Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. J'appelle chacun de vous à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Pass sanitaire

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Jeudi dernier, le Président de la République a annoncé qu'un pass sanitaire serait mis en place, conciliant sortie de crise et respect des libertés individuelles.

La vaccination n'étant pas encore accessible à tous et demeurant facultative, il n'y aura pas de pass vaccinal. Le pass sanitaire comprendra l'attestation de vaccination, le certificat de guérison ou un résultat de test PCR ou antigénique négatif.

Il devrait être obligatoire à compter du 9 juin pour les foires et salons et à partir du 30 juin pour les rassemblements de plus de mille personnes et pour les touristes étrangers.

Des questions demeurent en suspens. L'Agence européenne du médicament a reconnu quatre vaccins : Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Johnson&Johnson. D'autres seront-ils acceptés pour permettre aux touristes étrangers de venir en France ?

Le pass sanitaire sera-t-il obligatoire pour les mineurs ? À compter de quel âge ?

Les eurodéputés se sont prononcés le 29 avril pour un certificat vert numérique d'ici juin. Sera-t-il mis en place dans les mêmes conditions que le pass français ?

Quid enfin des conditions de levée de la quarantaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Je salue la résilience des Français et leur appétence pour la vaccination : ils sont seize millions à avoir reçu une dose, soit 30 % de la population majeure. Le pass sanitaire, accessible sur téléphone, n'est pas restreint à la vaccination, il comprendra les tests et certificats. Il ne pénalisera pas les personnes non vaccinées. Plusieurs compagnies aériennes envisagent d'utiliser ces pass pour les vols hors de la France.

Olivier Véran y reviendra lors de l'examen du projet de loi relatif à la gestion de sortie de crise sanitaire.

Nomination du directeur de l'AP-HM

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà deux mois que l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille est dans l'attente d'un nouveau directeur général. Les procédures ont pourtant été respectées et il y a un consensus local sur les candidatures.

Dans le cadre du Ségur, les autres CHU ont présenté des plans de financement supplémentaire, mais à Marseille la situation est bloquée. L'incompréhension est totale, nourrissant l'impression d'un mépris des acteurs locaux.

Ce sentiment est exacerbé par la rumeur selon laquelle le prochain directeur général pourrait être Jérôme Salomon (on se récrie vivement à droite) et non M. Crémieux, qui a le soutien des décideurs locaux, comme Renaud Muselier. Qu'en est-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Cette décision ne m'appartient pas. Il ne faut jamais croire les rumeurs. Le processus de recrutement a été lancé et les candidatures examinées. Trois noms ont été proposés au ministère. Les échanges se sont poursuivis avec les acteurs locaux.

Ce centre est important, il est difficile de diriger une telle institution, le processus de désignation doit donc être mené avec le plus grand soin. L'intérim étant peu souhaitable, le précédent directeur général a été prolongé. La décision sera prise en Conseil des ministres dans les meilleurs délais.

M. Alain Milon.  - La décision sera prise à la Présidence de la République. M. Véran a dit qu'il tenait beaucoup à M. Salomon - dont les relations avec les agences sont ambiguës. S'en séparer, sans s'en séparer, tout en s'en séparant n'est pas une solution.

Je le répète, ce retard dans la nomination va entraîner des retards de financement préjudiciables pour l'AP-HM. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Répartition de la DGF 2021

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La direction générale des collectivités locales (DGCL) vient de publier la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2021. Si le montant reste stable globalement, 53 % des communes enregistrent une diminution. C'est le cas d'un tiers des communes de plus de 20 000 habitants, mais de 55 % des communes de moins de 1 000 habitants, dont la DGF est déjà plus faible qu'en milieu urbain. Les ressources baissent d'année en année, il est de plus en plus difficile d'équilibrer les budgets.

Cette situation est particulièrement choquante cette année, compte tenu des dépenses liées à la crise sanitaire et de la réduction des recettes ; ni les unes ni les autres ne sont compensées intégralement par l'État. Comment expliquez-vous ces baisses ? Pourquoi sont-elles si nombreuses ? Pourquoi ne pas avoir gelé la dotation ? (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Vous avez rappelé la stabilité de l'enveloppe de la DGF, qui représente 7 % du budget de l'État et 15 % des recettes des communes. C'est loin d'être anodin.

Chaque année, la répartition varie en fonction des évolutions de population et de richesse fiscale, mais 80 % de ces variations représentent moins de 1 % des recettes de fonctionnement des communes.

Le coefficient logarithmique existe depuis vingt ans, lié aux charges qui croissent avec la population. Il n'est pas contesté, pas même par ceux qui envisageaient une réforme de la DGF...

Bernay reçoit ainsi 250 euros de DGF par habitant, contre 172 euros en moyenne dans son intercommunalité : c'est que la ville est au coeur du bassin de vie et que ses services et équipements s'adressent à un ensemble d'habitants au-delà de son seul territoire.

Depuis 2017, les communes de moins de 3 500 habitants ont gagné 72 millions d'euros de DGF. Elles en avaient perdu 700 millions d'euros sous le quinquennat précédent. Nous avons réformé la DGF des intercommunalités en 2019 au profit des intercommunautés rurales : 75 % des communautés de communes ont vu leur DGF augmenter. (M. François Patriat applaudit.)

M. Hervé Maurey.  - Bernay ? Vous auriez pu aussi vous intéresser à Vernon ou à Louviers : elles ont la même population, mais la première a trois fois plus de DGF que la seconde.

En ne répondant pas aux inquiétudes des maires ruraux, vous poussez au vote protestataire ! (Vifs applaudissements au centre et à droite)

Fin de la trêve hivernale

Mme Marie-Claude Varaillas .  - (Mme Laurence Cohen applaudit.) Notre pays fait face à une crise sanitaire qui devient sociale. De nombreuses familles sont confrontées à la précarité. Les associations de solidarité demandent un prolongement de la trêve hivernale jusqu'en octobre.

Selon l'Insee, 35 % des 10 % des ménages les plus modestes ont vu leur situation se dégrader. Le chômage devrait atteindre 11,5 % dans quelques mois.

N'ajoutons pas à cela l'angoisse de l'expulsion locative, drame humain aux multiples conséquences. Nous soutenons l'idée d'une sécurité sociale du logement via un fonds de solidarité national.

Madame la ministre, comment appliquerez-vous le droit au logement, objectif à valeur constitutionnelle ? Allez-vous reporter la trêve hivernale ? Ferez-vous de 2021 une année « zéro expulsion » ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement .  - Durant cette crise, nous avons pris des mesures exceptionnelles : dès 2020, nous avons donné la consigne selon laquelle il ne devait pas y avoir d'expulsions sans relogement ou proposition d'hébergement, et la trêve hivernale a été maintenue jusqu'au 31 juillet.

En 2021, elle s'appliquera jusqu'au 31 mai. Nous avons ouvert de nombreuses places d'hébergement et procédé à plus de 200 000 mises à l'abri. Nous préparons maintenant la fin de la trêve avec les associations.

Si une expulsion a lieu après le 1er juin, elle donnera lieu à une proposition de relogement ou d'hébergement et un accompagnement social sera effectué en amont.

Mais nous devons également prendre en compte la situation de ceux qui trouvent un revenu dans les loyers. L'État ne doit pas abandonner les petits propriétaires. Il n'y aura donc pas d'année blanche. Nous avons abondé de 20 millions d'euros un fonds d'indemnisation des propriétaires bailleurs. Il débloquera également plus de 30 millions d'euros pour les fonds de solidarité logement des collectivités territoriales, afin de maintenir les personnes dans leur logement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Il faut sortir le logement de la logique commerciale. Ce ne sont pas vos vagues instructions aux préfets qui changeront la donne. Ne confondons pas solution d'hébergement et accès à un logement pérenne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Baccalauréat

Mme Nadège Havet .  - Mes premiers mots vont aux équipes pédagogiques et aux élèves qui reprennent le chemin des établissements scolaires. Sachons saluer leurs efforts et entendre leurs inquiétudes.

Les élèves de Terminale abordent la dernière ligne droite vers le bac avec un stress accru dans la période actuelle. Interrogations sur la tenue du grand oral ou de l'épreuve de philosophie en présentiel, inégalités dans l'avancement des programmes... La France a certes maintenu un nombre de jours d'école remarquable mais ne faudrait-il pas un contrôle continu généralisé ou des aménagements supplémentaires ? Quelles sont vos pistes, notamment pour les élèves des établissements hors contrat ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - De nombreux jeunes se posent ces questions. Nos mots-clés, depuis le début de la crise, sont bienveillance et pragmatisme.

Nous avons maintenu les établissements ouverts mais l'année n'a pas été normale. Nous avons des comités de suivi pour les voies générale, technique et professionnelle, et nous nous adaptons, comme en mars dernier avec la transformation des épreuves en contrôle continu.

Je discute avec les associations représentatives. Notre objectif est d'amener les élèves vers la réussite dans de bonnes conditions. Des aménagements seront donc vraisemblablement décidés. Les candidats au grand oral pourraient par exemple indiquer, par un document signé par leur professeur, quelles parties du programme n'ont pas été vues.

C'est au cours des prochaines heures ou jours que je vous ferai part de nos décisions. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Réforme de l'assurance chômage

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Des politiques dures pour les faibles et faibles pour les forts... Tel est le cas de votre réforme de l'assurance chômage.

Le chômage est une expérience dévastatrice qui détruit les hommes et les femmes ; je puis en témoigner dans la chair de ma chair. Je sais ce qu'est l'angoisse de la fin de droits et votre politique n'en paraît que plus injuste et violente.

Faire payer 1,1 milliard d'euros aux plus faibles tandis que vous déversez des centaines de milliards d'euros pour l'économie, il fallait oser !

Comment traiter ce dossier à l'avantage des chômeurs, qui veulent surtout un travail à hauteur de leurs qualifications et au bénéfice de la société ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion .  - Cette réforme est le fruit de six mois de concertation avec les partenaires sociaux. (Murmures indignés à gauche) Nous aussi sommes proches des territoires et de leurs habitants.

Elle met fin à un système à la fois injuste - notamment pour les salariés à temps partiel - coûteux et déficitaire depuis plus de dix ans. La dette cumulée atteignait 40 milliards de dette avant même la crise du Covid.

Le nombre de CDD de moins d'un mois a augmenté de 250 % en dix ans. Le système encourage la précarité : avec la réforme et le bonus-malus...

Mme Sophie Primas.  - Une usine à gaz !

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.  - ... les entreprises seront incitées à conclure des CDI et à allonger la durée des CDD.

Pour faire face à la crise, nous avons prolongé les droits de 700 000 personnes pour 2,5 milliards d'euros. Nous avons décalé l'entrée en vigueur de la réforme au 1er juillet et son déploiement sera progressif. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

Le système restera protecteur dans sa durée comme dans ses montants d'indemnisation et ses conditions d'affiliation. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Franck Montaugé.  - Cyniquement, vous êtes passés au « quoi qu'il en coûte socialement ». Nous combattrons ces politiques de décohésion sociale que vous entendez mener envers et contre tous. (Applaudissements à gauche)

Les fêtes locales auront-elles lieu ?

M. Christian Bilhac .  - Durant la période estivale, nos communes vivent au rythme des fêtes locales et des bals populaires, en particulier dans le sud de la France. Cela s'est arrêté pendant un an, et chacun veut savoir ce qu'il en sera pour cette année - les musiciens, les organisateurs attendent de connaître les jauges et les protocoles sanitaires. Traditionnellement gratuites et organisées par des comités des fêtes, elles apportent des revenus non négligeables aux collectivités territoriales.

À quelques semaines de l'été, les musiciens attendent avec impatience de retrouver leurs pupitres, les forains de monter leurs stands.

Pour l'été qui arrive, les fêtes locales pourront-elles reprendre sans que des protocoles excessifs fassent porter un poids trop lourd sur les organisateurs ? Il semble que la propagation du virus soit faible en plein air. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Ces fêtes ont beaucoup d'importance dans les villes et villages qui les organisent. Elles contribuent à l'animation de nos territoires ruraux.

Nous soutiendrons ces manifestations comme nous l'avons déjà fait, via les divers mécanismes de soutien - je pense au statut intermittent.

Les fêtes devront s'adapter aux règles fixées dans le cadre du déconfinement. Les restaurants et les bars qui les accompagnent apportent un revenu important, mais il n'y a pas de raison qu'ils dérogent aux règles générales applicables à tout le secteur.

Il n'est pas question non plus de lever les restrictions sanitaires. Ce ne sont pas des mesures barrières, qui nous éloigneraient les uns des autres : ce sont des mesures de protection, afin que nous retrouvions une vie normale. (Mmes Patricia Schillinger et Pascale Gruny applaudissent.)

« Tribune des généraux » et montée de l'extrême droite

M. Thomas Dossus .  - Le 25 mars, les portes du conseil régional d'Occitanie ont été forcées par des militants de l'Action française, au cri de « mort aux islamo-gauchistes », un vocabulaire en vogue au sein du Gouvernement. Le 17 avril, un ancien ami du président de la République, Philippe de Villiers, appelait à l'insurrection pour éviter la disparition de la France. Et le 21 avril, des généraux ont publié une tribune factieuse menaçant le pays de guerre civile pour lutter contre l'indigénisme et les hordes de banlieue.

Les réactions du Gouvernement ont été bien tardives et timorées. Pourtant, ce ne sont pas des incidents isolés : partout, la parole de l'extrême droite se libère. Les digues ont sauté, LaREM trouve cette extrême droite trop molle, une partie de la droite républicaine partage cette opinion. (Vives protestations à droite) Voyez le nombre incalculable d'amendements stigmatisant nos compatriotes musulmans à l'occasion de l'examen du projet de loi Séparatisme (exclamations indignées à droite) ou les attaques scandaleuses de membres du Gouvernement contre le monde universitaire accusé d'islamo-gauchisme. (Le brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains couvre la voix de l'orateur.)

M. le président.  - Préservons le calme !

M. Thomas Dossus.  - Le 3 mars, le Gouvernement a annoncé la dissolution de Génération identitaire, c'était nécessaire. Mais à Lyon, il y a eu en mars, avril, le 1er mai, de nombreuses violences. Or les auteurs n'ont pas été inquiétés : leur parole est ainsi légitimée.

Quand allez-vous arrêter d'être complaisants avec l'extrême droite ? (Applaudissements à gauche, tandis que l'on s'indigne sur les travées de droite.)

M. le président.  - Du calme ! Pas d'émeute !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Je n'ai pas saisi toute la question en raison du bruit ambiant. Notre Gouvernement aurait été inactif après la publication de la « tribune des généraux » ?

Les armées ne sont pas un parti politique, un militaire n'est pas un militant. Florence Parly l'a rappelé. Les 52 généraux en retraite seront traduits devant un conseil supérieur d'armée en vue de leur radiation et les 18 militaires d'active recevront des sanctions disciplinaires.

Le ministre de l'Intérieur a également engagé la procédure de dissolution de Génération identitaire, qui provoque à la haine et la discrimination, ainsi que l'a confirmé le Conseil d'État.

Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que nous n'agissons pas contre toutes les manifestations de fracture et de violence dans notre pays, notamment celles qui émanent de l'extrême droite. Elles sont combattues au plus haut niveau. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Coût de la vaccination pour les collectivités locales

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un tiers des communes vont devoir augmenter leur taxe foncière en 2021, selon l'Association des maires de France. C'est la conséquence des baisses de dotations et des recettes depuis le début du quinquennat Macron - des baisses jamais intégralement compensées - et de l'accumulation de dépenses exceptionnelles depuis dix-huit mois, notamment pour la mise en place de 1 400 centres de vaccination que les communes financent intégralement, sans aucune visibilité sur la participation de l'État.

Monsieur le ministre, l'État compensera-t-il intégralement le coût de ces centres ? À tout le moins, les collectivités territoriales seront-elles indemnisées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Ces centres de vaccination ont été demandés par les collectivités territoriales.

Le fonds d'intervention régional des agences régionales de santé (ARS) peut être mobilisé pour les dépenses de fonctionnement ; des conventions de subvention sont conclues à cet effet, dans une logique de partenariat, afin de financer les surcoûts supportés par les collectivités. Dès le 18 février, nous avons délégué 60 millions d'euros aux ARS pour financer les dépenses les plus urgentes des 1 200 centres de vaccination. Cela permet de prendre en charge des dépenses de fonctionnement, mais aussi la mobilisation d'agents le week-end, le recrutement de personnels complémentaires ou encore la participation des sapeurs-pompiers aux opérations de vaccination. Je vous invite à vous rapprocher de votre ARS.

Mme Sabine Drexler.  - Les communes se sont investies ; elles ont montré leur réactivité. Mais la dotation forfaitaire promise par le Gouvernement est insuffisante et la situation financière des communes ne cesse de se dégrader. Elles ne peuvent financer toujours plus de dépenses avec toujours moins d'argent ! Les élus locaux attendent que les promesses soient tenues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Levée des brevets sur les vaccins

M. Jean-Luc Fichet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous traversons la plus grande crise sanitaire de la période moderne. Il faut accélérer le rythme de vaccination partout, y compris en France. Nous ne sommes pas convaincus que la stratégie européenne et mondiale le permette.

Plus de cent pays, dont l'Inde et Afrique du Sud, ainsi que le directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), plaident pour une levée temporaire de la propriété intellectuelle sur les vaccins contre le Covid.

L'opposition de la France et de l'Union européenne à l'OMC sur ces questions est incompréhensible.

Selon The Economist, la plupart des Africains ne seront pas vaccinés avant 2023 ; il faudra attendre 2022 dans beaucoup de pays émergents. Combien de variants, combien de morts, d'économies à terre d'ici là ?

Les vaccins contre le Covid doivent être des biens communs de l'humanité. Que compte faire la France sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications .  - Nous nous rejoignons sur la nécessité de vacciner au plus vite le plus grand nombre de personnes dans le monde entier. Pour des raisons de solidarité, mais aussi d'efficacité, pour nous protéger contre l'apparition de nouveaux variants.

C'est pour cela que la France a pris la tête d'un groupe de pays acheteurs de vaccins et a fait don, unilatéralement, de centaines de milliers de doses dans le cadre de Covax. C'est aussi le sens de l'engagement du Président de la République de donner 5 % des doses achetées par la France aux pays du Sud.

La levée des brevets serait une fausse bonne idée. D'abord parce qu'elle ne se traduirait pas par une production supplémentaire, sachant qu'il faut dix-huit mois pour valider une usine. Ensuite parce que cela désinciterait les industriels à continuer à investir dans la recherche sur les variants. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Autant nous devons donner des doses, autant nous devons parer aux risques de délocalisation inhérents à tout transfert de brevets. (Protestations à gauche)

M. David Assouline.  - Tout pour le libéralisme ! Quoi qu'il en coûte !

M. Jean-Luc Fichet.  - Pourquoi les vaccins ne seraient-ils pas dans le domaine public ? La recherche est financée en grande majorité par l'argent public ! (Applaudissements à gauche)

Classement Bloomberg de la résilience face à la covid

Mme Jacky Deromedi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Bloomberg évalue chaque mois la résilience des 53 économies les plus importantes. Singapour arrive en tête ; la France est à la 42e position, en recul de 18 places avec l'arrivée des variants et l'échec des mesures de freinage.

Les critères de ce classement sont incontestables : nombre de cas, mortalité, couverture vaccinale, sévérité du confinement, évolution du PIB, couverture universelle des soins de santé, indice de développement humain. Avec 1 609 morts pour 100 000 habitants, la France est le troisième plus mauvais élève.

Le Gouvernement semble satisfait de son action, mais les résultats ne sont visiblement pas au rendez-vous... Comment expliquer cette contre-performance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Nous avons aussi le souci de l'efficience de l'action publique. Ce classement est pertinent. D'après Bloomberg, la France s'est maintenue parmi les vingt pays qui résistent le mieux face au virus. Faut-il rappeler les chiffres glaçants des morts : 578 000 aux États-Unis, 128 000 au Royaume-Uni, 105 000 en France.

La situation, difficile, a appelé des mesures drastiques de freinage, grâce auxquelles la situation s'améliore. Plus aucun département ne dépasse le seuil de 400 infections sur 100 000 habitants.

Le classement le souligne, les Français ont un bon accès à la vaccination : 16,5 millions ont reçu une dose, soit un tiers des majeurs, et 7 millions auront reçu deux doses à ce soir, grâce à une mobilisation exceptionnelle des soignants.

La situation s'améliore et il serait de bon ton de le saluer. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Jacky Deromedi.  - Vous avez une belle marge de progression. Ce classement n'est pas isolé. L'Institut Lowy de Sydney nous place à la 71e place sur 102. Pour l'heure, quand je me compare, je me désole... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Situation des résidents en Ehpad

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Annick Jacquemet à ma question.

Les Ehpad ont payé un lourd tribut à la pandémie. Ils ont été mis sous cloche, les droits et libertés des résidents mis à mal, comme le rappelle le rapport de la Défenseure des droits. Aussi, ils ont été prioritaires dans la campagne de vaccination.

Le 31 mars, le président de la République se félicitait que 90 % des résidents en Ehpad soient vaccinés. Pourtant, les contraintes n'ont pas été levées : isolement obligatoire pendant une semaine après toute sortie, une seule visite autorisée par semaine, limitée à trente minutes...

Pourquoi cet excès de précaution ? De telles atteintes à la liberté d'aller et venir ne peuvent être laissées à la seule appréciation des directeurs d'Ehpad. Les risques psychosociaux et affectifs pèsent dangereusement sur nos aînés. Quand allez-vous mettre un terme à l'isolement sans fin des résidents en Ehpad ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Le virus a été particulièrement agressif envers nos aînés, nous obligeant à prendre des mesures fortes, sous l'autorité des directeurs d'établissement, dont je salue l'esprit de responsabilité.

Nous avons, après la première vague, entendu les directeurs, les familles, les résidents et les conseils de vie : notre objectif était de concilier liberté et protection, de protéger sans isoler.

La campagne de vaccination en Ehpad est un succès. Aussi, depuis le 12 mars, un protocole allégé s'applique progressivement : un résident ayant reçu deux doses n'a plus à être isolé après une sortie en famille. Dans quelques jours, nous franchirons une nouvelle étape dans les retrouvailles, avec de nouvelles recommandations.

Je suis très vigilante et à l'écoute des remontées du terrain ; je souhaite que les cas résiduels de blocage ou de situations abusives soient résolus par le dialogue et la médiation. (M. François Patriat applaudit.)

Violences contre les forces de l'ordre

Mme Toine Bourrat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Devant le drame de Rambouillet, devant les policiers victimes de guet-apens, devant les émeutes aux quatre coins du pays, nos forces de l'ordre, incrédules, tiennent le front.

Devant des écoles incendiées, des pompiers agressés, des élus pris pour cible, nos forces de l'ordre, incrédules, tiennent le front.

Devant des black blocs qui piétinent la démocratie sociale, devant des voyous qui ricanent, sûrs de leur impunité, nos forces de l'ordre, incrédules, tiennent le front.

Devant le non-respect des obligations de quitter le territoire, devant le déni du lien entre immigration et insécurité, nos forces de l'ordre, incrédules, tiennent le front.

Devant la plateforme de signalement des discriminations qui stigmatise leur travail, les forces de l'ordre, incrédules, tiennent le front.

Elles expriment aujourd'hui leur fatigue devant les renoncements de l'État. Que comptez-vous faire pour restaurer l'autorité de l'État et réhabiliter nos policiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté .  - (On regrette l'absence du ministre de l'Intérieur sur les travées du groupe Les Républicains) Après le Premier ministre et le président du Sénat, je rends hommage à Stéphanie, assassinée dans l'exercice de ses fonctions, alors qu'elle servait notre pays depuis 28 ans. Elle était un des visages de notre police.

Oui, nous devons protéger ceux qui nous protègent. C'est le sens de l'action que nous menons avec Gérald Darmanin. Le budget de la sécurité a connu une hausse historique, et je vous remercie de l'avoir voté.

Nous nous engageons à mieux équiper les policiers - tenues, vidéoprotection, etc. (On juge cela insuffisant sur les travées du groupe Les Républicains.)

Malgré le travail exceptionnel de nos services de renseignement, qui ont déjoué 35 attentats depuis 2017, malgré les 1 900 recrutements, malgré le doublement du budget de la DGSI, notre pays reste la cible du terrorisme islamiste et de violences inadmissibles contre les forces de l'ordre. J'étais hier à la gare Saint-Lazare pour leur assurer du plein soutien du Gouvernement.

M. Vincent Segouin.  - Ils attendent des actes !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous avons lancé le Beauvau de la sécurité, présenté la loi pour une sécurité globale. Le Gouvernement soutient pleinement et sans réserve les forces de l'ordre. (M. Alain Richard applaudit.)

Mme Toine Bourrat.  - Je n'ai fait que relayer l'inquiétude des policiers, qui demandent à leurs enfants de cacher leur profession, qui craignent pour leur sécurité, pour leur famille. Qui voudra encore postuler à ce métier ? L'État est dépassé, submergé. La sécurité de notre pays mérite mieux que des rustines ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Reconnaissance des sages-femmes

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise sanitaire a mis en exergue les failles de notre système de santé, notamment le manque de personnel médical, à l'hôpital comme en libéral. Près d'un tiers des femmes ne bénéficient pas d'un suivi gynécologique, en raison de la quasi-disparition de l'exercice libéral de la gynécologie. Ce sont donc les 23 000 sages-femmes et maïeuticiens qui s'en chargent.

Seulement 1,07 euro de majoration par heure pour du travail de nuit : les conditions d'exercice ne sont pas attractives. La faible revalorisation obtenue lors du Ségur de la santé n'a pas rassuré la profession, considérée au même titre que les secrétaires médicales.

Quel manque de considération pour ces soignants pourtant précieux pour le maillage médical, la prévention et l'accompagnement des familles pendant les mille premiers jours de l'enfant.

Pourquoi choisir de les ignorer ? Ce 5 mai, journée internationale de la sage-femme, quatrième jour de mobilisation, ces professionnels demandent une juste reconnaissance de leur métier et une revalorisation de leur statut. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Je salue à mon tour tous ces professionnels - essentiellement des femmes - qui n'ont jamais cessé d'exercer.

Les difficultés que vous soulevez ne sont pas récentes. Le relèvement du numerus clausus montre ses premiers effets sur les effectifs, en croissance de 2 % par an en moyenne. Entre 2010 et 2020, ils sont passés de 18 835 à 23 174, soit une hausse de 23 %.

La stratégie « Ma santé 2022 » vise à susciter des vocations en réformant la formation - suppression de la première année commune, stages dans les territoires... En effet, c'est en agissant dès le stade de la formation que nous apporterons des réponses pérennes.

Prisonniers de guerre arméniens au Haut-Karabagh

M. Patrick Boré .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à ma question Valérie Boyer, qui revient du Haut-Karabagh.

Il y a quelques semaines, la France et l'Union européenne s'indignaient de la faute protocolaire du gouvernement turc à l'encontre d'Ursula Von der Leyen, mais elles n'ont guère réagi aux exactions turques au Haut-Karabagh.

L'Azerbaïdjan, en toute impunité, refuse de libérer les prisonniers de guerre arméniens et de rendre les corps des soldats morts au combat.

La France, pourtant liée à l'Arménie par des liens d'amitié séculaires, reste murée dans un silence et une inaction coupables. Que compte faire le Gouvernement pour permettre la libération des soldats arméniens ? La France va-t-elle abandonner ses alliés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - Il est faux de prétendre que la France n'est pas en première ligne dans le règlement de ce conflit. Le Président de la République a évoqué le sujet avec le président russe la semaine dernière, et Jean-Yves Le Drian est en contact avec les autres coprésidents du groupe de Minsk, ses homologues américain et russe.

La libération des détenus de guerre, prévue par le cessez-le-feu du 9 novembre, est une priorité. C'est le préalable à une désescalade durable, mais aussi un enjeu humain douloureux. À Erevan, où certains d'entre vous étaient présents, Jean-Baptiste Lemoyne a témoigné auprès des familles des détenus et des victimes de la mobilisation totale de la France. Nous nous sommes également mobilisés pour assurer des conditions de détention dignes.

L'annonce de la libération de trois prisonniers est positive, mais insuffisante. La priorité reste la libération sans délai de tous les détenus de guerre. La France mobilise toute son énergie pour y parvenir. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Patrick Boré.  - Vos propos sont rassurants, mais là-bas, on continue à torturer et à filmer pour faire peur aux familles.

Je déposerai prochainement une proposition de résolution. La France ne peut rester neutre. Notre faiblesse d'aujourd'hui nourrit notre impuissance de demain. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Pêche et Brexit

Mme Béatrice Gosselin .  - Le 30 décembre 2020, le Brexit a été signé. La proximité de la Manche avec les îles anglo-normandes est une réalité géographique. Depuis janvier, nos relations maritimes et commerciales sont mises à rude épreuve.

Les pêcheurs ont appris fin décembre que les accords de la baie de Granville étaient caducs. Les licences d'exploitation sont désormais délivrées unilatéralement par Jersey. Les laissez-passer arrivent au compte-gouttes pour les bateaux de plus de douze mètres, et c'est la consternation : ils n'autorisent que quelques jours de pêche dans les eaux jersiaises. De nombreuses embarcations n'ont toujours pas obtenu de licence. C'est le cas notamment d'un pêcheur autorisé l'an passé, qui a investi 850 000 euros dans un nouvel équipement.

Le 3 mai, vos services ont indiqué que Jersey était souveraine et que des mesures compensatoires seraient prises.

De Boulogne à Saint-Brieuc, nos pêcheurs subissent les décisions unilatérales des Britanniques. Ils veulent vivre de leur métier et ne pas être victimes collatérales d'un Brexit qui se voulait être un accord et se révèle un ultimatum. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - L'accès aux eaux de Jersey est essentiel pour les pêcheurs de la Manche mais aussi d'Ille-et-Vilaine ou des Côtes d'Armor. La France n'accepte pas la décision unilatérale des Britanniques sur les licences de pêche, prise sans concertation ni explication, qui conditionne les jours de pêche en mer, ce qui est contraire à l'accord de commerce et de coopération de décembre 2020 - lequel prévoyait que les mesures techniques devaient être fondées sur des recommandations scientifiques, être indifférenciés et notifiées à l'avance.

Cela constitue un précédent dangereux et inacceptable. C'est pourquoi Annick Girardin a demandé à la Commission européenne, qui partage notre analyse, que les négociations sur l'accord de la baie de Granville démarrent au plus vite.

Les conventions doivent être respectées. Ce sera le cas pour l'accord du 24 décembre 2020. La France s'y emploiera.

Mme Béatrice Gosselin.  - J'espère que vos paroles deviendront réalité car les pêcheurs n'en peuvent plus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.