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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Réforme des retraites (I)

M. Jean-Claude Requier

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Réforme des retraites (II)

Mme Éliane Assassi

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Réforme des retraites (III)

M. Patrick Kanner

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Droit de grève et blocages

M. Claude Malhuret

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Financement de la réforme des retraites

M. Philippe Dallier

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Taxation des géants du numérique

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

Réforme des retraites (IV)

M. Martin Lévrier

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Réforme des retraites (V)

Mme Frédérique Puissat

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Contemporanéité des APL

Mme Viviane Artigalas

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Service garanti dans les transports

Mme Anne Chain-Larché

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Sécurité des pompiers

M. Loïc Hervé

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

CETA

M. Laurent Duplomb

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Centre hospitalier de Saint-Martin

M. Guillaume Arnell

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Tarification sociale de l'eau

M. Éric Kerrouche

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Réforme de l'apprentissage

M. Michel Forissier

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Délégations sénatoriales (Nominations)

Mise au point au sujet d'un vote

Usages dangereux du protoxyde d'azote

Discussion générale

Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

M. Joël Guerriau

Mme Brigitte Micouleau

Mme Corinne Féret

Mme Véronique Guillotin

M. Frédéric Marchand

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Catherine Fournier

Mme Chantal Deseyne

Discussion des articles

ARTICLE 2

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Fournier

M. François Bonhomme

M. Guillaume Arnell

M. Jérôme Bignon

M. Frédéric Marchand

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure

Mme Valérie Létard

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État

Avis sur une nomination

Échec en CMP

Quelle politique énergétique pour la France ? Quelle place pour EDF ?

M. Hervé Marseille, pour le groupe de l'Union centriste

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire

Mme Denise Saint-Pé

M. Gérard Longuet

M. Roland Courteau

Mme Maryse Carrère

Mme Françoise Cartron

M. Fabien Gay

M. Jérôme Bignon

M. Jean-Claude Luche

M. Jean-François Husson

M. Franck Montaugé

M. Daniel Gremillet

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Cyril Pellevat

M. Patrick Chaize

Mme Martine Berthet

Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe de l'Union centriste

Accord en CMP

Annexes

Ordre du jour du jeudi 12 décembre 2019

Nominations à une délégation sénatoriale




SÉANCE

du mercredi 11 décembre 2019

39e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au temps et au respect des uns et des autres.

Réforme des retraites (I)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées du groupe LaREM) Notre système de retraite par répartition est un grand acquis social, conçu après la Libération comme un pan essentiel de notre pacte social. Il consacre le principe de solidarité quelles que soient les catégories professionnelles et les générations. À juste titre, les Français y sont très attachés. Hélas, on ne peut ignorer le changement de contexte économique et démographique. Ne rien faire serait irresponsable.

Cependant, l'incertitude mine la cohésion nationale. Nos concitoyens attendent de l'équité, de la clarté et de la confiance.

Le groupe RDSE ne veut pas d'une réforme paramétrique de court terme. Il souhaite une réforme qui prenne en compte les projections démographiques de long terme et les changements de mode de vie découlant de l'allongement de l'espérance de vie. Les considérations budgétaires ne sont pas un dogme indépassable.

Vous avez annoncé ce matin, monsieur le Premier ministre, que le nouveau système serait universel, tiendrait compte des pénibilités et des disparités de carrière, serait favorable aux femmes et se mettrait en place progressivement. Le Parlement doit être associé à la définition de la valeur du point. Il appartient pour l'instant aux partenaires sociaux de dialoguer dans un climat apaisé. Les Français ont raison d'être attentifs. Comment assurer que la réforme ne fera pas de perdants ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Joël Labbé applaudit également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - C'est effectivement une réforme d'ampleur, plus exactement une refondation. Nous souhaitons substituer aux 42 régimes actuels un régime unique. Un euro cotisé, quels que soient le métier et le statut, ouvrira les mêmes droits. La solidarité nationale ne sera plus organisée par profession ou par statut, elle englobera l'ensemble de la nation. C'est un retour aux sources, car les ordonnances de 1945 prévoyaient d'aboutir à un régime universel.

Il est indispensable à présent de le mettre en place. Nous voulons dire la vérité aux Français. Compte tenu des changements d'activité au cours de la vie active, compte tenu des carrières hachées, avec une perte de droits lorsque l'on change de régime de retraite, le système doit s'adapter.

La France connaît une situation démographique similaire à celle des grandes démocraties occidentales qui ont réformé leurs systèmes de retraite. Partout il a été décidé, pour maintenir le pouvoir d'achat des retraités et des actifs, de travailler plus longtemps.

Nous voulons le faire le moins brutalement possible, en respectant les orientations qu'ont retenues les Français à ce jour, mais également en parlant clairement : c'est ce que j'ai fait au Conseil économique, social et environnemental (CESE) ce matin.

Monsieur Requier, ce projet sera discuté avec les organisations syndicales, qui ne sont pas toutes opposées à un système universel bien qu'elles n'assument pas toujours le recul nécessaire de l'âge de la retraite.

Nous allons travailler avec les partenaires sociaux, puis avec le Parlement, au premier semestre. Ce sujet passionne et, parfois, inquiète les Français ; il faut donc le traiter au Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

Réforme des retraites (II)

Mme Éliane Assassi .  - Monsieur le Premier ministre, avec votre projet de casse des retraites, vous avez franchi la ligne rouge : vous êtes hors-jeu.

Les Français travailleront plus longtemps pour toucher moins de retraite. Malgré une forte mobilisation, vous maintenez ce projet funeste de retraite par points soumis aux aléas économiques et financiers.

Effectivement, vous n'avez pas fait d'annonces magiques ; mais vous vous êtes livré à un excellent numéro de bonneteau. Personne n'est dupe cependant. Les Français ont bien compris les dangers de votre projet. Ni vainqueurs ni vaincus ? Certains se frottent les mains : ce sont ces financiers casseurs, tels ceux de BlackRock reçus par le président de la République, qui vont attirer les Français qui le peuvent vers un régime de capitalisation.

Contrairement à vos mensonges, les régimes spéciaux auxquels vous voulez mettre fin sont solidaires du régime général. Le point servira de variable d'ajustement, avec à la clé une baisse générale des pensions. Car ce que la loi fait, une autre loi peut le défaire demain.

Vous voulez diviser pour mieux régner et sans toucher au capital et, comme le président de la République, vous protégez l'argent roi ! Vous n'avez convaincu personne ; et comme de nombreuses organisations syndicales, nous demandons le retrait de votre projet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MmeVictoire Jasmin et Martine Filleul applaudissent également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Personne ne sera surpris de notre désaccord.

Oui, ce qu'une loi fait, une loi peut le défaire. Mais la moindre des choses est de s'engager, au moment des élections, sur ce qu'on fera. C'est ce qu'a fait le président de la République, c'est ce qu'a fait la majorité présidentielle aux législatives. Vous respectez comme moi la démocratie : cela ne devrait pas vous surprendre que le Gouvernement mette en place la promesse d'alors. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Oui, cette réforme possède la légitimité politique.

De plus, aucune loi faite ou défaite ne changera la réalité de notre système de retraite : il y a aujourd'hui 1,7 actif pour un retraité, contre 4 pour 1 à sa création. C'est une évolution inexorable dont nos voisins ont déjà tiré les conséquences.

L'élément d'équilibre, ce n'est pas la valeur du point, c'est la capacité de nos concitoyens à travailler un peu plus longtemps.

Faute de quoi les retraités et les actifs perdraient massivement du pouvoir d'achat. Ne rien faire, ce serait s'exposer à cette conséquence à court ou moyen terme. Nous voulons un régime universel où tous les Français auront les mêmes droits - les mêmes droits ! Cela devrait vous parler ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Vous y étiez favorables au début ! Plutôt que de préserver des situations acquises ou les intérêts acquis (Marques de protestations sur les travées du groupe CRCE), je préfère construire un système où tout le monde est à égalité. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Réforme des retraites (III)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, j'espère que vous allez bien : sûrement mieux que le 1,4 million de Français qui tomberont dans la trappe à pauvreté de votre système, mieux que les salariés au Smic qui n'auront pas de coup de pouce en janvier, mieux que les chômeurs, les agriculteurs, les étudiants, les aides-soignants, les urgentistes et les retraités, qui ne sont pas dupes de vos annonces. Et pendant ce temps, les rémunérations des patrons du CAC 40 bondissent et la fiscalité sur les 50 milliards d'euros de dividendes est allégée : c'est le ruissellement de l'argent roi !

Vous avez franchi de nouvelles lignes rouges ce midi en mentionnant un âge pivot de la retraite à 64 ans. En ne prenant en compte la pénibilité que de façon résiduelle, n'êtes-vous pas en train de vider le contrat social, fondement de notre pacte républicain ? Pourquoi n'écoutez-vous pas les corps intermédiaires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - À vous entendre, depuis que nous sommes aux affaires, tout va plus mal... Quand vous avez quitté les affaires, tout allait tellement mieux, monsieur Kanner ! (Rires et applaudissements des travées du groupe LaREM jusqu'aux travées du groupe Les Républicains) C'est ce que vous laissez entendre : pour ma part, je ne le pense pas, et les Français non plus, me semble-t-il. Car je les écoute.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Premier ministre des riches !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Vous dites que la mise en place d'un âge d'équilibre à 64 ans, en 2027, serait une offense à la situation des Français. Cependant, si je ne me trompe, vous avez approuvé en 2014 une réforme qui allonge très nettement la durée des cotisations, de sorte que l'âge moyen de départ pour le régime général est déjà à 63,5 ans. Et les projections indiquent qu'il atteindra 64 ans... dans six mois !

M. Jean-François Husson.  - Et voilà !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Vous reprochez à mon gouvernement de dire les choses explicitement et d'assumer sa réforme, alors que vous avez mis en place un système, pour le régime général, qui aboutit au même résultat.

Cet échange est intéressant et il est bon que les Français l'entendent. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE et sur quelques travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)

M. Patrick Kanner.  - La réforme de Marisol Touraine n'avait pas mis la France dans la rue, je vous le concède. Avec votre système, les Français travailleront plus, sous peine de gagner moins, ce que n'avait pas fait notre réforme.

Vous voulez, une fois de plus, avoir raison contre tous, tout seul et en permanence. Les Français vous le reprochent et vous le diront prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Droit de grève et blocages

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) La France est divisée en deux camps : ceux qui râlent et ceux qui râlent contre ceux qui râlent. (Rires)

Je souhaite évoquer les seconds : ceux qui n'ont pas de mégaphone, qui n'agitent pas de pancartes, parce que l'examen objectif des faits serait trop long pour une banderole, ceux qui n'osent pas travailler par peur de se faire crever les pneus. Je veux parler pour les naufragés des transports en commun, les enfants abandonnés devant les grilles des écoles... (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Je vois que les râleurs ne sont pas seulement dans la rue ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, Les Républicains et UC)

Mme Éliane Assassi.  - Nous, on assume !

M. Claude Malhuret.  - Je parle pour les commerçants qui ne pourront rattraper les pertes enregistrées à Noël dernier au profit d'Amazon, pour les petits patrons, pour tous ceux qui croyaient à une obligation de continuité du service public, alors que les agents publics sont l'essentiel des grévistes. Le baratin de la grève pour tous est utilisé pour justifier la défense de privilèges corporatistes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains) On nous annonce désormais un blocage des raffineries. Bonjour les fêtes en famille ! (« Démagogie ! » sur les travées du groupe CRCE)

En 2007, Nicolas Sarkozy a fait voter une loi sur le service minimum, elle n'a fonctionné que quelques mois. Elle est désormais bafouée et inopérante. Que compte faire le Gouvernement pour en assurer l'application contre les blocages ? N'est-il pas temps de réfléchir à de nouvelles dispositions sur le service minimum garanti ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe RDSE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Dans votre style inimitable, vous nous décrivez une situation préoccupante. Le droit de grève et de manifester est constitutionnellement garanti et doit être respecté : au Sénat moins qu'ailleurs on ne souhaite mégoter sur une liberté publique.

Mme Éliane Assassi.  - Ici autant qu'ailleurs !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Mais le principe de continuité des services publics, la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression ont la même valeur. (Mme Catherine Troendlé approuve.)

Je regrette que la position des uns passe par la dénonciation des autres. Nous sommes dans une démocratie : il faut assumer nos choix et respecter ceux des autres.

Les pressions que vous dénoncez existent ; elles sont illégales et ne doivent pas être acceptées, pas plus que la négation du droit de grève.

Le Gouvernement ne veut pas opposer les Français les uns aux autres. (On ironise sur les travées du groupe CRCE.) Il n'y aura pas de vainqueurs ni de vaincus. De fait, la solidarité nationale induit une logique inverse : tous les Français, quel que soit leur métier, leur statut, contribueront à la retraite de tous les Français.

Les mouvements de grève se doublent parfois - parfois seulement - de blocages, contre des dépôts, des centres de stockage ou de production. Ces blocages ne sont pas autorisés par la loi et nous faisons intervenir les forces de l'ordre. (Protestations sur les travées du groupe CRCE ; M. Emmanuel Capus applaudit.) Nous procéderons sans céder à la provocation, pour éviter tout incident.

La continuité du service public ne s'applique pas seulement quand tout va bien. Les agents publics doivent poursuivre le service dans l'intérêt général.

M. Bruno Retailleau.  - Et donc ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous compléterons les dispositions légales si cela s'avère nécessaire. Nous le ferons le moment venu. Les grandes annonces la veille d'un mouvement de grève sont une façon d'attirer l'attention du public sur un sujet, pas de le régler durablement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Financement de la réforme des retraites

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, vous avez prévenu hier qu'il n'y aurait pas d'annonces magiques : nous l'avons constaté ce midi. M. Darmanin répète, lui, qu'il n'y a pas de chiffres magiques. Certes, mais nous manquons d'éléments d'information !

Où allons-nous ? Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a annoncé un déficit de 10 à 17 milliards d'euros d'ici 2025. Vous devrez rééquilibrer le système actuel des retraites, tout en donnant des garanties, par exemple aux enseignants, et en apportant des droits nouveaux, comme le minimum de 1 000 euros de retraite.

Le retour à l'équilibre du système actuel, a-t-on compris, est l'affaire des partenaires sociaux. Mais comment allez-vous financer la transition et les mesures nouvelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Vos questions portent sur le rythme de basculement et sur le rééquilibrage du système actuel et du système futur : elles ne sont pas simples.

Dans le système futur, la responsabilité reviendra légitimement aux partenaires sociaux et au Parlement, puisque le système de retraite sera financé à 75 % par les cotisations et à 25 % par l'impôt. Il appartiendra à la gouvernance future de fixer des règles d'équilibre par période de cinq ans pour éviter les déséquilibres trop durables mais aussi les réajustements par année, comme en Suède, ce qui a conduit cette dernière, lors de la crise de 2009, à baisser les pensions. Nous ne le souhaitons pas. Le point ne baissera pas et évoluera avec les salaires. Nous pourrons, en revanche, jouer sur la durée du travail ou le niveau de cotisations pour maintenir l'équilibre.

Le déséquilibre actuel est un héritage du passé. Il y a trois ans, le COR prévoyait l'équilibre à l'horizon 2025. Quelques mois après l'élection présidentielle, il a changé de prévision : un déficit annuel de 7 à 17 milliards d'euros par an est attendu en 2025, pour s'accroître ensuite. Nous devons revenir progressivement à l'équilibre.

Nous proposons donc que la trajectoire d'équilibre résorbe le déficit entre le 1er janvier 2022 et 2025. Il reviendra à la nouvelle gouvernance de définir cette trajectoire. En l'absence d'accord des partenaires sociaux néanmoins, le Gouvernement prévoirait dans la loi-cadre présentée en 2020 au Parlement les mesures qui s'appliqueraient.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Lesquelles ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous prenons nos responsabilités, sans nous payer de mots. C'est le prix d'un système universel et responsable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Philippe Dallier.  - Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. Combien coûtera l'augmentation de traitement des enseignants ? Combien les 1 000 euros minimum pour tous ? Où allons-nous de 2022 à 2027 ?

J'espère que le Parlement sera parfaitement éclairé, parce que voter une loi-cadre sans en connaître les conséquences n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Taxation des géants du numérique

Mme Anne-Catherine Loisier .  - En octobre dernier, Donald Trump annonçait 7 milliards de dollars de taxes punitives sur les produits européens, après le feu vert de l'OMC, qui avait chiffré les subventions européennes à Airbus. C'est la plus lourde taxation jamais prononcée par l'OMC. Les Européens ne sont pas en reste, eux qui ont dénoncé plus de 19 milliards de dollars de subventions du gouvernement américain à Boeing : le montant de sanctions sera connu en 2020.

Aujourd'hui c'est la taxe sur les GAFA qui risque d'entraîner plus de 2 milliards d'euros de sanctions douanières par les États-Unis. Jusqu'où irons-nous dans cette escalade ? Les producteurs de vin français dénoncent 250 millions d'euros de perte potentielle chaque année, des pertes de ventes mais aussi de marchés, par déréférencement. Les sanctions touchent des produits que les États-Unis peuvent remplacer. Mais elles sont à double tranchant, même pour les États-Unis.

Que répondez-vous aux professionnels qui vous appellent à négocier, et quelles solutions proposer ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - La seule négociation valable est une taxation internationale sur les géants du numérique, imposée au niveau de l'OCDE et acceptée par tous les pays de la planète. La Russie l'accepte. Pourquoi les États-Unis n'en feraient-ils pas autant ? C'est une question de justice et d'efficacité. Comment accepter que des entreprises qui font des milliards d'euros de profits en Europe y paient des impôts ridicules ?

La France ne se couchera devant personne. Nous avons accepté la solution internationale de l'OCDE. Nous attendons la réponse des Américains. S'ils n'acceptent pas cette solution, nous travaillons d'ores et déjà à une taxe européenne avec le commissaire européen Paolo Gentiloni.

Quant aux sanctions, elles sont inacceptables, on ne se comporte pas ainsi entre alliés. Elles pèsent sur la croissance internationale. Que les États-Unis tiennent la parole donnée en août à la France, en marge du sommet du G7, et acceptent cette taxation internationale du numérique. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC)

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Ces taxations punitives sont peut-être inacceptables, mais elles existent. Il faut traiter le problème. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Réforme des retraites (IV)

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Avoir 50 ans, avoir changé plusieurs fois de métier et vouloir connaître le montant de sa pension, c'est être masochiste. À 40 ans, avec une carrière hachée, c'est à devenir dépressif. À 30 ans, c'est un fantasme. Quant aux femmes, elles sont certaines de percevoir 42 % de moins que les hommes...

Mme Laurence Cohen.  - Et vous croyez que cela va changer ?

M. Martin Lévrier.  - Notre système est devenu une jungle. Nous devons retrouver l'ADN d'origine, et cela ne peut se faire par une réforme paramétrique.

Depuis deux ans, monsieur le haut-commissaire aux retraites, vous avez mené une large concertation pour mettre en place un système universel, équilibré et stable.

Mme Laurence Cohen.  - On s'ennuie !

M. Martin Lévrier.  - Les familles et les plus fragiles seront protégés. La solidarité est le socle de la réforme.

Mais depuis plusieurs semaines, les fake news et les simulateurs bidon font florès. Pouvez-vous nous garantir que la réforme sera bénéfique aux plus faibles ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.   - Effectivement, il est difficile aujourd'hui de comprendre quelles règles s'appliquent lorsque l'on veut calculer sa retraite.

Nos concitoyens sont attachés à l'égalité de traitement : les mêmes droits, les mêmes devoirs. Il y a une forte demande de solidarité, notamment chez les plus jeunes.

Le régime renforce les droits familiaux, ceux des précaires et ceux des femmes - dont la pension sera revalorisée de 10 à 20 % pour les générations 1980, 1990. Et le minimum contributif est une forte attente du monde agricole et des artisans.

C'est un système plus juste, plus simple, plus solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Réforme des retraites (V)

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les régimes de retraite doivent être réformés. Ma famille politique a assumé des réformes courageuses en ce domaine : les réformes Balladur, Fillon, Woerth ont sauvé notre régime de retraite de la faillite.

J'ai cinq questions précises à poser à M. le Premier ministre.

À quel âge les Français bénéficieront-ils d'une pension de réversion ? Que deviennent les majorations de trimestres pour les mères de famille ? Que devient la majoration de 10 % pour trois enfants ? Que deviennent les réserves des régimes des salariés du privé ? Le bonus-malus s'appliquera-t-il dès 2022, et si oui, s'appliquera-t-il aux régimes spéciaux ? Enfin les salariés bénéficieront-ils, à 67 ans, d'une reconstitution de carrière complète ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.   - À questions précises, réponses précises. (On s'en félicite sur un mode ironique à droite.)

Les gouvernements de gauche et de droite ont mené des réformes qui ont apporté quelque 70 milliards d'euros de recettes en plus ou de dépenses en moins. Le régime actuel est donc à peu près à l'équilibre. En revanche, certaines réformes méritent d'être corrigées. Ainsi, la réforme Balladur a permis 35 milliards d'économies, grâce à l'indexation des salaires portés au compte sur l'inflation...

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est pas la question !

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. - Nous voulons la corriger car trente à quarante ans plus tard, c'est une perte de droits de 25 à 40 %, car l'inflation est plus faible que l'évolution des salaires. Nous y mettons fin et c'est une avancée considérable, y compris pour la fonction publique.

Il y a treize systèmes de réversion. Les partenaires sociaux sont favorables à garantir 70 % du revenu au dernier conjoint.

M. Bruno Retailleau.  - À quel âge ?

M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.  - Troisième question : le Premier ministre a indiqué que les réserves resteraient dans les caisses respectives de ceux qui les avaient constituées.

Quant au bonus-malus, nous sommes prêts à entendre les propositions des partenaires sociaux. (M. Jérôme Bascher proteste ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Frédérique Puissat.  - J'aurai besoin de réponses plus précises.... Je vous reposerai mes questions autant de fois qu'il le faudra. M. Lévrier parle du simulateur des syndicats. Heureusement qu'ils l'ont fait. Chaque Français veut savoir combien de temps il va cotiser et combien il touchera. Quant à la règle d'or, nous ne savons pas ce que c'est en matière législative (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Contemporanéité des APL

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La réforme du calcul des aides aux logements, en janvier prochain, conduira le bénéficiaire de l'APL à la percevoir au titre de ses revenus du trimestre précédent et non de l'année N-2. Elle est présentée comme une mesure de justice, alors qu'elle donnera lieu à 1,4 milliard d'euros d'économies prises sur les familles les plus modestes et sur les jeunes qui entrent dans la vie active. Les jeunes de 18 à 24 ans qui démarrent leur vie professionnelle ont beaucoup de mal à trouver un logement. Les familles modestes, dont plus de la moitié travaille, connaissent la même situation. Les APL leur étaient un soutien utile.

Depuis le début de ce quinquennat, on a assisté à une baisse des APL de 5 euros et à la suppression de l'APL Accession. Et voici la réforme du mode de calcul. Depuis 2017, vous avez économisé 7 milliards d'euros, autant d'atteintes au pouvoir d'achat des jeunes actifs et des plus modestes. Qu'avez-vous prévu pour ceux que vous mettez à nouveau en grande difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Cette réforme des APL en temps réel est-elle de justice, me demandez-vous ? Bien sûr ! Qui peut comprendre qu'on calcule le montant des APL en fonction de celui que vous étiez il y a 2 ans ? Les statuts changent vite : de mère en couple à temps plein à mère célibataire à mi-temps par exemple : dans le système actuel, elle ne perçoit pas le niveau d'APL auquel elle aurait droit.

Quant aux étudiants, cela ne changera absolument rien. Ce sera même bénéfique puisqu'aujourd'hui un étudiant salarié touche moins d'APL qu'un étudiant non salarié. Imaginez un jeune actif qui n'avait pas droit aux APL lorsqu'il était étudiant : il devait attendre deux ans avant de pouvoir les toucher. (M. Fabien Gay le conteste.) Vous pouvez le vérifier ! Notre réforme y remédie ; elle refonde notre système de protection au bénéfice de ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Viviane Artigalas.  - Vous ne m'avez pas répondu, car vous niez les conséquences néfastes de votre réforme. Vous ne mettrez donc pas en place des mesures d'accompagnement. Il y a un gouffre entre la réalité de terrain et votre discours. Les plus modestes vous le reprocheront. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Service garanti dans les transports

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'usage du transport public augmente, et c'est d'ailleurs une réponse essentielle aux enjeux environnementaux. La fiabilité est une exigence pour chacun. Si le droit de grève est fondamental, il est malheureusement devenu depuis sept jours le droit de bloquer : bus, métros, RER, TER et Transiliens sont à l'arrêt. Ce n'est pas tolérable.

Des heures interminables de galère matin et soir, sous la pluie et dans le froid, la boule au ventre... pour ceux qui doivent travailler et qui payent leurs impôts.

Le droit de grève n'est pas le droit de bloquer le pays. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de mettre en place un service garanti comme le font nos voisins européens, et comme le Sénat vous le propose avec la proposition de loi Retailleau ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je vous prie d'excuser Mme Borne et M. Djebbari qui rencontrent en ce moment même les dirigeants de la RATP et de la SNCF avant de s'entretenir avec des organisations syndicales.

Nous respectons le droit de manifester et le droit de grève, tout en étant conscient des difficultés des Français qui veulent se déplacer et qui doivent travailler.

Il y a en Île-de-France un tiers des Transiliens qui fonctionne, deux lignes de métro automatisées, certaines lignes ouvertes en horaires décalés, 220 bus de remplacement, des facilités pour le covoiturage et les entreprises favorisent le télétravail.

M. le Premier ministre a présenté ce midi la réforme des retraites dans ses trois grandes lignes : universalité, équité et responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Roger Karoutchi.  - Et alors ?

Mme Anne Chain-Larché.  - Ma question était simple : je vous demandais de me répondre par oui ou par non. Quelques milliers de grévistes paralysent 27 millions d'actifs, soit une facture de 400 millions par jour pour les entreprises. Entendez-vous les Français qui souffrent, qui s'exaspèrent ? (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Entre les atermoiements d'En Marche et le danger du Rassemblement national, votons la proposition de loi de M. Retailleau pour ne pas aggraver encore plus la situation de la France ! Il est dans l'ADN des Républicains de trouver des solutions pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Sécurité des pompiers

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre de l'Intérieur, le 5 septembre vous annonciez un plan de lutte contre les violences subies par les sapeurs-pompiers, sans même attendre les conclusions du rapport sénatorial sur le sujet. Vous prévoyez notamment des caméras-piétons, ce qui est bien, mais la mesure avait déjà été votée par le Sénat.

Notre rapport « Violences contre les sapeurs-pompiers : 18 propositions pour que cesse l'inacceptable » adopté ce matin par la commission des lois est plein d'idées neuves pour vous ! Où en êtes-vous de vos engagements, quelles suites allez-vous donner à nos propositions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Patrick Kanner et Mme Catherine Troendlé applaudissent également.)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Il y a eu cinq agressions par jour en 2018, ce qui est inacceptable. Souvent, les auteurs sont les personnes secourues...

J'ai pris connaissance de vos propositions, monsieur le sénateur.

Nous n'avons pas prévu que les caméras-piétons : sévérité des parquets, dépôt de plainte possible dans les centres de secours, domiciliation dans les SDIS, protocoles d'intervention coordonnée pour les zones délicates.

Certaines de vos 18 propositions sont déjà mises en oeuvre, d'autres le seront : sensibilisation des jeunes publics à Marseille, chez les marins-pompiers, intervention dans les centres de formation par exemple. Nous les étudierons avec soin.

Un observatoire national recensera les agressions mais aussi les bonnes pratiques. Cette question ne mérite pas de polémiques, mais de l'action. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Loïc Hervé.  - Nous sommes d'accord sur le fond. En 2016, la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) versée aux sapeurs-pompiers volontaires a fait économiser 30 millions à l'État, qui devait les reverser aux SDIS. Mme Troendlé a parlé de hold-up lors de l'examen du projet de loi de finances...

Notre modèle de volontariat, qui nous tient à coeur, doit être préservé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé applaudit également.)

CETA

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) CETA, quatre lettres qui résonnent comme une question controversée dans la tête des Français. C'est à l'Assemblée nationale que le texte a été ratifié en juillet, malgré la bronca qui l'accompagne, même au sein de votre majorité. À quelle date le Sénat pourra-t-il examiner ce texte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous ne sommes pas en retard ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) Treize pays européens ont ratifié le CETA. De grands pays comme l'Italie ou l'Allemagne sont encore en phase de discussion et de processus de ratification. La date d'examen de ce texte au Sénat sera fixée en début d'année.

Cependant, comme cet accord est mis en oeuvre de façon provisoire, il y a matière à comparer les neuf premiers mois de 2019 avec ceux de 2017 : les exportations de biens français vers le Canada ont augmenté de 19 % et nos importations ont diminué de 6,5 %. Aucune des filières agricoles sensibles n'a subi de conséquence négative. Le boeuf canadien n'a pas envahi nos marchés. Dans votre département, les importations de produits agroalimentaires canadiens ont baissé depuis la mise en vigueur provisoire du CETA. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Bruno Sido.  - C'est grâce à Duplomb !

M. Laurent Duplomb.  - C'est malheureusement à cette réponse que je pouvais m'attendre : pas de date d'examen du texte au Sénat ! Cela démontre un manque de courage de votre Gouvernement et un manque de considération pour le Sénat : l'accord est déjà entré en vigueur et pour une durée illimitée.

C'est à un énième pied de nez aux Français que nous assistons puisque vous continuez d'ouvrir les portes à une concurrence déloyale de produits agricoles dont nos compatriotes ne veulent pas. C'est à vous, monsieur le ministre, qu'il revient de prendre vos responsabilités : vous vous honoreriez à annoncer rapidement la date d'examen du texte au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Centre hospitalier de Saint-Martin

M. Guillaume Arnell .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Depuis mon arrivée au Sénat en 2014, je n'ai eu de cesse d'alerter sur la situation du centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, madame la ministre de la santé, pour vos réponses sur les difficultés des médecins urgentistes.

Il y a peu, un infirmier anesthésiste a tenté de se suicider au sein même du bloc opératoire. Ce nouveau drame illustre, une fois encore, la tension exacerbée qui règne au sein du personnel médical du centre hospitalier.

L'ARS a été saisie et une administration provisoire a été mise en place. Mais la situation est devenue insoutenable : il faut agir. Que ferez-vous pour que ce qui s'est passé au CHU de Rouen il y a quelques années ne se renouvelle pas à Saint-Martin ? (Mme Françoise Laborde applaudit.)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le drame dont vous vous faites écho ne peut que nous émouvoir. Deux ans après l'ouragan Irma, votre île se reconstruit toujours, l'hôpital comme le reste. Le centre Louis-Constant Fleming a été mis sous administration provisoire depuis avril, pour remédier à une situation dégradée en matière de gestion ainsi qu'à des conflits internes.

Mes services ont été informés des dysfonctionnements relevés par l'administration provisoire de l'hôpital. Nous tentons d'apporter des solutions avec, par exemple, la rédaction d'un projet médical.

Le centre hospitalier a des atouts en termes de compétences médicales et chirurgicales. J'en ai rencontré les soignants après Irma. Ils sont capables de faire les efforts nécessaires, car ils sont attachés à leur établissement. Vous pouvez compter sur ma vigilance pour que les Saint-Martinois retrouvent la confiance. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Guillaume Arnell.  - Madame la ministre, merci d'être à notre écoute. Aujourd'hui, les professionnels sont en désaccord pour des raisons autres que médicales.

Tarification sociale de l'eau

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Il y a un décalage permanent entre le vernis social des discours du Gouvernement et le triste libéralisme à tous crins de sa politique.

Ces derniers jours, des millions de Français ont compris que LaREM signifiait « la retraite en moins » ; (On s'amuse sur diverses travées.) probablement pour privatiser plus. Au début du quinquennat, on avait pu croire à de la maladresse, avec la baisse de 5 euros les APL, alors que les plus riches gagnaient 1,7 million d'euros de plus par an avec la suppression de l'ISF et la flat tax.

Avec la suppression de la taxe d'habitation, c'est 8 milliards d'euros pour les 20 % les plus aisés, et zéro euro pour les 20 % les plus pauvres. Cette mesure, présentée comme sociale, fragilisera avant tout les collectivités. Que dire de la désindexation des prestations sociales ou de l'assurance chômage qui fera 1,3 million de perdants ?

Pour vous, il y a les vainqueurs et les vaincus, mais vous êtes toujours au chevet des premiers. Avec vous, l'État est amputé de sa main gauche, celle de l'État providence.

Lors des Assises de l'eau, en 2018, le Premier ministre a annoncé vouloir déployer, pour les plus fragiles, la tarification sociale de l'eau et un chèque eau sur le modèle du chèque énergie. La généralisation a été votée au Sénat et à l'Assemblée nationale, mais le chèque eau s'est évaporé du dispositif et la loi de finances n'a pas réparé cet oubli. Allez-vous le mettre en place ou faire payer la solidarité par les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Nul décalage entre les discours et les actes. La tarification sociale de l'eau est une expérimentation issue de la loi Brottes de 2013, engagée dans deux départements, dont les Landes : 50 collectivités sont concernées, près de 15 millions de personnes couvertes pour un montant moyen de 244 euros par an et par ménage.

Nous avons souhaité la généralisation de ces mesures. Le Gouvernement l'a porté dans le projet de loi Engagement et proximité. J'espère que la commission mixte paritaire qui se réunit à 17 heures, ce soir, les maintiendra.

Vous savez, comme moi, que la tarification sociale de l'eau est mise en oeuvre par les collectivités territoriales ; vous le savez très bien, vous qui êtes attaché à la libre administration des collectivités locales. L'État ne se substituera pas à celles-ci en créant un chèque eau national : la tarification varie localement, les solutions aussi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Réforme de l'apprentissage

M. Michel Forissier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à la ministre du travail à qui je souhaite un prompt rétablissement. Madame la ministre, votre Gouvernement a repris la main sur le pilotage de l'apprentissage en supprimant les régulations exercées par les régions.

L'Assemblée des régions de France (ARF) tire la sonnette d'alarme sur l'évolution des choix des métiers issus de l'apprentissage, marqué par une inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché du travail. Comment régler le problème des postes non pourvus ? Redonnerez-vous une compétence de régulation aux régions qui, en raison de leurs compétences économiques, pourraient ainsi anticiper et favoriser les métiers créateurs d'emplois ?

Aujourd'hui, les entreprises peinent à recruter, les candidats à l'apprentissage se retrouvent devant de multiples interlocuteurs et ont du mal à entrer dans les dispositifs.

Enfin, où en êtes-vous des négociations sur les compensations que vous devez aux régions de France ?

M. le président.  - Je remercie Mme Pénicaud d'être présente dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Je ne me lèverai pas ayant moi-même été victime d'un accident du travail (Sourires).

Je suis très attachée au partenariat avec les collectivités territoriales. Plus de 6 milliards d'euros sont ainsi transférés aux régions dans une approche partenariale.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, promulguée le 5 septembre 2018, produit déjà des résultats avec 458 000 apprentis en juin, un record. Les simplifications en direction des entreprises avec l'aide unique ou l'embauche tout au long de l'année sont entrées en vigueur.

La mesure phare a été de faire sauter le verrou pour la création des CFA avec pour conséquence l'enregistrement de plus de 500 nouveaux établissements, grâce à la dynamique des régions, des branches, des collectivités territoriales.

Les entreprises, les jeunes et les CFA plébiscitent cette réforme : 27 % de plus chez les compagnons, 17 % dans les maisons familiales rurales, plus de 10 % dans l'industrie.

Le seul sujet qui reste à traiter est celui des 500 millions d'euros que le Premier ministre s'est engagé à transférer aux régions. Ils le seront dès que l'ARF en aura finalisé la répartition. Le financement des CFA ne doit pas être victime de la politique de la terre brûlée de certaines régions. ?uvrons ensemble !

M. Bruno Retailleau.  - C'est lamentable, faux, archi-faux !

M. Michel Forissier.  - Vous demandez aux régions de s'investir tout en leur retirant la compétence de régulation et d'accompagnement. C'est incohérent.

Alors que vous annoncez une nouvelle étape de décentralisation, il est indispensable que le Gouvernement considère les régions comme des partenaires et non comme des concurrents, voire des ennemis ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Je vous rappelle que les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 18 décembre, à 15 heures.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.

Délégations sénatoriales (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Guillaume Chevrollier.  - M. Jean-François Mayet, lors du scrutin n°59, souhaitait voter pour.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Usages dangereux du protoxyde d'azote

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote.

Discussion générale

Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi .  - Alertée par des élus locaux du Nord, j'ai constaté l'ampleur de l'usage détourné du protoxyde d'azote ou gaz hilarant chez les jeunes, et notamment dans l'espace public.

Parler de gaz hilarant semblerait être un sujet léger. Mais utilisé dans le champ médical pour ses qualités anesthésiantes et analgésiques et en matière culinaire pour les siphons de chantilly, ce produit également euphorisant est devenu le troisième psychotrope le plus utilisé et une porte d'entrée des jeunes vers l'usage de drogue.

Il y a un an, le rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) dénonçait la forte augmentation de cet usage et son irruption dans l'espace public, alors qu'il était auparavant l'apanage des technivals. Ce produit s'est banalisé depuis deux ans, et il fait fureur chez les jeunes, comme nouvelle drogue à la mode.

Dans les villes du Nord et d'ailleurs, les rues sont jonchées de cartouches vides. Le produit est vendu librement dans les supermarchés, les bureaux de tabac, sur internet, où il est un produit d'appel à prix modique -  30 centimes à 1 euro la cartouche - ou dans les bars de nuit et discothèques, vendu directement dans des ballons, de 3 à 5 euros pièce. Le phénomène d'addiction à ce produit psychoactif est facilité par le mode de commercialisation. Or c'est un problème sanitaire et de protection des mineurs.

Il est perçu comme récréatif, l'absence de visuel sur les emballages indiquant sa dangerosité conduit à le faire croire inoffensif. Il est désormais banal, revendu aux abords des lycées, voire des collèges.

Avec Frédéric Marchand, nous avons décidé de proposer ce texte aux sénateurs du Nord, puis aux autres sénateurs. Il a finalement été cosigné par 94 sénateurs, preuve que ce sujet est transpartisan.

Il s'agit de renforcer la prévention en amont au stade de la vente et de l'interdire aux mineurs. L'incitation à la consommation doit être considérée comme répréhensible pour répondre au contournement de l'acte d'achat et au business de la revente, y compris en associant ballons de baudruche et une quantité plus importante de gaz. Un visuel devra être apposé sur l'emballage pour informer sur le caractère dangereux de ce gaz.

La commission a maintenu le principe de ce double filtre en proposant d'utiles aménagements. Pour contrer l'image festive du protoxyde d'azote, il faut faire de la prévention sur les conséquences sanitaires de l'inhalation.

Le 6 février, je vous avais posé, monsieur le ministre, une question d'actualité sur le sujet et vous m'aviez dit que la réponse relevait de la prévention. J'aimerais désormais que le Gouvernement fasse évoluer sa position : l'action publique ne peut s'y limiter, sinon elle affiche son impuissance. Donnez un signal politique aux acteurs de terrain.

Pourquoi légiférer ? Parce que le problème fait irruption dans l'espace public, alertant maires et médecins. Dans une commune de la périphérie de Lille, 300 kilogrammes de cartouches ont été retrouvés en trois mois ! Dans 23 communes du Nord, 44 en France, il a fallu prendre des arrêtés municipaux pour en interdire la vente, mais ce n'est pas suffisant.

En outre, les conséquences sanitaires doivent nous alerter, à court et long terme. La dimension addictive du produit ne fait aucun doute et les effets secondaires peuvent être nombreux : brûlures, vertiges, détresse respiratoire, problèmes de vision, problèmes cardiaques... Une consommation excessive entraîne de graves effets psychologiques et neurologiques.

Depuis 2001, 36 décès lui sont liés au Royaume-Uni, 2 en France. Dix cas d'atteintes hématologiques graves ont été documentés.

Le MEOPA - le nom du mélange - est autorisé dans son usage médical, mais très encadré, et classifié en liste 1 comme stupéfiant. Tel n'est hélas pas le cas de l'usage domestique, qui ne fait l'objet d'aucune classification, alors que le produit utilisé est plus concentré. Il faut y remédier, comme les Pays-Bas viennent de le faire.

Ce texte constitue une première étape pour faire évoluer la réglementation. Nous nous interrogeons sur une interdiction plus large. La navette parlementaire sera aussi l'occasion d'échanger avec nos partenaires européens pour faire évoluer la réglementation.

Je remercie la rapporteure, Mme Jocelyne Guidez, pour son implication sur ce texte, ainsi que tous nos collègues signataires.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur Mme Buzyn, pour prendre le sujet à bras-le-corps. Qu'il soit un bel exemple de coproduction législative et une réponse aux demandes du terrain.

Mon amendement pourra faire l'objet d'améliorations dans la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et LaREM ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

J'ai découvert ce phénomène grâce à Mme Létard et à mes collègues du Nord. Passé l'étonnement, je me suis rappelé que la France était il y a quelques années championne de la consommation d'antidépresseurs, et détient le record de la consommation de cannabis...

Nous devons bien réfléchir avant de blâmer, prévenir, empêcher ou punir. La jeunesse a expérimenté l'usage de substances psychoactives à toutes les époques.

Ce type d'expérimentation concerne tous les adultes en devenir. Les propriétés du protoxyde d'azote ont été découvertes par un chimiste anglais à la fin du XVIIIe siècle, qui a lui-même développé son usage récréatif, et y est devenu dépendant à l'été 1799. Ce gaz fait l'objet d'un emballement nouveau depuis les années 1990 dans les milieux festifs alternatifs, puis plus largement depuis 2010.

Il est aisé de s'en procurer - y compris à la sortie des collèges - et son mode de consommation est simple. Légales, les cartouches coûtent moins d'un euro par pièce et des bonbonnes sont vendues à des prix modiques sur internet, la publicité affirmant même que les ballons de baudruche sont offerts avec la livraison ! Aucun doute n'est permis sur l'usage qui en sera fait !

Les effets du produit sont rapides. Il est plus discret d'en inhaler avant d'aller dîner avec ses parents ou rentrer en cours, plutôt que de fumer du cannabis. Il y a aussi un effet de mode, venu des pays anglo-saxons, des Pays-Bas ou de la Belgique, et au travers des réseaux sociaux.

Appelé à tort « gaz hilarant », ses effets n'ont pas de quoi faire rire, d'un point de vue physique comme psychique. Gaz froid, il provoque des brûlures. Il produit des distorsions visuelles et auditives, des vertiges. À la fin, des troubles d'anxiété, de panique, voire de modifications sensorielles. Sa consommation régulière peut créer des carences en vitamines B12 et ainsi abîmer la gaine de myéline des nerfs et conduire à des atteintes graves de la moelle épinière, voire une sclérose précoce. Certains cas graves ont été caractérisés. Huit cas graves ont été recensés à l'hôpital de Lille, dont cinq ont entre 18 et 20 ans, qui en inhalaient plusieurs centaines de cartouches par jour depuis un à trois mois.

Que faire ? Laisser passer la mode, faire confiance aux parents ou faire de la prévention ? Le Gouvernement a publié un communiqué de presse le 19 novembre, tandis que 49 communes en ont interdit la vente, du Nord à l'Hérault, en passant par la Seine-Saint-Denis. Les maires sont en première ligne. La commune de Loos, 22 000 habitants, récolte 100 kilos de cartouches chaque mois. Mais ces arrêtés sont territorialisés, donc faciles à contourner, et parfois fragiles juridiquement.

De plus en plus d'États - Croatie, Chypre, certains États américains et australiens, Corée du Sud - s'engagent dans la voie de l'interdiction. Hier, c'étaient les Pays-Bas. Au Royaume-Uni, on comptabilise 36 décès depuis 2001 en raison de cette substance.

La proposition de loi en interdit la vente aux mineurs et rend obligatoire un visuel sur les emballages pour rappeler sa dangerosité. On pourrait évidemment interdire totalement le produit, mais il n'existe aucune alternative dans le domaine culinaire. Et on ne peut pas interdire tout objet dont l'usage est détourné...

La commission des affaires sociales a créé un livre particulier dans le code de la santé publique.

Mme Valérie Létard.  - Très bien !

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Elle a élargi l'article 2 pour prendre en compte toutes les substances psychoactives. Au Royaume-Uni, l'hélium tue quatorze fois plus que le protoxyde d'azote. Certes, les cas les plus graves concernent surtout de jeunes adultes. Mais c'est un problème de santé publique.

Nous ne voulons pas interdire le produit pour son utilisation courante, mais l'objectif est d'interdire la consommation du produit par les mineurs, comme c'est le cas pour l'alcool et le tabac, quand bien même l'application de la législation est périlleuse. Personne ne penserait à revenir sur l'interdiction de la vente de tabac ou d'alcool aux mineurs !

Cette proposition de loi n'est pas parfaite mais il faut faire un travail législatif. Pensez que l'usage médical du protoxyde d'azote, mélangé à de l'oxygène, classé comme stupéfiant, est extrêmement réglementé, alors qu'il est vendu pur en cartouches dans le commerce !

Nous aimerions que le Gouvernement participe à la construction de ce texte et permette son inscription rapide à l'Assemblée nationale. Il est urgent d'agir, tant comme élus locaux, parents et législateurs, pour endiguer ce phénomène. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM, SOCR et RDSE)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La ministre des solidarités et de la santé est pleinement engagée dans la prévention et la lutte contre les addictions. Le ministère a pris un cap ambitieux en mars 2018 avec le Plan Priorité prévention, particulièrement destiné aux jeunes, qu'il s'agisse de produits illicites, de tabac ou d'alcool. Plus de 17,5 % des lycéens sont des fumeurs quotidiens, 16,7 % des usagers réguliers de l'alcool.

Depuis sa création en 1999, le dispositif de veille de l'OFDT témoigne d'un usage détourné du protoxyde d'azote : 2,3 % des 18-64 ans et particulièrement 3,1 % des jeunes de 17 ans avaient consommé un ou plusieurs produits à inhaler au cours de leur vie. Ce phénomène prend de l'ampleur avec le signalement de cas graves depuis le début de l'année. Une trentaine de signalements sont remontés aux centres d'addictovigilance. C'est donc un problème sanitaire.

Le Gouvernement partage donc l'objectif de ce texte de protection de la jeunesse et de lutte contre un détournement de l'usage des produits courants. Une semaine après ma nomination, vous m'interpeliez ; nous nous sommes revus depuis.

Je salue votre investissement et le travail mené par les parlementaires, en particulier ceux du Nord, sur le sujet. Dès le mois de mai, le Gouvernement a informé les préfectures et les différents acteurs pour explorer les pistes d'action. Le ministère a informé le grand public il y a quelques semaines et les agences régionales de santé (ARS) ont été saisies, pour faire de la prévention, aider au diagnostic, permettre une prise en charge rapide et un renforcement du signalement des cas.

Nous devons être lucides : l'interdiction à la vente aux mineurs ne suffira pas à elle seule à mettre fin à cette consommation, à l'instar du tabac ou de l'alcool - mais nous ne reviendrons pas sur ces dernières interdictions.

Or les principales victimes sont de jeunes adultes, une telle mesure aurait peu d'impact sur eux.

La proposition de loi initiale comportait un pictogramme, sur les cartouches mentionnant l'interdiction de la vente aux mineurs, renforcé en commission par une mention de la dangerosité du produit sur les conditionnements - le Gouvernement s'y rallie.

Cette question soulève celle du détournement de produits de consommation pour des usages psychoactifs, ce qui rend la réponse complexe. La commission des affaires sociales a souhaité durcir la répression de l'incitation commerciale au détournement des produits. C'est une bonne chose mais il faudra sécuriser juridiquement ce dispositif.

À côté de ces mesures normatives, nous devons continuer à travailler sur la prévention et informer des risques réels. Attention à ne pas faire de publicité en suscitant de la curiosité pour le produit et à ne pas se focaliser sur le seul protoxyde d'azote. Cela passe par l'école et les universités. Les consultations Jeune Consommateur totalement gratuites et confidentielles sont insuffisamment connues, de même que Drogue info services, qui permet de s'informer et échanger.

Notre souhait commun est bien d'agir devant ce problème sanitaire. Nous saluons l'initiative et veillerons à ce qu'elle soit une expérience de co-construction entre l'exécutif et le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. Joël Guerriau .  - Saluons avant tout l'initiative de Valérie Létard. Depuis janvier 2019, 10 cas graves dont 8 dans les Hauts-de-France ont été reportés.

Le protoxyde d'azote, aussi appelé gaz hilarant, est l'agent volatil le plus ancien utilisé comme anesthésiant en pharmacopée. Ses propriétés ont été découvertes en 1799 par le chimiste anglais Humphry Davy. Il a d'abord constitué un progrès pour l'odontologie, mais il sert aussi à la pressurisation en cuisine ou dans le sport pour soulager les blessures.

Son prix d'achat est extrêmement modique, et ses effets hilarants ont été vantés sur les réseaux sociaux, développant un usage purement récréatif.

La consommation peut aller jusqu'à 200 cartouches par jour avec une action immédiate - fou rire et modification de la perception - et des effets très limités dans le temps. Les consommateurs sont souvent inconscients des dangers, notamment les brûlures de froid, le manque d'oxygène, l'irrégularité cardiaque ou la confusion mentale.

À plus long terme, des carences en vitamine B12 peuvent produire des dommages irréversibles sur le système nerveux central. Quelque 25 signalements d'effets sanitaires graves ont été remontés à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) depuis janvier. De nombreuses études convergent sur les séquelles : il y a 8 décès par an en Grande-Bretagne.

Plusieurs villes du Nord, comme Tourcoing fin septembre, ont interdit la vente de ce produit, que l'on retrouve en tas sur les trottoirs. Certains commerçants vendent les cartouches avec les ballons de baudruche pour l'inhaler.

La proposition de loi remaniée prévoit d'interdire la vente aux mineurs et de réprimer l'incitation à la consommation des mineurs - 1 500 euros d'amende et peine d'emprisonnement. Nous soutenons les dispositions protégeant les mineurs contre la banalisation de l'usage détourné de ce produit, notamment les mesures de prévention - information et apposition d'un pictogramme. Ce texte s'inscrit dans une volonté plus large de réglementer l'usage détourné des colles, solvants et médicaments codéinés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et RDSE)

Mme Brigitte Micouleau .  - L'initiative de Valérie Létard a servi de déclencheur : le 15 novembre dernier, le ministère de la Santé a fait un point d'information sur l'augmentation du nombre de cas sanitaires graves à la suite d'un communiqué de l'association des centres d'addictovigilance du 5 novembre.

Le phénomène est d'autant plus grave qu'il touche des enfants de plus en plus jeunes, notamment des collégiens. On est loin du rire faussement associé à ce produit. Son usage est très surveillé en médecine, et il est inscrit sur la liste 1, « stupéfiant », lorsqu'il est mélangé avec de l'oxygène. Il est étonnant qu'il soit aussi facile d'en acheter. Il suffit de trois mots sur un moteur de recherches pour avoir une trentaine d'offres de vente sur la première page d'un site marchand grand public bien connu.

La responsabilité des fabricants et vendeurs devrait être engagée et la vente aux mineurs devrait être interdite.

Dépendance, risques psychiques et physiologiques, les risques sont nombreux. Ce n'est pas que dans les Hauts-de-France que ce phénomène prend de l'ampleur : à Montpellier et à Toulouse, de nombreux cas sont signalés - je salue l'action de la gendarmerie de Haute-Garonne, qui mène de nombreuses opérations de prévention.

Nous assistons à deux phénomènes nouveaux : la jeunesse de plus en plus grande des consommateurs et la répétition, voire la chronicisation de l'usage, avec d'importants risques.

Finissons-en avec ce qualificatif de gaz hilarant, qui le considérerait comme faussement inoffensif. Je voterai ce texte précurseur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, RDSE, et LaREM ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Corinne Féret .  - Cosigné par 94 sénateurs de toutes les travées, ce texte répond à un problème majeur. Utilisé dans le domaine médical et en pâtisserie, le protoxyde d'azote est facilement accessible et peu onéreux : un euro la cartouche, ce qui en explique la popularité. Son surnom de « gaz hilarant » lui donne une image positive, d'autant plus qu'il est légal.

Pourtant, la mutuelle étudiante Smerep le classait comme la troisième drogue consommée par les étudiants après le cannabis et les poppers. Aucun visuel n'alerte sur sa dangerosité. Or il a des effets nocifs majeurs, immédiats ou à plus long terme, surtout en cas de consommation à fortes doses. L'association à d'autres produits comme l'alcool en accentue la gravité.

En France, 25 cas d'effets importants ont été signalés, donc dix cas graves, comme la paralysie de membres. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, où son usage est plus ancien, le protoxyde d'azote tue. De plus en plus d'États l'interdisent ou en restreignent l'usage. Il faut débanaliser une pratique qui n'a rien d'hilarante, mais on ne peut l'interdire totalement car son usage médical est indispensable.

Aujourd'hui, comme trop souvent, ce sont les maires qui sont en première ligne. Ils doivent prendre des arrêtés, mais ils ne s'appliquent que si la force publique constate les infractions.

Dès 1998, Bernard Kouchner, alors secrétaire d'État, s'interrogeait sur la restriction de sa vente aux seuls industriels.

La mesure phare de la proposition de loi est l'interdiction de la vente aux mineurs. Les industriels devraient faire mention de la dangerosité du produit. L'incitation à la consommation détournée serait réprimée. Tout cela va dans le bon sens.

Sénateurs socialistes, mais également parents ou élus locaux, nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupeSOCR, LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC)

Mme Véronique Guillotin .  - Le protoxyde d'azote est connu depuis les années 1800 et utilisé en cuisine dans les siphons et en médecine pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques.

Malheureusement, certains détournent son usage pour des effets psychoactifs. Il rejoint alors la longue liste des addictions avec des symptômes classiques : distorsions visuelle et auditive, désinhibition, puis une phase de déclin accompagnée d'anxiété, voire de panique, sans compter les brûlures et l'asphyxie.

Il affecte la santé des consommateurs, et en cas de consommation chronique, cause des troubles neurologiques parfois irréversibles. Il n'est pas justifié de le nommer gaz hilarant. Les élus municipaux sont démunis notamment dans les Hauts-de-France : leurs arrêtés ne résolvent rien.

Les pouvoirs publics sont impuissants en raison de sa facilité d'accès. N'importe qui peut en acheter au moindre coût et sa consommation, au contraire de celle du cannabis avec son odeur caractéristique, ne laisse aucune trace pouvant être identifiée par les parents.

Il y a une méconnaissance totale sur ses effets délétères pour la santé. Les communiqués de presse ne suffisent plus. Je regrette la baisse du budget de la prévention contre les addictions.

Première vertu de cette proposition de loi, elle alerte le grand public - on voit les premiers effets de cette proposition de loi dans les médias. (Mme Valérie Létard approuve.)

L'interdiction de la vente aux mineurs ne résoudra pas tout d'un coup de baguette magique. La répression de l'incitation au mésusage pénalisée de 15 000 euros d'amende, devrait en faire réfléchir plus d'un - et pourra servir contre d'autres produits détournés. L'imagination est sans limite pour inventer de nouvelles drogues.

Le groupe RDSE soutient cette proposition de loi et salue le travail de l'auteure et de la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupeRDSE, Les Indépendants, LaREM et UC ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - L'Assemblée nationale vient d'entamer l'examen du projet de loi sur l'économie circulaire. Or la cartouche de protoxyde d'azote a une vertu, elle se recycle parfaitement. Une maire de mon département le mesure chaque jour davantage ; mais le phénomène n'est plus confiné au Nord. Il se retrouve dans de nombreuses agglomérations françaises et dans des zones moins denses.

Ce texte a été cosigné par tous nos collègues nordistes, et même plus largement par des sénateurs venant de tous horizons politiques et géographiques.

Le protoxyde d'azote est utilisé en cuisine ou à l'hôpital - mais on ne fait ni chantilly, ni opérations chirurgicales dans la rue... Or la consommation de cartouches peut être massive. Le docteur Goldstein, du CHU de Lille, fait état de répercussions sur le système neurologique, le cerveau et la moelle épinière. Et la cartouche ne coûte que 50 centimes l'unité !

Le centre d'addictovigilance de Lille a été saisi de huit cas graves ; cinq autres sont en cours d'examen. Au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les ravages sont pires encore, avec de nombreux morts.

Il est temps d'en finir avec ce gaz dit hilarant, sans laisser les maires en première ligne. Prévenir des dangers ne suffit pas : il faut légiférer pour empêcher la prolifération du phénomène. Pour les jeunes, c'est un acte banal, sans conséquences, qui ouvre la porte à la consommation d'autres produits stupéfiants.

Le texte a été aménagé en commission ; merci à mes collègues de leur engagement. Les mesures votées permettront d'enrayer la spirale infernale et ses conséquences catastrophiques sur la santé de nos jeunes.

Le Sénat a fait oeuvre utile, même si ce texte ne suffira pas à éradiquer le phénomène. À l'Assemblée nationale de s'en saisir : deux propositions de loi sur le sujet y ont été déposées en janvier et septembre.

Monsieur le ministre, je sais que vous partagez notre volonté d'apporter une réponse opérante et simple.

Le groupe LaREM votera ce texte car il faut tout mettre en oeuvre pour lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées des groupeLaREM, RDSE, UC et sur quelques travées du groupe SOCR)

Mme Valérie Létard.  - Très bien !

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Dans les Hauts-de-France, le protoxyde d'azote est consommé dès le plus jeune âge et dans l'espace public. Alerté par les acteurs et les élus locaux, Ugo Bernalicis a déposé une première proposition de loi en janvier 2019, suivie le 5 avril par Mme Létard avec ce texte, dont Éric Bocquet est cosignataire.

Jusqu'ici cantonné aux teknivals, le protoxyde d'azote s'est diffusé, entraînant des conséquences parfois graves sur le système nerveux et la moelle épinière : huis cas sévères ont été signalés.

À la Madeleine, à Wattrelos, à Nîmes, à Aulnay-sous-Bois, à Pont-Sainte-Maxence, les municipalités ont pris des arrêtés interdisant la vente aux mineurs. Cette drogue du pauvre est consommée par des jeunes trafiquants, par des personnes prostituées ou précaires, par des collégiens et lycéens. À Arras, Valenciennes, Amiens ou Saint-Omer, des centaines de cartouches jonchent les trottoirs.

Une grande campagne d'information s'impose. L'ARS des Hauts-de-France est demeurée sourde aux alertes des élus locaux. Ce n'est que le 19 novembre 2019 qu'a été débloqué un fonds d'urgence ; mais 200 000 euros, pour 1,2 million de collégiens et lycéens, cela revient à 16 centimes par élève. Il y a urgence à agir pour protéger nos enfants.

Les professionnels de santé s'opposent à des mesures exclusivement répressives, qui reportent la consommation sur des drogues plus fortes. Il faut une politique de prévention et de réduction des risques, dans une démarche positive et non stigmatisante.

Le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes SOCR, UC, LaREM et RDSE)

Mme Catherine Fournier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi cosignée par 94 collègues de tous bords vise une pratique aux conséquences graves qui touche nos jeunes dans les Hauts-de-France mais aussi les grandes villes universitaires : l'usage détourné du protoxyde d'azote.

L'usage festif de ce produit se répand dans les soirées « proto » des étudiants en médecine et dans les lycées. L'effet euphorisant fugace incite à une consommation à outrance. Coupé avec de l'oxygène, dans le champ médical, on l'appelle MEOPA. Anesthésiant et euphorisant, son usage est strictement encadré - stockage sécurisé et déclaration obligatoire en cas de vol - mais pas celui du protoxyde d'azote pur.

Ce sont les élus, inquiets du volume de cartouches vides sur la voie publique, qui nous ont alertés. À Loos, 21 000 habitants, une centaine de kilos de cartouches sont envoyés chaque mois au recyclage. Les maires demandent des moyens légaux pour lutter contre ce phénomène.

Or la pratique est sous-estimée par les autorités sanitaires. Le Gouvernement était réticent à légiférer sur un produit unique, mais la commission a modifié le texte en conséquence.

Le rapport de Mme Guidez signale huit cas graves de sclérose de la moelle ou encore de paraplégie flasque. Au Royaume-Uni, 36 personnes sont mortes depuis 2001 ; aux États-Unis, c'est quinze par an. En octobre 2018, le jeune Yohan en est décédé à Lacroix-sur-Meuse. Il faut agir avant que le bilan ne s'alourdisse encore.

Les cartouches coûtent rarement plus d'un euro pièce ; en ligne, on vend des bonbonnes à prix cassé, avec des ballons de baudruche. La dose peut revenir à 35 centimes d'euros...

Interdire n'est pas la bonne solution d'autant que le protoxyde n'a pas de substitut pour son usage domestique, et qu'il sera facile de s'en procurer en Belgique, aux Pays-Bas ou sur internet. La solution est européenne. Cette proposition de loi apporte une série de solutions pragmatiques et d'application rapide.

Le groupe UC le votera, en comptant sur le Gouvernement pour le faire prospérer à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Chantal Deseyne .  - L'usage détourné du protoxyde d'azote observé depuis 1999 était confiné jusqu'en 2015 aux free parties ou aux teknivals. Depuis, il se banalise.

Facilement accessible sur internet, pour une somme modique, il est aussi utilisé pour potentialiser ou moduler les effets d'autres produits consommés. Il est aussi proposé dans les bars et boîtes de nuit. L'OFDT souligne une visibilité accrue dans l'espace public, en particulier dans la métropole lilloise.

Les consommateurs ? Habitués de free parties, collégiens et lycéens, trafiquants de drogue, prostituées. Un public jeune, voire très jeune, alors que les dangers sont mal connus. On relève pourtant des risques de séquelles neurologiques, d'atteintes de la moelle épinière, de troubles graves du rythme cardiaque pouvant entraîner la mort.

Il est donc justifié de légiférer pour protéger la population, et notamment les mineurs. L'article 2 pénalise l'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante. C'est pertinent.

Le texte, équilibré, impose également aux industriels d'indiquer sur l'emballage la dangerosité du produit, et accompagne la politique de prévention menée à l'école.

L'interdiction de la vente aux mineurs ne suffira pas, et j'appelle le Gouvernement à lancer une grande campagne d'information en direction des plus jeunes. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes SOCR et RDSE)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Marchand, Daubresse et Decool, Mme M. Filleul, M. Wattebled, Mme C. Fournier, MM. Rapin et Dagbert, Mme Billon, M. Bonhomme, Mme Blondin, MM. Brisson et Bazin, Mme Van Heghe, M. Canevet, Mme Doineau, MM. Bonnecarrère et Détraigne, Mmes de la Provôté, Dindar et Férat, M. Chasseing, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Capo-Canellas, Delcros, Duplomb, Guerriau, Fichet et Vaugrenard, Mme Vermeillet, M. Tourenne, Mmes Saint-Pé, Perrot et Micouleau, MM. Marseille et Panunzi, Mme Gruny, M. Moga, Mme Noël et MM. Menonville, P. Martin, Luche, Gabouty, Grand, Longeot et Lefèvre.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

un mineur

par les mots :

une personne

Mme Valérie Létard.  - Les cas les plus graves concernent de jeunes majeurs, souvent dans un cadre festif. Je propose donc de remplacer la mention « un mineur » par « une personne » pour incriminer toutes les incitations aux usages détournés, y compris visant des jeunes majeurs. La navette parlementaire devra affiner juridiquement le texte et faire évoluer la réglementation, mais il est important de ne pas rater la cible ! (Mme Victoire Jasmin approuve.)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Le commerce de ce gaz en milieu festif, dans les bars et discothèques, auprès d'un public jeune qui en ignore les effets nocifs, est un vrai problème. Toutefois, sans l'argument de la protection des mineurs, il paraît difficile de réprimer la provocation à faire quelque chose qui n'est pas interdit... Nous nous heurtons aux limites de ce que peut faire le législateur tant que le protoxyde d'azote n'est pas rangé dans la catégorie des substances dangereuses ou des stupéfiants. Que dit le Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État - Je salue l'investissement de Mme Létard sur ce sujet et le travail de la rapporteure.

Les jeunes majeurs sont évidemment concernés par le phénomène, mais le délit d'incitation est indissociablement lié à l'interdiction de la vente aux mineurs. Il n'y a pas de base légale à pénaliser l'incitation à consommer un produit qui, lui-même, n'est pas illégal. Retrait ou avis défavorable.

Je m'engage à travailler sur le sujet au cours de la navette avec les services du ministère de la Santé et du ministère de l'Économie afin d'élaborer un dispositif opérant qui donne satisfaction.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Même avis donc.

Mme Valérie Létard.  - C'est un débat constructif. Monsieur le ministre, vous vous engagez à ce que la navette soit l'occasion de développer l'arsenal réglementaire. L'impact sur les jeunes majeurs est de plus en plus préoccupant, disent les professionnels de santé.

La réglementation doit évoluer, y compris au niveau européen : il faut réguler la consommation du protoxyde d'azote pur, et punir l'incitation à usage détourné, dans les lieux publics en particulier. C'est indispensable.

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Deseyne, M. D. Laurent, Mme Gruny, MM. Bascher et Gremillet, Mmes Deroche, Morhet-Richaud et Berthet, MM. Allizard et Morisset, Mme Noël, MM. Bonne, Laménie, Rapin et Vaspart, Mmes Ramond et L. Darcos, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Puissat, M. Bazin, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Kennel, Bouchet, Le Gleut, Poniatowski, Mouiller et Dufaut et Mmes Boulay-Espéronnier et Delmont-Koropoulis.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«  Art. L...  -  L'incitation d'une personne en état d'ivresse à inhaler ou à absorber du gaz protoxyde d'azote, même non suivie d'effet, est punie d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende en cas d'incitation faite à un mineur.

Mme Chantal Deseyne.  - Cet amendement interdit le fait d'inciter des majeurs en état d'ivresse à consommer du protoxyde d'azote. Il aggrave les peines prévues par la proposition de loi en cas d'incitation sur mineur, en les doublant lorsque la victime est sous l'empire de l'alcool.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Là encore, difficile de pénaliser l'incitation à un usage d'un produit légal, sans l'argument de la protection des personnes vulnérables. Pourquoi d'ailleurs ne viser que l'alcool, et pas d'autres produits ? Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Marchand, Daubresse et Decool, Mme M. Filleul, MM. Wattebled et Dagbert, Mme C. Fournier, M. Rapin, Mme Billon, M. Bonhomme, Mme Blondin, MM. Bonnecarrère, Brisson et Bazin, Mme Van Heghe, M. Canevet, Mme Doineau, M. Détraigne, Mmes de la Provôté et Dindar, M. Chasseing, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Capo-Canellas, Delcros et Duplomb, Mme Férat, MM. Guerriau, Fichet et Marseille, Mme Micouleau, M. Panunzi, Mme Gruny, M. Moga, Mme Noël, MM. Menonville, P. Martin et Luche, Mme Perrot, MM. Gabouty, Grand, Longeot, Lefèvre et Vaugrenard, Mme Vermeillet, M. Tourenne et Mme Saint-Pé.

Après les alinéas 8 et 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La violation de l'interdiction prévue au premier alinéa est punie de 3 750 € d'amende.

Mme Valérie Létard.  - Pour rendre le dispositif opérant, il convient d'assortir l'infraction de l'interdiction de vente aux mineurs d'une peine d'amende de 3 750 euros.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°5 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Létard, M. D. Laurent, Mme Gruny, MM. Bascher et Gremillet, Mmes Deroche, Morhet-Richaud et Berthet, MM. Allizard et Morisset, Mme Noël, MM. Bonne, Laménie, Rapin et Vaspart, Mmes Ramond et L. Darcos, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Puissat, M. Bazin, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Kennel, Bouchet, Le Gleut, Poniatowski et Mouiller, Mme A.M. Bertrand, MM. Sido et Dufaut et Mmes Boulay-Espéronnier et Delmont-Koropoulis.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il est également interdit de vendre ou d'offrir gratuitement du gaz protoxyde d'azote, y compris à une personne majeure, dans les lieux de vente ou de distribution de boissons des groupes 3 à 5 définis à l'article L. 3321-1.

Mme Valérie Létard.  - Cet amendement interdit la vente et la distribution de gaz protoxyde d'azote dans les débits de boissons. En effet, de plus en plus de bars et d'établissements de nuit en proposent gratuitement ou à la vente.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°8 à l'amendement n 1 rectifié de Mme Imbert, présenté par Mme Deseyne.

Amendement n°1, alinéa 3

Supprimer les mots :

, y compris à une personne majeure,

Mme Chantal Deseyne.  - Compte tenu des observations de la commission, ce sous-amendement restreint l'interdiction de vente et de distribution dans les débits de boissons aux seuls mineurs.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°7 à l'amendement n°1 rectifié de Mme Imbert, présenté par Mme Deseyne.

Amendement 1, alinéa 3

Remplacer les mots :

vente ou de distribution 

par le mot :

consommation

Mme Chantal Deseyne.  - Celui-ci restreint l'interdiction aux seuls débits de boissons. En effet, la rédaction de l'amendement n°1 rectifié ter rend l'interdiction applicable aux commerces de détail alimentaire.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - L'amendement n°1 rectifié ter est très large : il englobe aussi les supermarchés. Une interdiction générale risque de se heurter au droit européen.

Le sous-amendement n°8, à la rédaction quelque peu ambiguë, est satisfait par le texte qui interdit la vente aux mineurs.

Le sous-amendement n°7 est trop imprécis pour être opérant. L'interdiction de vente d'un produit restant légal est difficilement compatible avec le droit européen. Avis du Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je suis en phase avec l'analyse de la commission. L'amendement n°1 rectifié ter est trop large, et inclurait des lieux de vente qui ne devraient pas être concernés. Retrait ou avis défavorable.

Le sous-amendement n°8 est satisfait dans son esprit par l'article 2 : retrait. Et le sous-amendement n°7 pose des problèmes rédactionnels mais se rapproche de l'objectif visé. Sagesse.

Mme la présidente.  - Il y a une contradiction à donner un avis de sagesse à un sous-amendement modifiant un amendement auquel vous avez donné un avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je donne un avis de sagesse à l'amendement n°1 rectifié ter s'il est sous-amendé.

M. François Bonhomme.  - Je soutiens cet amendement. Monsieur le ministre, je ne sens pas chez vous une forte volonté de juguler le phénomène. Pourtant, l'Observatoire des drogues et la Mildeca nous ont alertés. Vous prônez le renforcement de l'information, mais les étudiants en médecine qui utilisent ce produit sont informés, tout de même ! Curieuse approche que de ne rien faire de peur de renforcer le caractère transgressif de cette pratique... La loi doit rappeler des principes et marquer des interdictions. Le ministère de la santé que vous représentez doit anticiper les effets sanitaires à venir, qui risquent d'être terribles.

Le sous-amendement n°8 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°7 est adopté.

L'amendement 1 rectifié ter, sous-amendé, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Guidez, au nom de la commission.

Alinéa 18

Supprimer la mention :

Art. L. 3631-2.  -  

L'amendement rédactionnel n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme Victoire Jasmin.  - Je tiens à remercier Mme Létard et tous les cosignataires de ce texte, car j'ignorais le mésusage du protoxyde d'azote. Je souhaite que ce produit soit reconnu en toxicologie et qu'un pictogramme spécifique signale sa dangerosité.

Dans la période festive où nous entrons, on risque de voir se répandre le phénomène, au sein même des familles. Les parents ne sont, en effet, pas forcément au courant de la nocivité du produit.

Monsieur le ministre, utilisez toutes les possibilités dont vous disposez pour renforcer l'information des familles et, via les rectorats, des élèves et des enseignants. Je remercie à nouveau Mme Létard pour son initiative.

Mme Valérie Létard.  - (L'oratrice montre une capsule de protoxyde d'azote.) Ces capsules jonchent les rues de nos communes et deviennent des projectiles dangereux quand elles passent sous les roues des voitures.

Ce débat est un coup de projecteur sur la dangerosité du produit. Bien des parents ne connaissent pas les incidents graves que peut entraîner la consommation de ce gaz hilarant qui porte bien mal son nom. Le Sénat montre qu'il sait dépasser les clivages quand il s'agit de l'intérêt général. Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance : saisissez la navette pour réglementer le protoxyde d'azote au même niveau que le MEOPA et trouvez le moyen de cibler les jeunes majeurs. Sans quoi les ventes se multiplieront et les pratiques dévoyées fleuriront. Il faut aller au bout pour combattre ce phénomène. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

L'article 2, modifié, est adopté.

Les articles 2 bis, 2 ter et 3 sont successivement adoptés.

L'article 4 demeure supprimé.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes Imbert et Deseyne, M. D. Laurent, Mme Gruny, MM. Bascher et Gremillet, Mmes Deroche, Morhet-Richaud et Berthet, MM. Allizard et Morisset, Mme Noël, MM. Bonne, Laménie, Poniatowski, Le Gleut, Bouchet et Kennel, Mmes Deromedi et Micouleau, M. Bazin, Mme Puissat, MM. B. Fournier et Lefèvre, Mme Bruguière, M. Cambon, Mmes L. Darcos et Ramond et MM. Vaspart et Rapin.

Supprimer les mots :

les mineurs

Mme Chantal Deseyne.  - C'est un amendement de conséquence des deux sous-amendements que j'ai défendus tantôt.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - La proposition de loi vise essentiellement à protéger les mineurs. Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Sagesse car, sur le fond, le problème concerne également les jeunes majeurs, comme l'a signalé Valérie Létard.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Fournier .  - Je salue Valérie Létard, auteure de ce texte, ainsi que les 94 cosignataires. Je remercie aussi la rapporteure pour les précisions rédactionnelles et les sécurisations juridiques qu'elle a apportées. Elle a su s'engager pour défendre ce texte, qu'elle s'est approprié.

J'espère que le Gouvernement ne manquera pas de soutenir cette proposition de loi pour une adoption conforme à l'Assemblée nationale. Je souhaite aussi que la Commission européenne soit rapidement saisie sur le fondement de la directive 2015-1535 pour que le texte entre rapidement en vigueur. La réactivité est la clé de l'efficacité !

Le MEOPA est strictement réglementé, mais pas le protoxyde d'azote pur. Or il y a urgence, face à l'enjeu de santé publique. Je le rappelle, huit cas graves ont été enregistrés. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. François Bonhomme .  - Le gaz hilarant ne fait plus rire personne. Ce texte met en lumière la gravité d'un phénomène relativement nouveau. Les parlementaires ont saisi le Gouvernement, que je m'étonne de voir réticent à modifier la loi.

Cette substance est d'autant plus dangereuse qu'elle a un aspect festif. Dans les Hauts-de-France ou en Occitanie, les soirées au protoxyde d'azote se finissent parfois très mal. On ne peut plus prendre le sujet à la légère, en espérant que la mode passe...

Monsieur le ministre, les réponses ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. On ne peut se contenter d'informer les préfectures et les ARS alors que les jeunes sont à deux clics d'une livraison par Amazon à moins de 10 euros, cartouches, bonbonnes et ballons de baudruche inclus !

Nous sommes loin des usages culinaires ou médicaux, ne soyons pas naïfs ! Il faut être en alerte totale, car le problème va empirer. J'attends du ministère anticipation et réactivité.

M. Guillaume Arnell .  - Vous nous avez éclairés sur un phénomène que nous étions nombreux à ignorer mais qui risque de s'étendre à tous les territoires.

Mais le Gouvernement ne peut pas répondre à tous les problèmes. Il nous appartient aussi de jouer notre rôle, particulièrement en matière d'information et de sensibilisation. Ce genre de proposition de loi a surtout une fonction d'appel.

La jeunesse trouvera toujours de nouvelles formes d'addiction ; sachons être en alerte permanente pour la protéger. Le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et LaREM)

M. Jérôme Bignon .  - Je m'associe aux félicitations adressées à Mme Létard pour cette initiative heureuse. Le grand-père que je suis ne peut qu'être sensible et soutenir un texte qui protège la jeunesse. Il y a urgence à légiférer !

Faisons en sorte qu'il soit adopté le plus rapidement possible à l'Assemblée nationale. Imaginez si un drame était causé par ce poison dans les semaines ou les mois à venir... Nous serions rouges de confusion. Il faut convaincre un groupe politique de l'Assemblée nationale d'inscrire ce texte dans sa niche. Je vous y aiderai si nécessaire, madame Létard. Nous voterons ce texte. (Applaudissements)

M. Frédéric Marchand .  - Je salue le très beau travail de co-construction accompli autour de ce texte. Les parlementaires ont tendu la main, le Gouvernement a été réceptif.

Le Gouvernement s'est engagé à mettre à profit la navette pour apporter des réponses concrètes à ce sujet de santé publique. Je me félicite que le Sénat ait fait oeuvre utile, car le phénomène n'est plus localisé dans le Nord, mais s'étend à Bordeaux, Marseille, Strasbourg, Nantes... (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et UC)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure .  - Monsieur Bonhomme, le phénomène date du XVIIIe siècle ; il a pris de l'ampleur depuis 2017.

M. François Bonhomme.  - Je parlais de l'usage détourné !

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Cette proposition de loi n'a rien d'anodin, même si initialement nous ne mesurions pas forcément l'ampleur du phénomène que nous croyions cantonné dans le Nord. Il y a eu, initialement, quelques sourires.

Le texte cible les mineurs, mais il faudra aussi viser les adultes. J'attends du Gouvernement que nous avancions ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM et RDSE)

Mme Valérie Létard .  - Je remercie à nouveau la rapporteure qui a accepté de se déplacer longuement sur le terrain, dans un calendrier restreint. Elle a pu constater la réalité du phénomène. Les cartouches dans les rues ne sont que la partie émergée de l'iceberg ! (Applaudissements)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État .  - À mon tour de féliciter Mmes Létard et Guidez, et les parlementaires du Nord, dont M. Marchand. Cette proposition de loi, dont je salue le caractère transpartisan, n'a rien d'anodin.

Le Gouvernement a pris la pleine mesure du sujet. Je salue votre volonté de construire un texte opérant et reposant sur des bases légales solides. Oui, nous notifierons ce texte à la Commission européenne dès qu'il sera finalisé. Je m'engage à nouveau à ce que nous travaillons dans la navette sur l'extension du dispositif aux majeurs, en actionnant divers leviers.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Mme la présidente.  - Belle unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue pour quelques instants.

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis défavorable - 3 voix pour, 26 voix contre - à la nomination de M. Bertrand Munch aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts.

Échec en CMP

Mme la présidente.  - La CMP sur le projet de loi de finances pour 2020 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Quelle politique énergétique pour la France ? Quelle place pour EDF ?

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat « Quelle politique énergétique pour la France ? Quelle place pour EDF ? », à la demande du groupe UC.

M. Hervé Marseille, pour le groupe de l'Union centriste .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Avoir un débat sur la politique énergétique de la France et sur EDF, c'est aborder des sujets de politique industrielle, de sécurité nationale, de transition énergétique et de protection de l'environnement.

La politique énergétique d'une Nation constitue l'une des principales politiques publiques transversales qu'un pays doit mener, mais celle du Gouvernement semble floue. Les enjeux sont parfois contradictoires - prix raisonnables, production d'énergie la plus décarbonée possible, indépendance énergétique, en garantir la production et l'acheminement, sources de production sûres pour la population et l'environnement, préservation de la qualité des paysages - que vous devez hiérarchiser.

Après le premier choc pétrolier, la France a fait le choix de l'indépendance énergétique, donc du nucléaire. L'entreprise nationale était alors le bras armé de notre Nation.

Ce n'est plus si évident. Quel est le rôle d'EDF ? Agit-elle comme une entreprise indépendante alors que l'État la détient à 83 % ? Quelle stratégie suit-elle, notamment en matière de mix énergétique et de décarbonation ? Quel avenir pour la filière nucléaire ? Quelle politique de prix ? Le lien entre l'État et EDF n'est pas clarifié.

Contre toute logique, le précédent Gouvernement a décidé la fermeture de la centrale de Fessenheim. Votre Gouvernement a choisi d'éteindre les quatre centrales à charbon. Il y a quelques semaines, M. Lévy annonçait la construction souhaitable de six nouveaux réacteurs nucléaires en France de type EPR alors que Flamanville a pris onze ans de retard et que son coût a triplé.

En 2018, le président de la République a annoncé la fermeture de quatorze réacteurs à l'horizon 2034 sans préciser les éventuelles nouvelles constructions. Tout ceci nuit à la compréhension des parlementaires que nous sommes, mais aussi des salariés d'EDF.

Vous proposez de réduire l'énergie nucléaire de 50 % dans le mix énergétique d'ici 2035. Remplacer plus de 20 % de la production par des énergies renouvelables demande une grande volonté politique et de réels progrès en la matière.

En matière d'éolien en mer, la France pourrait constituer un terrain de jeu idéal, mais nous sommes un nain mondial en la matière. Quant à l'éolien terrestre, chacun veut le développer mais pas près de chez soi : c'est le « not in my backyard ». Comment dépasser ces blocages ? Quel équilibre envisagez-vous entre les différentes énergies ? Que penser des productions locales qui se développent ?

Avec 58 réacteurs nucléaires, la France produisait en 2017 les trois quarts de son électricité. Aux États-Unis, c'est 20 %, en Allemagne, 11,6 % et en Chine 4 %. Ces chiffres reflètent une politique gaullienne ambitieuse. Les annonces du Gouvernement sont contradictoires. Le secteur nucléaire, très endetté, paie les choix du passé. La dette d'EDF a été multipliée par trois en dix ans, et s'élève à 37 milliards d'euros, et plus du double si l'on y ajoute les emprunts obligataires. Actionnaire ultra-majoritaire, l'État ne peut s'en désintéresser.

Les changements doivent être accompagnés, notamment auprès des salariés et des agents. Il ne faut pas non plus, pour sauver les apparences, démanteler et séparer les activités d'EDF, comme le projet Hercule pourrait le laisser penser.

J'en viens au prix de l'énergie. La France, malgré une hausse cumulée de 40 % en treize ans, se situe à une place favorable en Europe. La hausse des prix de gros sur les marchés de l'électricité a amené les fournisseurs alternatifs à se reporter sur l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh). Le débat autour de cet accès régulé a eu lieu lors de l'examen de la loi Climat-énergie. Mais ce modèle atteint ses limites : EDF continue d'investir et de prendre des risques tandis que ses concurrents alternatifs font des choix d'opportunité entre le marché mondial et le marché protégé.

La crise des gilets jaunes a gelé la hausse des prix de l'électricité et du gaz jusqu'en mai. En juin et en août, les augmentations de tarif ont été sévères.

Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de prix de l'électricité ? Allez-vous revoir les rapports entre EDF et ses concurrents ?

Vous le voyez, madame la ministre, nos questions sont nombreuses et nous attendons beaucoup de vos réponses pour mieux comprendre la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Ce débat est au coeur de la réponse à l'urgence climatique : l'enjeu est de taille car il s'agit de changer plus de cinquante ans d'habitudes à tous les niveaux. La loi énergie climat a fixé à 2050 l'objectif de neutralité carbone. Cela implique d'abord de sortir des énergies fossiles, en commençant par tourner la page du charbon. Avant 2022, nous fermerons les quatre dernières centrales qui y ont recours. À cette date, EDF produira de l'électricité à partir de déchet de bois.

Nous réduirons aussi la part du gaz et du pétrole de respectivement 35 % et de 19 % d'ici 2028. C'est aussi une affaire de sobriété énergétique. Tous les secteurs sont concernés par cet effort, notamment les transports qui représentent un tiers de notre consommation d'énergie, qui devront être réduit de 15 %. C'est pourquoi la LOM développe les transports alternatifs et propres

M. Fabien Gay.  - Et Perpignan-Rungis ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous veillerons aussi à minimiser la consommation d'énergie des bâtiments, qui consomment près de 50 % de notre énergie. Vous avez voté la fin des passoires thermiques, il nous faut maintenant la mettre en oeuvre. (M. Roland Courteau le confirme.) À cet effet, des aides seront apportées pour les travaux. La règlementation CEE 2020 (certificats d'économies d'énergie) sera l'occasion de mettre en oeuvre cette nouvelle ambition.

L'objectif de 33 % d'énergies renouvelables en 2030 est également fixé. Il s'agira de produire 38 % de chaleur renouvelable, 10 % de biogaz et entre 20 et 40 % d'hydrogène vert. Au total, 40 % de l'électricité sera ainsi produit grâce aux ENR, notamment l'éolien et le photovoltaïque. L'éolien en mer devra se développer : 1 gigawatt offshore en plus chaque année jusqu'en 2024. Pour le photovoltaïque, nous visons 34 gigawatt d'ici 2028.

Au total, 30 milliards d'euros seront mobilisés en dix ans pour les énergies renouvelables électriques.

Parallèlement, la part du nucléaire sera ramenée à 50 % en 2035. EDF devra donc fermer quatorze réacteurs Nous accompagnerons les salariés, l'entreprise et les territoires. Nous le démontrerons dès l'an prochain à Fessenheim.

Quels que soient les choix du mix énergétique de la France pour le milieu du siècle, EDF aura un rôle central à jouer, notamment dans les réseaux. Notre approche du mix énergétique doit être raisonnée car elle engage le pays. Peut-on avoir une production 100 % renouvelable et pour quel coût ? Dans quelles conditions un nouveau programme nucléaire est-il envisageable ? Que ferons-nous des déchets ?

Si le choix porte sur un nouveau programme nucléaire, EDF sera le fer de lance de cette politique. contrario, si les énergies renouvelables étaient préférées, EDF est déjà au rendez-vous avec quatre des sept parcs éoliens en mer et 30 gigawatts de photovoltaïque d'ici 2035.

Je suis convaincue que l'entreprise a les moyens de relever le défi. Ensemble, nous y arriverons. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC et Les Indépendants)

Mme Denise Saint-Pé .  - Le renouvellement des trois concessions hydroélectriques de la vallée d'Ossau, dans les Pyrénées-Atlantiques, n'a toujours pas eu lieu, alors qu'elles sont arrivées à terme depuis le 31 décembre 2012.

La situation juridique est fragile et met en difficulté les collectivités territoriales, car elles ne perçoivent plus les redevances. La carence de l'État est susceptible d'engager sa responsabilité en droit interne et européen. Il est temps de mettre fin à cette situation en lançant une nouvelle procédure de délégation de service public ou en prorogeant les concessions sous conditions de travaux - solution la plus rapide.

Que compte faire l'État ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement soutient la filière hydroélectrique. C'est une énergie flexible et compétitive. La Commission européenne a engagé deux mises en demeure, l'une en octobre 2015 et l'autre en mars 2019. Des échanges ont depuis lieu pour sortir du statu quo, mais aucune solution satisfaisante n'a émergé. Le droit communautaire ne permet pas d'envisager la prolongation des concessions contre travaux.

Nous réfléchissons à un système de quasi-régie pour octroyer sans mise en concurrence des concessions et structures publiques dédiées. Les discussions se poursuivent. Le renouvellement des concessions est nécessaire.

Dans cette attente, nous avons mis en place en juin une redevance glissante pour les collectivités territoriales.

M. Gérard Longuet .  - Il faut définir de nouvelles règles pour le nucléaire. Vous parlez du nucléaire historique, mais c'est un produit d'avenir qui a besoin d'investissements pour le grand carénage, les nouveaux EPR et les petits réacteurs modulaires.

Comment allez-vous négocier à Bruxelles ? EDF ne peut subventionner indéfiniment ses concurrents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La discussion avec la Commission européenne porte sur le nucléaire historique, pas sur les nouveaux projets qui n'ont pas besoin d'autorisation pour avoir un tarif régulé - comme à Inkley Point en Angleterre. Le parc historique a un prix régulé depuis 2012, comprenant une marge afin de couvrir les coûts d'exploitation.

Il faut donner de la lisibilité à l'entreprise et protéger le consommateur français qui a financé le parc nucléaire. C'est dans cet esprit que les discussions se poursuivent.

M. Gérard Longuet.  - Le nucléaire a été supporté par les Français alors que les énergies fossiles étaient moins chères. Nous avons développé une filière et un savoir-faire. Il faudrait que Mme Vestager comprenne que le droit de la concurrence ne doit pas priver l'Europe d'atouts industriels majeurs, ce qui est le cas du nucléaire d'EDF. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Jean-Michel Houllegatte et Jérôme Bignon applaudissent également.)

M. Roland Courteau .  - L'horloge climatique s'accélère et nous devons éviter la mort cérébrale de l'Europe de l'énergie qui doit penser à la fois sécurité énergétique et priorité climatique. Il faut un vrai effort de gouvernance et changer de braquet à tous les échelons. Énergies vertes, rénovations thermiques, absorption du carbone... Les mesures doivent avoir plus d'ampleur et de stabilité. Les investisseurs doivent d'abord savoir ce qui est vert et ce qui ne l'est pas.

Le nucléaire, énergie décarbonée, doit-il être maintenu dans cette taxonomie européenne ?

Si personne ne demande la sortie immédiate du nucléaire, des questions se posent sur la rationalité économique du nouveau nucléaire.

Où en est-on du dossier sur les concessions hydroélectriques ?

Une stratégie industrielle doit se construire de manière globale. EDF n'a pas besoin de modèle de scission, de type Hercule.

Confirmez-vous qu'Engie vendrait ses infrastructures gazières ? Est-ce défendre l'intérêt de la Nation ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il serait exagéré de parler de mort cérébrale pour la politique énergétique de l'Europe. Nous avons des objectifs, un cadre actualisé en 2018 et en 2019, des réformes fortes et un paquet mobilité...

Les discussions que nous menons avec la nouvelle Commission portent sur le green deal qui a été présenté, aujourd'hui ; avec de nombreux outils.

Nous plaidons pour un prix minimum européen du carbone et pour un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, pour que nos industriels ne soient pas pénalisés par rapport à ceux des pays moins vertueux.

Sur la taxonomie, les discussions sont en cours. Elle fait beaucoup de débats. Un consensus s'affirme sur le fait que le nucléaire fait partie des énergies de la transition énergétique.

M. Roland Courteau.  - J'aurais aimé vous entendre sur le projet Hercule, et la décision du conseil d'administration d'Engie de vendre certaines infrastructures gazières.

Il ne faut pas oublier la qualité du service public, la sécurité énergétique ni les ambitions sociales.

Enfin, il faut dissuader les banques de financer le charbon ! 70 % de leurs investissements énergétiques vont aux énergies fossiles.

Mme Maryse Carrère .  - L'hydroélectricité représente 12 % de notre production électrique. Dans mon département, EDF gère quatre grands barrages et huit centrales qui ont de larges retombées sociales et économiques. Vendredi dernier, j'étais avec des responsables d'EDF et nous avons fait le bilan de ces installations.

Le principal défi est de faire face à l'enjeu de la flexibilité de notre système électrique pour mieux répondre aux pics de consommation. Mais nous n'avons aucune station de transfert d'énergie par pompage (STEP) en Ariège. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui devrait paraître en début d'année prochaine, qu'en est-il du développement des STEP dans les Pyrénées et en France ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement soutient l'hydroélectricité, première source d'énergie renouvelable en France.

Si la production peut connaître des variations, elle est de 25,5 gigawatts en France métropolitaine. Il y a des marges de progression et de modernisation du parc, tout en respectant la biodiversité et le bon état de la ressource en eau. Nous visons 26,4 à 26,7 gigawatts de puissance installée en 2028, grâce principalement à des optimisations.

D'ici 2023, des STEP seront développées pour atteindre 1 à 2 gigawatts entre 2025 et 2030.

Mme Maryse Carrère.  - Merci pour votre réponse. En effet, il faudra donner un nouvel élan à l'hydroélectricité, qui trop souvent se heurte à la complexité des contraintes environnementales réglementaires. Je compte sur vous pour faciliter ces investissements d'avenir.

Mme Françoise Cartron .  - Vous avez annoncé le mois dernier qu'une réflexion était en cours avec l'Agence internationale de l'énergie sur un scénario 100 % renouvelable. Cela montre que l'objectif de 50 % de nucléaire n'est pas une fin en soi.

Madame la ministre, l'arbitrage entre la construction de nouvelles centrales et cet objectif de 100 % renouvelable devrait avoir lieu d'ici 2021. La mise en service de l'EPR de Flamanville est-elle un facteur essentiel dans cet arbitrage ?

Comment EDF serait-elle impliquée si c'est le 100 % renouvelable qui est choisi ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), il est prévu d'étudier tous les scénarios de la construction de nouvelles centrales nucléaires au 100 % renouvelable. Plusieurs sujets alimenteront la réflexion du Gouvernement : les coûts de l'EPR2, sa compatibilité avec des technologies bas carbone, la capacité de la filière nucléaire à répondre dans ces délais à un programme de construction de réacteurs, la question de la gestion des déchets, la faisabilité technique et économique d'un scénario à 100 % renouvelable. Nous avons lancé une étude avec l'Agence internationale de l'énergie et RTE.

Cela nous permettra de comparer les différents scénarios dans tous leurs aspects. La décision n'interviendra qu'après la mise en service de l'EPR de Flamanville.

M. Fabien Gay .  - C'est quoi, pour vous, madame la ministre, une entreprise publique ? Peut-elle être compétitive par rapport à une entreprise privée, surtout pour réussir la transition énergétique ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Souhaitez-vous une dissertation ? (Sourires)

M. Fabien Gay.  - Oui, c'est bien aussi.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement est attaché à EDF. Dans le cadre de la PPE, le président d'EDF doit nous faire des propositions d'évolution du groupe. Cela fera l'objet de concertations avec les partenaires sociaux. La poursuite de l'exploitation du parc nucléaire existant jusqu'à 50 ans, le développement massif des énergies renouvelables, le stockage, les réseaux intelligents... Il faudra répondre aux enjeux.

L'entreprise a besoin de capacités d'investissements accrus. EDF doit être la clé de voûte du système énergétique de demain.

M. Fabien Gay.  - Parfois, il est bon d'avoir des débats politiques dans cette assemblée politique. EDF est une entreprise publique, avec 165 000 salariés, avec un statut - qu'il vous plaise ou non - qui protège les salariés et mais aussi les consommateurs. Cette entreprise appartient à chaque Française et à chaque Français.

EDF représente 50 % du portefeuille de l'Agence des participations de l'État, car vous avez tout bradé, vous et vos prédécesseurs.

Le projet que vous préparez : privatisation, démantèlement... (Mme la ministre le nie.) - Mais si : nous avons vécu la déréglementation, la dérégulation. Vous continuez à donner le biberon aux acteurs alternatifs qui n'ont pas mis un euro dans le nucléaire, avec ce système absurde de l'Arenh ! Vous voulez nationaliser les pertes et privatiser les profits de demain avec l'énergie verte.

Quand le projet Hercule arrivera-t-il en débat devant le Parlement ? Vous voulez privatiser, comme vous avez privatisé Engie. Mais dans ce cas, il vous faudra passer devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Roland Courteau applaudit également.)

M. Jérôme Bignon .  - Des discussions opposent la France à la Commission sur les barrages. Où en est-on ?

Quid de structures publiques dédiées pour éviter le renouvellement des concessions des barrages hydroélectriques ?

Y-a-t-il des opportunités de développer les STEP ? Quels seraient les problèmes environnementaux qu'elles poseraient ?

Vous savez l'intérêt des Hauts-de-France pour l'énergie marémotrice. Interpellée, Mme Wargon a dit que le Gouvernement y travaillait. Où en est-on ? Nous sommes envahis par les éoliennes dans ma région : il ne faut pas qu'elle devienne une gigantesque éolienne.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Cela fait beaucoup de questions... Le Gouvernement est attaché à l'hydroélectricité. Nous explorons une autre voie que je ne peux malheureusement pas développer pour éviter la mise en concurrence : nous souhaiterions une structure à 100 % publique dédiée pour éviter la mise en concurrence dans le cadre de la Directive concession.

Je suis confiante dans le potentiel des énergies marines. Il est vrai qu'il est paradoxal de constater combien elles sont peu importantes dans notre mix énergétique alors que le gisement est considérable. Nous privilégions l'éolien en mer. Nous sommes moins avancés sur l'énergie marémotrice. La technique de l'usine de la Rance ne nous semble pas pouvoir être généralisée.

M. Jérôme Bignon.  - Vous ne m'avez pas répondu sur les STEP. À chaque fois que l'on parle d'énergie marémotrice, on nous oppose l'exemple de la Rance, qui était un projet intéressant, mais n'a malheureusement pas fait ses preuves au plan environnemental ; mais il n'est pas comparable avec notre projet, qui n'est pas dans un estuaire, mais consisterait en une digue en mer. Il faudrait à tout le moins tenir une réunion avec les acteurs impliqués.

M. Jean-Claude Luche .  - Le 17 octobre, les salariés EDF de Le Truel, dans l'Aveyron, manifestaient car ils étaient inquiets pour l'avenir de leur entreprise. L'Aveyron est le premier département pour les énergies renouvelables, grâce à 17 barrages et 16 centrales hydroélectriques.

Le droit européen fait peser de grandes incertitudes pour EDF. Dans cette période, EDF continue à investir, mais de façon mesurée. Cette menace de mise en concurrence et de perdre les concessions se traduit par un manque à gagner pour EDF, par des investissements français qui risquent d'être perdus et, pour les collectivités, des pertes d'IFER et de CVAE.

Nous sommes très attachés à EDF. C'est le contribuable français qui a investi dans ces installations. Notre département a tout intérêt à continuer avec cette entreprise. Avez-vous des précisions à donner sur les échéances à venir ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le droit français, en conformité avec le droit européen, dispose que les concessions hydrauliques échues doivent être renouvelées par mise en concurrence. Les gouvernements successifs se sont donnés le temps d'y réfléchir depuis 2011.

Les collectivités territoriales peuvent être intéressées à l'exploitation dans le cadre d'une société d'économie mixte hydroélectrique, les concessions pourraient être regroupées pour éviter les problèmes dans un même bassin.

Au vu des retards pris, la Commission européenne a engagé diverses procédures contentieuses contre la France. Nous faisons valoir que notre situation est unique en raison du statut des concessions de ces exploitations.

Dans d'autres pays, les opérateurs historiques sont propriétaires. Nous discutons avec la Commission européenne, en explorant la piste d'un opérateur contrôlé à 100 % par l'État qui pourrait détenir ces concessions sans mise en concurrence.

M. Jean-François Husson .  - La COP25 va se clôturer dans deux jours et nous attendons toujours la publication de la prochaine PPE. Au sein de la politique énergétique de la France, EDF tient une place centrale - mais quid de son financement ?

Après le fiasco de l'écotaxe, il y a eu la taxe carbone qui, à cause de votre Gouvernement, s'est réduite à un impôt de rendement. Quels leviers de financement privé comme public comptez-vous actionner ? Est-il réaliste d'augmenter la fiscalité carbone ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La neutralité carbone à long terme et les objectifs à moyen terme supposent effectivement des investissements pour le climat -  deux fois plus qu'actuellement, selon une étude. Il faut des financements publics et privés.

Il est important de donner d'abord plus de lisibilité à travers le « green budgeting ». Pour l'efficacité énergétique, nous attribuons 3,5 milliards d'euros d'aides. Les CEE sont de l'ordre de 4 milliards d'euros sur des sujets très variés - coup de pouce chauffage et isolation, et pour les entreprises pour les mobilités propres, 800 millions d'euros sont prévus pour la prime à la conversion et les véhicules électriques. Les dépenses pour les énergies renouvelables électriques sont passées de 5 à 8 milliards d'euros par an.

La finance privée doit aussi se mobiliser. Les obligations vertes sont passées de 7 milliards d'euros en 2017 à 20 milliards d'euros en 2019. Des labels Finance verte seront mis en place. La Commission européenne fera des annonces sur ce sujet.

M. Jean-François Husson.  - Nous partageons la volonté de décarboner notre économie, ce qui réclame d'aller plus loin que les obligations vertes. Nous devons mener un travail collectif.

La fiscalité est à un niveau insupportable et notre pays est endetté ; il faut la faire baisser tout en verdissant les pratiques. Faisons confiance à nos entreprises pour cela, en montrant le chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Montaugé .  - EDF a trois défis à relever : la transition énergétique, le financement - y compris le désendettement - et la souveraineté énergétique nationale. Pour y répondre, deux conceptions s'opposent. Le Gouvernement veut une scission des composantes du groupe, son « démantèlement », comme l'a déclaré le ministre de l'Économie Macron, en mars 2016.

Nous voulons le maintien de l'unité du groupe, non par dogme mais parce que l'industrie électrique est par nature très capitalistique. Les collectivités territoriales craignent la fin du régime des concessions et de la péréquation. Dans un contexte flou, anxiogène pour les personnels concernés en particulier par l'hypothèse que vous avez exprimée d'un mix électrique à 100 % de ressources renouvelables, qu'en est-il du projet Hercule que le Gouvernement propose au président d'EDF ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - N'inversez pas les rôles ! Le Gouvernement ne propose qu'un cadre au travers de la politique énergétique. Au groupe EDF de déterminer la meilleure organisation.

M. Roland Courteau.  - Ce n'est pas ce que M. Lévy nous a dit...

M. Fabien Gay.  - Et l'État actionnaire ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous sommes attachés au rôle central d'EDF dans la transition énergétique. Dans la PPE, il est demandé à EDF de poursuivre l'exploitation du parc nucléaire jusqu'à cinquante ans tout en développant massivement les énergies renouvelables. EDF répond à ces défis, en étant présent dans quatre des sept parcs éoliens offshore en projet. Et EDF est présente via les réseaux électriques Enedis et RTE.

Notre objectif est qu'EDF ait les moyens de participer à des investissements sans précédent dans le parc énergétique tout en sécurisant la consommation française.

M. Franck Montaugé.  - Le président Lévy a tenu des propos sensiblement différents en audition... Comment Enedis peut-il rester public dans une « EDF verte » privatisée ?

L'énergie, en tant que bien commun, devrait être soustraite à toute logique de spéculation financière.

M. Daniel Gremillet .  - Depuis 1946, EDF fait partie de notre patrimoine, garant de notre indépendance, fer de lance de la transition énergétique. Or, avec une dette de 33,4 milliards d'euros, EDF fait face à un mur d'investissement.

Quelle est la position du Gouvernement sur les chantiers nucléaires, notamment Flamanville et Hinkley Point ? Les travaux de Flamanville coûteront huit fois plus cher que prévu et ces surcoûts sont symptomatiques. Sans l'État, EDF ne pourra pas réussir.

Le projet Hercule a pour but d'ouvrir des investissements supplémentaires au prix de l'ouverture du capital du groupe à des tiers pour les distributions de basse tension ? Les élus locaux sont inquiets.

Enfin, qu'en est-il du plafonnement de l'Arenh dans un contexte très concurrentiel ? Comment le Gouvernement accompagnera-t-il EDF ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - EDF doit être un acteur central des énergies renouvelables et financer le grand carénage du parc existant. La mise en place des compteurs Linky est aussi un investissement considérable. C'est pourquoi l'État a recapitalisé EDF en mars 2017, privilégié les dividendes sous forme d'actions pour laisser des marges de manoeuvre financières à l'entreprise.

La régulation du nucléaire historique est un élément de sécurisation de la trajectoire financière d'EDF. Les tarifs de rachat permettent à EDF d'investir dans les énergies renouvelables.

M. Daniel Gremillet.  - EDF fait partie de nos réussites, notamment grâce à la desserte de tout notre territoire. C'est pourquoi c'est un sujet capital, la reconquête industrielle de notre pays en dépend.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - La PPE prévoit une énergie décarbonée, compétitive et disponible. Le récent séisme qui a frappé l'Ardèche a entraîné l'arrêt de trois réacteurs nucléaires.

Avec 40 gigawatts de puissance disponible, soit ce qui nous attend en 2035, il a fallu faire tourner à plein les centrales au fioul et au charbon ; la France a dû importer de l'électricité d'Allemagne et d'Espagne.

Cela ne laisse pas d'interroger la souveraineté de notre pays, alors que de nombreux pays européens ferment leurs centrales au fioul et au charbon en comptant sur les voisins en cas de coup dur. A-t-elle été bien appréhendée ? Ne faut-il pas une vraie stratégie européenne, mieux coordonnée ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il y a en effet eu des arrêts de centrales par précaution nous conduisant à importer de l'électricité pendant quelques jours. Avec les réacteurs qui étaient également en maintenance, nous avions 40 gigawatts sur les 63 disponibles normalement. La France, habituellement exportatrice, a dû importer, ce qui nous interroge sur notre souveraineté énergétique.

Cela met en lumière la nécessité de diversifier notre mix électrique. La PPE prévoit un développement extrêmement volontariste des capacités de production d'énergie renouvelable, mais également des dispositifs permettant d'accroître la flexibilité de notre système électrique, notamment sous la forme d'effacement ou de stockage par exemple sous forme de STEP. Il s'agit de disposer d'une capacité de production de 74 gigawatts, soit 50 % de plus par rapport à la capacité actuelle, et entre 102 et 103 gigawatts en 2028, soit un doublement. Il s'agit aussi d'augmenter nos capacités d'effacement pour les porter à 6,5 gigawatts. La PPE prévoit d'engager, d'ici 2023, des projets de stockage sous forme de STEP pour un développement de 1 à 2 gigawatts des capacités entre 2025 et 2030. Au travers de cette PPE, nous nous donnons les moyens d'assurer notre souveraineté énergétique, avec de l'énergie décarbonée.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Il faut travailler sur le stockage, avoir un système résilient, mais sans jeter le bébé avec l'eau du bain. Le rendement du solaire est de 14 %, celui de l'éolien de 25 %, celui de l'éolien offshore de 40 % et celui du nucléaire de 70 %.

M. Cyril Pellevat .  - EDF est le premier producteur et opérateur d'électricité, mais il est très endetté - plus de 37 milliards d'euros. Il faudrait réduire les coûts de construction des réacteurs, et surtout s'interroger sur la construction prévue de six nouveaux réacteurs pour 46 milliards d'euros alors que les coûts dérapent déjà. Une fois le projet de Flamanville achevé, le Gouvernement devra se prononcer sur la construction de six nouveaux réacteurs pour remplacer ceux en fin de vie. EDF construit des réacteurs en Angleterre de la même génération pour la centrale d'Hinkley Point et les délais et coûts ont déjà dérapé ; la facture approche les 12 milliards d'euros et devrait être à la charge d'EDF.

Les règles de concurrence desservent notre opérateur national et se retournent contre le contribuable, selon Jean-Bernard Lévy.

La dette d'EDF pèse sur les Français, d'où le projet Hercule de réorganisation de l'entreprise, qui suscite le mécontentement général. (M. Roland Courteau approuve.) Ce projet vise à séparer les activités de production et celles de vente et de distribution. D'une part, il y aurait un EDF bleu, concentré sur le nucléaire et l'hydroélectrique, à la charge du contribuable, et d'autre part, un EDF vert, concentré sur les énergies renouvelables. Enedis verrait son capital ouvert aux investisseurs privés.

Si une réorganisation semble indispensable, pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet qui semble susciter une désapprobation générale ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - EDF a engagé des efforts structurants, avec l'appui de l'État. Sa dette a fortement augmenté ces dernières années en raison d'investissements importants, comme le grand carénage ou la mise en place des compteurs Linky.

Mais elle a mené des actions structurantes depuis plusieurs années. L'État a apporté un concours substantiel, je le rappelle, tant par la recapitalisation que par la prise de dividendes sous formes d'actions. EDF doit prendre toute sa place dans la transition énergétique.

La PPE prévoit la poursuite de l'exploitation du parc nucléaire existant tout en développant massivement les énergies renouvelables, le stockage et les réseaux intelligents.

Le Gouvernement a demandé à EDF de réfléchir à sa réorganisation dans cette perspective. La régulation du nucléaire historique est nécessaire pour donner de la visibilité à l'entreprise.

Le Gouvernement compte pleinement sur EDF pour jouer un rôle central dans la transition énergétique.

M. Patrick Chaize .  - J'associe Mme Marie-Christine Chauvin à ma question sur l'arrêt des études sur le prototype de réacteur nucléaire à neutrons rapides Astrid.

La France a pourtant été pionnière dans ce type d'installation qui produirait soixante à cent fois plus d'électricité avec la même quantité d'uranium, sans émettre de gaz à effet de serre et en recyclant la majorité des déchets produits dans une forme d'écologie circulaire. Ce serait une réponse au problème de stockage des déchets.

Qu'en est-il d'EPR 2 ? Flamanville a montré la complexité de ces structures, mais ne nous arrêtons pas au milieu du gué. L'électricité nucléaire est nécessaire au mix énergétique. Quand les sites seront-ils retenus ? L'Ain est prêt à en accueillir un à Saint-Vulbas : les infrastructures sont présentes, les surfaces sont disponibles et le besoin en énergie prépondérant.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La France est déterminée à explorer la voie des réacteurs à neutrons rapides de génération 4, refroidis au sodium. Mais l'uranium est abondant et peu cher jusqu'à la deuxième moitié de ce siècle.

Le Gouvernement a donc réorienté l'effort de recherche et développement sur la connaissance du cycle des neutrons rapides, pour maintenir nos compétences.

Nous étudierons tous les scénarios depuis la construction de nouveaux réacteurs nucléaires jusqu'à la poursuite d'un mix 100 % renouvelable. Si le Gouvernement a fixé un premier bilan des réflexions mi-2020, une décision sur le parc nucléaire n'interviendra qu'à la mise en service de Flamanville, fin 2022.

M. Patrick Chaize.  - Certes l'uranium est disponible, mais un réacteur à neutrons rapides réglerait le problème des déchets et maintiendrait notre compétitivité au niveau mondial. Il serait dommage que nous achetions des supergénérateurs à d'autres pays !

Mme Martine Berthet .  - Il y a 75 ans, la France canalisait la puissance de l'eau pour produire de l'énergie. En 2007, elle a ouvert son marché. En 2015, la Commission européenne a voulu inclure les barrages dans l'ouverture à la concurrence, avant de lancer une procédure d'infraction contre la France en 2019. La France serait alors la première à ouvrir ses barrages à la concurrence. Les bénéfices de 1,25 milliard d'euros attisent les convoitises des investisseurs. Or une ouverture mettrait nos infrastructures à la merci de puissances étrangères, avec à la clé une hausse de prix de l'électricité, selon un rapport de 2013. Souvenez-vous de la privatisation des autoroutes !

Il y a 132 barrages en France, dont 26 barrages en Savoie, et un consensus contre une ouverture irrationnelle. Comment peut-on sacrifier un patrimoine, des emplois, un haut niveau d'expertise ?

L'hydroélectricité, c'est 13 % de la production d'électricité française et 70 % des énergies renouvelables en France. C'est un enjeu de sécurité d'approvisionnement, le premier moyen de stockage de l'électricité, une source froide pour les installations nucléaires, un moyen d'irrigation agricole...

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Martine Berthet.  - Quand seront mis en place les outils pour associer les collectivités territoriales à la gestion de nos barrages ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La France connaît une situation atypique non parce que les gouvernements précédents auraient omis d'inscrire les concessions hydroélectriques comme exception à la directive européenne, mais parce que la France est le seul pays qui gère ses barrages sous forme de concessions. Dans les autres pays, ils sont la propriété des opérateurs. Selon la Commission européenne, lors du terme de la concession, celle-ci doit être mise en concurrence.

Les collectivités locales peuvent être associées à l'exploitation de ces concessions sous forme de sociétés d'économie mixte. Les concessions peuvent être regroupées pour en assurer la sûreté et elles peuvent être prolongées pour travaux.

Malgré les contentieux avec la Commission européenne, le Gouvernement poursuit ses discussions pour trouver une solution. La piste d'un opérateur 100 % public est à l'étude.

Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe de l'Union centriste .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La vision stratégique dans le long terme sous-tend notre politique énergétique. Si les choix s'opèrent dans l'instantanéité d'un seuil de rentabilité économique, cela signifierait que les enjeux environnementaux sont secondaires, ce qui n'est pas acceptable.

Les consommations individuelles, les mobilités, les pratiques de la société en général, doivent se décarboner, mais comment ? Pour gagner, les choix doivent être lisibles. Le premier risque est sans doute de perdre en chemin le consommateur, qui détient pourtant les clés.

Le président Marseille a rappelé l'exemple de la filière nucléaire avec l'oubli problématique du traitement des déchets. Voyez les files d'attente à La Hague.

Au moment où les mobilités électriques vont entraîner des hausses de consommation, où le parc vieillit, où l'EPR a plombé les comptes, la France n'a plus les moyens de ses hésitations. Le choix d'un mix énergétique stable et cohérent est indispensable.

On ne doit pas voir fleurir des projets éoliens déconnectés de la carte des vents. L'hydroélectricité reste l'énergie renouvelable la moins polluante et vous nous avez rassurés quant à son avenir. On ne peut se priver de faire une place à l'autoproduction, la ressource de proximité étant forcément la meilleure.

On ne peut déconnecter les politiques tarifaires des politiques environnementales. On ne peut pas demander au secteur électrique de faire les frais de nos incohérences. Au contraire, les grandes compagnies électriques devraient conserver des moyens dans la durée. De leur stabilité dépend notre sécurité d'approvisionnement.

Les fournisseurs d'électricité européens ont été contraints de se restructurer et de changer leurs stratégies. Des changements profonds interviennent aussi, à l'autre bout de la chaîne, chez les consommateurs - preuve de l'indispensable cohérence entre l'amont et l'aval.

De nouveaux services sont devenus nécessaires dans un univers énergétique devenu intelligent : flexibilité, aide au contrôle de la consommation... Le numérique, qui aide en amont à lisser les apports dans le réseau, et qui répond en aval aux attentes des consommateurs, sera une aide précieuse pour conserver l'efficience économique du système. La digitalisation doit permettre au client de devenir réactif aux changements de prix, levier possible vers une tarification environnementale.

Le paquet « Énergie propre » adopté au printemps par l'Union européenne contient plusieurs mesures susceptibles d'accélérer le remodelage du secteur.

EDF peut s'adapter si on lui en donne les moyens. Nous savons où nous voulons aller, madame la ministre, mais avec qui ? Avec Hercule, avec Astrid ? Avec EDF ou sans elle ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SOCR)

Accord en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la CMP relative à la loi Engagement et proximité est parvenue à un texte commun.

Prochaine séance demain, jeudi 12 décembre 2019, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 10.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du jeudi 12 décembre 2019

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, -vice-président

Secrétaires : MM. Guy-Dominique Kennel et Daniel Dubois

1. Débat sur la situation et le rôle de l'OTAN et sur la place de la France en son sein (demande du groupe CRCE)

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président

2. Proposition de résolution en application de l'article 341 de la Constitution, sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale, présentée par Mme Françoise Laborde et plusieurs de ses collègues (n°588, 2018-2019)

3. Proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs, présentée par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues (n°746, 2018-2019)

Nominations à une délégation sénatoriale

M. Hervé Gillé est membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, démissionnaire.