L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) est-elle une exigence démocratique ? », à la demande du groupe CRCE.

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR) Le 10 avril 2019, 248 parlementaires ont signé la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, après que l'Assemblée nationale eut voté sa privatisation sans tenir compte du vote contraire du Sénat. Cette initiative presque inédite s'appuie d'abord sur la singularité d'ADP : 13 aérodromes franciliens, des participations dans 26 aérodromes internationaux, 100 millions de passagers par an et 120 millions en 2023 ; c'est la première frontière de notre pays. ADP rapporte 342 millions d'euros de dividendes chaque année, dont la moitié pour l'État ; il est propriétaire de 6 680 hectares d'infrastructures et de terrains et de 355 hectares de réserves foncières.

ADP représente également un enjeu majeur d'aménagement du territoire et de protection de la population.

C'est pourquoi, pour la première fois, un référendum d'initiative partagée (RIP) a été engagé afin que nos concitoyens, en ces temps d'exigence démocratique renforcée, puissent décider du devenir de cette infrastructure essentielle qui relève de la richesse nationale. C'est une exigence d'autant plus importante que cette privatisation est largement remise en cause par des économistes, des juristes, des collectifs de citoyens et des syndicats. De nombreuses études en ont démontré le caractère aberrant comme, au demeurant, celui de la privatisation des aéroports de Lyon et Toulouse, des autoroutes - et je me félicite de la création d'une commission d'enquête au Sénat sur ce sujet - et de nombre d'entreprises publiques.

Le sentiment d'abandon de nos concitoyens doit nous pousser à agir contre le rétrécissement du secteur public et le désengagement de l'État d'activités stratégiques au profit du privé ; il ne faut pas renoncer à un service public fort pour mener une politique économique et sociale sur l'ensemble du territoire, et non au bénéfice d'une caste de nantis.

Ces privatisations ne peuvent être décidées par des technocrates nourris au dogme de la concurrence libre et non faussée, dans le seul but de produire des dividendes pour des actionnaires avides.

Se prononcer pour un référendum sur le sujet est une exigence démocratique ; cela est aussi vrai pour les privatisations larvées des activités rentables d'EDF ou encore des routes nationales, mais aussi la réforme, ou plutôt la destruction des retraites.

La procédure demande cependant un nombre de signatures démesuré : 4 717 396 exactement, soit 10 % des électeurs. Nous le savions lorsque nous avons rejeté l'introduction du RIP dans la révision constitutionnelle de 2008, nous le savions en déclenchant la procédure par la proposition de loi d'avril 2019 : nous ne sommes pas naïfs.

Cependant, nous regrettons l'attitude de blocage du Gouvernement. Ainsi, le ministre de l'Intérieur a mis en place un site pour le recueil des signatures bien peu fonctionnel - surprenant pour la « start-up nation » - et s'est refusé à agir pour l'information de tous nos concitoyens. C'est pourtant un droit constitutionnel, dans le cadre d'une procédure encadrée par l'article 11 de la Constitution, et pas une simple pétition ! C'est d'autant plus important que le Parlement ne peut financer la procédure. L'État doit aussi garantir que les chaînes publiques d'information relaient cette information. C'est cela, le respect du pluralisme.

Or nous en sommes loin : 500 articles ont été publiés sur le RIP contre plus de 13 000 sur le grand débat, pour lequel 12 millions d'euros ont été dépensés - rien pour le RIP... Le constat est le même dans les médias audiovisuels : les chaînes publiques ont diffusé des spots sur la privatisation de la Française des jeux, alors que Radio France refusait de diffuser un communiqué financé par les parlementaires sur leurs propres deniers ! Enfin, le Gouvernement n'a pas saisi la Commission nationale du débat public.

Malgré ce silence assourdissant et les faiblesses du site, nous avons recueilli plus d'un million de signatures : c'est le seuil promis par le Président de la République à la sortie du grand débat. Nous y sommes !

Nous touchons ici aux limites de la monarchie républicaine que constitue notre régime présidentialiste. Alors que les citoyens se méfient de plus en plus de la démocratie représentative, le RIP était une occasion historique de lui redonner du souffle. Au milieu d'un mouvement social sans précédent, Emmanuel Macron a tort de ne pas écouter le peuple de France sur ce sujet comme sur d'autres. Il s'enferme dans un pouvoir à bout de souffle et un système institutionnel vermoulu plutôt que d'ouvrir la porte à une expression citoyenne. C'est regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR)

M. Patrick Kanner .  - Le ministre montre par sa présence que les enfants aiment les avions... (Sourires)

Auty, dans le Tarn-et-Garonne ; Villardebelle, dans l'Aude ; Boussenois, en Côte-d'Or ; Mantet, dans les Pyrénées-Orientales ; Olcani, en Haute-Corse : voilà quelques exemples de la mobilisation des Français sur tout le territoire pour qu'un RIP soit mis en oeuvre sur la privatisation d'ADP, démarche pourtant initialement moquée par le Gouvernement : fantaisie politique, atteinte aux prérogatives du Parlement, mais surtout crime de lèse-majesté jupitérienne ! (M. Roland Courteau et Mme Éliane Assassi s'amusent.) Mais avec un million de signataires, la critique ne tient plus.

M. François Bonhomme.  - Merci Sarkozy !

M. Rachid Temal.  - Et Hollande !

M. Patrick Kanner.  - En effet. Lorsque je compare les moyens dont nous avons disposé aux 12 millions d'euros dépensés pour le grand débat ou au million engagé dans l'information sur la privatisation de la Française des jeux (FDJ), le résultat semble d'autant plus satisfaisant. Le seuil d'un million était celui que le Président de la République proposait dans son projet -  avorté - de réforme constitutionnelle. C'est en tout cas davantage que les 150 Français membres de la Convention citoyenne pour le climat, qui obtiendront peut-être un référendum.

Les commentateurs disent souvent que le Président de la République aime la confrontation directe avec le peuple, qu'il méprise les corps intermédiaires. « Qu'ils viennent me chercher », a-t-il dit. Nous sommes là...

La privatisation d'ADP est une aberration financière, puisque ADP rapporte beaucoup à l'État, économique - Roissy et Orly sont la porte d'entrée des touristes en France - et environnementale : le développement du trafic aérien doit être régulé. L'impact de la privatisation est national : cela mérite un référendum.

Certes, les Français ont aussi d'autres sujets de préoccupation - assurance chômage, retraites, pouvoir d'achat - qui ont tous en commun la morgue avec laquelle le Président et le Gouvernement accueillent les craintes des Français.

Nous proposons une soupape, un moyen d'échanger avec le pays. Refuser ce référendum serait une provocation ; une atteinte à l'exigence démocratique, qui repose sur la souveraineté du peuple. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Olivier Léonhardt .  - La privatisation d'ADP, mise entre parenthèses par la procédure du RIP au lancement de laquelle j'ai participé en co-signant la proposition de loi d'avril 2019, est l'un des grands points d'achoppement de ce quinquennat. Les privatisations ne datent pas d'hier : à partir de 1986, elles ont été engagées par tous les gouvernements successifs, sauf pendant la crise financière de 2008 où la chute des valeurs boursières rendait de telles opérations peu rentables.

Après TF1, les grandes banques, Total ou Usinor-Sacilor, nous avons assisté à l'ouverture du capital de Renault et de France Telecom dans les années 1990 ; puis à partir de 2005, à celle d'EDF et de GDF, de Safran. L'ouverture du capital d'ADP, décidée sous le gouvernement Villepin, a ouvert la voie à la privatisation des aéroports de province : Toulouse, Lyon et Nice.

ADP n'est pas une société comme les autres. Créée à la Libération, elle a accompagné la modernisation de l'économie française. Orly a été mis en service en 1961, Roissy en 1974. Avec 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et un résultat net de 600 millions d'euros en 2018, une filiale internationale implantée dans 24 aéroports et 13 pays, c'est le plus grand groupe de gestion aéroportuaire du monde.

Mais la loi Pacte ne tient pas compte de cette spécificité : ADP figure pêle-mêle avec Engie et la Française des Jeux dans un chapitre consacré aux privatisations. Les enjeux d'ADP dépassent pourtant ceux de la loterie ! C'est l'identité économique de la France qui est en question.

Le Préambule de la Constitution de 1946 précise : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » C'est bien le cas d'ADP, qui est la principale porte d'entrée sur le territoire national.

Le groupe RDSE avait dans sa majorité rejoint celle du Sénat, droite et gauche réunies, pour s'opposer à cette privatisation. À l'évidence, les modalités du référendum d'initiative citoyenne (RIC) sont trop strictes : 10 % des électeurs, cela représente un score de 20 % aux dernières élections. En Suisse, le seuil est de 100 000, soit moins de 3 % du corps électoral ; en Italie, c'est 500 000 !

De plus, beaucoup d'interrogations demeurent sur l'opération. Il est difficile d'obtenir des informations sur le Fonds pour l'innovation qui devrait être financé par la cession ; cela masque mal l'absence de politique industrielle en France. Ajoutons les risques de hausse des redevances aéroportuaires, les conditions de l'indemnisation des actionnaires en cas de reprise par l'État après 70 ans, les risques de suppression des petites lignes non rentables.

Oui, l'organisation d'un référendum sur le sujet est une exigence démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur plusieurs travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Claude Malhuret applaudit également.) Privatiser ADP, c'est passer d'un État rentier à un État investisseur et stratège.

M. Pierre Ouzoulias.  - Un État démissionnaire, oui !

M. Dominique Théophile.  - L'État stratège n'est pas forcément l'État actionnaire de toutes les entreprises. Les cessions alimenteront le Fonds pour l'innovation qui sera doté de plus de dix milliards d'euros, pour investir dans le stockage de l'énergie, l'intelligence artificielle et la robotique et ne pas dépendre de l'étranger pour ces technologies.

Des investissements importants sont nécessaires, justement parce qu'ADP se porte bien : je songe à la construction du quatrième terminal de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Les deux tiers des revenus d'ADP proviennent des boutiques de luxe, hôtels et parkings. Ce n'est pas le rôle de l'État que de percevoir des dividendes de ces activités. (Protestations à gauche et à droite)

ADP est présent dans plus de 30 pays, en particulier dans les aéroports d'Amsterdam et d'Istanbul. Il faut conforter sa stratégie de consolidation internationale.

De plus, ce transfert au secteur privé est assorti de garde-fous. Les investissements seront soumis à l'autorisation de l'État. Les actifs seront incessibles, sauf autorisation expresse de l'État, jusqu'à leur reprise par ce dernier au bout de soixante-dix ans.

Le régime des salariés ne sera pas affecté par la privatisation - grâce à un amendement communiste adopté à l'Assemblée nationale. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE) Dans la procédure retenue, le contrôle de l'État sera supérieur à ce qu'il aurait été dans une concession classique.

M. Patrick Kanner.  - C'est la meilleure !

M. Dominique Théophile.  - Les compagnies seront associées à la fixation des redevances. La sécurité aérienne et la régulation du trafic resteront assurées par l'État.

M. Fabien Gay.  - Mais pas la sûreté !

M. Dominique Théophile.  - Le Gouvernement a renforcé la police de l'air et des frontières il y a un an.

La privatisation était donc nécessaire, même si cet avis n'est pas partagé par certains parlementaires.

M. Fabien Gay.  - Faisons un référendum, alors !

M. Dominique Théophile.  - La procédure du RIP est prévue par l'article 11 de la révision constitutionnelle de 2008. Elle a été lancée à l'initiative de quelque 185 parlementaires.

M. Patrick Kanner.  - Non, 248 !

M. Dominique Théophile.  - Le Conseil constitutionnel a donné son feu vert à cette procédure.

Cependant, la troisième condition n'est pas remplie : à un peu plus d'un million, le nombre de signatures recueillies est loin du seuil de 4,7 millions prévu par la Constitution, à seulement 35 jours de l'échéance. (Mme Éliane Assassi proteste.)

Je ne conteste pas le principe du RIP, mais les conditions de son déclenchement sont sujettes à caution. En effet, le Conseil constitutionnel ne permet pas l'abrogation par le RIP d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an, ce qui est le cas de la loi Pacte.

Le RIP devrait injecter de la démocratie directe dans la démocratie représentative ; au contraire, l'initiative de nos collègues est de nature à créer une brèche dans nos institutions. (Vives protestations à gauche)

M. Rachid Temal.  - Démagogie !

M. Patrick Kanner.  - Le Conseil constitutionnel l'a validé !

M. Dominique Théophile.  - Ce n'est pas conforme à la volonté du constituant exprimée en 2008.

M. Rachid Temal.  - Il ne faut pas déranger Macron !

M. le président.  - Laissez parler l'orateur.

M. Dominique Théophile.  - L'épisode des gilets jaunes a souligné l'urgence d'une plus grande participation directe des Français aux choix politiques. Le Président de la République a proposé d'abaisser le seuil du recours au RIP à un million de participants dans le cadre de la réforme constitutionnelle...

M. Patrick Kanner.  - Où est-elle, cette réforme ?

M. Dominique Théophile.  - Nous concilierons ainsi la légitimité populaire et le respect des institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi.  - Et ?

M. le président.  - J'appelle chacun à écouter les orateurs.

Mme Laurence Cohen .  - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste se mobilise pour créer les conditions d'un référendum. Avec 6 686 hectares de terrain, ADP risque d'être la plus importante privatisation de l'Histoire de France, or les citoyens ne sont pas informés officiellement pour exprimer leur avis. C'est un déni de démocratie.

Je le dis sans chauvinisme : avec 38 400 signatures en faveur du RIP, le Val-de-Marne figure au deuxième rang national. À la Fête de l'Humanité en septembre dernier, au mois de juin à la Bourse du travail de Saint-Denis, nous nous sommes mobilisés. Nous avons mené des dizaines d'actions territoriales avec le parti socialiste, la France insoumise, EELV, Génération.s et Les Républicains.

Les enjeux sont d'abord économiques. Avec la privatisation, l'État renoncera à 170 millions d'euros de dividendes par an, soit 12 milliards sur soixante-dix ans, et indemnisera à hauteur d'un milliard d'euros les actionnaires minoritaires au moment de la renationalisation. C'est donc une triple perte, en incluant le prix de rachat d'ADP au bout de soixante-dix ans. C'est à rebours de tout bon sens. ADP est stable et prospère, comme le montrent l'ouverture prévue en 2025 du terminal 4 de Roissy et la rénovation d'Orly. Votre fonds pour l'innovation ne pourrait-il pas être financé par les dividendes croissants d'ADP ?

Enjeu politique, ensuite. Comme le professeur Paul Cassia l'a montré, ADP étant, avec plus de 100 millions de passagers par an, la première frontière française, privatiser la société menace la capacité de l'État de gérer les entrées et sorties du territoire, qui seront désormais négociées avec un groupe privé.

L'enjeu est aussi constitutionnel puisque l'opération est en contradiction avec le 9e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, sur le fondement duquel le législateur avait refusé une première tentative de privatisation en 2005.

On voit se profiler des suppressions ou des précarisations d'emplois pour les 90 000 salariés de Roissy et des 25 000 d'Orly.

Enfin, les conséquences écologiques sont réelles. La privatisation d'ADP intensifiera le trafic aérien, aggravant les nuisances et mettant en danger le couvre-feu observé entre 23 h 30 et 6 heures. La hausse des tarifs aéroportuaires pourrait également menacer certaines lignes, notamment avec l'outre-mer. Comment garantir la mobilité des milliers d'étudiants ultramarins, alors que les taxes aéroportuaires peuvent atteindre 50 % du prix du vol à La Réunion ?

Oui, l'organisation d'un référendum est une exigence démocratique. C'est le droit des citoyens de protéger les biens communs du service public, le devoir de l'État d'écouter leur mobilisation inédite. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. Pierre Louault applaudit également.) Parmi toutes les mesures de bon sens de la loi Pacte, la privatisation d'ADP a cristallisé les tensions politiques. L'objet de ce débat n'est pas de remettre l'ouvrage sur le métier, mais de déterminer si l'organisation d'un référendum sur ce sujet est une « exigence démocratique ».

Pour y répondre positivement, il faut soit démontrer que cela répond à une demande forte du peuple français, soit prouver que c'est une obligation institutionnelle fondée sur le droit.

Concernant la première question, un critère objectif est la jauge prévue par la Constitution, puisque la demande de référendum doit être signée par 10 % du corps électoral. À ce jour, à peine 2 % des électeurs ont signé : difficile de parler d'une demande populaire forte. (Rires sur les travées du groupe CRCE) Je suis désolé pour vous.

Quant à l'obligation institutionnelle, elle reste lettre morte si le seuil n'est pas atteint. Ni les institutions ni le peuple n'obligent le Gouvernement à organiser ce référendum. (On le conteste sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) C'est la réalité !

De plus, la validation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi engageant la procédure a été jugée comme doublement fautive - juridiquement et démocratiquement - dans une tribune publiée le 14 mai dernier par deux constitutionnalistes de renom. D'abord, une proposition de loi référendaire ne pouvant pas avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an, ses promoteurs ont joué sur les mots en déposant leur proposition avant sa promulgation.

Ensuite, la loi Pacte, qui engage la privatisation, a été validée par le Conseil constitutionnel, comme celui-ci l'a rappelé en publiant, fait rarissime, un communiqué en même temps que sa décision de validation de la procédure. Son président, Laurent Fabius, y indique, dans le vocabulaire prudent du Conseil, que cela peut « donner matière à réflexion sur la manière dont cette procédure a été conçue » - autrement dit, le législateur s'est pris les pieds dans le tapis de la révision constitutionnelle de 2008. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel permettra de proposer un référendum sur tout projet de loi pendant son examen même. C'est opposer la démocratie directe et la démocratie représentative, qui devraient se compléter.

Il faudra clarifier l'article 11, faute de quoi nous cèderons à l'impérialisme de la démocratie plébiscitaire qui conduit les citoyens à se prononcer pour ou contre le Gouvernement, et non pour ou contre une mesure. Cela mène tout droit à la démocratie de l'émotion et de l'émeute, alors qu'une vague populiste menace l'Europe. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également ; marques d'ironie à gauche.)

M. Pierre-Yves Collombat.  - On l'attendait !

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le vote du Parlement en faveur de la privatisation d'ADP ne correspond-il pas à une exigence démocratique ?

Des entreprises prospères ont-elles vocation à rejoindre le financement privé ?

ADP a en effet augmenté fortement son chiffre d'affaires ces dernières années. L'accord du Parlement a été obtenu dans le plus strict respect des institutions mais n'a pas convenu à l'opinion publique s'interrogeant chaque jour davantage sur les privatisations, perçues comme des spoliations du patrimoine des Français, d'autant que le chiffre d'affaires du groupe, qui gère depuis le Brexit le premier aéroport européen, Charles de Gaulle, explosait. En avril, 185 parlementaires se sont associés pour tenter de stopper sa privatisation : en déposant une proposition de loi.

Le Président de la République s'est dit favorable au RIP. Malgré une information inexistante et un accès complexe, le référendum a recueilli un million de signatures.

M. Fabien Gay.  - Merci !

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le vote du Parlement suffit-il encore à légitimer la privatisation d'ADP ? En seulement dix ans, ADP a quasi doublé son chiffre d'affaires, passant de 2,5 milliards d'euros en 2008 à 4,48 milliards d'euros en 2018. Les privatisations de la Française des jeux et d'Engie ont été actées par les deux assemblées. Le Sénat a rejeté celle d'ADP. L'accord du Parlement étant néanmoins obtenu, dans le plus strict respect des institutions et des principes démocratiques, quid de celui de l'opinion publique ?

Le mouvement des « gilets jaunes », avec ses revendications de justice sociale et de meilleure redistribution des richesses, a rebondi sur la privatisation du groupe ADP, perçue comme une « spoliation » du patrimoine des Français.

Tout choix politique s'inscrit dans un contexte. C'est l'enchaînement des derniers mois et la maladresse des déclarations successives de l'exécutif qui donnent au référendum une légitimité en quelque sorte supérieure et complémentaire au vote du Parlement. D'autant que le président Macron s'est déclaré favorable au référendum d'initiative partagée, qu'il a proposé de rendre plus accessible en abaissant le seuil des soutiens à un million. Comment ne pas mettre en actes les paroles du Président de la République ? L'exécutif s'est mis de lui-même dans une impasse. (M. Patrick Kanner approuve.)

Le référendum sur la privatisation d'ADP est ainsi devenu le talon d'Achille du Gouvernement. Le refuser serait perçu comme un nouvel acte de défiance d'un président qui n'écoute plus les Français et craint de leur laisser la parole.

Le Président de la République le dit souvent : n'ayez pas peur ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

MM. Bernard Fournier et Sébastien Meurant. - Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 12 décembre 2018, nous auditionnions Bruno Le Maire sur la loi Pacte. Alors que bien des aspects du texte allaient dans le bon sens, une disposition insérée là - regrettable habitude - allait polariser l'attention puis polluer le débat du début à la fin : la privatisation d'ADP.

Sur la foi de l'expérience récente et cuisante de la privatisation des concessions d'autoroute, j'ai été l'un des premiers, avec Fabien Gay, à dénoncer vigoureusement cette privatisation, pour des raisons stratégiques, financières et sécuritaires bien connues, tant le débat a fait rage.

Je n'ai pas fait partie, le 9 avril 2019, des 248 parlementaires signataires du RIP...

M. Patrick Kanner.  - C'est dommage !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Je pense que l'organisation d'un tel référendum n'est absolument pas une exigence démocratique. C'est une forme particulière de notre processus législatif, dont le déclenchement appartient aux seuls parlementaires et qui ne peut donc être proprement qualifié de référendum d'initiative populaire, malgré l'usage qui a été fait de cette expression.

Ce mécanisme n'est en fait qu'un alibi de modernité, doublé d'une course d'obstacles dont le modus operandi est détaillé aux alinéas 3 et 6 de l'article 11 de la Constitution : le remède est pire que le mal. Le seul but recherché étant l'effet d'annonce, il n'est en effet conçu pour n'aboutir dans aucun cas...

Mme Sophie Taillé-Polian.  - C'est vrai !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Le délai court de juin à mars seulement. Il ne vous reste plus, en un mois, qu'à trouver 3,5 millions de signataires capables de s'enregistrer sur le site, s'il fonctionne... (Marques d'approbation et d'encouragement sur les travées du groupe CRCE) Un jeu d'enfant ! (Sourires sur les mêmes travées) La démocratie directe ou participative est complémentaire de la démocratie représentative. Il n'y a pas lieu d'opposer l'une à l'autre.

Les trois propositions pour revivifier le droit de pétition promues par le président du Sénat sont pleines de sagesse : un « droit de tirage citoyen » permettra à des citoyens de déclencher « la création, une fois par session, d'une mission d'information sénatoriale » ; un « droit d'initiative législative », permettra l'inscription d'une proposition de loi d'origine citoyenne si le texte « a recueilli un nombre significatif de signatures », évidemment inférieur aux 4,7 millions actuels ; la « mise en place de séances de questions posées par les citoyens soit aux membres du Gouvernement, soit aux sénateurs ».

Voilà comment nous pouvons renforcer utilement l'exigence démocratique.

Attention à ne pas voir le « meccano constitutionnel » cher au doyen Vedel l'emporter sur la logique institutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; Mme Éliane Assassi applaudit également.) Merci au groupe CRCE d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. La privatisation d'ADP n'était pas dans le programme présidentiel. Il est donc légitime que nos concitoyens s'en emparent. Plus d'un million de Français a pris la peine d'aller sur ce site pour effectuer un acte militant. En ces temps d'abstention, plutôt que de les mépriser, respectons cette dynamique où l'on se plaint d'un désintérêt pour le politique. Il ne faut pas brider cet appétit démocratique.

Aujourd'hui, le débat parlementaire est souvent abîmé et tronqué, je ne crains pas de le dire. Recours régulier aux ordonnances, études d'impact inexistantes ou inconsistantes, car bâclées à la hâte, procédure accélérée à tout propos, amendements du Gouvernement posés sur la table...

Sur la privatisation d'ADP, on a constaté un débat opaque puisque les informations sur le cahier des charges, alpha et oméga de la privatisation, n'ont pas été communiquées.

Quelles protections pour les 200 000 riverains d'Orly, dans le Val-de-Marne que je représente ici, déjà victimes du bruit et de la pollution de l'air ?

Nous sacrifions la maîtrise de nos aéroports alors que nous sommes à la croisée des chemins entre enjeux économiques et environnementaux. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; M. Sébastien Meurant applaudit également ; MM. Patrick Kanner, Rachid Témal et Hervé Gillé félicitent l'oratrice alors qu'elle rejoint les travées de son groupe.)

M. Pierre Louault .  - L'exigence démocratique du référendum sur lequel vous nous interpellez doit répondre aux règles précises posées par la loi constitutionnelle de 2008, fixant le seuil à 4,7 millions de signataires.

Respecte-t-on cette loi constitutionnelle ou pas ? Sinon, le RIP a-t-il pour objet de contrer les lois de la République et le débat parlementaire ou de donner l'initiative aux citoyens ?

Quel message vis-à-vis des parlementaires ? Le parlementaire est-il responsable de ses votes ? La démocratie est-elle exercée au Parlement (Protestations croissantes sur les travées des groupes CRCE et SOCR ; M. Claude Malhuret applaudit.) ou organisée dans la rue ? Certains préfèrent cette solution...

Mme Laurence Cohen.  - Oh là là !

M. Pierre Louault.  - Oui, oui, oui ! Or ils n'ont pas toujours fait preuve, dans l'Histoire, d'une application satisfaisante de la démocratie. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE, tandis que M. Claude Malhuret applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si on faisait des lois qui tiennent la route, nous n'en serions pas là !

M. Pierre Louault.  - La démocratie permet aux citoyens de s'exprimer régulièrement lors des scrutins...

M. Pierre-Yves Collombat.  - On enfile des perles !

M. Pierre Louault.  - Nous avons pour responsabilité d'agir en fonction des engagements pris devant nos concitoyens. (Nouvelles interruptions sur les travées du groupe CRCE) Sinon, quelle légitimité allons-nous donner au Parlement ? (MM. Claude Malhuret et Philippe Bonnecarrère applaudissent vivement ; M. Pierre-Yves Collombat proteste derechef.)

Michel Rocard, que je cite pour complaire à mes amis socialistes (Vives exclamations sur les travées du groupe SOCR) disait qu'un référendum, c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot et où l'on ne répond jamais à la question posée... (Protestations sur les mêmes travées, où l'on crie à la provocation, et mouvements divers.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une caricature de la pensée de Michel Rocard ! Lisez ces oeuvres et citez-les complètement !

M. le président.  - Je demande à tous de respecter les orateurs, quoi qu'ils disent et à ceux-ci d'être plus concis que les auteurs qu'ils citent...

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 24 octobre 1973, un décret du président Georges Pompidou donnait le nom de Charles de Gaulle à l'aéroport de Roissy, en hommage à celui qui prit l'ordonnance du 24 octobre 1945 portant création d'ADP. Ce fut aussi un hommage au fondateur de la Ve République dont la Constitution renvoie au préambule de 1946, abondamment cité.

Avec la privatisation d'ADP, on touche à un principe constitutionnel qui aurait mérité un débat en tant que tel et non une décision au détour d'un article d'une loi aussi hétéroclite que la loi Pacte.

Les aéroports de Paris ne sont pas qu'une question de capitaux, de rentabilité et de techniques : parce qu'ils sont stratégiques, ils répondent à une ambition nationale, comme l'avait déclaré le général de Gaulle en inaugurant Orly en 1961. Et d'ajouter que l'État ne peut en être absent, qu'il doit en être acteur.

Les précédents des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse auraient dû nous sensibiliser...

M. Sébastien Meurant.  - Très bien !

M. Dominique de Legge.  - Le Gouvernement espère glaner quelque argent pour boucler son budget, à moins qu'il ne cherche à rembourser les entreprises évincées du projet de Notre-Dame-des-Landes...

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Dominique de Legge.  - Je ne sais pas s'il faut plus ou moins de référendum. Je ne suis pas insensible aux arguments de M. Malhuret : le Parlement doit être respecté.

Si vous ne voulez pas que le débat ait lieu ailleurs, il faut qu'il puisse se tenir au Parlement. (Applaudissements sur presque toutes les travées, à l'exception de celles des groupes LaREM et Les Indépendants)

Monsieur le ministre, je m'interrogeais sur votre présence au banc du Gouvernement. Vous êtes ministre de la petite enfance et des mineurs. Ceux qui ont 18 ans aujourd'hui atteindront l'âge de 88 ans à la fin de la concession d'ADP. Je crains que le Gouvernement ne tire une traite sur l'avenir. (Applaudissements nourris sur la plupart des travées, à l'exception de celles des groupes LaREM, Les Indépendants et UC ; Mme Catherine Procaccia félicite l'orateur alors qu'il regagne son siège.)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Ce débat ne porte pas sur l'avenir de ce Gouvernement, sur lequel il y aurait pourtant beaucoup à dire, mais sur celui de notre démocratie. Nous sommes, pour le meilleur et pour le pire, à l'heure des réseaux sociaux, de la mobilisation des gilets jaunes, de « l'archipelisation » de la France pour certains, du retour des classes sociales pour d'autres, et tout cela se cristallise dans le débat démocratique sur l'avenir d'ADP.

Comment comprendre et accepter le manque de transparence du Gouvernement sur le cahier des charges sur la privatisation d'ADP, dont la concession durera soixante-dix ans et qui doit définir une politique aéroportuaire ayant tant d'impacts sur la vie et la santé des Français ? Vous privatisez les gains et nationaliser les nuisances !

Dans le Val-d'Oise, nous nous battons avec les habitants pour la santé publique et contre les nuisances.

L'actionnaire majoritaire ne pourra plus être modifié chaque année mais tous les soixante-dix ans.

Je regrette le rejet de l'avis de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur le Terminal 4 créé à CDG - soit l'équivalent du trafic d'Orly - alors qu'elle demandait un débat très large. Les nuisances - rejet de CO2, particules fines, bruit - seront très fortes et néfastes pour la planète comme pour la santé des riverains.

Comment comprendre qu'un président seul peut décider d'un débat de cette importance et que quelque 248 parlementaires et un million de Français ne peuvent rien. Mais, en refusant le débat, par simple idéologie, votre Gouvernement, monsieur le ministre, abîme la démocratie.

Les Français n'ont pas besoin d'un passage en force, mais au contraire d'une démocratie apaisée : laissez la souveraineté populaire s'exprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On peut et l'on doit s'interroger sur la pertinence économique de la privatisation d'ADP, sans ignorer la problématique politique et démocratique. Certaines décisions touchent à des symboles si forts, que même légales, même en respectant formellement les prérogatives et votes du Parlement, elles souffrent d'une légitimité tremblante et incertaine.

Aéroports de Paris est tout sauf un petit aérodrome de province ou une énième zone commerciale de la grande couronne francilienne ! Or l'État a voulu graver son futur dans une sous-section des 221 articles de la loi Pacte, par sept articles nichés au milieu des modifications sur les formalités administratives, la formation professionnelle, le jour des soldes, les assurances, pour résumer en quelques mots des orientations clés pour l'avenir du transport aérien, l'aménagement du territoire, la stratégie économique et financière de la Nation, et même sa souveraineté... afin de rembourser comptant seulement 0,5 % de la dette publique ! Un aéroport est une porte d'entrée du territoire, un espace frontalier, avant d'être une galerie marchande.

Il fallait un projet de loi spécifique plutôt qu'une mention enfouie dans la jungle touffue d'une loi obscure, révélatrice d'une gouvernance lointaine et technocratique qui attise le volcan de l'incompréhension et le magma de la colère chez de nombreux Français. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et SOCR)

Vendre les bijoux de famille n'est jamais bon signe et quand on s'y risque, il est tout à fait normal que la famille demande des comptes ! (Même mouvement)

Les Français veulent un État stratège, pas un gang de boursicoteurs « gagne-petit » leur expliquant doctement qu'ils n'ont rien compris. (M. Sébastien Meurant applaudit ; on applaudit aussi sur les travées du groupe SOCR) Oui, les Français ont du bon sens, ils comptent mieux que les ordinateurs de Bercy et ils ont de la mémoire. Ils se souviennent des pathétiques privatisations du réseau d'autoroutes et de l'aéroport de Toulouse. (Mêmes applaudissements)

Le souci d'écoute et de proximité tant proclamée par le Gouvernement reste virtuel tant que la parole n'est pas donnée au peuple. En avez-vous peur ? Certes, n'est pas de Gaulle qui veut... Je me suis associé au RIP que plus d'un million de nos concitoyens ont signé. C'est insuffisant pour l'organiser mais suffisant pour que le Gouvernement écoute les Français.

« Au fond des victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote », écrivait de Gaulle. Puisse le Gouvernement être gaulliste ou au moins gaullien...

M. Pierre-Yves Collombat.  - On peut toujours rêver !

M. Olivier Paccaud.  - Un référendum lui en donnerait l'occasion. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SOCR)

M. le président. - La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de la Santé et des Solidarités...

M. Rachid Temal.  - Et des avions ? (Sourires sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs autres travées)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je vais vous répondre ! Je suis heureux d'être ici au nom du Gouvernement. Je vous remercie pour l'organisation de ce débat. Je me réjouis de la vigueur du débat démocratique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR)

Je ne ferai pas montre de la même rigueur argumentaire de M. Malhuret, mais rappellerai les arguments en faveur de la privatisation d'ADP avant de parler du référendum... (Même mouvement) ADP n'est ni un monopole national ni une entreprise stratégique. (On s'en étonne sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) Les aéroports européens sont en concurrence : ADP est concurrencé par Heathrow, Francfort et les aéroports des pays du Golfe... (M. Victorin Lurel et Mme Victoire Jasmin protestent.) Seule la frontière est stratégique, l'entreprise est avant tout commerciale : trois quarts de ses revenus sont commerciaux.

M. Patrick Kanner.  - Pourquoi ne pas les laisser à l'État ? (On surenchérit sur les travées du groupe SOCR.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Tel n'est pas son rôle ! En revanche, dans le domaine régalien, la frontière continuera à être contrôlée de la même manière et la police des frontières ne sera pas privatisée...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quel dommage ! (Sourires et marques d'amusement sur diverses travées)

M. Rachid Temal.  - Personne ne le dit !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - L'État n'a pas à conserver des actifs commerciaux, mais à investir. Les nouveaux actionnaires apporteront des compétences et des capitaux. (Interruptions ironiques à gauche) En 2019, l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, privatisé, dans la catégorie des aéroports accueillant de 10 à 25 millions de passagers, et celui de Rome, privatisé, dans la catégorie des plus de 25 millions de passagers, sans oublier le trophée de l'accessibilité, (Même mouvement) décerné à Londres-Gatwick, également privatisé...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et il n'y a aucun aéroport privé qui soit nul ? (Sourires à gauche)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Les riverains seront toujours protégés. Nous apportons cinq garanties nouvelles : garanties de cession et d'exploitation, qualité des services, maintien de l'emploi, protection de l'environnement, de présence de l'État au conseil d'administration (Interruptions sur les travées du groupe SOCR et marques d'incrédulité sur les travées du groupe CRCE) notamment...

M. Rachid Temal.  - Rendez le cahier des charges public !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Enfin, les tarifs...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Paroles, paroles...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - ... seront fixés tous les cinq ans sous le contrôle d'une autorité de régulation indépendante. Il y a également une garantie de bonne gestion, de sécurité - l'État conservera, je le répète, le contrôle des frontières - ainsi que des garanties patrimoniales et territoriales afin d'assurer la qualité de vie des riverains. Ils étaient inquiets.

M. Rachid Temal.  - Ils le sont toujours !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Madame Cohen, Monsieur Temal, Madame Taillé-Polian, je m'étonne que vous réfutiez le fait qu'il y ait eu un débat sur le sujet des nuisances.

M. Rachid Temal.  - Il fallait répondre à l'ensemble de la CNDP !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - À l'Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a fait voter dans la loi la fixation pour Orly de 250 créneaux de vol et un couvre-feu sonore de 23 h 30 à 6 heures...

M. Rachid Temal.  - Et à Roissy ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Que n'avez-vous fait ? (Protestations sur les travées du groupe SOCR)

Le débat a commencé avec la loi Pacte et il continue avec le RIP, dont la procédure s'achèvera le 12 mars. Avant ce délai, nous ne prendrons aucune décision.

Depuis le vote de la loi Pacte, le Gouvernement n'a eu de cesse de s'expliquer sur le projet de privatisation.

Le Parlement a pu s'exprimer lors de la loi Pacte. Nous verrons le résultat du RIP le 12 mars. Ce projet est important pour le Gouvernement. J'espère que mon intervention vous a rassurés.

M. Fabien Gay.  - Oh oui, nous le sommes ! (Sourires)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ô combien ! (Même mouvement)

M. Rachid Temal.  - Je vais immédiatement retirer ma signature ! (On s'en amuse.)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Nous souhaitons valoriser le patrimoine de l'État...

M. Patrick Kanner.  - Vous le bradez ! (On renchérit sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président.  - Laissez parler l'orateur !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Nous voulons investir dans l'avenir des Français.

M. Rachid Temal.  - Merci Vinci ! (Sourires)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je vous remercie pour ce débat. (M. Pierre Louault applaudit ; exclamations ironiques à gauche.)

M. Rachid Temal.  - C'est bien ! Bon courage ! (Sourires)

M. Fabien Gay.  - Allez !

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.