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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mises au point au sujet de votes

Inscription à l'ordre du jour

Cour de justice de la République

Accord en CMP

Lutte contre les espèces toxiques envahissantes

Explications de vote

M. Vincent Segouin, rapporteur de la commission des lois

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur

Explications de vote (Suite)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

M. Dany Wattebled

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Luc Fichet

M. Jean-Claude Requier

M. Yves Détraigne

M. Philippe Mouiller

Réforme de la PAC

Discussion générale

M. Claude Haut, au nom de la commission des affaires européennes

Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires européennes

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Franck Montaugé, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

M. André Gattolin

M. Fabien Gay

M. Henri Cabanel

Mme Anne-Catherine Loisier

Questions d'actualité

Lutte contre le chômage

M. François Patriat

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Fermeture des trésoreries

Mme Josiane Costes

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Manifestations du 1er mai (I)

Mme Éliane Assassi

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Manifestations du 1er mai (II)

M. David Assouline

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Biodiversité (I)

M. Jérôme Bignon

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Manifestations du 1er mai (III)

M. Philippe Bas

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Maisons de services au public

M. Jacques Le Nay

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Biodiversité (II)

M. Ronan Dantec

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Déficit des comptes sociaux

M. Alain Milon

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Visite du président de la République à Amboise

M. Serge Babary

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Prix des carburants

M. Joël Bigot

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Relations des Français avec les forces de l'ordre

M. Stéphane Ravier

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Mise au point au sujet d'un vote

Réforme de la PAC (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Colette Mélot

M. Jean Bizet

Mme Gisèle Jourda

Mme Sophie Primas

M. Jean-Claude Tissot

M. Pierre Louault

M. Michel Raison

Discussion de la proposition de résolution européenne

Application et évaluation des lois

Discussion générale

M. Franck Montaugé, auteur de la proposition de résolution

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois

M. Alain Richard

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Nathalie Delattre

M. Dany Wattebled

Mme Nathalie Goulet

M. François Bonhomme

M. Vincent Segouin

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLES ADDITIONNELS

Annexes

Ordre du jour du jeudi 9 mai 2019

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 7 mai 2019

86e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Mises au point au sujet de votes

M. Jean-Claude Requier.  - Lors du scrutin n°87 sur la proposition de loi relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé, le vote de M. Alain Bertrand a été enregistré comme une abstention, alors qu'il souhaitait voter pour.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Au cours de la séance publique du 2 mai, sur le scrutin n°82, je souhaitais voter pour, et non contre ; inversement, sur les scrutins nos83, 84, 85 et 87, je souhaitais voter contre, et non pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

Inscription à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du lundi 6 mai 2019, le Gouvernement sollicite l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du lundi 27 mai après-midi et soir et, éventuellement, du mardi 28 mai après-midi et soir du projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

Nous pourrions entamer l'examen de ce texte en séance publique le lundi 27 mai à 16 heures.

La réunion de la commission pour établir le rapport et le texte est fixée au mercredi 22 mai matin. Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance pourrait quant à lui être fixé au vendredi 24 mai à midi.

Il en est ainsi décidé.

Cour de justice de la République

M. le président.  - À la suite de la nomination de M. François Pillet au Conseil constitutionnel et de la démission de Mme Catherine Troendlé de son poste de juge suppléante, le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République pourrait se tenir mardi 14 mai de 14 h 30 à 15 heures en salle des conférences. Le délai limite pour le dépôt des candidatures à la présidence serait fixé au vendredi 10 mai à midi.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française et sur celles du projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française sont parvenues à l'adoption d'un texte commun.

Lutte contre les espèces toxiques envahissantes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l'introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Explications de vote

M. Vincent Segouin, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi tend à renforcer les pouvoirs des maires dans la lutte contre les frelons asiatiques. Souvent interpellés par des administrés inquiets, ceux-ci n'ont en effet aucune compétence pour agir quand un nid est situé sur une propriété privée, sauf en cas de menace grave et imminente pour la sécurité sanitaire ou l'ordre public.

Pas moins de 14 000 espèces envahissantes arrivent chaque année dans notre pays dont 10 % seulement s'acclimatent ; parmi celles-ci, 10 % deviennent invasives, avec des conséquences écologiques, économiques et sanitaires.

Les espèces exotiques et envahissantes figurent au troisième rang des menaces sur la biodiversité mondiale. Elles provoquent des désordres dans les écosystèmes, avec également des conséquences sur l'économie, en particulier l'agriculture, et en matière sanitaire - je songe, en France, aux allergies provoquées par l'ambroisie à feuilles d'armoise.

Il est donc apparu nécessaire de coordonner la lutte au niveau international. Une convention internationale a été signée en 1992, avant que le sujet ne soit abordé au niveau européen en 2004. Notre droit national s'est emparé de la question en 2016 avec l'introduction de la notion d'espèce exotique et envahissante.

Pour éradiquer une espèce exotique et envahissante, il faut intervenir très en amont. Passé ce stade, on doit se contenter d'une gestion de la population globale et de la protection des espèces menacées, ce qui est beaucoup plus coûteux.

Le préfet est aujourd'hui en charge de ces interventions. Le maire peut aussi ordonner la destruction de certaines espèces envahissantes en cas de menace grave et imminente sur la santé et la sécurité publique, au titre de ses pouvoirs de police générale déterminés par l'article 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

Une seule reine de frelon asiatique a été introduite en France en 2004 à l'intérieur de poteries importées de Chine. Treize départements étaient touchés en 2006, puis 56 en 2012. Désormais, la France métropolitaine tout entière, à l'exception de la Corse, est envahie.

Le cycle de vie du frelon asiatique est d'une année : les reines sortent au printemps pour rejoindre leurs nouveaux nids ; les frelons chassent en été, principalement les abeilles et les guêpes, puis les colonies meurent en hiver, seules les femelles fécondées survivent au froid. Ils ne reviennent jamais à un nid utilisé l'an passé.

Si la piqûre de ces frelons n'est pas dangereuse pour l'homme, ces insectes menacent les abeilles domestiques et, donc, l'apiculture. L'éradication des frelons asiatiques reste très difficile et la lutte contre le développement de l'espèce s'est surtout concentrée sur la protection des ruches.

J'ai détaillé dans mon rapport les moyens que les maires avaient déjà à leur disposition. La proposition de loi que nous examinons veut leur en donner de nouveaux.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Lesquels ?

M. Vincent Segouin.  - Le maire aurait désormais la possibilité de mettre en demeure les propriétaires touchés de procéder à l'éradication ; à défaut, il procéderait lui-même à l'exécution des mesures.

Cela présente plusieurs effets indésirables : des erreurs possibles dans l'identification de ces espèces, l'emploi de techniques de lutte sans encadrement, le risque de mise en cause de la responsabilité du maire, la concurrence entre les pouvoirs du maire et du préfet pouvant conduire à une déresponsabilisation de l'un et de l'autre, l'impact négatif sur le suivi scientifique et, enfin, le risque d'augmentation du contentieux, surtout pour les petites communes - l'AMF nous a alertés.

La commission des lois a choisi, dans le cadre de la législation en commission, de rappeler aux maires les pouvoirs dont ils disposent et de consacrer la possibilité pour le maire de saisir le préfet en cas de signalement d'une espèce exotique envahissante dans sa commune. Le rôle du maire sera celui d'un facilitateur et d'un intermédiaire avec les propriétaires privés. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC).

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur .  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 34 de notre Constitution. Les possibilités de déposer des amendements sur un tel texte sont limitées ; néanmoins, tel que modifiée, cette proposition de loi est totalement inutile. Le texte dit simplement que le maire « peut » téléphoner ou écrire au préfet s'il est avisé de l'existence d'insectes néfastes sur le territoire de sa commune. Que nous la votions ou non, cette loi ne changera rien à ce que peuvent faire les maires. Il y a déjà tellement de lois nécessaires qu'il n'est peut-être pas utile de voter des lois qui ne changent rien à la réalité.

M. le président.  - Acte est donné de ce rappel au règlement.

Explications de vote (Suite)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Ce texte arrive à un moment crucial puisqu'à l'issue d'un colloque d'une semaine au siège parisien de l'Unesco, l'IPBES, le groupement mondial d'experts sur la biodiversité, vient de rendre son premier bilan complet de la biodiversité dans le monde.

Ce bilan est alarmant. Un million d'espèces animales et végétales sont menacées dont 40 % des amphibiens, 33 % des récifs coralliens et 33 % des mammifères marins. L'artificialisation des milieux, la surexploitation des ressources naturelles, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes sont en cause.

Signe d'une prise de conscience collective, le G7 de l'environnement de Metz, qui s'est tenu hier et avant-hier, a adopté une charte mondiale de la biodiversité signée par les pays du G7 et les États invités à la conférence. C'est le point de départ d'un agenda ambitieux où seront définies une stratégie et des pistes d'action avec, pour rendez-vous, la COP sur la biodiversité en Chine fin 2020 et le Congrès mondial de la nature à Marseille en juin de la même année.

Les espèces exotiques envahissantes ont été introduites par l'homme volontairement ou accidentellement. La révolution industrielle puis la mondialisation ont facilité leur déplacement. On dénombre aujourd'hui 12 000 de ces espèces exotiques en Europe, dont un millier d'envahissantes, et 390 en France. Ces espèces ont des impacts négatifs en matière d'environnement et de biodiversité, particulièrement dans nos outremers. Elles constituent un problème sanitaire au sens large. Plus elles sont détectées précocement, mieux elles pourront être éradiquées.

La biodiversité française se concentre à 80 % dans les outre-mer, particulièrement fragiles. Certaines espèces comme les frelons asiatiques sont déjà trop largement installées pour pouvoir être éradiquées : lorsque le phénomène devient visible, il est souvent trop tard.

Dans le cadre du plan stratégique 2011-2020 pris dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique - les 20 « objectifs d'Aichi » - un certain nombre de progrès ont été constatés. Le règlement européen établi en 2014 a interdit le transport et l'utilisation de ces espèces. En France, la loi de reconquête de la biodiversité d'août 2016 a défini des outils pour contrôler leur introduction mais aussi leur détention, leur transport et leur utilisation.

Je me félicite que le Sénat se saisisse de ce sujet qui concerne le quotidien de nos concitoyens.

Cette proposition de loi renforce le pouvoir des maires qui seraient en mesure d'exiger des propriétaires une action contre les espèces exotiques envahissantes installées sur leur propriété. Vous en avez dit les inconvénients, monsieur le rapporteur : risques d'erreurs d'appréciation, de traitements inappropriés et de dispersion des moyens. Le maire peut et doit jouer un rôle de sentinelle. Pour autant, aucune solution n'étant pleinement efficace contre le frelon asiatique, il est souhaitable de se concentrer sur la protection des ruches.

L'Office français de la biodiversité sera un acteur primordial dans la lutte contre les espèces envahissantes, à l'appui des maires et des préfets. Un centre de ressources national a d'ores et déjà été créé en son sein pour fournir des informations sur chacune de ces espèces, les techniques de gestion et la réglementation.

La France dispose déjà d'outils efficaces et nombreux. Le texte constitue un appel à la vigilance de chacun même s'il a perdu son caractère normatif.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement y est néanmoins favorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ça ne mange pas de pain !

M. Dany Wattebled .  - La propagation des espèces envahissantes est une cause majeure d'atteinte à la biodiversité dans nos territoires. Nos filières agricoles et forestières en souffrent. Le frelon asiatique, le ver géant Bipalium en sont des exemples. Il faut agir rapidement.

Depuis la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, le préfet a le pouvoir de faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction des espèces envahissantes introduites. Il faut donc que l'État agisse : les maires se trouvent trop souvent démunis. Identifier une espèce dangereuse requiert une certaine expertise que ne détient pas forcément le maire.

En outre, la lutte contre ces espèces doit relever de fonds publics : elles menacent les écosystèmes, qui relèvent de l'intérêt général. Les espèces invasives n'ont que faire des frontières administratives de notre territoire. Le groupe Les Indépendants reste défavorable à l'augmentation de la dépense publique mais c'est bien à l'État d'agir, à l'heure où la sixième extinction animale de masse menace.

Nous partageons pleinement l'objectif de cette proposition loi mais considérons qu'elle devra être accompagnée par des actions en faveur de la préservation de la biodiversité dans nos territoires.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Je ne suis pas un spécialiste du frelon asiatique.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Vous pourriez le devenir ! (Sourires)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - À ma connaissance, il n'existe pas à Mayotte. En revanche, les territoires ultramarins, qui recèlent 80 % de la biodiversité de notre pays, sont touchés par d'autres espèces envahissantes : la liane papillon à La Réunion, la tourterelle turque en Guadeloupe, le rat noir dans différentes îles, l'iguane vert en Martinique et en Guadeloupe ou la vigne marronne à Mayotte.

La proposition de loi, qui répond à une véritable préoccupation de nos concitoyens, pouvait entraîner des conséquences fâcheuses, dans sa rédaction initiale, en matière de responsabilité. Le but de ces auteurs n'était nullement de rendre l'exercice du mandat de maire plus compliqué qu'il ne l'est aujourd'hui. En outre, la lutte contre les espèces envahissantes nécessite des compétences naturalistes et techniques, sans lesquelles les interventions sont au mieux inefficaces, au pire, dangereuses pour l'environnement et la biodiversité. Aussi la commission des lois a-t-elle préféré consacrer le rôle de lanceur d'alerte du maire auprès du préfet. Grâce à ce débat, nous avons pu clarifier l'articulation des pouvoirs dans la lutte contre les espèces envahissantes et évoquer la prise en charge financière des interventions.

Le groupe LaREM se rallie au texte de compromis de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Que la prolifération des frelons asiatiques soit un problème, aucun maire ou aucun ancien maire ne dira le contraire. De là à dire que la proposition de loi le résout, c'est une autre affaire...

Le texte de la commission améliore incontestablement la proposition initiale. Fallait-il charger les maires, qui n'en manquent pas, d'obligations et de responsabilités nouvelles ? En l'absence de mise en oeuvre de la procédure prévue, la commune devait faire l'avance des frais sans certitude d'être remboursée par le contrevenant. Le maire et la commune auraient même pu être mis en cause en cas d'accident dû à l'un de ces hyménoptères mal venu. (Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.) Mieux vaut laisser faire le préfet et les spécialistes de la petite bête qui peuplent les DDTM.

Le texte de la commission évite un écueil mais apporte-t-il quelque chose ? Non : le maire, comme tout citoyen, peut,...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat. - ...et même doit, aviser le préfet. Le groupe CRCE s'abstiendra d'ajouter des dispositions superfétatoires à celles, nombreuses, qui existent déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Jean-Luc Fichet .  - Identifié il y a une quinzaine d'années, le frelon asiatique s'est répandu partout en France métropolitaine, sauf en Corse. Il s'attaque aux abeilles, dont on sait l'importance en tant qu'insectes pollinisateurs, pour la biodiversité.

Ma collègue Nicole Bonnefoy, dès 2011, a déposé une proposition de loi visant à créer un fonds de prévention contre la prolifération du frelon asiatique. Le groupe socialiste s'est mobilisé à plusieurs reprises sur ce sujet. Rappelons que la piqûre du frelon asiatique peut être mortelle pour l'homme s'il se trouve en présence d'un nid.

La lutte contre les espèces exotiques envahissantes repose essentiellement sur l'article L. 411-6 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L'arrêté du 14 février 2018 inclut le frelon asiatique dans la liste de ces espèces. Aux termes des articles L. 411-8 et R 411-46 du même code, le préfet de département peut procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens.

Le frelon asiatique nécessite des mesures à grande échelle. Une stratégie nationale de lutte, telle que prévue par le code de l'environnement, est incontournable. Pourtant, en réponse à plusieurs questions adressées par des sénateurs, le Gouvernement reconnaît « qu'il n'y a actuellement aucune stratégie collective reconnue efficace ». Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a, quant à lui, annoncé avoir décidé de subventionner des actions de recherche. Où en sont-elles, madame la ministre ?

Cette proposition de loi va dans le bon sens, même si le maire peut déjà intervenir sur les propriétés privées, en complément des pouvoirs de police spéciale du préfet. Il est utile de sensibiliser les citoyens.

J'y ai insisté, n'imputons pas aux particuliers les frais des opérations : cela pourrait les inciter à entreprendre des actions hasardeuses pour détruire eux-mêmes les nids.

La proposition de loi, telle qu'elle a été modifiée en commission, est équilibrée. Nous la voterons en espérant qu'elle soit efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur le banc de la commission)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Bravo pour votre courage !

M. Jean-Luc Fichet.  - C'est beaucoup dire...

M. Jean-Claude Requier .  - Selon le rapport de l'IPBES, on constate, depuis 1970, une augmentation d'environ 70 % du nombre d'espèces exotiques envahissantes dans 21 pays. Parmi elles, le frelon asiatique qui pose tout un tas de difficultés dans nos territoires aux abeilles domestiques, déjà touchées par le changement climatique et les insecticides.

Nous comprenons la frustration de certains maires, et j'en ai été un, de ne pas pouvoir intervenir systématiquement contre les frelons asiatiques, y compris en l'absence d'accord du propriétaire, mais la proposition de loi aurait pu avoir pour effet d'engager la responsabilité du maire et d'inciter les propriétaires à agir seuls. Or le frelon asiatique peut être confondu avec le frelon d'Europe, la guêpe des buissons, la scolie des jardins et d'autres hyménoptères...

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est fâcheux...

M. Jean-Claude Requier.  - Le texte tel que modifié par la commission est dépourvu de portée normative. Il est inutile de rappeler au maire qu'il dispose de pouvoirs de police générale. (Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.) En cas de danger grave et imminent pour la sécurité publique, il peut intervenir dans les propriétés privées sans obtenir d'accord. Certes, cela reste à la charge de la commune et c'est là toute la question : qui doit prendre en charge les opérations ? Si ce n'est pas l'État, la réponse sera inévitablement à géométrie variable, selon que la commune participe ou non à la destruction.

Le frelon asiatique a un cycle de vie annuel : inutile de détruire son nid, dans lequel il ne revient jamais, sinon pour protéger les ruches. Soyons prudents, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ne peut être abordée sous le seul prisme de la destruction. Le groupe RDSE votera ce texte, même s'il est dépourvu de portée normative, car dans ce cas, comme auraient pu le dire les Jésuites, et c'est un radical qui le dit, l'intention vaut l'action ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Yves Détraigne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Lorsque j'ai découvert le programme de la commission des lois, j'ai cru à une erreur d'aiguillage... Pourquoi un texte sur les frelons asiatiques à la commission des lois ? Mes collègues m'ont un peu éclairé mais ils ne m'ont guère convaincu.

Le maire est une vigie et vous connaissez la formule de Montesquieu : les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Les maires de France ont déjà été confrontés à différents nuisibles, la jurisprudence est claire. Dans la Lettre de l'administration générale d'avril dernier, un article rappelait qu'il appartient au maire de prendre les mesures assurant le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique et que les interdictions ne devaient être ni générales ni absolues et strictement proportionnées aux nécessités. L'article commentait un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 juillet dernier concernant Beaucaire. La population française serait moins nombreuse si les maires n'étaient pas intervenus contre les nuisibles.

Le groupe centriste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Comme sur beaucoup de sujets, les maires sont le premier réceptacle de l'anxiété de leurs concitoyens. Merci à Agnès Canayer et Vincent Segouin d'avoir cherché à trouver des solutions à ce problème des frelons asiatiques. Le Sénat est dans son rôle quand il apporte des réponses aux territoires.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est bien vrai !

M. Philippe Mouiller.  - Les maires des petites communes se sentent démunis face à la demande de leurs concitoyens qui ont détecté des nids de frelons, sur la propriété de leur voisin. Cela peut paraître anecdotique mais c'est une réalité vécue au quotidien, dans nos mairies.

Le frelon asiatique, arrivé en France en 2004, s'est répandu en une quinzaine d'années sur le territoire métropolitain ; il constitue une menace pour les insectes, et plus particulièrement pour les abeilles domestiques. C'est pourquoi, depuis un arrêté du 26 décembre 2012, il est classé dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie, pour l'abeille domestique, sur tout le territoire national. La loi d'août 2016 a défini les espèces envahissantes exotiques, elle a confié aux préfets le rôle de lutter contre elles - mais tous ne se saisissent pas également de cette fonction... Quant aux élus locaux, certains prennent en charge, au niveau communal ou intercommunal, la destruction des nids ou fournissent des pièges.

La coexistence de deux pouvoirs de police spéciale risquait de conduire à une déresponsabilisation. Faire du maire un lanceur d'alerte est une meilleure solution. Véritable sentinelle, il fera appel au préfet et pourra agir en vertu de son pouvoir de police générale en cas de menace grave et imminente.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi examinée fort opportunément selon la procédure de législation en commission, imaginée par le président Larcher. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs des groupes RDSE et LaREM)

La séance est suspendue quelques instants.

Réforme de la PAC

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune, à la demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes.

Discussion générale

M. Claude Haut, au nom de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Luc Fichet applaudit également.) Le Sénat a adopté deux résolutions européennes sur la prochaine réforme de la PAC, les 8 septembre 2017 et 6 juin 2018. En voici une troisième qui reprend nos recommandations et traduit nos inquiétudes à l'égard des propositions que la Commission européenne a présentées le 1er juin 2018. La diminution du budget de la PAC pour 2021-2027, qui serait de 15 % selon le Parlement européen, en est la véritable matrice. En dépit de négociations longues et difficiles au sein du Conseil, elles sont restées inchangées.

Nous voulons une PAC forte, rénovée, répondant aux attentes des agriculteurs. Nos 28 points demandent un budget stable en euros constants, rappellent que la PAC doit demeurer une priorité stratégique pour l'Union européenne, mettent en garde contre les risques de dumping social et environnemental et de pénalisation des producteurs les plus vertueux, réclament de nouvelles règles en matière de concurrence. En revanche, nous saluons les avancées en matière d'aide aux jeunes agriculteurs et de recherche et d'innovation.

Heureusement, les négociations sont loin d'être achevées. Nos agriculteurs ont besoin d'être rassurés, comme la Représentation nationale. Le sujet de la PAC nous tient tous à coeur, au point de transcender nos différentes sensibilités politiques ; nous sommes impatients d'avoir la position du Gouvernement sur les négociations en cours (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

Mme Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires européennes .  - En l'état actuel, l'écart entre le schéma retenu par la Commission européenne et nos propositions est considérable, suscitant un vif malaise. Les orientations de la Commission contredisent en partie nos deux premières résolutions, ainsi que celle-ci, même si certains points méritent d'être salués.

Nous déplorons la réduction drastique du budget, moins 12 % pour le premier pilier et moins 28 % pour le second, les incertitudes sur les ambitions environnementales, la perspective d'un statu quo sur les règles de concurrence.

Tout va dans le sens d'une renationalisation de la politique agricole.

Les divergences de fond sur la PAC s'accroissent entre les États membres depuis des années. La Commission européenne semble vouloir leur laisser la main ; les distorsions de concurrence aboutiraient à la victoire des moins-disants en matière environnementale au détriment des producteurs les plus vertueux.

Avec 142 articles et plusieurs annexes, c'est aussi à un transfert de bureaucratie vers les États membres auquel nous assisterions. À terme, retrouverons-nous 27 politiques agricoles différant en tous points ? Ce serait la fin de la PAC telle qu'elle a été conçue en 1962. En juin 2017, nous avions publié un premier travail, complété au début de 2019 et appelant à sauver la PAC.

Depuis le 6 juin 2018, date de notre dernier débat avec votre prédécesseur, les négociations sur la future PAC ont avancé, sans hélas que les orientations de la Commission européenne ne soient remises en cause par les États membres.

Le président de la République donne parfois l'impression de nous écouter à Paris mais de tenir un discours inverse à Bruxelles. Il faudrait au contraire un discours constant et une voix qui ne tremble pas pour défendre nos agriculteurs. Si les actes ne suivent pas, il sera bientôt trop tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En juin dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité, et vous étiez des nôtres à l'époque, monsieur le ministre, une résolution européenne appelant à la préservation d'une PAC forte.

J'avais alors repéré un paradoxe : la Commission européenne choisissait de sacrifier la plus importante et la plus intégrée des politiques européennes et sa position n'a pas varié depuis ; il est important de le rappeler à quelques jours des élections européennes. Comment accepter ce renoncement face aux enjeux alimentaires et stratégiques que nous devons relever ? Comment demander à nos agriculteurs de faire beaucoup plus avec beaucoup moins ?

La PAC est une priorité déclinante pour l'Union européenne alors qu'entre 2008 et 2015 la Chine a augmenté son budget agricole de 145 %, les États-Unis de 39 %, le Brésil de 44 %, quand l'Union européenne envisage de diminuer le sien de 15 %...

Alors que le Gouvernement nous dit être d'accord avec nous, rien n'a changé depuis notre dernier débat, les coupes sont toujours là. Seule, la commission Agriculture du Parlement européen a proposé la pérennisation jusqu'en 2050 du système des autorisations de plantation de vigne. Mais le bilan global reste bien terne.

Les auditions de notre groupe de suivi ont révélé, au sein du monde agricole, le sentiment de perte de sens de cette politique, alors qu'elle a contribué à la construction européenne depuis 1962. Politique ancienne, ce n'est pourtant pas une vieille politique, mais la clef d'entrée pour répondre aux défis du XXIe siècle, comme l'a dit le président Bizet.

Pour nos deux commissions, l'agriculture garantit l'indépendance alimentaire de notre continent, mais aussi la sécurité sanitaire des consommateurs européens. Elle contribue à la vitalité de nos territoires ruraux et elle crée des externalités positives pour l'environnement et l'ensemble de la société. C'est pourquoi le budget de la PAC doit être au minimum préservé.

Or rien de tout cela ne sera possible sans ambition et sans vision. Après, il sera trop tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Franck Montaugé, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Pour la troisième fois, nous interpellons le Gouvernement sur la plus grande politique intégrée qui fut longtemps la clé de voûte de toutes les institutions européennes. Or nos inquiétudes persistent : la vision stratégique est faible, les protections des agriculteurs sont amoindries et les attentes des consommateurs en matière de qualité et de sécurité des aliments insuffisamment prises en compte.

Notre groupe de suivi demande ainsi le maintien du budget de la PAC, d'autant que les premiers effets de la loi Egalim ne sont pas bons. La baisse du budget de 15 % aurait un impact très négatif pour les agriculteurs et les territoires ruraux. Comment la transition vers l'agro-écologie souhaitée par le Gouvernement serait-elle possible ?

Nous appelons à la reconnaissance des externalités positives de l'agriculture, à savoir les paiements pour services environnementaux (PSE) que nous souhaitons voir instaurés. S'il fallait épargner les crédits de la PAC, nous proposerions de les financer sur les fonds horizon Europe, soit 100 milliards d'euros de prévus dans le prochain budget.

Sous couvert de subsidiarité, le risque de renationalisation de la PAC est réel. Or les inconvénients excéderaient les avantages. Nous en appelons à des mécanismes européens de gestion plus souples : réserves de crise, article 224 qui permettent de déroger aux règles de la concurrence. Il faudrait mettre à disposition des agriculteurs une boîte à outils de gestion des risques. Des normes identiques s'appliquant à toute l'agriculture européenne sont également nécessaires.

Enfin, il nous faut refuser les produits des importations ne respectant pas nos standards au moyen d'un organisme de contrôle européen. La PAC est à un tournant, comme elle le fut en 1992. Depuis lors, les producteurs souffrent. Nos exportations ont diminué. En plaçant les producteurs et les paysans au coeur du raisonnement, nous construirons une nouvelle étape de la PAC.

Le commissaire Phil Hogan a dit que les principes de la future PAC étaient déjà acquis. Pourquoi discutons-nous, dès lors ?

Monsieur le ministre, comment faire pour que les principes de la future PAC servent les intérêts des agriculteurs français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Cette proposition de résolution est la troisième que le Sénat présente et je vous en remercie : elle m'aide beaucoup et j'en partage de fond en comble le contenu.

Nous sommes très opposés à la baisse du budget de la PAC, qui sera un des enjeux des prochaines élections européennes. J'espère qu'une autre majorité verra le jour. Pour l'instant, vingt pays en Europe, dont la France et l'Allemagne, sont opposés à la proposition de la Commission européenne.

Le Gouvernement partage vos positions sur la pérennisation du budget de la PAC. Il partage également vos vues sur les dangers d'une renationalisation et sur la nécessité de conditionner les ambitions environnementales en fonction du maintien du budget. Bref, le Gouvernement vote votre PPRE.

Mais nous ne vivons pas seuls en Europe : pour agir, il faut des majorités. S'il n'y avait que la France, le budget de la PAC ne baisserait pas d'un centime ! Pour l'heure, 20 pays sur 27 sont sur votre ligne. Baisser le premier pilier de 3 % et le deuxième de 15 % est absolument inacceptable, alors que l'agriculture française souffre.

Travailler sur un filet de sécurité, sur les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) ou sur la gestion des risques exige de préserver les moyens du second pilier.

Cela dit, le budget de la PAC va baisser, car le Royaume-Uni va quitter l'Union européenne. Dire le contraire est une ineptie. Mais il n'est pas question que le budget UE27 de la PAC baisse plus qu'il ne devrait compte tenu de la perte des 13 milliards d'euros de la contribution britannique.

L'Allemagne pourrait faire évoluer sa position ; et d'autres encore.

M. Gremillet a évoqué la perte de sens : oui, c'est un risque si nous ne regardons pas où nous voulons aller. Or les deux piliers de la PAC sont très clairs. Cela dit, la transition agro-écologique ne sera possible qu'avec des moyens à la hauteur. Je suis d'ailleurs opposé à la bascule d'un pilier sur l'autre.

Madame Gruny, la position de la France est connue, et nous ne transigerons pas : notre voix ne tremblera pas.

Monsieur Haut, nous devons avancer tous ensemble pour faire muter la PAC.

Monsieur Montaugé, l'Union européenne a acté la création de la force sanitaire européenne de contrôle proposée par la France. Nous nous battrons pour que les produits ne respectant pas les standards européens n'entrent pas en Europe.

Bref, la PAC ne peut être une variable d'ajustement. Son budget doit être sanctuarisé car il y va de notre alimentation, de notre environnement et de nos paysages ; le Gouvernement défend une PAC forte, intégrée au niveau européen, car il ne saurait y avoir 27 politiques agricoles. Les dispositifs facultatifs ne doivent ainsi pas se multiplier. L'écorégime du premier pilier, par exemple, doit ainsi être obligatoire. Ce combat est essentiel.

Si flexibilité il devait y avoir, nous ne l'accepterions qu'à la marge pour traiter des particularités régionales ou de filières économiques. La subsidiarité ne doit pas rimer avec la renationalisation.

Je serai intraitable pour simplifier la PAC -  aujourd'hui, 9 200 critères, c'est beaucoup trop ! Si le Parlement nous y aide, je crois que tous en bénéficieront.

La protection des agriculteurs est indispensable. En cas de crise, l'Europe n'est aujourd'hui pas assez réactive. Nous travaillons donc à mettre en place des outils de réaction aux crises climatiques ou sanitaires. Le système assurantiel ne marche guère : il faudra créer quelque chose de nouveau, pour aider les paysans et non pour les brider.

Nous travaillons aussi à développer des aides spécifiques comme le programme d'opérations spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei) pour l'outre-mer, ou les indemnités compensatoires de handicaps naturels. À ce propos, 14 000 communes entrent dans les zones défavorisées simples (ZDS), tandis que 6 800 en sortent. Ainsi, 7 000 communes de plus vont bénéficier de ce dispositif. Évidemment, les nouveaux entrants se font discrets, et l'on n'entend que les communes qui sortent... Nous essaierons d'avancer plus loin encore, surtout pour une sortie en sifflet.

L'agriculture est une filière économique importante pour notre pays. Nous devons ainsi aider le développement des filières - les plans de filières se mettent en place - et les mutations sont en cours dans ce secteur comme jamais et comme nulle part ailleurs.

Pour nous battre contre la proposition de la Commission européenne, il faut être solides, parler d'une seule et même voix. (M. Benoît Huré renchérit.) Nous ne serons certes pas d'accord sur tout, il faut essayer sur les points principaux. Les responsables des organisations agricoles ont répondu présents à mon appel.

Ensemble, faisons en sorte que la PAC post-2020 soit forte et protectrice. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains.)

M. André Gattolin .  - Les deux précédentes propositions de résolution européenne ont été approuvées à l'unanimité en septembre 2017 et en juin 2018. À moins de trois semaines d'un scrutin européen déterminant, nous présentons ce nouveau texte.

M. Juncker a annoncé qu'il ne se représentera pas. Le Royaume-Uni aura fort probablement choisi de quitter l'Union. Le discours sur l'état de l'Union européenne prononcé en septembre dernier par Jean-Claude Juncker réaffirmait la nécessité de mettre en relief les valeurs européennes, en écho aux discours du président de la République durant la campagne présidentielle.

Depuis deux ans, la Commission européenne travaille ardemment à la préparation du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. En dépit du Brexit qui l'occupe beaucoup, elle a souhaité aller vite pour éviter la confusion qui avait régné lors de la préparation et l'adoption in extremis du précédent cadre financier 2014-2020.

Dans le contexte particulier qui est le nôtre, l'espoir de la Commission de faire adopter ce prochain cadre financier en amont des élections était gênant d'un point de vue démocratique. Nous sommes parvenus à échapper à cette ineptie.

Cependant, l'héritage est lourd. Les États membres sont assez malthusiens quant au financement du budget de l'Union. Les crédits réclamés dans tous les domaines rendent les arbitrages difficiles et complexes. On est loin des années 80 ou 90, où les ressources propres comme la TVA représentaient 80 % des financements de l'Union, facilitant l'allocation des dépenses pour les différentes politiques communautaires.

Cela n'exclut pas les coupes dans le budget proposées par la Commission et soutenues par certains États membres, mais l'explique dans une certaine mesure. Certes, il faut adapter la PAC aux nouveaux défis. Ainsi, le renforcement des aides aux jeunes agriculteurs, la protection accrue de l'environnement et la création d'une réserve en cas de crise sont louables. En revanche, la diminution du budget de la PAC est inacceptable, notamment en ce qui concerne le développement rural.

La proposition de la Commission de consacrer 10 milliards d'euros à la recherche et l'innovation dans le domaine de l'alimentation, de l'agriculture et de la bio-économie est une bonne chose : le smart farming ou agriculture de précision est une piste qu'il convient d'explorer. Les nouvelles technologies appliquées à l'agriculture sont intéressantes, mais peu d'agriculteurs en bénéficient.

Le groupe LaREM votera en faveur de cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. Fabien Gay .  - Je tiens à excuser Cécile Cukierman, retenue dans la Loire.

Faire mieux avec toujours moins de moyens : telle est la direction prise pour l'avenir de la PAC. La Commission européenne fait le choix d'un abandon de toute régulation publique des marchés agricoles et d'une renationalisation de la PAC. À quoi il faut ajouter la baisse du budget : quel avenir sombre !

Les objectifs annoncés par la Commission sont certes louables : revenus équitables pour les agriculteurs, rééquilibrage des pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, lutte contre les changements climatiques. Mais soyons sérieux ! Comment ferons-nous avec un budget diminué de près de 16 % et sans instrument de régulation ? D'autant que l'Union européenne continue à multiplier les accords de libre-échange aux conséquences désastreuses : 16 sont sur la table ! Il faudrait plutôt développer un nouveau modèle d'échanges créateurs d'emplois. Le CETA va à l'opposé de cet objectif, comme la loi EGalim, d'ailleurs.

Alors, monsieur le ministre, discours de façade ou réelle volonté ?

La Commission européenne fait fi de la question de la rémunération des agriculteurs et de la volatilité des marchés, afin que l'Union européenne respecte les accords de l'OMC.

D'ailleurs, monsieur le ministre, quand exactement ratifierons-nous le CETA ? Nous devions le faire en septembre. Mais peut-être attendez-vous que les élections européennes soient passées ?

La nouvelle PAC s'inscrit dans un marché mondialisé et dérégulé. Je ne peux que me féliciter du rapport de nos deux commissions. Oui, la réforme qui se profile portera un coup fatal à notre modèle agricole. La PAC va se dissoudre peu à peu au profit des politiques nationales variant d'un pays à l'autre.

Lors des négociations, vous avez défendu un budget stable, c'est bien. Mais les modalités de gestion de la PAC sont tout aussi importantes. Celles prévues par la Commission remettent en question l'approche uniforme en les faisant varier d'un pays à l'autre. Chaque pays pourra définir des objectifs qui entreront en compétition avec ceux de ses voisins. Le nouveau mode de gestion moins bureaucratique ne fera que favoriser les risques de dumping. Seuls les grands acteurs de la distribution seront en mesure d'avoir des projets à l'échelle européenne à grand renfort de fusions-acquisitions.

Ce dont les agriculteurs ont besoin, c'est d'une coopération basée sur des objectifs partagés. Sortons la PAC de cette logique productiviste mortifère. Les Français veulent encourager les circuits courts, une meilleure traçabilité des produits et des aides pour favoriser la transition écologique.

Les Européens ne veulent pas d'une PAC au rabais. Nous voterons cette proposition de résolution européenne des deux mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Daniel Gremillet, rapporteur, applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - Ce texte reprend quelques grands principes des textes précédents. Pourquoi renouveler une attention soutenue sur cette question ? Nous mesurons au Sénat les enjeux essentiels que porte l'agriculture : emploi, environnement, exigence sociétale, aménagement du territoire, entre autres. Les aléas sont nombreux qui poussent trop souvent nos agriculteurs au geste fatal, un agriculteur se suicidant tous les jours ! C'est inacceptable. Ils ont pourtant toujours su s'adapter de PAC en PAC, produisant davantage quand il le fallait, produisant moins lorsque les quotas ont été instaurés. On leur demande désormais de produire mieux. Ils le font déjà, pour beaucoup. Les autres attendent qu'on leur en donne les moyens.

La future PAC va-t-elle dans le bon sens ? Les auteurs de la PPRE n'ont pas caché leur inquiétude.

Avec la PAC actuelle, seulement 3 % des 700 millions d'euros du programme Leader ont été consommés, gâchis à 100 % français, dû au principe : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Les territoires ruraux ont fait les frais du transfert de ces aides aux régions alors que ces dernières n'y étaient pas préparées. Il est indispensable et urgent de simplifier les modalités d'instruction.

Sur la prochaine PAC, tout a été dit : la baisse de 15 % du budget est d'autant plus inadmissible qu'elle est à contre-courant de ce que font les grands pays comme les États-Unis, la Chine ou le Brésil.

L'agriculture ne doit pas devenir une variable d'ajustement à l'heure où se profile le défi alimentaire dans le monde, composé bientôt de 9 milliards d'individus. Le métier d'agriculteur est un métier d'avenir.

La question de la PAC concerne aussi les aides que nous devons apporter à nos agriculteurs. Dans la loi EGalim, nous avons débattu des revenus agricoles, car il n'est pas admissible que nos agriculteurs ne puissent vivre de leur métier, étant victimes de la guerre des prix et de la grande distribution. Je salue d'ailleurs le projet de directive sur les pratiques commerciales déloyales.

La nouvelle PAC ciblera mieux les aides mais une attention particulière devra être apportée à la gestion des crises. La régulation ne devra plus être une notion taboue. Souvenez-vous de la crise du lait en 2015.

La PAC n'aura de sens que si elle garantit aux agriculteurs un cadre européen de concurrence loyale. La proposition de résolution européenne insiste sur la subsidiarité voulue par la Commission européenne. Est-elle prête à revoir sa copie pour éviter le risque de dumping social ?

Inscrire les PSE comme objectif commun est une piste. Joël Labbé a organisé un colloque au Sénat sur ce sujet. Ce serait un juste retour des choses pour ces milliers de femmes et d'hommes qui s'investissent dans leurs exploitations. À l'heure de l'agri-bashing, il est nécessaire de soutenir les agriculteurs qui ont opté pour des pratiques vertueuses. Aujourd'hui, nous sommes devenus concurrents alors que la vraie menace économique vient de l'extérieur.

Le 1er mai, j'ai été choqué par un reportage qui montrait des agriculteurs espagnols obligés de tronçonner leurs orangers, à cause de la concurrence australienne et néozélandaise.

Il faut exclure les produits alimentaires des accords de libre-échange, car la transparence est pour l'instant absolument impossible.

En attendant ces avancées, le groupe RDSE approuvera cette PPRE sur la PAC que nous souhaitons plus ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et SOCR ; Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission) Pour la France, première puissance agricole de l'Union européenne, la PAC est un enjeu majeur. Nos deux premières propositions de résolution ont été insuffisamment entendues. À l'heure où les États-Unis et la Chine dominent, l'Union européenne doit pouvoir s'appuyer sur la PAC, socle de sa cohésion.

Comment admettre une PAC qui consacrerait une baisse des aides et des revenus des agriculteurs, alors qu'un tiers d'entre eux vit avec moins de 350 euros par mois ? D'autant que la mondialisation et la dérégulation des marchés font peu de cas des standards européens et d'une concurrence loyale. Où est la vision communautaire ? Soyons cohérents. Nous avons voté il y a peu une loi EGalim qui préconise contractualisation, regroupement en organisation de producteurs, montée en gamme, meilleure répartition de la valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Pour la mettre en oeuvre, il nous faut une PAC qui nous permette d'innover et de gagner en compétitivité. Et puis, l'article 44 de cette loi devra être respecté, qui interdit la vente de produits alimentaires ne respectant pas les normes de production et de traçabilité européennes. Les citoyens, les agriculteurs et les élus veulent une PAC forte mais aussi réaliste ; ils souhaitent qu'elle s'adapte à la concurrence et au protectionnisme qui sévissent sur le marché mondial.

Cette nouvelle PAC remet en cause le modèle agricole européen, mais aussi français, modèle qui crée des emplois et aménage les territoires. Voilà pourquoi le Sénat ne souhaite pas manquer ce rendez-vous de la nouvelle PAC.

Comme ses prédécesseurs, le président de la République doit peser personnellement dans les négociations, en soutenant les pratiques vertueuses, et en accompagnant la viabilité des exploitations, notamment dans les zones les plus défavorisées.

C'est ainsi que la France apportera sa contribution à une Europe agricole plus juste et plus responsable, une Europe forte qui relève les défis du XXIème siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

La séance est suspendue à 16 h 30.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole.

Lutte contre le chômage

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Il y a quelques semaines Le Monde titrait : « La France, pays du chômage, devient le pays de l'embauche » (On s'amuse à droite.) En effet, quelque 2,7 millions de projets d'embauche sont prévus pour 2019, un niveau inédit depuis 2010.

Monsieur le Premier ministre, l'OCDE salue votre politique active en faveur de l'emploi et vous encourage à poursuivre dans cette voie. Néanmoins, une trop grande partie de notre jeunesse, de nos séniors, de nos territoires, reste exclue du monde du travail. Est-ce une fatalité ? Hier à Matignon, devant les partenaires sociaux et les élus locaux, vous avez rappelé votre objectif d'une mobilisation totale pour l'emploi, votre volonté de trouver des solutions concrètes à des problèmes concrets.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il serait temps !

M. François Patriat.  - Vous avez dit vouloir agir, dans la concertation, pour lever les freins à l'embauche, multiplier les emplois liés à la transition écologique. Pouvez-vous nous préciser le cadre, la méthode et le calendrier des actions que vous projetez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Merci de votre question qui me permet d'indiquer le sens de la démarche entamée hier à Matignon.

L'objet de la mobilisation nationale pour l'emploi est simple. Aucun problème ne pourra être résolu par l'action isolée d'une collectivité, d'un syndicat, du Gouvernement ou d'une entreprise. Pour lever les freins à l'emploi, pour développer l'apprentissage, pour mettre en oeuvre la transition écologique au quotidien, il faut mobiliser tous les acteurs autour de solutions concrètes.

Premier des cinq thèmes identifiés, l'apprentissage, voie royale du retour à l'emploi, repart : hausse de 8 % l'an dernier, de 12 % depuis le début de l'année. Cependant, des questions pratiques demeurent : comment mobiliser les entreprises pour accueillir des apprentis ? Comment répondre aux problèmes de logement, de mobilité ?

M. Gérard Longuet.  - Dix ans de perdu...

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Collectivités territoriales, associations environnementales, associations patronales doivent coopérer. Hier, l'ensemble des institutions et des partenaires étaient représentés ; M. Dallier représentait le Sénat.

Le sujet de la rénovation thermique des bâtiments s'est également imposé : là encore, malgré les budgets et les instruments, il y a trop de freins, nous disent les associations.

Nous sommes convenus d'une méthode : les préfets de région et les présidents de conseil régional organiseront la mobilisation territoriale avec les partenaires, au niveau de granularité qui leur paraît adapté.

L'objectif est simple : à des questions concrètes, apporter des réponses concrètes. Nous déterminerons en juin la part des problèmes qui relèvent d'une stratégie nationale. En septembre, nous annoncerons un agenda de solutions pratiques et concrètes. C'est cela qu'attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe RDSE ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

Fermeture des trésoreries

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Les directions départementales des finances publiques (DDFiP) ont reçu en décembre 2018 une note annonçant le démantèlement du réseau de proximité des finances publiques d'ici 2022.

Dans le Cantal, son application entraînerait la fermeture de treize trésoreries, de deux services des impôts des particuliers et de deux services des impôts des entreprises. Cela aggraverait la fracture territoriale qui pénalise déjà les territoires ruraux où la population, plus âgée qu'ailleurs, n'est pas à l'aise avec l'outil numérique - sans compter que la couverture numérique n'est pas achevée. La présence physique de personnel qualifié est indispensable.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus d'indications sur la suppression envisagée de ces services de proximité ? Comment comptez-vous les remplacer et assurer l'égalité entre citoyens et territoires ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Je veux vous rassurer : il n'y a eu aucune fermeture de trésorerie en 2019. Sur les 247 communes de votre département, quatorze bénéficient d'une implantation de la DGFiP, trois ont des permanences.

Il est vrai que depuis neuf ans, 1 200 trésoreries ont fermé ; il en reste 2 500 sur le territoire national. Suppression de la taxe d'habitation, succès du prélèvement à la source, suppression prochaine de la déclaration de l'impôt sur le revenu pour certains, traitement du numéraire et des chèques par le réseau de la Poste et des buralistes... Le recouvrement de l'impôt évolue.

Dans le Cantal, vous aurez 30 % à 40 % d'agents publics en plus, nous passerons de quatorze à vingt lieux physiques d'implantation.

Je me suis rendu dans le Limousin, en Corrèze, en Haute Vienne, où j'ai rencontré les élus locaux, expliqué la nouvelle carte.

Le président de la République a fait des annonces. La DGFiP s'inscrit dans la déconcentration. Moins d'agents à Paris, plus dans le Cantal, voilà notre politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et sur certains bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

Mme Josiane Costes.  - Dans nos territoires ruraux, la population, vieillissante, a besoin de présence physique et de proximité. Votre réponse nous rassure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Manifestations du 1er mai (I)

Mme Éliane Assassi .  - Le droit constitutionnel de manifester est essentiel en démocratie.

M. Jean Bizet  - Sans casser !

Mme Éliane Assassi.  - Il a pourtant été bafoué le 1er mai, à Paris - principalement à cause des interventions violentes et répétées des forces de l'ordre (Huées et protestations à droite) et non des black blocs, dont nous condamnons les actes. Dès le début de la manifestation, les cortèges syndicaux ont été la cible de tirs de grenade, noyés sous les gaz lacrymogènes. J'y étais, je suis témoin de ces agressions irresponsables contre les manifestants.

M. Castaner a évoqué une « attaque » contre l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, or les faits démontrent le contraire. Le Premier ministre a estimé, le lendemain, qu'entrer dans un hôpital était « idiot » et « scandaleux ». Émettre des mensonges, des contre-vérités pour salir un mouvement social, voilà le vrai scandale !

Où est la République de la responsabilité réclamée par le président de la République ? La crédibilité du ministre de l'Intérieur qui a manipulé l'opinion est entachée ; il doit être entendu par les commissions des lois. Trop de blessés, trop de violence : il est temps de revoir votre doctrine de maintien de l'ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur de nombreux bancs du groupe SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Oui, le droit de manifester est une liberté républicaine, une expression de la liberté de pensée ; comme toutes les libertés publiques, elle s'exerce dans le respect du droit. Or depuis le début du mouvement des gilets jaunes, des gens qui invoquent la liberté de manifester ne respectent pas les règles posées par le Parlement et la jurisprudence.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Lesquelles ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Depuis quelques années, le 1er mai n'est pas seulement cette journée symbolique où les organisations syndicales commémorent les luttes qui ont conduit à la journée de huit heures.

M. Martial Bourquin.  - C'est mieux que ce qu'a dit le président de la République.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - S'y greffent des personnes dont l'objectif est de casser, de provoquer. Le 1er mai 2017 a donné lieu à des images d'une grande violence - souvenez-vous de ce CRS en flammes. Le 1er mai 2018 (marques d'ironie à gauche) a été marqué par de grandes violences avant le début du cortège syndical. Les responsables des organisations syndicales m'ont demandé que l'on circonvienne les casseurs. C'est ce que nous avons fait.

Mme Éliane Assassi.  - Non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Il s'agissait d'empêcher que les black blocs ne privent les manifestants de leur droit de manifester.

L'exercice est difficile, à l'évidence. De ce point de vue, je considère que le 1er mai a été remarquablement tenu : le ministre de l'Intérieur, le préfet de police, l'ensemble de la chaîne ont évité les débordements annoncés par ceux qui voulaient faire de Paris la capitale de l'émeute. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

Vous parlez de l'intrusion violente à la Pitié-Salpêtrière. (Protestations à gauche) Elle a donné le sentiment aux personnels de santé présents que le fonctionnement normal du service de réanimation était menacé. Compte tenu de ses informations, le ministre de l'Intérieur a fait la déclaration que l'on sait. Le lendemain, il a reconnu qu'il avait utilisé un terme inadapté. Cela arrive à tout le monde. Il l'a corrigé, en assumant : c'est tout à son honneur. (Protestations à gauche) Je lui renouvelle toute ma confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC ; M. Roger Karoutchi applaudit également.)

Manifestations du 1er mai (II)

M. David Assouline .  - Monsieur le Premier ministre, nous venons d'entendre vos explications. Nous partageons votre condamnation de ceux qui dévoient les manifestations pour casser. Mais rien ne peut justifier qu'un ministre de l'Intérieur, qui devrait apaiser, jette de l'huile sur le feu par un mensonge massif. (On ironise à droite.)

M. Philippe Dallier.  - Tout en finesse !

M. Roger Karoutchi.  - Incroyable !

M. David Assouline.  - Rien ne justifie qu'on utilise des techniques de nasse contre des manifestants légitimes, des femmes et des enfants ! (Mouvements à droite)

Mme Fabienne Keller.  - Scandaleux !

M. Philippe Pemezec.  - Démagogie !

M. David Assouline.  - M. Fauvergue, député de la majorité, invite à « oublier Malik Oussekine ». (Exclamations) Ma génération n'oubliera jamais la façon dont Malik Oussekine a été tué en se réfugiant dans une cage d'escalier à quelques pas d'ici. Faut-il comprendre que face à la difficulté du maintien de l'ordre, on ne s'embarrassera plus des libertés publiques et de l'État de droit ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. François Grosdidier s'exclame.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Le Premier ministre a rappelé le contexte de ce 1er mai : présence annoncée de mille à deux mille casseurs, souvenir du 1er mai 2017, de certains samedis, du McDo et du garage Renault vandalisés le 1er mai 2018.

La veille, je m'étais engagé auprès des responsables de la CGT et de Force ouvrière à ce que le cortège parte à l'heure prévue et atteigne sa destination. Or 18 000 personnes étaient positionnées en avant du cortège officiel, qui ne pouvait donc pas partir. À 14 heures, nous avons ouvert le chemin.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Ce n'est pas la question!

M. Christophe Castaner, ministre.  - Nous avons mis en place une force intermédiaire pour faire avancer les gens. Il y a eu de nombreuses exactions, à proximité de la Pitié-Salpêtrière. Le maire du XIIIe, Jérôme Coumet, a témoigné de la violence de cet épisode, comme de ce qui s'est passé dans une école. Un CRS a été blessé, aux cris de « achevez-le ! ».

Oui, j'ai parlé d'« attaque », au vu du témoignage du personnel hospitalier. Le lendemain, j'ai corrigé le mot. N'y voyez-pas une quelconque menace à l'ordre public...

Mme Sophie Taillé-Polian.  - C'est vous, la menace !

M. Christophe Castaner, ministre.  - ... auquel nous sommes tous attachés, quelle que soit notre histoire, y compris notre histoire commune, et quel que soit notre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. David Assouline.  - Vous serez jugés à l'aune des suites qui seront données aux saisies de l'IGPN, qui tardent à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. François Grosdidier.  - Et les agresseurs de policiers ?

Biodiversité (I)

M. Jérôme Bignon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Nous sommes entrés dans la sixième extinction de la biodiversité, majeure, indiscutable. L'homme en est le principal responsable. Saurons-nous arrêter le désastre ?

La biodiversité n'est pas un catalogue, une lubie d'écolo ou un thème à la mode, c'est un miracle qui a nécessité des milliards d'années d'évolution. Le monde est en train de l'anéantir. Nous fêtons les dix ans du Grenelle de la mer ; dix ans après, l'océan contient un septième continent. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement et les directions départementales des territoires croulent sous les dossiers d'artificialisation des sols. Tous les cinq ans, la surface agricole utile d'un département disparaît. Quand cesserons-nous de morceler nos campagnes, de polluer nos rivières, de détruire nos zones humides ?

Les rapports sur le sujet s'accumulent, les gouvernements successifs s'étourdissent de mots, de colloques et de plans d'action... Le Parlement a les mains liées ; le Gouvernement a la main sur l'ordre du jour et les clés de Bercy. Qu'il nous éclaire : que compte-t-il faire pour arrêter cette perte irréversible ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je connais votre engagement, monsieur Bignon. Il y a quelques années encore, les défenseurs, dont j'étais, des petites fleurs et des petits oiseaux étaient ridiculisés...

Cet enjeu a fait l'objet d'un rapport de scientifiques du monde entier, que le président de la République a reçus à l'Élysée. Pour la première fois, un président de la République fait de la biodiversité un enjeu de diplomatie, au même titre que le climat.

Deux exemples, pour vous inciter à garder espoir - car je ne céderai jamais au fatalisme. Dans les années 1970-80, le bouquetin avait disparu des Alpes et des Pyrénées ; ils sont 10 000 aujourd'hui. Il n'y avait plus que trois espèces de poissons dans la Seine ; on en dénombre désormais quarante. Car nous avons pris des mesures à la racine, de prévention de la pollution et de préservation des habitats ! Et nous continuerons. L'Office français de la biodiversité comptera 5 000 agents dédiés. Nous protégerons 30 % du territoire national. Ne doutez pas de notre détermination à agir pour l'écologie et la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Indépendants)

Manifestations du 1er mai (III)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Tenons-nous en aux faits, monsieur le ministre de l'Intérieur. Le 1er mai, plusieurs dizaines de manifestants sont entrés par effraction dans l'enceinte de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour échapper aux gaz lacrymogènes. Une telle irruption est de nature à susciter une légitime émotion. Heureusement, aucune agression ne semble avoir été commise et les manifestants n'ont pas pénétré dans les bâtiments.

Il faut saluer le sang-froid, le calme et le professionnalisme du personnel de santé pour maintenir les patients à l'abri de l'agitation. Hélas, ce même sang-froid a fait défaut au Gouvernement.

« On a attaqué un hôpital, agressé le personnel soignant », a dit le ministre de l'Intérieur, parlant d'une « intrusion violente ». « C'est un acte scandaleux », a déclaré le Premier ministre ; « une exaction inqualifiable et indigne », d'après la ministre de la Santé. Un « acte de pure barbarie » même, d'après l'ancien ministre Le Guen.

Sur quels faits le Gouvernement s'est-il fondé pour donner ainsi l'alarme sur des violences qui n'ont pas eu lieu ? Si vous avez été induit en erreur par de fausses informations, quelles conséquences en avez-vous tiré ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Il importe en effet de regarder l'ensemble des faits survenus dans le périmètre de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Une partie des manifestants n'a pas emprunté le parcours prévu et a traversé par la rue Jeanne-d'Arc, se heurtant assez violemment avec les forces de l'ordre qui couvraient la tête du parcours et bloquant de fait le cortège.

Un commissariat, à 15 h 47, a été pris pour cible. À 16 h 01, des manifestants ont tenté de pénétrer dans une école. Sous les cris de « Achevez-le ! », un CRS blessé a été évacué à 16 h 47. Deux effractions ont eu lieu, l'une par l'entrée principale et l'autre par l'entrée secondaire de l'hôpital. Des personnes ont alors cassé la serrure d'une grille pour entrer dans l'enceinte de l'hôpital. Lorsque je me suis rendu sur place pour rendre visite au blessé, je n'étais pas au courant. C'est sous le coup de l'émotion des personnels soignants que j'ai utilisé le mot qui a fait scandale, le mot de la directrice de l'hôpital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Maisons de services au public

M. Jacques Le Nay .  - Lors de sa conférence de presse du 25 avril, le président de la République a annoncé des mesures en faveur des milieux rural et périurbain parmi lesquels des maisons « France services ». Notre territoire compte déjà 1 300 maisons de services au public (MSAP), mises à disposition par les collectivités territoriales et les collectivités locales, qui sont un gage d'attractivité du territoire quand elles fonctionnent. Le président de la République a annoncé le déploiement d'une maison France services par canton. Mais on compte déjà deux à trois MSAP sur certains cantons ruraux, en raison de l'existence de bassins de vie dépassant les limites cantonales.

Ne croyez-vous pas que le principe d'une seule maison France services par canton est déjà dépassé ? Pourriez-vous nous indiquer les financements qui seront mis à disposition ? Comment assumerez-vous la continuité territoriale en outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - La semaine dernière, en Charente, le Premier ministre a précisé le déploiement des maisons France services, qui correspondent à un réel besoin de proximité. On compte 1 340 MSAP sur l'ensemble du territoire et le Premier ministre a annoncé l'ouverture de 500 nouvelles maisons France Services. L'objectif est de couvrir en priorité ces territoires dépourvus. Nous ne fermerons aucune MSAP. Chacun sait que ce sont les collectivités territoriales, la Poste et parfois des associations qui portent ces établissements.

Nous souhaitons mettre en place un bouquet de services minimums donnant droit à la labellisation « maison France Services ». L'État et la Caisse des dépôts et consignations financeront ces maisons respectivement à hauteur de 36 millions d'euros et de 30 millions d'euros avec en plus la contribution des collectivités territoriales qui assurent en général la moitié des dépenses de fonctionnement. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)

Biodiversité (II)

M. Ronan Dantec .  - Monsieur le ministre d'État, le président de la République a eu des mots forts pour commenter le rapport du groupe international d'experts sur la biodiversité des Nations unies (IPBES), parlant de faits cruels, rappelant la nécessité de changer le modèle économique de production. Il n'est pas le premier. Jacques Chirac aussi avait su trouver des mots forts, dont chacun se souvient, au sommet de la Terre à Johannesburg. Mais la réponse qu'il revient à Emmanuel Macron de mettre en oeuvre, après que ses prédécesseurs eurent laissé la maison brûler, ne passera que par des actes et des investissements.

Alors, mû par une légitime émotion, notre pays se mobilise pour reconstruire une cathédrale au coeur de notre histoire, l'État peut-il laisser disparaître des pans entiers de notre patrimoine naturel ? Nous devrions lancer, d'ici le 1er janvier 2020, un plan national d'action pour les 120 espèces endémiques menacées comme le prévoyait la loi pour la biodiversité. Le Gouvernement compte-t-il y pourvoir et à quel coût ? Sauver la biodiversité n'est pas se payer de mots, mais investir résolument dans l'avenir.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous avez raison, nous sommes à un moment important : rapport de l'IPBES, G7 à Metz des ministres de l'Environnement, entretien du président de la République avec les scientifiques auteurs du rapport.

Nous devons agir contre l'étalement urbain, l'artificialisation des sols et en faveur de la protection des espèces endémiques. Nous avons lancé 65 plans nationaux d'action (PNA) y compris en outre-mer, où se trouvent 85 % de notre biodiversité. Le milan royal, l'aigle de Bonelli, l'iguane des petites Antilles, le gecko vert de La Réunion, l'albatros des Terres australes et antarctiques françaises sont ainsi concernés.

L'OFB, créé au 1er janvier 2020, contribuera à ces actions et nous allons regrouper certains plans pour couvrir, à terme, les 120 espèces.

M. Ronan Dantec.  - Le milan royal n'est pas une espèce endémique, il en reste d'après vos dires une centaine à couvrir. La France doit tenir cet engagement international.

Déficit des comptes sociaux

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le ministre des Comptes publics annonçait fièrement que le trou de la sécurité sociale allait être comblé, dès 2019, soit avant l'échéance promise par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Las, cette bonne nouvelle n'était qu'une fake news, le Haut Conseil du financement de la protection sociale évaluant à 3,6 milliards d'euros le déficit à la fin de l'année et prévoyant qu'aucun équilibre ne pourra être atteint avant la fin du quinquennat : envolée, la promesse d'un petit excédent de 600 millions d'euros à la fin de l'année !

Comment expliquer un tel décalage entre les prévisions et la réalité des chiffres ? Quels sont vos nouveaux objectifs de réduction du déficit ? En l'absence d'excédent, comment financerez-vous les nouveaux moyens prévus par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui n'avaient été déclarés conformes à la Constitution qu'en raison des excédents prévisionnels du budget de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Ce n'est évidemment pas une fake news, c'est simplement l'évolution des comptes. Le budget était équilibré, mais l'exécution est prévue avec 3,6 milliards d'euros de déficit pour 2019. Le déficit de 2018 était de 1,2 milliard d'euros, soit 3,9 milliards d'euros de moins qu'en 2017. Je rappelle tout de même qu'avec Gérald Darmanin, nous avons présenté le plus faible déficit annuel de la sécurité sociale depuis 2001. Notre gestion a donc été exemplaire. L'anticipation en janvier 2019 de l'exonération des heures supplémentaires représente 1,3 milliard d'euros, et l'annulation de la hausse de la CSG sur les retraites modestes en représente 3 milliards d'euros.

M. Alain Milon.  - Le Gouvernement fait une communication sur le maintien de l'âge de départ à la retraite. Dire la vérité aux Français sur la nécessité de prolonger l'effort entrepris par les précédentes réformes me semble être de nature à créer la confiance.

Visite du président de la République à Amboise

M. Serge Babary .  - Le 2 mai dernier, à Amboise, ville paisible des bords de Loire, le président de la République a célébré avec le président de la République italien Sergio Mattarella, l'amitié franco-italienne, quelque peu mise à mal, et la personnalité universelle de Léonard de Vinci, mort il y a 500 ans.

La perspective était festive ; c'était sans compter la tornade sécuritaire qui s'est abattue sur la ville : interdiction de circuler de 7 heures à 17 heures, interdiction de stationnement depuis 7 heures la veille, interdiction de circuler à pied à proximité du château de 7 heures à 13 heures, interdiction de manifester et de naviguer sur la Loire, voire interdiction de paraître aux fenêtres et balcons, un temps envisagée, finalement annulée ! (Rires)

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est beau la popularité ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

M. Serge Babary.  - Cette ville touristique de 13 000 habitants, très active, accueillant près d'un million de visiteurs par an, s'est trouvée ainsi bouclée et désertée, dans une ambiance aussi impressionnante que ridicule !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ô combien !

M. Serge Babary.  - Faut-il se rappeler la visite du Général de Gaulle en 1959 émergeant d'une marée humaine en liesse au pied du château ? Amboise ainsi placée « sous cloche » signifiait-elle à Paris, à Rome, l'amitié franco-italienne ? Sur place, régnait la sidération devant une ville vide. Que faut-il en conclure quant aux rapports du président avec le peuple, du pouvoir avec la Nation ? S'agit-il d'une nouvelle doctrine sécuritaire pour les déplacements présidentiels ? (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Républicains et CRCE ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Michelle Meunier applaudissent également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Chaque fois que nous recevons un hôte du niveau du président italien, nous devons garantir au mieux la sécurité. Les circonstances de la semaine dernière étaient exceptionnelles : quatre personnes ont été interpellées pour projet d'attentat contre les forces de l'ordre de l'Élysée. Il a été procédé aujourd'hui à une autre interpellation, dans le cadre de l'enquête en cours. D'où la vigilance accrue. Certaines demandes étaient disproportionnées et certaines mesures, parmi celles que vous avez citées, ont été amplifiées. Nous en avons levé quelques-unes. Quand il s'agit de célébrer un moment aussi important et d'assurer la sécurité du président de la République et du chef d'État italien, nous devons nécessairement prendre des mesures contre un risque terroriste qui est hélas permanent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Prix des carburants

M. Joël Bigot .  - « Coup de chaud sur les prix à la pompe », titre un quotidien du soir. Aucune suite n'a été donnée à l'idée d'une taxe flottante « anti-pic », émise en novembre 2018 par le président de la République. Or c'est bien la hausse des prix des carburants qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes à l'automne dernier.

Mardi dernier, vous avez refusé le recours à une taxe flottante, telle que celle expérimentée par le Gouvernement de Lionel Jospin, qui allégerait pourtant le prix à la pompe. Elle avait été instaurée à l'été 2012 pour trois mois. Élu du Maine-et-Loire, je connais bien les difficultés rencontrées par nos concitoyens qui doivent utiliser leur voiture quotidiennement. Il ne suffit pas d'inviter les Français à « se libérer du pétrole » !

D'autres mesures, pourraient être prises, ciblant les marges des distributeurs et des grands groupes pétroliers qui ne traversent pas de crise, pour contribuer, pour mieux répartir les charges.

Comment le Gouvernement compte-t-il s'y prendre à court terme pour préserver le pouvoir d'achat des Français face à l'augmentation des prix du baril ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous le savez, le prix du pétrole est volatil et il est actuellement orienté à la hausse, pour de nombreuses raisons liées au contexte international.

La TIPP flottante a été abandonnée au bout de deux ans car elle était toujours à contretemps, donc inefficace. Il n'est pas question de promettre aux Français une mesure qui ne marche pas. Les prix de l'essence et du gasoil ont augmenté de dix centimes depuis le début de l'année, ce qui signifie qu'il faudrait dégager 4 milliards d'euros dans le budget de l'État. Ce n'est pas sérieux. S'endetter pour subventionner l'importation du pétrole ne le serait pas davantage.

Nous menons d'autres actions. Pour réduire la dépendance au pétrole d'abord : près de 400 000 voitures seront remplacées d'ici la fin de l'année et 8 000 Français par semaine demandent à cette fin la prime d'État que nous avons mise en place ; je songe aussi au chèque énergie, payé par les grands groupes comme Total, ou au chèque déplacement, qui fait l'objet de négociations des partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe laREM)

M. Joël Bigot.  - L'électricité augmentera de 5,9 % le 1er juin. Le climat social, dans les mois qui viennent, dépendra des solutions concrètes que vous trouverez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

Relations des Français avec les forces de l'ordre

M. Stéphane Ravier .  - Ma question s'adresse à M. Castaner, encore ministre de l'Intérieur paraît-il...(Quelques exclamations et murmures) J'ai eu le privilège de suivre pendant plus de huit heures, il y a peu, des équipages de police, dont un de la BAC, dans les quartiers nord de Marseille, les supermarchés de la drogue, - ou supermarshit - cités où il ne fait pas bon être femme seule, juif, homo, ou même de souche... (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)

Les policiers font un travail remarquable au service de la sécurité des Français. Or, quelle n'a pas été ma -  mauvaise - surprise de découvrir, en réponse à la relation de cette expérience que j'ai postée sur les réseaux sociaux, des remarques hostiles envers la police, au motif des blessures dont auraient été victimes certains gilets jaunes.

Comment en est-on arrivé là ? Ce fossé entre la police et une partie de la population a été ouvert en novembre 2018 par votre application zélée de la stratégie, établie par Emmanuel Macron, de pourrissement du mouvement des gilets jaunes, légitime et au départ pacifique, où vous avez laissé entrer des forces anarchistes et d'extrême gauche - puis, par calcul politique électoral, vous continuez à refuser de les dissoudre.

Vous avez volontairement dressé les Français les uns contre les autres, en « bluffant », comme l'on dit chez nous, c'est-à-dire en mentant, comme lors de cette prétendue « attaque » contre un hôpital parisien !

Puisque vous ne voulez pas quitter la table, par manque de dignité républicaine, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que vous devriez présenter vos excuses aux policiers, aux gilets jaunes sincères, aux Français ? (M. Jean-Louis Masson applaudit.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Vous êtes familier des amalgames. Comment pouvez-vous vous émouvoir des insultes contre la police que vous avez reçues sur les réseaux sociaux, soutenir la police et en même temps appeler à la dissolution des black blocs - qui ne sont pas une structure établie - alors que ces derniers ont été applaudis mercredi dernier à Paris par les manifestants ?

Il faut choisir son camp. Si vous soutenez les forces de l'ordre, faites-le sincèrement et totalement. Ne cherchez pas de responsabilités là où il ne peut y en avoir. La violence ne s'excuse pas, ni dans les quartiers où vous accompagnez une BAC, ni dans les manifestations.

La manifestation fait partie de notre culture nationale. Mais certains petits groupes considèrent que l'empêchement de travailler et la violence sont légitimes. Ils doivent cesser de prétendre être le peuple et d'être soutenus dans leurs agissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Franck Montaugé.  - Lors du scrutin public n°80 sur le projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité, je souhaitais voter pour, non m'abstenir.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Réforme de la PAC (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de la discussion de la proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune, à la demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes.

Discussion générale (Suite)

Mme Colette Mélot .  - (M. Pierre Louault applaudit ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) À quelques mois des élections européennes, c'est le moment de rappeler toute l'importance de l'agriculture et des agriculteurs en France et en Europe. La PAC devra être défendue par les futurs députés européens français dès leur entrée en fonction.

Mis en suspens en raison du renouvellement des institutions, les débats européens n'ont pas abouti à un vote en séance plénière. Seule la commission de l'agriculture a adopté une position équilibrée qui tente de mieux refléter les attentes des agriculteurs et des consommateurs, comme le Sénat avec cette résolution. Du côté du Conseil, nous ne pouvons que constater les divisions profondes entre États membres. La France devra se montrer plus que jamais convaincante pour obtenir le maintien d'une PAC ambitieuse. Il faut éviter son détricotage lors des négociations à venir entre le Parlement européen et le Conseil européen. Nous ne pouvons pas accepter, en particulier, sa renationalisation, pas plus qu'une baisse de 5 % de son budget. Soutenons davantage nos agriculteurs confrontés à des normes de plus en plus exigeantes, à une concurrence de plus en plus rude, aux nouvelles demandes des consommateurs ainsi qu'aux enjeux climatiques et environnementaux. Accompagner l'agriculture dans sa transition réclame des moyens adéquats.

Autres objectifs de la future PAC : une meilleure répartition de la valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs, comme nous l'avons fait avec la loi EGalim ; l'adaptation du droit de la concurrence aux spécificités agricoles ; la lutte contre les pratiques déloyales des multinationales et des transnationales ; le soutien aux jeunes agriculteurs et à ceux qui exercent dans des zones à handicap naturel ; la valorisation des externalités positives de l'agriculture au regard des services qu'elle rend à la société et à l'environnement. On ne peut que se féliciter, du reste, de la récente initiative prise par la BEI et la Commission pour lancer un programme européen visant à financer, à hauteur de 1 milliard d'euros, des prêts à taux réduits pour les jeunes agriculteurs. L'innovation, enfin, doit être au coeur de l'agriculture de demain. Elle doit être une opportunité, et non un fardeau.

La proposition de résolution européenne souligne, à juste titre, la priorité européenne que doit rester la PAC, avec des moyens budgétaires renforcés. Le Brexit appelle aussi à une réflexion particulière sur les futures relations commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne dans les domaines de l'agriculture et de la pêche.

Le groupe Les Indépendants soutiendra cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

M. Jean Bizet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a près d'un an, le Sénat votait sa deuxième résolution sur la réforme de la PAC. Ses inquiétudes ne sont pas levées. Le futur cadre financier pluriannuel prévoit des coupes claires dans la PAC, de 15 % en termes réels, bien supérieures au montant correspondant au Brexit. Cela représente 7 milliards d'euros en moins pour la ferme France, la survie de nombre de nos exploitations est menacée.

Le Gouvernement, focalisé sur le financement de nouvelles politiques européennes, a réagi vigoureusement mais tardivement. En refusant de jouer son rôle de premier défenseur de la PAC, auquel les États membres sont habitués, il a donné un blanc-seing à la réduction des crédits de la PAC. Cette erreur est lourde de conséquences : une fois les bases de la négociation posées, il est difficile d'en changer. Les États-Unis consacrent 498 dollars par habitant à l'agriculture, contre 198 pour l'Europe !

La question financière, pour centrale qu'elle soit, ne doit pas occulter celle de la mise en oeuvre de cette politique. La Commission européenne propose des plans stratégiques nationaux ; nous sommes bien sûr favorables à la subsidiarité et à la simplification administrative mais, en l'occurrence, il s'agit surtout de simplifier la vie de la Commission européenne. (Mme Sophie Primas approuve.) Conséquence : une renationalisation rampante de la PAC, transformée en un supermarché de possibilités et d'outils laissés aux États membres qui pourront jouer sur les critères d'éligibilité ou même les transferts financiers entre piliers.

Je m'étonne de la passivité des autorités françaises. C'est la légitimité et l'efficacité de la PAC qui sont en jeu. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Gisèle Jourda .  - Nous sommes nombreux à vouloir une politique agricole renouvelée et une PAC ambitieuse, au service des agriculteurs et des biens communs européens. Cela passe par le développement des territoires fragiles. Or au cours des derniers mois, les élus ont cherché à connaître la cartographie des zones à contraintes naturelles et spécifiques, en vain, jusqu'à ce qu'elle apparaisse inopinément dans une réunion au Sénat du Conseil national d'évaluation des normes. Est-ce normal ? Je ne le crois pas.

Ces choix très brutaux ont particulièrement affecté l'Aude et le Gers. Pour les zones à contraintes naturelles, on a repris les petites régions agricoles, qui datent de 1946 ! Et je pourrai aussi évoquer le calcul de la surface agricole utile. Pour les zones à contraintes spécifiques, pourquoi ne pas avoir retenu le critère de maintien de l'activité touristique ? Je l'avais proposé dans une proposition de résolution. Les conséquences sont économiquement et socialement dramatiques pour les exploitations les plus fragiles. Un point sur la carte, ce sont parfois des drames humains. Je pense aux écriteaux « Village à vendre », érigés par les agriculteurs de La Piège dans l'Aude.

Pourquoi refuser la communication des critères ? Voulez-vous éviter un recours devant le tribunal administratif ? Vous avez annoncé, monsieur le ministre, une période de transition de deux ans, nécessaire. La sortie du zonage aura de lourdes conséquences pour les jeunes agriculteurs qui perdront leur aide à l'installation ou aux exploitants dont l'agrément sanitaire pour circuit court de moins de 80 km/h en dépend. Tout cela va à l'encontre d'une action cohérente.

Monsieur le ministre, nous ne vous remercions pas dans l'Aude mais nous comptons sur vous pour le devenir de la PAC.

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Comment parler d'Europe sans évoquer la PAC, voulue par les pères fondateurs ? En une petite soixante d'années, elle a garanti une alimentation de qualité et en quantité, n'en déplaise aux vendeurs de peur qui ont le ventre plein et la mémoire courte.

L'agriculture fait partie de notre identité. Un suicide d'agriculteur suscite, en nous, la même émotion que l'incendie de la charpente de Notre-Dame. Pour la famille gaulliste, dont je fais partie, la PAC est un acquis du couple franco-allemand, que le président Macron s'est engagé à relancer.

Quelle agriculture européenne, quelle Europe voulons-nous ? Le risque le plus important est une renationalisation de la PAC, véritable course au moins-disant social et environnemental. Nous en sommes là parce que la négociation a été un échec. Le président de la République, qui, en septembre 2017, disait que la PAC était un « tabou français » et qu'il fallait plus de flexibilité au niveau national, a clairement une part de responsabilité dans cette affaire.

Monsieur le ministre, je crois à la sincérité de votre discours mais il est si différent de celui du président de la République. Sommes-nous en cohabitation ? La France, trop isolée au niveau européen, doit reprendre le travail de conviction et d'alliance.

Un appel aux électeurs du 26 mai : soyons attentifs aux groupes politiques européens auquel les eurodéputés français vont adhérer car être dans l'opposition d'extrême affaiblit la position de la France systématiquement ; ne pas dire où l'on siégera et être donc nulle part a également de quoi inquiéter !

Il faut rejeter la renationalisation de la PAC ; défendre un renforcement des mécanismes contracycliques, une révision à la hausse des moyens budgétaires. Il y va de notre indépendance géostratégique, de notre sécurité climatique.

Je souhaite à la France, force, courage et réussite. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Claude Tissot .  - Le rapport de l'ONU sur la biodiversité, rendu public hier, donne à nos débats un tour particulier. Une espèce animale et végétale sur huit est menacée d'extinction, cela est lié directement à l'activité humaine. Madame Primas, c'est un constat ; je ne suis pas un marchand de peur.

Notre écosystème planétaire est menacé sans changement profond de notre modèle de production et de consommation. Il y a déjà 400 zones mortes dans les océans, l'équivalent du Royaume-Uni. La nouvelle PAC est en total décalage : comme le dit le député européen Éric Andrieu, il faut une révolution, pas un statu quo jusqu'en 2025.

On ne peut continuer à favoriser une agriculture productiviste dont nous payons tous les externalités négatives. Le lien entre alimentation et santé n'est plus à démontrer. La PAC représente 0,5 % du PIB européen, la santé 10 % ; ajoutons un A à la PAC pour en faire une vraie politique de l'alimentation. Pour convaincre Phil Hogan, je lui rappellerais volontiers que si seulement 2 % des Européens sont agriculteurs, 100 % ont besoin de l'agriculture pour vivre !

Le groupe socialiste soutient pleinement cette proposition de résolution européenne ; monsieur le ministre, entendez-vous son appel ?

M. Pierre Louault .  - L'agriculture est dans une passe difficile, ni l'Europe ni la France n'ont su répondre à ce défi. Un budget à la hauteur est indispensable.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de vous mais aussi de l'engagement du président de la République. La PAC, c'est l'origine de l'Europe. On ne peut souscrire à sa renationalisation ; la technocratie française ne manquera pas d'imposer ses règles, plus drastiques qu'ailleurs. La fin de la PAC sonnerait la fin de l'agriculture française et d'une certaine agriculture européenne et de l'Europe ; ne nous leurrons pas, c'est ce que souhaitent la Russie, la Chine et les États-Unis.

Les autres agricultures mondiales n'ont pas les mêmes normes de qualité, nous le voyons bien - je pense au soja transgénique ou à l'utilisation du glyphosate. Il faut une Europe qui protège. Les Canadiens, eux, ont réussi à maintenir un prix du lait supérieur aux cours mondiaux malgré les accords de libre-échange.

Il faudra, enfin, régler le problème de la complexité administrative - c'est le problème plus général en France de la suradministration et de la surtransposition.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur le président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et LaREM ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

M. Michel Raison .  - Beaucoup de choses ont été dites... notamment par M. le ministre, qui a fait un beau discours, avec lequel nous ne pouvions qu'être d'accord. Je ferai quelques rappels.

L'agriculture est un secteur important, voire stratégique. Nous sommes dans l'opulence : les détracteurs de notre système ne perçoivent pas ce que serait une pénurie alimentaire...

L'agriculture nécessite des investissements en rotation très lente. L'aide aux jeunes agriculteurs doit donc être renforcée, de même que la compensation des handicaps.

En matière de simplification, la tâche va être rude. Si vous avez besoin d'aide, vous avez nos numéros de téléphone, monsieur le ministre ! (Sourires) Sous couvert de simplification, on remet souvent une couche de complexité.

La PAC est d'abord faite pour assurer un revenu aux agriculteurs, au-delà des fluctuations des prix - la loi EGalim, à cet égard, ne sert à rien...

Une unité de discours sur ces questions est indispensable, du président de la République au Gouvernement, entre nous, mais aussi entre ici et à Bruxelles : il y a un an, un commissaire allemand s'étonnait devant nous d'un discours différent en France et à Bruxelles.

M. le président.  - Veuillez conclure...

M. Michel Raison.  - Pour finir, un conseil au président de la République : quand il y a un buzz médiatique, comme il y en a sur la biodiversité en ce moment, il pourrait rappeler, au lieu de dire qu'il faut tout remettre en cause, ce qui a été fait de positif ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion de la proposition de résolution européenne

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par MM. Labbé et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall.

I.  -  Alinéa 12

Après le mot :

Europe

supprimer la fin de cet alinéa.

II.  -  Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Rappelle l'importance de valoriser les externalités positives de l'agriculture, en particulier pour son potentiel en matière de stockage de carbone, et de préservation de la biodiversité, au regard des services rendus, tant à l'égard de la société que de l'environnement, ce qui devrait valoir aux agriculteurs une rémunération mieux conçue et plus simple des biens publics qu'ils produisent, notamment via des paiements pour services environnementaux ;

M. Joël Labbé.  - La PAC est une politique stratégique, aux plans économique, alimentaire et environnemental. Elle peut renforcer la biodiversité mais aussi lui nuire quand elle utilise des pesticides et des engrais de synthèse. Le texte gagnerait à mentionner les paiements pour services environnementaux, sans les lier aux fonds Horizon Europe.

Les instruments sont très utiles, mais il faudrait intégrer les paiements pour services environnementaux dans la PAC même, afin de mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Labbé et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall.

I.  -  Alinéa 12

Après le mot :

Europe

supprimer la fin de cet alinéa.

II.  -  Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Rappelle l'importance de valoriser les externalités positives de l'agriculture, en particulier pour son potentiel en matière de stockage de carbone, au regard des services rendus, tant à l'égard de la société que de l'environnement, ce qui devrait valoir aux agriculteurs une rémunération mieux conçue et plus simple des biens publics qu'ils produisent ;

M. Joël Labbé.  - Cet amendement est de repli.

M. Franck Montaugé, rapporteur.  - Compte tenu des baisses annoncées du budget de la PAC, il serait judicieux de financer autrement les paiements pour services environnementaux. Le programme LIFE, outil financier de la Commission européenne pour les projets liés à l'environnement et au climat, pourrait aussi y contribuer. Avis défavorable, dès lors, même si la commission partage votre avis sur les apports positifs de l'agriculture.

M. Didier Guillaume, ministre.  - Je suis, moi aussi, très favorable aux paiements pour services environnementaux. Cet amendement d'appel affaiblirait toutefois, la proposition de résolution que le Gouvernement soutient totalement.

Je ne peux pas, d'ailleurs, laisser dire qu'il serait divisé sur la PAC. La France, depuis le début, n'a qu'un discours ; il est hostile à la diminution du budget de la PAC. Sur un tel sujet, évitons les divisions, car un grand pays européen a d'autres vues sur le budget de l'Union européenne, et battons-nous ensemble. Retrait ?

M. Joël Labbé.  - Le groupe RDSE soutient totalement cette proposition de résolution. Je retire les amendements, compte tenu des engagements de M. le ministre.

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré de même que l'amendement n°1 rectifié ter.

À la demande de la commission, l'ensemble de la proposition de résolution est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°97 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre 0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance, suspendue à 18 h 45, reprend à 18 h 50.

Application et évaluation des lois

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôle de l'application et de l'évaluation des lois, présentée par M. Franck Montaugé et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Franck Montaugé, auteur de la proposition de résolution .  - Ce texte prolonge les travaux que nous avions menés en mars 2018 en présentant deux propositions de loi. La première, votée par le Sénat après amendement en commission mais non reprise à ce jour par l'Assemblée nationale, permettait de confier les études d'impact à des cabinets indépendants.

La seconde créait un conseil parlementaire d'évaluation des politiques publiques et du bien-être et mettait en oeuvre une démarche scientifiquement structurée d'évaluation des politiques publiques. Jugée trop complexe, elle a été renvoyée en commission, où elle n'a pas été rediscutée. Nous avons donc voulu clore cette séquence de travail par une proposition de modification du Règlement de notre assemblée.

II est fréquent que les décrets et autres textes réglementaires nécessaires à l'application des lois soient publiés très tardivement - voire pas du tout.

Il n'est pas acceptable que la volonté du législateur se perde ainsi en chemin, dans la chaîne administrative. La loi votée s'impose à tous.

Notre proposition de résolution initiale modifiait l'article 19 du Règlement pour confier au rapporteur d'un projet de loi ou d'une proposition de loi le suivi de son application : une forme de droit de suite. Sur le rapport de Philippe Bonnecarrère, dont je salue la cordialité et le sérieux, la commission a jugé qu'il devait être assoupli, sans pour autant dénaturer la proposition initiale. Elle a notamment précisé le cas des textes examinés par une commission spéciale.

Nous n'avons pas trouvé d'accord, en revanche, sur l'inscription dans le Règlement de l'évaluation de la loi. La commission a considéré que le Parlement a une mission plus large d'évaluation des politiques publiques qui relève déjà des commissions permanentes. Oui, mais qu'en faisons-nous en pratique ? Difficile de faire de l'évaluation sans bilan préalable de l'application des lois. Je suis d'accord avec le fait que l'évaluation s'inscrit dans une démarche collective, que le rapporteur ne peut être le seul acteur. C'était le sens de la proposition de loi renvoyée en commission qui portait sur l'évaluation des politiques publiques.

De nombreuses réflexions sont en cours pour renforcer les capacités d'évaluation du Parlement - comme l'idée de réduire de 30 % le nombre de parlementaires, ce qui laisse songeur... (Mme Sophie Primas renchérit.) Je me réjouis des propositions faites par le groupe de travail du président Larcher sur le projet de révision constitutionnelle.

Je vous proposerai un amendement à l'article premier pour que l'évaluation ne disparaisse pas, en tenant compte des préconisations du vice-président du Conseil d'État Jean-Marc Sauvé sur les moyens d'évaluation et de contrôle du Parlement.

Si vous l'adoptez, nous aurons fait un petit pas en faveur de l'évaluation des politiques publiques. Sinon, la question restera entière.

Je constate qu'il y a beaucoup de frilosité sur le sujet, mais il y a un lien avec nos concitoyens à inventer dans ce domaine. L'enjeu est d'améliorer notre représentation institutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Pierre-Yves Collombat et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois .  - Franck Montaugé a exprimé le sentiment du groupe socialiste, mais aussi son sentiment personnel sur le contrôle de l'application de la loi et sur l'évaluation.

La proposition de résolution proposait que le rapporteur ait un droit de suite concernant l'application d'une loi mais aussi son évaluation - en commission, M. Sueur nous avait présenté cette position, que M. Montaugé propose d'enrichir en incluant la dimension participative et environnementale, en s'inspirant des travaux de Joseph Stiglitz sur le calcul du PIB.

La commission des lois a voulu vous donner satisfaction autant que possible. Après différentes évolutions, le Sénat a finalement estimé que les commissions étaient les mieux placées pour assurer le suivi de l'application des lois, via le bilan annuel.

L'intégration du rapporteur dans le circuit d'examen nous semble acceptable pour le contrôle de l'application de la loi - c'est le sens des amendements adoptés en commission.

Vous le savez, sur les 40 propositions du Sénat en matière de révision constitutionnelle, trois portent sur l'application des lois : la consécration dans la Constitution de l'obligation de prendre les mesures d'application des lois ; l'élargissement de la mission d'assistance de la Cour des comptes ; la possibilité pour 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil d'État pour constater un retard ou une carence du Gouvernement dans l'application des lois.

L'évaluation, plus complexe, est réalisée par les commissions de manière collective ; difficile de la confier au seul rapporteur. Le projet de loi constitutionnelle, dans sa rédaction de mai 2018, prévoyait que la conférence des présidents arrête un programme de contrôle et d'évaluation. Le Sénat a déjà fait des propositions, comme élargir à toutes les commissions la possibilité de demander une enquête à la Cour des comptes, améliorer l'articulation avec les procédures judiciaires et accorder à toutes les commissions permanentes les pouvoirs d'investigation des commissions des finances et des affaires sociales.

L'initiative du groupe socialiste nous a paru pertinente, la commission l'a adoptée à l'unanimité. Je regrette de ne pouvoir suivre M. Montaugé dans son enthousiasme, mais notre collègue prend déjà date pour la révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Richard .  - Notre groupe éprouvait quelques hésitations devant la proposition initiale. Prolonger durablement la fonction de rapporteur ne semble pas expédient dans toutes les situations. Le rapporteur est une spécificité française ; c'est une clef de la fabrication de la loi. Mais émane généralement de la majorité de son assemblée ; or le travail de vérification, de débat sur l'application de la loi doit être pluraliste.

La version proposée par le rapporteur nous a convaincus et nous la soutenons, sachant que le travail de renforcement de nos capacités d'évaluation des lois reste à faire.

Je suis toujours frappé de l'appétit des parlements pour de nouvelles procédures et de nouveaux pouvoirs, et la relative nonchalance avec laquelle ils exercent ceux qu'ils ont ! Nous avons déjà beaucoup d'outils à notre disposition pour évaluer la loi. Or, nous le voyons, les semaines consacrées au contrôle par le Sénat ne sont pas les plus fréquentées... (Sourires) Il faut avant tout un changement de culture, de méthodes de travail. Le texte issu de la commission des lois est satisfaisant, nous le soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur le banc de la commission)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Quel parlementaire n'est pas révulsé par le délai apparemment incompressible entre le vote de la loi et la publication des décrets ? D'autant plus quand l'exécutif se plaint du temps perdu en débats parlementaires... Mais faut-il pour autant les en rendre responsables ?

Le suivi et l'évaluation sont une tâche qui incombe au secrétariat général du Gouvernement, et non celle des parlementaires dont la fonction première reste, d'abord et toujours, de faire la loi. Je crains, sur fond de baisse des effectifs et des moyens d'action des parlementaires, qu'elle ne soit quelque peu occultée...

Le contrôle de l'action du Gouvernement n'est pas le service juridique après-vente de la loi mais l'évaluation de la manière dont elle est appliquée sur le terrain. Le contrôle annuel par la commission des lois de la publication des textes d'application, correctement exécuté, suffit à l'information des citoyens.

Autre réticence : le risque de spécialisation de quelques sénateurs de la majorité, et de la minorité qui pense comme elle. Un parlementaire est un généraliste, pas un expert. En théorie, la loi est le produit du débat collectif, pas d'un échange entre spécialistes ; c'est la première garantie de la vitalité du parlementarisme, afin qu'il reste compris de nos concitoyens.

Le groupe CRCE s'abstiendra donc sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) En 2004, je présentais un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour permettre aux femmes dont la mère s'était vue prescrire du Distilbène alors que le danger était connu, de bénéficier d'une grossesse aménagée. L'amendement fut adopté, contre l'avis du Gouvernement, par le Sénat puis l'Assemblée nationale, les associations s'en félicitèrent. Entre la promulgation du PLFSS et la parution des deux décrets d'application, il s'est écoulé cinq ans, six mois et quatorze jours. Ces femmes se demandaient si on attendait qu'elles ne puissent plus être enceintes pour prendre les décrets...

C'est tout à fait inacceptable. C'est une liberté paradoxale que celle dévolue à tout ministre de ne pas appliquer la loi en s'abstenant de prendre les décrets d'application, et cela malgré les recours, complexes à mettre en oeuvre.

Nous nous réjouissons de l'adoption de lois, mais en l'occurrence cette loi est une tromperie, la République est bafouée par de tels délais.

La commission a souhaité restreindre ce texte au contrôle de l'application des lois - ce qui n'est pas rien - laissant le sujet de l'évaluation à la révision constitutionnelle.

S'il constate qu'un texte d'application n'a pas été pris, le rapporteur, chargé de veiller à la parution des décrets, pourra saisir le président de la commission qui ne manquera pas de convoquer le ministre.

Comme Alain Richard, je constate que la semaine de contrôle n'est guère efficace, avec ces débats sans vote... Je serais d'avis de partager notre temps en le consacrant pour deux tiers aux projets de loi et pour un tiers aux propositions de loi, le contrôle étant le fait des missions d'information et des commissions permanentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Delattre .  - Bien qu'il anticipe la réforme du Règlement proposée par le président du Sénat et les débats institutionnels à venir de la révision constitutionnelle, ce texte n'en est pas moins pertinent.

Il nous incombe de trouver de nouvelles réponses aux attentes de nos concitoyens. Nous sommes nombreux à considérer que le parlementarisme rationalisé n'a pas rempli toutes ses promesses.

Certes, il fallait borner l'action parlementaire. Après la pratique des décrets lois, c'est l'avis du Conseil d'État du 6 février 1953 qui a inspiré le Constituant de 1958 pour rédiger l'article 34. Cette évolution a doté nos gouvernements d'une légitimité législative déterminante pour inscrire une action dans la durée.

Pourtant, associé au raccourcissement des échéances électorales auquel le groupe RDSE s'est toujours opposé, ce nouvel équilibre institutionnel n'a pas enrayé la dégradation de la qualité législative. La sophistication des règles d'irrecevabilité complique l'examen des propositions de loi et le respect du domaine réglementaire a des contours flottants d'un code à l'autre.

Ce rééquilibrage, introduit par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a doté les chambres de prérogatives de contrôles renforcés. « Nous n'avons point à louer ni à honorer nos chefs ; nous avons à leur obéir à l'heure de l'obéissance et à les contrôler à l'heure du contrôle », écrivait le philosophe Alain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un radical !

Mme Nathalie Delattre.  - La révision de 2008 visait à aménager des temps de contrôle en adaptant l'ordre du jour. Cependant, bien des propositions du Comité Balladur sont restées lettre morte. La commission sénatoriale de contrôle pour l'application des lois a été supprimée trois ans seulement après sa création. (Mme Nathalie Goulet le déplore.)

Le groupe socialiste souhaite confier le contrôle de l'application des lois au rapporteur, en procédant texte par texte. Nous y sommes favorables. Sur l'évaluation, M. Bonnecarrère, dont je salue le travail minutieux, propose de surseoir : nous sommes d'accord.

Le texte ne répondra toutefois pas à la faiblesse des études d'impact et à l'absence de voie en justice en cas de mauvaise application. Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Dany Wattebled .  - Le Sénat procède au contrôle de l'application des lois depuis le début des années 1970, sachant que 30 % des décrets d'application sont pris dans les six mois suivant la promulgation, et 6 % plus d'un an après. C'est trop long.

Ce texte crée un droit de suite au bénéfice du rapporteur, proposition qui s'inscrit dans une logique de responsabilisation de ce dernier. Le dispositif a été judicieusement assoupli en commission.

La commission des lois a supprimé l'obligation par le rapporteur de rendre compte annuellement, notamment, et veillé à la complémentarité avec les autres travaux. Les commissions permanentes pourraient désigner plusieurs rapporteurs pour suivre l'application d'une loi.

Je me félicite que la commission ait supprimé toute référence à l'évaluation et modifié l'intitulé en conséquence. Le Parlement dispose, en effet, d'une mission plus large d'évaluation des politiques publiques, qui relève des commissions permanentes. Plus exigeante, l'évaluation demande davantage de recul.

Il est important de renforcer le contrôle d'application des lois sans engorger les commissions permanentes. Le groupe Les Indépendants votera ce texte ainsi modifié.

Mme Nathalie Goulet .  - Tout a été dit. Le groupe UC votera bien évidemment ce texte.

Cependant, notre pays n'a pas la culture de l'évaluation. Pour peu qu'on demande un rapport, on nous explique que le Sénat n'y est pas favorable. Cette culture de l'évaluation nous manque terriblement.

La méthode proposée par le groupe socialiste est inédite, puisqu'en général, c'est le président du Sénat qui propose de modifier le Règlement. Mais ce texte a passé le cut de la commission des lois ; le groupe UC le votera.

La question des moyens demeure. Les parlementaires ne cumulent plus de mandats et souhaitent travailler plus. Pour autant, les moyens financiers et humains restent limités. Que compte faire le Sénat pour y remédier ? Toutes les commissions n'ont pas la capacité de mener des contrôles sur pièces et sur place. Quel budget et quel personnel seront mis à la disposition du contrôle ? S'ils manquent, ce texte restera lettre morte.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très juste.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faudrait attribuer une enveloppe à chaque commission, ou à chaque groupe... Ce texte ne mentionne pas non plus les commissions d'enquête, pourtant très utiles et dont les conclusions sont trop souvent passées par pertes et profits.

Je retirerai mes amendements sur ce dernier sujet pour ne pas rallonger le débat. Je reste persuadée que l'activité et la culture de contrôle doivent être renforcées. Je souhaite que nous soyons associés aux futures évolutions du Règlement, car l'enjeu est de valoriser notre institution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur le banc de la commission)

M. François Bonhomme .  - Dans son article 21, la Constitution prévoit que le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement et assure l'exécution des lois. Dans sa circulaire du 9 février 2008, le Gouvernement rappelait, à ce titre, l'objectif de prendre toutes les mesures réglementaires d'un texte de loi dans les six mois. Chaque disposition législative non appliquée est une marque d'irrespect envers la Représentation nationale, selon le credo du Gouvernement. La responsabilité pour faute de l'État peut être engagée en cas de retard ou de carence dans l'application des lois.

Lorsque le Parlement a autorisé les policiers municipaux à consulter directement les fichiers d'immatriculation des véhicules, il a fallu plus de deux ans pour prendre le décret d'application et les moyens matériels manquent toujours.

Maryse Deguergue, professeur de droit à Paris I, estime que dans certains cas, il ne s'agit pas que d'un retard mais d'une abstention du Gouvernement qui équivaut à un refus de satisfaire à l'obligation qui lui incombe.

En l'état, tout ministre peut s'affranchir de l'application de la loi. Comment le Gouvernement peut-il prétendre au crédit de sa parole, s'il ne respecte pas l'obligation constitutionnelle d'assurer l'exécution des lois ?

Le Sénat est pionnier du contrôle de l'application des lois. Cela fait quarante ans qu'un bilan annuel de l'application des lois est dressé. Et le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle propose d'autoriser les présidents des deux assemblées, 60 députés ou 60 sénateurs à saisir le Conseil d'État pour contester un retard ou une carence du Gouvernement.

La proposition de loi de Franck Montaugé donne au rapporteur d'un texte un droit de suite. La commission des lois en a assoupli les modalités en autorisant la nomination par les commissions permanentes d'un autre rapporteur. Il restera libre d'organiser son travail de suivi en fonction du nombre de décrets manquants. Elle prévoit aussi la constitution de groupes de travail pluralistes. Enfin, la commission a supprimé toute référence à l'évaluation des lois, circonscrivant le texte au seul contrôle et au suivi de l'application.

Ce texte me paraît en l'état tout à fait opportun et je le voterai. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le contrôle de l'application des lois est déjà une mission du Sénat. L'évaluation de la loi n'est pas exactement la même chose. Le Parlement fait la loi et le Conseil constitutionnel en évalue la constitutionnalité.

Les implications de l'article 24 de la Constitution sont substantiellement différentes des dispositions de cette proposition de résolution. La commission des lois a su résoudre ce décalage. Le problème majeur reste le délai entre le vote de la loi et la publication des décrets d'application.

Autre problème, la difficulté à inscrire les propositions de loi d'origine sénatoriale à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je soutiens donc la proposition de M. Sueur de rendre obligatoire l'inscription dans l'année à l'ordre du jour des propositions de loi adoptées par l'autre chambre.

À nous de veiller aussi à l'intelligibilité des textes que nous votons, et à la conformité des décrets d'application à la volonté du législateur.

Rapports, questions orales et missions temporaires sont utiles mais insuffisants. À l'Assemblée nationale, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques complète le dispositif de contrôle. Nous pourrions nous en inspirer. Je me joins aux propositions du groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle ; il conviendra ensuite de doser savamment l'activité des commissions permanentes pour éviter de les surcharger.

Il est clair que les rapporteurs sont les mieux à même d'assurer le suivi de l'application des lois. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

I. Alinéa 2

Après le mot :

loi

insérer les mots :

et l'évaluation de ses effets

II. Alinéa 3

Après le mot :

application

insérer les mots :

et l'évaluation des effets

III. Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 1 ... - L'évaluation formelle des effets des dispositions législatives participe de l'évaluation des politiques publiques. En application de l'article 22 et dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, le rapporteur présente devant la commission une évaluation des premiers effets de la loi qui lui paraissent les plus significatifs. Dans les cinq ans après la promulgation de la loi, il doit être en mesure de présenter une évaluation complète de ses effets. Cette évaluation est effectuée au regard des motifs et de l'étude d'impact initiale de la loi. Elle prend en compte les effets de la loi sur les indicateurs de richesse légalement en vigueur et les objectifs de développement durable que la France met en oeuvre dans le cadre de ses engagements internationaux pour le climat et le développement. Elle indique les effets de la loi sur la trajectoire des finances publiques. »

Amendement n°9, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

I. Alinéa 2

Après le mot :

loi

insérer les mots :

et l'évaluation de ses effets

II. Alinéa 3

Après le mot :

application

insérer les mots :

et l'évaluation des effets

III. Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 1 ... - Le suivi de l'évaluation des effets des dispositions législatives participe de l'évaluation des politiques publiques.»

Amendement n°8, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

I. Alinéa 2

Après le mot :

loi

insérer les mots :

et l'évaluation de ses effets

II. Alinéa 3

Après le mot :

application

insérer les mots :

et l'évaluation des effets

III. Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 1 ... - Le suivi de l'évaluation des effets des dispositions législatives participe de l'évaluation des politiques publiques. En application de l'article 22, le rapporteur présente devant la commission une évaluation des premiers effets de loi qui lui paraissent les plus significatifs, au plus tard deux ans après leur promulgation. Dans les cinq ans après la promulgation, il doit être en mesure de présenter une évaluation plus complète de ses effets. »

M. Franck Montaugé.  - Ces amendements d'appel visaient à réintroduire le volet évaluation, en s'appuyant sur les évaluations existantes et en suivant les préconisations du vice-président du Conseil d'État. Je les retire. La question reste entière et mérite un débat spécifique.

Les amendements nos7, 8 et 9 sont retirés.

L'article premier est adopté, de même que l'article 2.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Détraigne et Canevet, Mme Joissains, M. Cazabonne, Mme Férat, MM. Moga, Mizzon, Vogel et Lafon, Mmes Lherbier et de la Provôté, M. Chasseing et Mme Morin-Desailly.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 11 du Règlement du Sénat est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« .... - Lorsque la commission d'enquête ou la mission d'information résulte du droit de tirage d'un groupe politique, celui-ci dispose de la faculté d'opter pour une commission ou une mission de six mois ou deux missions ou commissions de trois mois. »

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit de permettre à un groupe qui utilise son droit de tirage de solliciter soit une mission d'information ou une commission d'enquête de six mois, soit deux missions ou deux commissions de trois mois. Le frein sera celui des moyens budgétaires et humains...

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Les amendements, que vous avez retirés, prévoyant de prolonger une mission d'information ou une commission d'enquête au-delà de six mois se heurtaient à l'ordonnance de 1958...

Celui-ci ferait passer le nombre des missions d'information et commissions d'enquête de sept à quatorze sur une année. Cela leur donnerait-il plus de poids ? En outre, aurions-nous les moyens pour assumer cette charge de travail supplémentaire ? Avis défavorable, même si je comprends votre préoccupation.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Détraigne et Canevet, Mme Joissains, M. Cazabonne, Mme Férat, MM. Moga, Mizzon, Vogel et Lafon, Mmes Lherbier et de la Provôté, M. Chasseing et Mme Morin-Desailly.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 22 du Règlement du Sénat est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« .... - La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées suit et contrôle la mise en oeuvre des traités et conventions internationales et s'assure de leur ratification dans un délai raisonnable. »

Mme Nathalie Goulet.  - Nous avons le record mondial et galactique des délais pour ratifier des textes internationaux. M. Sueur a cité un exemple éloquent. En voici un autre : une convention de sécurité intérieure avec la Turquie qui date de novembre 2011 est toujours dans un tiroir, alors qu'elle serait efficace en matière de lutte contre le terrorisme. D'où cet amendement.

Lorsque nous avons vu, le directeur de la CIA, avec M. Sueur...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Grand moment ! (Sourires)

Mme Nathalie Goulet.  - Je vous l'accorde ! Il n'a pas manqué de nous rappeler qu'un accord avec les États-Unis gisait dans nos tiroirs, et n'était toujours pas ratifié. Je tiens à cet amendement : ce n'est pas une petite affaire !

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Contrairement aux précédents, cet amendement ne pose aucun problème de constitutionnalité.

Le sujet est majeur en effet. Les délais de ratification peuvent être importants. La commission des affaires étrangères est chargée dans la pratique d'assurer le suivi de ces conventions. Cependant, le champ de l'amendement dépasse celui de la proposition de résolution, car il concerne des traités d'État à État. Mieux vaut ne pas changer la règle actuelle qui confie à la commission des affaires étrangères le suivi de l'application des lois et leur évaluation.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

À la demande du groupe socialiste, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°98 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 326
Contre      0

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - En application du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, la résolution ainsi adoptée sera soumise au Conseil constitutionnel avant sa mise en application.

Prochaine séance, jeudi 9 mai 2019 à 10 h 30.

La séance est levée à 20 heures.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du jeudi 9 mai 2019

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président Secrétaires : M. Daniel Dubois M. Dominique de Legge

1. Débat sur le thème : « La caducité du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union européenne rendra-t-elle une autonomie budgétaire aux États membres ? » (demande du groupe CRCE)

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

2. Proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires.

3. Débat sur le mécénat territorial au service des projets de proximité

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°97 sur l'ensemble de la proposition de résolution européenne sur la réforme de la politique agricole commune (PAC)

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 341

Suffrages exprimés : 341

Pour : 341

Contre : 0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (73)

Pour : 72

N'a pas pris part au vote : 1 - M. David Assouline, président de séance

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe du RDSE (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Pour : 16

Groupe Les Indépendants (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1

N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, Fabienne Keller, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°98 sur l'ensemble de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôle de l'application et de l'évaluation des lois.

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 342

Suffrages exprimés : 326

Pour : 326

Contre : 0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (73)

Pour : 73

Groupe UC (51)

Pour : 51

Groupe LaREM(23)

Pour : 23

Groupe du RDSE (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Abstentions : 16

Groupe Les Indépendants (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1

N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, Fabienne Keller, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier