Création d'une vignette « collection » pour les véhicules d'époque

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque, présentée par M. Jean-Pierre Moga et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Moga, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Gérard Longuet applaudit également.) La proposition de loi crée une vignette gratuite pour les véhicules disposant d'une carte grise de collection ; cela vaudrait dérogation de circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE). Je remercie les plus de 80 cosignataires de ce texte.

Avec la pollution croissante de l'air, les ZFE sont appelées à juste titre à se multiplier. Elles sont déjà en place dans le Grand Paris, à Grenoble et à Lyon et la loi d'organisation des mobilités (LOM) prévoit leur création à Aix-Marseille, Montpellier, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse. Avec la prochaine loi Climat qui les étendra encore, elles concerneront des dizaines de millions de Français.

Les ZFE limitent la circulation à certaines catégories de véhicule, sur la base de la vignette Crit'Air. Or les véhicules de collection ne peuvent prétendre à un bon classement.

Les intercommunalités peuvent instaurer une dérogation pour les véhicules de collection ; elle a été mise en place dans toutes les ZFE existantes. Mais demain, avec la multiplication de ces zones, qu'en sera-t-il ? Les possibilités de circulation pourraient se réduire.

Pourquoi faut-il préserver ces véhicules de collection ? D'abord pour des raisons patrimoniales. Au même titre que les cathédrales, les fleurons de notre industrie automobile appartiennent à notre patrimoine : tracteurs, véhicules agricoles ou militaires, camions de pompier, motos. Il faut entretenir ce patrimoine et pour cela, un usage occasionnel est indispensable.

Pour des raisons économiques ensuite. Cette filière d'artisanat et de TPE compte 24 000 emplois. Son chiffre d'affaires est de 4 milliards d'euros, le double de celui des sports mécaniques ! Il y a également un enjeu de transmission des savoirs.

Enfin, ces vieux véhicules que nous voyons parfois parader dans nos villes et nos campagnes procurent de la joie à leur propriétaire et à tous ceux qui les admirent. Ils entretiennent le vivre-ensemble et le lien intergénérationnel, si malmenés en temps de crise.

Ma proposition n'a rien d'élitiste : une 4CV Renault, première voiture française produite à plus d'un million d'exemplaires et première voiture neuve accessible pour un ouvrier, ou une Peugeot 203 ne coûtent pas plus de quelques milliers d'euros. C'est une passion populaire.

Ce texte serait centralisateur, m'a-t-on objecté, en prévoyant une dérogation nationale. Oui, mais la décentralisation et la différenciation consistent à autoriser des décisions différentes en fonction de situations locales distinctes. Elles ne s'appliquent pas ici : interdire à Lyon ce que l'on autorise à Grenoble serait au contraire une discrimination.

Ensuite, m'a-t-on opposé, la création d'une vignette pour les véhicules de collection ne serait pas écologique. Je m'inscris en faux : un véhicule de collection circule quinze fois moins qu'un véhicule ordinaire ; les émissions de particules fines de ces véhicules sont 100 000 fois inférieures, celles d'oxydes d'azote (NOx) 20 000 fois inférieures. L'Allemagne autorise, elle, la circulation des véhicules de collection dans ses zones écologiques depuis dix ans. C'est ce modèle que je vous propose de transposer.

Reste l'argument légistique : cette mesure relèverait du règlement. Mais combien de lois bavardes encourant ce reproche n'avons-nous pas votées dans cet hémicycle ? Trêve de malice : la loi créant les ZFE renvoie à un décret la liste des véhicules concernés par les dérogations éventuelles. C'est une erreur, car ce qui est en jeu, c'est la liberté fondamentale d'aller et venir. Le législateur doit reprendre ses droits.

Je félicite Mme Perrot de son travail et lui souhaite un prompt rétablissement. J'espérais bien entendu un avis favorable de la commission. J'escomte néanmoins que le Sénat votera ce texte, pour les 250 000 collectionneurs, pour les millions de sympathisants et pour continuer de voir briller les yeux des enfants dans nos campagnes ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-François Longeot, en remplacement de Mme Evelyne Perrot, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je vous prie d'excuser Mme Perrot que je remercie pour son important travail et à qui je souhaite moi aussi un prompt rétablissement.

Cette proposition de loi a rallié plus de 80 signataires, ce qui est révélateur de l'empreinte ineffaçable des voitures de collection dans notre mémoire.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a voulu envoyer un signal fort aux 250 000 détenteurs de voitures de collection, qui organisent 6 000 à 7 000 manifestations par an, et à un secteur de 24 000 emplois et 4 milliards d'euros de chiffres d'affaires.

Dans les années 1960, Roland Barthes écrivait dans Mythologies : « Je crois que l'automobile est aujourd'hui l'équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d'époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s'approprie en elle un objet parfaitement magique. » La commission a été sensible à cette dimension d'un passé qui continue à imprégner le présent.

La proposition de loi vise à préserver un patrimoine à la fois industriel et culturel. Alors que nous cherchons à relocaliser des productions, le design de ces véhicules et le savoir-faire dont ils témoignent font honneur à l'excellence de notre industrie.

En outre, ces véhicules sont un vecteur d'apaisement dans les grandes villes où la circulation peut être source de tensions. Nous refusons le reproche d'élitisme : M. Moga l'a dit, un véhicule de collection n'est pas nécessairement très onéreux.

Les véhicules de collection représentent entre 0,5 et 1 % du parc roulant et parcourent en moyenne moins de 1 000 kilomètres par an. En revanche leur consommation d'essence est supérieure à la moyenne et ils émettent davantage de de CO2, notamment en cas de mauvais réglages.

Alertée sur une possible entrave à la circulation de ces véhicules dans les ZFE, la rapporteure a été rassurée par les collectivités territoriales concernées, de tous bords politiques, qui ont prévu des dérogations. L'intelligence territoriale est à l'oeuvre. De plus, le ministère des Transports a commencé des discussions avec la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE).

Faut-il aller plus loin et voter une loi sur la libre circulation des voitures de collection ? Cela ne nous a pas semblé utile. Il est vrai que le Parlement a déjà voté des textes relevant du réglementaire, mais il est désormais plus exigeant et le Conseil d'État veille.

En l'espèce, les catégories de véhicules concernées par les dérogations de circulation en ZFE sont fixées par un décret en Conseil d'État. Une loi créerait ainsi une dissymétrie : dérogation nationale réglementaire pour les véhicules de pompiers ou de police, dérogation législative pour les véhicules de collection.

La transposition de l'exemple allemand nécessiterait non pas une loi, mais l'ajout des mots « aux véhicules de collection » à l'article R2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales. Les ZFE ont été conçues comme des outils à la disposition des collectivités territoriales, et le Sénat y est attaché.

La commission est donc attentive à la dimension patrimoniale des voitures de collection mais, par cohérence, n'a pas souhaité mettre en branle des mécanismes juridiques complexes.

Faisons confiance à l'intelligence territoriale et n'ouvrons pas la boîte de Pandore des dérogations nationales, ce que font certains amendements à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports .  - Qui n'a jamais vu passer, émerveillé, une 2CV, une DS, une Delage ou autre voiture de collection ? Parfois exposés dans nos villes ou sur nos places de village, ces véhicules sont une part de notre patrimoine, une tradition populaire et une trace de la part centrale qu'eut la France dans l'industrie automobile. Comme vous, le Gouvernement souhaite les préserver et en autoriser la circulation.

Les ZFE sont nécessaires dans les centres urbains les plus denses : c'est une question de santé publique. Dans les ZFE existantes, des dérogations ont été accordées aux véhicules de collection par la collectivité territoriale, compétente, alors qu'une dérogation nationale est réservée aux véhicules de police et de secours notamment.

Le projet de loi Climat simplifiera la réglementation en ouvrant la possibilité de créer des ZFE, donc de prévoir des dérogations, au niveau métropolitain.

Vous proposez une vignette spéciale, mais en renvoyant au décret la définition des véhicules de collection. Les critères existants sont insuffisamment restrictifs : tout véhicule de plus de trente ans peut prétendre à cette qualité, dont les premières Renault Espace et Twingo...

Nous travaillons à préciser la définition avec la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE). Voici quelques pistes à l'étude : restreindre la dérogation aux véhicules les plus anciens, interdire les usages quotidiens, exclure les diesels et utilitaires, définir un kilométrage annuel maximal.

Voilà pourquoi le Gouvernement ne soutient pas ce texte mais reste en lien avec la fédération et les parlementaires pour poursuivre ce travail.

M. Gérard Lahellec .  - Les amoureux des belles jantes et des carrosseries brillantes voient dans les voitures anciennes un joyau à préserver. Comment ne pas les comprendre ?

Charles Trenet les a célébrées dans ses chansons À la porte du garage et Nationale 7. Je m'abstiendrai de vous en proposer un extrait... (Sourires)

On peut voir dans la voiture la célébration de la liberté, des congés payés, des vacances. L'émancipation même : le général de Gaulle reconnaissait ainsi la légitime aspiration des femmes à conduire une auto, commentant : « C'est le mouvement ! »

Les véhicules de collection, ce sont aussi des tracteurs, et je voue un culte au Société-Française de 1954, avec le volant d'inertie de son monocylindre horizontal, construit à Vierzon...

M. Gérard Longuet.  - Le célèbre Vierzon !

M. Gérard Lahellec.  - Il faut faire connaître ce patrimoine national. Mais il y a le texte et le contexte... et le nôtre est celui de l'urgence sociale. Si nous n'y prenons garde, nous laisserons rouler des véhicules non indispensables, alors que des véhicules indispensables aux catégories populaires seront interdits de circulation.

Ce texte est aussi en décalage avec les enjeux environnementaux.

Il y aurait enfin à redire sur le nombre de véhicules concernés : quid des 685 000 évoqués par certains en plus des 215 000 concernés par le texte ?

Le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Si nous devions associer un siècle à son objet, ce serait l'automobile pour le XXe siècle, outil d'émancipation, de liberté individuelle, de mobilité. Fait révélateur, le premier déplacement privé de plus de 100 kilomètres a été accompli en Allemagne par une femme, Bertha Benz : elle était allée voir sa mère sans l'aval de son mari, ni celui des autorités...

L'automobile a bouleversé les pratiques de travail, avec le taylorisme et l'hyper-spécialisation, puis le lean management. Elle a modifié l'image des pays en symbolisant leur puissance industrielle. Roland Barthes, en intégrant la Citroën DS dans ses Mythologies, ne s'y est pas trompé.

Mais le XXe siècle s'est refermé sur le constat amer que notre modèle de développement atteignait ses limites. C'est dans ce contexte que nous devons examiner ce texte, notamment sa cohérence avec la lutte pour l'amélioration de la qualité de l'air : la pollution de l'air étant responsable de 48 000 décès par an, ne risquons-nous pas d'envoyer un message mal perçu ?

Des dérogations sont déjà possibles pour les véhicules d'intérêt général ou appartenant à des personnes handicapées. Devons-nous en élargir la liste ?

Nous regrettons souvent le retard pris dans la publication des décrets de la LOM. Je les énumère : services numériques multimodaux, obligation de création de stationnements vélo, covoiturage, plateformes, portabilité de certains droits. Faudrait-il que nous légiférions dans le domaine réglementaire ?

Enfin, se pose la question de la libre administration des collectivités territoriales. Aux termes de l'article R2213 du code général des collectivités territoriales, les dérogations sont prises par arrêté par le maire ou président d'EPCI qui a créé la ZFE. Faisons confiance au dialogue et à l'intelligence territoriale.

Sans méconnaître le caractère patrimonial des véhicules de collection, le groupe SER votera contre ce texte.

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Je défendrai cette proposition de loi, à titre personnel et avec le soutien d'une large majorité des membres du groupe Les Républicains.

Nous soutenons la position des 250 000 collectionneurs, qui animent chaque année des milliers d'événements. Certains sont très prestigieux, mais la plupart témoignent d'un véritable engouement populaire.

C'est un bonheur de visiter la Cité de l'automobile à Mulhouse, mais les véhicules ne sont pas faits pour être exposés inertes : ils doivent circuler. C'est ainsi que ce patrimoine est le mieux mis en valeur. C'est ainsi également que nous préserverons la filière des professionnels - carrossiers, selliers, soudeurs - capables de les entretenir.

Il faut donner un cadre législatif à cette passion, afin que ce passé si riche ait un avenir, car si ces véhicules ne peuvent rouler, ce patrimoine s'étiolera avant de disparaître.

La proposition de loi apporte une base législative profondément nécessaire. Pourquoi ? Si le principe de précaution avait été opposé à Bréguet ou à Blériot, aucun avion n'aurait jamais volé... Les comportements sociaux, par nature, évoluent.

Il est vrai que les ZFE relèvent des collectivités territoriales. Mais, de règlement en règlement, nous risquons de glisser vers l'autorisation préalable, dans le cadre d'un plan de circulation avalisé par les ingénieurs compétents réunis dans des comités de circulation... (Sourires)

Restons sur le principe de la liberté, même encadrée. Tel est le sens du code de la route. À défaut, notre passé n'aura pas d'avenir, car nous nous serons privés de cet héritage. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Pierre Médevielle .  - La voiture est un objet de culte qui fait rêver tous les enfants du monde, et les adultes aussi !

Les enjeux ont cependant changé avec la transition écologique, encadrée par les évolutions de la LOM. La voiture ancienne conserve une place particulière au coeur des Français. Environ 1,5 % du parc roulant serait composé de véhicules d'époque, soit approximativement un million de véhicules. Je soutiens l'idée d'une vignette ad hoc, même si j'entends les arguments du ministre.

La lutte contre la pollution de l'air est évidemment essentielle, d'autant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France pour manquement à la directive sur la qualité de l'air, mais l'impact des véhicules de collection, peu nombreux, est minime.

Il faut poursuivre les discussions pour mieux définir ces véhicules.

Les ZFE existantes ont toutes accordé des dérogations. Je souhaite que les nouvelles fassent de même. Il s'agit un secteur économique important, avec ses nombreuses manifestations de passionnés, sportives, amicales. C'est une tradition française, un élément de notre histoire familiale et individuelle.

Les enjeux d'aujourd'hui sont différents : mobilités plus variées qui nous éloignent du tout-voiture, construction de véhicules plus propres. Mais il faut voir les yeux des collectionneurs pétiller pour comprendre ce que sont les voitures d'époque. L'électricité remplacera l'essence, mais je reste attaché à l'odeur du cuir, de l'huile et du carburant. Je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupUC)

M. Jacques Fernique .  - La lutte contre la pollution de l'air est un impératif ; les ZFE sont des leviers nécessaires.

Des dérogations sont néanmoins souhaitables - chacun le conçoit. Les véhicules de collection peuvent-elles en bénéficier ? Oui, si l'usage en est raisonnable.

L'Alsacien que je suis connaît le modèle allemand, qui est cohérent, pratique et rigoureux. Il est donc possible de bien cadrer, sans créer d'effet d'aubaine, et par là de concilier lutte contre la pollution et maintien d'une culture populaire.

Malheureusement, cette proposition de loi n'emprunte pas la bonne voie. Les mesures proposées sont d'ordre réglementaire. Le bon itinéraire, c'est le règlement ! Nous ne voterons donc pas la proposition de loi. Oui, Trenet était prophétique dans sa chanson À la porte du garage : vivement que, dans les ZFE, les vélos rencontrent, parfois, une poétique voiture d'époque « en freinant bien, pour ne pas (la) dépasser » ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - Au même titre que la poule au pot d'Henri IV, « l'automobile reste un lien de mémoire heureux » - pour reprendre les mots de Mathieu Flonneau dans Le Monde. Elle scande les moments glorieux ou douloureux : souvenons-nous des taxis de la Marne ou du gang des Tractions avant.

Plus de 300 000 véhicules de collection, bichonnés par des passionnés, forcent le respect lors de leur balade dominicale. Notre mantra doit être : tendre vers l'idéal et comprendre le réel. La transition écologique est un défi, il faut le relever ensemble, et non les uns aux dépens des autres.

L'amorce des ZFE donne lieu à beaucoup de fantasmes. Il faut raison garder. Les collectivités territoriales sont libres d'accorder des dérogations depuis le vote de la LOM. Elles l'ont toujours fait jusqu'à présent.

Une mesure dérogatoire n'est pas utile, mais ce débat envoie un signal positif. Les collectivités territoriales sont très attachées à la concertation. Monsieur le ministre, vous l'êtes également. Or, « quand deux forces sont jointes, l'efficacité est double », disait Newton. Nous suivrons l'avis de la commission et ne voterons pas ce texte.

M. Jean-Claude Requier .  - La pollution de l'air est très préoccupante : dans les agglomérations françaises, elle dépasse les plafonds européens, pourtant jugés insuffisants par l'OMS. Les conséquences de l'exposition aux particules fines sont dramatiques. Le coût de la pollution à Paris est de plus de 1 602 euros par habitant et par an, 1 134 euros à Lyon !

Les nouvelles ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants inquiètent les propriétaires de véhicules de collection, faiblement émetteurs de particules fines. La LOM a le mérite de ne pas ouvrir la voie à d'autres revendications - les véhicules dits historiques.

Il n'y a pas lieu de légiférer. Laissons les collectivités territoriales décider quelles mesures elles jugent pertinentes ! Les voitures électriques n'ont pas le charme d'une Traction avant, d'une Ford Mustang, d'une Dodge Charger... Les usages de ces véhicules ne sont pas les mêmes.

N'oublions pas que certains de nos concitoyens ne peuvent plus prendre leur voiture, parce que trop polluante, pour aller travailler. Avec les transports saturés, les voies encombrées, les conflits d'usage de la route, quelles solutions leur offrons-nous ? La métropole du Grand Paris veut atteindre un objectif qui suppose que l'on exclue 99 % du parc en neuf ans.

Nous soutenons le patrimoine que représentent les voitures de collection, mais une grande majorité d'entre nous ne votera pas la proposition de loi.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci à Jean-Pierre Moga pour sa proposition de loi, que j'ai immédiatement cosignée.

On lui reproche d'être recentralisatrice. Mais il ne peut y avoir de liberté de circulation différente selon les territoires ; il s'agit d'une liberté fondamentale qui relève du législateur.

L'aspect écologique doit être nuancé, car les véhicules anciens ne pèsent pas significativement dans la pollution globale, d'autant que leur usage est souvent occasionnel et leur circulation encadrée. L'usage non professionnel doit être précisé, comme le propose l'amendement de M. Moga. Une Citroën DS chère à de Gaulle serait plus polluante qu'une voiture récente ? Pas si l'on prend en compte la variable du kilométrage.

L'enjeu est aussi économique : il ne faudrait pas fragiliser les secteurs économiques liés aux automobiles de collection, depuis la mécanique jusqu'aux salons et expositions.

La dimension patrimoniale de ces véhicules est évidente. L'histoire de l'automobile, c'est celle de la chanson française, mais aussi du quotidien des Français, dont les 2CV, les Méhari, les Alpine et les Dauphine sont des témoins...

Certains de nos concitoyens leur vouent un véritable culte. Le salon Rétromobile 2019 a ainsi accueilli 130 000 visiteurs en quelques jours. Mon département accueille régulièrement des manifestations qui rencontrent un grand succès, à l'instar des 24 heures des Hautes-Alpes ou du Rallye Monte-Carlo historique.

Un grand nombre des sénateurs du groupe centriste votera ce texte. Adaptons l'usage des collections à notre temps, mais continuons à regarder cette part de notre histoire dans le rétroviseur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Vivette Lopez .  - En cette semaine où la femme est mise à l'honneur, je rappelle que la duchesse d'Uzès, pionnière de l'automobile féminine et personnalité bien connue dans le Gard, avait obtenu une autorisation préfectorale pour conduire en 1898 ! Elle circula à quinze kilomètres par heure dans le bois de Boulogne, ce qui lui valut une amende de 5 francs... Il est vrai que la vitesse était limitée à douze kilomètres par heure à Paris ! (Sourires)

Elle qui fonda l'Automobile club féminin de France en 1926 à 79 ans, que penserait-elle de notre débat sur une vignette pour les voitures de collection ?

L'enjeu peut sembler confidentiel, mais ces voitures représentent un vrai patrimoine historique, passion de certains de nos concitoyens.

Faisons preuve de bon sens dans notre approche de l'environnement, sans quoi nous perdrons l'adhésion des Français. Nous ne parlons pas d'une élite fortunée, mais de 250 000 familles passionnées, 5 000 clubs ou associations qui organisent 10 000 événements annuels.

Ces véhicules nourrissent notre imaginaire de l'après-guerre et des Trente Glorieuses : Citroën 4CV, 2CV, DS, Renault 4, Peugeot 303, 403 ou 404...

Les filières représentent plus de 20 000 emplois - de la carrosserie à l'événementiel - générant un chiffre d'affaires annuel de 4 milliards d'euros.

La création d'une vignette ouvrirait la voie à d'autres dérogations, diront certains. Je ne suis pas d'accord. La voiture de collection pèse moins de 2 % du parc roulant et 0,05 % des kilomètres parcourus !

Les Français sont las de trop d'interdictions. Ils veulent de la liberté et un peu de bon sens ! Je voterai cette proposition de loi à titre personnel, en attendant de m'acheter, dès que je pourrai, une jolie voiture de collection. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Prince et Belin, Mme L. Darcos, MM. Babary, Le Nay et Janssens, Mmes C. Fournier, Herzog et Guidez et M. Genet.

Alinéa 2

Après le mot :

réglementaire,

insérer les mots :

construits ou immatriculés pour la première fois il y a plus de quarante ans ou

M. Jean-Paul Prince.  - Limiter la vignette « collection » aux véhicules disposant d'un certificat d'immatriculation avec la mention « véhicule de collection » conduirait à exclure un grand nombre de véhicules d'intérêt historique.

Ne mettons pas en difficulté tout un secteur économique. Je pense aux loueurs dans l'événementiel. Si nous restreignons cette vignette aux véhicules de plus de quarante ans, cela suffit.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Delahaye et Mme Guidez.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les véhicules précédemment mentionnés dont la durée de mise en circulation excède une période de cinquante ans sont dispensés de cette identification.

Mme Jocelyne Guidez.  - Défendu.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - La commission n'a pas adopté la proposition de loi, afin de laisser la main aux collectivités territoriales. Par cohérence, retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°4 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Prince, Belin, Le Nay et Janssens, Mmes C. Fournier, Herzog, Guidez et Saint-Pé et M. Genet.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les véhicules utilitaires ou dotés d'un moteur diesel ne peuvent recevoir la vignette « collection », sauf s'ils présentent un grand intérêt historique ou patrimonial.

M. Jean-Paul Prince.  - Il s'agit d'exclure les véhicules utilitaires diesel de la catégorie réglementaire « véhicules de collection » : ils sont très polluants et présentent un intérêt historique limité, sauf exceptions qui peuvent être prises en compte dans un décret.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Retrait sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Sagesse.

M. Gérard Longuet. - On ne dira jamais assez de bien du moteur diesel. Le docteur Diesel n'arrivant pas à faire marcher son moteur à huile lourde à forte compression, il s'est appuyé sur un industriel de Bar-le-Duc, M. Dyckhoff : c'est ce qui a fait de Bar-le-Duc la Mecque du moteur à compression. Celui-ci a évolué dans le temps et heureusement ; mais il a représenté une étape importante. Attention aux conséquences industrielles des enthousiasmes irréfléchis.

Je défends ce moteur, évolutif, intelligent, performant ! Il finira mieux que nous... (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par MM. Moga, J.M. Arnaud et E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonneau et Bonnecarrère, Mme Canayer, MM. Chasseing, Decool, Delcros et Duffourg, Mme Férat, M. B. Fournier, Mmes C. Fournier et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. L. Hervé, Mmes Jacquemet, Jacques et Joseph, MM. Kern et Klinger, Mmes de La Provôté et Lassarade, MM. Le Nay et Levi, Mme Loisier, MM. Longuet, Louault, A. Marc, Médevielle, Menonville et Mizzon, Mmes Morin-Desailly, Muller-Bronn et Paoli-Gagin, M. Pointereau, Mme Renaud-Garabedian, M. Rojouan et Mmes Sollogoub et Ventalon.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, excepté pour des déplacements entre le lieu de résidence habituelle et le lieu de travail

M. Jean-Pierre Moga.  - Défendu.

M. Jean-François Longeot, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°3 rectifié ter est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

Explications de vote

Mme Nadia Sollogoub .  - Notre hémicycle compte beaucoup d'amateurs de véhicules anciens. Mon département de la Nièvre est traversé par la route nationale 7 : « On est heureux, nationale 7 ! » À Pougues-les-Eaux, la fête de la Nationale 7 rassemble 25 000 personnes chaque année. C'est un atout touristique important. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. le président.  - Merci pour cette note de romance !

M. Alain Houpert .  - Mon département, lui, est traversé par la route nationale 6. J'aime regarder dans le rétroviseur et respirer ces odeurs qui sont un véritable concentré des moments passés dans les voitures avec nos chers parents et grands-parents...

M. Jean-Pierre Moga .  - La circulation modérée fait partie de la conservation de notre patrimoine technologique qui est à protéger et dont nous pouvons être fiers. Cette proposition de loi permettra le maintien de 10 000 manifestations chaque année, lesquelles contribuent au lien social et intergénérationnel qui nous fait tant défaut actuellement.

Je vous invite à ne pas suivre l'avis de la commission et du Gouvernement et à faire plaisir à 150 000 collectionneurs et deux millions de sympathisants ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Christine Lavarde .  - Nous avons posé la question de fond touchant l'accessibilité des ZFE : que répondra-t-on demain aux familles modestes qui n'ont pas eu les moyens de changer de véhicule ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Longeot, président de la commission .  - Je me tourne vers le Gouvernement : monsieur le ministre, peut-on envisager une évolution du décret dans le sens voulu par le Sénat ?

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)