Favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA

M. le président.  - L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe INDEP, la discussion de la proposition de loi visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA).

Discussion générale

M. Claude Malhuret, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La pauvreté est un enchaînement de privations matérielles et financières, un mécanisme d'exclusion conjoncturelle ou structurelle. C'est une vie au fil du rasoir, avec quelques heures de travail hebdomadaires, ou sans travail.

Or la crise sanitaire a aggravé les inégalités de santé, de logement, d'alimentation, de travail. Il n'existe aucun antidote, aucun vaccin à cela.

Des collectivités territoriales, des entreprises, des associations recherchent des solutions pour rendre à ces personnes l'espoir, lequel tient en trois mots : retrouver un travail. Deux millions de personnes sont allocataires du RSA aujourd'hui.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée d'une initiative du département de l'Allier. Le dispositif est largement soutenu ; de nombreux chefs d'entreprises sont favorables à son expérimentation.

D'un côté, il y a une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA, de l'autre les entreprises ont du mal à recruter. Recréons des liens. Cela ne concurrence pas la réinsertion par l'activité économique ni, plus largement, les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS).

Une personne en fin de droit au chômage perçoit le RSA, mais aussi l'aide personnalisée au logement (APL) ; elle a une couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et bénéficie de tarifs sociaux pour l'électricité, la cantine, les transports. Lorsqu'elle retrouve un travail, elle perd beaucoup de ces droits connexes, que la prime d'activité de 200 euros en moyenne ne compense pas totalement.

Ma proposition de loi permet de cumuler, pendant la première année suivant le retour à l'emploi, le RSA et un salaire, et la possibilité de se former. Ainsi le gain associé au travail est sans ambiguïté. Allemagne, Portugal, Luxembourg révisent annuellement leurs droits sociaux, seules la France, l'Estonie et la Lituanie persistent à le faire tous les trois mois.

On n'enlève pas une béquille à une personne qui recommence à peine à marcher. Tel est l'esprit de cette expérimentation ; et la disposition est simple et lisible.

J'ai conscience que de nombreuses initiatives d'insertion ont été menées. Je n'ai pas la science infuse. C'est pourquoi je ne vous propose pas une solution clé en main mais une expérimentation pour décider ensuite, sur la base d'un bilan, de généraliser ou non.

Départements et entreprises sont, au côté de l'État, des acteurs essentiels contre l'exclusion.

Pour permettre à ces personnes de retrouver une dignité par le retour au travail, je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La proposition de loi met en oeuvre un dispositif de retour à l'emploi, ciblé, inspiré d'une initiative du département de l'Allier. Les entreprises peinent à recruter et de nombreux chômeurs ne trouvent pas d'emploi, en raison de nombreux freins.

Depuis quinze ans, des efforts d'activation du système d'aide sociale ont été accomplis, afin de supprimer la désincitation à l'emploi. L'objectif n'est pas totalement atteint : 76 % des allocataires du RSA ont plus d'un an d'ancienneté et les chances d'en sortir diminuent avec le temps. La crise sanitaire a aggravé la situation. Nos collègues proposent une solution de transition.

L'article premier prévoit une expérimentation de quatre ans ; il s'agit de cumuler une embauche et le bénéfice, pendant un an, du RSA. Le texte initial prévoyait un cumul avec la prime d'activité, nous avons modifié le texte sur ce point.

Le coût pour le département serait compensé par l'État, via la dotation globale de fonctionnement (DGF).

L'expérimentation serait évaluée au moins un an avant terme. Elle s'inscrirait en complément des outils existants comme les territoires zéro chômeur longue durée (TZCLD).

C'est une solution de type « travail pour tous », fondée sur l'association d'un travail, d'un accompagnement personnalisé et d'un complément de revenu transitoire. L'Association des départements de France (ADF) la soutient.

Ainsi, les personnes bénéficieraient d'un accompagnement spécifique pour sécuriser leur parcours et éviter l'abandon. L'Allier le prévoit pour trois mois renouvelables.

Cette expérimentation responsabilisera les entreprises, en les incitant à favoriser l'insertion, sans les contraindre excessivement. De nombreux employeurs de l'Allier soutiennent cette démarche.

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi tout en la modifiant pour qu'elle atteigne mieux sa cible. Il faudra une condition d'ancienneté d'un an dans le RSA et être inscrit à Pôle emploi.

Nous avons prévu la possibilité de déroger à la durée minimale de 24 heures hebdomadaires. Les bénéficiaires pourraient être embauchés pour 15 heures minimum. Une durée de 24 heures est une marche trop haute pour ceux n'ayant pas travaillé depuis plusieurs années.

Pour éviter les distorsions, les bénéficiaires ne pourront bénéficier de la prime d'activité en plus du RSA. Les ressources de celui qui revient dans l'emploi seront ainsi plus élevées que dans le droit commun, mais un écart sera préservé avec le revenu de salariés à temps plein percevant la prime. Dans la rédaction de la commission, le maintien du RSA est assuré pour un CDI ou CDD jusqu'à 800 euros par mois. Au-delà, la part du RSA versée se réduira.

Un bilan sera dressé un an avant la fin de l'expérimentation pour envisager, éventuellement, une généralisation.

La commission des affaires sociales a également précisé les conditions d'application du dispositif. La date de début sera précisée dans le décret d'application. Le ministre de l'Action sociale dressera la liste des départements retenus, selon des critères concertés avec les territoires à l'initiative de l'expérimentation.

Un amendement de Pascale Gruny limite à neuf mois la durée du dispositif, car les intéressés devraient alors pouvoir passer à 24 heures hebdomadaires, avec accès à la prime d'activité, ce qui accroîtra leur revenu.

Un amendement de René-Paul Savary, adopté par la commission, permet aux allocataires du RSA sans ancienneté de participer à l'expérimentation. Dans le droit actuel, le cumul est possible sur trois mois...

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Daniel Chasseing, rapporteur.  - Puis la personne accède à la prime d'activité. Avec l'expérimentation, l'articulation entre RSA et prime d'activité sera décalée dans le temps. L'accompagnement sera personnalisé et géré en binôme par un travailleur social et un conseiller pour l'emploi.

Je vous propose d'adopter cette proposition de loi telle que modifiée par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA est un sujet majeur. Je connais la mobilisation des élus ; quant à moi, qui ai créé trois structures d'insertion, je suis active en cette matière.

L'expérimentation proposée n'est pas une solution adaptée (on s'en désole sur les travées du groupe Les Républicains), elle fragiliserait la cohérence du dispositif actuel articulant RSA et prime d'activité, et pourrait même avoir des effets contreproductifs pour les bénéficiaires.

Actuellement, les départements peuvent déjà autoriser le cumul du RSA et d'un revenu d'activité. Ils peuvent créer aussi une prestation sociale supplémentaire.

Plusieurs départements ont mis en oeuvre de tels dispositifs, comme la Gironde, la Dordogne et le Loir-et-Cher, notamment dans le secteur agricole, pour pallier la pénurie des saisonniers.

Votre expérimentation a une valeur ajoutée plus limitée : elle permet seulement la prise en charge du cumul par l'État... Or le projet de loi 4D vise à recentraliser le financement du RSA afin d'annuler les restes à charge des départements.

Votre expérimentation prévoit en outre de déroger à la durée minimale du travail et risque de favoriser des contrats précaires. Pérennisée, elle pourrait avoir des effets négatifs.

L'articulation entre RSA et prime d'activité est pensée pour être lisible et garantir un gain à ceux qui reviennent à l'emploi. Votre proposition crée des effets de seuil. En outre, l'expérimentation augmenterait la charge administrative et les coûts de gestion pour les départements, déjà surchargés.

Nous avons déjà pris des mesures en faveur du retour à l'emploi. Nous avons contractualisé avec les départements sur l'accompagnement et créé le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) que Brigitte Klinkert déploie depuis le 1er janvier, doté de 80 millions d'euros.

Trente territoires expérimentent déjà ce SPIE et il y en aura trente-cinq de plus d'ici 2022.

Le plan de relance renforce les structures d'insertion, les parcours emploi compétences, les TZCLD. Nous avons revalorisé de 90 euros le pouvoir d'achat, amélioré ainsi les taux de recours à cette prestation. Nous avons engagé des travaux sur un revenu universel d'activité, qui aboutiront à la remise d'un rapport fin 2021.

Le Gouvernement s'est engagé pour des tremplins et une transition durable vers l'emploi ; il sait pouvoir compter sur les départements. Le défi est grand. Nous pouvons le relever.

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Je salue M. Malhuret, qui trouve toujours les mots justes, ainsi que le président du département de l'Allier, et le rapporteur Chasseing pour son écoute et son travail méthodique et approfondi.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, petite en nombre d'articles mais grande par les sujets traités.

En tant qu'ancien vice-président du conseil départemental du Nord chargé de l'insertion, je suis sensible à ce sujet. Depuis 2015, nous avons fait du retour à l'emploi des allocataires du RSA un cheval de bataille ; leur nombre a diminué de 125 000 à 103 000 familles, avec une stratégie comparable à la présente proposition, accompagnement renforcé, lien avec les entreprises, actions de formation avec la région.

Le Sénat s'honore à reprendre des propositions de collectivités territoriales. Je connais le président du conseil départemental de l'Allier Claude Riboulet, qui ouvre avec cette expérimentation une brèche saluée par de nombreuses entreprises locales.

Déjà, avec le RSA, le législateur avait mis en ligne de mire les désincitations au travail du RMI.

Notre rôle, en tant qu'élus, est de tout faire pour inciter à l'embauche de chômeurs de longue durée, afin qu'ils intègrent progressivement le monde de l'entreprise. L'ouverture du dispositif dès 15 heures travaillées est une bonne chose pour les plus fragiles.

Cette proposition de loi ne peut tout résoudre mais elle est un pas dans la bonne direction. Elle devrait être complétée par une coopération encore plus forte entre les départements et les régions, compétentes en matière de formation professionnelle. C'est ce à quoi le Nord et les Hauts-de-France s'attachent.

Un autre apport de cette proposition de loi est d'étendre le principe de la compensation par l'État via la DGF. De nombreux départements souhaitent s'engager ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Toutes les initiatives pour soutenir les bénéficiaires de minima sociaux dans leur parcours vers l'emploi sont bienvenues. Les freins sont variés, logement, transport, santé, moyens financiers et garde d'enfants - car les premières concernées sont des femmes seules avec des enfants.

Le directeur de l'Unedic l'a dit clairement : rien dans la littérature économique ne permet de penser que des chômeurs resteraient volontairement au chômage.

En janvier dernier, nous avons soutenu une proposition de loi étendant le RSA aux jeunes de 18 à 24 ans, rejetée par la majorité sénatoriale. C'est sous François Hollande que la prime d'activité et la garantie jeunes ont été mises en place. (Protestations à droite)

Nous ne sommes pas convaincus par le dispositif proposé : la durée de 15 heures laisse craindre un effet d'aubaine. Nous ne voulons pas voir apparaître un sous-contrat pour des sous-salariés.

L'obtention d'un contrat de travail d'un an minimum est très ambitieuse ; celle d'un CDI est encore plus chimérique, s'agissant de personnes non insérées.

Dans les Landes, nous offrons aux bénéficiaires du RSA de cumuler leur allocation avec des revenus d'emplois saisonniers ou d'emplois d'aide à domicile.

Le RSA saisonnier existe en Dordogne, Gironde, Meurthe-et-Moselle ou en Charente-Maritime. Dans la Marne, il a été mis en place il y a dix ans et a bénéficié à 340 allocataires. Dans le Rhône, 100 personnes le perçoivent - des saisonniers faisant la cueillette et les vendanges.

La crise sanitaire en a renforcé la pratique. Le Lot-et-Garonne a expérimenté ce cumul dans les secteurs essentiels à la Nation. Idem pour l'Hérault et l'Aude pour les vendanges.

Si l'expérimentation était généralisée, elle pourrait devenir contre-productive. Nous attendons l'issue des débats pour fixer notre vote, qui pourrait glisser d'une abstention vers un vote négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après la loi Territoires zéro chômeur de longue durée, ce texte porte sur le retour à l'emploi et l'émancipation de nos concitoyens, car l'emploi donne à chacun sa place dans la société, une possibilité de s'y épanouir.

L'ubérisation fait rage. Il faut lutter contre les trappes à l'inactivité. Fin 2019, 78 % des allocataires du RSA l'étaient depuis plus d'un an, 37 % depuis cinq ans et 16 % depuis dix ans.

J'apprécie l'esprit de cette proposition de loi qui se fonde sur le volontariat et nous vient du terrain. Il est peu probable toutefois que Bercy accepte la compensation par l'État des dépenses supplémentaires.

Un accompagnement est prévu à la fois par Pôle emploi et un tuteur dans l'entreprise. Le cumul serait possible dès 15 heures hebdomadaires. La prime d'activité ne serait pas perçue.

Comme mon groupe, je voterai le texte assorti de ces garanties. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Les conseils départementaux, compétents pour l'insertion, ont multiplié les expérimentations. Le taux de couverture de cette dépense dynamique les contraint pourtant, avec une hausse de 9 % du nombre des allocataires en 2020. Je prends note, madame la ministre, que ces contraintes devraient être desserrées.

Ce texte s'appuie sur des diagnostics biaisés, en premier lieu concernant les freins à la reprise d'emploi : la désincitation financière est extrêmement minoritaire, mais les obstacles se cumulent, immobilier, financier, absence de moyen de transport et autres. L'énergie des allocataires se concentre souvent sur la survie...

Garantir un revenu décent ouvre vers l'emploi, comme Esther Dufflo l'a démontré. Il faudrait un accompagnement personnalisé dès le départ et un revenu minimal, qui permette de se projeter vers l'activité. Une majorité d'allocataires aspirent à retrouver leur place dans la société.

La prime d'activité, revalorisée à la suite du mouvement des gilets jaunes, existe déjà.

Le deuxième biais concerne l'offre de travail. Le problème est double : les emplois vacants ne trouvent pas preneurs car ils ne sont pas attractifs. Ils le deviendront temporairement par le relèvement du taux horaire pour un temps partiel, mais ils ne le seront plus dès le retour au droit commun, au bout d'un an.

Les effets d'aubaine pour les employeurs sont très probables.

Faute de réelles solutions, telles qu'un revenu décent et une levée des véritables freins au retour à l'emploi, le GEST votera contre le texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et celles du groupe CRCE)

M. Martin Lévrier .  - Cette proposition de loi s'inspirant d'une initiative de l'Allier prévoit une expérimentation de quatre ans pour que les allocataires du RSA cumulent RSA et rémunération salariée.

En 2020, 2,7 millions de foyers étaient allocataires du RSA, les deux tiers depuis plus de deux ans. Entre 2019 et 2020, leur nombre a augmenté de 9 %. Et 4,9 millions de foyers étaient éligibles à la prime pour l'emploi. Quant aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, leur nombre a augmenté de plus de 10%.

Mais quel serait l'impact d'une telle loi ? Le cumul RSA-salaire saisonnier est déjà expérimenté sur deux à six mois dans nombre de départements. Il s'est développé avec la pandémie, afin de soutenir les secteurs en tension.

La durée de 15 heures comporte un risque d'inégalité de taux horaire et sera donc source de tensions au sein des entreprises.

La proposition de loi ne prévoit ni suivi spécifique ni mesures transitoires à la fin de la période. Il aurait fallu assurer le maintien dans l'emploi au terme d'un contrat à durée déterminée (CDD) d'un an. Les personnes concernées perdront les bénéfices de l'expérimentation et se retrouveront à nouveau loin de l'emploi.

Les TZCLD, les parcours emploi compétences, l'insertion par l'activité économique sont, en revanche, des outils gouvernementaux pertinents. Le RDPI est favorable aux initiatives locales, mais la plupart de ses membres s'abstiendront.

M. Bernard Fialaire .  - Cette proposition de loi revient aux sources de la création du RSA en 2008 et promeut les solidarités actives, afin que le travail paie davantage que l'inactivité.

Ce dispositif s'inspire d'une initiative du département de l'Allier. Toutes les expérimentations de terrain sont intéressantes. C'est un parfait exemple de différenciation telle qu'annoncée dans le futur projet de loi 4D - qui se fait attendre...

La peur de perdre les aides compromet le retour à l'emploi. Ce texte instaure une transition. Le coût du dispositif serait compensé par l'État, sans reste à charge pour les départements déjà asphyxiés. Cette solution compléterait la mesure TZCLD. La commission des affaires sociales a renforcé la condition d'ancienneté d'un an dans le RSA pour cibler les plus fragiles, et limité les éventuelles distorsions en supprimant le cumul avec la prime d'activité.

Je salue ce texte. Si François Mitterrand disait : « Contre le chômage, on a tout essayé », la présente proposition de loi prouve le contraire.

Après le RMI et le RSA, cette expérimentation s'inscrit dans la vision solidariste de Léon Bourgeois, pour que nos concitoyens retrouvent leur dignité. Je voterai cette proposition de loi avec quelques collègues mais d'autres membres du RDSE s'abstiendront. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe RDSE ; Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cette proposition de loi se veut plus incitative pour un retour à l'emploi. Mais elle repose sur un postulat biaisé : les titulaires du RSA ne feraient pas les démarches nécessaires pour retrouver un emploi, alors qu'il suffit de traverser la rue, comme on sait...

Le mythe du vivier d'emplois disponibles est solide. Mais les intentions d'embauche ne sont pas les recrutements ! D'après la Direction de l'Animation de la recherche, des études et des statistiques (Darés), 185 000 emplois étaient vacants par exemple au 1er février 2020 ; mais sur ce total, 50 % des offres sont ensuite retirées, 25 % pourvues en interne. Les offres réelles sont donc de 46 000, à comparer aux deux millions de bénéficiaires du RSA en décembre 2020.

Il restera impossible de trouver un prêt bancaire ou un logement avec un CDD de 15 heures par semaine.

Or, avec cette dérogation, vous aggravez les inégalités sociales. La proposition de loi ne comporte aucune solution d'accompagnement et de formation des allocataires du RSA. Alors qu'il y a 6 millions de chômeurs, l'État doit mobiliser des moyens financiers pour les réinsérer. Il devrait, surtout, s'attaquer au non-recours au RSA, estimé à 36 % des personnes éligibles.

Fidèles à l'idée fausse selon laquelle les pauvres seraient responsables de leur situation, vous stigmatisez les allocataires du RSA... Nous parlons de 565,34 euros par mois pour une personne. Qui peut vivre dignement avec cette somme ?

Dans son rapport de 2020, le Secours catholique avait défendu un revenu minimum de 893 euros par mois, soit la moitié du revenu médian. Il faut un filet de sécurité protecteur et des solutions pour retrouver un emploi durable.

Le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Colette Mélot .  - La proposition de loi est avant tout issue d'une initiative locale de l'Allier avec soixante entreprises. Elle pourrait bénéficier à de nombreux départements volontaires. Elle s'appuie sur l'ingéniosité et l'expérience locales.

Elle favorise le recrutement par les entreprises du territoire, pour un retour à l'emploi durable. De nombreux dispositifs d'insertion existent, comme le TZCLD initié par ATD Quart-monde ou l'insertion par l'activité. La prime d'activité offre un complément de salaire progressif aux chômeurs moins éloignés de l'emploi.

Mais nous n'avons rien pour les allocataires anciens du RSA qui, s'ils retrouvent un travail, vont perdre des aides sociales et des tarifs avantageux, alors qu'ils sont souvent à temps partiel.

Cette proposition de loi sécurise et rend plus sereines les reprises d'activité dans les entreprises locales.

Pour limiter les distorsions, il suffit de plafonner le cumul à un certain plafond et le réserver aux bénéficiaires du RSA depuis un an ou plus. Dans l'emploi, ils continueront à bénéficier d'allocations et de droits connexes. Ensuite, ils entreront dans un parcours emploi compétences puis bénéficieront de la prime d'activité.

Plus nous ajouterons de contraintes, moins les résultats seront au rendez-vous. Adoptons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Vincent Segouin .  - Créé il y a quinze ans, le RSA fait encore parler de lui. En 2007, la gauche accusait la droite d'enfermer les Français dans la précarité ; désormais, elle fait du RSA un totem inviolable. Lorsqu'Édouard Philippe a souhaité une contrepartie au versement de l'allocation - comme Laurent Wauquiez en 2001 - il a été très critiqué.

Cette proposition de loi est courageuse, mais vous auriez pu aller plus loin. Le RSA vise la dignité des personnes, non leur emprisonnement dans la précarité ; mais tout n'est pas une question d'argent, et c'est l'activité qui donne la reconnaissance. Il faut donc passer éventuellement par une activité bénévole pour avoir des contacts et une vie sociale. Tout travail mérite salaire, et inversement. (Mme Monique Lubin s'impatiente.)

Le budget de la Nation, en outre, est mis à mal actuellement, il serait bon de revoir la logique de distribution de l'argent du contribuable.

Inclure des contreparties obligatoires, quelques heures d'action civique ou d'oeuvre d'intérêt général, assure à l'intéressé de conserver des liens sociaux, c'est un rempart pour ne pas sombrer dans la précarité matérielle et morale. Sinon, les bénéficiaires voient le RSA comme une obole, ils y sentent une forme de mépris. On les retrouve aux ronds-points.

Je voterai ce texte mais il faut motiver les Français les plus précaires à sortir de la pauvreté et non les y enfermer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, tandis que Mme Monique Lubin s'indigne.)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 13 h 20.

présidence de M. Georges Patient, vice-président

La séance reprend à 14 h 50.