Déshérence des contrats de retraite supplémentaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.

Discussion générale

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Les Françaises et les Français qui ont atteint l'âge de la retraite s'endorment sur une épargne de 5,4 milliards d'euros, mais elle demeure invisible, ignorée, inconnue. À 70 ans, les contrats d'épargne retraite non liquidés s'élèvent à 1,8 milliard d'euros.

Notre littérature est friande des héritages miraculeux, qui attisent toutes les convoitises. Tartuffe, Eugénie Grandet, Frédéric Moreau, en sont autant d'exemples. Mais ces fortunes aujourd'hui ne trouvent ni propriétaire, ni héritier.

Il ne s'agit pas d'un pécule que les intrigants veulent s'arracher, mais d'une épargne de sécurité construite par le travail, dont le temps et la complexité ont pu effacer le souvenir.

L'État se trouve à terme le propriétaire de tous ces contrats en déshérence. Évitons tout cynisme : cette épargne doit revenir aux travailleurs. L'État doit être un garant, un régulateur, un facilitateur.

Les bénéficiaires d'une retraite supplémentaire doivent être mieux informés de ce que les assurances leur doivent. Cette démarche a commencé en 2014 et cette proposition de loi la parachève.

Mais les obstacles restent importants. Ces contrats n'ont pas de terme. Le lien entre gestionnaires et bénéficiaires est souvent distendu par les changements d'adresse, d'emploi, de vie.

L'enjeu est de rendre visible cette épargne et que nos concitoyens puissent en bénéficier.

Je salue le travail du député Daniel Labaronne, auteur et rapporteur de cette proposition de loi, mais aussi de Catherine Procaccia, rapporteur, et de la commission des affaires sociales qui ont permis au texte d'être plus efficace et plus rigoureux. Le Gouvernement ne présentera aucun amendement, car il approuve totalement l'équilibre trouvé sur ce texte par la commission.

Un seul point reste en discussion, mais les rapporteurs ont eu des échanges constructifs pour parvenir à un accord. Toutes les autres modifications de la commission des affaires sociales sont pertinentes.

À l'article premier, la commission a amélioré le système d'information via le site Info-Retraite. Ainsi, chaque personne aura une vision consolidée de l'ensemble de ses droits à la retraite, tous régimes confondus. C'est une disposition efficace de lutte contre la déshérence des contrats. Les échanges d'information entre les gestionnaires et le groupement d'intérêt public qui gère Info-Retraite ont été précisés. Une convention d'échange de données sera signée une fois la loi votée.

L'article 2 prévoyait une campagne de communication. Ces dispositions pourront effectivement être envisagées à un niveau infra-législatif et, comme le rappelle la commission, la publicité de ce service est déjà prévue à l'article premier. Nous pouvons en espérer d'importantes retombées médiatiques.

Votre commission a supprimé la délégation de la recherche des bénéficiaires par la Caisse des dépôts et consignation à des cabinets de généalogistes, prévue sous forme d'expérimentation à l'article 4. Le Gouvernement y est également favorable.

Lutter contre la déshérence, c'est renforcer le pouvoir d'achat des retraités, la qualité du contrat, la protection du citoyen. L'État doit être régulateur, garant et facilitateur. (M. Alain Richard applaudit.)

Mme Catherine Deroche, en remplacement de Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Je tiens à excuser Mme Procaccia, rapporteur du texte, temporairement éloignée de nos travaux.

Cette proposition de loi vise à lutter contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire. Ces produits de capitalisation sont souscrits par des entreprises au profit de leurs salariés ou volontairement par des individus, comme c'est souvent le cas pour les professions libérales.

Les contrats de retraite supplémentaire sont destinés à compléter les pensions des régimes obligatoires. Ils sont utilisés en rente viagère, ou en capital dans certains cas, à l'âge souhaité par le souscripteur.

Le risque de déshérence de ces contrats de retraite supplémentaire a été identifié par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2018 qui estimait à 10,6 milliards d'euros le montant des contrats concernés passé 62 ans, à 5,4 milliards d'euros passé 65 ans et 1,8 milliard d'euros après 70 ans.

Les contrats non liquidés ne sont pas forcément en déshérence. Il n'est donc pas vraiment possible d'évaluer le montant et le nombre des contrats en déshérence.

Ce sont encore des contrats marginaux : ils ne représentent que 4,5 % des cotisations versées et seulement 2,4 % des prestations servies.

Les contrats à adhésion obligatoire, autrement dit souscrits par les entreprises pour le compte de leurs salariés, sont identifiés comme davantage sujets au risque de déshérence. Les informations sur les bénéficiaires sont en effet parfois incomplètes ou dépassées et le titulaire peut même ignorer qu'il détient un contrat.

Des lois récentes sont intervenues : les lois Eckert, Sapin 2 et Pacte. En outre, les nombreux produits d'épargne retraite - plan d'épargne retraite populaire (PERP), plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), Madelin, « article 39 » doivent, à terme, s'éteindre au profit des nouveaux plans d'épargne retraite, prévus par la loi Pacte.

L'initiative de ce texte revient au député Daniel Labaronne, très engagé sur ce sujet. Je salue son travail d'auteur et de rapporteur de cette proposition de loi.

La commission des affaires sociales a souhaité maintenir l'intégrité de ce texte.

Désormais, l'assuré qui consulte le site Info-Retraite aura une information sur ses contrats de retraite supplémentaire, grâce à un répertoire renseigné par les gestionnaires. Le GIP Union Retraite sera chargé d'identifier et d'informer les souscripteurs.

La commission des affaires sociales a transféré les nouvelles dispositions au sein du code monétaire et financier, et non au sein du code de la sécurité sociale, les retraites supplémentaires ne devant pas être confondues avec les régimes obligatoires. Nous avons également souhaité distinguer la retraite obligatoire de la retraite supplémentaire sur le site Info-Retraite, notamment par une dissociation du relevé de situation.

Nous avons aussi cherché à garantir le respect de la vie privée et la protection des données, tout en assurant l'efficacité du dispositif.

Nous avons aussi prévu des transferts limités d'informations vers les gestionnaires, sans mention des éléments relatifs à la situation financière.

Notre commission a supprimé l'article 4 relatif à la recherche des assurés par des généalogistes. Ce dispositif expérimental nous a paru présenter des lacunes juridiques.

Nous avons bien veillé à ce que le dispositif fonctionne et qu'il n'entraîne pas de confusion entre retraite obligatoire et retraite supplémentaire. Ce texte est ainsi équilibré. Nous nous sommes logiquement opposés à tout amendement revenant sur ces clarifications.

Soucieuse de parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale, notre rapporteur a proposé un amendement de compromis à l'article premier sur un point encore en débat.

Je suis optimiste sur le devenir de ce texte à l'Assemblée nationale ; cette proposition de loi devrait s'appliquer rapidement. Je vous propose d'adopter ce texte modifié par l'amendement que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique Lubin .  - Nous avons bien compris le sens de cette proposition de loi. Mal informés, de nombreux assurés ont pu délaisser leurs capitaux. Ce texte instaure plusieurs garde-fous à cette déshérence en assurant une meilleure information des assurés. Les gestionnaires devront donner toutes les informations dont ils disposent au GIP qui en assurera la communication. Les entreprises devront aussi informer leurs salariés.

Renforcer le droit à l'information des petits épargnants, afin qu'ils puissent faire valoir leurs droits, est une bonne chose. Mais beaucoup a déjà été fait, sous le quinquennat socialiste, en 2014 et 2016.

En 2012, on comptait ainsi 1,8 million de comptes inactifs et 1,6 milliard d'euros non réclamés, compte tenu d'un environnement normatif inadapté.

Les dispositions de la loi Eckert du 13 juin 2014 ont donc fait l'unanimité. Elles prévoyaient notamment une obligation de recherche et d'information des souscripteurs et des bénéficiaires des assurances-vie. Ces dispositions ont été efficacement mises en oeuvre comme le prouve le recul du nombre de contrats en déshérence. Pour autant, des difficultés demeurent, notamment pour les contrats de retraite supplémentaire. Les assureurs ont des difficultés à retrouver les bénéficiaires.

La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 impose certes aux assureurs d'informer les assurés chaque année sur leurs droits, ainsi qu'un rapport de l'ACPR au ministre de l'Économie. Mais des difficultés demeurent. Cela interroge sur la nature de ces contrats par capitalisation qui, pour certains, est une alternative à la retraite par répartition.

Cette proposition de loi corrige un système de retraite facultatif qui dysfonctionne. Ne devrait-on pas plutôt s'interroger sur ces contrats et ces sommes dormantes ? Ces produits financiers sont insatisfaisants. Ne devrait-on pas revoir les régimes généraux de retraite ?

Le groupe socialiste, écologiste et républicain s'abstiendra donc sur ce texte.

M. Daniel Chasseing .  - Avec cette proposition de loi, il s'agit de lutter contre la déshérence et de renforcer les droits des épargnants.

La loi Eckert du 13 juin 2014 a certes constitué un premier pas en renforçant les obligations de recherche et d'information des bénéficiaires, mais elle s'applique mal aux contrats sans terme.

Malgré les avancées de la loi Sapin 2 au profit de l'information des ayants droit, ils restent un angle mort dans notre dispositif législatif que cette proposition de loi va combler. Elle s'appuie sur les recommandations du Comité consultatif du secteur financier, de la Cour des comptes et de l'ACPR.

Le montant des liquidités bloquées chez les gestionnaires se montait à 13 milliards d'euros en 2018. Ces contrats représentent 4,5 % des cotisations versées et 2,4 % des prestations servies, comme l'a rappelé Mme Catherine Deroche.

Le texte prévoit qu'Info-Retraite devra afficher toutes les informations dont il dispose. Le GIP disposera d'un nouveau répertoire centralisant les données des souscripteurs fournies par les gestionnaires.

La commission des affaires sociales a modifié le texte initial en prévoyant un retour d'information du GIP vers les gestionnaires tout en préservant la protection des données personnelles des contractants.

La commission des affaires sociales a supprimé les articles 2 et 4, le premier étant satisfait par la rédaction de l'article premier. Pour le second, l'idée de confier la recherche des bénéficiaires à des experts en généalogie nous semblait intéressante.

Je veux saluer la députée Sophie Auconie qui avait déposé une proposition de loi similaire en décembre 2019, qui a été reprise par ce texte.

Ce ne sont pas des dispositions anecdotiques puisqu'elles concernent 13 millions de nos compatriotes pour une rente moyenne qui s'élève à 195 euros par mois.

Les produits d'une épargne retraite sont difficilement lisibles. Les situations de déshérence sont nombreuses, notamment dans le cas d'employeurs multiples.

Nous soutenons cette proposition de loi.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Cette proposition de loi aura plus un effet de prévention que de résolution des problèmes de stocks. Après les réformes nécessaires des retraites, le troisième étage de la retraite par capitalisation, dont on voit ici la fragilité, se développe, plus en substitution qu'en complémentarité, ce que nous dénonçons.

Il convenait de rétablir la confiance dans ces produits. Le chiffre de 13 milliards d'euros d'encours en déshérence est calculé à 62 ans, âge légal de la retraite. Mais en excluant les départs anticipés, l'âge de départ moyen est de 63 ans et demi en 2019, contre 61 ans et demi en 2010. Il conviendrait d'étudier le stock à des âges ultérieurs, en particulier celui de la retraite à taux plein.

On peut aussi liquider sa retraite supplémentaire postérieurement à son départ à la retraite, pour obtenir une rente supplémentaire par exemple.

La déshérence est souvent le fait de contrats collectifs qu'ils soient facultatifs ou obligatoires. Les encours des contrats de retraite supplémentaire non dénoués à 65 ans s'élèvent à 5 milliards d'euros et de 1,8 milliard d'euros à 70 ans. Le texte de la commission des affaires sociales reprend l'obligation faite aux gestionnaires de ces contrats de transférer les informations au GIP Union Retraite mais il ne reprend pas l'obligation d'une campagne de communication.

Par ailleurs, si ce texte améliore l'information des salariés s'agissant des contrats supplémentaires à leur nom lors de leur départ à la retraite, il serait préférable de la faire figurer sur le relevé pour solde de tout compte comme le proposait l'Assemblée nationale.

Nous ne pouvons que souscrire à des améliorations dans le recours aux droits conventionnels, nonobstant notre critique sur la promotion de ce type de produits de retraite par capitalisation qui affaiblit nos régimes généraux et complémentaires obligatoires. En outre, nous préférerions que les sommes en déshérence reviennent in fine à la branche retraite plutôt qu'au budget général de l'État. Nous réservons notre vote.

Mme la présidente.  - Je déclare clos le scrutin pour l'élection des juges titulaires et des juges suppléants à la Cour de justice de la République.

M. Dominique Théophile .  - Cette proposition de loi entend répondre aux critiques de la Cour des comptes et de l'Autorité de régulation formulées en 2018 et en 2019. Le manque d'informations des assurés est la première cause de déshérence des contrats de retraite supplémentaire.

Leur identification et celle de leur ayant droit est souvent incertaine. Hélas, ni la loi Eckert de 2014, ni la loi Sapin 2 de 2016, ni la loi Pacte de l'an passé ne s'attaquent véritablement au problème.

Ce texte apporte une première réponse pour éviter que le phénomène ne perdure : il prévoit ainsi que le site Info-Retraite offrira une information complète aux assurés, aux frais des gestionnaires. La commission des affaires sociales y a apporté plusieurs modifications.

Notre groupe souhaite revenir sur l'interdiction de transférer au GIP les données financières détenues par les gestionnaires. Cela nous semble en effet conditionner l'efficacité du dispositif et peu susceptible de mettre en péril la protection des données personnelles. Les gestionnaires et les associations de consommateurs se sont accordés sur cette mesure dans le cadre des discussions avec le Comité consultatif du secteur financier. Enfin, le décret d'application sera examiné par la CNIL.

Notre groupe votera cette proposition de loi et l'amendement de compromis de Mme Procaccia, dont je salue le travail.

Je souhaite à Mme la ministre la bienvenue parmi nous car c'est sa première séance au Sénat. (Mme la ministre semble sourire sous son masque.)

Mme Véronique Guillotin .  - Alors que la réforme des retraites s'éloigne, nous examinons un texte sur la retraite supplémentaire. Le système est de plus en plus complexe : les Français ne s'y retrouvent plus et de nombreux contrats sont en déshérence, à hauteur de 1,8 milliard d'euros pour les plus de 70 ans, sommes dont nos aînés auraient pourtant besoin.

La loi Eckert de 2014 ne traitait hélas que des contrats à terme, ce qui n'est pas le cas des contrats de retraites supplémentaires. Ils ne font donc pas l'objet de recherche de bénéficiaires, et si le décès de l'assuré reste inconnu de l'assureur, la créance n'est pas éteinte.

Avec ce texte, les Français auront une information complète sur leurs contrats de retraite sur le site Info-Retraite, renseigné par le GIP Union Retraite en collaboration avec les gestionnaires.

Les amendements de notre rapporteure, adoptés en commission, apportent des précisions utiles sur divers points, notamment sur les informations échangées entre les assureurs et le GIP Union Retraite.

Je regrette néanmoins la suppression de l'article 4, bien qu'ayant entendu les explications de la ministre et de la rapporteure sur cette expérimentation.

Dans l'attente d'une grande réforme des retraites, le groupe RDSE votera ce texte. Je rappelle que la retraite supplémentaire représente 4,5 % des cotisations versées, tous régimes confondus. Ce n'est pas négligeable en temps de crise.

Espérons que cette proposition de loi prouve son utilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Fabien Gay .  - Je vous prie d'excuser Mme Cohen, qui a dû s'isoler comme cas contact. Je remercie la rapporteure et la présidente pour le travail mené.

D'après l'Insee, près de 2,6 millions de retraités complétaient leur pension par un contrat supplémentaire, signe de la diminution régulière du niveau des pensions.

Dans ce contexte, la proposition de loi est une mesure positive. Mais qui en seront les véritables bénéficiaires ? Les salariés ou retraités qui pourront récupérer plus facilement leur argent placé depuis des années ou les assureurs ? Ces derniers voient leur obligation de recherche des bénéficiaires transférée par ce texte au GIP Union Retraite, évitant ainsi tout risque de sanction. Allianz, ne pourrait plus ainsi se faire condamner à payer une amende de 50 millions d'euros qui lui fut infligée pour avoir tardé à retrouver les bénéficiaires de contrats d'assurance-vie non réclamés.

Selon l'ACPR, il y avait, en 2018, plus de 13 milliards d'euros d'encours en déshérence.

Les droits à la retraite entraînés par la signature de nombreux contrats collectifs sont souvent illisibles pour les polyassurés. Certes, les assureurs avaient déjà une obligation d'information sur les plans d'épargne retraite, qu'ils ne remplissaient pas, ce qui pose la question de l'utilité réelle de ces plans de retraite supplémentaire qui affaiblissent le système de retraite obligatoire, sur fond de réforme des retraites, mise en sommeil, pour le moment, par le Président de la République.

Nous ne sommes pas dupes de la technique du Gouvernement qui consiste à faire passer ses projets par la voie de propositions de loi. Cela étant posé, une meilleure information des salariés est positive ; nous voterons donc ce texte, (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains) même si les montants placés dans de tels produits financiers auraient été mieux utilisés pour augmenter les salaires.

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le présent texte lutte contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire. Je salue le travail de notre rapporteur.

Il apparaît que certains épargnants, faute d'information, ont délaissé leurs capitaux, qui demeurent donc au bilan des compagnies d'assurances. Or la loi Eckert de 2014 avait laissé les contrats de retraite supplémentaire, hors de son champ, puisqu'ils étaient sans terme.

En dépit des avancées des lois Sapin 2 et Pacte, le phénomène persiste : fin 2016, les contrats non liquidés après 62 ans s'élevaient à 10,6 milliards d'euros et à 1,8 milliard d'euros pour ceux des assurés âgés de plus de 70 ans.

Comme la Cour des comptes, le comité consultatif du secteur financier a commis un rapport en janvier sur le sujet, plus important encore avec la crise.

La proposition de loi renforce l'information de l'assuré sur le site Info-Retraite, financé et géré par le GIP Union retraite : ce dispositif conviendra tant aux gestionnaires qu'à la Cour des comptes et à l'ACPR.

La commission des affaires sociales a apporté plusieurs correctifs bienvenus, notamment sur la transmission des données financières par les gestionnaires.

Nous regrettons toutefois que cette proposition de loi soit plus utile pour les flux que pour le stock des contrats en déshérence, d'autant que pour des raisons de constitutionnalité, la commission des affaires sociales a supprimé l'article 4 nouveau de la proposition de loi, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, précisément pour y remédier.

Espérons que la navette permette, avec l'aide des services du Gouvernement, de trouver une solution à cette question, essentielle pour nos aînés qui ont capitalisé pour leur retraite, voire pour contribuer à améliorer la prise en charge de leur dépendance, si les bénéficiaires peuvent être retrouvés. Ces sommes sont également bienvenues pour alimenter la relance économique.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Selon l'ACPR, près de 13 milliards d'euros ne sont pas réclamés par les assurés sur des contrats en déshérence. C'est une part non négligeable de l'épargne des Français.

Ces 13 milliards d'euros sont donc orphelins, alors que de nombreux retraités ont vu leur pouvoir d'achat baisser par la hausse de la CSG et le gel des pensions. Leur situation doit nous pousser à agir.

Je remercie notre rapporteur et tous ceux qui ont amélioré ce texte, qui est une bonne nouvelle.

La retraite, c'est toute une vie de travail. C'est l'avenir de nos aînés. Si l'on y ajoute la perspective de la dépendance, il est de notre responsabilité, de rendre notre système plus juste et plus clair pour nos concitoyens. Si les lois Eckert en 2014, Sapin 2 en 2016, et Pacte ont traité du sujet, elles n'ont pas réglé la question.

La proposition de loi propose donc que le GIP Union Retraite fournisse les informations sur ces contrats sur le site Info-Retraite grâce aux éléments transmis par les gestionnaires.

Une mission d'information du Sénat a travaillé sur l'illectronisme : les démarches administratives en ligne, complexes, laissent trois Français sur cinq sur le bord de la route, notamment des retraités. Il faut prévoir davantage de formations pour les accompagner, madame la ministre.

Je soutiens la proposition de la commission des affaires sociales s'agissant de garantie de la protection des données personnelles et voterai ce texte. (Applaudissements dans les travées du groupe Les Républicains)

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements dans les travées du groupe Les Républicains) Comme disait Napoléon, un bon croquis vaut mieux qu'un long discours... Je préfère vous raconter une histoire. Dans un merveilleux département pris au hasard - l'Orne - (Sourires) Marguerite, ayant commencé à travailler à 18 ans, a eu une vie et une carrière mouvementées : après avoir occupé divers emplois depuis l'âge de 18 ans, elle a perdu un premier mari, divorcé d'un second et s'est mariée avec un troisième...(Exclamations amusées sur diverses travées, notamment celles du groupe Les Républicains) À 45 ans, elle se met à son compte, mais décède, victime d'un malencontreux accident. (On s'en désole sur les mêmes travées.)

Commence alors le parcours du combattant pour Aristide, (Marques de perplexité sur certaines travées) son veuf, pour obtenir une réversion sur la retraite supplémentaire de sa femme. Aristide n'est pas au bout de ses peines, n'ayant d'autre voie pour faire valoir ses droits que de rechercher tous les bulletins de salaire de son épouse pour savoir à quel organisme réclamer la réversion.

M. Laurent Duplomb.  - Heureusement qu'il est brillant ! (Exclamations amusées et rires prolongés sur diverses travées, notamment sur celles du groupe Les Républicains)

M. Vincent Segouin.  - C'est bien sûr impossible. Elle a changé trois fois de nom, certaines entreprises ou assureurs n'existent plus ou se sont fait racheter... Qu'est devenue son épargne ?

Vous voyez combien il est difficile de retrouver les assurés au travers de ce maquis de données historiques complexes. Souvent, le contrat est souscrit par l'entreprise sans prévenir son salarié.

La déshérence n'est pas due à la mauvaise volonté des assureurs, qui n'ont nul intérêt à garder cet argent inactif, perdu pour l'économie, d'autant qu'ils sont tenus de le déposer à la Caisse des dépôts.

Le GIP Union Retraite a mis en place un site efficace, Info-Retraite, très simple, que je vous invite à consulter.

Cette proposition de loi de simplification et de transparence sera bénéfique pour les entreprises, pour les assureurs et surtout pour les salariés qui pourront s'informer en un clic de leur historique de cotisations.

Mais le problème des déshérences existantes n'est pas réglé, à l'article 3 pour les retraites sur-complémentaires, la loi Eckert n'ayant réglé le problème que pour les contrats d'assurances-vie. L'amendement de M. Savary, qui propose d'étendre son bénéfice aux surretraites, est donc bienvenu.

Je voterai ce texte utile et nécessaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par MM. Lévrier, Théophile, Iacovelli, Patriat, Bargeton, Buis, Dennemont, Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Yung, de Belenet, Cadic et Chasseing, Mme Dindar et MM. Laménie, Levi, Maurey et Pellevat.

Alinéa 2, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement supprime les restrictions introduites par la commission des affaires sociales dans la nature des informations qui peuvent être transmises au GIP Union Retraite. La transmission du montant des contrats est essentielle au bon fonctionnement du dispositif.

Le décret d'application de cet article premier sera examiné par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui vérifiera la proportionnalité entre la nature des données véhiculées et le caractère d'intérêt général de la mission.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission.

Alinéa 2, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ces informations peuvent comprendre les références et la nature des produits ainsi que la désignation et les coordonnées des gestionnaires des contrats.

Mme Catherine Deroche, rapporteur.  - Dans cet amendement travaillé avec le député Labaronne, les données financières ne seront transmises que si c'est nécessaire pour les gestionnaires et inscrit à la convention qui fait l'objet de l'alinéa 5 du présent article. Retrait de l'amendement n°1 rectifié quater au profit de celui-ci ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - Même avis : l'amendement n°7 est le fruit d'un compromis constructif avec Daniel Labaronne, auquel je donne un avis favorable.

M. Dominique Théophile.  - Je m'en félicite. Il importe que ce problème de la déshérence soit réglé. Je le retire donc.

L'amendement n°1 rectifié quater est retiré.

L'amendement n°7 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par Mmes Guidez, Jacquemet et Sollogoub, M. Henno et Mme Guillotin.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À titre expérimental, pour une durée de deux ans à compter de la publication de la présente loi, la recherche des bénéficiaires des encours de contrats d'assurance-vie ou de contrats de retraite supplémentaire en déshérence placés à la Caisse des dépôts et consignations peut être confiée à des organismes volontaires spécialisés dans la révélation de succession. La liste et les conditions de rémunération de ces organismes, le seuil d'encours des contrats concernés et le nombre minimum de dossiers confiés sont fixés par voie réglementaire.

Les conditions dans lesquelles les organismes visés au premier alinéa peuvent obtenir des éléments d'information et des données à caractère personnel sont fixées par voie réglementaire, dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Au plus tard six mois après la fin de cette expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport pour juger de l'opportunité de généraliser ce dispositif.

Mme Jocelyne Guidez.  - Cet amendement entend répondre aux contrats d'assurance-vie ou de retraite en déshérence. Il est parfois difficile de retrouver les titulaires ou ayant droits. En cas de « vaines recherches », les contrats sont transférés à la Caisse des dépôts.

Nous proposons de recourir à titre expérimental aux généalogistes professionnels pour identifier les bénéficiaires. Il s'agit de 7 milliards d'euros - 5 milliards pour l'assurance-vie, 1,8 milliard pour les retraites supplémentaires - qui seraient plus utiles pour la relance économique. S'il y a des difficultés juridiques, votons tout de même cet amendement pour le sécuriser durant la navette parlementaire.

Si cette expérimentation était adoptée, nous espérons la bienveillante contribution des services de l'État. Le Gouvernement avait, en outre, retiré avant la séance publique à l'Assemblée nationale son amendement de suppression de l'article 4...

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Savary et Belin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bouchet, Brisson et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chauvin, M. Courtial, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. B. Fournier et Grand, Mme Gruny, M. Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Mouiller, Paccaud et Piednoir, Mmes Raimond-Pavero et Richer et MM. Savin, Segouin, Sol, Somon et Vogel.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À titre expérimental, pour une durée de deux ans à compter de la publication de la présente loi, la recherche des bénéficiaires des encours de contrats de retraite supplémentaire en déshérence placés à la Caisse des dépôts et consignations peut être confiée à des organismes volontaires spécialisés dans la révélation de succession. La liste et les conditions de rémunération de ces organismes, le seuil d'encours des contrats concernés et le nombre minimum de dossiers confiés sont fixés par voie réglementaire.

Les conditions dans lesquelles les organismes visés au premier alinéa peuvent obtenir des éléments d'information et des données à caractère personnel sont fixées par voie réglementaire, dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Au plus tard six mois après la fin de cette expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport pour juger de l'opportunité de généraliser ce dispositif.

M. René-Paul Savary.  - Cet amendement va dans le même sens. Le texte de la commission des affaires sociales apporte des solutions. Mon amendement porte uniquement sur l'épargne retraite, tandis que celui de Mme Guidez porte aussi sur l'assurance-vie. Je le retire donc à son profit.

Une expérimentation des recherches généalogiques serait tout à fait intéressante : nous saurions au bout de deux ans si les sommes paralysées à la Caisse des dépôts et consignations au détriment des bénéficiaires sont toujours aussi importantes.

L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.

Mme Catherine Deroche, rapporteur.  - La commission des affaires sociales a considéré que ce dispositif présentait des lacunes juridiques. Ces contrats portent souvent sur des montants très faibles. Des questions se posent aussi sur le respect du secret bancaire : les généalogistes ne sont pas une profession réglementée.

Les produits sont versés à la Caisse des dépôts et consignations dix ans après la mort du bénéficiaire ou lorsqu'il atteint l'âge théorique de 120 ans.

Sur 430 millions d'euros de comptes bancaires transférés à la Caisse des dépôts dans ce cadre en 2019, un seul contrat avait été répertorié comme plan d'épargne-retraite.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État.  - La Caisse des dépôts et consignations ne dispose pas de la mission de recherche des bénéficiaires des sommes transférées mais uniquement de celle d'organiser la publicité des informations et de conserver et restituer les fonds sur demande.

Les assureurs sont déjà chargés des recherches des bénéficiaires et le font plutôt bien. Dupliquer cette mission pour la confier à des cabinets privés ne serait pas très efficace et entraînerait une déresponsabilisation.

L'expérimentation conduirait à confier des données personnelles à une profession non réglementée, ce qui n'est pas souhaitable. Avis défavorable.

M. Vincent Segouin.  - Si la rédaction n'est pas correcte, pourquoi la commission des affaires sociales n'en propose-t-elle pas de meilleure ? Je n'ai jamais entendu de bénéficiaires se plaindre du manque de protection de leurs données personnelles lorsqu'un généalogiste leur annonce un capital oublié. L'État a-t-il réellement intérêt à trouver un bénéficiaire aux contrats en déshérence ?

M. Philippe Mouiller.  - Même si j'ai cosigné l'amendement défendu par M. Savary, je rejoins la position de la commission des affaires sociales.

M. Daniel Chasseing.  - Confier la recherche des ayants droit à des généalogistes est une idée intéressante. Je voterai donc l'amendement n°6 rectifié quater.

Mme Jocelyne Guidez.  - Je me rallie à la position de la commission des affaires sociales. Je retire donc l'amendement n°6 rectifié quater, à regret, car je pense qu'il faut y réfléchir.

L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.

Mme la présidente.  - Monsieur Savary, maintenez-vous le retrait de votre amendement ?

M. René-Paul Savary.  - Je ne renie pas mes paroles de tout à l'heure. Mme Guidez a choisi en toute responsabilité de retirer aussi son amendement.

L'article 4 demeure supprimé.

Explication de vote

Mme Monique Lubin .  - Marguerite n'a pas pu changer trois fois de nom : nous gardons notre nom de naissance toute notre vie ! (Mme Françoise Gatel proteste.)

Je plaisante ! Vu sa génération, je doute fort que Marguerite ait eu une retraite, même si elle avait dû beaucoup travailler. Quant à Aristide, sa retraite devait être très faible.

Merci à la rapporteure pour son travail.

Pour les salariés, ces contrats ne durent que le temps de leur présence dans l'entreprise. Mais ils ont un coût pour celle-ci. L'existence même de ces contrats pose problème. Nous nous abstiendrons, sans aucune agressivité.

La proposition de loi, ainsi modifiée, est adoptée.