Clarification du droit électoral

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral et d'une proposition de loi organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Alain Richard, auteur des propositions de loi .  - Nous entamons cette discussion générale dans un esprit constructif. Le code électoral date de 1956, à une époque où la codification était moins carrée qu'aujourd'hui ; depuis, de nombreuses réformes se sont empilées sans harmonisation, d'où un défaut de cohérence.

Depuis 2002, le Conseil constitutionnel, juge des élections, a comme bon usage de rendre publiques ses observations, à l'occasion de contentieux, sur les améliorations à apporter au droit électoral. C'est ce qu'il a fait le 21 février dernier, à l'issue du contentieux sur les élections législatives de 2017.

Grâce à la commission des lois et à son président, nous avons pu établir une proposition de loi qui fait évoluer le code sur trois points : le contrôle des comptes de campagne et les inéligibilités prononcées ; la mise en cohérence de la fin officielle de campagne ; la clarification du contenu du matériel de vote.

Du fait du grand nombre de candidats aux élections, le travail de contrôle des comptes est devenu massif. Le Conseil constitutionnel propose donc de dispenser de comptes de campagne les candidats qui recueillent très peu de voix et dont les dépenses sont négligeables. La proposition de loi fixe un seul critère pour dispenser ces candidats, ce qui réduirait la charge de travail des institutions.

Le Conseil fait par ailleurs remarquer qu'en raison de la durée des contentieux, une même sanction d'inéligibilité, par exemple de deux ans, n'avait pas les mêmes conséquences selon la date de prononciation, portant ou non le délai jusqu'à l'élection suivante. Là aussi, il demande une solution législative.

Le deuxième sujet soulevé par le Conseil porte sur la cohérence des règles régissant la fin de campagne. La distribution de documents écrits et les interventions audiovisuelles doivent s'arrêter le vendredi soir, minuit, alors que les réunions électorales sont possibles le samedi précédant le jour du vote. Il propose de généraliser le vendredi soir minuit comme butoir.

Troisième point, la jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel varie sur le contenu des bulletins de vote - qu'il n'y a pas lieu de traiter, comme c'est le cas actuellement, comme de la propagande. La proposition de loi interdit toute référence à des tiers non candidats sur les bulletins.

Enfin, afin de consacrer la pratique consistant à s'abstenir de modifier les modalités de l'élection dans l'année qui la précède, nous l'inscrivons dans le code électoral.

Je salue le travail collégial mené en commission des lois sur ces textes et remercie le Gouvernement de ses propositions judicieuses. En s'attelant à clarifier notre code électoral, le Sénat joue pleinement son rôle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)

M. Arnaud de Belenet, rapporteur de la commission des lois .  - Alain Richard nous invite à clarifier diverses dispositions du code électoral qui, depuis 1956, a perdu en lisibilité et en cohérence.

Ces deux textes s'inspirent directement des observations rendues par le Conseil constitutionnel le 21 février dernier au sujet des élections législatives de 2017 mais couvrent l'ensemble des élections.

Leurs objectifs sont de clarifier le contrôle des comptes de campagne et les règles d'inéligibilité et de mieux encadrer la propagande électorale et les opérations de vote.

Ils auront pour conséquences concrètes de simplifier les démarches administratives des candidats et de mettre fin à certains détournements de procédure en matière de propagande électorale. Les nombreux amendements déposés démontrent tout leur intérêt.

Alain Richard propose, tout d'abord, de simplifier les démarches administratives des candidats et d'améliorer les contrôles de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

En effet, la massification du contentieux complique les contrôles. Lors des législatives de 2017, le nombre de candidats ayant déposé un compte de campagne a augmenté de 27 % par rapport à 2012. La CNCCFP a saisi le juge de l'élection à 351 reprises, soit une hausse de 47,5 % par rapport à 2012. Pour les élections départementales de 2015, la CNCCFP a contrôlé plus de 9 000 comptes de campagne, or ses moyens sont limités.

Plutôt que de modifier le périmètre des comptes de campagne, la commission des lois a privilégié l'allégement des démarches administratives des candidats, notamment en élargissant la dispense d'expertise comptable. Aujourd'hui, seuls les candidats dont le compte ne comprend aucune recette ni aucune dépense sont dispensés de recourir à un expert-comptable. Lors des législatives de 2017, plus de 3,5 millions d'euros ont servi à rémunérer des experts-comptables, ce qui représente près de 5 % des dépenses électorales.

Le texte de la commission élargit la dispense aux candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et dont les recettes et les dépenses n'excèdent pas un montant fixé par décret. L'ordre des experts-comptables n'est pas opposé à cette simplification.

Des amendements de M. Karoutchi et de Mme Costes vont plus loin dans la simplification, notamment sur les « menues dépenses ». Un amendement de M. Grand autorise les candidats à recourir aux plateformes en ligne pour recueillir des dons. Nous avions besoin de garanties pour assurer la traçabilité, le Gouvernement les apporte.

La commission des lois a adopté des mesures techniques, notamment pour mieux organiser les contrôles de la CNCCFP, et confirmé l'interdiction pour les personnes morales de garantir des prêts contractés par les candidats.

La proposition de loi et la proposition de loi organique clarifient aussi les règles d'inéligibilité.

Actuellement, le juge peut prononcer l'inéligibilité en cas de dépassement du plafond des dépenses électorales ou de non-dépôt des comptes de campagne. Il en a en revanche l'obligation en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité. En pratique, l'inéligibilité est prononcée seulement lorsque l'irrégularité constatée présente un degré de gravité suffisant.

Pour plus de lisibilité, les textes mettent en accord le code électoral et la jurisprudence. Il ne s'agit en aucun cas d'affaiblir le régime des inéligibilités à l'encontre des candidats fautifs ; il y va de la crédibilité de notre système institutionnel.

Nous avons eu un débat en commission sur le point de départ de l'inéligibilité. La sanction s'applique à compter de la décision définitive du juge de l'élection ; pour une irrégularité équivalente, son effet varie d'un candidat à l'autre, en fonction du délai d'instruction.

Initialement, les propositions de loi faisaient démarrer l'inéligibilité à la date du premier tour de scrutin. La commission des lois a préféré inviter le juge électoral à moduler la durée des inéligibilités prononcées afin que les candidats concernés soient déclarés inéligibles pour les mêmes échéances électorales.

La commission a également clarifié l'inéligibilité prononcée contre les parlementaires pour manquement à leurs obligations fiscales.

Enfin, le droit en vigueur comporte plusieurs ambiguïtés concernant la propagande électorale et les opérations de vote. Ainsi, des réunions électorales peuvent être organisées la veille du scrutin alors qu'il est interdit de distribuer des tracts ou d'avancer de nouveaux arguments. Pour plus de clarté, il est proposé d'interdire la tenue des réunions électorales la veille du scrutin.

La commission en a profité pour élargir les conditions dans lesquelles les Français de l'étranger peuvent tenir des réunions électorales et pour clarifier les règles de propagande des élections sénatoriales, lacunaires.

Il est proposé d'y interdire l'apposition de photographies sur les bulletins de vote. Étonnamment, le Conseil constitutionnel avait admis, en 2017, la représentation d'une tierce personne, ancien député de la circonscription... Nous aurons un débat pour étendre cette interdiction aux affiches. J'y suis personnellement opposé ; en la matière, il me semble que la liberté d'expression doit primer.

Enfin, la proposition de loi inscrit dans le code électoral la tradition républicaine selon laquelle les règles électorales ne sont pas modifiées dans l'année qui précède le scrutin - principe de bon sens qui évitera les accusations de tambouille électorale. Le pouvoir réglementaire sera tenu de le respecter mais le pouvoir législatif pourra y déroger au cas par cas.

En conclusion, la commission des lois vous invite à adopter la proposition de loi et la proposition de loi organique telles qu'amendées.

Je remercie Alain Richard, la commission des lois et son président pour leur confiance et leur accompagnement bienveillant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; MM. Philippe Bonnecarrère et Roger Karoutchi applaudissent également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Le 21 février, le Conseil constitutionnel a fait part de ses observations, riches d'enseignements et de propositions pour notre droit électoral qui comporte des zones d'ombre. Celles-ci peuvent semer le trouble chez les électeurs et les candidats, nous le savons tous ici d'expérience !

Je remercie Alain Richard pour son travail remarquable et salue son engagement constant pour la clarté du droit.

Cette proposition de loi prévoit une harmonisation nécessaire des règles relatives à la tenue de réunions publiques - autorisées la veille du scrutin alors que la distribution de matériel électoral ou l'émission de messages électoraux dans les médias sont interdits. Il fallait lever le paradoxe. Les choses sont désormais claires : tout s'arrête au douzième coup de minuit dans la nuit du vendredi au samedi. Les candidats pourront souffler 24 heures !

Autre avancée, le texte rend toute leur sincérité aux bulletins de vote. La jurisprudence s'est montrée assez permissive... Désormais, noms ou photos de tiers non-candidats seront proscrits, afin d'éviter toute dérive.

La proposition de loi permet bien d'autres progrès, telles que les précisions sur la déclaration de patrimoine en vue du remboursement des frais de campagne.

Ces textes, organique et ordinaire, sont un progrès. J'y émets un avis favorable. Si nous étions contraints par les délais, le Gouvernement veillerait à leur réinscription rapide à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme Françoise Laborde .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) L'adaptation du code électoral est toujours utile pour la vitalité démocratique ; lorsque les fonctions électives sont fragilisées, comme aujourd'hui, elle devient impérative.

La proposition de loi d'Alain Richard, qui fait suite aux recommandations du Conseil constitutionnel, est particulièrement bienvenue. Saluons sa réactivité ! Les modifications proposées vont dans le bon sens, nous y sommes a priori favorables.

L'annulation d'une élection par un juge fait planer l'ombre du discrédit sur l'ensemble des élus. La complexité des règles électorales est telle que les candidats s'exposent à une grande insécurité juridique. L'existence d'une dérogation conduit les petits candidats à s'exonérer de certaines précautions, en raison des coûts importants de ces procédures. La notion de dépense électorale est en outre purement jurisprudentielle.

Les irrégularités constatées par le juge traduisent moins la faible moralité des candidats que la complexité des règles applicables, qui découragent certains candidats et accaparent un temps qui pourrait être consacré à l'élaboration de propositions politiques. Elles sont pourtant incontournables dans le cadre d'un financement à majorité public de la vie politique.

Depuis 1995 la législation s'est renforcée, comme chez nos voisins, avec l'objectif d'assainir le financement de la vie démocratique et de prévenir l'influence de puissances financières ou étrangères.

Des voix s'élèvent pour une banque de la démocratie ou un financement purement privé et transparent, comme au Royaume-Uni. D'autres proposent le renforcement du financement public.

Une réflexion globale pourrait s'engager en parallèle de la réforme des institutions. Le financement de la vie politique coûte 32 euros par an et par Français via les impôts.

La nécessité de simplification dépasse les seules dispositions de ce texte ; le grand nombre d'amendements en témoigne. Ces textes auraient pu permettre d'amender les dispositions sur le sort du suppléant, par exemple.

Les amendements de Jean-Pierre Corbisez concernaient les candidats TGV, qui n'ont aucun lien - ni effectif, ni affectif - avec le territoire où ils se présentent, et qui n'existent qu'en raison du trop grand nombre de pièces admises pour prouver sa résidence sur place.

Notre vote dépendra du sort de certains amendements : ainsi pour les règles de découpage des circonscriptions, car nous souhaitons prendre comme critère la population, non le nombre des électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)

La fin des années quatre-vingt fut marquée par les affaires politico-financières, mais dans les années quatre-vingt-dix, plusieurs lois ont encadré strictement les règles de financement des campagnes électorales. Le présent texte, bienvenu, clarifie les dispositions qui en résultent, sédimentées au sein du code électoral.

Depuis 2011, pas moins de sept lois ont modifié le chapitre consacré au financement et au plafonnement des dépenses électorales. Le nombre de candidats ayant à déposer un compte de campagne est en hausse, le risque de contentieux également.

Je soutiens donc la dispense de recourir à un expert-comptable pour certains candidats, obligation qui peut être inutile et coûteuse. J'approuve aussi les dispositions relatives à l'inéligibilité, qui laissent au juge la possibilité ou non de prononcer l'inéligibilité d'un candidat dont les comptes de campagne sont rejetés - l'intention de frauder n'est pas toujours caractérisée, les comptes sont souvent entachés d'erreurs vénielles et commises de bonne foi, telles que l'avance des fonds pour quelques menues dépenses. Chacun connaît un cas de ce type.

Je salue la proposition du rapporteur de moduler la durée d'inéligibilité en fonction du calendrier électoral. Il est bienvenu également de mettre fin à l'incohérence entre date de fin des réunions publiques et date de fin de la distribution des documents de propagande. Le groupe centriste votera ce texte.

Je salue la réactivité et la célérité de l'auteur de cette proposition de loi ainsi que l'enthousiasme du Gouvernement. Tout cela pourrait nous inspirer plus souvent dans l'élaboration de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Marc .  - Le code électoral, créé en 1956, fut un instrument de clarification, se substituant à 90 textes éparpillés.

Sa structure n'a pas été revue depuis, malgré les efforts de la commission de codification à la fin des années 2000. Ses parties organiques interdisent les ordonnances, traditionnellement utilisées pour réviser les codes.

Le présent texte clarifie les règles régissant les comptes de campagne et l'inéligibilité, la date de fin de campagne, la présentation des bulletins de vote.

Je me félicite des choix de la commission des lois, qui a veillé par exemple à ménager l'équité entre candidats condamnés pour des faits comparables, en vue des échéances électorales suivantes.

Même chose pour les Français établis hors de France et l'interdiction de tenir réunion après le vendredi minuit, ce qui évitera que des candidats se retrouvent piégés alors qu'ils sont de bonne foi. La commission a également interdit le recours à des publicités à caractère commercial dans les six mois qui précèdent le scrutin. Elle a confirmé la pratique consistant à ne pas modifier le code électoral dans l'année précédent un scrutin.

Ces deux textes font oeuvre utile de sécurisation juridique et mon groupe les votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ces textes clarifient le droit électoral. En raison de leur technicité, les dispositions de la loi électorale ne font guère débat parmi nos concitoyens ; elles n'en sont pas moins importantes pour le bon fonctionnement de la démocratie. Depuis 1956, les normes ont beaucoup évolué et cette mise à jour est légitime.

La diversité des enjeux ne fait pas pour autant de ce texte un inventaire à la Prévert.

La proposition de loi organique renforce la notion de volonté de fraude. Des amendements de la commission ont introduit la possibilité de faire varier la durée d'inéligibilité en fonction du calendrier électoral.

La proposition de loi va dans le même sens, avec la dispense de recours à un expert-comptable pour les candidats recueillant moins de 5 % des voix notamment, ou l'harmonisation des délais d'instruction devant la commission nationale des comptes de campagne et du financement politique.

Ce texte, enfin, consacre le principe de stabilité du droit électoral.

Ces deux propositions de loi contribueront donc à une plus grande clarté tout en comblant des lacunes. Ainsi, la loi de 1981 autorisait la tenue de réunions électorales la veille du scrutin, mais non la distribution de matériel de propagande.

L'article 4 aligne le régime des réunions sur celui des autres formes de propagande. L'article 5 explicite, dans le code électoral, les interdictions concernant les inscriptions sur les bulletins de vote. La rédaction comporte aussi des dispositions touchant les élections sénatoriales, sur des points entraînant des risques de contentieux.

Le Sénat inscrit son action en cohérence avec les recommandations du Conseil constitutionnel en 2017.

Le groupe Les Républicains votera ces deux textes. (Applaudissements sur le banc de la commission, sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Une proposition de loi qui simplifie le droit électoral ne peut qu'être soutenue. Exemple : la dispense de recours à un expert-comptable, que je propose d'étendre aux candidats ayant obtenu moins de 7 %, mais ayant dépensé peu. Autre exemple : l'automaticité des peines. N'en déplaise aux monarchistes, le contrôle des comptes de campagne n'est pas une science exacte et le volume de travail comme les délais rendent les erreurs inévitables pour la CNCC. La commission a contrôlé 5 427 comptes en six mois lors des législatives de 2017.

Le périmètre des dépenses est un casse-tête, un labyrinthe où se perdent de nombreux candidats. Ainsi, le déjeuner de l'équipe de campagne n'y entre pas, sauf si un journaliste est invité. Les services à titre gratuit des militants n'y entrent pas, mais les frais de transport, oui. Les rabais de fournisseurs sont acceptés, mais uniquement jusqu'à 20 % des prix du marché - mais comment calculer ces derniers, surtout dans le domaine de la communication ? Lors de la dernière présidentielle, des experts ont été saisis : ils se sont accordés sur le fait qu'il était impossible de les définir.

Que se passe-t-il si le compte de campagne du vainqueur fait l'objet d'une saisine du procureur ? En 1995, alors que le compte du président élu, Jacques Chirac, aurait pu ne pas être validé, c'est celui de Jacques Cheminade qui a été rejeté... C'était M. Roland Dumas qui présidait alors le Conseil. Si Jacques Chirac avait été sanctionné, le deuxième ou troisième candidat aurait en théorie été désigné vainqueur... Politiquement, c'est inimaginable.

De plus, la jurisprudence est à géométrie variable : le président de la République a reconnu que la CNCCFP n'avait pas été saisie pour le dépassement des plafonds de dépenses d'un candidat à la présidentielle de 2012, alors qu'elle l'a été pour d'autres. M. Richard a raison : à la CNCCFP de juger des comptes de campagne. Au juge de décider des suites pénales.

Prudence et justice... Le groupe CRCE votera ces propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et LaREM et sur celui de la commission)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) En 1898, le député Charles Ferry demandait : « Pourquoi inventer toutes ces chinoiseries ? ». Le code électoral, ce sont des chinoiseries très utiles, que les propositions de loi en discussion veulent clarifier.

Nous partageons les objectifs généraux mais sommes plus réticents sur le prononcé des inéligibilités.

La clarification du contenu du bulletin de vote est importante. Entre 1848 et 1913, la normalisation a été une condition de l'égalité des candidatures. Dans les premiers temps de la IIIe République, tout type de papier pouvait faire l'affaire, même celui des écoliers ! Un effort de rationalisation mené par l'État a conduit à la standardisation des urnes, des isoloirs, des feuilles d'émargement, donc à une égalité démocratique.

La transposition dans le domaine législatif de l'obligation d'inscrire exclusivement sur le bulletin le nom du candidat, de son suppléant et du candidat pressenti pour présider l'organe délibérant n'ouvre-t-elle pas la porte à l'élection du président de l'intercommunalité au suffrage universel ?

J'y suis favorable, cela compenserait le déficit démocratique des EPCI...

Sur les inéligibilités, il appartiendra demain au juge d'évaluer l'intentionnalité de la fraude pour statuer sur l'inéligibilité. Mais le texte restreint les possibilités de prononcer cette peine. Les dispositions sont peu opportunes : le droit en vigueur suffit et la jurisprudence est constante : des erreurs matérielles ne donnent pas lieu à une telle condamnation.

La proposition de loi remet en cause inutilement ces règles.

Le Conseil constitutionnel a certes invité à une harmonisation des rédactions, mais peut-être pas à une harmonisation par le bas ! Il a proposé que sa saisine par la CNCCFP suive d'autres modalités, écartées hélas par l'auteur des propositions de loi. C'est étonnant puisque celui-ci appartient à un parti qui a fait de l'exemplarité de ses élus un argument de vote. Un article récent titrait : « Le Sénat s'arrange avec les recommandations du Conseil constitutionnel ». Le symbole est fort, mais sans commune mesure avec les modifications réelles.

Il est décevant que le statut de l'élu tarde à venir, ou que les problèmes de financement ne soient pas traités, avec l'absence de création de la banque de la démocratie.

Le groupe socialiste réservera son vote, attendant l'issue de la discussion des articles. La rédaction actuelle des articles qui traitent de l'inéligibilité fait obstacle à notre adhésion... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Richard .  - Mes amis considèrent que ce que j'ai dit précédemment valait expression de la position de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre .  - Merci à tous les orateurs. Nous sommes réunis par une volonté commune de clarté et d'efficacité. Il n'y a pas unanimité, mais une certaine convergence. Le Gouvernement sera attentif à vos propositions.

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles de la proposition de loi

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

Les amendements nos8, 9 et 12 ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Grand et Karoutchi, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Berthet, M. Grosdidier, Mme Primas et MM. Mayet, Houpert et Raison.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour recueillir des fonds, le mandataire financier peut avoir recours à des prestataires de services de paiement définis à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Roger Karoutchi.  - Le Conseil constitutionnel a refusé qu'un candidat puisse recevoir des dons par l'intermédiaire de l'opérateur de paiements en ligne « PayPal ».

Cet amendement assouplit les dispositions en vigueur en permettant le recours à de telles modalités modernes de recueil de dons et en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer un cadre garantissant la traçabilité des opérations financières.

Je soutiens le sous-amendement du Gouvernement.

M. le président.  - Sous-amendement n°48 à l'amendement n°28 rectifié de M. Grand, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 28

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après le deuxième alinéa de l'article L. 52-5 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour recueillir des fonds, l'association de financement électorale peut avoir recours à des prestataires de services de paiement définis à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de ces transferts financiers afin de garantir la traçabilité des opérations financières et le respect des dispositions prévues à l'article L. 52-8 du code électoral. »

II.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État

par une phrase ainsi rédigée :

. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de ces transferts financiers afin de garantir la traçabilité des opérations financières et le respect des dispositions prévues à l'article L. 52-8 du code électoral.

III.  -  Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifiée :

1° L'article 11-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour recueillir des fonds, l'association de financement d'un parti peut avoir recours à des prestataires de services de paiement définis à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de ces transferts financiers, afin de garantir la traçabilité des opérations financières et le respect des dispositions prévues à l'article 11-4 de la présente loi. » ; 

2° L'article 11-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour recueillir des fonds, le mandataire financier peut avoir recours à des prestataires de services, de paiement définis à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de ces transferts financiers, afin de garantir la traçabilité des opérations financières et le respect des dispositions prévues à l'article 11-4 de la présente loi. »

M. Christophe Castaner, ministre.  - Ce sous-amendement étend le champ visé par l'amendement.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Avis favorable aux deux.

Le sous-amendement n°48 est adopté.

L'amendement n°28 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°11 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°10.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Collombat.

I.  -  Alinéa 3

1° Remplacer le taux :

1 %

par le taux :

5 %

2° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

, ou, lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, il transmet à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application des articles L. 52-5 et L. 52-6 du présent code.

II.  -  Alinéa 14

Après le mot :

nécessaire

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article. »

III.  -  Alinéas 15 et 16

Supprimer ces alinéas.

IV.  -  Alinéas 22 et 24

Remplacer les références :

2° du III

par la référence :

I

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement étend la non-présentation d'un compte de campagne aux candidats n'ayant pas reçu des dons de personnes physiques.

Les amendements nos13 et 14 ne sont pas défendus.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Avec un tel compte, 60 % des candidats seraient exonérés de toute obligation. Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Même avis. Ce n'est pas plus clair avec moins de transparence. De plus, cela décorrélerait ce seuil de celui de remboursement des dépenses.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quel est l'objectif de ces comptes ? Quand c'est gros, on ne fait rien ! Ce serait du temps gagné de faire sortir les petits candidats. Ce qu'il faut se demander, c'est à quoi servent les comptes de campagne. S'agit-il juste de faire beau ?

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi et Bascher, Mme Berthet, MM. Bonne et Bouchet, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Cuypers, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi et Deseyne, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Eustache-Brinio, MM. Genest et Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert et Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Malet, MM. Pemezec, Poniatowski, Reichardt, Revet et Savary, Mme Thomas et MM. Vogel, Bouloux, Bonhomme, Mayet, Le Gleut et Gremillet.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Au deuxième alinéa de l'article L. 52-11-1 du code électoral, après le mot : « scrutin, », sont insérés les mots : « à l'exception des dépenses relatives aux prestations d'expertise comptable en application de l'article L. 52-12, ».

M. Roger Karoutchi.  - Comme le souligne le rapporteur, les prestations d'expertise comptable représentent un coût significatif pour les candidats. C'est pourquoi il propose judicieusement d'en dispenser les candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et dont les recettes et les dépenses n'excèdent pas un montant fixé par décret.

Cette rédaction méconnaît cependant le principe d'égalité entre les candidats. Notre amendement prend en compte ce principe fondamental des règles relatives au financement des campagnes électorales, sans pénaliser les formations politiques plus modestes.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Dispenser de comptes les petits candidats, c'est faire une différence de traitement ! Lier en revanche le seuil avec celui du remboursement, c'est une solution pragmatique. Car la commission a soulevé des éléments techniques : comment rembourser les dépenses sans comptes de campagne ?

Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre.  - Retrait.

M. Roger Karoutchi.  - Si j'étais taquin, je proposerais au rapporteur de sous-amender... Mais soit, je le retire.

L'amendement n°44 rectifié ter est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Grand, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Lopez et MM. Houpert, Pierre, Poniatowski et Raison.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase, les mots : « ou pour son compte » sont supprimés ;

2° Après le mot : « sont », la fin de la dernière phrase est ainsi rédigée : « considérées comme des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. »

M. Alain Houpert.  - Défendu.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Cet amendement intègre tous les bilans de mandat des exécutifs locaux aux comptes de campagne. Ce serait inflationniste. La commission des comptes de campagne a une pratique qui donne satisfaction.

Imaginons qu'un maire candidat à la députation soit obligé d'intégrer tous les coûts de son bilan de maire...

M. Christophe Castaner, ministre.  - C'est compliqué en effet et la disposition proposée présente une certaine brutalité... Elle pourrait entraver la communication des collectivités. Retrait, sinon sagesse.

L'amendement n°29 rectifié est retiré.

ARTICLE PREMIER BIS

L'amendement n°17 n'est pas défendu.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié quater, présenté par MM. Karoutchi et Bazin, Mme Berthet, MM. Bonne, Bonhomme et Bouchet, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Cuypers, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi et Deseyne, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Eustache-Brinio, MM. Genest et Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, M. D. Laurent, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mme Malet, MM. Pemezec, Piednoir, Poniatowski, Reichardt, Revet et Savary, Mme Thomas et MM. Vogel, Bouloux, Mayet, Le Gleut et Gremillet.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À titre dérogatoire, le candidat peut régler directement des menues dépenses, lorsque leur montant est inférieur à 10 % du montant total des dépenses du compte de campagne et à 3 % du plafond prévu à l'article L. 52-11. »

M. Roger Karoutchi.  - Il s'agit ici de sortir de l'ambigüité. Notre amendement reprend la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il serait bon d'inscrire ces seuils dans la loi. Ils correspondent à la tolérance admise... mais qui est aujourd'hui le fait du juge constitutionnel.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par Mme Costes, M. Artano, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.

Mme Françoise Laborde.  - Défendu.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Je comprends l'approche pragmatique; mais pour les élections européennes, cela irait jusqu'à 920 000 euros ! Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi.  - Certes, mais cela représente dans les élections locales des sommes assez faibles. On ne peut pas laisser les candidats à la merci du Conseil constitutionnel. Si le Gouvernement dit non, les candidats peuvent craindre une divergence avec le Conseil constitutionnel, ce qui crée une insécurité.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Les précisions de la CNC indiquent ce seuil de 3 %.

Mme Françoise Laborde.  - Je partage les propos de mon collègue.

Les amendements identiques nos43 rectifié quater et 53 rectifié bis sont adoptés.

ARTICLE PREMIER TER

L'amendement n°18 n'est pas défendu.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°54 rectifié, présenté par Mme Costes, M. Artano, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.

Après l'article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 52-4 du code électoral, il est inséré un article L. 52-4-.... ainsi rédigé :

« Art. L. 52-4-...  -  Est électorale une dépense engagée par le candidat, ou par un tiers agissant pour le compte du candidat, en vue de l'obtention des suffrages des électeurs et ayant un lien direct avec cette finalité, dans la circonscription électorale dans laquelle se présente le candidat, lors de la période de financement prévue par l'article L. 52-4 pour les élections générales ou à compter du fait générateur rendant l'élection nécessaire concernant les élections partielles.

« Une liste non exhaustive des dépenses électorales est établie dans un décret pris en Conseil d'État. »

Mme Françoise Laborde.  - En l'absence de définition légale, les candidats s'en remettent à celle du Conseil d'État et de la CNCCFP : les « dépenses dont la finalité est l'obtention des suffrages des électeurs ». Mais cette approche téléologique comporte une insécurité juridique : nous voulons donc définir dans la loi la notion de « dépenses électorales » et faciliter l'établissement des comptes de campagnes des candidats en prévoyant qu'un décret fournit une liste non exhaustive de ces dépenses, régulièrement actualisée.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Toute réécriture impliquerait une instabilité que les auteurs de l'amendement ne souhaitent pas. Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°54 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Éric Kerrouche.  - Je l'ai dit dans la discussion générale, la solution retenue n'apporte que très peu de choses par rapport à la jurisprudence.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Nous en avons déjà parlé en commission : supprimer cet amendement, c'est renoncer à clarifier le point de départ de l'inéligibilité. Défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Je rejoins le rapporteur. Il y va de la clarté des textes : le juge a toujours la faculté - et non l'obligation - de prononcer l'inéligibilité en cas de faute.

M. Alain Richard.  - Il y a une incompréhension. Je crois comprendre que les socialistes sont hostiles aux peines automatiques. Malheureusement, c'est ce que le texte en vigueur a introduit. C'est pourtant fragile en droit, car les traités auxquels la France est partie prévoient toujours une marge d'appréciation. Toutes les tentatives - d'intensité variable - des précédents gouvernements d'introduire une automaticité de sanction ont dû être assorties de dérogations laissant une marge d'appréciation par le juge. Les collègues du groupe socialiste se trompent en disant que le juge doit automatiquement sanctionner la faute intentionnelle.

Nous ne faisons que rectifier un non-sens en droit, sur la proposition du Conseil constitutionnel.

M. Claude Kern.  - Notre désaccord ne porte pas sur la différence entre « peut prononcer » et « prononce ». C'est la plus-value de votre rédaction que nous jugeons discutable. Votre interprétation juridique vous est personnelle.

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°88 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption   73
Contre 253

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Bascher et Bazin, Mme Berthet, MM. Bonne et Bouchet, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Cuypers, Daubresse, de Legge, Bonhomme et Bouloux, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Dufaut et Duplomb, Mme Eustache-Brinio, MM. Genest et Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Huré et Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Malet, MM. Pemezec, Piednoir, Poniatowski, Reichardt, Revet et Savary, Mme Thomas et MM. Vogel, Mayet, Le Gleut et Gremillet.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

M. Roger Karoutchi.  - La loi du 17 mai 2013 a instauré le scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours pour les élections départementales. Elle a ce faisant instauré l'automaticité des peines prononcées. L'inéligibilité du premier candidat emporte brutalement l'inéligibilité du second.

Cet amendement y remédie, au nom de l'individualisation de la peine.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Avis défavorable. La solidarité du binôme doit selon la commission prévaloir. Cet avis ne vaut pas tolérance des fraudes. Au pénal, les comportements relèvent toujours de la responsabilité individuelle, si cela peut rassurer M. Karoutchi. (M. Roger Karoutchi fait signe que non.)

M. Christophe Castaner, ministre.  - Il est vrai qu'il y a des arguments pour et contre. Mais il n'est pas juste qu'un seul membre du binôme soit sanctionné pour une faute qui en fait a contribué à faire élire les deux... puisque le financement de la campagne a entraîné leur élection. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi.  - Il ne s'agit pas de désolidariser, mais de laisser au juge le soin de jauger les responsabilités de chacun. Déclarer d'office un candidat inéligible alors qu'il n'est en rien responsable de la fraude est violent. J'admets que ce n'est pas mûr. C'est pourquoi je retire l'amendement, ainsi que l'amendement n°46 rectifié ter à l'article 3, dans le même esprit.

L'amendement n°45 rectifié ter est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

L'amendement n°19 n'est pas défendu.

L'amendement n°46 rectifié ter est retiré.

L'article 3 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°51 rectifié, présenté par MM. Corbisez et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde, MM. Roux et Vall et Mme Costes.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « commune », la fin du deuxième alinéa de l'article L. 228 du code électoral est supprimée.

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement renforce le lien entre le candidat à une élection et le territoire sur lequel il se présente. Il ne vise pas particulièrement les « conseillers forains », c'est-à-dire les citoyens choisissant de vivre leur engagement politique non dans leur lieu de résidence effectif, mais ailleurs, le plus souvent dans leur lieu de résidence secondaire.

Ce choix relève de l'affect, mais peut donner lieu à des dérives et à des comportements opportunistes, qui contribuent à dégrader la qualité des campagnes électorales. Cet amendement ne laisse la possibilité d'être candidat que dans les territoires où l'on est également électeur, pour éviter les « candidats TGV ».

M. le président.  - Amendement n°52 rectifié, présenté par M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Roux et Vall et Mme Costes.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « directes », la fin du deuxième alinéa de l'article L. 228 du code électoral est supprimée.

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement de repli supprime la possibilité pour un candidat non inscrit au rôle des contributions directes d'apporter un justificatif attestant qu'il devrait y être inscrit au 1er janvier de l'année de l'élection.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Avis défavorable. Les « candidats TGV » sont généralement sanctionnés dans les urnes par le bon sens des électeurs eux-mêmes. De plus, le nombre de « conseillers forains » est plafonné. Le fait de pouvoir participer aux élections municipales, sans être inscrit sur la liste électorale, est l'un des principes de la loi de décentralisation de 82. Il est normal que les citoyens ayant un lien étroit avec une commune puissent s'y présenter même sans y habiter.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Je comprends la logique de ces deux amendements : les inscriptions sur les listes électorales ont considérablement été facilitées et si l'article L. 11 requiert un domicile réel habité depuis six mois, l'on peut s'inscrire dans les six semaines qui précèdent l'élection. Le sujet provoque légitimement une forte émotion au moment des élections. Donc, sagesse. (Marques de satisfaction à droite)

L'amendement n°51 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°52 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par M. de Belenet, au nom de la commission.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa de l'article L. 231 du code électoral, les mots : « alinéas ci-dessus » sont remplacés par les mots : « deuxième à onzième alinéas du présent article ».

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Lors des élections municipales, les préfets sont inéligibles dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans. Ce délai de carence est réduit à un an pour les sous-préfets.

Toutefois, ces membres du corps préfectoral peuvent se présenter aux élections municipales dès qu'ils ont été admis à faire valoir leurs droits à retraite. Cet amendement corrige cette bizarrerie de notre droit.

M. Antoine Lefèvre.  - Bonne idée !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Oui.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Voulez-vous, monsieur le président Bas, me mettre en difficulté ? Beaucoup de préfets peuplent en effet l'entourage du ministre de l'Intérieur... (Sourires) Toutefois, je suis d'accord avec vous, d'autant que cette « bizarrerie » pourrait inciter les préfets, qui peuvent rester en activité jusqu'à 67 ans, à anticiper leur départ à la retraite pour user de cette liberté de se présenter aux élections. Avis favorable.

M. Alain Marc.  - Au-delà des préfets, la même singularité vaut pour les directeurs généraux et directeurs généraux adjoints des services des conseils départementaux, par exemple.

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Le champ de l'amendement ne couvre que l'administration préfectorale et les élections municipales.

L'amendement n°55 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 4 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié ter, présenté par Mme Lherbier, M. Daubresse, Mmes Puissat et Micouleau, M. Raison, Mmes Garriaud-Maylam et Bruguière, MM. de Legge, Sido et Decool, Mmes Bonfanti-Dossat et Bories, MM. Bascher, Vaspart, Vogel, Danesi, Piednoir, Guerriau et Chasseing, Mme Lassarade, M. Dufaut, Mmes Richer et de Cidrac, M. Segouin, Mme Noël, M. Mouiller, Mme Troendlé, M. A. Marc, Mme Férat, MM. Laménie, Wattebled et B. Fournier, Mmes Imbert et de la Provôté, M. Longeot, Mme Deroche, MM. Cuypers et Maurey et Mme Berthet.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 51 du code électoral, il est inséré un article L. 51-... ainsi rédigé :

« Art. L. 51-....  -  Les affiches électorales ne peuvent pas comporter la photographie, la représentation ou le nom de personnes autres que les candidats et leurs remplaçants éventuels. »

M. Jérôme Bascher.  - Cet amendement contraint à ne faire figurer que les candidats sur les affiches électorales. Il y a des dérives. Souvent, des candidats qui sont de parfaits inconnus incrustent des têtes d'affiche politiques sur leur propagande. Pourquoi pas des chanteurs aussi ? Cela peut aboutir à des situations ubuesques ! (Mouvements divers)

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - C'est presque une tradition républicaine que de faire figurer le visage du président de la République sur les affiches électorales - Mitterrand, Sarkozy, ou plus récemment Macron.

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Arnaud de Belenet, rapporteur.  - Peut-être cet amendement est-il inspiré par le contexte politique plus récent ? (On se récrie à droite.) Quoi qu'il en soit, l'électeur n'est pas induit en erreur. Les affiches sont, à l'exception des trois couleurs bleu, blanc, rouge, l'un des derniers espaces de liberté totale, que certains utilisent avec talent, et le juge peut intervenir s'il y a volonté de tromper les électeurs. Chacun sait au demeurant qu'il envoie un député à l'Assemblée nationale et non un président de la République. Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis défavorable. Des circulaires pourraient contredire la loi, si l'amendement était adopté. Qu'en est-il des flyers ?

M. Roger Karoutchi.  - Le Sénat, dans son éternité, a l'avantage de pouvoir envisager l'avenir avec décontraction... (Sourires) De mémoire, dans une circonscription de Paris, trois candidats ont fait figurer la même personnalité sur leurs affiches... L'un d'eux a porté plainte estimant qu'il était le seul légitime à profiter de cette photo. Le Conseil constitutionnel s'est défaussé. J'engage tout candidat à faire figurer le président de la République sur ses affiches si cela l'arrange ! (Sourires)

L'amendement n°37 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vous rappelle que les présentes propositions de loi et de loi organique ont été inscrites par la Conférence des présidents dans le cadre de l'ordre du jour réservé au groupe La République en Marche, c'est-à-dire pour une durée de quatre heures.

Les quatre heures sont écoulées et je me vois dans l'obligation d'interrompre l'examen de ces textes.

Il reviendra à la Conférence des présidents d'inscrire la suite de ces textes à l'ordre du jour d'une séance ultérieure.

La séance est suspendue quelques instants.