Déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques contre le Covid-19

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative aux innovations numériques dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La crise sanitaire qui frappe le monde entier, exceptionnelle par sa gravité et par les deuils et sacrifices qu'elle a imposés, nous oblige à des réponses adaptées et à la mobilisation de toutes les ressources possibles.

Le Gouvernement veut inscrire son action dans le cadre des valeurs de notre démocratie : respect de l'État de droit et des libertés individuelles. C'est la condition pour conserver la confiance de nos concitoyens.

Le numérique a démontré son potentiel et son intérêt en télémédecine, en télétravail et pour l'école à distance. Encore faut-il avec un encadrement garantissant à chacun la protection de ses droits fondamentaux et le respect de sa vie privée et de ses données personnelles.

La loi Informatique et libertés de 1978, qui a créé la CNIL, était un texte pionnier en Europe. L'Union européenne, sous l'impulsion de la France, a élaboré un cadre protecteur pour l'utilisation des données personnelles : ainsi de la directive ePrivacy du 12 juillet 2002, qui garantit la protection de la vie privée dans le cadre des correspondances électroniques. La RGPD de 2016 a une portée considérable.

Ces textes n'interdisent nullement l'utilisation des données personnelles dans le cadre d'une stratégie sanitaire, dans le respect de certains principes, dont le socle est posé à l'article 5 du RGPD.

D'abord, le principe de limitation des finalités : celles-ci doivent être « déterminées, explicites et légitimes » pour justifier l'utilisation de données personnelles.

Deuxième principe : la licéité. Le traitement doit se fonder sur l'une des bases juridiques énumérées : le consentement des personnes, l'exécution d'un contrat ou d'une mission de service public.

Troisième principe, la minimalisation des donnés, ou proportionnalité. Les outils mis en place par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire respectent ces trois principes, à l'instar du Sidep et Contact Covid mis en place par le décret du 12 mai.

L'application StopCovid respecte les mêmes principes ; elle complète les outils développés dans le cadre de la stratégie de déconfinement progressif. Ces trois dispositifs ont reçu, dans deux décisions successives, un avis favorable de la CNIL, qui s'est félicitée que ses préconisations aient été suivies.

M. Loïc Hervé.  - Encore heureux !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Conseil national du numérique a lui aussi rendu un avis favorable. StopCovid n'est pas un outil de géolocalisation des personnes ni de suivi de leurs déplacements. L'outil Bluetooth est le moins intrusif et ne permet pas le pistage des personnes ni leur identification. StopCovid n'a pas davantage vocation à ficher les Français ou contrôler le respect des mesures sanitaires. Le décret sera très clair et précisera les utilisations de l'application.

J'en viens à ce qu'est StopCovid. Il est nécessaire non seulement d'identifier les cas contacts, c'est-à-dire les proches de la personne infectée comme les inconnus qu'elle a pu croiser, mais aussi de les contacter au plus vite afin de juguler les chaînes de contamination.

C'est donc dans le cadre d'une mission d'intérêt public que le traitement des données sera mis en oeuvre, sous la responsabilité du ministère des solidarités et de la santé.

De nombreuses garanties ont été apportées. Le téléchargement de l'application, libre et gratuit, résulte d'une démarche volontaire ; le consentement sera requis à chaque étape, la désinstallation possible à tout moment. Aucune conséquence négative n'est attachée au non-recours à l'application : accès aux tests et aux soins, aux transports en commun, liberté d'aller et venir ne sauraient être conditionnés à l'installation de l'application. Aucun droit ou avantage n'est associé à son utilisation.

Deuxième garantie : la pseudonymisation. Aucune donnée identifiante ne sera traitée. Ni listes de personnes contaminées ni d'interactions sociales. Seules des identifiants éphémères seront utilisés.

Troisième garantie : les données ne seront utilisées que pour la durée d'utilisation de l'application soit, comme Contact Covid et le Sidep, six mois. Les historiques de proximité ne seront conservés que quinze jours, soit la durée d'incubation du virus. L'utilisateur pourra à tout moment demander la suppression des données.

Dernière garantie : la transparence. Les utilisateurs seront pleinement informés de leurs droits en installant l'application, conformément aux préconisations de la Commission européenne, du Comité européen de la protection des données (CEPD) et de la CNIL, avec laquelle nous avons travaillé.

L'application StopCovid est volontaire, temporaire, non-identifiante et transparente : toutes les garanties sont prises. Elle n'a pas vocation à devenir l'élément central de la lutte contre la Covid-19 ; ce n'est pas non plus un moyen déguisé pour ériger un État policier.

La vigilance, cependant, est indispensable. En témoignent les garanties apportées au dispositif et le débat démocratique que nous tenons. Elles permettent d'envisager cette application comme un outil précieux pour protéger la santé de nos concitoyens sans attenter à leurs libertés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Jean-Pierre Leleux et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - La dangerosité du virus n'est plus à prouver. La France, comme d'autres pays, paie un lourd tribut à cette crise. Le déconfinement a ouvert une nouvelle phase, mais le combat n'est pas terminé. Tous les outils doivent être mobilisés. Le débat qui nous réunit est celui de la pertinence et de la juste mesure.

StopCovid est-il efficace ? De nombreuses études épidémiologiques concluent à l'utilité de telles applications pour alerter les contacts anonymes croisés dans les transports et les commerces. Le contact tracing, au coeur de la stratégie de déconfinement, est le seul instrument permettant de rompre les chaînes de transmission.

Le suivi de contacts est déjà utilisé depuis longtemps pour de nombreuses pathologies infectieuses ; il repose sur les médecins de ville, biologistes, infirmiers et agents de l'assurance maladie. Près de 45 % des transmissions se font à partir de personnes asymptomatiques. StopCovid permet de repérer plus précocement les potentiels cas contacts qui peuvent s'isoler, consulter et se faire tester. Cette solution numérique ne vient pas en substitution mais en appui du traçage réalisé par l'assurance maladie.

Arrivons-nous trop tard ? (M. Loïc Hervé estime que oui.) L'Académie de médecine est favorable à une application de ce type dans le cadre du déconfinement pour associer activement la population à la lutte contre la pandémie, tout en respectant le RGPD.

Un moyen efficace est-il pour autant toujours légitime ? Nous avons tous le même objectif : protéger les Français, sans porter atteinte à leurs libertés. Nous concilions ces deux exigences en assurant la transparence. Les recommandations du Conseil national de l'ordre des médecins, émises dans son avis du mois d'avril, ont été suivies.

L'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) a été chargé de développer le prototype de l'application. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a été sollicitée pour en garantir la résilience et la sécurité. Enfin, la CNIL a été étroitement associée, dans le respect de son indépendance. (M. Loïc Hervé s'exclame.) Le projet a impliqué les équipes de Santé Publique France et la direction générale de la Santé.

La protection de la vie privée est un principe absolu. StopCovid n'est pas autre chose qu'un outil efficace et, je le crois, légitime, contre une épidémie redoutable.

Le ministère des solidarités et de la santé s'appuie déjà sur le numérique avec le site mesconseilscovid.sante.gouv.fr, outil intervenant en amont de l'entrée dans le parcours de soins, avec des conseils personnalisés sans stockage de données sur un serveur central.

Notre stratégie est claire : tester, tester, tester. La carte géolocalisée des 3 100 sites de prélèvement virologique, mise en ligne il y a quelques jours, a été consultée plus de 400 000 fois.

Les startups et éditeurs en santé ont rivalisé d'innovation contre la Covid. Le Gouvernement a lancé une plateforme de référencement, un véritable guichet de l'innovation numérique contre la Covid, recensant déjà plus de deux cents services.

Cette période est l'occasion de montrer l'inventivité et l'ingéniosité que notre pays est capable de déployer, sans jamais renoncer à ses principes fondateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Jean-Pierre Leleux et Franck Menonville applaudissent également.)

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - C'est la première fois, mais sûrement pas la dernière, qu'un logiciel mobilise ainsi le Parlement. Le Sénat a déjà débattu de l'utilisation des outils numériques, mais il s'agit ici d'un outil spécifique, avec des implications profondes.

Le numérique, la crise l'a montré, est devenu la colonne vertébrale de notre économie, de notre société, voire de nos institutions. Il a ses propres règles et déterminants. Les langages du droit et de la loi ont une noblesse que le code informatique n'a pas encore. L'intelligence artificielle et les algorithmes décident de plus en plus pour nous, au risque de reproduire voire d'amplifier les inégalités, notamment de genre.

Les réseaux sociaux nous ancrent dans la culture et le droit anglo-saxons, les moteurs de recherche hiérarchisent l'accès à l'information et formatent notre débat démocratique. Le numérique doit être appréhendé comme une grammaire qui détermine toutes les autres matières. À cette aune, StopCovid n'est que peu de chose. La polémique qui l'entoure en dit plus de nous que de l'application elle-même.

Le principe en est simple : une fois installée - volontairement bien sûr - l'application historisera sur votre téléphone la liste des personnes utilisatrices de l'application croisées pendant plus de quinze minutes à moins d'un mètre - sans que vous connaissiez leur identité.

Si vous êtes testé positif, vous pouvez notifier immédiatement ces personnes. De même, vous serez prévenu - de manière anonyme - si l'un de vos contacts est testé positif. Dans ce cas, il faudra s'isoler et, le cas échéant, être traité. L'objectif est de circonscrire les départs de feu.

L'enquête sanitaire est limitée par deux facteurs : l'impossibilité de tracer les contacts avec des inconnus, dans les transports par exemple, et la rapidité d'action. Or le temps est crucial pour prévenir les contaminations, qui sont pour moitié le fait de personnes en phase d'incubation ou asymptomatiques.

StopCovid n'est pas une solution magique mais un complément utile et nécessaire au travail central des équipes d'enquête sanitaire. Ses avantages justifient-ils d'y consacrer tant de moyens ? La quasi-totalité des gouvernements européens ont un projet d'application. Le Conseil scientifique a jugé un tel outil indispensable, même si la prévalence de l'épidémie est basse. L'Académie de médecine a également donné un avis favorable. Plus de soixante épidémiologistes reconnus, dans une tribune au Monde, y voient un atout incontestable pour gagner du temps. Si nous voulons éviter une deuxième crise, nous devons nous en donner les moyens. (M. Loïc Hervé s'exclame.)

StopCovid n'est pas une coquetterie technologique, mais un outil sanitaire au service de la protection des Français. Mais l'efficacité sanitaire ne se paye pas à n'importe quel prix. Son acceptabilité suppose de fortes garanties en matière de protection de la vie privée.

L'application a suscité des interrogations, et même des projections dystopiques. Certains craignent une société de la surveillance. Je veux les rassurer : la seule technologie utilisée est celle du Bluetooth, tout est anonyme. Les informations sont cryptées et la géolocalisation inexistante.

Certains redoutent que le libre arbitre ne cède devant la pression sociale. Ces craintes sont sans objet : l'installation est entièrement volontaire. Nul ne pourra contraindre quiconque à installer l'application, sauf à s'exposer à des poursuites judiciaires. (Mme Éliane Assassi ironise.)

D'autres doutent de son efficacité. Il faut relire les études de modélisation, notamment celle de l'Oxford Imperial College : dans un bassin de vie, sans autres gestes barrières, la diffusion de l'application à 60 % de la population suffit à juguler l'épidémie. Mais dès les premières utilisations, elle sauve des vies. Elle a une efficacité systémique et linéaire à partir de quelques pourcentages d'utilisateurs.

D'aucuns redoutent une tendance pavlovienne des gouvernements à détourner les nouvelles technologies pour en faire des outils de surveillance. Je ne partage pas cette vision. Les nouvelles technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises. Il nous revient de bâtir les contre-pouvoirs qui nous protègent d'éventuelles dérives.

La première garantie, c'est la transparence totale, avec la publication du code en source ouverte par l'Inria. Vous avez institué, en votant les articles 6 et 11 du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire, un comité de liaison et de contrôle qui a vocation à évaluer l'ensemble des outils de traçage mise en place par le Gouvernement : le décret, pris le 15 mai, précise sa composition et ses missions.

L'intérêt du Gouvernement est de faire la transparence totale sur cet outil afin de rassurer et promouvoir son adoption.

Reste que le risque zéro n'existe pas. Le projet StopCovid n'est pas pour temps de paix : il répond à une crise historique, et n'a pas vocation à lui survivre. Soit on fait tout pour éviter que l'épidémie reprenne, en déployant cet outil jugé nécessaire par les médecins et approuvé par la CNIL, soit on choisit, pour des raisons politiques et philosophiques, de priver les volontaires de cette protection, et on accepte qu'il y ait des contaminations, des morts, un risque de reconfinement. Cette formulation est violente, mais c'est bien ce que nous dit la science - je vous renvoie aux travaux des épidémiologistes parus encore hier. (M. Loïc Hervé s'exclame.)

Si l'on refuse de se doter de tous les outils, il faut le faire les yeux ouverts, comme dirait Marguerite Yourcenar. Tout est question de proportionnalité et d'équilibre. La CNIL s'est prononcée deux fois en faveur de l'application, qu'elle juge conforme au RGPD, régime le plus protecteur au monde. Le Gouvernement requiert maintenant votre approbation.

Une réflexion personnelle, enfin : StopCovid est un projet français qui a le goût de l'excellence, du panache et de l'entêtement qui caractérisent notre pays. Il est le fruit de milliers d'heures de travail de nos ingénieurs.

Quelque 22 pays ont choisi de développer les solutions d'Apple et de Google. La France, comme le Royaume-Uni, a fait le choix de l'indépendance, comme elle l'a fait en matière de dissuasion nucléaire - et ce n'est peut-être pas un hasard. (Mouvements divers) Nous estimons qu'une grande entreprise n'a pas à contraindre les choix sanitaires d'une nation souveraine. La France a fait le choix de l'indépendance.

Je salue l'engagement de l'Inria et de l'équipe resserrée qui s'est engagée à ses côtés : Capgemini, Dassault Systèmes, Orange, les industriels qui ont travaillé gratuitement, mais aussi l'Inserm, l'Anssi, l'Institut Pasteur, Santé publique France ou encore l'armée de terre.

L'aventure se poursuit. Nous travaillons au déploiement d'un support hors téléphone. Nous avons été attentifs à la fracture numérique en rendant l'utilisation de StopCovid la plus simple possible, notamment pour les personnes handicapées.

À l'heure où une poignée d'entreprises quasi oligopolistiques étendent leur domination, c'est cette alliance de la recherche, des grandes entreprises, des startup et des institutions qui doit permettre à la France de conserver son indépendance sanitaire et technologique. Ce rapport à la science plonge ses racines dans le roman national français, celui de Lavoisier, de Marie Curie, des frères Lumière, de Louis Pasteur... (On se gausse sur les travées du groupe CRCE.)

Cette application est dans le prolongement de la voie d'indépendance et de souveraineté nationale ouverte par le Général de Gaulle et suivie par ses successeurs. (Exclamations ironiques à droite comme à gauche ; M. Martin Lévrier applaudit.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Dressez-lui une statue !

M. Loïc Hervé.  - Quel oecuménisme !

M. Jean-François Husson.  - C'est de la lévitation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous ne citez pas Platon ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La modernité a longtemps transcendé les différences partisanes ; la modernité libérale, monsieur Kanner, le progrès et l'émancipation ont longtemps été au coeur du programme historique de la gauche.

Ne perdons pas le fil de notre histoire à l'heure où le progrès n'a plus si bonne presse. Une partie de la France n'ose plus regarder l'innovation en face, qu'il s'agisse des OGM, de la 5G ou encore de l'intelligence artificielle. Le réchauffement climatique est bien sûr là pour nous rappeler que le progrès n'est bon en soi, et qu'il doit être maîtrisé et piloté.

M. Loïc Hervé.  - On s'éloigne du sujet !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Mais un pays qui a peur d'innover et qui fait du principe de précaution l'alpha et l'oméga est un pays qui gère son déclin.

Il est rare de défendre ardemment un projet en espérant qu'il ne servira pas, mais l'espoir n'a jamais fait une stratégie. Tous les outils doivent être déployés, dès lors qu'ils respectent nos valeurs, pour combattre le virus.

Je vous demande de nous autoriser à déployer l'application StopCovid. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Franck Menonville et Pierre Louault applaudissent également.)

Orateurs inscrits

M. Philippe Adnot .  - Vous connaissez mon esprit d'indépendance et ma volonté farouche de ne pas laisser réduire notre espace de liberté. Le traçage numérique est une remise en cause de nos libertés fondamentales. Même si j'ai de la sympathie pour les Chinois, la reconnaissance faciale, l'attribution de bons points n'est pas le modèle que je souhaite pour la France.

Pour autant, j'ai suivi avec attention le projet StopCovid car il faut sortir au plus vite de cette pandémie. Je regrette que le projet européen regroupant 135 chercheurs de huit pays ait achoppé. L'alliance improbable d'Apple et de Google a fait voler en éclats le consensus européen. J'approuve la volonté du Gouvernement de refuser que ces géants ne s'approprient un peu plus nos données. J'espère que nous pourrons avoir confiance dans l'application élaborée par l'Inria, qui devra assurer l'interopérabilité avec nos partenaires.

Dès lors que les garanties nécessaires seront effectives - limitation dans le temps, anonymat, volontariat -, et que des tests massifs seront réalisés, je voterai pour le déploiement de cette technologie afin de vaincre la pandémie, mais vous serez en liberté surveillée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, LaREM et RDSE)

Mme Éliane Assassi .  - Le parcours de cette application a été chaotique. Un premier débat avait été annoncé pour fin avril puis repoussé par le Premier ministre au motif que l'application n'était pas prête. L'est-elle aujourd'hui ?

Vous avez annoncé son déploiement pour ce week-end, en attendant le feu vert du Parlement : mais quelle valeur accordez-vous au vote du Sénat ? Le même qu'à son vote sur le plan du déconfinement ?

Vous êtes catégoriques sur les précautions prises pour respecter les libertés publiques mais de nombreuses questions éthiques, politiques et techniques demeurent.

Le Bluetooth évite certes la géolocalisation mais c'est une véritable passoire ouverte au piratage.

En évoquant l'avis de la CNIL, vous omettez de mentionner qu'en l'état du projet de décret, les droits d'accès d'effacement ou d'opposition ne s'appliquent pas. Selon la représentante de l'Inria entendue ce matin par la commission de la culture, en temps normal, une telle application est développée en cinq ans, pas en trois mois : quelles que soient les ressources mobilisées, il y aura des failles. L'innocuité d'un système ne doit pas être présumée en comptant sur l'honnêteté des acteurs !

L'usage de l'application est volontaire, dites-vous, mais son non-usage ne risque-t-il pas d'être reproché, par un employeur par exemple ?

L'implication de grands groupes dans le développement de cette application ne nous rassure guère. Dans une tribune du Monde, trois spécialistes du numérique disent craindre un dévoiement possible de l'application comme un outil coercitif.

Les médecins et les épidémiologistes seraient tous favorables à cette application ? J'en connais qui ne le sont pas. Mais le Parlement est le seul juge de la défense des libertés publiques. Vous auriez mieux fait d'écouter les sachants sur les moyens de l'hôpital !

StopCovid ouvre la voie à des dispositions intrusives dans d'autres domaines et pour d'autres finalités. Nous sommes résolument opposés à cet engrenage qui risque de mener à une surveillance généralisée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR)

M. Emmanuel Capus .  - Traçage, pistage, suivi des contacts, historique des rencontres : certains ont pu se demander si Big Brother n'avait pas fait son entrée dans la santé.

Le débat sur l'atteinte possible aux libertés individuelles et l'efficacité sanitaire de cette application est légitime et sain.

D'autres pays plus ou moins démocratiques travaillent à des dispositifs plus ou moins liberticides - géolocalisation, installation imposée - d'autres s'en remettent à Google et Apple. Malgré les pressions, le Gouvernement a fait l'effort de développer une solution française, premier pas, espérons-le vers la souveraineté numérique.

L'application sera déployée avec un code source ouvert : cela permettra de vérifier la conformité aux annonces et d'augmenter le niveau de sécurité.

Il faudra veiller à ce que personne n'ait accès aux identifiants et que l'utilisation reste volontaire. La CNIL a estimé que le Gouvernement avait respecté ses recommandations.

Les libertés individuelles ne sont pas une option. Les restrictions doivent être les plus limitées possible. Le principe de responsabilité individuelle implique la liberté de choix. Mais si elle n'est pas obligatoire, l'application est-elle toujours utile ?

Dans certains cas, les enquêteurs sanitaires sont démunis, notamment dans les zones urbaines denses, dans les transports en commun. L'application pourra y remédier. Les garanties apportées nous semblent suffisantes. Pour autant, l'humain doit demeurer prioritaire : il faudra des moyens suffisants pour les enquêteurs sanitaires.

La France continue de vivre avec le risque du Covid. La pire des privations de liberté, c'est le confinement. Dès lors qu'ils ne contreviennent pas à nos principes, tous les outils qui contribuent à faire reculer le virus recueillent notre soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM)

M. Loïc Hervé .  - Le Gouvernement a choisi de consulter le Parlement sur l'application StopCovid. Notre débat est plus politique et philosophique que technique et juridique.

L'épidémie a tué 30 000 de nos concitoyens et mis notre économie à genoux. Mais nous ne devons pas pour autant passer d'une société de la bienveillance à une société de la surveillance.

Je reconnais vos efforts pour rendre cette application conforme au droit national et communautaire. Mais elle a tant de défauts pour si peu de mérites que je ne peux me résoudre à l'accepter.

Je ne suis pas favorable à la technologie à tout va, ni ne crois que la loi de 1978, la CNIL ou le RGPD seraient des freins à la croissance de la nouvelle économie, comme on l'entend ici ou là.

Par ailleurs, l'application aurait dû être mise en oeuvre pendant le confinement, alors que nombre de nos libertés étaient si lourdement atteintes, pas un mois après le déconfinement.

Les maires et présidents de collectivités locales s'étonnent que l'on évoque un consensus des associations des élus locaux sur le sujet.

Vous aviez annoncé il y a quelques semaines une application souveraine et européenne - je me réjouissais de la collaboration de l'Allemagne, de la Suisse et de notre pays - mais il n'en est rien in fine.

Les choix nationaux ont incité nos voisins à choisir une solution décentralisée, conformément à celles proposées par Apple et Google. Quel renoncement quand on sait que les systèmes sont difficilement interopérables !

Ces applications franchissent deux lignes rouges : l'expérimentation massive du traçage social dans une architecture numérique centralisée, et l'association de grands groupes à un dispositif qui fonctionnera, dans certains pays, par défaut dans leurs systèmes d'exploitation de leurs téléphones et de leurs montres connectées. C'est le début d'un basculement.

Même si les garanties apportées par le Gouvernement sont nombreuses, elles sont mineures par rapport au pas de géant que représente StopCovid. Le curseur qui devait osciller entre liberté et responsabilité s'est déplacé entre liberté et sécurité.

Je citerai pour finir La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire : « Il est incroyable de voir comment le peuple, dès qu'il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu'il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu'on dirait à le voir qu'il n'a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude ».

Pour moi et certains membres de mon groupe, StopCovid, c'est non ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tant que nous n'aurons ni vaccin ni traitement, il faudra se concentrer sur les moyens de casser les reins de ce virus : dès le début du confinement, j'avais dit au Gouvernement qu'il fallait axer l'action sur le dépistage, le traçage et l'isolement. C'est ce qu'on fait les pays qui ont mieux réussi que nous. Au sein de ce triptyque, le traçage est essentiel car il faut retrouver tous ceux qui ont été en contact avec la maladie. C'est dans ce cadre que vous nous présentez cette application, dans la continuité de l'article 6 de la loi que nous avons votée la semaine dernière sur la prorogation de l'état d'urgence sanitaire.

Cette application que vous nous soumettez a fait couler beaucoup d'encre et de sueur. Je salue les entreprises françaises qui ont bénévolement participé à la mise au point de cette application.

Il faut éviter les deux écueils cités par certains : le solutionnisme technologique et le remède pire que le mal. Nous n'avons pas à choisir entre la liberté ou le sanitaire ! Nous devons trouver le juste équilibre entre l'un et l'autre.

Nous ne devons écarter aucune solution mais sans renier nos valeurs démocratiques et républicaines. Nous étions face à un dilemme identique à l'époque des attentats.

Le 8 avril, je demandais au Président de la République plusieurs garanties, et la réponse m'est parvenue il y a quelques heures. Mais il y a loin de l'Olympe à la terre. (Sourires)

Tout d'abord, je demandais pour cette application l'efficacité, mais aussi le volontariat, l'anonymisation, l'autodestruction des données, la transparence et le code source ouvert. C'est le cas.

Il fallait enfin un contre-pouvoir, un contrôle, à la mesure de la puissance de la technologie.

Quant à l'efficacité, je voulais m'assurer que l'application fonctionnerait et serait utile. Elle sera sans doute peu téléchargée - moins que les 49 % évoqués par les sondages - mais on sait qu'en matière d'épidémiologie, un peu vaut mieux que rien du tout.

Je n'ai jamais fait preuve de complaisance à l'égard du Gouvernement...

M. Julien Bargeton.  - C'est vrai !

M. Bruno Retailleau.  - Pourtant, il faut donner une chance à cette application, et éviter la soumission aux Gafam, comme l'ont l'Allemagne, l'Italie et peut-être l'Espagne...

M. Julien Bargeton.  - Tout à fait !

M. Bruno Retailleau.  - La souveraineté, dans le domaine numérique comme dans d'autres, est fondamentale. Si vous ne voulez pas être tracés, géolocalisés, n'utilisez surtout pas vos téléphones, mes chers collègues ! La CNIL estime que l'application telle qu'on nous la propose est plus protectrice que n'importe quel smartphone.

Il faut que la technologie soit compatible avec le respect de la vie privée et des données personnelles.

Le groupe Les Républicains a déféré la loi Avia au Conseil constitutionnel et j'en suis fier ; c'est au nom des mêmes principes de respect des libertés qu'il faut voter ce texte, pour se donner une chance de ne pas céder aux sirènes des Gafam. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et LaREM)

M. Jérôme Durain .  - Monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain a suivi avec intérêt vos prises de parole dans la presse et les différents médias. Ce débat se déroule ce soir dans cet hémicycle dans un climat apaisé. Aussi, j'éviterai toute position dogmatique sur l'avenir de votre application.

La solution que vous nous proposez poursuit des objectifs utiles. Des efforts ont été faits pour répondre aux objections. Mais vous avez fait un choix technique discutable, celui d'une architecture centralisée ; cela peut se défendre, mais l'option décentralisée donne davantage confiance aux utilisateurs. C'est la raison du retrait de l'Allemagne, dont on connaît le souci en matière de respect des données personnelles. Nous regrettons l'échec du projet de coopération européenne. La France se retrouve isolée en retenant une solution peu populaire chez nos voisins.

GPS ou Bluetooth ? Là encore, on peut défendre le Bluetooth, qui ne géolocalise pas, mais il est aussi très fragile s'agissant des risques de piratage.

De fait, quant à la sécurité des données centralisées, je n'en suis pas convaincu, même si vous avez soumis le dispositif à l'Anssi.

Avec la vidéosurveillance et le hacking, la méfiance est généralisée.

Quant à l'atteinte aux libertés fondamentales, après les drones et les attestations de sortie, il est temps de dire stop. Et je crains que mon groupe, dans sa majorité, ne dise stop au StopCovid.

L'avis de la CNIL n'est pas si positif que vous ne le laissez entendre.

Les choix de la France ne sont pas ceux de la Corée. Mais la Corée nous enseigne que l'application peut par les concentrations de contacts, renseigner sur l'orientation sexuelle. À Singapour, pays discipliné, seuls 20 % de la population a téléchargé l'application. En Autriche, on compte 500 000 téléchargements pour huit millions d'habitants. La Suède, elle, a décidé de se passer de l'application.

Monsieur le ministre, nous préférons être convaincus a priori qu'a posteriori. Cette application arrive trop tard et ne changera rien. Le résultat d'un scrutin public, dans cette assemblée, sur le téléchargement de l'application serait sans doute décevant.

Monsieur le ministre, vos envolées s'apparentent à du solutionnisme technocratique. Ce n'est pas parce que nous savons le faire que nous devons le faire. StopCovid est plutôt AntiCovid. Il ne dispense pas des gestes barrières, ni de la préservation des libertés individuelles.

Mme Françoise Laborde .  - La pandémie nous rappelle que les crises interrogent nos consciences sur les libertés fondamentales que nous sommes enclins à sacrifier, provisoirement ou non.

Je regrette les conditions de ce débat et la publication tardive du décret qui encadrera StopCovid. L'expérience de la plateforme APB, avec ses 1 582 violations critiques, nourrit l'inquiétude.

Les épidémiologistes et la CNIL jugeant cette application utile, pour briser les chaînes de contamination, constatent un relâchement d'une minorité de la population. La majorité d'entre nous a compris les enjeux sanitaires. Ce n'est pas en nous culpabilisant que vous convaincrez d'utiliser l'application. Il faut retrouver la confiance de la population dans la décision publique. En cela le comité de contrôle est une bonne chose.

Quant au public visé, je regrette que l'application ne soit pas disponible sous forme de boîtier pour les personnes âgées, qui peuvent être exposées dans les transports en commun, les commerces et les Ehpad.

La délibération de la CNIL de lundi m'a rassurée : elle valide le dispositif quant à son utilité et à sa proportionnalité, mais soulève des interrogations sur l'exactitude des données. Fallait-il numériser et centraliser le traçage ? Quel est le devenir des données ? Je regrette que nous devions voter séparément sur ces questions, alors que la CNIL reconnaît la complémentarité de StopCovid avec Contact Covid et le Sidep, beaucoup plus intrusifs.

La France et le Royaume-Uni ont choisi la centralisation de l'architecture du protocole, un choix risqué. Reconnaissons que des efforts ont été fournis pour garantir la sécurité mais j'ai besoin d'une garantie supplémentaire : la suppression des données figurant dans le serveur central lors de la désinstallation.

L'infiltration du numérique dans tous les pans de l'administration et de notre vie privée ne va pas sans danger : ce n'est pas parce qu'on peut le faire qu'on doit le faire et qu'on a le droit de le faire !

Pour les innovations numériques comme pour le reste, le facteur humain doit demeurer central en toutes circonstances. Une partie de mon groupe soutiendra la mise en place du StopCovid. Nous nous réjouissons de ce débat qui permet au Parlement, comme c'est son rôle, de se prononcer en toute conscience à un moment aussi important pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Julien Bargeton .  - Benjamin Constant disait : « L'arbitraire n'est pas seulement funeste lorsqu'on s'en sert pour le crime. Employé contre le crime, il reste dangereux. » (M. Loïc Hervé s'exclame.)

Pour nous il n'y a, en l'occurrence, aucun arbitraire. Même si StopCovid suscite des interrogations, légitimes, mais il place le curseur au bon endroit.

Il est utile, les scientifiques nous le disent. Certes, l'avis des scientifiques n'oblige pas le Parlement mais c'est une condition préalable.

Les libertés individuelles, si chères à la construction de l'identité politique du Sénat, sont elles aussi respectées, ainsi que l'a reconnu la CNIL. L'État a, dans ces conditions, non seulement le droit mais le devoir impérieux de mettre en place l'application. (M. Loïc Hervé proteste.)

Il est heureux, me semble-t-il, que l'application soit développée dans un cadre public plutôt que de laisser un monopole sur notre bien le plus précieux, le lien social, aux géants du numérique.

Il ne faut pas, par naïveté, baisser la garde face aux Gafam. Dès lors que la crainte de l'arbitraire est levée, l'avis peut évoluer. Certains l'ont fait à l'Assemblée nationale. Certains ici ont eu des doutes et des interrogations. J'aimerais convaincre les derniers réticents...

Comment une application serait-elle à la fois inefficace et dangereuse ? Il faut choisir ses arguments ! L'un annule l'autre ! Cela me fait penser à l'histoire du chaudron emprunté dans L'Interprétation des rêves de Freud. Il ne faut être ni trop frileux ni trop fougueux : ce qui nous est proposé n'est pas Big Brother ! Pour autant, le principe de précaution ne présuppose pas l'inaction ; on nous le reprocherait.

Je crois que l'équilibre atteint au regard des libertés publiques et de l'utilité de l'application proposée suffit à lever les préventions initiales. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le droit d'accès, il est vrai, madame Laborde, n'est pas garanti. Mais il ne peut l'être quand l'État n'a pas non plus ce droit.

Sur la question de M. Retailleau, je ne désespère pas de trouver une voie européenne avec le protocole Désiré. Une première réunion s'est tenue avec les Italiens, les Espagnols, les Allemands, hier, au sein de la Commission européenne. Je reste prudent mais j'espère des avancées début juillet ; ce serait une belle victoire pour la construction européenne, qui nécessitera probablement de nouvelles discussions avec les Gafa.

Messieurs Hervé et Durain, je ne crois pas verser dans le solutionnisme technologique : je vous ai dit ce matin en commission des lois que si vous aviez le choix entre les brigades d'enquête sanitaires et StopCovid, il faudrait choisir les premières. Mais il ne faut pas choisir et les études épidémiologiques montrent que l'application est complémentaire des brigades sanitaires. Je crois que la solution centralisée, c'est-à-dire d'un serveur sous le contrôle de la DGS, est préférable à la solution décentralisée en matière de sécurité.

En Corée du Sud, on a identifié un effet des foyers constitués de gens qui ne souhaitaient pas du tout que l'on sache qu'ils avaient été en contact. Mais lorsque des règles n'ont pas été respectées, à un enterrement, un mariage ou un match de football, par exemple, nul ne veut faire état de ses auteurs aux enquêteurs sanitaires. Dès lors, du temps est perdu pendant lequel l'épidémie se propage, y compris par des personnes asymptomatiques. Les enquêteurs sanitaires le voient tous les jours. Il vaut mieux, pour les personnes non coopératives, qui ne veulent pas qu'on sache où elles sont allées ni avec qui, StopCovid qui ne va pas aller chercher ces informations...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Elles ne vont pas télécharger l'application !

Débat interactif

M. Pierre Ouzoulias .  - La chronique de l'application est l'histoire du renoncement du Gouvernement à notre souveraineté numérique. La plateforme des données de santé est hébergée par Microsoft. Les données collectées seront pour partie stockées sur des serveurs situés hors de France : c'est la CNIL qui le dit.

Isolé, vous avez échoué à convaincre les Européens de se détourner d'Apple et de Google. Vous subissez ce qu'ils vous imposent : pour être efficace, l'application devrait être ouverte en permanence pour recevoir des informations du flux Bluetooth. Or cette perméabilité continuelle est déconseillée par les constructeurs : c'est une faille importante de sécurité des terminaux.

L'utilisation de cette application reposant sur la confiance, quelles garanties pouvez-vous apporter sur la sécurité des données stockées hors de France et sur les risques de piratage dus à l'utilisation permanente du Bluetooth ?

Mme Esther Benbassa.  - Très bien !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous faites référence à une critique émise par la Quadrature du Net sur la question des Captcha, ce site qui vous demande de reconnaître des feux rouges et des voitures pour prouver que vous n'êtes pas un robot. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il n'existe pas de Captcha français. Or Orange a travaillé à l'installation d'un Captcha français qui sera disponible dans deux semaines seulement. Ce sera l'un des acquis collatéraux de l'application. Avec l'Anssi, nous avons trouvé une solution : le Captcha sera encapsulé dans WebView pour éviter les fuites de données.

Nous avons ouvert à des hackeurs éthiques l'attaque de notre installation, afin de nous protéger au mieux. Ils vont forcément trouver quelque chose et ce sera la meilleure manière d'obtenir les garanties les plus élevées.

L'application n'a pas besoin d'être ouverte en permanence. Du reste, la plupart des Français ont leur Bluetooth ouvert et ne se font pas pirater. Je reviens à la proportionnalité : si c'est utile, cela en vaut la peine.

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous ne m'avez pas répondu à ma question très précise sur les serveurs : les données seront-elles stockées dans un serveur français ? Je n'ai pas confiance ! Je n'installerais pas l'application, pour répondre au sondage de Loïc Hervé...(Sourires)

M. Dany Wattebled .  - La France a fait le choix d'une architecture centralisée, comme le Royaume-Uni. Apple et Google, qui détiennent ensemble le monopole des systèmes d'exploitation des smartphones, s'y sont opposés au profit d'un système décentralisé.

L'Allemagne, l'Italie et la Suisse ont accepté cette solution, ce qui risque de compliquer l'interopérabilité. Qu'en sera-t-il ?

Quant à la cybersécurité, une architecture est-elle plus vulnérable que d'autres ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je partage votre regret. Il est vrai que les chemins européens ont divergé, non pas pour des raisons techniques, mais pour des raisons politiques.

Il y a peu de chance que les solutions nationales centralisées et décentralisées soient interopérables. Il faudra alors télécharger l'application du pays où l'on arrive. C'est dommage pour l'Europe numérique. Mais l'histoire n'est pas finie : je viens de publier, avec mes homologues allemands, italiens, espagnols et portugais, une tribune très fine vis-à-vis d'Apple et de Google.

Nous travaillons, monsieur le président Retailleau, sur une troisième voie pour trouver une solution européenne. Pour l'Anssi et l'Inria, ainsi que des chercheurs opposés au tracing, la solution décentralisée est plus facile à attaquer.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Nous discutons depuis plus d'une heure de l'application StopCovid, ses risques et ses avantages, et je renvoie aussi à l'excellente audition que nous avons eue ce matin à la commission de la culture avec des chercheurs du CNRS et de l'Inria, mais la question essentielle est ailleurs : selon moi, elle réside dans le stockage des Health Data Hub, de nos données de santé.

Vous dites vouloir faire de la souveraineté numérique un enjeu. Dont acte. Mais le Health Data Hub est géré par Microsoft - alors conseiller à l'Élysée, vous aviez poussé à cette solution - et si l'application StopCovid n'est qu'une péripétie dans l'histoire des innovations numériques, la plateforme, elle, va durer, et c'est un choix irréversible de traitement de nos données de santé !

Pourquoi donc ne pas avoir choisi une entreprise française ou européenne ? Il y en avait. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas mon choix mais il s'explique aisément. Les solutions françaises ne permettaient pas de faire les recherches scientifiques que nous souhaitions réaliser sur les données de santé : Amazon investit 22 milliards de dollars par an. Le retard européen dans la technologie du Cloud était trop grand pour que nous puissions faire tourner des algorithmes d'intelligence artificielle sur des infrastructures françaises...

M. François Bonhomme.  - Il fallait demander aux PTT ! (Quelques sourires)

Après discussion avec des scientifiques et des chercheurs en intelligence artificielle, nous avons contractualisé avec Microsoft qui était le mieux disant en la matière. (M. Pierre Ouzoulias sourit.) Le choix entre souveraineté numérique et efficacité sanitaire nous a occupés longtemps.

Après la crise, il faudra travailler sur le Cloud des entreprises : c'est l'une des leçons à retenir.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Vous ne me ferez pas croire qu'il n'y avait pas une autre solution française, européenne ou internationale possible. OVH aurait pu candidater si le cahier des charges avait correspondu aux entreprises européennes.

Dans ce domaine, tout est en construction et Microsoft s'intéresse de près aux développements européens dans l'économie de la santé, où les données sont si convoitées. Mais il n'y a pas eu de nouveaux marchés, seulement extension d'un marché préalable. Je regrette cette absence de patriotisme français et européen alors qu'il faudrait mettre le paquet en matière de politique industrielle dans ce temps où tout se construit ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. le président.  - Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons beaucoup travaillé sur cette application, au travers de plusieurs auditions, notamment celles du président du Comité scientifique et de la présidente de la CNIL. Les rapporteurs Loïc Hervé et Dany Wattebled se sont beaucoup investis.

J'en retire que progressivement, les garanties se sont accumulées et les ambitions ont été revues à la baisse. Il est sans doute naturel qu'il en soit ainsi, dès lors que l'on quitte l'atmosphère des idées générales en apesanteur pour se rapprocher de l'architecture concrète du dispositif.

Transparence, volontariat, sécurité des données, autorité de contrôle indépendante, souveraineté : les garanties sont là. Mais les ambitions sont moindres et l'application finit par rassembler à l'outil singapourien qui a été abandonné.

Il faut peut-être laisser sa chance au dispositif, mais quel est son coût ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bonne question, on attend la réponse !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Jusqu'ici, à part le temps de travail des quelques dizaines de chercheurs et des fonctionnaires qui y oeuvrent, l'application n'a rien coûté. Les entreprises ont travaillé gratuitement et je les en remercie, et il n'y a pas d'enjeux de propriété intellectuelle.

À partir de la semaine prochaine, nous entrons dans une autre phase, non plus de développement, mais de fonctionnement normal, et nous sommes en négociation. Le coût ne devrait pas excéder quelques centaines de milliers d'euros par mois. La santé n'a pas de prix...

M. Loïc Hervé.  - « Quoi qu'il en coûte » !

M. Gérard Larcher.  - Ah !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Oui, mais c'est peu au regard des lits de réanimation évités par l'application. Le rapport coût-efficacité est très positif. (Mme Éliane Assassi en doute.)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Pour lutter contre l'épidémie, le Gouvernement a fait le choix de l'application StopCovid. Il ne faut pas oublier que le numérique ne doit nuire ni à la vie privée ni aux droits de l'homme.

L'application est-elle utile alors que nous ne pratiquons encore que peu de tests et que les personnes les plus concernées, c'est-à-dire pour l'essentiel les plus âgées, ne possèdent pas de smartphones ? Des études montrent qu'elle ne sera efficace que si 80 % de la population la télécharge. Il faudra veiller au contenu de l'information diffusée et à son adaptation aux mineurs qui possèdent un smartphone, pour qu'ils l'utilisent à bon escient. Des développements spécifiques sont-ils prévus à leur endroit ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - C'est effectivement une demande de la CNIL. Nous allons intégrer des éléments d'information mais nous ne pouvons pas aller plus loin car nous ne pouvons pas demander l'âge des utilisateurs. La CNIL a jugé cette approche équilibrée.

La fracture numérique est un sujet majeur. Mais même sans smartphone - seuls 40 % des plus de 70 ans en possèdent - les brigades sanitaires protègent les personnes âgées.

L'application concerne davantage les urbains actifs qui sortent dans les bars et restaurants ou vont au supermarché quand il y a beaucoup de monde et prennent les transports en commun. Pour autant, nous travaillons à un objet connecté que les personnes qui n'ont pas de smartphone, devraient pouvoir acquérir dès cet été.

M. Jean-Claude Requier .  - Au détour de la dramatique crise sanitaire, le numérique est entré à grand pas dans le monde de la santé.

Mon groupe est attaché au respect des libertés individuelles et a pris acte des recommandations de la CNIL.

La France a choisi l'application Robert, à la différence de Google et d'Apple qui estiment leur solution plus respectueuse des libertés individuelles. Il semblerait dès lors que Covid-19 ne puisse pas être utilisée sur un Iphone, Apple ne permettant pas l'accès au Bluetooth en continu. Or nous savons que l'efficacité d'une application de traçage repose sur son adoption par un nombre critique de nos concitoyens, idéalement au moins 20 %.

Dans ces conditions, quelle est votre cible d'utilisateurs ? Quel impact aura l'application, si elle reste ouverte en arrière-plan, sur la batterie du téléphone ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Votre question a été au coeur des tests que nous avons réalisés ces deux dernières semaines sur les cent portables de dix-sept marques différentes les plus utilisés par les Français. Il s'agissait de faire en sorte que le téléphone n'éteigne pas l'application quand elle était en arrière-plan. Nous avons trouvé, comme les Anglais, une solution technique. Les Iphones représentent un peu moins de 20 % du marché. Ils sont « réveillés » par les Android quand ils se croisent. Ce mécanisme de contournement fonctionne bien ; nous captons environ 75 % à 80 % des personnes. Cela est suffisamment solide.

M. Martin Lévrier .  - StopCovid est un projet français piloté par l'Inria et qui recueille l'appui de nombreux industriels. Vous avez choisi le savoir-faire français pour le mettre au service de l'intérêt général. Vous avez parlé de panache ; ma moustache en a frémi. (Rires)

L'application fonctionne sur le parc téléphonique de référence, mais plus de 23 % des Français sont exclus de l'univers des smartphones ; et d'autres, souvent mal à l'aise avec les outils numériques.

Des entreprises comme Sigfox à Toulouse travaillent à un bracelet connecté pour ces publics. Cette solution est-elle toujours envisagée ? Si oui, l'État contribuera-t-il à la distribution de ces outils ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous avons consulté des spécialistes de l'inclusion numérique et du handicap. De fait, l'application est très simple et compréhensible. Nous allons tout faire pour qu'elle soit adaptée pour les publics les plus éloignés du numérique, en concertation avec les associations des collectivités territoriales et les associations caritatives.

Nous travaillons avec une entreprise française, Withings, à une montre connectée, objet qui se perd difficilement. Les premiers tests sont satisfaisants ; reste à étudier l'industrialisation massive. L'objet coûterait 50 euros.

M. Olivier Henno .  - Merci aux rapporteurs, aux orateurs. Après vous avoir écoutés, ce n'est pas tant les dangers de l'application qui m'inquiètent que son efficacité.

Il serait paradoxal d'être plus exigeant envers StopCovid qu'envers les Gafa en matière de données personnelles. Il y a un équilibre à trouver entre la protection collective et la liberté personnelle. La maladie rôde toujours, menace les plus fragiles ; nous n'avons ni traitement, ni vaccin, et n'en aurons pas à brève échéance.

Faut-il compter sur le seul confinement, avec son cortège de drames économiques et sociaux ? Tester, tracer et isoler : c'est le seul moyen de lutte efficace contre le virus.

Le Parlement sera vigilant sur les libertés. N'oublions pas que le problème ne réside pas dans la technologie mais dans l'usage que l'on en fait. C'est le bras qui tue, pas l'épée.

En attendant, il faut tout faire pour protéger les populations. Quels objectifs avez-vous retenus en termes d'utilisation ? J'entends mentionner 50 à 60 %. Quels moyens aurez-vous pour promouvoir l'application ? Les autres pays européens sont-ils susceptibles de faire le même choix de la souveraineté numérique ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je ne crois aucunement que nous puissions atteindre ces proportions. Une seule application est détenue par plus de 60 % de la population française ! Un tel seuil n'a du reste pas de sens, car c'est en termes de bassin de vie qu'il faut raisonner.

Selon les travaux épidémiologiques, à partir d'un peu moins de 10 % d'un bassin, on obtient un effet systémique de protection ; l'efficacité augmente ensuite de manière linéaire.

Sur la souveraineté, seuls les Anglais ont fait la même chose que nous ; les Italiens, les Autrichiens, les Suisses ont fait un autre choix. Les Espagnols ne se sont pas encore déterminés. J'espère que nous trouverons un chemin commun, mais le choix européen reste incertain.

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pendant plusieurs semaines, la vie de notre pays s'est arrêtée ; les Français ont été privés de la liberté d'aller et venir. Le pays a lutté à l'aveugle. Puis, il y a un mois, le triptyque « tester, tracer, isoler » a été retenu pour entrer dans la phase de la lutte informée.

La Corée du Sud a misé, pour sa part, sur la connaissance la plus fine de la propagation du virus et sur l'information de la population. Si nous n'avons pas été prêts pour cette épidémie, il n'est pas interdit d'être prêt pour la prochaine, laquelle pourrait être plus insidieuse encore, et nous ferons face avec nos propres garanties de sécurité et de souveraineté.

Je suis favorable à l'utilisation d'une application raisonnée, maîtrisée, pour informer plutôt que d'enfermer. Mais je m'interroge sur vos évaluations. Quels sont les fondements des chiffres de 10 %, 50% ou 60% que vous avancez ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Les spécialistes d'Ebola, du SRAS, du MERS avaient déjà, à l'époque de ces épidémies, envisagé de telles applications. L'étude de l'université d'Oxford et de l'Imperial College est la plus complète dans notre appréhension du problème.

Les spécialistes de l'Inserm, de l'Institut Pasteur la considèrent comme très solide. Le temps est essentiel : en dix jours, en cas de prévenance des contacts, c'est une dizaine de milliers de morts qui sont évités. L'effet est exponentiel.

Mme Angèle Préville .  - (M. Patrick Kanner applaudit.) Limiter la propagation de l'épidémie en cassant les chaînes de transmission est un objectif louable, mais le moyen choisi est contestable. Il nie la fracture numérique, territoriale et les lacunes de l'équipement en smartphones : 20 % des Français.

De plus, lorsque des données de santé sont en transit sur le cloud, il existe un risque certain de piratage et de vol de données. Le dispositif aiguise déjà les convoitises.

Tout ce qui est sur un smartphone n'est ni anonyme ni secret. Garantissez-vous que le système ne sera pas hacké ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je ne le puis. Mais nous prenons toutes les mesures pour l'éviter, parfois sans proportion avec l'intérêt des données pour des hackers, qui préfèrent s'attaquer, par exemple, aux historiques de pathologies détenus par les hôpitaux. Ici, il ne s'agit que de listes de crypto-identifiants. Il n'existe nulle part de liste des personnes testées positives.

Nous avons demandé à des hackers de rechercher les failles, nous testons la sécurité du dispositif. C'est hélas plutôt la protection des systèmes d'information des hôpitaux publics qui reste insuffisante, et nous cherchons à sensibiliser les personnes physiques, les entreprises, les opérateurs de santé français.

Mme Angèle Préville.  - Vos précautions n'empêcheront pas le piratage, peut-être par des États.

Vous connaissez la citation de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux » Nous aurons, quant à nous, gagné une méfiance généralisée.

Yuval Noah Harari dit qu'« une population motivée et bien informée est généralement beaucoup plus puissante et efficace qu'une population ignorante et sous contrôle policier. » La citoyenneté est un puissant levier, fédérateur, constitutif de notre République ; il est dommage que vous ne l'activiez pas.

Mme Sophie Primas .  - Le Gouvernement a développé sa propre application. Je ne reviendrai pas sur les apories du projet ; je voudrais plutôt attirer votre attention sur un point plus discret, mais essentiel. Le Gouvernement a essuyé le refus d'Apple et Google de lever des barrières techniques sur leur système d'exploitation.

Vous avez certes trouvé une astuce, mais c'est inadmissible. La puissance publique est traitée par le duopole comme n'importe quel développeur d'applications.

On aurait pu prévenir cette situation si l'on avait suivi la proposition de résolution du Sénat du 19 février et adopté le principe de neutralité des smartphones. Le Gouvernement trouvait prématuré d'adopter le texte au niveau national... Quelle ironie ! Allez-vous inscrire le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérard Larcher.  - Très bien !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous avez raison : ce qui s'est passé est inadmissible. C'est en quelque sorte un abus de position dominante, mais on ne peut rien faire juridiquement. Il y a un marché fermé, concernant des infrastructures qui peuvent pourtant être considérées comme essentielles.

J'avais dit, en février, que nous préférions agir au niveau européen. Le Digital Services Act devrait être proposé par la Commission européenne avant la fin de l'année, avec des éléments sur les pratiques anticoncurrentielles. La France fera tout pour que la régulation des géants de l'internet figure dans le texte. Si ce n'est pas le cas, nous y reviendrons au niveau national. (M. Julien Bargeton applaudit.)

La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°105 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l'adoption 186
Contre 127

Le Sénat a adopté.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance demain, jeudi 28 mai 2020, à 9 heures.

La séance est levée à 23 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication