Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole.

Projet de fusion Renault-Fiat-Chrysler

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. François Patriat applaudit également.) Depuis quinze ans, l'emploi industriel n'avait pas progressé en France ; depuis 2017, le secteur a créé des milliers d'emplois. Avec 1 027 projets d'investissement étrangers sur son sol, dont 339 dans l'industrie, la France est le deuxième pays d'Europe le plus attractif, derrière le Royaume-Uni mais devant l'Allemagne. La France et l'Allemagne vont prochainement présenter un document de politique industrielle européenne comprenant une proposition de réforme des règles de concurrence. C'est indispensable pour peser au niveau mondial.

Après le refus par la Commission européenne du projet de fusion entre Alstom et Siemens, la proposition adressée par Fiat-Chrysler à Renault, à peine émise, a été retirée. Sans fusion, Renault, déjà en froid avec son partenaire Nissan, n'est-il pas fragilisé ? L'action, qui avait chuté après l'incarcération de Carlos Ghosn, vient encore de perdre 6 % après l'annonce du retrait de l'offre.

D'autres acteurs sont dans une situation préoccupante. Ascoval est en sursis. Le choix du repreneur était-il bon ? Je salue le courage des salariés dans cette épreuve.

Les différentes interventions de l'État sur Whirlpool, Alstom, General Electric ou Ford n'ont pas empêché les licenciements. Comptez-vous définir une politique industrielle, et comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Notre politique industrielle porte ses fruits : pour la première fois depuis dix ans, nous créons des emplois industriels, le nombre d'ouvertures d'usines est supérieur à celui des fermetures.

Le projet de fusion Renault-Fiat, retiré ce matin, était-il une opportunité industrielle pour Renault ? Oui. Toutes les conditions du succès étaient-elles réunies ? Non. J'avais fixé quatre conditions : qu'elle s'inscrive dans le cadre de l'alliance avec Nissan, que l'emploi soit protégé, la gouvernance garantie et le projet de batteries électriques avec l'Allemagne poursuivi.

Or Nissan n'était pas prêt à voter en faveur de l'opération au conseil d'administration. Nous avions demandé quelques jours supplémentaires pour discuter avec notre partenaire japonais, mais Fiat a retiré son offre.

Renault reste une entreprise solide, performante. En partance pour Tokyo, je souhaite consolider l'alliance avec Nissan qui a apporté technologie, emploi et sécurité financière. Nous sommes ouverts à toute perspective de consolidation industrielle, dans la sécurité et sans précipitation, pour garantir les intérêts industriels de Renault et de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

Situation politique en Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Frogier .  - Le 12 mai dernier, les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie ont été largement remportées par la famille politique à laquelle j'appartiens, qui a obtenu 41 % des suffrages et vingt des quarante sièges à pourvoir de la province du Sud, plus trois sièges dans la province Nord, à majorité indépendante.

Le scrutin conforte le résultat du référendum du 4 novembre au cours duquel 57 % des Néo-Calédoniens ont voté contre l'indépendance. Ce message s'adresse à la France, à la représentation nationale.

Malgré cela, grâce à un jeu d'alliances, c'est un indépendantiste qui a été élu président du Congrès, et le même scénario pourrait se reproduire dans quelques jours pour l'élection à la présidence du gouvernement.

La majorité des Calédoniens a le sentiment que son choix d'un avenir dans la France est ignoré, qu'on l'emmène subrepticement là où elle ne veut pas aller.

C'est pourquoi je vous demande l'organisation le plus tôt possible du deuxième référendum prévu par les accords de Nouméa, avant que la situation ne dégénère. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - J'adresse nos félicitations aux élus, que ce soit dans les provinces ou au Congrès. Ces mandats sont les derniers dans le cadre des accords de Nouméa.

Nous ne trouverons une solution partagée pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie que par le dialogue et le respect.

Le comité des signataires qui s'était réuni en décembre dernier se réunira à nouveau dès l'élection du gouvernement, le 13 juin prochain.

L'accord de Nouméa prévoit qu'un tiers des membres du Congrès peut réclamer l'organisation d'un deuxième référendum. Si la démarche est faite, nous l'organiserons. Le Premier ministre fixera bientôt une date de rendez-vous car nous devons reprendre le chemin du dialogue. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Reprise d'Ascoval

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Au moment où le Sénat se penche sur l'avenir de la filière sidérurgique, à travers une mission d'information qui rendra ses conclusions mi-juillet, je veux vous interpeller sur la situation de l'aciérie d'Ascoval de Saint-Saulve. Les salariés - dont je salue le courage dans l'incertitude - ont rencontré le repreneur, M. Marc Meyohas, président de Greybull Capital. Ce groupe, également propriétaire de British Steel, a été placé en redressement judiciaire.

M. Meyohas propose un projet de filière sidérurgique ferroviaire intégrée entre l'aciérie nordiste et l'usine d'Hayange qui réalise des rails pour la SNCF - et dépend de British Steel. Cette stratégie a toute sa pertinence ; encore faut-il la faire émerger.

Or l'État n'a pas suffisamment anticipé. Il a trop souvent joué le rôle d'État-pompier.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très juste !

Mme Valérie Létard.  - Que comptez-vous faire pour la reprise d'Ascoval ? Discutez-vous avec les Britanniques ? Comment faire pour obtenir des commandes rapidement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le 2 mai 2019, le tribunal de Strasbourg a confirmé la reprise d'Ascoval. Une première tranche de financement de 15 millions d'euros a été accordée. La procédure collective qui touche British Steel n'a pas de conséquence juridique directe sur Ascoval, mais je mesure l'inquiétude des salariés de Saint-Saulve, car leur usine a vocation à travailler avec celle d'Hayange, qui est un site de British Steel.

Tout a été prévu dans la structuration du montage pour qu'Ascoval ne dépende pas des difficultés prévisibles des hauts fourneaux britanniques, dans le contexte du Brexit. Fin juin, début juillet, l'aciérie va pouvoir travailler sur de nouvelles commandes. Nous renouvelons notre soutien à Ascoval et sommes confiants sur le projet choisi, d'autant qu'Hayange est un site rentable pour British Steel. Nous sommes bien sûr en contact avec nos homologues britanniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Culture du don

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Hier, un collectif emmené par France Générosités et le Mouvement associatif a lancé l'alerte sur la situation actuelle et future des dons. Certes, nous devons réduire les dépenses publiques, il en va de notre crédibilité vis-à-vis des investisseurs étrangers. Bien sûr, certains abusent et profitent de la défiscalisation des dons comme d'une niche fiscale. Ils en détournent ainsi la philosophie.

L'enjeu est de changer les mentalités. Monsieur le ministre, vous avez ouvert des pistes et proposé des réponses concrètes. Vous l'avez dit, les associations sont un trésor à préserver. Agissons avec mesure et précision. En modifiant la fiscalité, on provoque des changements de comportements.

Comment comptez-vous répondre à ces inquiétudes légitimes après deux ans de baisse des dons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La France est une terre de solidarité et de générosité. Les dons des particuliers ont augmenté de 70 % en dix ans, le mécénat d'entreprise a doublé en cinq ans.

Malgré la baisse des dons de 4 % en 2018, il y a lieu d'être optimiste. Avec la transformation de l'ISF en IFI, les contribuables ont préféré attendre.

Avec Jean-Michel Blanquer, nous travaillons à des mesures concrètes pour faire redémarrer les dons. Ce matin, je rassemblais les grandes fondations, philanthropes et mécènes à la Gaîté Lyrique. Nous travaillons sur une éducation à la philanthropie et à l'engagement à l'école ; en la matière, les exemples étrangers sont encourageants.

Nous devons lever les freins aux dons. Une mission parlementaire est en cours pour réfléchir à différentes pistes : réforme de la réserve héréditaire, plateformes numériques.

Le mécénat n'est pas une niche fiscale, il doit être conforté, tout en luttant contre les dévoiements. Nous avons ainsi libéré le mécénat des PME-TPE. Nous travaillons avec tous les acteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Hausse des tarifs d'électricité

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le 1er juin, le prix de l'électricité a augmenté de 6 % et augmentera encore en août. Pour un ménage moyen qui se chauffe à l'électricité, cela représentera un surcoût de 90 euros.

Face au tollé, le Gouvernement a annoncé que la formule de fixation du prix de l'électricité serait revue à l'occasion du projet de loi sur l'énergie. Mais derrière les formules techniques, il y a une volonté politique. Cette augmentation est deux fois supérieure à celle des coûts d'EDF, de 3 %, le surplus de hausse favorisant la bonne santé des concurrents d'EDF. L'Autorité de la concurrence avait d'ailleurs rendu un avis défavorable à la proposition de la Commission de régulation de l'énergie.

Comment justifier cet écart ? Nous examinerons bientôt une proposition de loi sur la précarité énergétique. Nous serons attentifs à ce que ce ne soient pas les plus modestes qui paient. Non seulement leur logement est souvent mal isolé, mais les taxes qui pèsent sur l'électricité sont soumises à cette taxe injuste qu'est la TVA. Le Gouvernement veillera-t-il à ce que la formule des prix de l'électricité soit modifiée pour protéger les ménages des hausses intempestives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je rappelle que le mode de calcul du tarif régulé de l'électricité est le fruit d'une disposition législative votée en 2010 et confirmée en 2015, compromis entre l'opérateur historique et l'ouverture de la concurrence.

M. Ladislas Poniatowski.  - On peut la changer !

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Le prix de l'électricité vendue en gros sur le marché a beaucoup augmenté ces deux dernières années, ce qui explique cette hausse. Parmi les leviers, il y a l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), avec un prix garanti de 42 euros par mégawatt/heure - même si EDF demande qu'il soit revu à la hausse.

Dans la loi Énergie-Climat, un article permettra de voir si nous pouvons élargir l'accès à l'électricité à coût maîtrisé. Cela permet de ne pas totalement suivre l'augmentation du prix du marché. Je rappelle enfin que nous avons refusé toute hausse des tarifs en hiver et augmenté le montant et le nombre de bénéficiaires du chèque énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Fermeture du train de fret Perpignan-Rungis

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle, le président de la République veut inscrire la protection de l'environnement dans la Constitution.

Pourtant, la ligne de fret Perpignan-Rungis, économiquement rentable, va fermer. Elle achemine 1 400 tonnes de fruits et légumes par jour à Rungis. Résultat ? 25 000 camions en plus sur les routes, avec la pollution et la dégradation de la voirie que cela engendrera.

Fret SNCF est prêt à investir 25 millions d'euros pour renouveler la flotte de wagons. Mais pour que cela soit rentable, la SNCF doit avoir le monopole sur la ligne. Allez-vous lui accorder ? Avez-vous un plan de relance du fret ferroviaire, durement impacté depuis l'ouverture à la concurrence en 2006 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes SOCR et UC)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Avec la ministre des transports, nous avons réuni les acteurs : la SNCF, les plateformes de Rungis et de Perpignan et les clients -  producteurs et grossistes  - de cette ligne.

Nous sommes engagés dans une politique de développement du fret ferroviaire. Jamais nous n'avons autant investi dans le rail ! (On le conteste vivement à droite comme à gauche.)

Vous pouvez vociférer, cela ne change rien aux chiffres : les investissements ont augmenté de 40 % et les commandes de rails ont doublé. (Brouhaha de protestations)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Deux fois zéro est égal à zéro !

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Pour autant, nous ne sommes pas favorables au monopole. Contrairement à vous, nous considérons que la multiplication des opérateurs ferroviaires assurera un meilleur service, à un moindre coût. La réforme ferroviaire permettra d'accélérer la modernisation des services ferroviaires pour que les chargeurs de marchandises utilisent davantage le train et moins le camion. Pour Rungis, la SNCF s'est engagée à poursuivre le service jusqu'à la fin de l'année aux mêmes conditions et à faire des propositions concrètes pour les années suivantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Pascal Savoldelli.  - Vous allez mettre 80 000 camions sur les routes alors que nous avons les agents, les locomotives, la possibilité de louer des wagons neufs réfrigérés dès demain ! La SNCF est prête, pourvu qu'on lui confie le monopole de cette ligne.

L'écologie, ce n'est pas que des paroles, mais aussi des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; Mme Martine Berthet et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Laurence Cohen.  - Bravo !

Moyens du ministère du Sport

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Demain s'ouvre la coupe du monde féminine de football, l'engouement populaire est fort. En 2024, Paris accueille les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques, l'attente collective est énorme.

Pourtant, le mouvement sportif doute : trois années consécutives de baisse du budget du ministère des Sports hors JO, diminution des contrats aidés, rôle flou de l'Agence nationale du sport, avenir incertain des 1 600 conseillers sportifs et techniques sans oublier la baisse significative du CNDS.

Sous couvert d'une plus grande autonomie laissée aux fédérations et aux collectivités territoriales, n'engage-t-on pas un désengagement de l'État ? Comment former les futurs sportifs sans aide de l'État ? Faudra-t-il laisser la place au privé au risque d'un abandon des disciplines les moins en vue ?

Votre modèle casse la dynamique sportive, le risque d'un déclassement de l'excellence du sport à la française est là. Un vrai débat parlementaire aurait pu lever ces interrogations.

Où en sont le programme Sport et société, l'institut du sport pour tous, la déclinaison territoriale de l'agence nationale du sport ? Allez-vous maintenir votre position sur le détachement d'office des 1 600 conseillers techniques et sportifs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - L'organisation du sport français n'a pas beaucoup évolué depuis les années 1960. Les fédérations étaient balbutiantes, les collectivités locales n'existaient pas et le monde économique ne s'intéressait pas au sport. Le monde a changé. (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR) Aujourd'hui, une majorité de Français fait du sport en dehors d'un club et un Français sur deux ne pratique aucune activité physique. Il était devenu impératif de requestionner notre modèle.

Avec l'agence nationale du sport, l'État garde la main. L'opérateur marche sur ses deux jambes : haute performance et sport pour tous, au plus près des territoires.

L'État doit être plus agile, stratège et partenaire.

M. Patrick Kanner.  - Et les conseillers techniques ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre.  - J'entends dire que le ministère des Sports serait affaibli.

M. Patrick Kanner.  - Votre budget, madame !

Mme Roxana Maracineanu, ministre.  - Je suis fière d'appartenir à un Gouvernement qui mène une politique ambitieuse du sport. (Exclamations sur les bancs des groupes SOCR et CRCE) C'est la réalité ! Nous vous présenterons une exécution budgétaire en 2018 à son plus haut niveau depuis 10 ans.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Plusieurs voix sur les bancs du groupe SOCR.  - Madame la ministre, répondez à la question !

Mme Roxana Maracineanu, ministre.  - Le Gouvernement s'engage derrière Paris 2024 pour en faire un grand événement populaire des politiques sportives.

M. le président.  - Madame la ministre, moi aussi, je travaille au chronomètre ! Vous n'avez plus de temps de parole.

Petites lignes aériennes

M. Jacques Genest .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Lors de la restitution du grand débat, le président de la République a dit : « Les Français ont confiance dans leurs élus locaux et ce nouvel acte de décentralisation doit porter sur des politiques de la vie quotidienne », dont les transports. Il a bien compris que le détonateur de la crise des gilets jaunes est la hausse du prix du carburant.

Lors de l'examen de la loi Mobilités, un tir de barrage a visé les petites lignes aériennes essentielles aux territoires enclavés - Aurillac, Le Puy, Biarritz, Clermont-Ferrand et d'autres. N'en déplaise à certains, ces lignes sont empruntées, non par des privilégiés, mais par des acteurs essentiels à l'économie locale. Le Gouvernement s'engage-t-il à renoncer à une nouvelle contribution au décollage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mmes Josiane Costes et Maryse Carrère applaudissent également.)

M. le président.  - La parole est à M. de Rugy. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Oui, c'est moi qui réponds à cette question en tant que ministre de tutelle des transports car Mme Borne est retenue à l'Assemblée nationale par le débat sur la loi Mobilités. Les lignes aériennes, dites « petites », apportent un surcroît de service pour les territoires comme Aurillac ou Castres qui sont éloignés de Paris en train comme en voiture.

Ce qui a été voté à l'Assemblée nationale ne consiste pas à surenchérir le coût des billets d'avion mais à prélever un surplus non utilisé de la taxe Chirac, créée pour financer des mesures de solidarité internationale, afin d'apporter 30 millions d'euros à 40 millions d'euros de plus à l'Afitf.

Nous avons refusé la taxation du kérosène sans distinction - la demande émanait du mouvement des gilets jaunes auquel, monsieur le sénateur, vous avez apporté votre soutien lors d'une précédente séance de questions au Gouvernement. Nous n'en voulons pas sur les lignes intérieures car cela aurait un effet de concurrence déloyale avec nos voisins. Nous portons cette bataille au niveau européen.

Enfin, nous continuons à subventionner ces lignes en cherchant, là aussi, les meilleurs opérateurs car certaines compagnies veulent se désengager. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jacques Genest.  - Pas d'autoroute, pas de TGV, même pas de train parfois ! Augmentation du prix de l'électricité alors que vous nous dites de prendre des voitures électriques ou des trottinettes ! Vous augmentez une taxe pour financer une agence qui coûte très cher en fonctionnement.

M. le président.  - Veuillez conclure dans vos choix. (Sourires)

M. Jacques Genest.  - Arrêtez l'écologie punitive. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Déremboursement des médicaments homéopathiques

M. Yves Détraigne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La commission de la transparence de la HAS n'a pas rendu sa décision mais il est à craindre que les médicaments homéopathiques ne soient plus remboursés.

Pourtant, 70 % de Français sont favorables à la liberté de choix entre l'homéopathie et l'allopathie. Trois quarts d'entre eux pensent que l'homéopathie est efficace. Une étude de 2006, réalisée à la demande du ministère de la Santé, a montré son intérêt pour la santé publique. À un niveau de gravité égal, les résultats sont comparables avec un gain réel dans l'économie de prescription de médicaments conventionnels. Un patient ainsi traité consomme trois fois moins d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires. L'homéopathie est très utilisée pour les femmes enceintes et des enfants, systématiquement prescrite comme support de traitement anticancéreux.

La fin du remboursement homéopathique entraînerait une hausse des dépenses de santé mais elle aurait aussi des conséquences économiques. Les trois principaux laboratoires ont choisi de s'implanter dans l'Hexagone, ils emploient plus de 3 200 personnes réparties sur le territoire français.

Allez-vous, oui ou non, dérembourser ces traitements peu onéreux qui permettent de réduire la consommation de médicaments allopathiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Joël Labbé et Mme Martine Berthet applaudissent également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La commission de la transparence de la HAS est une instance collégiale, scientifique et indépendante. Les conclusions détaillées qu'elle a rendues le 15 mai se fondent sur la littérature disponible et les données fournies par les trois laboratoires auxquels vous avez fait référence.

Depuis les années 1960, l'homéopathie bénéficie d'un régime dérogatoire. Il fallait mettre fin à ce débat en mobilisant une expertise scientifique indépendante. Nous avons un principe fort pour les remboursements de médicaments : il est fonction de l'efficacité évaluée par une expertise indépendante. C'est la raison pour laquelle la ministre a saisi la HAS en août 2018.

La grande majorité des médicaments homéopathiques sont vendus sans ordonnance, ils ne sont pas remboursés. Certains sont remboursés à 30 % par l'assurance maladie. Il ne s'agit donc pas de faire des économies.

Nous comprenons votre inquiétude sur l'emploi mais les laboratoires s'adapteront. Nous ne sommes pas en train d'interdire l'homéopathie. Elle continuera à se vendre en France et à l'international. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Prédation de l'ours

Mme Maryse Carrère .  - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) L'espace montagnard s'apprête à vivre sa transhumance. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ignorer cette pratique ancestrale qui fait vivre l'économie locale.

Les éleveurs sont à bout de force, la menace d'attaques de prédation est constante à mesure que l'ours ou le loup se rapproche des villages. L'indemnisation sonne comme un aveu d'échec, les mesures de protection sont inefficaces face à des prédateurs au comportement inquiétant. La présence humaine est la seule solution contre les prédateurs : allons-nous proposer à nos éleveurs de veiller nuit et jour à 2 000 mètres d'altitude ?

L'heure n'est plus à la prévention, il faut agir. En moins de cinq jours, un ours a commis trois attaques, près des habitations. Il a été déclaré « anormalement prédateur ». À quand une étude d'impact sur les conséquences économiques, sociales et sanitaires de la réintroduction de l'ours ? Quand entendrez-vous les éleveurs ? Jusqu'où êtes-vous prêt à aller dans le protocole « Ours à problème » ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, MmeFrédérique Puissat et Martine Berthet, ainsi que M. Loïc Hervé applaudissent également.)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je connais ce problème de cohabitation entre l'activité humaine et la nature dans sa biodiversité car la biodiversité, il ne faut pas en parler de manière théorique et vous avez bien fait d'évoquer ses aspects concrets.

L'ours est une espèce protégée. Je vous le dis clairement comme je l'ai dit clairement aux éleveurs. Nous avons réintroduit deux ours slovènes dans les Pyrénées atlantiques à l'automne dernier. Il n'y en a qu'une dizaine dans tout le massif et nous souhaitons leur maintien.

Nous n'aurons donc pas de politique d'éradication de l'ours mais nous accompagnons les éleveurs dans leur cohabitation. Cet après-midi, à Toulouse, se tenait une réunion entre associations de protection de la nature et éleveurs. Le boycott de certains, d'un côté comme de l'autre, ne facilite pas le dialogue.

Avec le ministre de l'Agriculture, nous proposons une meilleure information des éleveurs sur la localisation de l'ours, un accompagnement financier pour la protection des troupeaux - les parcs et les chiens sont subventionnés à 100 %, un dispositif d'effarouchement graduel et une revalorisation de l'indemnisation. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Maryse Carrère.  - Les éleveurs transhument la boule au ventre. S'ils boycottent la rencontre de Toulouse, c'est parce qu'ils ne croient plus en ces mesures et en leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupeUC et Les Républicains)

Difficultés des missions locales

Mme Sabine Van Heghe .  - Les 436 missions locales sont le service public local de l'insertion pour 1,3 million de jeunes. Grâce à elle, 584 000 accèdent à l'emploi, 40 000 à un contrat en alternance, 186 000 à une formation professionnelle et 223 000 à une immersion professionnelle.

Dans le Pas-de-Calais, les responsables s'inquiètent de la perspective d'une fusion ou d'une prise de contrôle par Pôle Emploi. Vos orientations politiques néfastes ne font rien pour nous rassurer : réduction drastique des emplois aidés, baisse des crédits et des effectifs de Pôle Emploi au prétexte d'une amélioration de l'emploi qui n'est pas ressentie par ceux qui en sont le plus éloignés, baisse des crédits de la convention pluriannuelle d'objectifs, retards dans le versement des subventions 2019, modifications rétroactives des règles de paiement de la garantie jeunes. Le 3 juin, les 72 missions locales franciliennes ont organisé une journée morte.

Quand arrêterez-vous de détruire méthodiquement les outils efficaces pour sortir les plus fragiles de la spirale du chômage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser Mme Pénicaud, qui réunit le G7 social à son ministère. Oui, les missions locales jouent un rôle majeur pour l'insertion des jeunes. Le Gouvernement a souhaité que leurs moyens soient préservés. La répartition est faite en fonction des résultats mais aussi du contexte local par les services du ministère du travail en région.

La globalisation des crédits de la subvention socle et des crédits d'accompagnement de la garantie jeunes en 2019, qui est source de simplification dans son principe, a occasionné des difficultés que nous ne nions pas. Mme Pénicaud a donc décidé un versement exceptionnel de 60 millions d'euros en octobre prochain.

Il n'y aura pas de fusion. Nous partageons le même objectif : accompagner les jeunes vers l'emploi et, pour mener cette bataille, des missions locales qui amplifient leurs actions.

Plan France-Très Haut Débit

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'aménagement numérique du territoire fait partie des engagements du président de la République. Si les efforts sont réels sur le mobile, le pari semple plus hasardeux sur le fixe. L'achèvement du 100 % FTTH est repoussé à mesure que l'horizon se rapproche. On parle maintenant de 2022, alors que le terme était le 31 décembre 2020. À Cahors, le 14 décembre 2017, le Premier ministre annonçait la fin du dispositif temporaire pour la fin mai 2018 ; il n'en est rien.

Pendant ce temps, les réseaux d'initiative publique, les RIP, ont fortement accéléré leur déploiement et renégocié favorablement leur contrat DSP, économe en argent public. Rouvrons le guichet du plan France-Très haut débit. Sa fermeture était nécessaire pour donner une petite chance de succès à AMEL, cette chance est passée. Il faut tourner la page ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le Gouvernement, les élus, les opérateurs partagent le même objectif du très haut débit sur tout le territoire. Le Gouvernement s'est donné les moyens de l'atteindre et les résultats sont là : chaque jour, 13 000 lignes FTTH sont construites.

Les collectivités territoriales ont largement contribué à ce résultat : 750 000 lignes pour 3,2 millions de lignes en 2018. Ce programme représente un investissement de la part de l'État de 3,3 milliards d'euros - dont 91 millions d'euros, pour un réseau qui vous est cher.

S'agissant de la réouverture du guichet, il faut, avant toute décision, vérifier que les opérateurs privés acceptent de financer les prises restantes : 3 à 4 millions de prises sur un total de 34 millions. Les opérateurs doivent faire part de leurs intentions, j'ai fixé la date butoir au 15 juin.

À partir de cela, un diagnostic précis sera établi territoire par territoire, avec une évaluation de l'effort financier de l'État, en collaboration avec les collectivités territoriales et des associations comme celle que vous présidez, l'Avicca, dont je salue l'implication. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Déficit

M. Jérôme Bascher .  - La Commission européenne vient de sauver la France d'une procédure de déficit excessif, alors qu'elle menace l'Italie. Comme l'Italie de Salvini, la France ne réduit pas son déficit structurel ; comme l'Italie de Salvini, la France choisit de réduire les impôts ; comme l'Italie de Salvini, la France a un taux élevé de chômage. Les mêmes causes produisent les mêmes effets... Et, selon le FMI, « une inquiétante menace » pèse sur notre pays.

Pensez-vous avoir raison seuls contre les institutions dont nous sommes membres ? La bonne politique économique est-elle celle de Salvini ?  (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le FMI apporte un large soutien à la France ; elle est, selon lui, « en pole position dans la zone euro ». Il salue notamment la refonte du code du travail et de la fiscalité du capital.

Nous assumons nos choix sociaux et les économies réalisées sur les finances publiques. Notre déficit est de 2,5 %, fin 2018, meilleur que les prévisions. S'il est supérieur à 3 % cette année, c'est que nous devons assumer des décisions liées au CICE décidées par la mandature précédente. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Nous avons aussi réintégré la dette de la SNCF, qui ne date pas d'hier.

Le chômage est au plus bas depuis dix ans, le taux d'emploi le plus haut depuis quarante ans. (Protestations sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; huées sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Et la précarité aussi !

M. Jérôme Bascher.  - Madame la ministre, Mme Parly avait décidé de réintégrer la dette de la SNCF au XXe siècle, quand elle était dans un autre gouvernement.... Vous êtes obligés d'en assumer les conséquences...

M. Alain Richard.  - ... et d'assumer les conséquences de vos décisions aussi !

M. Jérôme Bascher.  - On ne peut être de gauche sur la dépense...

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Ne vous inquiétez pas !

M. Jérôme Bascher.  - ... et de droite sur la dette. Vous renoncez même aux 120 000 suppressions de postes de fonctionnaires. Sinon, c'est la faillite en chantant. Voulez-vous, par votre politique, que nous devenions italiens ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Patriat.  - Donnez-lui de l'homéopathie !

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 16 h 20.