SÉANCE

du mercredi 22 janvier 2020

50e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur notre site internet et sur Facebook.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et à celui du temps.

Infrastructures routières

M. François Calvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Avec Jean Sol, nous avons une pensée pour les habitants et les services de secours de notre département des Pyrénées-Orientales, frappé par la tempête Gloria.

Je m'inquiète du retard qualitatif et quantitatif de nos infrastructures de transports, notamment le réseau routier national. Le 15 mai dernier, monsieur le ministre des transports, vous affirmiez que 50 % des chaussées étaient à renouveler et qu'un pont sur dix était en mauvais état. Les investissements supplémentaires nécessaires s'élèvent à 1 milliard d'euros par an. Dans les deux derniers budgets de l'État, le compte n'y est pas.

Plus inquiétant, les crédits routiers ne figurent pas dans les objectifs du nouveau contrat de plan 2021-2027. Est-ce réellement le cas ? Le transfert des routes nationales vers les collectivités territoriales figurera-t-il dans le projet de loi de décentralisation, différenciation et déconcentration, dit 3D, et quels crédits y seront affectés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - Le Gouvernement est pleinement conscient des retards accumulés dans la régénération du réseau national du fait de sous-investissements chroniques. C'est pour cela qu'il a lancé un audit externe en 2017 et inscrit 850 millions d'euros de crédits pour 2020 avec un objectif de 1 milliard d'euros pour 2023. La loi d'orientation des mobilités (LOM) prévoit également un plan de désenclavement des territoires ruraux doté de 100 millions d'euros par an.

Il n'y a pas de projet systématique de décentralisation des routes, même si certaines collectivités territoriales en ont fait la demande. Le Gouvernement entend aussi agir préventivement sur les ouvrages d'art. (Plusieurs applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. François Calvet.  - En 2012, la France était le premier pays mondial pour la qualité de ses infrastructures routières. Elle est aujourd'hui dix-huitième. L'abandon de la déclaration d'utilité publique sur la RN 116 Perpignan-Espagne-Andorre et l'inaction sur la LGV Perpignan-Montpellier sonnent le glas du milieu rural. On est bien loin des promesses du Président de la République pendant le grand débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Exactions de groupes radicalisés

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, la société française va mal ; nous sentons les tensions sociales monter dans nos départements, sur fond de réforme des retraites. Certains empêchent des prestataires d'accéder à des dépôts de gaz, les dockers lancent des opérations « port mort » ; on coupe l'électricité dans le Val-de-Marne - quelque 30 000 foyers et l'Orlyval ont été privés de courant hier.

Depuis plusieurs mois, nos sapeurs-pompiers sont en grève pour obtenir des moyens supplémentaires et dénoncer les violences dont ils font l'objet. Cette semaine, les épreuves communes du bac ont été perturbées. Les incidents et les violences se multiplient ; le Président de la République a dû quitter un théâtre en cours de représentation, ce qui constitue un fait inédit.

Violences de manifestants, répliques de forces de l'ordre épuisées, actions coup de poing : notre pays vit au rythme du risque d'une immobilisation qui suscite de vives inquiétudes des acteurs économiques, mais aussi la lassitude et la colère de nos concitoyens.

Quelles initiatives concrètes prendre pour que le climat change et que la concorde nationale revienne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Éliane Assassi.  - Retirez votre projet !

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je partage votre constat. Le débat public est souvent vif dans notre pays, comme les réactions sociales aux réformes, quel que soit d'ailleurs le Gouvernement en place. La loi sur le travail, dite El Khomri, avait déjà donné lieu à des violences. Il n'est pas question de nier à quiconque la possibilité de faire grève ni de manifester. Les grèves sont légales, comme les manifestations. Mais nous voyons aussi des blocages, des comportements violents et des actes totalement opposés à l'esprit de service public, illégaux et inacceptables.

Hier, près de 60 000 Franciliens ont été privés d'électricité. Cette coupure a interrompu les activités économiques, les transports publics, les appareils de la vie quotidienne mais aussi le matériel médical.

La grève est légale y compris dans le secteur de l'énergie ; et la plupart des grèves s'inscrivent dans la légalité. En cas de nécessité pour la sécurité nationale, les grévistes obtempèrent aux réquisitions. Leur comportement ne pose aucun problème. Ceux qui accomplissent des actions illégales et dangereuses, inacceptables, doivent être directement sanctionnés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM, ainsi que sur quelques travées du groupe RDSE) Il ne peut pas en être autrement.

Concernant la réforme des retraites, le dialogue n'a jamais été rompu. (Protestations sur les travées à gauche) Nous n'avons jamais cessé de discuter avec les organisations syndicales, même si certaines rejettent par principe la retraite universelle et le système par répartition et par points. Il en est d'autres, et pas des moindres, qui pensent qu'il s'agit d'un bon système et nous travaillons avec toutes dans la confiance et le respect. C'est ainsi que nous sortirons de la tension ; chacun des partenaires sociaux, chacun de nos concitoyens doit assumer ses responsabilités, y compris ceux qui se rendent coupables de coupures illégales. La solution réside dans la responsabilité individuelle, l'engagement collectif et le dialogue. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE et UC)

M. Loïc Hervé.  - Chacun joue son rôle. Le Sénat peut jouer un rôle et être mieux qu'un simple exutoire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Opération « Choose France »

M. Martin Lévrier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) « Why Choose France ? » (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche) Lundi, un contrat de deux milliards d'euros de navires de plaisance a été annoncé par le Premier ministre entre MSC Croisières et les chantiers de l'Atlantique. Il précédait de quelques heures le sommet « Choose France » réunissant 200 entrepreneurs mondiaux accueillis par le Président de la République dans un site exceptionnel et de renommée internationale, le château de Versailles. (Exclamations et rires ironiques sur diverses travées)

Voix à droite.  - Courtisan !

M. Martin Lévrier.  - Il est révélateur de ce qu'est la France. MSC Croisières est présidé par un entrepreneur italien, M. Aponte. Les chantiers de l'Atlantique sont le plus grand chantier naval d'Europe, concentrent un savoir-faire incalculable et ont été créés au XIXe siècle par un industriel écossais. De l'Ecosse à l'Italie, nous démontrons que notre pays est un territoire de développement industriel.

Après trente ans de déclin régulier, (Protestations à gauche) la France connaît un regain d'activité industrielle. Outre ce contrat, le rapport d'Ernst et Young du 13 janvier confirme la pole position de la France en Europe en termes d'attractivité industrielle.

Voix à droite.  - Fayot !

M. Martin Lévrier.  - À long terme, six cadres dirigeants sur dix à l'étranger considèrent que la France est plus attractive depuis deux ans.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous rappeler pourquoi on choisit la France ? (Rires et huées sur de nombreuses travées tandis qu'on applaudit sur les travées du groupe LaREM.)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Je vous remercie de votre question. (Rires et applaudissements sur de nombreuses travées) Je me réjouis de voir l'enthousiasme suscité par ces annonces sur les bancs de cette assemblée.

Ce contrat, ce sont dix millions d'heures de travail et 2 400 emplois supplémentaires. Citons aussi les annonces de Coca-Cola et d'AstraZeneca qui créeront des centaines d'emplois dans les Hauts-de-France. Plus de deux millions de Français sont employés par des entreprises étrangères en France. Cette attractivité est essentielle pour tous les emplois dans tous les territoires.

Voix à droite.  - La France, un paradis !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Cette attractivité ne tombe pas du ciel : elle est due aux réformes du Gouvernement (Brouhaha à droite) et à la constance de nos efforts. C'est grâce à elle que 500 000 Français ont retrouvé un emploi depuis 2017. Soyez assurés que nous continuerons ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. David Assouline.  - Nous voilà rassurés !

Auxiliaires de vie scolaire

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Les réformes concomitantes des retraites et du bac ont fait éclater deux conflits parallèles dans l'enseignement. Mais ces sujets ne doivent pas masquer d'autres sujets toujours d'actualité comme l'accueil des élèves en situation de handicap. Passer son bac pour certains relève du parcours du combattant. Car pour ce faire, il faut une scolarité ininterrompue donc une école pleinement inclusive depuis le plus jeune âge. Pour y parvenir, il faut pouvoir s'appuyer, à côté des enseignants, sur des personnels formés, reconnus et en nombre suffisant.

La réforme de 2016 a transformé les auxiliaires de vie scolaire (AVS) en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et à la création d'un diplôme dédié. Les difficultés n'ont pour autant pas disparu. Les pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) ont beaucoup fait parler d'eux, et pas toujours en bien.

Les inspecteurs d'académie ne bénéficient d'aucune marge de manoeuvre pour remplacer les AESH en cas de congé maladie ou maternité. D'une part, les contrats prévoient un recrutement sur trois ans et l'enveloppe est utilisée dès la rentrée et en totalité pour l'accompagnement des enfants disposant d'une notification Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il leur est ainsi impossible de recruter des remplaçants.

Les élèves et les professeurs partagent alors l'accompagnant d'un autre élève ou en sont privés. Alors que les AESH sont indispensables et que l'école connaît une crise des vocations, quelles mesures de simplification comptez-vous proposer pour une scolarité encore plus inclusive ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Permettez-moi d'excuser M. Blanquer qui est en Israël et dans les territoires palestiniens avec le Président de la République.

L'école inclusive est une question centrale. Une petite révolution a eu lieu cette rentrée à l'éducation nationale avec un service public de l'école inclusive.

Ce n'est plus à la famille et à l'enfant d'attendre un accompagnement en arrivant à l'école mais l'inverse. Évidemment, il y a du retard et des difficultés mais les choses s'améliorent.

Nous luttons contre la précarité des AESH avec des contrats robustes, sur trois ans, renouvelables une fois et qui peuvent ensuite devenir des contrats à durée indéterminée. Plus de 83 % des AESH bénéficient désormais d'un contrat de trois ans. Les difficultés de remplacement, ici ou là, ont été identifiées. Nous agissons pour que les choses s'améliorent encore dès la rentrée prochaine. (Plusieurs applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Rapport d'Oxfam

M. Éric Bocquet .  - Le quinquennat a débuté sous les accents de l'Hymne à la joie. Depuis, l'orchestre gouvernemental nous joue régulièrement la Symphonie du nouveau monde. Lors du concert budgétaire de l'automne dernier, le chef d'orchestre Bruno Le Maire et son premier violon, Gérald Darmanin, avec Olivier Dussopt à la flûte traversière (Rires) nous ont joué l'air de la justice fiscale et de la redistribution des richesses.

Mais il y eut un couac lorsque l'Insee rapporta que 400 000 concitoyens supplémentaires étaient entrés dans la pauvreté, portant ainsi à 14,7 % le taux de personnes vivant dans notre pays sous le seuil de pauvreté, au sein de la sixième puissance économique mondiale. Un rapport édifiant d'Oxfam publié hier montre que Bernard Arnault a augmenté sa fortune de 41 milliards de dollars en moins d'un an. Cela correspond à une prime de 552,07 euros pour chaque Français, bébés compris. M. Arnaud gagne 11,60 euros chaque seconde. Au total, sa fortune est évaluée à 105,5 milliards d'euros, soit plus que le PIB de la Croatie et de la Côte d'Ivoire.

Vous allez nous interpréter la mélodie du ruissellement. Mais cette belle réussite de Bernard Arnault est liée à la suppression de l'ISF et à la réduction de la taxation des dividendes. Mais, comme ma soeur Anne, on ne voit rien venir. Vous vous interrogez sur le financement des retraites : il y a là une piste à explorer.

Quand allez-vous changer votre musique budgétaire et fiscale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur diverses travées du groupe SOCR)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je jouerai une corde différente dans votre jolie symphonie. Les chiffres de l'Insee sont provisoires. La prime d'activité a été augmentée et 6 milliards d'euros ont été dédiés à la hausse de l'AAH et de la prime vieillesse. Le taux de pauvreté a baissé de 0,5 point au premier trimestre 2019, et de 0,9 point pour les familles monoparentales. Des mesures de garantie de versement de la pension alimentaire ont été prises en faveur des femmes. Avec cette mesure dotée de 42 millions et qui entrera en vigueur le 1er juin, les familles monoparentales seront sûres de percevoir enfin leur pension alimentaire.

Nous avons supprimé l'ISF pour que les entreprises puissent recréer de l'emploi. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Et cela fonctionne. D'ailleurs, si l'ISF était un tel remède miracle, peut-être n'aurions-nous pas trouvé un tel taux de pauvreté en arrivant aux affaires. Nous accompagnerons au quotidien les titulaires du RSA, avec 135 millions d'euros versés aux départements en 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. le président.  - Il vous reste onze secondes pour une petite fugue, monsieur Bocquet. (Sourires)

M. Éric Bocquet.  - Il ne faut pas un bis mais une réécriture complète de toute la partition ! Dans les rues de nos villes, la musique a déjà changé. On interprète Le Lac des cygnes sur le parvis de l'Opéra Garnier et on chante le choeur des esclaves de Verdi aux voeux de Radio France. Je crains que votre concert quinquennal ne se termine par la Symphonie pathétique, voire le Requiem de Mozart. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur diverses travées du groupe SOCR ; M. Olivier Paccaud applaudit également.)

Nuances politiques pour les municipales (I)

M. Didier Marie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Vous avez voulu, monsieur le ministre de l'Intérieur, dans une circulaire aux préfets quasi secrète, rendre illisibles les résultats des municipales de mars, en portant de 1 000 à 9 000 habitants le seuil de nuançage électoral et en inventant une nouvelle nuance du centre, pour les listes investies par LaREM et le Modem, et celles que ces partis soutiennent, même si elles ne l'ont pas demandé !

Voici venir, après les candidats « malgré eux » de 2014, les candidats « soutenus malgré eux » de 2020. Belle manoeuvre, Monsieur le ministre, pour gonfler artificiellement les résultats de la majorité. Retirez cette circulaire bien peu conforme aux valeurs démocratiques de notre République. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées des groupes CRCE et Les Républicains ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Il n'y a rien de secret. Le 9 octobre dernier, j'ai évoqué en réponse à une question d'actualité de M. Maurey ce nuançage qui était imposé par les préfets jusqu'en 2014 et j'ai alors mentionné le seuil de 9 000 habitants, qui correspond à une réalité précise : la nécessité de désigner un mandataire financier et de déposer des comptes de campagne, qui font l'objet d'un remboursement par l'État.

En 2014, 82 % des candidats dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants avaient été nuancés par les préfets sous les étiquettes divers gauche, divers droite ou divers. Nous avons travaillé ensemble à partir de cette réalité-là.

Le 15 octobre, vous avez adopté un amendement de M. Masson en ce sens avec l'avis favorable des rapporteurs Gatel et Darnaud. Le Gouvernement a tenu l'engagement qu'il avait pris en commission mixte paritaire d'élaborer, à la demande de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et de l'Association des maires de France (AMF), une circulaire affirmant le principe de l'étiquette politique décidé par les candidats et retirant aux préfets le soin du nuançage qui était parfois contesté par les candidats eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE)

M. Didier Marie.  - Aucune association d'élus n'avait demandé le seuil de 9 000 habitants !

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bien !

M. Didier Marie.  - L'AMF vous demande aujourd'hui d'y renoncer et de maintenir le seuil de 1 000 habitants à partir duquel les élections se font au scrutin de liste. En intégrant une nouvelle nuance « sans étiquette », ne prenez pas les listes en otage.

En réalité, vous êtes inquiets des résultats probables de LaREM, (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains) c'est pour cela que procédez à ce tripatouillage électoral. Vous paniquez devant des sondages défavorables et devant les dissidences, y compris au sein du Gouvernement.

Vous faites comme le coucou : vous pondez dans le nid des autres. Retirez cette circulaire. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains)

Démarchages téléphoniques abusifs

M. Alain Fouché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Depuis le 20 janvier, une pétition en ligne d'associations de consommateurs, signée par près de 200 000 personnes, appelle les pouvoirs publics à interdire le démarchage téléphonique. Il ne se passe pas un jour sans qu'une personne ne vienne se plaindre dans ma permanence ou que je reçoive moi-même ces appels, sur mon portable ou ma ligne fixe, qui viennent souvent de plateformes étrangères.

La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) se dit très émue face à ces abus. Les opérateurs se réclament des départements, régions et même de l'État.

Bloctel, qui permet l'inscription sur une liste de non-démarchage, est inefficace et trop cher pour les entreprises. La proposition de loi envisagée en augmenterait encore le coût.

Quelles mesures prévoyez-vous contre le démarchage téléphonique abusif tout en préservant les emplois français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe LaREM)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Ces appels répétés empoisonnent la vie de nombre de nos concitoyens, et souvent des personnes âgées. Ces nuisances perdurent car les acteurs sont très bien organisés dans la poursuite de ces activités délictuelles. Avec Agnès Pannier-Runacher, nous avons renforcé les contrôles et l'information de nos concitoyens.

MM. François Bonhomme et Philippe Mouiller.  - Cela ne se voit pas !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Plus de 1 000 établissements ont été contrôlés en 2019 et 66 de ces contrôles ont donné lieu à des amendes, de quelque 2,3 millions d'euros en 2019, soit trois fois plus qu'en 2018. La DGCCRF publie également ses décisions - 15 récemment. Cela se généralisera ces prochains mois.

Le Gouvernement soutient plusieurs dispositions de la proposition de loi du député Christophe Naegelen qui renforcera les contrôles et les sanctions. Nous prévoyons jusqu'à 375 000 euros d'amende et l'interdiction de certains secteurs. Je puis vous assurer de la mobilisation du Gouvernement sur cette question. (Applaudissements sur diverses travées du groupe LaREM)

M. François Bonhomme.  - Olé !

M. Alain Fouché.  - Monsieur le ministre, continuez à être ferme ! (Plusieurs rires sur les travées du groupe Les Républicains)

Blocage des ports

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plusieurs grands ports français sont bloqués. C'est l'opération « ports morts » lancée pour protester contre la réforme des retraites.

M. Claude Malhuret.  - C'est honteux !

Mme Agnès Canayer.  - « Rien ne sort, rien ne rentre », pour reprendre les mots des manifestants, parfois depuis deux mois.

M. Claude Malhuret.  - Incroyable !

Mme Agnès Canayer.  - C'est une catastrophe économique pour toute la chaîne logistique, à commencer par les transporteurs routiers ; les usines ne sont pas approvisionnées, les exportations agricoles sont compromises, les navires se déroutent vers d'autres ports européens. Un chef d'entreprise m'a dit : on met à mort les ports.

M. Pierre Laurent.  - Les ports, ce sont aussi des salariés.

Mme Agnès Canayer.  - Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour aider ces entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bonne question.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - L'activité économique des ports s'est fortement contractée ces dernières semaines, les navires se déroutent sur d'autres ports européens, peut-être définitivement. (M. Claude Malhuret s'exclame.) Les mouvements sociaux nuisent gravement à l'attractivité économique et à l'image des ports français. Fret ferroviaire et transport de marchandises en sont les victimes collatérales.

J'ai réuni hier tous les acteurs concernés pour annoncer des dispositifs d'accompagnement et redonner des perspectives : remboursement accéléré du CICE et de la TVA, report d'échéances sociales et fiscales, lignes de crédit à BPI France, remboursement accéléré de la TICPE pour les routiers, non-facturation des péages non utilisés par les opérateurs de fret. Le dispositif d'aide au transport combiné est pérennisé, à hauteur de 27 millions d'euros par an.

Un bilan du coût des mouvements sociaux sera dressé pour chaque port. Le Gouvernement est mobilisé à court et à long terme pour soutenir ces filières d'avenir.

Mme Agnès Canayer.  - Il y a urgence. Les ports sont nos poumons économiques. Certaines entreprises ont perdu jusqu'à 40 % de leur chiffre d'affaires, alors que ce conflit ne les concerne pas. Ne les laissons pas tomber ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

Mobilisation des avocats contre la réforme des retraites

M. Jacques Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Lors des réunions de rentrée, dans tous les tribunaux, les avocats jettent leur robe. Ils sont en grève, inquiets de la réforme des retraites que le Gouvernement veut leur imposer. Alors que leur régime est équilibré et solidaire, qu'il reverse 100 millions d'euros chaque année au régime général, ils vont voir leurs cotisations exploser.

Ma question est claire : que comptez-vous proposer pour faire cesser cette grève ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - J'ai le souci du dialogue avec les avocats (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.) et rencontre fréquemment leurs représentants, au niveau national et local. Cette profession, essentielle à la justice, connaît de fortes évolutions ; je suis prête à dialoguer sur la meilleure façon de les envisager. Sur la question des retraites, j'ai rencontré à plusieurs reprises les représentants nationaux de la profession ; je regrette la position de principe de refus d'entrer dans un régime universel de retraite, qui est un régime de justice sociale. (On le conteste à gauche.)

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas vrai.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il présente aussi des avantages pour les avocats. Le Conseil national des barreaux a accepté de participer à des réunions techniques ; elles sont en cours. Avec le Premier ministre, je rencontrerai les avocats demain soir pour prendre en compte les spécificités de leur régime dans le cadre du régime universel. Je ne doute pas que nous aboutirons à des solutions satisfaisantes.

Je respecte le droit constitutionnel de grève mais déplore les actions de blocage qui paralysent des juridictions et portent tort à nos concitoyens.

M. Martial Bourquin.  - Vous en portez la responsabilité !

M. Jacques Bigot.  - Le jour où vous aurez réussi la paupérisation complète des avocats, vous n'aurez plus de commis d'office ni d'aide juridictionnelle !

Le 17 octobre 2018, vous annonciez un projet sur l'aide juridictionnelle qui devait aboutir au printemps 2019. Nous n'avons rien vu venir. La justice est en train de s'effondrer ! Un jeune avocat ne débute pas à 40 000 euros à 23 ans, comme le dit le ministère : ils ont 26 ans et démarrent à 23 000 euros au mieux. Un libéral paie l'intégralité des cotisations, or celles-ci vont doubler.

Sans avocat, plus de justice ni de démocratie. Ne cherchez pas à sauver le Gouvernement, madame la ministre, sauvez l'état de droit ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, UC et Les Républicains)

Nuances politiques pour les municipales (II)

Mme Vivette Lopez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous sommes nombreux à nous interroger sur cette nouvelle fantaisie du Gouvernement qu'est la circulaire sur le nuançage.

« Clarté et transparence », dites-vous ? Sans aucune consultation, vous annoncez que seuls les résultats des communes de plus de 9 000 habitants seront pris en compte dans les résultats nationaux par parti, excluant de fait 96 % des communes et 54 % des électeurs. Cela ne s'est jamais vu ! Cerise sur le gâteau, vous créez une nuance dite « divers centre » qui intégrera toute liste soutenue par LaREM, l'UDI ou le Modem, même si la tête de liste est investie par un autre parti. Incroyable ! C'est camoufler l'identité des listes. Comment le justifiez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Une nouvelle fantaisie, dites-vous ?

Il y a quelques jours, le site de l'Association des maires de France affichait un message - effacé depuis - indiquant que cette circulaire n'a rien d'inhabituel et qu'il est d'usage depuis la IIIe République de demander aux préfets d'attribuer des nuances aux listes candidates aux élections municipales. Mais les étiquettes politiques appartiennent à ceux qui les déclarent et non aux préfets. (Exclamations à gauche)

M. Jérôme Durain.  - Et le seuil des 9 000 habitants ?

M. Christophe Castaner, ministre.  - Mme Rabault, présidente du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, avait présenté un amendement pour « protéger la liberté du choix politique » qui interdisait au préfet d'attribuer une nuance d'office. Idem pour les députés Hetzel ou Jégo qui rappellent, à raison, qu'il est insupportable pour les maires ruraux d'être classés politiquement. (Exclamations)

Toutes les étiquettes politiques déclarées par les candidats seront prises en compte. Si un candidat est déclaré Les Républicains, il sera pris en compte comme tel. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Bruno Retailleau se lève et s'incline, mains jointes, ironiquement.)

Mme Vivette Lopez.  - Oui, certains maires ruraux préfèrent être sans étiquette, mais en occultant 96 % des communes françaises, vous les rayez de la carte ! Vos promesses sont de belles paroles qui s'évanouissent dans la nature, sitôt votre porte fermée. C'est sans doute pour cela que nos mers sont si polluées ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Impact économique du reste à charge zéro

Mme Sonia de la Provôté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis le 1er janvier, le reste à charge zéro est en vigueur pour les lunettes, les prothèses auditives et certaines prothèses dentaires. Le remboursement des montures est de 100 euros maximum. Or les produits « reste à charge zéro » ne sont pas produits dans l'Hexagone, mais dans les pays à bas coût comme la Chine. Les lunetiers français, hors haut de gamme, doivent délocaliser la production et la filière a perdu près d'un tiers de ses emplois. Parallèlement, les opticiens craignent que le moindre remboursement des frais d'optique ne se répercute sur leur chiffre d'affaires.

Même scénario pour les prothèses dentaires, qui ne sont presque plus fabriquées en France. Leur équilibre économique étant fragilisé, les cabinets dentaires cessent leur activité pour les soins courants... Idem pour les prothèses auditives. J'ajoute que les prothèses très coûteuses pour les cas complexes d'hypo-acousie ne sont pas intégrées.

Le reste à charge zéro est une mesure certes séduisante mais qui n'est pas sans conséquences. On risque de perdre à la fois un savoir-faire industriel et des professionnels dans les territoires. Quelles mesures envisagez-vous pour enrayer les conséquences économiques pour les filières ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le 100 % Santé est une très belle réforme qui repose sur la qualité des produits choisis. Trop longtemps, nos concitoyens n'ont pu accéder à des soins indispensables mais inabordables. La réforme a été co-construite avec les professionnels des filières et les organismes complémentaires. Depuis le 1er janvier, les lunettes sur prescription sont totalement remboursées ; l'équipement est de grande qualité.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Ce n'est pas la question !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Les montures, les verres doivent se conformer à de hautes exigences techniques. Les verres sont tous amincis, traités antirayures et antireflets ; environ 850 sont référencés. On est loin de la lunette « Sécu » d'il y a cinquante ans ! Il y a un vaste choix de taille, de couleurs, de matières. Voici un exemple d'une offre du 100 % Santé à 30 euros, d'excellente qualité. (Mme la ministre chausse une paire de lunettes, provoquant sourires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM.) Nous devons aux Français non seulement l'accès aux soins, mais à des soins de qualité. Cette réforme le permet. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Sonia de la Provôté.  - Ma question ne portait pas sur la qualité mais sur le pays de fabrication des produits. Nous attendons un bilan de l'impact de cette mesure sur l'activité économique, sur l'emploi, sur le renoncement à certains soins qui ne sont plus remboursés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Coupures d'électricité dans le Val-de-Marne

Mme Catherine Procaccia .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après Bordeaux, Nantes, Lyon, Perpignan, Agen, Marseille, une nouvelle coupure générale d'électricité, revendiquée par la CGT Énergie, a touché hier le Val-de-Marne, privant 135 000 habitants d'électricité et de chauffage dans dix villes. L'aéroport d'Orly, le marché Rungis ont été touchés ; des feux tricolores à l'arrêt ont provoqué des accidents ; les pompiers ont dû intervenir d'urgence ; des personnes se sont trouvées bloquées dans le tram ou l'Orlyval, d'autres, prisonnières dans des ascenseurs. Et cela dans un département limitrophe de Paris !

Il est surréaliste d'entendre ces individus, sûrs de leur impunité, annoncer de nouvelles coupures. Quelles sanctions prévoyez-vous, monsieur le Premier ministre ? Chacun peut-il faire ce qu'il veut en France sans craindre les conséquences ? Ces irresponsables mettent en danger la vie des Français. Leur impunité est insupportable. Allez-vous faire respecter le droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et Les Indépendants)

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Une coupure sauvage a eu lieu hier matin au poste Enedis de Rungis. Plus de 60 000 clients ont été affectés dans le Val-de-Marne, mais aussi les Hauts-de-Seine et l'Essonne. La CGT Énergie revendique des coupures « ciblées ». Mais sur qui, sur quoi ? Sur les milliers de salariés du marché de Rungis ? L'hôpital de jour d'Orly ? Les transports en commun ? Les foyers ? Non : ce sont des coupures aveugles, très pénalisantes et dangereuses.

M. François Bonhomme.  - Quelles sanctions ? (On renchérit à droite.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Ces agissements sont le fait d'une infime minorité de grévistes ; la grande majorité applique la loi. Je condamne fermement ces actes illégaux, qui feront l'objet de poursuites judiciaires, Enedis ayant déposé plainte.

Il existe des moyens démocratiques d'exprimer un désaccord. Les coupures, comme les envahissements et les blocages, feront l'objet de poursuites et de sanctions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Pierre Louault et Jacques Le Nay applaudissent également.)

Mme Catherine Procaccia.  - Vous n'avez pas dit quelles seraient les sanctions ! L'État doit se constituer systématiquement partie civile et demander réparation intégrale. Parler, condamner ne suffit pas : agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Malhuret applaudit également.)

Formation des enseignants

M. Guillaume Arnell .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Pas une semaine sans des faits de violence au sein de nos établissements scolaires : vendredi au collège Alain-Fournier d'Orléans, lundi au collège Gérard-Philippe à Clermont-Ferrand ou à Saint-Laurent du Maroni en Guyane.

Menaces, coups, agressions à l'arme blanche sur les élèves ou les personnels se multiplient. Or nos enseignants sont trop souvent démunis pour faire face à des situations auxquelles ils n'ont pas été formés.

Il faut transmettre aux futurs citoyens les valeurs de tolérance, de civisme et de laïcité inhérentes à la République, qui se déclinent en droits et devoirs.

En 2015, Najat Vallaud-Belkacem avait remplacé l'éducation civique par le module Éducation morale et civique (EMC). Mais les enseignants n'y sont pas formés. Quel bilan tirez-vous de cette réforme et comment comptez-vous aider nos enseignants à transmettre efficacement les valeurs de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Face à ces jeunes citoyens, ce sont les professeurs et les personnels encadrant qui incarnent la République. Minimiser, relativiser les agressions à leur égard, c'est minimiser des agressions contre nos institutions et ceux qui les incarnent.

Il faut lutter résolument contre la violence à l'école ; c'est l'objet du plan présenté par Jean-Michel Blanquer à la dernière rentrée, avec des mesures concrètes : raccourcissement du délai pour réunir le conseil de discipline, possibilité pour la direction de prononcer seule une sanction, faculté pour l'établissement de porter plainte au nom de l'enseignant victime, entre autres.

L'éducation a évidemment un rôle fondamental. L'EMC est en effet perfectible. Le service national universel y concourra, mais il faut agir plus tôt. Nous avons saisi le Conseil supérieur des programmes pour qu'il nous fasse des propositions. L'an dernier, 25 000 enseignants ont été formés, 150 000 ces cinq dernières années. Oui, la formation est essentielle. Nous la renforcerons. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Aide sociale à l'enfance

Mme Laurence Rossignol .  - La protection de l'enfance craque, nous ne parvenons plus à protéger tous les enfants qui sont confiés ; les structures sont saturées, le personnel en grande difficulté, nous dit la présidente du département de l'Oise. L'Oise, ce sont 1 800 enfants pris en charge, 1 600 places et 200 enfants pour lesquels il faut bidouiller. Il en va de même dans de nombreux départements.

Il est temps de nous interroger sur l'avenir de la protection de l'enfance. Les départements sont mûrs pour discuter d'une plus juste répartition des responsabilités et des moyens avec l'État. Il y a une feuille de route, oui, mais la question est de savoir qui la met en oeuvre, et avec quels moyens.

Je vous demande de prendre l'initiative d'un débat rapide, sur le temps du Gouvernement, ici au Sénat, sur le sujet. Les sénateurs connaissent mieux que quiconque la situation des départements. Monsieur le ministre viendrez-vous débattre avec nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mmes Nathalie Goulet, Joëlle Garriaud-Maylam et Marie Mercier applaudissent également.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - C'est toujours un plaisir de venir débattre ici avec vous.

Nous travaillons sur l'avenir de la protection de l'enfance depuis un an avec les départements, les associations, les parlementaires. Les échanges ont donné naissance à la stratégie de prévention et de protection de l'enfance que j'ai présentée le 14 octobre dernier.

L'État est exigeant avec les départements, qui ont la responsabilité de la mise en oeuvre de cette politique, mais doit aussi l'être avec lui-même, notamment sur la déscolarisation ou la santé. Nous avons ainsi fait adopter le bilan de santé obligatoire à l'entrée dans l'ASE dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous allons investir massivement dans la pédopsychiatrie, abandonnée depuis trente ans, notamment en créant vingt postes de chefs de clinique. L'ensemble des énergies sont mobilisées en faveur de ces enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Laurence Rossignol.  - Il y a un an, un documentaire terrible avait provoqué votre nomination. Un autre, il y a quelques jours, nous a tous bouleversés. Votre réponse n'est pas à la hauteur, même si je connais votre engagement. Je ne voudrais pas qu'un prochain documentaire vous mette en difficulté ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur certaines travées des groupes UC et Les Républicains)

Politique scolaire du Gouvernement

M. Yves Bouloux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La compensation par l'État des frais engagés par les communes au titre de la scolarité obligatoire à 3 ans, prévue par l'article 17 de la loi pour une école de la confiance, est attendue. Cette compensation doit s'appliquer aussi bien pour les établissements publics que pour les établissements privés sous contrat ; les deux tiers des communes finançaient déjà ces derniers.

Le Sénat s'était prononcé pour une prise en charge totale des frais engagés par les communes, qu'elles aient participé ou non à la scolarisation des enfants de moins de 3 ans auparavant, seule cette compensation garantissant l'égalité.

Monsieur Blanquer a semblé aller dans le sens de l'équité en déclarant, lors du débat budgétaire, que les communes recevraient une compensation en cas de hausse des dépenses obligatoires pour les écoles maternelles et élémentaires, et que « personne ne perdrait d'argent dans la nouvelle configuration ».

Mais le décret et l'arrêté parus le 30 décembre ne dissipent pas les inquiétudes. Allons-nous vers une mesure de justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Veuillez excuser M. Blanquer, qui accompagne le Président de la République en Israël.

La scolarisation obligatoire à 3 ans est une mesure républicaine de justice pour que chaque enfant ait un égal accès à l'école et à la transmission des valeurs républicaines.

Le ministre a bien garanti, lors du débat budgétaire, qu'il n'y aurait pas de coûts supplémentaires pour les collectivités locales qui finançaient déjà cette scolarisation.

Si le décret a suscité des doutes, nous travaillons avec les associations d'élus pour les lever. La parole du ministre devant vous est d'or et engage le Gouvernement.

M. Yves Bouloux.  - Ma crainte, c'est notre dette publique abyssale. Trop souvent, des arbitrages sont inversés. Je veux vous faire confiance, pour les communes de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.