SÉANCE

du mardi 21 avril 2020

73e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Projet de loi de finances rectificative pour 2020

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Je rappelle que tous les orateurs, y compris le Gouvernement, s'exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s'effectuer par les portes situées au pourtour de l'hémicycle.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Nous sommes heureux, avec le ministre de l'Action et des comptes publics, de vous présenter ce projet de loi de finances rectificative qui nous permet de faire face aux exigences économiques nouvelles liées à la crise du Coronavirus.

Cette crise n'a pas d'équivalent dans l'histoire contemporaine : une économie presque entièrement à l'arrêt, une crise touchant toutes les nations, tous les continents, une récession se chiffrant à - 7,5 % pour la zone euro, et - 8 % pour la France pour 2020. Ce chiffre, sévère, est provisoire tant les incertitudes sont grandes s'agissant de la durée de la pandémie et de son impact sur l'économie de pays développés comme les États-Unis et des pays en développement.

Des situations jamais vues depuis la Seconde Guerre mondiale, comme un prix négatif du baril, qui fait courir de nombreux risques : risque pour la transition énergétique, risque d'effet domino sur les marchés financiers, risque pour les pays africains, sachant que l'Est de l'Afrique tire 40 % de ses ressources budgétaires de l'extraction et de la commercialisation du pétrole... L'effondrement des prix du pétrole est un danger pour l'économie mondiale.

Avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons immédiatement pris la mesure de la crise et immédiatement dit la vérité aux Français : la récession qui nous attend est d'une ampleur comparable à celle de 1929, même si la logique du processus et la réaction des États sont différentes. Nous n'avons jamais dissimulé aux Français la gravité de la crise et avons voulu apporter une réponse rapide, forte et immédiate.

Nous avons fait un choix simple : de la dette plutôt que des faillites, de la dette plutôt que l'anéantissement de décennies d'efforts économiques des entrepreneurs, des ingénieurs, des salariés français.

Mieux vaut préserver notre capital humain et économique que les finances publiques, que nous saurons restaurer le moment venu.

Nous avons choisi de préserver les compétences via un système de chômage partiel très généreux : 100 % du salaire net au Smic et 84 % jusqu'à 4,5 Smic. À ce jour, neuf millions de salariés bénéficient du dispositif.

Cela nous permettra de faire redémarrer l'économie le moment venu. Je préfère cette situation à celle des États-Unis, où des millions de salariés se sont retrouvés au chômage en quinze jours. Nous nous inspirons du modèle qui a fait ses preuves en Allemagne en 2008-2009.

Notre deuxième choix est de préserver la trésorerie des entreprises, qui fond comme neige au soleil, avec les reports de charges sociales et fiscales et des prêts garantis par l'État à hauteur de 300 milliards d'euros.

Notre troisième choix est le soutien aux plus fragiles, via le fonds de solidarité, à 1 500 euros pour le premier étage, puis jusqu'à 2 000 euros pour le deuxième étage.

Enfin, nous faisons le choix de défendre nos entreprises stratégiques, clé de notre indépendance : énergie, transport aérien, nucléaire.

Le premier dispositif a rencontré un succès considérable. Quelque 24 milliards d'euros de prêts garantis ont d'ores et déjà été accordés aux entreprises et un million d'entrepreneurs se sont inscrits au fonds de solidarité. Preuve que nous avions visé juste.

Des améliorations restaient cependant à apporter. Ma méthode, c'est la concertation quotidienne, avec tous les acteurs, de toutes les filières. J'ai écouté tout le monde, toutes les critiques et les propositions.

Nous vous proposons aujourd'hui de recharger le dispositif, car il coûte cher, et de l'améliorer.

Beaucoup ont fait valoir que les entreprises en redressement judiciaire ou en difficulté n'avaient pas accès aux prêts garantis par l'État. Avec ce projet de loi de finances rectificative, elles y seront désormais éligibles. Vous l'avez demandé, nous le proposons.

Des ETI de 300 à 450 salariés, en grande difficulté, ne trouveraient pas de prêts. Elles sont pourtant vitales pour certains territoires. Nous leur apportons des solutions grâce à un système d'avances remboursables.

Nous proposons d'abonder le fonds de développement économique et social en le portant de 75 millions d'euros à 1 milliard d'euros. Il permettra d'émettre des prêts directs de l'État, une façon d'amorcer la pompe, sous réserve de restructuration des entreprises car l'État n'a pas vocation à financer à fonds perdus des entreprises non viables. C'est une réponse concrète aux problèmes de trésorerie.

Le fonds de solidarité a été fort critiqué. Trop de professions en étaient exclues : libéraux, groupements d'agriculteurs, entreprises en difficulté ou en redressement judiciaire. Nous élargissons considérablement son spectre en les incluant, car personne ne doit être laissé de côté.

Margrethe Vestager l'a reconnu : la réponse française est la plus forte de toutes les réactions européennes. C'est tout à notre honneur. Certains ont estimé que le critère de perte de chiffre d'affaires, de 70 % entre mars 2019 et mars 2020, était inadapté : nous passons à 50 %. De même, plutôt que mars 2019, nous prendrons comme référence la moyenne des douze mois de l'année 2019, comme l'a proposé la commission des affaires économiques du Sénat.

Par ailleurs, il s'est avéré que le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État était insuffisamment doté : nous l'abondons de 20 milliards d'euros afin de pouvoir apporter le soutien de l'État à nos entreprises stratégiques. Air France, fleuron industriel et gage de l'indépendance de la Nation, aura besoin du soutien de l'État. Ce sera fait dans les prochains jours.

Passé la réponse immédiate, nécessaire pour amortir le choc, il faudra reprendre l'activité et le travail. Nous le savons tous. Le soutien apporté par l'État est conforme à notre vision de l'État, protecteur des intérêts supérieurs de la Nation, mais l'économie devra fonctionner autrement dans les mois à venir.

Comment redémarrer l'économie française dans des conditions de sécurité sanitaire totale ? Je ferai des propositions dans les heures qui viennent, dans la clarté.

Certains secteurs fonctionnent efficacement en ce moment-même : alimentaire, agroalimentaire, grande distribution ont tourné, contre vents et marées, nous assurant une vie normale. D'autres le pourraient mais se heurtent à des difficultés, comme le BTP : 80 % à 85 % des chantiers sont à l'arrêt. Il peut y avoir des problèmes d'approvisionnement en matières premières, de matériels de protection, de surcoût. À quels obstacles se heurtent-ils ? Nous aurons dès aujourd'hui une réunion avec Muriel Pénicaud pour régler ces problèmes.

Les commerces fermés par arrêté ministériel le 15 mars pourront rouvrir à partir du 11 mai. Je souhaite que ce soit le cas pour le plus grand nombre d'entre eux ; j'ai cité les coiffeurs. Les conditions de sécurité sanitaire devront être totales, nous définirons des guides de bonnes pratiques, secteur par secteur.

Pour les lieux de convivialité, c'est plus compliqué car nous devons construire une société de la distance, ce qui n'est pas conforme à notre génie national, à notre société du contact, du rapport humain, du débat : je préfèrerais voir l'hémicycle plein, mais les raisons de sécurité sanitaire nous imposent la distance.

Dans les restaurants, bars et cafés, le défi est considérable. Il faudra se donner un peu plus de temps pour qu'ils ouvrent dans les meilleures conditions. Je rends hommage aux restaurateurs mobilisés qui ne manquent pas d'idées et de propositions. Nous prendrons le temps nécessaire.

Après la réponse immédiate et la reprise, il faudra songer à la troisième étape, celle de la relance. Nous y réfléchissons dès à présent, avec les économistes, avec nos partenaires européens et avec les organismes multilatéraux.

Je vois quatre lignes directrices. D'abord, celle de l'investissement. Il est aujourd'hui à zéro alors que nous étions, avant la crise, l'un des pays de la zone euro qui investissait le plus ! Il faudra le relancer car la puissance économique de la Nation française en dépend.

Il faudra aussi soutenir la demande. Ces dernières semaines, les Français ont constitué 55 millions d'euros d'épargne de précaution ! Les Français doivent retrouver le goût de la consommation.

Troisième ligne directrice : le soutien aux secteurs les plus touchés - tourisme, hôtellerie-restauration, industrie automobile, transport aérien, aéronautique... Ces secteurs auront besoin d'un accompagnement ciblé, plus important.

Enfin, il faudra une coordination européenne des réponses économiques, sans quoi la relance ne sera pas efficace. Nous sommes un marché unique, nous avons un destin commun. (Applaudissements sur les travées)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Il n'y aura pas de projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative : les crédits de la sécurité sociale n'étant pas limitatifs, contrairement au budget de l'État, un nouveau vote du Parlement n'est pas nécessaire. J'apporterai toutefois des éléments demain devant votre commission des affaires sociales.

Ce projet de loi de finances rectificative vient d'abord remettre des crédits dans les dispositifs votés dans la première loi de finances rectificative, notamment pour le chômage partiel - 25 milliards d'euros, dont un tiers sur le budget de l'Unedic - et le fonds de solidarité, à 7 milliards d'euros, avec la participation des assureurs et, pour 7 % des crédits, des régions.

Ce texte prévoit aussi de nouvelles dispositions, évoquées par Bruno Le Maire : 20 milliards d'euros supplémentaires pour l'Agence des participations de l'État ; fonds de développement économique et social qui passe de 75 millions à 1 milliard d'euros ; système d'avances remboursables, introduit à l'Assemblée nationale, pour les entreprises qui ne peuvent obtenir un prêt ; 880 millions d'euros pour la prime de précarité de 150 euros par personne au RSA, auxquels s'ajoutent 100 euros par enfant.

Pour ce faire, nous utilisons pour la première fois l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui concerne les dépenses accidentelles et imprévisibles : ce n'est pas contraire à l'autorisation parlementaire, nous dit le Conseil d'État.

Nous défiscalisons et désocialisons les primes pour les trois fonctions publiques : hospitalière, d'État et territoriale ; les collectivités employeurs seront également déchargées.

Nous aidons l'outre-mer, notamment les gouvernements du Pacifique : un prêt de 240 millions d'euros est accordé à la Nouvelle-Calédonie et nous sommes en discussion avec la Polynésie française ; la réponse viendra sans doute dans un prochain texte financier. Même si le chômage partiel relève des gouvernements autonomes, la République est à leurs côtés.

En revanche, vous ne trouverez pas dans ce texte les 8 milliards d'euros annoncés pour la santé. Cela relève de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) et apparaitra dans le déficit de la sécurité sociale. Avec près de 10 millions de personnes en chômage partiel, l'assiette des cotisations sociales se réduit en un temps record, tandis que les dépenses augmentent.

Le dispositif d'annulations de charges évoqué par le Président de la République lundi dernier n'est pas non plus dans le PLFR. IL faudra une mesure législative pour autoriser des annulations sectorielles. Depuis la création de la protection sociale, jamais des charges n'ont été annulées par secteur. Cela a pu être le cas par territoire, pour tenir compte d'une catastrophe naturelle, par exemple à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy.

Nous devons trouver un équilibre, avec des annulations pour les secteurs les plus touchés - restauration, hôtellerie, évènementiel, arts et spectacles - en sachant que le Conseil constitutionnel devra valider cet édifice. Il nous faudra définir des critères simples et efficaces.

Beaucoup de restaurateurs ont demandé un report de charges, mais 40 % les ont payées, malgré la fermeture. Les annulations de charges doivent également les concerner. À l'échelle d'un secteur, les choses ne sont pas si faciles.

Les cotisations salariales ne sont pas concernées par le dispositif, car elles sont payées par les salariés à qui elles ouvrent des droits individuels qu'il n'est pas question de rogner.

S'agissant des charges patronales, tout dépend des secteurs. Les hôtels, par exemple, n'ont pas été fermés par arrêté, contrairement aux restaurants, mais ils sont vides ; certains ont pu être réquisitionnés, beaucoup ont mis leurs salariés au chômage partiel. La question de l'annulation des charges se pose aussi pour les sous-secteurs qui leur sont liés, comme la blanchisserie ou la viticulture.

Le Gouvernement est disposé à un travail fin sur le sujet avec le Parlement.

À l'Assemblée nationale, 36 amendements ont été adoptés dont 9 du Gouvernement s'agissant notamment du relèvement du plafond de l'Unedic et la correction de certaines injustices, sur les arrêts de travail ou les arrêts pour garde d'enfants. Citons également 235 millions d'euros au titre d'exceptions à la règle budgétaire que nous nous sommes fixée, pour les cirques, centres équestres et zoos qui font vivre des territoires.

Ce PLFR est historique : jamais le Parlement n'aura autorisé un Gouvernement à porter la dette à 115 % du PIB et son déficit à 9 %. Depuis la Seconde Guerre mondiale et sous la République sociale qui a suivi, jamais on n'a présenté de tels chiffres. En 2009, un déficit de 7 % avait été constaté en fin d'année - or nous sommes à 9 %, en avril...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Ce nouveau PLFR n'est pas une surprise. Dès l'examen du premier texte, les chiffres nous semblaient un peu optimistes et des dispositifs devaient être précisés. Le programme de stabilité devra être revu également.

À - 1% en mars, nous avions souligné l'optimisme du Gouvernement sur les prévisions de croissance. En réalité, elle sera plutôt en recul de 8 % compte tenu du confinement - chaque mois représente une baisse d'environ trois points de PIB - et de l'arrêt de l'activité économique.

Tout dépendra moins du confinement que de notre capacité de rebond mais là encore le Gouvernement semble optimiste. Les Français augmentent fortement leur épargne de précaution. Et demain, la consommation reprendra-t-elle ? L'aversion au risque demeurera-t-elle ?

Le plan de soutien à l'économie est désormais plus massif en raison de la poursuite du confinement. La majorité sénatoriale le soutient, sous réserve de quelques amendements. Le plan prévoit davantage de mesures de report de charges, qui se transformeront peut-être en dégrèvements, mais moins de mesures budgétaires, avec 40 milliards dont 24 pour le chômage partiel. Nos voisins anglais et allemands font plus en matière de fonds de solidarité ou de chômage partiel. Mais il est vrai que notre situation budgétaire initiale était différente.

Nous soutenons la stratégie gouvernementale de ne pas augmenter les impôts et de soutenir le tissu productif. Les hypothèses économiques sont incertaines : élasticité des recettes, efficacité des mesures de soutien... Les mesures du plan devront encore être ajustées, avant le plan de relance que nous espérons tous.

Les coûts de financement auprès de la BCE sont heureusement proches de zéro ; la soutenabilité de la dette française n'est pas remise en cause, mais il faudra au plus vite redresser les comptes publics.

Beaucoup d'amendements relèvent d'un plan de relance. Le texte d'aujourd'hui ressort d'un dispositif temporaire destiné, notamment, à soutenir les plus fragiles.

Le déficit atteindra 115 milliards d'euros, contre 93,1 milliards avant la crise, avant même toute mesure de relance.

Les recettes fiscales subissent des diminutions de 32 milliards, entre TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur les revenus et TICPE, tandis que les dépenses publiques augmentent fortement - l'équivalent des crédits de la mission « Défense » ! Des opérateurs de l'État, comme l'Afitf, ainsi que les collectivités territoriales vont se trouver en difficulté.

Les chiffres sont vertigineux, mais la situation l'exige. La mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » reçoit, logiquement, la plus forte augmentation de crédits.

Elle comprend notamment le fonds de solidarité, largement amélioré par le présent PLFR afin de préserver le maximum d'emplois ; quelque 20 milliards d'euros sont consacrés à un nouveau programme pour soutenir les entreprises stratégiques.

La TVA à 5,5 % sera appliquée aux masques de protection et au gel.

La commission des finances propose l'adoption de ce texte, qui est une bouée de sauvetage et non un plan de relance.

Pour l'heure, nos amendements visent à soutenir l'extension du taux réduit de TVA, à soutenir les salariés qui ont travaillé pendant le confinement, avec la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, à renforcer l'aide aux entreprises, en prorogeant le fonds de solidarité au-delà du 11 mai pour les entreprises qui ne pourront pas rouvrir à cette date, et à proposer des prêts à 100 % accordés par la BPI ou pour les entreprises qui ne peuvent obtenir de prêts bancaires.

Nous souhaitons, par ailleurs, un meilleur contrôle de l'État.

La commission des finances a fait le choix de la responsabilité. Ne nous trompons pas de tempo : aujourd'hui, il s'agit encore de sauvetage. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marc Gabouty et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Nous examinons un deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, un mois après l'examen du précédent.

Cet exercice était pressenti et s'est confirmé : les chiffres présentés dans le premier PLFR - une croissance en baisse de 1 %, un déficit de 3,9 % du PIB, une dette publique en légère hausse - se sont révélés décalés par rapport à l'ampleur de la crise que nous traversons.

Les pertes de recettes fiscales étaient largement sous estimées, de même que le coût budgétaire du dispositif du chômage partiel. La chute du PIB est désormais réévaluée à 8 %, le déficit public porté à 9 % du PIB et la dette consolidée à 115 % du PIB. Même s'il s'agit d'un constat sévère et d'une dégradation historique de nos finances publiques, et qu'à cette heure toutes les estimations doivent être prises avec prudence, cet exercice de sincérité des comptes est nécessaire. Il est le bienvenu.

Cet effort de transparence devra être poursuivi. Le Gouvernement n'est certes pas juridiquement contraint de déposer un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, mais tous les paramètres du budget social sont bouleversés. De même, la crise impacte l'ensemble des politiques publiques et son effet devrait être mesuré et présenté au Parlement, car il n'est ni envisageable, ni raisonnable d'attendre la fin de gestion pour faire les comptes sur chaque mission.

Ce texte permet également de répondre aux observations sur l'insuffisance du premier plan d'urgence. Je me réjouis que le Gouvernement présente désormais des actions complémentaires, en portant notamment le fonds de solidarité pour les entreprises à 7 milliards d'euros, et en élargissant les critères d'éligibilité. Mais nos voisins allemands sont à 50 milliards sur le même objet ! Les mesures pour les personnels soignants et le soutien aux ménages modestes étaient également attendues.

Pour autant, ce deuxième PLFR n'est encore qu'une étape. Un troisième PLFR serait d'ores et déjà en préparation. Il sera celui des arbitrages politiques. Quel sera le plan de relance ? Quels secteurs seront prioritaires ? Et, surtout, après avoir constaté la sévérité de la crise et de son impact sur nos finances publiques, avec une hausse de la dette publique de près de 20 points de PIB, comment financer cette relance ?

Il n'existe pas encore de plan de relance européen. Jusqu'où pourra-t-on aller à l'échelon national sans un fort soutien européen ?

J'avais souligné la nécessité, dans le cadre d'un futur plan de relance, de reconsidérer les très importants allégements de fiscalité pour les détenteurs des plus hauts patrimoines.

Le prochain PLFR devra aussi prendre en compte la situation des collectivités territoriales, dont les recettes sont très fortement touchées : le versement transport, les droits de mutation, la taxe de séjour, l'octroi de mer si substantiel pour nos collectivités ultramarines, l'an prochain la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)...Toutes ne pourront pas faire face à cette situation.

La crise touche toute notre économie, mais des secteurs souffrent plus fortement encore. Mme Agnès Pannier-Runacher a indiqué à notre commission, que « la prochaine étape, après l'élargissement du fonds de solidarité, consistera à mettre en place des dispositifs spécifiques à certains secteurs : le tourisme, la culture, l'événementiel, l'hôtellerie et la restauration ». Nous espérons pouvoir examiner ces mesures rapidement et souhaitons que soit prise en compte la situation des entreprises dont les charges fixes non modulables sont élevées.

Beaucoup d'incertitudes demeurent sur les conséquences de la crise sanitaire. Le Gouvernement nous demande de lui faire confiance en ouvrant 20 milliards d'euros supplémentaires pour des recapitalisations, sans désigner les entreprises concernées ni fournir un calendrier de mise en oeuvre. Il s'agira d'entreprises cotées, privées ou publiques, dans des secteurs stratégiques. Avec trois critères d'intervention : l'indépendance nationale, les technologies et l'emploi. Nous suivrons ce dossier attentivement.

La commission des finances restera donc mobilisée dans son rôle de contrôle et de propositions pour que notre pays surmonte cette crise sans précédent. (MM. Jean-Pierre Sueur, Marc Laménie et Jean Bizet applaudissent.)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Face à une situation inédite, le Gouvernement a donné la priorité à l'humain et à la santé. Il doit également veiller à l'économie, pour laquelle le scénario est aussi incertain.

Notre capacité d'action et d'initiative ne doit toutefois pas être bridée par les incertitudes. De fait, nous avons rapidement voté une première loi de finances rectificative, incomplète mais qui a mis en place les principaux outils pour éviter un effondrement de l'économie et une explosion du chômage. Une question : les 10 millions de chômeurs sont-ils décomptés en ETP ou en personnes ? L'impact n'est pas le même...

Dans ma question au Gouvernement du 1er avril, j'appelais à un élargissement du second dispositif. Le deuxième PLFR s'y emploie et porte le fonds à 7 milliards d'euros, les régions l'abondant à hauteur de 500 millions d'euros ; les assurances ont porté leur participation de 200 à 400 millions d'euros, ce qui n'est toujours pas à la hauteur des économies réalisées sur l'indemnisation dans la période actuelle. Cela est appréciable mais demeure insuffisant, compte tenu de l'élargissement des bénéficiaires.

Il est heureux que le Fonds de développement économique et social (FDES) voie ses crédits augmenter de 925 millions d'euros pour consentir des prêts aux entreprises en difficulté. L'engagement financier est d'une autre dimension pour les entreprises stratégiques, 20 milliards d'euros pour augmenter les fonds propres des entreprises stratégiques. C'est indispensable.

Les mesures en faveur des soignants, des fonctionnaires et des salariés engagés dans la crise sont également pertinentes.

Notre économie aurait sans doute pu maintenir un niveau d'action plus élevé, mais on ne peut refaire l'histoire. Certains ont été prompts à mettre le pied sur le frein, je pense à La Poste. Quoi qu'il en soit, le redémarrage risque d'être hétérogène et chaotique.

Il conviendrait de donner des garanties, via le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) qui réunit les directeurs financiers des différentes administrations, impôts, Urssaf, aux petites entreprises pour étaler le paiement de leurs charges loin au-delà de juillet ou septembre. Ce serait une sorte de crédit fournisseur administratif. Appuyons-nous sur ce qui existe déjà.

Il faudra par des mesures complémentaires préparer la reprise de secteurs tels que le tourisme, la restauration, les loisirs et les sports, peut-être dans un troisième PLFR.

Dans cette attente, nous soutenons le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Julien Bargeton .  - Ce deuxième projet de loi de finances rectificative approfondit et prolonge le premier, avec des ajustements naturels. Ne nous trompons pas de tempo : nous sommes encore dans l'urgence ; viendra ensuite le moment de la relance et de la croissance.

Je me félicite du climat des échanges et de nos débats en commission des finances. L'ordre de marche du Gouvernement a été reçu avec une forme d'unité. Il ne se heurte à aucune opposition frontale. Il y a bien sûr des nuances d'appréciation, des amendements déposés, mais ce texte devrait être voté, en responsabilité, par la majorité sénatoriale, signe que le Gouvernement a tenu compte des remontées pour modifier certains dispositifs. En outre, nous partageons le même constat : la situation était inédite. Rien à voir avec une crise financière, il s'agit d'une crise de l'offre et de la demande, provoquée par la décision de mettre l'économie à l'arrêt. Il en découle des décisions comme le chômage partiel et les prêts garantis, afin de sauvegarder les compétences et le savoir-faire des entreprises. Ces mesures nous rassemblent.

Comment l'économie va-t-elle rebondir ? L'épargne de précaution sera-t-elle durable ou le cèdera-t-elle à l'envie de consommer, notamment dans les villes ?

Deuxième question, le rétablissement des comptes. L'histoire économique, Keynes en particulier, nous enseigne de ne pas augmenter les impôts en cas de forte récession. Lorsque l'on cherche par ce biais à rétablir les comptes rapidement, les hausses d'impôts pénalisent le retour de la croissance. Nous l'avons d'ailleurs vu entre 2010 et 2014 sous deux gouvernements différents.

Enfin, l'après : Gérald Darmanin et Bruno Le Maire nous invitent à contribuer à la réflexion pour enrichir le plan de relance. Les idées foisonnent, mais il faut établir les priorités et sérier les problèmes. Il faut mieux distinguer ce qui relève du fonctionnement et de l'investissement, dans les règles européennes. Voilà une piste importante.

Nous devons également décider de nouvelles politiques industrielles.

Rapporteur, avec Vincent Éblé, de la mission « Culture » du projet de loi de finances, j'appelle votre attention sur le choc énorme de la crise sur le secteur culturel, notamment sur les acteurs privés, les indépendants, le cinéma, les libraires. Il faudra en tenir compte. (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)

M. Philippe Adnot .  - Je voterai ce projet de loi de finances rectificative pour que le Gouvernement ait les moyens financiers de répondre aux défis sanitaires, économiques et sociétaux.

Le premier est loin d'être gagné ; il faudra bien faire un jour le bilan de vos décisions, notamment sur les tests : tous les pays qui testent massivement maîtrisent la situation, alors que la France en est encore à s'interroger sur les types de tests à utiliser.

En matière économique, vous devez disposer des marges de manoeuvre nécessaires. Il faudra aussi comparer les moyens engagés avec les politiques de nos voisins : nous consacrons trois fois plus d'argent pour le chômage partiel que l'Allemagne, mais celle-ci affecte sept fois plus de crédits au soutien de ses entreprises.

Les prises de participation financières de l'État s'élèvent à 100 milliards d'euros en Allemagne contre 20 milliards d'euros en France.

Les Français, qui supportent de plus en plus mal le confinement, ne tiendront que par l'espoir d'un fort rebond. Les dégâts sociétaux d'une économie chancelante pourraient être considérables. Nos compatriotes s'interrogent sur les conséquences de la valse des milliards.

Ceux qui pensent que cela n'aura pas d'impact se trompent. Demain plus que jamais, nous aurons besoin de citoyens entreprenants et responsables, qui n'attendent pas tout de l'État. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Bocquet .  - Nous sommes dans l'urgence sanitaire, sociale et économique, mais les mesures de ce projet de loi de finances rectificative devraient déjà donner des signes clairs sur les choix politiques de demain. Les décisions du moment devraient engager l'avenir de notre société.

Ainsi le Gouvernement décide d'emblée que notre fiscalité ne sera pas modifiée. Or cette crise bouscule la planète entière et percute de plein fouet la société française qui souffre depuis longtemps de fortes inégalités.

La pauvreté a augmenté de 0,6 % en 2018 ; elle est aggravée par le confinement, plus dur à supporter, personne ne le nie, en cas de mal-logement ou d'absence d'équipement numérique pour assurer la continuité éducative des enfants.

La crise met aussi en évidence le besoin de services publics forts, à commencer par ceux de la santé et de l'éducation, et l'importance du rôle des collectivités locales.

Les discours du Gouvernement tranchent aujourd'hui avec ceux tenus en début de quinquennat. Le 4 juillet 2017, lors de son discours de politique générale, Édouard Philippe parlait d'une addiction française à la dépense publique. Bruno Le Maire lui emboitait le pas quelques jours plus tard en estimant que la France était depuis trente ans droguée aux dépenses publiques. En juin 2018, Emmanuel Macron parlait de « pognon de dingue » consacré aux minima sociaux. Pourraient-ils tenir ces propos aujourd'hui alors que la dépense publique est devenue un outil essentiel ? Les prochains débats budgétaires se tiendront dans un contexte profondément différent ; les repères libéraux auront été largement bousculés.

Vous financez votre action par la dette, qui atteindrait 115 % du PIB, et nous avons même entendu un bref appel à la générosité publique. Or la force de l'État est de pouvoir lever l'impôt. Il y a des réserves, notamment du côté des hauts patrimoines, des hauts revenus ou encore chez les actionnaires : 51 milliards distribués l'an dernier ! Notre groupe a déposé plusieurs amendements pour solliciter ces ressources.

Les aides aux entreprises ne sauraient se limiter aux grands groupes stratégiques, il faudra veiller à ce que l'ensemble du tissu économique retrouve rapidement sa vitesse de croisière. Ces aides devront également être refusées aux entreprises versant des dividendes, licenciant massivement ou ayant des liens avec les paradis fiscaux.

Tous les dogmes libéraux volent en éclats, les tabous tombent : la banque centrale britannique a ainsi décidé d'aider directement le Trésor, la Réserve fédérale aux États-Unis engage des moyens illimités pour soutenir l'économie... Il faudra bien avoir ce débat de fond au niveau européen et redéfinir le rôle de la BCE.

Les collectivités territoriales devront être aidées car elles sont en première ligne pour accompagner la population et elles représentent 73 % de l'investissement public en France. Elles ne devront plus être considérées comme des variables d'ajustement à la baisse de la dépense publique.

Enfin, les aides aux plus démunis ne sont pas à la hauteur des enjeux ; n'oublions pas les demandeurs d'emploi non indemnisés ni les étudiants boursiers. Pourquoi aucune mesure d'ampleur n'est-elle prise en faveur de l'Éducation nationale ? Il y a certes la prime aux enseignants accueillant les enfants de soignants. Mais la politique doit être globale pour les 12 millions d'élèves et les 800 000 enseignants. Enfin, il faudra aider les élèves en décrochage à retrouver le chemin de la réussite.

Il n'est pas envisageable que le groupe CRCE puisse voter en faveur de ce PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Emmanuel Capus .  - En quelques mois, l'épidémie du coronavirus a balayé toutes nos prévisions. Un déficit maintenu à 2,2 % du PIB, une dette stabilisée à 100 %, une croissance à 1,2 %... Rarement loi de finances initiale aura été rendue caduque aussi rapidement, et dans de telles proportions !

Le déficit plonge à 9 % du PIB, la dette s'envole et la récession frappe : 8% de recul. Les chiffres ont de quoi nous glacer le sang.

Je m'associe à la douleur de tous nos concitoyens pour qui la période du confinement est aussi celle d'un deuil. Grâce à la mobilisation exceptionnelle de nos soignants, de nos chercheurs et de tout le pays, nous vaincrons le virus.

Cependant, les conséquences économiques de la pandémie grèveront longtemps nos finances publiques : les moyens que nous mobilisons pour sauver les entreprises donnent le vertige.

Le PLFR entérine une dette à 115 % du PIB et sanctionne une dépense publique au-delà de 60 % du PIB. La situation est alarmante. Pourtant, sans entreprises, pas de reprise. Telle doit être aujourd'hui notre seule préoccupation : aider nos artisans, TPE, PME, ETI et grandes entreprises à survivre, ni plus ni moins.

La santé a imposé hier la stratégie du confinement pour tous les citoyens. Ce n'est pas terminé, mais l'économie commande aujourd'hui la stratégie du soutien pour les entreprises en difficulté.

Le plan de sauvetage de 110 milliards apparaît malheureusement comme une impérieuse nécessité, mais nous devons garder à l'esprit que nous n'avons pas cet argent. Ce plan sera donc financé par les générations futures. Certes, mieux vaut transmettre un actif et un passif, c'est-à-dire des entreprises, que pas d'entreprises du tout. Mais les générations de demain paieront les décisions que nous allons prendre aujourd'hui. Soyons-en conscients.

Le chômage partiel s'inscrit dans la même logique. C'est une mesure sociale très utile, par la souplesse qu'elle accorde aux entreprises.

Le renforcement des deux dispositifs exceptionnels mis en place lors du premier PLFR - le chômage partiel et les prêts garantis par l'État - vont dans le bon sens : l'État prend à sa charge le financement des conséquences liées à la crise, sans chercher à tout administrer. Le renforcement de ces dispositifs répond aux attentes des acteurs du terrain.

De même pour la dotation du Fonds de solidarité. Avec l'abondement supplémentaire de l'État, le concours des régions et la participation des assureurs, désormais un peu plus en phase avec la gravité de la situation, le Fonds est aujourd'hui doté de plus de 7 milliards d'euros. Ce rehaussement, accompagné d'une révision des critères d'éligibilité, répond aux attentes du terrain, notamment dans les territoires les plus fragiles.

Je salue enfin les prises de participation de l'État au capital d'entreprises stratégiques qui matérialisent notre souveraineté économique et qui seront aussi temporaires que possible. Je regrette que le Parlement ne puisse pas participer plus activement à la définition de cette stratégie, même si j'en comprends les raisons. Je rejoins sur ce point la position de notre rapporteur général.

En votant le premier PLFR, nous nous doutions bien qu'il y en aurait un deuxième. Et en abordant le deuxième, on ne peut qu'envisager un troisième...

Néanmoins, les mesures que nous allons voter vont dans le bon sens. C'est dans cette logique constructive que le groupe Les Indépendants aborde l'examen de ce texte.

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La France, comme le reste du monde, est durement affectée par la pandémie de Covid-19, catastrophe sanitaire qui entraîne dans son sillage une catastrophe économique. Et mesurer l'ampleur des dégâts relève de la gageure.

Le groupe Union centriste a salué en mars la réactivité du Gouvernement, dont la réponse a protégé les salariés et soulagé la trésorerie des entreprises en difficulté.

Compte tenu du prolongement du confinement, dont le coût hebdomadaire pour l'économie française se monte à près de 20 milliards d'euros selon l'Insee, la situation des entreprises s'est aujourd'hui fortement détériorée.

Le Gouvernement propose de porter de 45 à 110 milliards le plan d'urgence économique. Le budget du chômage partiel voit ainsi ses crédits quasiment tripler : 24 milliards d'euros, c'est une somme considérable, mais nécessaire. De même, les crédits alloués au fonds de solidarité pour les TPE sont revus très nettement à la hausse, à 7 milliards d'euros. Il faut s'en réjouir.

En outre, 20 milliards d'euros sont mobilisés pour les entreprises dites stratégiques fragilisées par la crise. Nous veillerons à ce que l'État n'investisse pas à fonds perdus en subventionnant aveuglément les investisseurs et les créanciers de ces grandes entreprises. Il est heureux que l'Assemblée nationale ait subordonné le soutien de l'État - et donc des contribuables - au respect d'objectifs environnementaux. Nous espérons que cette mesure prospérera.

Le Gouvernement a fait le choix opportun de plusieurs mesures complémentaires pour sauvegarder l'appareil productif français. Sans doute faudra-t-il aller plus loin.

Ainsi, le report des échéances sociales et fiscales est devenu insuffisant avec le prolongement du confinement. Avec ce PLFR, 750 millions d'euros iront à des annulations de charges sociales et fiscales, pour l'hôtellerie, la restauration ou encore l'événementiel. Il sera inévitable de transformer ce report en annulations pures et simples. Nous déposerons un amendement en ce sens, sans limitation sectorielle, mais sur critères rigoureux, afin de réserver cette annulation aux entreprises les plus en difficulté, mais aussi d'en limiter le coût pour les finances publiques.

Nous approuvons le versement d'une prime exceptionnelle aux agents publics mobilisés par l'état d'urgence sanitaire, en particulier hospitaliers. Songeons aussi aux médecins généralistes, infirmières et infirmiers libéraux, salariés de laboratoires d'analyses et de dépistages, et à tous ceux qui ont affronté le danger sans réserve. Comment rétribuer leur vaillance ?

Comme le rapporteur général l'a dit ce matin, la saison des PLFR ne fait que commencer. Dans cet épisode 2, le solde budgétaire se dégrade de 92 milliards, pour s'établir à plus de 185 milliards d'euros. « Une fois qu'on a passé les bornes, il n'y a plus de limites », écrivait Alphonse Allais. Mais chaque euro injecté devra être remboursé. Nathalie Goulet, rapporteur spécial des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », vous l'expliquerait mieux que moi.

Espérons que nos débats esquisseront le plan d'investissement à bâtir collectivement, sans tarder, pour éviter chacun de ces écueils. L'hypothèse privilégiée par le Gouvernement, retour rapide à la normale, consommation rebondissant dès le second semestre, nous paraît plutôt optimiste. Thésauriser est souvent le premier réflexe après les périodes de tumultes.

Méfions-nous également de la relance pour la relance, souvent dispendieuse. L'épargne devra être drainée le plus rapidement et efficacement vers le tissu productif.

Au-delà du choc sanitaire et économique, la pandémie de Covid-19 aura un impact particulièrement lourd sur l'ensemble des collectivités territoriales : proximité, réactivité et agilité, elles ont démontré leur rôle primordial en ces circonstances si singulières.

Veillons à leur conférer les outils juridiques et financiers pour accompagner au mieux nos campagnes, nos villages et nos villes de province...

Nous nous félicitons de l'abaissement par l'Assemblée nationale du taux de TVA applicable aux gels hydro-alcooliques ainsi qu'aux masques de protection, réclamé par notre président Hervé Marseille.

Nous espérons que l'examen de ce PLFR par la Haute Assemblée permettra, dans un esprit toujours constructif, de préserver la vitalité et les forces de notre pays.

Enfin, j'ai une pensée pour tous les malades. On ne parle pas d'eux, ils sont devenus des chiffres, ou sont ignorés parce que non comptabilisés. Leur combat vaut largement le nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Après un premier PLFR, nous étudions ce nouveau texte dans des circonstances à la fois très similaires et très différentes. Notre pays est toujours confiné, et nous luttons toujours contre cette maladie qui paralyse la Nation. Mais nous en savons davantage sur les conséquences économiques possibles de la pandémie.

Lors du premier PLFR, notre groupe avait fait part de ses réserves sur le cadrage macroéconomique du Gouvernement.

Les données présentées dans ce deuxième texte le confirment : 9,1 % de déficit attendu pour 2020, 115 % de dette et 8 % de récession. Espérons que ces chiffres ne s'aggraveront pas, mais ce scénario semble à ce stade cohérent et pertinent.

Une nouvelle question est posée. Quel sera l'impact de la stratégie de déconfinement sur la reprise de l'activité économique ?

Nous partageons les craintes exprimées par le Haut Conseil des finances publiques : croire que l'essentiel de l'impact économique concernera le premier semestre de l'année et que le retour à la normale pourrait être rapide et complet est un pari positif mais risqué pour nos finances publiques.

Je vous mets en garde, messieurs les ministres, sur le vocabulaire qu'emploie le Gouvernement. Le climat est suffisamment anxiogène ! Laisser penser que vous « injectez » 110 milliards dans l'économie est une manière particulièrement biaisée de présenter les choses. Il y a d'abord les 20 milliards de participations financières de l'État, à ce stade une simple provision utilisable si besoin. L'expérience passée montre que ces prises de participation peuvent se révéler rentables pour l'État.

À cela s'ajoutent 50 milliards qui sont des avances de trésorerie et non des dépenses réelles, sans compter les 8 milliards assumés non par l'État mais par l'Unédic, et les 8 milliards portés par le budget social et non par le budget général de l'État.

Monsieur le ministre, je vous invite à moins d'emphase et plus de sobriété dans le discours. De fait, notre pays n'a pas les moyens de mettre sur la table autant d'argent que nous le souhaiterions.

Après la crise de 2008, vos prédécesseurs, faisant face à une augmentation de la dette, se sont attachés à diminuer le déficit de nos comptes publics. À votre arrivée, la croissance était meilleure et vous vous étiez engagés à baisser significativement le niveau de la dette. Hélas, à l'orée de cette crise sanitaire, le niveau de la dette était au plus haut. Nous en payons collectivement le prix.

La politique monétaire plus qu'accommodante de la Banque Centrale Européenne nous permet, malgré tout, de mener l'action publique nécessaire.

Un point est, pour le groupe socialiste et républicain, fondamental : est-ce au budget social d'assumer les 8 milliards de dépenses de santé liées au Covid-19 ? Si vous avez, à juste titre, créé une mission budgétaire spécifique sur le budget général, ces sommes devraient y être portées par souci de lisibilité financière, d'autant qu'elles sont soumises au vote du Parlement alors que vous ne prévoyez pas de PLFSS.

Depuis votre arrivée, le déficit de la sécurité sociale se creuse à nouveau. Ces dépenses ne sont pas contestables, mais demain, au lieu de faire porter ces efforts sur la solidarité nationale, on déremboursera d'un côté, on coupera dans les dépenses de l'autre.

Une nouvelle fois, les plus précaires, les malades, et nos aînés paieront à la fin.

Nous demandons l'inscription de ces dépenses sociales au budget général : la santé d'aujourd'hui ne doit pas se traduire par un affaiblissement de celle de demain.

S'il devait y avoir une prise en charge sur le budget général, nous proposons que, sur le modèle des OPEX, cela se fasse non pas dans l'opacité des décrets de reventilation intra-programme, mais, pour partie, par une solidarité entre missions budgétaires. Cela favoriserait le financement de la lutte sanitaire et économique.

Le second aspect du financement de cette crise concerne les recettes. Une nouvelle fois, nous n'en trouvons guère trace dans votre texte.

Monsieur le ministre, lors du premier PLFR, vous aviez estimé que ce n'était pas le débat et, malgré nos doutes, nous n'avions pas insisté. Eh bien, nous pouvons et devons évoquer les conséquences de cette crise pour les finances publiques et pour les particuliers.

Le Gouvernement a d'ailleurs déjà ouvert le sujet. Aux provocations du Medef visant à mettre à bas quasiment un siècle de conquête sociale...

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est pas caricatural !

Mme Sophie Primas.  - Ou si peu ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Raynal.  - ...pas du tout ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR) Plusieurs ministres ont invoqué la nécessité de travailler plus, ou la nécessaire remise à plat de la dépense publique...

Mme Sophie Primas.  - Indispensable !

M. Claude Raynal.  - Curieusement, rien sur la solidarité nationale nécessaire, rien sur la participation et l'effort des entreprises, une fois l'activité redémarrée, rien sur la participation des plus fortunés, rien sur la contribution du capital à la restauration de nos comptes.

Nous ne repartirons pas avec les recettes du passé. Nous appelons à davantage de solidarité et demandons un mécanisme de taxation exceptionnelle du capital...

Mme Sophie Primas.  - Tiens !

M. Jean-François Husson.  - Eh oui !

M. Claude Raynal.  - Oui, une taxation des revenus ou de la consommation serait contre-productive. Cependant, rien n'empêche la mise en oeuvre d'un mécanisme de solidarité fondé sur le capital.

Dans le débat, nous ferons des propositions...

M. Philippe Dallier.  - Nous n'en doutons pas !

M. Claude Raynal.  - ...et mettrons en lumière certains secteurs d'activités et certaines situations sociales...

M. Jean-François Husson.  - Soit...

M. Claude Raynal.  - Nous prenons acte des apports du Gouvernement pour maintenir le potentiel de croissance de notre économie. La réponse n'est pas parfaite, mais elle existe ; le texte gagne en crédibilité par rapport à la première mouture.

Le groupe socialiste et républicain le votera, même s'il souhaite des avancées dans le débat. Ce n'est pas un blanc-seing. Nous demandons au Gouvernement d'améliorer sa copie pour plus de transparence.

Monsieur le ministre, ne prenez pas le risque d'une fracture citoyenne et sociale au lendemain de la crise. Nous n'avons vraiment pas besoin de cela. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a à peine plus d'un mois, le Sénat a adopté, à la quasi-unanimité, le premier PLFR visant à limiter les effets d'une crise économique sans précédent, conséquence de l'arrêt presque total de l'économie mondiale pour freiner la propagation du virus.

À crise exceptionnelle, moyens exceptionnels, pour permettre, le moment venu, un redémarrage le plus rapide possible.

Il fallait préserver l'emploi comme notre potentiel de croissance. Il fallait éviter qu'une crise sociale se surajoute à la crise sanitaire.

Le groupe Les Républicains avait donc approuvé les mesures proposées. Toutefois, vos prévisions macroéconomiques nous ont semblé bien trop optimistes - une croissance affichée en recul de 1 % seulement - et le soutien aux entreprises trop restrictif, avec des trous dans la raquette.

L'essentiel des mesures était, en effet, de trésorerie : reports de charges et d'emprunts déjà contractés. C'était utile, mais insuffisant. Il manquait la reconnaissance sonnante et trébuchante des soignants et de tous ceux qui ont assuré, par leur travail, la continuité des trois fonctions publiques, des services publics et des entreprises du privé nécessaires à la vie de la Nation.

Sur ce nouveau PLFR, notre groupe vous proposera des amendements. Jérôme Bascher en parlera.

Des milliers d'entreprises ne pourront faire face à la crise, même avec les aides prévues. Les entreprises stratégiques bénéficieront du fonds de 20 milliards, que vous créez, mais quid des entreprises de l'hôtellerie, restauration, tourisme et culture qui ne repartiront pas immédiatement après le 11 mai ? Leur chiffre d'affaires perdu le sera définitivement : on ne rattrape pas une saison ratée. Leur existence même est en jeu : il faut répondre vite ; or vous repoussez la prise de décision.

J'ai une pensée pour tous les entrepreneurs et les professions libérales qui voient l'investissement financier et humain d'une vie menacé du jour au lendemain, victime des circonstances. Il faut y répondre par des annulations de charges et d'impôts. La vie d'un chef d'entreprise est loin d'être un long fleuve tranquille, contrairement à ce que l'on entend parfois, au bout duquel il n'y aurait qu'à engranger des bénéfices. Du jour au lendemain, qui n'a pas commis la moindre erreur peut tout perdre, victime des circonstances. Nous devons mesurer leur angoisse et celle de leurs salariés, et y répondre par des annulations de charges et d'impôts.

Le 11 mai, c'est demain ! Limiter à 8 % la chute de la croissance dépend de facteurs que nous ne maîtrisons pas. Il faut, très rapidement, un plan de relance et des moyens de protection de l'ensemble de la population, active ou non.

Il faudra également expliquer le manque de masques.

Le déficit public serait de 9 % cette année et le déficit budgétaire d'un peu plus de 186 milliards d'euros, après le vote de l'Assemblée nationale : c'est considérable, mais c'est le prix à payer. Depuis 2009, nous n'avons hélas pas réussi à réduire le déficit public. Nous avons perdu dix ans. La dette sera de 115 % du PIB en 2020. Notez un paradoxe : alors qu'elle a doublé, de 1 200 à 2 400 milliards d'euros, entre 2008 et 2020, elle nous coûte cette année moins cher en intérêts. Pour combien de temps y aura-t-il tension sur les marchés ? Elle a jusqu'à présent été faible -  70 points de base  - notamment grâce à l'intervention de la Banque Centrale Européenne, qui a tout de suite corrigé le tir. C'est « l'insoutenable légèreté de la dette », chère à Philippe Marini ! (Sourires)

Plus la situation de la France sera soumise aux aléas, plus nous perdons en souveraineté et moins nous sommes maîtres de notre destin. L'Europe a pris des décisions importantes, mais montre ses limites : les pays du Nord, l'Allemagne et les Pays-Bas ne sont pas prêts à accepter l'idée même d'une mutualisation d'une partie de nos dettes. Les écarts se creusent entre nos économies alors que nous partageons la même monnaie. Le nouveau « Nouveau monde » annoncé par le Président de la République ne pourra pas mettre de côté la problématique des déficits publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit aussi.)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le lundi de Pâques, le Président de la République annonçait un déconfinement le 11 mai. Le dimanche suivant, le Premier ministre annonçait un déconfinement le 11, mais...(Sourires)

Évidemment, la sortie du confinement est complexe, sans vérité ; elle doit être précise car, je le dis solennellement, la France ne peut pas se permettre un reconfinement. La reprise en V attendue, un V qui ressemble plutôt au symbole de Nike, ne doit pas être en W puis en L : ce ne serait alors plus une récession mais une dépression, avec le risque démocratique qui, de sinistre mémoire, ne manque pas de s'ensuivre.

Ce PLFR II plus réaliste que la réaction rapide du PLFR I, Philippe Dallier l'a si bien dit, ne donnera sa pleine efficacité que sous deux conditions, cartésiennes : pour réussir le déconfinement, il faut donner de la clarté et un calendrier, secteur par secteur et pays par pays, car il doit être coordonné, et j'ai peur que l'Union européenne passe à côté de l'Histoire.

L'incertitude et les palinodies sont les armes létales de la reprise. Donnons des perspectives rapidement avec le PLFR III qui doit être un vrai pacte de stabilité et de croissance !

Seconde condition, écouter et réagir aux manques que ce plan, globalement bien construit et bien calibré, ne laisse pas d'être malgré votre bonne volonté.

L'esprit qui nous anime est de remonter les inquiétudes de l'économie réelle que les administrations centrales auraient oubliées, les fameux « trous dans la raquette » des aides. La commission des affaires économiques, sous l'impulsion de Sophie Primas, comme celle des finances avec Vincent Éblé et Alberic de Mongolfier, y travaillent, mais aussi celle aussi des affaires européennes de Jean Bizet.

Il manque des crédits pour la culture, les intermittents, les vacataires du patrimoine, mais aussi pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) comme l'ont souligné les sénateurs des Français de l'étranger del Picchia, Frassat, Le Gleut et Deromedi...

Il va manquer aussi des crédits pour un dispositif que Bercy veut faire disparaître depuis vingt ans, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac), que nous défendons pourtant et qui jouera un rôle clef dans l'après. Nous avons pensé que l'on pourrait l'abonder par ceux qui profitent de l'oligopole administratif, créé par la fermeture de certains magasins.

Les efforts de crise doivent être partagés par tous. Banquiers et assureurs, grandes surfaces, État et collectivités mais aussi contribuables et travailleurs, syndicats, qui doivent jouer le jeu du dialogue, (Murmures sur les travées du groupe SOCR) les actionnaires aussi peuvent rogner sur leurs dividendes...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Gauchiste !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - C'est vous qui avez dérivé à gauche...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous allons nationaliser...

M. Jérôme Bascher.  - Il ne doit pas y avoir non plus de trous dans la raquette des efforts.

Plusieurs amendements améliorent l'efficacité et la justice de ce plan de soutien. Ils sont inspirés du terrain et de nos groupes de travail. Ils ont pour objet de transformer des reports de charges sociales et fiscales en dégrèvement, notamment pour les secteurs hôtels-cafés-restaurants (HCR), du tourisme et de la culture, de rendre les sociétés civiles immobilières (SCI) familiales ou personnes physiques propriétaires d'un monument historique ouvert au public, éligibles au prêt garanti par l'État.

Certaines banques ne jouent pas le jeu de reporter du 1er juillet 2020 au 1er janvier 2021 la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliquée au gazole non routier (GNR) du BTP. L'État est en outre bien souvent un mauvais actionnaire.

Il faut aussi baisser la TVA sur les masques et les gels...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pour ces derniers, c'est fait !

M. Jérôme Bascher.  - Ce PLFR pose de nombreuses questions sur la suite.

Comment les banques noteront-elles les entreprises sur leur bilan 2020 qui sera catastrophique ? Je rappelle par ailleurs que les prêts de trésorerie ne sont pas déductibles de l'impôt sur les sociétés (IS).

Avec 60 % du PIB en dépenses publiques y a-t-il de la place pour un plan de relance budgétaire ? C'est un niveau de dépenses...communiste, pour faire plaisir à Éric Bocquet ! (Celui-ci sourit.) Les dettes sont le respirateur artificiel de notre économie. Le fait que les stabilisateurs automatiques ne jouent pas leur rôle pose question.

La réactivité de notre système administratif a montré ses limites. Il faudra déconcentrer, décentraliser et faire du préfet le vrai patron des administrations, ARS, DDFip et rectorats compris...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Il faut supprimer les ARS.

M. Jérôme Bascher.  - Les élus locaux ont été exemplaires. Méfions-nous de toutes les tracasseries et les conditions compliquées que la bureaucratie française tente de constituer par atavisme, malgré elle, comme l'a si bien dit Bruno Retailleau. Penser global, c'est l'objectif de ce PLFR, agir local, ce doit être la souplesse et l'agilité.

Le Sénat joue pleinement son rôle sur ce volet économique et budgétaire, comme il l'a fait sur les libertés avec le président Philippe Bas. Le Gouvernement appelle à l'union nationale, avec le PLFR I, le Sénat a montré cet état d'esprit. Avec le PLFR II, c'est au Gouvernement de montrer le sien : faisons de part et d'autre assaut de modestie mais aussi de détermination face à une crise qui interroge sur notre humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit aussi.)

M. Bruno Le Maire, ministre .  - Sur le calendrier, je souhaite que nous procédions étape par étape. Le premier temps était celui de la riposte économique : c'est le plan d'urgence que nous avons mis en place, amélioré par ce PLFR, qui tient compte des remontées du terrain.

Le deuxième temps est celui de la reprise économique, de la reprise du travail, après le 11 mai. Nous devrons préciser les conditions de réouverture des commerces. Cela prendra plusieurs semaines.

Le troisième temps sera celui de la relance économique. Ne mélangeons pas les étapes. La riposte est immédiate, la reprise aura lieu dans quelques jours, la relance a un horizon de plusieurs semaines, voire de mois.

Le Gouvernement tablerait sur une reprise économique rapide ? Cela n'a jamais été le cas. J'ai toujours indiqué qu'elle serait lente, longue et coûteuse et je ne retire aucun mot. Il faut tenir aux Français un discours de vérité : cette crise n'a pas de précédent dans notre histoire économique récente. Elle n'est comparable, par son intensité, qu'à celle de 1929.

Retrouver le niveau de croissance et de prospérité que nous avons connu prendra du temps, sera difficile et coûteux. Des secteurs industriels ont été à l'arrêt pendant des semaines. Des chaînes de valeur ont été interrompues qui ne pourront se reconstituer tout de suite, en appuyant sur un bouton. Il faudra retrouver des matières premières et certains approvisionnements pourraient s'avérer difficiles. Prenez l'exemple du cobalt, alors que la République démocratique du Congo a confiné certaines mines, et du lithium, produit en Amérique du Sud.

Des chaînes de production sont très complexes : un Airbus nécessite 500 000 pièces, c'est-à-dire des centaines de sous-traitants.

La situation pandémique est incertaine et rien n'est plus défavorable à la reprise économique que l'incertitude. Chacun veut garder un Livret A garni.

Enfin, la reprise devra s'accompagner de règles sanitaires strictes. Les magasins ne pourront pas accueillir autant de clients. Idem pour les restaurants et les bureaux. Cela empêchera l'économie de tourner à plein régime.

Oui, il faut en convenir, avec beaucoup d'humilité, la reprise économique sera longue, lente, difficile et coûteuse. C'est mon langage depuis le premier jour, celui de la vérité.

La discussion générale est close.

M. le président.  - Nous allons suspendre la séance pour la reprendre à 21 h 30... Monsieur le président de la commission des finances, à quelle heure allez-vous réunir votre commission ?

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - À 19 heures, en raison des délais incompressibles d'élaboration du dérouleur...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous sommes bien sûr à la disposition du Sénat, mais souhaiterions savoir ce que vous envisagez pour la suite du débat, pour caler nos agendas...

M. le président. - Vu le nombre d'amendements, nous devrons lever vers minuit et demi pour siéger demain matin, à partir de 9 h 30, puis continuer l'examen des amendements demain après-midi après les questions au Gouvernement, et éventuellement demain soir.

La CMP serait décalée jeudi, à 11 heures, et ses conclusions...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - ...ou la nouvelle lecture !

M. le président.  - ...seraient examinées jeudi après-midi...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - ...ou soir !

M. le président. - Tout dépendra du rythme de nos travaux. Voilà où nous en sommes à cette heure-ci.

La séance est suspendue à 16 h 30.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 21 h 30.