Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole.

Lutte contre le chômage

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Il y a quelques semaines Le Monde titrait : « La France, pays du chômage, devient le pays de l'embauche » (On s'amuse à droite.) En effet, quelque 2,7 millions de projets d'embauche sont prévus pour 2019, un niveau inédit depuis 2010.

Monsieur le Premier ministre, l'OCDE salue votre politique active en faveur de l'emploi et vous encourage à poursuivre dans cette voie. Néanmoins, une trop grande partie de notre jeunesse, de nos séniors, de nos territoires, reste exclue du monde du travail. Est-ce une fatalité ? Hier à Matignon, devant les partenaires sociaux et les élus locaux, vous avez rappelé votre objectif d'une mobilisation totale pour l'emploi, votre volonté de trouver des solutions concrètes à des problèmes concrets.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il serait temps !

M. François Patriat.  - Vous avez dit vouloir agir, dans la concertation, pour lever les freins à l'embauche, multiplier les emplois liés à la transition écologique. Pouvez-vous nous préciser le cadre, la méthode et le calendrier des actions que vous projetez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Merci de votre question qui me permet d'indiquer le sens de la démarche entamée hier à Matignon.

L'objet de la mobilisation nationale pour l'emploi est simple. Aucun problème ne pourra être résolu par l'action isolée d'une collectivité, d'un syndicat, du Gouvernement ou d'une entreprise. Pour lever les freins à l'emploi, pour développer l'apprentissage, pour mettre en oeuvre la transition écologique au quotidien, il faut mobiliser tous les acteurs autour de solutions concrètes.

Premier des cinq thèmes identifiés, l'apprentissage, voie royale du retour à l'emploi, repart : hausse de 8 % l'an dernier, de 12 % depuis le début de l'année. Cependant, des questions pratiques demeurent : comment mobiliser les entreprises pour accueillir des apprentis ? Comment répondre aux problèmes de logement, de mobilité ?

M. Gérard Longuet.  - Dix ans de perdu...

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Collectivités territoriales, associations environnementales, associations patronales doivent coopérer. Hier, l'ensemble des institutions et des partenaires étaient représentés ; M. Dallier représentait le Sénat.

Le sujet de la rénovation thermique des bâtiments s'est également imposé : là encore, malgré les budgets et les instruments, il y a trop de freins, nous disent les associations.

Nous sommes convenus d'une méthode : les préfets de région et les présidents de conseil régional organiseront la mobilisation territoriale avec les partenaires, au niveau de granularité qui leur paraît adapté.

L'objectif est simple : à des questions concrètes, apporter des réponses concrètes. Nous déterminerons en juin la part des problèmes qui relèvent d'une stratégie nationale. En septembre, nous annoncerons un agenda de solutions pratiques et concrètes. C'est cela qu'attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

Fermeture des trésoreries

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Les directions départementales des finances publiques (DDFiP) ont reçu en décembre 2018 une note annonçant le démantèlement du réseau de proximité des finances publiques d'ici 2022.

Dans le Cantal, son application entraînerait la fermeture de treize trésoreries, de deux services des impôts des particuliers et de deux services des impôts des entreprises. Cela aggraverait la fracture territoriale qui pénalise déjà les territoires ruraux où la population, plus âgée qu'ailleurs, n'est pas à l'aise avec l'outil numérique - sans compter que la couverture numérique n'est pas achevée. La présence physique de personnel qualifié est indispensable.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus d'indications sur la suppression envisagée de ces services de proximité ? Comment comptez-vous les remplacer et assurer l'égalité entre citoyens et territoires ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Je veux vous rassurer : il n'y a eu aucune fermeture de trésorerie en 2019. Sur les 247 communes de votre département, quatorze bénéficient d'une implantation de la DGFiP, trois ont des permanences.

Il est vrai que depuis neuf ans, 1 200 trésoreries ont fermé ; il en reste 2 500 sur le territoire national. Suppression de la taxe d'habitation, succès du prélèvement à la source, suppression prochaine de la déclaration de l'impôt sur le revenu pour certains, traitement du numéraire et des chèques par le réseau de la Poste et des buralistes... Le recouvrement de l'impôt évolue.

Dans le Cantal, vous aurez 30 % à 40 % d'agents publics en plus, nous passerons de quatorze à vingt lieux physiques d'implantation.

Je me suis rendu dans le Limousin, en Corrèze, en Haute Vienne, où j'ai rencontré les élus locaux, expliqué la nouvelle carte.

Le président de la République a fait des annonces. La DGFiP s'inscrit dans la déconcentration. Moins d'agents à Paris, plus dans le Cantal, voilà notre politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et sur certains bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

Mme Josiane Costes.  - Dans nos territoires ruraux, la population, vieillissante, a besoin de présence physique et de proximité. Votre réponse nous rassure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Manifestations du 1er mai (I)

Mme Éliane Assassi .  - Le droit constitutionnel de manifester est essentiel en démocratie.

M. Jean Bizet  - Sans casser !

Mme Éliane Assassi.  - Il a pourtant été bafoué le 1er mai, à Paris - principalement à cause des interventions violentes et répétées des forces de l'ordre (Huées et protestations à droite) et non des black blocs, dont nous condamnons les actes. Dès le début de la manifestation, les cortèges syndicaux ont été la cible de tirs de grenade, noyés sous les gaz lacrymogènes. J'y étais, je suis témoin de ces agressions irresponsables contre les manifestants.

M. Castaner a évoqué une « attaque » contre l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, or les faits démontrent le contraire. Le Premier ministre a estimé, le lendemain, qu'entrer dans un hôpital était « idiot » et « scandaleux ». Émettre des mensonges, des contre-vérités pour salir un mouvement social, voilà le vrai scandale !

Où est la République de la responsabilité réclamée par le président de la République ? La crédibilité du ministre de l'Intérieur qui a manipulé l'opinion est entachée ; il doit être entendu par les commissions des lois. Trop de blessés, trop de violence : il est temps de revoir votre doctrine de maintien de l'ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur de nombreux bancs du groupe SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Oui, le droit de manifester est une liberté républicaine, une expression de la liberté de pensée ; comme toutes les libertés publiques, elle s'exerce dans le respect du droit. Or depuis le début du mouvement des gilets jaunes, des gens qui invoquent la liberté de manifester ne respectent pas les règles posées par le Parlement et la jurisprudence.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Lesquelles ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Depuis quelques années, le 1er mai n'est pas seulement cette journée symbolique où les organisations syndicales commémorent les luttes qui ont conduit à la journée de huit heures.

M. Martial Bourquin.  - C'est mieux que ce qu'a dit le président de la République.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - S'y greffent des personnes dont l'objectif est de casser, de provoquer. Le 1er mai 2017 a donné lieu à des images d'une grande violence - souvenez-vous de ce CRS en flammes. Le 1er mai 2018 (marques d'ironie à gauche) a été marqué par de grandes violences avant le début du cortège syndical. Les responsables des organisations syndicales m'ont demandé que l'on circonvienne les casseurs. C'est ce que nous avons fait.

Mme Éliane Assassi.  - Non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Il s'agissait d'empêcher que les black blocs ne privent les manifestants de leur droit de manifester.

L'exercice est difficile, à l'évidence. De ce point de vue, je considère que le 1er mai a été remarquablement tenu : le ministre de l'Intérieur, le préfet de police, l'ensemble de la chaîne ont évité les débordements annoncés par ceux qui voulaient faire de Paris la capitale de l'émeute. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

Vous parlez de l'intrusion violente à la Pitié-Salpêtrière. (Protestations à gauche) Elle a donné le sentiment aux personnels de santé présents que le fonctionnement normal du service de réanimation était menacé. Compte tenu de ses informations, le ministre de l'Intérieur a fait la déclaration que l'on sait. Le lendemain, il a reconnu qu'il avait utilisé un terme inadapté. Cela arrive à tout le monde. Il l'a corrigé, en assumant : c'est tout à son honneur. (Protestations à gauche) Je lui renouvelle toute ma confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC ; M. Roger Karoutchi applaudit également.)

Manifestations du 1er mai (II)

M. David Assouline .  - Monsieur le Premier ministre, nous venons d'entendre vos explications. Nous partageons votre condamnation de ceux qui dévoient les manifestations pour casser. Mais rien ne peut justifier qu'un ministre de l'Intérieur, qui devrait apaiser, jette de l'huile sur le feu par un mensonge massif. (On ironise à droite.)

M. Philippe Dallier.  - Tout en finesse !

M. Roger Karoutchi.  - Incroyable !

M. David Assouline.  - Rien ne justifie qu'on utilise des techniques de nasse contre des manifestants légitimes, des femmes et des enfants ! (Mouvements à droite)

Mme Fabienne Keller.  - Scandaleux !

M. Philippe Pemezec.  - Démagogie !

M. David Assouline.  - M. Fauvergue, député de la majorité, invite à « oublier Malik Oussekine ». (Exclamations) Ma génération n'oubliera jamais la façon dont Malik Oussekine a été tué en se réfugiant dans une cage d'escalier à quelques pas d'ici. Faut-il comprendre que face à la difficulté du maintien de l'ordre, on ne s'embarrassera plus des libertés publiques et de l'État de droit ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. François Grosdidier s'exclame.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Le Premier ministre a rappelé le contexte de ce 1er mai : présence annoncée de mille à deux mille casseurs, souvenir du 1er mai 2017, de certains samedis, du McDo et du garage Renault vandalisés le 1er mai 2018.

La veille, je m'étais engagé auprès des responsables de la CGT et de Force ouvrière à ce que le cortège parte à l'heure prévue et atteigne sa destination. Or 18 000 personnes étaient positionnées en avant du cortège officiel, qui ne pouvait donc pas partir. À 14 heures, nous avons ouvert le chemin.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Ce n'est pas la question!

M. Christophe Castaner, ministre.  - Nous avons mis en place une force intermédiaire pour faire avancer les gens. Il y a eu de nombreuses exactions, à proximité de la Pitié-Salpêtrière. Le maire du XIIIe, Jérôme Coumet, a témoigné de la violence de cet épisode, comme de ce qui s'est passé dans une école. Un CRS a été blessé, aux cris de « achevez-le ! ».

Oui, j'ai parlé d'« attaque », au vu du témoignage du personnel hospitalier. Le lendemain, j'ai corrigé le mot. N'y voyez-pas une quelconque menace à l'ordre public...

Mme Sophie Taillé-Polian.  - C'est vous, la menace !

M. Christophe Castaner, ministre.  - ... auquel nous sommes tous attachés, quelle que soit notre histoire, y compris notre histoire commune, et quel que soit notre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. David Assouline.  - Vous serez jugés à l'aune des suites qui seront données aux saisies de l'IGPN, qui tardent à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. François Grosdidier.  - Et les agresseurs de policiers ?

Biodiversité (I)

M. Jérôme Bignon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Nous sommes entrés dans la sixième extinction de la biodiversité, majeure, indiscutable. L'homme en est le principal responsable. Saurons-nous arrêter le désastre ?

La biodiversité n'est pas un catalogue, une lubie d'écolo ou un thème à la mode, c'est un miracle qui a nécessité des milliards d'années d'évolution. Le monde est en train de l'anéantir. Nous fêtons les dix ans du Grenelle de la mer ; dix ans après, l'océan contient un septième continent. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement et les directions départementales des territoires croulent sous les dossiers d'artificialisation des sols. Tous les cinq ans, la surface agricole utile d'un département disparaît. Quand cesserons-nous de morceler nos campagnes, de polluer nos rivières, de détruire nos zones humides ?

Les rapports sur le sujet s'accumulent, les gouvernements successifs s'étourdissent de mots, de colloques et de plans d'action... Le Parlement a les mains liées ; le Gouvernement a la main sur l'ordre du jour et les clés de Bercy. Qu'il nous éclaire : que compte-t-il faire pour arrêter cette perte irréversible ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je connais votre engagement, monsieur Bignon. Il y a quelques années encore, les défenseurs, dont j'étais, des petites fleurs et des petits oiseaux étaient ridiculisés...

Cet enjeu a fait l'objet d'un rapport de scientifiques du monde entier, que le président de la République a reçus à l'Élysée. Pour la première fois, un président de la République fait de la biodiversité un enjeu de diplomatie, au même titre que le climat.

Deux exemples, pour vous inciter à garder espoir - car je ne céderai jamais au fatalisme. Dans les années 1970-80, le bouquetin avait disparu des Alpes et des Pyrénées ; ils sont 10 000 aujourd'hui. Il n'y avait plus que trois espèces de poissons dans la Seine ; on en dénombre désormais quarante. Car nous avons pris des mesures à la racine, de prévention de la pollution et de préservation des habitats ! Et nous continuerons. L'Office français de la biodiversité comptera 5 000 agents dédiés. Nous protégerons 30 % du territoire national. Ne doutez pas de notre détermination à agir pour l'écologie et la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Indépendants)

Manifestations du 1er mai (III)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Tenons-nous en aux faits, monsieur le ministre de l'Intérieur. Le 1er mai, plusieurs dizaines de manifestants sont entrés par effraction dans l'enceinte de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour échapper aux gaz lacrymogènes. Une telle irruption est de nature à susciter une légitime émotion. Heureusement, aucune agression ne semble avoir été commise et les manifestants n'ont pas pénétré dans les bâtiments.

Il faut saluer le sang-froid, le calme et le professionnalisme du personnel de santé pour maintenir les patients à l'abri de l'agitation. Hélas, ce même sang-froid a fait défaut au Gouvernement.

« On a attaqué un hôpital, agressé le personnel soignant », a dit le ministre de l'Intérieur, parlant d'une « intrusion violente ». « C'est un acte scandaleux », a déclaré le Premier ministre ; « une exaction inqualifiable et indigne », d'après la ministre de la Santé. Un « acte de pure barbarie » même, d'après l'ancien ministre Le Guen.

Sur quels faits le Gouvernement s'est-il fondé pour donner ainsi l'alarme sur des violences qui n'ont pas eu lieu ? Si vous avez été induit en erreur par de fausses informations, quelles conséquences en avez-vous tiré ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Il importe en effet de regarder l'ensemble des faits survenus dans le périmètre de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Une partie des manifestants n'a pas emprunté le parcours prévu et a traversé par la rue Jeanne-d'Arc, se heurtant assez violemment avec les forces de l'ordre qui couvraient la tête du parcours et bloquant de fait le cortège.

Un commissariat, à 15 h 47, a été pris pour cible. À 16 h 01, des manifestants ont tenté de pénétrer dans une école. Sous les cris de « Achevez-le ! », un CRS blessé a été évacué à 16 h 47. Deux effractions ont eu lieu, l'une par l'entrée principale et l'autre par l'entrée secondaire de l'hôpital. Des personnes ont alors cassé la serrure d'une grille pour entrer dans l'enceinte de l'hôpital. Lorsque je me suis rendu sur place pour rendre visite au blessé, je n'étais pas au courant. C'est sous le coup de l'émotion des personnels soignants que j'ai utilisé le mot qui a fait scandale, le mot de la directrice de l'hôpital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Maisons de services au public

M. Jacques Le Nay .  - Lors de sa conférence de presse du 25 avril, le président de la République a annoncé des mesures en faveur des milieux rural et périurbain parmi lesquels des maisons « France services ». Notre territoire compte déjà 1 300 maisons de services au public (MSAP), mises à disposition par les collectivités territoriales et les collectivités locales, qui sont un gage d'attractivité du territoire quand elles fonctionnent. Le président de la République a annoncé le déploiement d'une maison France services par canton. Mais on compte déjà deux à trois MSAP sur certains cantons ruraux, en raison de l'existence de bassins de vie dépassant les limites cantonales.

Ne croyez-vous pas que le principe d'une seule maison France services par canton est déjà dépassé ? Pourriez-vous nous indiquer les financements qui seront mis à disposition ? Comment assumerez-vous la continuité territoriale en outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - La semaine dernière, en Charente, le Premier ministre a précisé le déploiement des maisons France services, qui correspondent à un réel besoin de proximité. On compte 1 340 MSAP sur l'ensemble du territoire et le Premier ministre a annoncé l'ouverture de 500 nouvelles maisons France Services. L'objectif est de couvrir en priorité ces territoires dépourvus. Nous ne fermerons aucune MSAP. Chacun sait que ce sont les collectivités territoriales, la Poste et parfois des associations qui portent ces établissements.

Nous souhaitons mettre en place un bouquet de services minimums donnant droit à la labellisation « maison France Services ». L'État et la Caisse des dépôts et consignations financeront ces maisons respectivement à hauteur de 36 millions d'euros et de 30 millions d'euros avec en plus la contribution des collectivités territoriales qui assurent en général la moitié des dépenses de fonctionnement. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)

Biodiversité (II)

M. Ronan Dantec .  - Monsieur le ministre d'État, le président de la République a eu des mots forts pour commenter le rapport du groupe international d'experts sur la biodiversité des Nations unies (IPBES), parlant de faits cruels, rappelant la nécessité de changer le modèle économique de production. Il n'est pas le premier. Jacques Chirac aussi avait su trouver des mots forts, dont chacun se souvient, au sommet de la Terre à Johannesburg. Mais la réponse qu'il revient à Emmanuel Macron de mettre en oeuvre, après que ses prédécesseurs eurent laissé la maison brûler, ne passera que par des actes et des investissements.

Alors, mû par une légitime émotion, notre pays se mobilise pour reconstruire une cathédrale au coeur de notre histoire, l'État peut-il laisser disparaître des pans entiers de notre patrimoine naturel ? Nous devrions lancer, d'ici le 1er janvier 2020, un plan national d'action pour les 120 espèces endémiques menacées comme le prévoyait la loi pour la biodiversité. Le Gouvernement compte-t-il y pourvoir et à quel coût ? Sauver la biodiversité n'est pas se payer de mots, mais investir résolument dans l'avenir.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous avez raison, nous sommes à un moment important : rapport de l'IPBES, G7 à Metz des ministres de l'Environnement, entretien du président de la République avec les scientifiques auteurs du rapport.

Nous devons agir contre l'étalement urbain, l'artificialisation des sols et en faveur de la protection des espèces endémiques. Nous avons lancé 65 plans nationaux d'action (PNA) y compris en outre-mer, où se trouvent 85 % de notre biodiversité. Le milan royal, l'aigle de Bonelli, l'iguane des petites Antilles, le gecko vert de La Réunion, l'albatros des Terres australes et antarctiques françaises sont ainsi concernés.

L'OFB, créé au 1er janvier 2020, contribuera à ces actions et nous allons regrouper certains plans pour couvrir, à terme, les 120 espèces.

M. Ronan Dantec.  - Le milan royal n'est pas une espèce endémique, il en reste d'après vos dires une centaine à couvrir. La France doit tenir cet engagement international.

Déficit des comptes sociaux

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le ministre des Comptes publics annonçait fièrement que le trou de la sécurité sociale allait être comblé, dès 2019, soit avant l'échéance promise par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Las, cette bonne nouvelle n'était qu'une fake news, le Haut Conseil du financement de la protection sociale évaluant à 3,6 milliards d'euros le déficit à la fin de l'année et prévoyant qu'aucun équilibre ne pourra être atteint avant la fin du quinquennat : envolée, la promesse d'un petit excédent de 600 millions d'euros à la fin de l'année !

Comment expliquer un tel décalage entre les prévisions et la réalité des chiffres ? Quels sont vos nouveaux objectifs de réduction du déficit ? En l'absence d'excédent, comment financerez-vous les nouveaux moyens prévus par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui n'avaient été déclarés conformes à la Constitution qu'en raison des excédents prévisionnels du budget de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Ce n'est évidemment pas une fake news, c'est simplement l'évolution des comptes. Le budget était équilibré, mais l'exécution est prévue avec 3,6 milliards d'euros de déficit pour 2019. Le déficit de 2018 était de 1,2 milliard d'euros, soit 3,9 milliards d'euros de moins qu'en 2017. Je rappelle tout de même qu'avec Gérald Darmanin, nous avons présenté le plus faible déficit annuel de la sécurité sociale depuis 2001. Notre gestion a donc été exemplaire. L'anticipation en janvier 2019 de l'exonération des heures supplémentaires représente 1,3 milliard d'euros, et l'annulation de la hausse de la CSG sur les retraites modestes en représente 3 milliards d'euros.

M. Alain Milon.  - Le Gouvernement fait une communication sur le maintien de l'âge de départ à la retraite. Dire la vérité aux Français sur la nécessité de prolonger l'effort entrepris par les précédentes réformes me semble être de nature à créer la confiance.

Visite du président de la République à Amboise

M. Serge Babary .  - Le 2 mai dernier, à Amboise, ville paisible des bords de Loire, le président de la République a célébré avec le président de la République italien Sergio Mattarella, l'amitié franco-italienne, quelque peu mise à mal, et la personnalité universelle de Léonard de Vinci, mort il y a 500 ans.

La perspective était festive ; c'était sans compter la tornade sécuritaire qui s'est abattue sur la ville : interdiction de circuler de 7 heures à 17 heures, interdiction de stationnement depuis 7 heures la veille, interdiction de circuler à pied à proximité du château de 7 heures à 13 heures, interdiction de manifester et de naviguer sur la Loire, voire interdiction de paraître aux fenêtres et balcons, un temps envisagée, finalement annulée ! (Rires)

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est beau la popularité ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

M. Serge Babary.  - Cette ville touristique de 13 000 habitants, très active, accueillant près d'un million de visiteurs par an, s'est trouvée ainsi bouclée et désertée, dans une ambiance aussi impressionnante que ridicule !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ô combien !

M. Serge Babary.  - Faut-il se rappeler la visite du Général de Gaulle en 1959 émergeant d'une marée humaine en liesse au pied du château ? Amboise ainsi placée « sous cloche » signifiait-elle à Paris, à Rome, l'amitié franco-italienne ? Sur place, régnait la sidération devant une ville vide. Que faut-il en conclure quant aux rapports du président avec le peuple, du pouvoir avec la Nation ? S'agit-il d'une nouvelle doctrine sécuritaire pour les déplacements présidentiels ? (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Républicains et CRCE ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Michelle Meunier applaudissent également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Chaque fois que nous recevons un hôte du niveau du président italien, nous devons garantir au mieux la sécurité. Les circonstances de la semaine dernière étaient exceptionnelles : quatre personnes ont été interpellées pour projet d'attentat contre les forces de l'ordre de l'Élysée. Il a été procédé aujourd'hui à une autre interpellation, dans le cadre de l'enquête en cours. D'où la vigilance accrue. Certaines demandes étaient disproportionnées et certaines mesures, parmi celles que vous avez citées, ont été amplifiées. Nous en avons levé quelques-unes. Quand il s'agit de célébrer un moment aussi important et d'assurer la sécurité du président de la République et du chef d'État italien, nous devons nécessairement prendre des mesures contre un risque terroriste qui est hélas permanent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Prix des carburants

M. Joël Bigot .  - « Coup de chaud sur les prix à la pompe », titre un quotidien du soir. Aucune suite n'a été donnée à l'idée d'une taxe flottante « anti-pic », émise en novembre 2018 par le président de la République. Or c'est bien la hausse des prix des carburants qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes à l'automne dernier.

Mardi dernier, vous avez refusé le recours à une taxe flottante, telle que celle expérimentée par le Gouvernement de Lionel Jospin, qui allégerait pourtant le prix à la pompe. Elle avait été instaurée à l'été 2012 pour trois mois. Élu du Maine-et-Loire, je connais bien les difficultés rencontrées par nos concitoyens qui doivent utiliser leur voiture quotidiennement. Il ne suffit pas d'inviter les Français à « se libérer du pétrole » !

D'autres mesures, pourraient être prises, ciblant les marges des distributeurs et des grands groupes pétroliers qui ne traversent pas de crise, pour contribuer, pour mieux répartir les charges.

Comment le Gouvernement compte-t-il s'y prendre à court terme pour préserver le pouvoir d'achat des Français face à l'augmentation des prix du baril ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous le savez, le prix du pétrole est volatil et il est actuellement orienté à la hausse, pour de nombreuses raisons liées au contexte international.

La TIPP flottante a été abandonnée au bout de deux ans car elle était toujours à contretemps, donc inefficace. Il n'est pas question de promettre aux Français une mesure qui ne marche pas. Les prix de l'essence et du gasoil ont augmenté de dix centimes depuis le début de l'année, ce qui signifie qu'il faudrait dégager 4 milliards d'euros dans le budget de l'État. Ce n'est pas sérieux. S'endetter pour subventionner l'importation du pétrole ne le serait pas davantage.

Nous menons d'autres actions. Pour réduire la dépendance au pétrole d'abord : près de 400 000 voitures seront remplacées d'ici la fin de l'année et 8 000 Français par semaine demandent à cette fin la prime d'État que nous avons mise en place ; je songe aussi au chèque énergie, payé par les grands groupes comme Total, ou au chèque déplacement, qui fait l'objet de négociations des partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe laREM)

M. Joël Bigot.  - L'électricité augmentera de 5,9 % le 1er juin. Le climat social, dans les mois qui viennent, dépendra des solutions concrètes que vous trouverez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

Relations des Français avec les forces de l'ordre

M. Stéphane Ravier .  - Ma question s'adresse à M. Castaner, encore ministre de l'Intérieur paraît-il...(Quelques exclamations et murmures) J'ai eu le privilège de suivre pendant plus de huit heures, il y a peu, des équipages de police, dont un de la BAC, dans les quartiers nord de Marseille, les supermarchés de la drogue, - ou supermarshit - cités où il ne fait pas bon être femme seule, juif, homo, ou même de souche... (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Les policiers font un travail remarquable au service de la sécurité des Français. Or, quelle n'a pas été ma -  mauvaise - surprise de découvrir, en réponse à la relation de cette expérience que j'ai postée sur les réseaux sociaux, des remarques hostiles envers la police, au motif des blessures dont auraient été victimes certains gilets jaunes.

Comment en est-on arrivé là ? Ce fossé entre la police et une partie de la population a été ouvert en novembre 2018 par votre application zélée de la stratégie, établie par Emmanuel Macron, de pourrissement du mouvement des gilets jaunes, légitime et au départ pacifique, où vous avez laissé entrer des forces anarchistes et d'extrême gauche - puis, par calcul politique électoral, vous continuez à refuser de les dissoudre.

Vous avez volontairement dressé les Français les uns contre les autres, en « bluffant », comme l'on dit chez nous, c'est-à-dire en mentant, comme lors de cette prétendue « attaque » contre un hôpital parisien !

Puisque vous ne voulez pas quitter la table, par manque de dignité républicaine, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que vous devriez présenter vos excuses aux policiers, aux gilets jaunes sincères, aux Français ? (M. Jean-Louis Masson applaudit.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Vous êtes familier des amalgames. Comment pouvez-vous vous émouvoir des insultes contre la police que vous avez reçues sur les réseaux sociaux, soutenir la police et en même temps appeler à la dissolution des black blocs - qui ne sont pas une structure établie - alors que ces derniers ont été applaudis mercredi dernier à Paris par les manifestants ?

Il faut choisir son camp. Si vous soutenez les forces de l'ordre, faites-le sincèrement et totalement. Ne cherchez pas de responsabilités là où il ne peut y en avoir. La violence ne s'excuse pas, ni dans les quartiers où vous accompagnez une BAC, ni dans les manifestations.

La manifestation fait partie de notre culture nationale. Mais certains petits groupes considèrent que l'empêchement de travailler et la violence sont légitimes. Ils doivent cesser de prétendre être le peuple et d'être soutenus dans leurs agissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.