débat public, grâce à la jeunesse et je pense évidemment à la jeune Suédoise Greta Thunberg.

La France a pris sa part des grands engagements internationaux. Le Millenium Assessment pour 2030 et les 17 Objectifs de développement durable sont essentiels à la réussite des accords de Paris.

Le groupe Les Indépendants se réjouit de la création de l'OFB, qui sera un opérateur clé pour protéger et restaurer la biodiversité. À l'Assemblée nationale, j'avais été le promoteur législatif de l'Agence des aires marines protégées en 2005. J'avais soutenu son intégration dans l'AFB, j'avais d'ailleurs eu l'honneur de rapporter le texte qui créait cet opérateur fusionné pour le Sénat. Je ne peux donc qu'approuver cette nouvelle étape. L'OFB sera un outil pertinent, concret et complet, pourvu que les moyens humains et financiers suivent...

Le projet de loi, technique à première vue, traduit un portage politique affirmé. Je salue le travail des rapporteurs Luche et Chain-Larché, la coopération en bonne intelligence avec les acteurs de la biodiversité avec les chasseurs.

Si on laisse passer le temps de faire une chose, on la manque. C'est le Kairos des Grecs. Ce temps est arrivé. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. François Patriat .  - C'est le texte des engagements tenus, ceux du président de la République et ceux du Gouvernement, ceux des actions du monde de la chasse et des environnementalistes. Voté largement à l'Assemblée nationale, il s'inscrit dans un pari audacieux : celui que la chasse se responsabilise et gagne en durabilité.

Le candidat Macron avait dit que la chasse, ni sport ni loisir, était un mode de vie. Mais ce texte n'est pas une loi Chasse. J'ai commis, jadis, un rapport qui a abouti à la loi du 24 juillet 2000. Ses avancées ont été reconnues dans le monde cynégétique ; depuis, la chasse est inscrite dans notre droit positif.

Je salue le travail de la ministre et de Sébastien Lecornu. La création de l'AFB est attendue par les mondes de la chasse et de l'environnement. Je retiendrai de ce texte deux apports significatifs : le renforcement des pouvoirs de police, que les maires des territoires ruraux réclament et auquel le monde de la chasse est très attaché et, sujet moins facile, la gestion adaptative des espèces. J'entends beaucoup de bruit hors de l'hémicycle sur cette question, mais c'est le bon sens ! Personne ne souhaite mettre à mal les espèces menacées. La gestion doit concerner seulement les espèces qui posent problème pour la biodiversité, que ce soit parce que les populations diminuent ou parce qu'elles augmentent. Brisons ce tabou des espèces qui seraient intouchables ! Il faut mettre fin à l'effet cliquet, qui veut qu'une espèce non chassable puisse l'être indéfiniment. La gestion doit s'appliquer autant à l'oie cendrée qu'au cormoran, au goéland comme à la tourterelle des bois. Les États-Unis ou le Canada gèrent parfaitement cette situation depuis plus de vingt ans. Regrettons, à ce propos, que le Conseil d'État n'ait encore rien compris alors que le commissaire européen à l'environnement a écrit, pour la première fois en vingt ans, que l'on pouvait chasser les oies en février sans aucun problème.

Nous reviendrons sur les dégâts de gibiers, l'engrillagement ou l'agrainage ; gardons, en tout cas, l'objectif de clarification et de responsabilité.

Enfin, le financement. L'État doit se recentrer sur ses compétences régaliennes, nous pouvons faire confiance aux fédérations. J'ai l'intime conviction que la réforme sera totalement financée et que l'Etat assumera ses choix. Néanmoins, les flux croisés qui sont indispensables pour cette première saison devront faire l'objet d'une renégociation rapide pour la prochaine loi de finances. Pour parler clair, je pense que l'argent de l'eau doit payer l'eau, l'argent de la chasse payer la chasse, et que les missions régaliennes de police rurale et d'expertise sur la biodiversité terrestre devaient être à la charge de l'État.

Aux esprits chagrins qui pensent que le Gouvernement ne sait pas négocier avec les corps intermédiaires, notamment, ce texte donne la preuve du contraire. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et CRCE) Je salue d'ailleurs le président de la fédération nationale des chasseurs.

Je salue, enfin, le remarquable travail de concertation qu'a effectué la ministre en même temps (Mêmes mouvements) sur le grand débat national et cette loi biodiversité. Elle a réussi l'exploit d'amener les chasseurs à des compromis sans que personne ne perde son âme. J'appelle le Sénat à soutenir ce texte et les amendements du Gouvernement qui sont le fruit d'intenses négociations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et Les Indépendants ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Rassembler tous les opérateurs de la biodiversité dans un organisme unique n'est pas une idée nouvelle. L'AFB, dont le rôle est d'appuyer l'État dans la gestion des espaces naturels et de fournir aux acteurs locaux une expertise, et l'ONCFS, qui assure un rôle de police de l'environnement, de lutte contre le trafic d'espèces menacées et de suivi des espèces protégées comme le loup, sont complémentaires. Leur fusion donnera naissance à un opérateur cohérent et puissant, rapprochera gestion de la biodiversité et de l'activité cynégétique. L'action sera mieux coordonnée et mieux répartie sur le territoire.

Comment ne pas souscrire aux objectifs de ce texte ? Notons qu'après l'Agence nationale de cohésion des territoires et la loi d'orientation des mobilités, le Gouvernement devient le spécialiste de la plomberie administrative. Tout plombier sait que colmatage ne vaut pas entretien du réseau... Nous n'avons toujours pas vu en loi de finances les 600 millions d'euros du plan Biodiversité, non plus que les 40 millions d'euros qui manquent à ce nouvel organisme. Quant à la contribution des agences de l'eau, en plomberie toujours, cela s'appelle du siphonnage... C'est plus de 240 millions d'euros par an pour l'AFB et plus de 30 millions d'euros pour l'ONCFS. C'est peu dire que la ministre ne nous a pas rassurés... Les agences de l'eau, à elles seules, ne peuvent suffire à financer l'OFB. L'eau paie l'eau... et la biodiversité et la chasse désormais !

Autre inquiétude que soulève ce texte : le déploiement de l'Office dans les territoires, ce qui est pourtant sa raison d'être car on ne gère pas la biodiversité depuis un bureau parisien... Un exemple parmi d'autres : la situation précaire des agents des brigades loups n'est pas admissible. Après un long suspense, leur CDD a été prolongé en contrat d'avenir...

Au-delà, je salue le compromis qui a été trouvé à l'Assemblée nationale. Il a malheureusement été mis à mal en commission. C'est dommage, et pour les chasseurs d'abord. Transformation du nom de l'Office, chasse à la glu, gestion des réserves naturelles par les fédérations de chasseurs ou encore extension de la chasse aux oiseaux migrateurs ont été adoptés en commission. Nous tenterons de revenir à un texte plus équilibré. Ne faut-il pas sortir des postures caricaturales, comme le souhaite le rapporteur ?

Alors que la planète connaît sa sixième extinction de masse, et qu'elle est le fait de l'homme, j'espère que le Sénat, chambre des territoires, gardera raison et saura défendre notre patrimoine commun, la diversité de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; MM. Ronan Dantec et Éric Gold applaudissent également.)

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Chacun a désormais conscience que la biodiversité fait partie du patrimoine commun de l'humanité et que sa préservation est un devoir. Il n'y a pas en effet de biodiversito-sceptiques...

Le constat de la disparition des espèces s'impose à nous tous. La situation est grave et urgente : la moitié des espèces pourrait disparaître massivement d'ici à un siècle en raison de la pollution, du changement climatique, de l'artificialisation des sols ou encore de la surexploitation des espèces.

L'AFB, née de la loi du 8 août 2016, regroupait déjà plusieurs établissements publics. L'intégration de l'ONCFS avait été alors envisagée. Ce projet de loi y pourvoit enfin, créant ce que la commission a rebaptisé l'Office français de la biodiversité et de la chasse. Cette stratégie est cohérente, elle conforte une culture commune et rapproche l'action territoriale et la police de l'environnement.

Je salue le travail mené en commission : renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l'environnement, inscription de la contribution de l'État à hauteur de 10 euros par permis de chasse validé et par an.

Le financement de l'Office reste trop incertain. Le manque de 40 millions d'euros pour 2020 reste en suspens. Assurez-nous, madame la ministre, que l'on ne fera pas des économies sous couvert de mutualisation. Au sein de l'Agence nationale de cohésion des territoires, le Cerema continuera à perdre des moyens : il perdra 105 postes par an jusqu'en 2022. N'oublions pas que l'AFB, qui devient OFB, n'a que trois ans ; sa transformation peut engendrer un sentiment d'instabilité chez ses agents.

Nous sommes convaincus qu'entre chasse et protection de la nature, il existe une complémentarité. Espérons que cet office soit un outil efficace de lutte contre le déclin de la vie sauvage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RDSE) Une exclamation de surprise pour commencer : déjà ! Cette fusion semblait inaccessible il y a moins de trois ans. Nous étions cependant un certain nombre à la trouver indispensable. Que nous disait-on alors ! Saluons donc le courage du président de la République et du Gouvernement.

L'Office, doté de 2 700 ETP, sera un outil important pour mener les politiques de biodiversité. Mais la rapidité de la fusion suscite questions et inquiétudes : quel est le deal entre État et chasseurs se demandent les associations de défense de l'environnement ? La chasse ne sera-t-elle pas la grande perdante, craignent les chasseurs ?

Il y aura sans doute encore des confrontations, mais espérons qu'une culture commune s'imposera progressivement. Lors de l'examen de la loi Biodiversité, Jean-Noël Cardoux et moi-même avions parfois défendu les mêmes amendements - M. Bignon, dont je salue l'engagement, peut en témoigner.

Je soutiens la volonté des rapporteurs d'élargir la gouvernance de l'Office et ne doute pas de la capacité de l'État à équilibrer les représentations.

La méfiance se cristallise autour de la gestion adaptative des espèces. Certains chasseurs n'aident pas, quand ils envisagent que le goéland puisse être chassable. Il ne serait pas raisonnable de tirer des espèces en forte régression comme la tourterelle des bois, chère à M. Patriat... Mais quel plaisir partagé quand ces chasses seront à nouveau autorisées ! Préservation des biotopes et lutte contre les pollutions chimiques rendront possible une chasse durable. Si une espèce voit sa population augmenter, elle peut être chassée, et inversement. Tout est dans cet adverbe.

Le nombre de chasseurs est passé de 2,2 millions en 1975 à 1,2 million en 2018. Un tiers de plus de 65 ans, 2,2 % seulement de femmes, c'est l'effondrement de l'espèce, qui ne joue plus son rôle de régulation des écosystèmes, par exemple pour le sanglier. Pourtant, les associations de chasseurs font des efforts : certains organisent même des covoiturages pour se rendre sur le lieu des battues. Il faut que le monde de la chasse, plutôt que d'élever des lobbyistes...

M. François Bonhomme.  - Vous n'en êtes pas, peut-être ?

M. Ronan Dantec.  - ... se concentre sur sa communication, montre son action bénéfique afin de susciter de nouvelles adhésions. Car il est illusoire de compter sur les seuls loups pour réguler suidés et cervidés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR, CRCE et UC)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte de menaces et de pressions sur la biodiversité : changement climatique, fréquentation croissante, fiscalité sur le foncier défavorable aux espaces naturels, prolifération du gibier.

Les chasseurs sont la pierre d'angle du futur Office français de la biodiversité. S'ils sont essentiels à la régulation des populations de gibier et donc à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, ce projet de loi doit appréhender la biodiversité dans sa globalité en s'assurant que chaque acteur prenne en compte la réalité des autres.

Les dégâts de gibiers sur l'agriculture et la sylviculture sont indéniables. En 2017, les chasseurs ont versé 37 millions d'euros aux agriculteurs. C'est dire l'impact préjudiciable sur des exploitations agricoles souvent fragiles.

Pour la forêt, point d'indemnisation. Pourtant, les dégâts, considérables, viennent fragiliser une forêt déjà vulnérable, dont les services écosystémiques sont insuffisamment reconnus. Gérée dans une logique de multifonctionnalité, préservant la biodiversité et créatrice d'emplois, elle doit pouvoir s'appuyer sur des politiques publiques cohérentes.

Pour cela, il convient que le projet de loi accorde aux forestiers une meilleure représentativité et veille à la cohérence entre plan de chasse et plan d'aménagement forestier ; qu'il réaffirme la pertinence du code forestier et confie des prérogatives ajustées aux inspecteurs de l'environnement, notamment pour lutter contre les dépôts sauvages ; qu'il fixe les orientations politiques en se fondant sur les plans régionaux forêt-bois, en préservant le droit d'arbitrage du préfet.

Autant d'éléments d'équilibre figurant dans le rapport Cardoux et que je vous proposerai d'intégrer au texte. Espérons que nous aboutirons à un compromis qui fera sens sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Joël Bigot applaudit également.)

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'Office français de la Biodiversité sera-t-il une chance ou une menace pour la chasse ? C'est la grande interrogation.

Ce mot « chasse » ne semble pas le bienvenu dans la dénomination. Pourtant, la chasse est un élément incontournable de la biodiversité.

La place des chasseurs et pêcheurs de loisir dans le pléthorique conseil d'administration de l'OFB est réduite à la portion congrue. Or le monde de la chasse apportera 45 millions d'euros au budget général.

L'excellence en matière d'études et de contribution à la biodiversité de l'ONCFS seront-elles sauvegardées ?

La future police de l'environnement, à direction unique comme nous le souhaitions en 2016, luttera-t-elle efficacement contre le grand braconnage et l'exploitation mercantile des espèces ?

La gestion adaptative des espèces, méthode révolutionnaire mais encore balbutiante en France, provoquera-t-elle enfin un débat apaisé entre chasseurs et défenseurs de l'environnement ? Comme M. Dantec, je le souhaite. Hélas, cela semble mal parti au regard de la procédure engagée devant le Conseil d'État par trois associations pour s'opposer au prélèvement de 4 000 oies, pourtant validé par Bruxelles.

Le comité des experts chargé de déterminer les espèces concernées sera-t-il suffisamment impartial ? S'appuiera-t-il assez sur les associations de chasse spécialisées ?

Le permis national à 200 euros attirera-t-il de nouveaux chasseurs ? Cela favoriserait le nomadisme cynégétique. Il faudra toutefois trouver un équilibre financier pour répondre aux inquiétudes de certaines fédérations.

Au sujet des dégâts de grand gibier, le dialogue apaisé s'établira-t-il entre agriculteurs, chasseurs et forestiers ? La menace de la peste porcine africaine plane. Depuis quelques années, chaque bloc en présence a ses certitudes, reste arc-bouté sur ses récriminations, sans aucun dialogue. Sans concessions mutuelles, je crains que le coup de sifflet final soit donné par la peste porcine africaine...

La taxe à l'hectare, y compris sur les territoires non chassés, sera-t-elle suffisante pour faire face aux charges ? Sera-t-elle supportable par les petites fédérations ? Je présenterai un amendement visant à atténuer les conséquences financières pour les grands territoires avec peu de chasseurs.

Cette réforme enrayera-t-elle l'idéologie végane et antispéciste, qui bénéficie hélas de l'oreille complaisante des médias ?

Nous avons déposé un amendement sur le délit d'entrave à l'action de chasse, qui ne concerne pas que la vénerie dans les forêts franciliennes. Dans l'Est, les installations fixes qu'utilisent les chasseurs sont régulièrement sabotées, au risque de provoquer des accidents. Idem pour ceux qui pratiquent la chasse à la hutte. Dans un État de droit, il est inacceptable d'empêcher ce qui est autorisé.

Avec les commissions de l'aménagement du territoire et des affaires économiques, nous avons travaillé à des solutions. Le groupe Les Républicains votera dans sa grande majorité le texte amendé par la commission.

L'enjeu est encore et toujours la survie du monde rural face à la métropolisation. Fermeture des commerces, difficultés de mobilité, désertification médicale - vous connaissez ces sujets aussi bien que moi. Nombre de nos compatriotes acceptent ces inconvénients pour vivre à la campagne leurs passions que sont la chasse et la pêche. Et notamment, pour les Ligériens, la chasse traditionnelle. Laissons-les vivre librement, sans leur imposer de contraintes inacceptables. La survie de la ruralité que nous aimons en dépend. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. Jean-Paul Prince .  - Si l'OFB n'a pas vu le jour dès 2016 au moment de la création de l'AFB, c'est que l'ONCFS et la Fédération nationale de la chasse estimaient manquer de visibilité sur l'avenir de ce nouvel établissement.

Les conditions d'une union réussie sont désormais réunies. La création de cet office favorisera une répartition plus homogène sur le territoire et les pouvoirs de police des inspecteurs de l'environnement seront renforcés.

Le financement de la biodiversité par le prélèvement de 5 euros par permis de chasse est justifié mais il faut inscrire dans la loi que l'État versera le double. Oui à ce que le responsable de la chasse fixe les plans de chasse de chaque territoire, sous la tutelle du préfet.

Je veux soulever le problème de l'engrillagement. En Sologne, des clôtures de plus de deux mètres de haut prolifèrent autour de vastes propriétés de plus de mille hectares. C'est une aberration visuelle néfaste pour la mobilité des grands animaux et la préservation de la biodiversité. Les PLU et PLUI peuvent interdire les clôtures de plus d'1,20 mètre, et il sera toujours possible de clore une parcelle.

Avec la gestion adaptative des espèces, le décret listant les espèces ouvertes à la chasse pourra être revu à terme pour réintégrer celles qui perturbent les écosystèmes. Je pense aux milliers de cormorans qui pillent les étangs de Sologne, au grand dam des pisciculteurs.

Reste le problème du financement de l'Office. Il manque 40 millions d'euros dans le budget annuel. Ils ne sauraient venir des agences de l'eau. Une réponse claire de la ministre sur ce point serait bienvenue.

Nous serons attentifs au devenir du personnel des organismes fusionnés, s'agissant notamment de leur avancement de carrière.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Paul Prince.  - En tant qu'élu de Sologne, je redis mon attachement à l'intégration de la chasse et de la pêche dans la gestion de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Michel Magras .  - La logique de rationalisation en matière de défense de la biodiversité ne doit pas sacrifier l'attention particulière à porter aux outre-mer. Le législateur de 2016 avait inscrit dans la loi créant l'AFB un comité d'orientation pour la biodiversité ultramarine.

Si un tel comité peut relever de l'organisation interne, il est impérieux, dans le silence de ce projet de loi, d'en rappeler l'exigence. Je déplore que le Gouvernement n'ait pas concédé aux outre-mer une juste place dans l'architecture du nouvel établissement. L'outre-mer joue pourtant un rôle essentiel en matière de biodiversité. Faut-il rappeler les chiffres ? Quelque 11 millions de km2 de zone économique exclusive faisant de la France, grâce à l'outre-mer, la deuxième puissance maritime au monde ; 55 000 km2 de récifs et de barrières de corail avec, notamment, le rare exemple de double lagon à Mayotte ; 8 millions d'hectares de forêt guyanaise, une des dernières forêts primaires...

Plus de 80 % de la biodiversité nationale se trouve en outre-mer. Cette richesse est aussi source de complexité et de vulnérabilité. La délégation sénatoriale à l'outre-mer travaille sur ce sujet. Nous sommes ainsi témoins de l'implication de l'AFB pour l'outre-mer. Préservation rime avec valorisation et biodiversité avec développement soutenable, rappelait son président.

L'outre-mer est aussi la première victime du dérèglement climatique. Une structure gardienne de la politique de préservation et de la valorisation de la biodiversité ultramarine au sein du futur organisme s'impose.

La chasse ancestrale dans la forêt guyanaise doit être prise en compte tant pour son aspect patrimonial que pour son rôle dans la subsistance des populations amérindiennes. Sur ce sujet, il faudra une concertation étroite avec les chasseurs.

Enfin, s'agissant des pouvoirs des inspecteurs de l'environnement, la collectivité de Saint-Barthélemy sera sans doute amenée à solliciter une extension adaptée à ses particularités. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) L'un des sujets à mettre en exergue est la recherche de convergences entre deux mondes antagonistes : d'un côté, les vertueux défenseurs de l'écologie, de l'autre, les chasseurs, qui ont forcément tort... Il est audacieux de les fusionner dans une même structure, de marier ainsi la carpe et le lapin !

Accoler « et de la chasse » au nom de l'Office français de la biodiversité ne me semble pas illégitime.

Le Gouvernement n'y est pas favorable, comme si la chasse était un gros mot.

Ce débat sémantique illustre l'influence du politiquement correct et de certains lobbies pour lesquels les chasseurs sont des monstres. Or la grande majorité des chasseurs sont des acteurs de la biodiversité. Chasse et pêche participent à notre culture du partage, du vivre ensemble, du bien manger et du bien vivre, dit Carole Delga, pour qui les chasseurs sont « les sentinelles de la nature ».

Ce bain de nature nous est rappelé par les scènes de chasse dans les collines du massif du Garlaban, relatées par Marcel Pagnol dans La Gloire de mon Père.

Les chasseurs entretiennent et plantent chaque année plus de 20 000 km de haies et bosquets et entretiennent des milliers de mares d'un grand intérêt écologique. Ils luttent contre la prolifération du gros gibier, qui cause des dégâts croissants, pas toujours faciles à indemniser. Le bénévolat des chasseurs correspond à 11 000 emplois, auxquels s'ajoutent 1 500 professionnels.

J'étais récemment à l'assemblée générale des chasseurs de l'Hérault ; son président avait convié des agriculteurs, des forestiers, des élus, des randonneurs... Il faut bâtir ensemble une stratégie pour cohabiter sur le même territoire. N'opposons pas les uns aux autres mais construisons ensemble !

Les chasseurs veulent qu'on leur reconnaisse le droit d'exister. Ils vont contribuer au fonds de protection de la biodiversité à hauteur de 5 euros par permis de chasse, et l'État s'est engagé pour le double. Pourquoi attendre le projet de loi de finances pour le voter ?

Que dire des 40 millions d'euros de financement manquants ? Les agences de l'eau sont-elles mises à contribution ? Enfin, j'espère que les débats apporteront des précisions sur la gouvernance et la représentativité des collèges. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Franck Menonville et M. Jean-Paul Émorine applaudissent également.)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État .  - Je salue et remercie les orateurs. Les questions centrales de la gouvernance et du financement seront au centre de nos débats ; je suis optimiste, un accord est à notre portée.

Monsieur Cardoux, ce texte, qui résulte d'une grande concertation, est bien une chance pour la chasse. Nous avons rapproché les points de vue, car l'urgence à agir pour la biodiversité est partagée.

Monsieur Magras, l'outre-mer est très largement représentée dans la gouvernance avec cinq représentants de chaque écosystème ultramarin au sein du conseil d'administration, en sus de la représentation parlementaire.

Monsieur Gontard, cette fusion n'a pas pour objet de réaliser des économies mais de réunir deux établissements, dans le respect de l'évolution de la fonction publique de l'État.

Monsieur Bignon, les préconisations de votre rapport sur les zones humides ont été intégrées par amendement. Nous reviendrons sur les dégâts de gros gibiers et la lutte contre la peste porcine africaine. L'engrillagement, autre sujet délicat, a déjà été abordé en commission.

Vous le voyez, je crois que le consensus trouvé entre les parties prenantes est possible dans cet hémicycle !

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLE PREMIER

Mme Françoise Férat .  - Il existe des similitudes entre les missions conférées aux agences de l'eau et les compétences de l'Office français de la biodiversité. Comment vont-elles s'articuler ?

L'AFB revêtait déjà une large partie des missions de l'Office français de la biodiversité, mais n'avait pu les déployer entièrement. Des enchevêtrements de compétences avec les agences de l'eau ont-ils été observés ? L'Assemblée nationale a précisé les contours de la mission de l'OFB relative aux politiques de l'eau et de la biodiversité en réaffirmant leur ancrage territorial. Cela interpelle les acteurs de terrain...

Pourriez-vous nous apporter des précisions sur le financement de l'office ? Les agences de l'eau se trouvent déjà en difficulté. Est-ce une façon de nous annoncer leur fin programmée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Robert Laufoaulu .  - L'importance de la biodiversité française se trouve outre-mer. L'article premier prévoit que l'OFB pourra mener des actions en outre-mer, dans le cadre de conventions avec les collectivités territoriales. Comment celles-ci seraient-elles mises en oeuvre concrètement ? Cela impliquerait-il un cofinancement des actions ?

La France a pris, dans le cadre du One Planet Summit, une initiative remarquée pour l'adaptation, la biodiversité et la résilience dans le Pacifique. De nouveaux projets sont-ils à l'ordre du jour à ce titre ? Les collectivités territoriales françaises y seront-elles éligibles ? Où en sommes-nous de l'équivalent fond vert pour les outre-mer du Pacifique ?

Notre biodiversité est aussi riche que fragile : elle doit être protégée. Pour cela nous avons besoin du soutien déterminé de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Ronan Dantec applaudit également.)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) L'effondrement de la biodiversité sur terre est de plus en plus visible. Or la biodiversité, c'est la vie, c'est un vaste tissu d'interactions constantes entre espèces, nous compris. Sans elle, nous risquons une crise alimentaire mondiale.

Heureusement, la nature possède une capacité de résilience extraordinaire - pour peu qu'on la laisse tranquille.

La France métropolitaine possède la plus grande biodiversité d'Europe : 5 000 espèces de plante, contre 3 000 en Grande-Bretagne et 2 000 en Pologne, 100 espèces de libellules sur les 114 répertoriées en Europe.

Nos terrains abritent un fabuleux foisonnement d'espèces, or seulement 1 % de notre territoire est protégé par des parcs et réserves, contre 10 % en Italie. Chez nos voisins, la faune sauvage se développe - chevreuil en Allemagne, vautour-fauve en Espagne, phoque gris en Grande-Bretagne - mais la France n'obtient pas de si bons résultats. La solution est de protéger plus et de prélever moins ! Pour être véritable homo sapiens sapiens, donnons à la nature la possibilité d'une renaissance du sauvage, nécessaire à notre survie sur terre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. Georges Patient .  - En matière de biodiversité, rien égale la Guyane : 5,3 millions d'hectares de forêt, 5 500 espèces végétales, 684 espèces d'oiseaux, 177 de mammifères, 500 de poissons... Hélas, très peu de moyens sont alloués à son étude, malgré la création de l'Agence régionale de la biodiversité de la Guyane. Espérons qu'elle pourra continuer ses missions sans entrave.

Il faut des dispositions particulières pour la chasse en Guyane eu égard aux traditions de chasse vivrière ancestrales, raisonnées et nécessaires à la survie de la population. Les chasseurs contribuent d'ailleurs à la protection de la biodiversité car ils connaissent les milieux, les espèces. La réglementation cynégétique hexagonale n'est pas adaptée à la situation guyanaise. Je soutiendrai donc les amendements de M. Karam.

Il ne faut pas mettre la forêt guyanaise sous cloche au détriment du développement économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Guillaume Gontard .  - Deux de nos amendements précisant la mission d'expertise de l'Office en matière d'évaluation de la faune sauvage ont été jugés irrecevables. C'est incompréhensible : où est la charge pour les finances publiques ?

Il est nécessaire de préciser que l'OFB a une mission de contrôle de la collecte et de centralisation des données relatives à l'état de la faune sauvage, notamment en matière de prélèvements. Comment protéger la biodiversité, comment réguler si l'on ne connaît pas l'état de la faune ? Or la France, contrairement à ses voisins, est incapable de produire ces données. La Fédération nationale de la chasse est une boîte noire et l'ONCFS ne produit que des estimations sporadiques et imparfaites. La gestion adaptative suppose des estimations fréquentes et affinées pour fixer les quotas de chasse, comme cela est fait par exemple pour la pêche au thon.

Mme Sylviane Noël .  - Le nouvel Office se veut être un opérateur plus fonctionnel, mais il ne sera pas plus économe : le Gouvernement annonce un besoin de financement de 340 millions d'euros. Les agences de l'eau ont déjà financé largement l'AFB et l'ONCFS en 2018. Il est à craindre que cette pratique, véritable hold-up, perdure au détriment des investissements dans les infrastructures de l'eau et de l'assainissement. C'est inacceptable alors que de nombreuses communes rurales subissent des coupures de réseau. L'argent de l'eau doit aller à l'eau. Merci, madame la ministre, de nous rassurer sur ce point.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 30.