Adaptation des communes nouvelles à la diversité des territoires (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.

Discussion générale

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Après plusieurs mois d'échanges, la proposition de loi devra être définitivement adoptée dans quelques instants. Un mot sur la méthode retenue pour commencer.

Je salue l'engagement et la détermination de Mme Gatel sur le délicat dossier des communes nouvelles, qui a déposé en décembre dernier une proposition de loi pour apporter plus de souplesse à leur développement.

Le Gouvernement a immédiatement choisi la voie de la coproduction avec les sénateurs et notamment Mme la rapporteure, pour améliorer et enrichir le texte. Je salue le travail de l'Assemblée nationale dans ce sens, notamment celui de la rapporteure, Nicole Dubré-Chirat, qui vient d'un département, le Maine-et-Loire, particulièrement avant-gardiste en matière de communes nouvelles. Je tiens à saluer vos collègues députés présents en tribune.

Ce texte en deuxième lecture est équilibré. Adoptons-le rapidement pour que les élus locaux, qui l'attendent impatiemment, puissent avancer d'ici l'échéance de 2020.

Le succès des communes nouvelles repose sur le principe de la liberté : certes, la majoration de 5 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été prorogée, mais en aucun cas l'État ne forcera les regroupements.

Des mesures concrètes auront des effets concrets dès les prochaines municipales. Ainsi, le nombre de conseillers municipaux pourra être égal au tiers des élus des conseils municipaux existants, avec application aux futurs conseils et non aux conseils sortants. L'Assemblée nationale a instauré un plafond global de 69 élus afin d'éviter les assemblées pléthoriques. C'est un bon équilibre.

Sur l'article 2 bis créant une conférence des maires et des maires délégués, les maires délégués pourront être directement associés aux décisions tout en laissant le maire conserver son pouvoir décisionnaire.

L'article 3 sur la complétude du conseil municipal est une mesure de bon sens, de même que l'article 5, qui permet au maire délégué d'apparaître avant les adjoints dans le tableau.

Certaines mesures donnent plus de visibilité et de prévisibilité aux élus qui aimeraient créer une commune nouvelle. Ainsi, avant de créer la commune nouvelle, un rapport financier annexé à la délibération devra être affiché en mairie ou mis en ligne sur internet. Nous proposons de rendre obligatoire un document sur l'EPCI car un homme averti en vaut deux...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est bien vrai !

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Cette proposition de loi apporte davantage de souplesse. Quant à la suppression des annexes des mairies de communes déléguées, proposée par le président Maurey, qu'il ne paraît pas pertinent de figer dans la durée, elle aura lieu selon le choix de la commune en toute liberté, en fonction des situations locales. Des conseils municipaux pourront s'y tenir si l'annonce en est faite au moins 15 jours avant.

La commune-communauté est l'innovation qui a suscité le plus de débats. Un énorme travail a permis un texte juste et équilibré. La commune-communauté ne détricotera pas les EPCI. Elle devra avoir une légitimité démocratique très claire.

La loi autorise déjà les doubles compétences pendant deux ans. Les cas recensés par la DGCL n'ont pas montré de difficultés spécifiques en la matière. Mais nous y reviendrons lors des débats dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

L'Assemblée nationale a fait adopter une demande de rapport, qui sera rendu d'ici quatre ans par le Gouvernement, sur les conséquences de la création des communes-communautés.

L'adoption de ce texte, le dernier de la session extraordinaire, sera un beau signal pour nos territoires avant l'examen du projet de loi Engagement et proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Yvon Collin et Philippe Bas, président de la commission, applaudissent également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Nous achevons cette session par l'examen d'une proposition de loi très attendue par les maires qui voient les municipales arriver sans en connaître les conditions exactes.

Je salue Mme Gatel qui n'a pas ménagé ses efforts pour défendre la commune-communauté. L'adoption de ce texte a été rendue possible grâce aux quelques bonnes fées qui se sont penchées dessus, dont M. Lecornu mais aussi plusieurs collègues députés qui ont su se montrer constructifs. Je tiens à citer la rapporteure Nicole Dubré-Chirat, la présidente de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée Nationale, Christine Kamowski et Rémy Reyberotte, dont je salue la présence dans les tribunes, et qui ont abordé ce texte dans un esprit tout à fait constructif, permettant aujourd'hui au Sénat une adoption conforme.

La commune-communauté, innovation territoriale certes, ne doit pas être l'arbre cachant la forêt de simplifications qui sécuriseront les communes nouvelles et favoriseront l'émergence de nouvelles communes nouvelles. Certains maires se sont en effet lancés dans l'ouverture à tâtons mais peu souhaitent à présent revenir en arrière, tant les communes nouvelles dynamisent l'échelon communal.

Les modifications introduites par l'Assemblée nationale corrigent des imperfections ou des imprécisions à la marge. Ainsi sur la conférence municipale réunissant maires et maires délégués de la commune nouvelle, ou sur la commune-communauté, à l'article 4, coeur des mesures d'adaptation prévues par cette proposition de loi.

Cette nouvelle entité doit permettre à une commune-communauté de ne pas se rattacher à un EPCI. L'Assemblée nationale a retenu un seuil pour en décider, au moment de la création, de deux tiers des communes concernées avec une procédure qui garantit le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Les députés ont validé les apports du Sénat sur le principe de complétude du conseil municipal pour l'élection du maire, l'information préalable des administrés et la publication d'un rapport financier.

Les députés ont encore accepté les mesures de souplesse dues à l'initiative du président Hervé Maurey sur la suppression d'une partie des mairies annexes ou l'obligation d'information des conseils municipaux avec le rapport financier joint à leur délibération.

L'Assemblée nationale a aussi lissé les effets de seuil en les limitant à la création d'un centre médico-social scolaire pour les communes de plus de 5 000 habitants, à l'aménagement d'un site cinéraire pour les communes de plus de 2 000 habitants, et précisé l'établissement d'un bilan d'émission de gaz à effet de serre pour les communes de plus de 50 000 habitants - ce qui nécessiterait un temps d'adaptation.

Quant à la commission départementale de coopération intercommunale, Jacques Mézard avait été à l'origine de l'abaissement de sa majorité aux deux tiers afin de passer outre à l'opposition du préfet.

Par souci de compromis, nous vous proposons d'entériner le choix de l'Assemblée nationale.

Plusieurs situations de conflit pour le rattachement de communes nouvelles interdépartementales sont également clarifiées par ce texte.

Nous vous proposerons aussi de voter la demande de rapport pour donner enfin vie à la proposition de loi de Mme Gatel dont les effets juridiques sont tant attendus par les élus locaux. (Applaudissements)

M. Éric Kerrouche .  - À l'occasion de la première lecture, j'avais conclu mon propos par ceux du doyen Carbonnier selon lequel le droit est trop humain pour prétendre à l'absolu de la ligne droite.

Nous conservons en deuxième lecture les mêmes prévenances qu'en première. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu d'avancées, mais des paradoxes demeurent notamment aux articles premier, 3, 6 et 4.

La perspective est d'accompagner les communes nouvelles vers le statut de droit commun, mais sans créer de distorsions. Depuis que la chose est possible, 2 508 communes se sont regroupées, pour former 25 communes nouvelles, faisant passer le nombre de communes sous la barre des 36 000.

La commune nouvelle est une vraie commune.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est vrai !

M. Éric Kerrouche.  - Mais la rédaction du texte issue de l'Assemblée nationale ne règle pas tous les problèmes. La composition de certaines communes nouvelles affichera des distorsions. Ainsi, Souleuvre-en-Bocage aura un conseil municipal équivalent à celui d'une commune de 300 habitants ! Pour de nombreuses communes nouvelles, le droit en vigueur est plus favorable.

Sur les communes-communautés, relevons un paradoxe : on veut étendre le droit commun, et simultanément créer des communes nouvelles plus intégrées... L'article 4 soulève les mêmes interrogations qu'en première lecture.

Faut-il créer de manière permanente de nouveaux régimes dérogatoires ?

Quel degré d'exceptionnalité prévoir dans le temps et dans l'espace ? Une dérogation crée une inégalité permanente entre les communes nouvelles et les communes, sans compter qu'au sein des communes nouvelles, certaines seront dispensées d'un rattachement à un EPCI, d'autres non.

Parmi les communes nouvelles, 96 % comptent moins de 10 000 habitants et moins de 3 % sont composées de plus de dix communes. Cette faiblesse et cette taille démographique restreinte suffisent-elles pour autant à remettre en cause l'efficacité du dispositif proposé ?

Il ne faut pas cependant favoriser le gigantisme du panier communal. La perspective d'adhésion à un EPCI « XXL » peut être un frein à la création d'une commune. N'écartons pas l'hypothèse que certaines communautés puissent constituer des périmètres défensifs.

Nous ne sommes pas opposés aux communes nouvelles, mais nous disons : attention. Le SDCI aurait pu être l'instance adaptée pour examiner les dérogations.

Deuxième paradoxe : dans l'hypothèse d'un rattachement à un EPCI, l'Assemblée nationale a prévu que les décisions sont prises par la moitié des conseillers municipaux représentant la moitié de la population de la future commune nouvelle, ce qui déroge au droit commun et crée des règles inutilement contraignantes.

Je vois d'un bon oeil, pour une fois, la remise d'un rapport du Gouvernement, dans quatre ans, sur ce sujet.

Nous nous contenterons d'une abstention bienveillante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le Larousse définit une commune, non seulement comme une collectivité territoriale, mais aussi, en tant qu'adjectif, comme ce « qui appartient à tous, concerne tout le monde, à quoi tous ont droit ou part ». C'est bien parce qu'elles appartiennent à tous que nos communes doivent être préservées.

L'attachement à la liberté des communes est constant au groupe RDSE, comme l'a rappelé Jacques Mézard en première lecture.

Chaque commune concernée par une fusion doit pouvoir se prononcer ; le libre choix doit toujours l'emporter sur les considérations financières.

Je salue le travail de Françoise Gatel et celui de notre rapporteure, pour sa recherche d'équilibre. Il était nécessaire de trouver un cadre consensuel à l'approche des élections de 2020.

L'article premier, s'il ne répond pas à l'ensemble de situations existantes sur nos territoires, met sur un pied d'égalité l'ensemble des conseils municipaux. Le nombre maximal de 69 conseillers municipaux, dans la période de transition, est bienvenu. Prenons garde à la surreprésentation.

À l'article 2, je regrette la suppression de la disposition introduite en séance par Loïc Hervé.

S'agissant des communes-communautés de l'article 4, faisons confiance aux élus. L'idée reste d'agir au meilleur niveau. Un vote aux deux tiers favorisera leur acceptation par les élus comme par les habitants. Quelles seront leurs ressources toutefois ? Elles seront éligibles à la DGF comme à la dotation intercommunale, monsieur le ministre. (M. le ministre sourit.)

Ni l'article premier ni l'article 4 ne bouleverseront toutefois l'édifice. Les communes nouvelles restent un moyen d'exercer plus d'équité et de solidarité à l'égard de nos concitoyens.

Notre rôle est aussi de faciliter le quotidien des élus locaux et c'est pour cela que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et LaREM)

Mme Françoise Gatel .  - La commune, création révolutionnaire, a été conçue comme le lieu d'expression des citoyens le plus approprié, au plus près de leur vie quotidienne. Le grand débat l'a confirmé. La commune enracine la République et amortit les chocs sociaux. Les élus locaux sont des capteurs de souffrance et de colère, réparateurs des vivants, dit Erik Orsenna. Engagés pour servir, ils sont aussi les entrepreneurs de leur territoire. Elle tisse des liens de fraternité et de solidarité, pour sauver la cohésion sociale.

Mais le monde change. La commune doit assurer une double mission de proximité et d'efficacité...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

Mme Françoise Gatel.  - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) La commune nouvelle est un pari audacieux, décentralisateur, qui augure celui d'une révolution silencieuse portée par les acteurs locaux.

Dans un océan de contraintes, cette loi de 2015 était une pépite de liberté pour les élus qui s'engagent sur un projet de long terme. C'est une initiative législative exemplaire conçue par et pour le terrain.

Aujourd'hui, 2 508 communes ont créé 274 communes nouvelles, qui regroupent 2,4 millions d'habitants.

Parce qu'elle est faite par des hommes et des femmes, pour des territoires d'avenir, elle ne doit ni brusquer, ni forcer, ni contraindre, mais convaincre. Pour convaincre, il faut parfois adapter et assouplir : c'est ce que fait le texte qui contient deux dispositions essentielles, heureusement non dénaturées par l'Assemblée nationale sur la composition du nouveau conseil municipal, qui ne pourra être inférieur au tiers du conseil municipal originaire.

L'Assemblée nationale a établi un plafond à 69 élus pour éviter les conseils municipaux trop pléthoriques.

L'article 4, innovation au coeur du texte, crée la commune-communauté, proposition disruptive pour ceux qui adorent les modèles uniformes, pragmatique pour les amateurs d'agilité comme clé de l'efficience territoriale.

Quel est le sens d'imposer aux élus de participer à une course sans fin à toujours plus d'EPCI ? C'est, cher Éric Kerrouche, une réponse au découragement des élus désemparés par les transferts de compétences à des intercommunalités où ils ne siègent pas.

Je regrette la suppression par l'Assemblée nationale de l'article 12 qui rattachait Saint-Palais-du-Né à la Charente-Maritime. En cas de désaccord local, la loi doit pourtant trancher le différend. Il est dommage que le législateur se soit départi du rôle qui lui incombe. J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de votre volonté d'avancer sur ce dossier.

La commune nouvelle est avant tout une aventure humaine et territoriale. Elle s'apparente à une famille recomposée. L'humain prime les facteurs opérationnels...Une transition graduelle permet souvent d'arriver à bon port. Cette proposition de loi ne vise qu'à assouplir, favoriser, pour faire aboutir des projets courageusement initiés par les élus locaux.

Je salue tous les contributeurs de ce texte : le président Marseille, pour son soutien sans faille, Christian Manable, coauteur avec moi, d'un rapport pour information sur les communes nouvelles en 2016, l'AMF, pour sa contribution très positive, le président Bas, Mathieu Darnaud, rapporteur de la mission de suivi et de contrôle de la réforme territoriale, la rapporteure Agnès Canayer et les rapporteurs et chefs de file du texte à l'Assemblée nationale, qui nous honorent de leur présence et que je salue amicalement pour nos échanges très constructifs.

Merci à vous, enfin, monsieur le ministre. Votre texte Engagement et proximité confirmera encore la liberté laissée aux élus locaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Cette proposition de loi, soutenue par le Gouvernement et l'AMF, entend donner un nouveau souffle au modèle des communes nouvelles. Il vise aussi à introduire de la souplesse dans le dispositif existant.

Les communes nouvelles créées par la loi du 16 décembre 2010 bénéficiaient jusqu'ici d'un régime dérogatoire qui doit cesser au prochain renouvellement : les effectifs de certains conseils municipaux chuteront de 70 % pour retrouver le niveau de droit commun.

Afin de garantir une représentation acceptable des communes déléguées, le Sénat propose d'aménager de manière plus graduelle le retour au droit commun et de lisser certains effets de seuil pour tenir compte des nouvelles strates démographiques.

Le groupe Les Indépendants soutient cette initiative, comme tout levier d'action favorisant l'adaptation aux particularités locales.

Depuis 2010, plus de 2 500 communes se sont regroupées. Nous devons accompagner cette dynamique. Les mairies y sont favorables dès lors que le contexte local s'y prête.

Porter le projet d'une commune nouvelle est un choix politique lourd de sens qui exige l'information et l'adhésion de la population pour favoriser l'indispensable affectio societatis.

Nous serons attentifs au projet de loi Engagement et proximité qui entend moderniser l'exercice des mandats locaux. Il faut desserrer l'étau et libérer les initiatives locales. Nous ne le disons jamais assez, les élus locaux sont le premier rempart contre le déficit démocratique. Les maires sont les pivots essentiels pour reconstruire une société de confiance. Nous voterons ce texte, qui doit s'appliquer dès les prochaines élections municipales. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et RDSE)

M. Arnaud de Belenet .  - Nos territoires aspirent à davantage de proximité dans la prise de décision et l'organisation de la vie politique. La commune est le socle de la liberté des Français, disait Jean-Luc Mélenchon à la tribune de l'Assemblée nationale. Étonnant, je suis d'accord avec lui, même si je ne partage pas son rejet dogmatique du droit à la différenciation. Les communes nouvelles ont vocation à entrer dans le droit commun.

La proposition de loi de Mme Gatel, que j'ai cosignée, s'est enrichie au fil de la navette. Elle apporte une réponse concrète aux élus des communes nouvelles. Le Sénat peut s'en enorgueillir. Elle vise à lever les freins au regroupement en prévoyant une transition plus progressive vers le droit commun et donne plus de souplesse dans l'organisation territoriale.

La commune-communauté peut être l'aboutissement d'un projet intercommunal. Les élus locaux peuvent progressivement utiliser les communes-communautés en mode défensif pour défendre leur projet de territoire. Les maires manquent souvent de pouvoir d'agir et de moyens d'action. La commune-communauté stoppe la machine à fusionner qui a tant fait souffrir les territoires.

Les communes-communautés ne sont pas une nouvelle catégorie dérogatoire. On peut même considérer qu'elles sont le droit commun dans certains territoires. Les pôles métropolitains peuvent être un outil de coopération entre communes-communautés pour partager de manière souple les moyens dans l'enseignement supérieur ou les transports. Si cet outil est bien utilisé, la commune-communauté peut parfaitement constituer le droit commun.

Je salue le travail commun de notre assemblée au service de nos territoires. Je souhaite que nous travaillions fructueusement à la future loi Proximité et engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - En novembre 2017, j'interpellais Mme Gourault sur la mise à disposition des maires de tous les éléments objectifs nécessaires au choix éclairé d'intégrer une commune nouvelle. Des effets de carotte et de bâton ont conduit à la création de communes nouvelles sans que les maires et les conseillers municipaux - sans parler des citoyens - aient disposé de tous les éléments nécessaires pour éclairer leur décision.

Cette proposition de loi crée un droit d'exception. Elle permet aux communes qui ont accepté, plus ou moins librement, de fusionner de bénéficier de la bonification de DGF tout en restant communes à part entière pour l'élection des conseillers municipaux.

La création des communes-communautés, originale pour les uns, étrange pour les autres, nous interpelle. Attention à ce qu'elles ne se transforment pas en communes XXL et qu'elles ne puissent se substituer à des EPCI.

Quoi qu'il en soit, la confusion prévaut et nous faisons un pas de plus vers la disparition des communes de proximité. En effet, on transforme l'EPCI en commune...

Si l'on peut reconnaître la bonne intention de ce texte, à savoir de faciliter la transition, nos concitoyens risquent de s'y perdre.

La France compte plus de 774 communes nouvelles. Mais bien souvent, les restrictions financières sont à l'origine de ces fusions. Les communes se sont vues priver de plus de 15 milliards d'euros depuis 2010. À force de les presser comme des citrons, elles n'ont plus de jus !

Je considère que la commune doit garder sa place centrale et que les élus sont des remparts contre la crise démocratique. Nous devons replacer la commune dans la tête et dans le coeur de nos concitoyens. Elle doit être ancrée à la fois dans l'histoire et dans la modernité. Nous en reparlerons dans le projet de loi Engagement et proximité.

Loin de moi l'idée d'opposer communes nouvelles et anciennes comme d'aucuns opposent ancien et nouveau monde. Nous souhaitons cependant distinguer les fusions partagées et celles mêlant de nouvelles communes dont certaines ont été contraintes de rejoindre la commune nouvelle.

Je casserai le bel esprit d'unanimité : nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; marques de déception à droite et au centre)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.) Cette proposition de loi de Mme Gatel est un pur produit de la réflexion sénatoriale. Son titre l'atteste. Sénateur de l'Orne, département précurseur où un tiers des communes se sont regroupées en trente communes nouvelles, j'ai moi-même participé à la création d'une commune nouvelle quand j'étais maire. Cela se traduisait par une hausse de DGF - alors en baisse - de 5 % pendant trois ans. En contrepartie, nous savions que le nombre des conseils municipaux baisserait, que les maires délégués et les communes historiques disparaîtraient.

Plutôt que de faire confiance aux maires et aux territoires, ce texte crée de nouveaux droits et un nouveau statut pour les communes, ce qui ajoute à la confusion.

Plusieurs types de communes nouvelles ont vu le jour, celles qui se sont groupées à moins de cinq autour d'un projet, et celles qui se sont constituées à la place d'anciennes communautés de communes. Autant je suis attaché au premier modèle, autant je reste dubitatif sur le second, et inquiet de la démotivation de nombreux maires de petites communes.

Depuis décembre 2018, le Gouvernement a fait machine arrière et c'est tant mieux. Les maires, maillons essentiels de la démocratie, participent à la proximité et au lien social. Il faut donc les remotiver. D'où cette proposition de loi qui augmente le nombre de conseils municipaux, conserve les maires délégués, crée des communes-communautés et prolonge la période transitoire qui devait se terminer en 2020.

Elle créera toutefois de nouveaux problèmes comme la différence du nombre de conseillers municipaux entre une commune et une commune nouvelle. À Tourouvre-au-Perche, commune nouvelle de 3 200 habitants, le nombre de conseillers passer de 110 à 37, contre 27 pour une commune équivalente. La diminution du nombre des conseillers municipaux est déjà effective. Pourquoi continuer avec le maire délégué ? Cela brouille les pistes.

Il y a quelques semaines, lors d'une élection partielle dans une commune de l'Orne, des maires délégués minoritaires dans leur commune historique ont quand même été réélus, ce qui a suscité l'incompréhension des habitants.

Je reste convaincu que la strate de la commune et du maire est indispensable. Même si cette proposition de loi n'est pas complètement satisfaisante, elle contribue au maintien des communes. Je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

M. Stéphane Piednoir .  - Le processus qui a conduit à un compromis sur ce texte illustre la capacité du Parlement à travailler en bonne intelligence. Longtemps, j'ai cru que l'initiative de Mme Gatel n'aboutirait pas dans les temps. Longtemps, le Gouvernement semblait manifester du mépris pour un caprice d'élus locaux et répétait qu'une commune nouvelle, c'est une nouvelle commune. Autant dire, selon la formule de Coluche, « Circulez, il n'y a rien à voir ». Longtemps, Monsieur le ministre, je vous croyais trop occupé à mener le grand débat jupitero-présidentiel pour vous pencher sur ce texte. Mais vous avez tenu les délais et su convaincre vos collègues de l'intérêt du texte. Donner de la souplesse aux communes relève du bon sens.

Dans mon département, de nombreux acteurs se sont mobilisés pour faire émerger un texte d'équilibre, dont Mme Deroche et le maire de Baugé-en-Anjou, M. Chalopin. Entre 2014 et aujourd'hui, le nombre de communes du Maine-et-Loire a été divisé par deux. Globalement bien perçue, la nouvelle organisation met néanmoins en lumière un besoin criant de souplesse, d'autonomie, de liberté.

La proposition de loi y répond, je m'en félicite. Mme Canayer a apporté des solutions pragmatiques aux attentes des élus, avec l'idée originale de la commune-communauté. Elle ne pourra pas satisfaire tout le monde, mais ce travail collectif donne tout son sens au rôle des parlementaires qui ont -  encore pour quelques années ! - une connaissance fine des réalités du terrain. Le Gouvernement ne pourra pas s'en passer. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

L'article premier est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

Les articles 2 bis à 7 sont adoptés.

L'article 8 demeure supprimé.

Les articles 10 et 11 sont adoptés.

L'article 12 demeure supprimé.

L'article 13 est adopté.

M. le président.  - Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de cette nouvelle lecture.

Explications de vote

M. Jean-Claude Requier .  - Les bonnes lois ont souvent un nom : lois Malraux, Barnier, Veil, Deferre, Chevènement... D'autres, dont personne ne veut assumer la paternité, n'en ont pas, comme la loi NOTRe. Espérons que cette proposition de loi deviendra la loi Gatel ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC eRDSE) Nous allons bien entendu la voter.

Quant au texte Engagement et proximité, nous verrons s'il aura vocation à devenir loi Lecornu. (Rires et applaudissements)

M. Éric Kerrouche .  - Nous ne sommes pas pour les modèles homogènes. Les communes-communautés ne contribuent pas à détricoter les intercommunalités, certes. Mais ce texte propose une mesure générale, là où nous aurions souhaité des mesures particulières. Le temps dira quelle perspective était la bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Hervé Maurey .  - Je me réjouis que nous adoptions ce texte qui apporte des solutions concrètes, attendues par les élus. Je félicite son auteur, Françoise Gatel, le rapporteur Agnès Canayer, les rapporteurs de l'Assemblée nationale et le ministre Lecornu. Espérons que cette reprise d'une proposition de loi sénatoriale par l'Assemblée nationale augure d'une nouvelle jurisprudence.

M. Stéphane Piednoir.  - Ce n'est pas Noël !

M. Hervé Maurey.  - Le groupe UC votera le texte. L'effectif des conseillers municipaux posait un vrai problème, et pas seulement dans l'Eure. Il faut une meilleure information des élus sur les conséquences financières de la création d'une commune nouvelle.

Je me félicite que la suppression partielle de communes déléguées et des mairies annexes soit désormais possible et que les maires délégués soient mieux classés à l'ordre du tableau.

Encore une fois je me réjouis que l'Assemblée nationale ait repris une initiative sénatoriale, ce qui est rare. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. le président.  - Cela l'est de moins en moins : la proposition de loi sur les droits voisins, dont je suis l'auteur, a été adoptée à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Félicitations, monsieur le président !

Mme Laure Darcos .  - À mon tour de remercier Mme Gatel, Mme Canayer et le président Bas.

Cette année, nous avons deux communes nouvelles en Essonne : deux petites communes, Estouches et Méréville, devenues le Mérévillois ; Évry et Courcouronnes, bien plus grosses, ont aussi fusionné. Elles attendent avec impatience ce texte. Nul doute qu'elles feront des émules.

Mme Françoise Gatel .  - Je salue à nouveau l'ensemble des contributeurs. Le grand débat a permis au Gouvernement d'entendre des élus, ce que le Sénat disait depuis longtemps.

Je me réjouis, pour la République et pour nos territoires, que nous ayons été capables de co-construire ce texte. Merci encore à M. le ministre d'avoir permis d'avancer. Les élus locaux voient aujourd'hui que nous sommes capables de travailler pour le bien commun, pour la réussite de nos territoires. C'est un beau symbole pour cette fin de session. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et RDSE)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et RDSE)