Déclaration du Gouvernement relative à la programmation militaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la programmation militaire.

M. Jean Castex, Premier ministre .  - La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, adoptée en 2018 à une très large majorité, a traduit l'engagement de 2017 du Président de la République de fixer une nouvelle ambition pour notre défense nationale et de restaurer ses moyens.

Je salue le travail de Mme Florence Parly qui a élaboré et appliqué cette loi avec la rigueur qu'on lui connaît ; j'y associe Mme Geneviève Darrieussecq. Je salue également les membres de la commission des affaires étrangères et des forces armées qui ont activement contribué à cette loi de programmation militaire.

Le texte de la LPM prévoit une actualisation à partir de 2023, afin d'atteindre notre objectif de porter le budget de la défense à 2 % du PIB en 2025.

Mais la crise a bouleversé les conditions de cette actualisation : la récession a eu pour effet que les 2 % sont d'ores et déjà atteints ; la longueur de la crise sanitaire et ses conséquences économiques ont changé les perspectives de 2024 et 2025.

J'ai décidé, et je l'assume, de ne pas soumettre au Parlement de texte d'actualisation de la LPM ; celui-ci interviendra dès que l'horizon se sera clarifié. J'ai voulu en contrepartie que nous débattions et que le parlement délibère de la mise en oeuvre de la programmation militaire et son inflexion : c'est le sens de cette déclaration au titre de l'article 50-1 de la Constitution, invoqué pour la première fois sur la défense nationale.

La LPM porte une ambition claire : que la France retrouve un modèle d'armée complet et équilibré.

Nous sommes confrontés à un « dérèglement du monde », comme le dit le chef de l'État. Je pense au terrorisme mais aussi aux appétits de certaines puissances. Le Président de la République a voulu donner l'impulsion nécessaire à une transformation profonde de nos armées. Il a d'abord fallu les réparer. Les équipements étaient en mauvais état, il devenait de plus en plus difficile à nos soldats, marins et aviateurs, malgré leur professionnalisme, de pallier la dégradation de leurs conditions d'intervention. Mais il fallait aussi préparer l'avenir afin que nos forces disposent des moyens adaptés et suffisants.

La LPM a ainsi entériné une hausse historique du budget de la défense.

Pour qu'un pays s'inscrive dans le temps long de l'histoire, il doit disposer de moyens suffisants. Or de 2008 à 2018, les crédits consommés ont été quasi-systématiquement inférieurs à ceux prévus : 3,8 milliards d'euros ont fait l'objet d'annulation ou de régulation, 60 000 postes ont été supprimés. Notre effort de défense est passé de 2,1 % à 1,78 % du PIB en 2017. Il fallait y mettre fin, nous l'avons fait.

Nous allons dépasser le seuil annuel symbolique de 40 milliards d'euros en 2022 - contre 30 milliards en moyenne dans la période précédente. Au total, depuis le début du quinquennat, le budget aura augmenté de plus de 25 %, soit une hausse cumulée de 27 milliards d'euros. C'est une accélération sans précédent.

J'ai fait le choix politique et budgétaire de maintenir cette dynamique en 2020 et 2021, en dépit de la crise sanitaire, qui nous a conduits à puiser très significativement dans nos finances publiques. Et ce, alors que beaucoup de pays ont fait de leurs dépenses militaires une variable d'ajustement.

Les objectifs de la programmation sont strictement respectés : c'est historique ! Ce ne fut le cas qu'exceptionnellement pour les LPM antérieures.

Les résultats sont significatifs. Les premières mesures furent « à hauteur d'homme » : nous avons investi dans le casernement, l'accompagnement des familles, le logement, les carrières... Nous avons rendu la politique de rémunération plus moderne et plus juste. Nous avons modernisé nos équipements, avec le renouvellement des outils de notre dissuasion nucléaire, le nouveau véhicule blindé du programme Scorpion, le nouveau sous-marin de classe Suffren en attendant le futur porte-avions, des avions de chasse, des drones armés, des avions de transport et de ravitaillement...

Certains se sont inquiétés des retards de livraison. Notre LPM était ambitieuse : certains programmes prennent de l'avance, d'autres du retard. Mme la ministre des armées vous donnera des éléments sur les aléas qui en sont la cause. Ce qui compte, c'est que nos forces disposent du bon matériel au bon moment.

Nous renforçons notre autonomie stratégique et nos capacités de renseignement de manière inédite. Entre 2019 et 2023, 400 millions d'euros seront consacrés annuellement en moyenne à la lutte contre le terrorisme, contre 260 millions entre 2014 et 2018. Les effectifs des services de renseignement augmenteront, représentant 25 % des créations inscrites dans la loi. Nos services seront modernisés, avec notamment un effort sur les interceptions de communications terroristes et la construction d'un nouveau siège pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), confirmée par le Président de la République.

La LPM prévoit 1,6 milliard d'euros pour le cyber ; le nombre de cyber-combattants passerait de 3 000 à plus de 4 000 d'ici 2025. Un pôle cyber sera créé.

Ce nouvel élan va de pair avec notre volonté d'amplifier l'Europe de la défense. L'Union européenne consacre 8 milliards d'euros à la défense et investit désormais directement dans les capacités militaires. La facilité européenne de paix, dotée de 5 milliards d'euros, sera déterminante. Notre pays joue un rôle majeur dans des projets ambitieux : 46 ont été validés, groupant 25 pays. Parmi eux, le système de combat aérien du futur associant l'Allemagne, la France et l'Espagne, constituera un avantage stratégique déterminant pour notre continent.

La LPM aura des impacts majeurs en termes de relance, d'industrie et d'emploi. Entre 2019 et 2023, pas moins de 110 milliards d'euros auront été injectés via les équipements, les infrastructures, le maintien en condition opérationnelle. Sur 2021 et 2022, 40 milliards d'euros seront investis dans nos entreprises et nos territoires. S'y ajoutent les 21 milliards d'euros de commandes d'exportations d'armement ; le Rafale a ainsi été vendu à la Grèce, à l'Égypte et à la Croatie. Je salue les efforts de la direction générale de l'armement (DGA) pour soutenir l'écosystème de nos entreprises de défense, et tout particulièrement nos PME. Les investissements vont créer 25 000 emplois supplémentaires d'ici 2022, 70 000 d'ici 2025. Il s'agit de 200 000 emplois de haut niveau, dans tous les territoires. Notre armée, premier recruteur de l'État, ouvre chaque année à des dizaines de milliers de jeunes le chemin de la réussite et de la méritocratie républicaine.

Les objectifs de la LPM ont été pleinement respectés et je salue l'engagement du chef d'état-major des armées, du délégué général de l'armement et de la secrétaire générale pour l'administration du ministère. J'ai une mention spéciale pour le général Lecointre, en ce moment ultime de sa carrière militaire. (Applaudissements)

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - L'évolution du contexte stratégique a confirmé les priorités de la LPM : prolifération des armes nucléaires, actes hostiles en Méditerranée ou en mer de Chine, puissances régionales s'exonérant du droit international.

Nous avons déjà procédé à des inflexions, avec un commandement spatial interarmées pour surveiller nos adversaires et protéger nos satellites, et un doublement du budget depuis 2017. Les leçons des crises récentes ont conduit à accroitre les efforts en matière de capacité opérationnelle, notamment dans les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, mais aussi la santé, la lutte anti-drones ou la lutte informationnelle. Nous ajustons nos engagements en fonction de l'évolution de la menace. Cela explique la transformation de notre engagement au Sahel, annoncée par le Président de la République, d'une OPEX à une coopération accrue avec le G5 Sahel, pour mieux faire face aux défis de cette région.

Nous continuerons à lutter contre les groupes terroristes et à accompagner nos partenaires avec la force européenne Takuba. Pour la première fois, les pays européens s'engagent dans des actions de combat communes. Nos partenaires ont compris que la stabilité du continent européen était en jeu.

C'est une étape significative : le Gouvernement proposera au Parlement un débat spécifique. A l'heure où six de nos soldats, et quatre civils maliens, viennent d'être blessés par une attaque au véhicule suicide, je tiens à rendre hommage à nos soldats, à tous ceux qui ont payé leur engagement au prix du sang. Nous leur serons éternellement reconnaissants.

Nos armées ont pu engager leur reconstruction et leur modernisation grâce à cet effort historique, qui engage la Nation tout entière. Nous le poursuivons sans relâche. Sa longue histoire a appris à notre pays le caractère redoutable des défis qu'il affronte.

Ce travail ne peut être conduit qu'en accord avec le Parlement. Le Bundestag vient d'ailleurs de voter en faveur du Système de combat aérien du futur (SCAF). (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ; M. Yves Détraigne applaudit également) Lorsqu'il s'agit de la sécurité de nos concitoyens et de la place de la France dans le monde, je sais pouvoir compter sur le Sénat.

Par votre vote, je vous demanderai de renouveler l'engagement de 2018 et notre ambition collective en matière de défense.

Il y va de la sécurité, de la souveraineté, du rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Je veux d'abord avoir une pensée pour nos forces armées. C'est surtout pour elles que le Sénat se bat.

La ministre des Armées nous avait assurés, lors de l'examen de la LPM, ne pas vouloir se soustraire à une évaluation du Parlement, tant que le Gouvernement serait aux responsabilités. Ce n'est pas le cas, et nous le déplorons.

Oui, les circonstances ont changé : montée des menaces, crise sanitaire, pression sur nos finances publiques ont changé la donne et c'est pourquoi nous avons besoin d'actualiser cette loi de programmation, qui avait été votée par le Sénat par 326 voix pour et 14 contre. Ce que nous contestons, c'est la méthode.

À trois reprises, trois exercices budgétaires, vous avez respecté la LPM et je vous en donne acte. Pourquoi, dès lors, ignorer son article 7 et décevoir notre confiance dans votre Gouvernement ? Notre commission ne le comprend pas.

À Brest, le Président de la République a souligné « le rôle essentiel de nos parlementaires qui, chaque année, veillent à la bonne exécution de la loi, protégeant nos propres engagements et notre capacité à affronter les défis de demain. » Et, en effet, à chaque exercice budgétaire, le Sénat a voté le budget de la défense.

Nous avons donc dû mener notre propre travail d'analyse, avec Jean-Marc Todeschini et nos huit rapporteurs pour avis, qui se sont souvent heurtés à des refus d'informations. Un débat de deux heures ne suffit pas à traiter le problème, pas plus qu'une audition en commission.

Une loi d'actualisation, ce sont des chiffres, c'est la possibilité de creuser certains sujets, d'établir des priorités, d'identifier les retards, les redéploiements, les surcoûts, les économies à réaliser. C'est la possibilité d'amender le projet du Gouvernement. C'est la norme démocratique, vous l'aviez promis - et vous nous le refusez.

Selon le Gouvernement, l'actualisation serait modeste, à un milliard d'euros. Pourtant, il y a des nouveautés : cyberdéfense, espace, retards industriels, conséquences des ventes de Rafale prélevées sur nos propres fonds, nouveau porte-avions nucléaire, commande non prévue d'une frégate de défense et d'intervention et, bien sûr, impact de la covid. Nous avons chiffré cette actualisation à 8,6 milliards d'euros. C'est tout sauf un travail de « petit comptable », selon l'expression de vos amis à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et SER, et sur quelques travées des groupes UC et RDSE) Ce n'était pas très aimable...

M. Bruno Sido.  - Mais habituel !

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Il fallait nous parler des sommes nécessaires à la préparation opérationnelle et à l'adaptation à la haute intensité, du bâtiment hydrographique qui ne sera pas livré, du retard du programme Scorpion, de l'avenir du char Leclerc, des 123 véhicules blindés légers qui manqueront en 2025, des 51 véhicules qui manqueront aux forces spéciales, du nombre de poids lourds divisé par deux.

Non, la cible des 129 Rafale ne sera pas atteinte, puisque 12 seront prélevés au titre du contrat croate : seront-ils remplacés, et, si oui, quand ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Nous alertons depuis longtemps sur la pénurie de médecins dans le service de santé des armées : le nombre de postes vacants est passé de 97 à 136 entre 2020 et 2021, en pleine crise de la covid !

Nous avons appris par voie de presse la fin de l'opération Barkhane, jamais évoquée, pas même comme une hypothèse, lors du débat organisé par le Sénat en février dernier sur le sujet... Pour 2019 et 2020, le surcoût de cette OPEX s'élève à 600 millions pour le ministère de la défense. Le Sénat avait voté le principe d'une prise en charge interministérielle du surcoût des opérations, le Gouvernement l'a ignoré. Avec la fin de l'opération, le surcoût sera-t-il moindre, ou momentanément supérieur ?

Vous annoncez à l'instant un débat sur le sujet -  il vient bien tard, mais je le prends comme un signe d'espérance.

Une loi d'actualisation était indispensable. Pourquoi y renoncer ? Parce qu'on ne connaîtrait pas le PIB en 2025 ? Cette réponse est trompeuse et inquiétante : le plus important, ce n'est pas le pourcentage du PIB, c'est le montant des crédits nécessaires pour faire face aux besoins. Il est connu : 295 milliards sur sept ans. En refusant de débattre de son actualisation, vous faites planer le doute sur la trajectoire de la LPM. Nous connaissons bien la difficulté de nos finances publiques, mais il y va de la sécurité des Français.

En démocratie, il n'y a qu'une voie de validation des choix : la loi votée par le Parlement.

Nous pouvons tout entendre, tout comprendre. Le non-respect de l'article 7 de la LPM a tout changé. La mission du Sénat est, quoi qu'il en coûte, de contrôler l'action du Gouvernement. Donnez-nous des raisons d'avoir confiance en vous. (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception de celles des groupes RDPI et CRCE ; acclamations à droite)

M. Joël Guerriau .  - « Les nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée, pas d'armée sans une solde, pas de solde sans des impôts », écrivait Tacite.

Après la fin de la guerre froide, on a cru qu'il suffisait de se placer sous le parapluie américain. Trop longtemps, l'armée a été la variable d'ajustement : son budget est passé de 2,3 % du PIB en 2007 à 1,79 % en 2016. Nos armées ont été pourtant constamment actives, et je rends hommage à nos soldats qui risquent leur vie ; certains ont encore été blessés récemment au Mali.

La LPM de 2018 a marqué un tournant : la France a engagé un renforcement de ses capacités de défense.

Selon la dernière revue stratégique de 2017, le monde devient plus instable et plus dangereux. La tendance se confirme : la France, pays des libertés, reste une cible privilégiée des djihadistes. Le retour des Talibans en Afghanistan laisse craindre l'émergence d'un sanctuaire djihadiste et le Sahel, cinq fois plus grand que l'Afghanistan, voit les islamistes gagner du terrain.

Des États se livrent à des stratégies hybrides, multipliant les coups de force. Nous l'avons vu en Géorgie, en Ukraine, au Haut-Karabagh, en Méditerranée orientale, en Libye, au Venezuela, en Syrie. Leurs actions franchissent parfois les lignes rouges, or la communauté internationale n'a pas toujours su répondre à ces agressions. Indirectement, ces États cherchent à affaiblir nos démocraties, à influencer nos élections.

Nous devons relever ce défi, d'autant que depuis dix ans, les États-Unis se préoccupent plus de l'Asie que de l'Europe. Même si l'OTAN n'est plus en état de mort cérébrale, Pékin est la priorité numéro un de Washington et il est indispensable que l'Europe soit plus résiliente.

La France doit absolument adapter son modèle et se préparer à un conflit de haute intensité.

En 2018, une très large majorité de sénateurs ont soutenu la LPM. Entre 2019 et 2025, la France doit consacrer 295 milliards d'euros à sa défense, dans une trajectoire croissante. Nous regrettons l'absence de loi d'actualisation. Le parallélisme des formes impose que le Parlement actualise ce qu'il a lui-même voté.

Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes félicités de la vente de Rafale à la Grèce, à l'Égypte, à la Croatie, mais leur remplacement à neuf représente un surcoût, et un délai. De même, quel est le coût de l'incendie du sous-marin d'attaque Perle ? Les arbitrages budgétaires rendus nécessaires par le dérapage du coût des OPEX nécessitent que le Parlement se prononce. Les petits équipements ne doivent pas servir de variable d'ajustement.

La pandémie a contracté le PIB ; le taux de 2 % du PIB a ainsi été atteint mécaniquement. Le prochain Président de la République devra emprunter un chemin de crête extrêmement étroit pour assurer la relance sans négliger la défense. Quelque 48 % du budget de la LPM concerne le prochain quinquennat. Nous aurions aimé que l'exécutif ne décide pas seul. À l'heure où le monde se réarme, tout retard nous met en danger.

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez invités à faire des propositions. À l'échelle planétaire, la France exerce sa souveraineté sur onze millions de kilomètres carrés d'océan. Or vous avez reporté d'un an le programme Capacité hydrographique et océanographique du futur (CHOF). Nous devrions au contraire l'accélérer.

De même, nous accumulons du retard dans l'exploration des fonds marins. La LPM consacre 40 millions d'euros au développement d'un prototype de robot sous-marin, quand d'autres pays en sont déjà au déploiement opérationnel. Il faut contrôler les câbles sous-marins. Ne répétons pas les erreurs du passé - je pense aux drones. De même, pour la surveillance de la zone Indo-Pacifique, seuls six des douze Falcon prévus seront livrés ; c'est insuffisant.

Le ministère des Armées doit être conforté.

La sécurité a un prix que la nation doit assumer. Nous soutenons tous notre armée. Certains membres du groupe INDEP s'abstiendront néanmoins, faute de loi d'actualisation. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Guillaume Gontard .  - Je soutiens nos soldats durement éprouvés.

Il y a trois ans, le GEST n'existait pas et ne pouvait donc se prononcer sur la LPM. Nous constatons aujourd'hui, avec amertume, que l'article 7 de la LPM n'est pas respecté et que l'actualisation est remplacée par cet ersatz de contrôle parlementaire...

Le Parlement a choisi il y a trois ans de soutenir une programmation ambitieuse, sous la condition d'un contrôle renforcé et d'une exigence de transparence, notamment en cas d'adaptation.

Depuis 2018, le contexte international n'est pas un long fleuve tranquille, nous avons connu une pandémie, une crise économique majeure, des conflits ouverts, des tensions croissantes. Comment croire que ces bouleversements n'impactent pas profondément notre stratégie ?

Pourquoi insister sur la mise en oeuvre à l'euro près de la LPM ? La trajectoire budgétaire n'est respectée qu'en apparence, comme le montre le travail de la commission des affaires étrangères et de la défense. Ce n'est pas 1 milliard mais 8,6 milliards d'euros qui sont concernés.

La mise à l'écart du Parlement est inacceptable. Des programmes prioritaires sont touchés, tels que la propulsion nucléaire du futur porte-avions. La LPM était à hauteur d'hommes. Si 240 millions d'euros ont été consacrés au plan familles, d'autres programmes affectant la vie quotidienne de nos soldats en Opex sont abandonnés, comme la rénovation de 123 véhicules blindés légers, très exposés aux mines.

L'effort dédié au service de santé des armées est, lui aussi, insuffisant, alors que le manque de médecins compromet le suivi psychologique de nos soldats.

Quels effets aura le dispositif Athos ? Comment lutter contre le turn-over ? Le nombre de départs reste particulièrement élevé, notamment à cause de logements inadaptés.

Souhaitons que les programmes européens ne soient pas reportés. Le Président de la République n'a que l'Europe de la défense à la bouche : il faut désormais que les actes suivent les paroles.

Le maintien sur le long terme de nos armées sur un terrain étranger est insoutenable pour une puissance moyenne comme la France. Il faut donc faire le pari d'une coopération européenne. La France doit se projeter dans une stratégie continentale, en recherchant des partenariats européens pour tous ses programmes militaires.

L'affaiblissement de l'OTAN exige plus qu'un simple effort financier : nous devons nous interroger sur notre dissuasion nucléaire. Pourquoi ne pas envisager un démantèlement progressif et réciproque des arsenaux ? Un consensus s'installe sur un outil de défense européen : la France doit y jouer un rôle moteur.

Au milieu du gué, il est difficile de revoir la trajectoire budgétaire car il ne faut pas reculer sur des programmes déjà victimes de vos arbitrages.

Voilà l'esquisse de notre contribution au contrôle parlementaire, contrôle dont nous avons été privés. Le GEST votera contre cette déclaration.

Le changement climatique et ses effets dévastateurs aux quatre coins du globe seront à l'origine de l'immense majorité des conflits armés. On ne s'en alarme a pas encore, mais peut-être avez-vous lu le document du GIEC publié ce matin par l'AFP : « le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants, de nos petits-enfants, bien plus que sur la nôtre », y lit-on.

Nous ne pouvons miser sur notre seul appareil militaire pour maintenir la stabilité en France et en Europe. L'aide publique au développement (APD) est dérisoire par rapport à l'effort de défense ; pourtant elle préservera davantage l'humanité de la guerre que tous les arsenaux militaires.

M. François Patriat .  - Au nom du groupe RDPI, j'exprime notre reconnaissance et notre fierté à nos 30 000 soldats déployés. J'ai une pensée émue pour leurs frères d'arme tombés pour que notre liberté puisse perdurer.

Après des décennies de restrictions budgétaires, la LPM est depuis trois ans le socle d'une politique de défense française ambitieuse.

Merci à Mme la ministre des Armées, qui agit avec détermination pour que le cap soit tenu.

L'effort de défense ces trois dernières années a été conforme à la LPM, comme l'a rappelé le Premier ministre. Mais une loi de programmation militaire, c'est aussi une vision de la place de la France dans le monde, dans le contexte géopolitique alarmant identifié par la revue stratégique de 2017 confortée en 2021.

Cette loi de programmation s'inscrit aussi dans le temps long, et doit viser l'autonomie stratégique européenne. Dans une Union à la recherche de sa boussole stratégique, la France a agi sans rechigner en faveur de l'Europe de la défense.

Notre commission n'a abordé la vente de Rafale à la Grèce que sous l'angle comptable. C'est pourtant la concrétisation d'une défense européenne qui renforcera l'indispensable interopérabilité entre nos forces, face aux provocations préoccupantes de la Turquie.

La LPM fait aussi le choix de l'innovation, du renseignement, de la cybersécurité et du spatial. Nous serons particulièrement vigilants sur la question des fonds marins où les risques sont multiples.

Le plan Famille fait des conditions de vie de nos soldats une priorité. Nos armées ont besoin de notre vote, de notre soutien afin de poursuivre l'effort de redressement et de modernisation engagé malgré la récession économique. Le groupe RDPI soutiendra le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. André Guiol .  - Je salue la mémoire de nos soldats tombés, mais aussi les blessés qui souffrent dans leur chair.

À mi-parcours de la LPM, qui marquait un effort justifié par les turbulences géopolitiques, où en sommes-nous sur le plan comptable ?

Avec 39,2 milliards de crédits approuvés pour 2021, nous respectons la trajectoire. Grâce à cette programmation dynamique, il s'agit de réparer, de préparer et de garantir un modèle d'armée complet en capacité d'intervenir sur tous les fronts, de la terre jusqu'à l'espace, pour protéger nos intérêts nationaux.

Nous attendions plus qu'un simple débat. L'article 7 de la LPM prévoyait un projet de loi d'actualisation. Ce n'est pas le choix du Gouvernement et vous en avez exposé les raisons, Monsieur le Premier ministre, mais on peut comprendre la désillusion du Parlement, qui avait voté le LPM à la quasi-unanimité.

Le contexte géostratégique n'est guère propice à la diminution du nombre de conflits. Il faut nous attendre à un engagement élevé pour nos armées. Les menaces pointées par la revue stratégique de 2017 n'ont pas disparu, bien au contraire.

Face au triangle stratégique États-Unis-Chine-Russie, l'Europe ne doit pas se laisser enfermer dans la rivalité entre Pékin et Washington. La Russie reste un partenaire, notamment dans la lutte contre le terrorisme. Nous devons maintenir un dialogue équilibré avec ce pays.

À l'issue du prochain Conseil européen, nous devrions en savoir plus sur la façon dont Joseph Borrell compte mettre en oeuvre avec la Russie son triptyque « riposter, contraindre, dialoguer ».

En Afrique, la situation est inquiétante. Au Sahel, malgré l'engagement de nos soldats, les États faillis nous compliquent la tâche.

On peut regretter la fin de Barkhane mais les conditions ne sont plus réunies ; au demeurant, la France restera fortement engagée au Mali, au sein de la force Takuba. La France ne pouvait rester seule en première ligne sur des fronts qui concernent toute l'Europe.

Les risques sont multiples : je citerai notamment l'instrumentalisation politique de la pression migratoire par la Turquie et, depuis peu, par le Maroc. Nous sommes dans une sorte de brouillard de guerre, comme le disait Clausewitz, avec ces ennemis invisibles et hybrides.

Comme l'a rappelé le général Lecointre devant notre commission, « Il n'y a aucune raison de penser que cette instabilité cessera dans dix ou vingt ans ». La France doit donc maintenir ses capacités opérationnelles. La LPM a permis une remise à niveau des effectifs, du matériel et des équipements, avec cependant une déception pour les Griffon, très attendus par l'armée de terre.

S'agissant des hommes et des femmes qui s'engagent au service de notre pays, je me félicite du renforcement du plan famille.

Je m'inquiète des milliards d'ajustements budgétaires annoncés. Quels seront les programmes touchés ? Quid des surcoûts des Opex, des ventes de Rafale à la Grèce et à la Croatie, de l'opération Résilience pendant la pandémie ? Arriverons-nous à couvrir les nouveaux champs de conflictualité, notamment l'espace et les fonds marins ?

Pierre Reverdy disait : « Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ». Le RDSE votera la déclaration du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP)

M. Pierre Laurent .  - L'article 7 de la LPM prévoyait un projet de loi d'actualisation pour cette année. Tout le justifiait : les évolutions du contexte géostratégique et le bouleversement sanitaire. Mais il n'y en aura pas : vous allez expédier cette question essentielle en deux heures, en nous demandant un quitus pour la suite de la mise en oeuvre de la loi de programmation. Le rôle du Parlement sera encore réduit. C'est grave, surtout au regard des prérogatives exorbitantes du chef de l'État.

Une loi d'actualisation aurait été plus efficace qu'un projet de loi de finances, où les marges de manoeuvre sont limitées.

Les sommes en question sont pourtant considérables, avec 295 milliards d'euros sur toute la période. Il reste 95 milliards d'euros à engager sur les deux dernières années pour porter le budget de la Défense à 50 milliards en 2025. Qu'allez-vous sacrifier pour parvenir à un tel niveau de dépenses militaires ? Les surcoûts à prévoir atteignent déjà 8,6 milliards d'euros. Les équipements à hauteur d'homme et le maintien en condition opérationnelle servent de variables d'ajustements. Le service de santé des armées reste aussi en grande souffrance. Une loi d'actualisation aurait apporté plus de transparence, au lieu du blanc-seing que vous nous demandez.

Depuis 2017, le Président de la République affirme que notre sécurité ne peut être assurée que par un modèle d'armée complet, capable d'entrer en premier dans des conflits de haute intensité.

Dans ce cadre, l'échec de Barkhane -  1 milliard d'euros par an  - sonne comme un rappel à l'ordre. Nous avons appris par la presse le revirement présidentiel sur Barkhane : quel mépris pour le Parlement ! Au Mali, au Burkina Faso, dans la région des trois frontières, en Côte-d'Ivoire, au Mozambique, la violence s'étend. Vous ne parlez pas de retrait, mais de reconfiguration de nos armées, pour déployer nos forces d'intervention dans plus de pays. Le logiciel est donc inchangé, mais les mêmes causes produiront les mêmes effets...

Pendant ce temps, nous sommes incapables d'accroître significativement notre aide publique au développement. Ces milliards sont pourtant indispensables à la sécurité du monde. De nouvelles logiques de coopérations sont à inventer.

La militarisation croissante de nos relations internationales ne fera que disséminer violences et conflits -  alimentés par nos exportations d'armes, comme au Yémen.

Tout nous incite à réinterroger les objectifs de la LPM. Nous prétendons créer de la sécurité mondiale en développant notre capacité militaire de projection dans tous les domaines. Nous courrons sur tous les fronts de l'escalade militaire : manoeuvres de l'OTAN face à la Russie, démonstration de force maritime devant la Chine. Le prochain porte-avions nucléaire coûtera 10 milliards, mais dans quel but ? Nous jouons de notre puissance militaire comme d'une arme diplomatique et politique. Nous acceptons sans broncher la militarisation de l'espace, l'un des projets les plus coûteux du XXIème siècle. En octobre 2018, le Gouvernement s'est montré particulièrement discret sur la révision des traités sur l'espace de 1967 et de 1979. Nous avons préféré mettre le doigt -  voire les deux mains  - dans une machine qui nous broiera.

L'escalade militaire prend un rythme fou. Où allons-nous ? Quelle paix préparons-nous, ou plutôt quelle guerre ? La France n'est jamais au rendez-vous des batailles mondiales pour le désarmement. Elle a même combattu cette dynamique.

La LPM aura consacré plus de 37 milliards d'euros à la modernisation de notre dissuasion nucléaire.

Le groupe CRCE ne vous accordera pas le quitus que vous réclamez car il faut repenser la sécurité globale planétaire autrement que par le seul prisme de la dépense militaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En 2018, le Sénat a unanimement salué l'effort sans précédent souhaité par le Gouvernement en faveur de nos forces armées.

La loi de programmation militaire fixe de réelles ambitions pour nos forces. Après de nombreuses années de déflation, elle permet de réparer des fragilités et de préparer la défense de notre Nation et de l'Europe tout entière.

Les quatre axes prioritaires ont été validés par le Sénat : l'amélioration des conditions d'exercice de nos militaires, le renouvellement des capacités opérationnelles, le renforcement de notre autonomie stratégique dans le domaine de l'espace, du cyber, et du renseignement et, enfin, le défi de l'innovation pour faire face aux enjeux à venir.

Nous y avions ajouté une clause de revoyure. C'est avec déception que nous avons appris que cette réactualisation ne se ferait pas par voie législative. Nous l'avions pourtant préparée par un travail de fond, en multipliant les auditions. Nous nous sommes parfois sentis bien seuls avec l'impression persistante que nos interlocuteurs avaient reçu ordre de se taire.

Nous n'acceptons pas que l'actualisation de la LPM se réduise à ce seul débat. N'oubliez pas que nous avions voté cette loi de programmation à la quasi-unanimité...

Nos soldats ne sont pas suffisamment entraînés par rapport aux standards internationaux et la remontée de l'activité opérationnelle a été repoussée à 2025 alors que cette dernière est essentielle à leur sécurité en OPEX. Certains indicateurs ne progressent pas. Certes, lors de nos déplacements, nous mesurons la satisfaction de nos soldats quand arrivent le premier sous-marin de type Barracuda ou les Griffon par exemple... Mais, dans le détail, tout n'est pas au rendez-vous.

Ainsi, lors du vote de la LPM, deux dispositions ont été votées à notre initiative : la fixation d'objectifs annuels de progression de l'activité opérationnelle et la présentation d'un bilan annuel de remontée de la préparation opérationnelle. Aucune des deux n'a été mise en oeuvre. Ainsi, les équipages de chars Leclerc ont vu leur durée d'entrainement diminuer de 35 % entre les deux premières annuités de la loi de programmation. La haute intensité ne sera atteinte que si la trajectoire est mise en oeuvre suffisamment tôt.

L'entretien programmé du matériel doit bénéficier de 35 milliards d'euros sur la durée de la LPM, dont 22 milliards d'ici 2023. Or 900 millions d'euros ont manqué au cours des trois premières années. Il y a des facteurs conjoncturels, comme la réparation de La Perle, mais aussi structurels. Ainsi, les contrats verticalisés conduisent à des surcoûts. Les besoins d'entretien seront donc supérieurs à ceux prévus dans la LPM, à hauteur de 6,5 milliards d'euros.

Nous aurions dû débattre, longuement et de manière approfondie, de tous ces sujets.

La défense est un sujet régalien mais le Gouvernement doit reconnaître le rôle du Parlement, d'autant que le lien entre nos armées et la Nation est particulièrement important dans un contexte sanitaire et financier difficile.

C'est par la presse et les réseaux sociaux que nous avons appris la décision du Président de la République sur Barkhane. Huit ans se sont écoulés depuis Serval et 55 soldats y sont morts : c'est une plaie ouverte à chaque fois. Nous comprenons la nécessité de revoir le format de notre engagement mais le travail parlementaire reste fondamental.

Nous entendons donner à nos forces les moyens nécessaires, mais les membres du groupe UC s'abstiendront dans leur grande majorité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains de même que sur quelques travées du groupe SER)

M. Gilbert Roger .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Sénat avait voté la LPM 2019-2025 à une très large majorité des groupes politiques, dont le groupe SER auquel j'ai l'honneur d'appartenir.

Alors, pourquoi ne pas procéder à une actualisation législative, Monsieur le Premier ministre ? Par crainte de se confronter au Parlement ? Par mépris de celui-ci ? (M. le Premier ministre le dénie) Cette décision de contourner le Parlement vous déshonore et vous discrédite !

C'est d'abord une erreur de droit car l'article 7 de la LPM prévoit explicitement une actualisation en 2021. Le Gouvernement doit s'y conformer. Une déclaration et un débat suivi d'un vote ne sauraient remplacer une discussion article par article avec la possibilité de déposer des amendements. Vous vous asseyez sur ce texte pourtant adopté très majoritairement par le Parlement.

C'est aussi une faute politique, car la programmation engage notre pays sur plusieurs générations.

Le désengagement de Barkhane, annoncé par le président de la République sans consultation du Parlement, justifie la nécessité de débattre de cette LPM. C'est une faute politique que de refuser de consulter le Parlement sur une politique publique aussi majeure et stratégique que la défense de la Nation.

Cette décision est d'autant plus étonnante que nous n'avons jamais fait défaut à la ministre : nous avons voté la LPM et les trois budgets successifs.

Comme le président Cambon l'a rappelé, la LPM était le fruit d'une co-construction intelligente. En matière de défense, le consensus est nécessaire ; c'est un acquis de la Vème République.

L'article 3 de la LPM détaille les crédits de paiements jusqu'en 2023. Il précise que les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés à la suite d'arbitrages complémentaires déterminés par l'actualisation : autrement dit, les exercices 2024 et 2025 ne sont pas couverts par la LPM, soit 97 milliards d'euros qui passent à la trappe.

Le même tour de passe-passe est réalisé sur les effectifs dont l'augmentation était consacrée en fin de période. Le Gouvernement raisonne en enveloppes budgétaires constantes. Les travaux de notre président Cambon ont montré que les OPEX et les exportations d'armement faisaient peser un risque. La fin de Barkhane ne signifie pas notre désengagement du Sahel ; la ministre l'a dit et elle a raison. Nous avons évoqué les coûts de cession des Rafale d'occasion à la Grèce et à la Croatie. Comment allons-nous faire en attendant de nouveaux appareils ?

En l'absence de transparence à l'égard du Parlement, nous devons procéder par déduction pour identifier retards et reports de livraisons. Le contrôle parlementaire est indispensable au succès de l'action militaire du Gouvernement : dommage que vous ayez choisi de le contourner. (M. Jean Castex soupire.)

Le groupe SER était prêt à tout autre vote ; mais compte tenu de votre choix, il s'est résolu à voter contre votre déclaration.

Mes derniers mots seront pour rendre hommage à nos soldats. Qu'ils soient assurés du soutien sans faille des sénateurs du groupe SER. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, nous n'avons été ni convaincus, ni rassurés par votre discours. Nous attendions un projet de loi avec une étude d'impact. A la place, nous avons reçu une note d'accompagnement qui ressemble à une plaquette de communication... Cette méthode est pire que tout ! Sur la base de quels chiffres, de quels arbitrages nous demandez-vous de soutenir votre action ?

Le Sénat avait massivement voté la LPM et nous sommes solidairement comptables avec vous devant la Nation et devant nos soldats. A étouffer le débat, la Défense risque de paraître se résumer à un boulet budgétaire.

Nous sommes dans une impasse avec un État gestionnaire et technocrate plus que visionnaire et stratège. Ce constat est d'autant plus surprenant et décevant, que l'évolution du contexte sécuritaire justifie un effort plus important de la Nation.

Je regrette l'absence de transparence et l'ampleur des ajustements opérés par le ministère des Armées. Nous avons dû travailler par déduction...

Nos rapports ont défriché bien des sujets stratégiques qui sont hélas restés lettre morte. Avec Hélène Conway-Mouret, nous avons identifié de nombreux reports et renoncements -drones tactiques, véhicules blindés légers, véhicules des forces spéciales, étalement préjudiciable de Scorpion... Le tableau du parc matériel prévu pour 2025 est annexé à la LPM : ce que la loi fait, seule la loi peut le défaire.

Ce travail de déduction, indigne de la relation de confiance qui devrait exister entre le Parlement et l'exécutif, nous a permis de nous apercevoir que les ajustements porteront sur plus d'un milliard d'euros : OPEX, Rafale, Frégate, FID, SNA Perle... Ces ajustements représenteraient près de 7,4 milliards d'euros. Si l'on y ajoute le coût de l'entretien programmé des matériels, le respect de la trajectoire de la préparation opérationnelle à l'horizon 2025 et les moyens pour atteindre la haute intensité en 2030, l'actualisation pourrait se monter à 8,6 milliards d'euros. Nous ne contestons pas cet effort, mais il aurait nécessité plus de transparence. A l'heure du « quoi qu'il en coûte », pourquoi rogner nos dépenses militaires en catimini ?

Si les objectifs de 2025 ne peuvent être atteints, dites-le dès maintenant...

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Pas du tout !

M. Cédric Perrin.  - ...au lieu d'escamoter la question. Le président Cambon a inventorié les renoncements.

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Les renoncements, c'était avant !

M. Cédric Perrin.  - La cible de 2025 sur les Rafale ne sera donc pas atteinte en raison de la cession d'appareils d'occasion à la Croatie.

C'est un matériel qu'il faudra remplacer au prix du neuf...

Je salue le succès du Rafale - en version neuve - auprès de l'Indonésie mais quel sera le calendrier de livraison par Dassault, qui ne dispose que d'une chaîne de production, alors qu'il faut compter trois ans à partir de la commande ?

Je regrette que l'ambition d'une LPM à hauteur d'homme soit remise en cause. La livraison des véhicules blindés légers et des véhicules des forces spéciales se fait attendre. Nos soldats en OPEX sont très exposés ! Et la régénération accuse un gros retard.

J'ai alerté la ministre à maintes reprises sur cette question, sans résultat. Or il y va de la protection individuelle de nos soldats.

Il reste quatre ans pour remonter la pente.

Le Gouvernement a manqué la dernière occasion d'adapter avant 2022 nos armées à l'environnement international menaçant. Le syndrome de la déconnexion entre la parole et les actes, les ravages du « en même temps » risquent d'affecter notre politique militaire.

Dissuasion sanctuarisée, développement capacitaire du cyber, renseignement : le Président de la République a multiplié les priorités. Mais quand tout est prioritaire, plus rien ne l'est. Les programmes à effets majeurs deviennent des objets politiques, les priorités politiques prennent le pas sur les priorités opérationnelles, réduisant les états-majors au rôle de sténographes de la pensée complexe au sommet de l'État...

Où est l'État stratège ? Il est nécessaire, pour voir loin, capitaliser, nous préparer aux ruptures futures. Nous devons débattre. Nos militaires méritent ce débat autant que notre indéfectible soutien. Dois-je rappeler que la LPM en 2018 a recueilli 95 % de votes favorables au Sénat ? Votre entêtement dans la rétention d'informations risque de transformer l'or de la LPM en plomb !

À regret, le groupe Les Républicains votera contre votre déclaration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Gérard Longuet .  - J'attaque mon huitième mandat parlementaire, avec passion.

Ma passion pour le débat parlementaire n'a cependant rien de commun avec l'importance que j'accorde aux relations multiséculaires entre la Nation et ses armées. Ces liens sont fondamentaux.

Or, que de temps consacré cette semaine aux vélos cargos et aux pistes cyclables en périurbain, et si peu à la programmation militaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Le président Cambon et tous les membres de la commission sont choqués par la procédure que vous avez choisie, alors que le Sénat soutient très largement l'action militaire du Gouvernement.

Le Président de la République est jeune et il aime la provocation ; il a dit en décembre dernier que l'OTAN était en état de mort cérébrale... Le voilà qui annonce, il y a quelques jours, la fin de l'opération Barkhane, que Mme la ministre semble ne pas avoir pressentie, puisque lors de notre récent débat sur le sujet, elle n'en avait rien dit.

Le lien de confiance avec le Sénat doit être rétabli.

L'OTAN a choisi de se réunir à Paris, cela ressemble à une victoire diplomatique pour notre pays. Mais l'Organisation présente un nouveau programme en 79 points qui ne contient aucune réponse aux questions posées par le Président de la République, notamment en ce qui concerne la Turquie.

La Russie n'est pas un pays simple à gérer, mais devons-nous en faire notre ennemi, comme l'OTAN nous y pousse ? Il y a un problème turc en Méditerranée et une absence de clarification de l'OTAN. Nous avions besoin de ce débat.

Les États-Unis dénoncent les menées impérialistes de la Chine. Allons-nous être entraînés dans cette affaire, avec quels moyens ? Nous avions besoin de ce débat.

Monsieur le Premier ministre, vous ne devriez avoir aucune crainte. Pourquoi refuser ce débat ? C'est désarmant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, où l'on apprécie le jeu de mots.)

Certes, le Président de la République est le chef des armées et négocie les traités. Mais la Constitution prévoit que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation et qu'il est responsable devant le Parlement. Or il y a un déficit incompréhensible de débat parlementaire. Est-ce par désinvolture ? Ces sujets sont suffisamment graves pour qu'on prenne le temps de rechercher l'appui solide des parlementaires.

Le Président de la République a la tentation du superficiel, de l'émotionnel, du spectaculaire, du tirage au sort. Nous préférons l'élection. D'ailleurs, les électeurs nous préfèrent, ils viennent de le montrer ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Richard Yung .  - Nous constatons chaque année des surcoûts sur les OPEX. Nous votons une dotation annuelle pour les couvrir mais, depuis vingt ans, elles ne sont pas suffisantes. Or depuis 2019, la budgétisation s'est accompagnée d'une dotation en hausse sensible, qui se rapproche des besoins.

Les surcoûts étaient auparavant couverts par la réserve de précaution. Le ministère a fait un effort de transparence qu'il faut reconnaître. La Cour des comptes salue la fin de la sous-budgétisation chronique des OPEX. Elle recommande d'inclure les dépenses liées aux opérations intérieures comme Sentinelle - dépenses de personnel par exemple - dans la dotation. Le Gouvernement compte-t-il le faire ?

La majorité sénatoriale reproche au Gouvernement de ne pas recourir à la solidarité interministérielle. Ce n'est pas justifié : les crédits de la réserve de précaution sont interministériels. Mais dans des circonstances exceptionnelles, faut-il aller au-delà et ponctionner les crédits de l'action sociale, des vaccins, de la santé, pour abonder le financement des OPEX ?

Les efforts du Gouvernement tranchent nettement avec l'inaction des Gouvernements Raffarin, Villepin ou Fillon en la matière. Ils n'ont rien fait pour résorber la sous-dotation. Pire, ils ont recouru à des annulations de crédits d'équipement des forces, pour près d'un milliard d'euros ! Je n'ai pas entendu de litanies à l'époque...

M. André Gattolin.  - Hélas.

M. Gérard Longuet.  - Voici un discours fédérateur !

M. Richard Yung.  - Le quinquennat Sarkozy a été marqué par une baisse des dépenses militaires de 2 milliards d'euros par an et par une réduction de 60 000 emplois militaires.

Je salue la reconfiguration de Barkhane, car l'européanisation et l'internationalisation de la lutte contre le terrorisme sont indispensables pour partager le fardeau. Comment la transformation du dispositif français au Sahel se traduira-t-elle sur le plan budgétaire ?

Nous voterons votre déclaration. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La LPM a été votée dans le consensus et après un dialogue permanent avec la ministre. Nous sommes donc très surpris par le choix du Gouvernement de ne pas respecter l'article 7 de cette loi... M. Longuet a évoqué notre incompréhension totale. Monsieur le Premier ministre, vous dites respecter le Parlement, mais le « en même temps » a ses limites.

Pourquoi ne pas avoir déposé un projet de loi d'actualisation ? Les militaires attendent que les objectifs soient respectés par une bonne exécution de la LPM. L'incertitude sur le niveau du PIB devrait nous conduire, précisément, à sécuriser la trajectoire financière des armées pour 2024-2025.

Notre soutien était pourtant acquis à une discussion transparente autour des ajustements en cours de programmation. Il y a des décisions parfois difficiles à prendre, que nous comprenons. Des besoins nouveaux apparaissent, ils doivent être financés à enveloppe constante. Certains projets sont sanctuarisés, mais nous craignons des effets d'éviction sur d'autres programmes, alors que de nouvelles menaces apparaissent dans le spatial, le cyber ou la lutte anti-drone. Les évolutions de la programmation sont naturelles, mais nous avons besoin de clarté. Une revoyure est essentielle pour préparer l'avenir.

Prenons en compte le besoin à hauteur d'homme -  et de femme : pour cela, il ne faut pas relâcher l'effort en matière d'équipements. En priorité, les petits équipements sont nécessaires à la sécurité des combattants.

Les kits de blindage doivent être livrés au plus vite. J'ai une pensée particulière, après une nouvelle attaque à la voiture piégée, pour les soldats blessés et leur famille. Le projet de véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE) doit être érigé en priorité.

Notre autonomie en matière d'approvisionnement en munitions interroge. Les effectifs sont une question essentielle ; il faut chiffrer les besoins en matériels et le soutien de la préparation opérationnelle. La fidélisation et les améliorations de la vie militaire ne sont pas accessoires, nous en sommes tous convaincus. C'est pourquoi nous attendions une vraie loi d'actualisation. Je m'associe aux appels en faveur d'un renforcement du service de santé des armées.

Le groupe SER votera contre la déclaration du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Laurent applaudit également.)

M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quel décalage entre l'autosatisfaction du Gouvernement et le bien-fondé de nos questions ! On ne peut pas en même temps prétendre respecter le Parlement et se flatter de recourir à l'article 50-1 de la Constitution, comme si nous étions une chambre d'enregistrement, sans droit d'amendement. La loi est le cadre normal des rapports entre le Parlement et le Gouvernement.

Vous annoncez que l'effort va être poursuivi : mais comment ? Vous affirmez être attachés au maintien en condition opérationnelle, mais quand les Rafale seront-ils remplacés ?

L'article 3 de la LPM a été prévu pour prendre en compte l'évolution de la situation. Vous refusez de l'appliquer, de même que l'article 7. Nul n'est au-dessus de la loi, pas même Jupiter.

Il n'y a pas de place pour le « en même temps » quand il s'agit de la souveraineté nationale !

Comment avez-vous pu penser que nous troquerions une loi contre un simple débat ? Vous estimez qu'un processus législatif n'a pas lieu d'être : croyiez-vous que le Parlement allait se ranger à cette appréciation ?

Peut-être cela vous satisfera-t-il, vous qui avez théorisé le « et de droite et de gauche » : droite et gauche risquent fort d'être unies -  contre vous - dans leur vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - La LPM a une finalité : protéger les Français. Ce plan de frappe de 300 milliards d'euros répare et prépare nos armées, au service d'une ambition : répondre aux enjeux du contexte stratégique, dont la persistance du terrorisme et l'affirmation désinhibée de puissances établies ou émergentes.

Nous voulons un modèle d'armée complet, qui couvre tous les champs d'action, de l'espace aux fonds marins, si possible dans le cadre de coopérations.

Le président Cambon le rappelait fièrement : vous avez pleinement adhéré, sans réserve, à ce cadre, en votant la LPM.

M. Bruno Retailleau.  - Avec l'article 7 !

Mme Florence Parly, ministre.  - Vous avez considéré que les forces méritaient un effort à la hauteur de leur engagement.

Pendant des années, la Défense a été la variable d'ajustement. Cela fait quatre ans que ce n'est plus le cas et je m'en félicite.

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Nous aussi ! (MGérard Longuet renchérit.)

Mme Florence Parly, ministre.  - Sans attendre le vote de la LPM, nous avons en 2017 augmenté le budget des armés de 1,8 milliard d'euros ; ensuite 1,7 milliard d'euros sont venus s'y ajouter chaque année. Au total, ce sont 27 milliards d'euros cumulés injectés en quatre ans, l'équivalent de deux années de budget d'investissement pour nos armées.

Pour 2019-2023, la LPM représente 198 milliards d'euros soit un plan de relance pour la seule défense. C'est considérable... et essentiel pour notre économie, qui en a bien besoin.

Je ne parle pas de promesses mais d'actes. Il y a, plus que les lois de finance initiales, les exécutions de ces lois de finances. Pour la première fois depuis des décennies, les crédits annuels ont été conformes à la LPM et exécutés dans son respect.

J'en rendrai compte, et c'est mon devoir, devant la commission des affaires étrangères et de la Défense.

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Vous êtes la bienvenue !

Mme Florence Parly, ministre.  - Depuis le vote de la LPM, nous avons fait du chemin. La LPM délivre, comme disent les Anglo-Saxons. Vous le constatez chaque jour. Et ces livraisons ont un effet sur le moral de nos militaires. Cette LPM, c'est bien plus que de grands équipements. La guerre se gagne avec des matériels certes, mais surtout avec des femmes et des hommes qui servent notre pays avec courage et abnégation.

Cette LPM 2019-2025 est à hauteur d'homme. J'ai fait de cet axe une priorité majeure et les progrès sont là.

Une attention particulière a été apportée aux petits équipements : ainsi des 50 000 nouveaux fusils d'assaut, soit plus de 60% de la cible. Les treillis ignifugés, les gilets pare-balles ont tous été livrés.

Le plan famille est extrêmement complet, parce qu'il n'y a pas de soldat fort sans famille heureuse.

Le cap est tenu, face à des objectifs que nous avions fixés ensemble en 2018.

Je suis perplexe quand j'entends ceux qui avaient voté des coupes budgétaires massives en leur temps dire qu'ils s'abstiendront ou voteront contre « sans complexe ». (Vives protestations à droite)

M. Cédric Perrin.  - Hors sujet !

M. Bruno Retailleau.  - Respectez la loi !

Mme Florence Parly, ministre.  - Et ce, d'autant que la trajectoire est conforme à la LPM votée. (« Article 7 ! » à droite)

Faut-il diminuer le budget de la Défense pour obtenir votre vote ? (On s'indigne sur les travées du groupe Les Républicains) Contre quoi allez-vous voter : les conditions de vie de ceux qui risquent leur vie pour la Nation ? (Les protestations redoublent.)

M. Gilbert Roger.  - Scandaleux !

Mme Florence Parly, ministre.  - Contre le renouvellement des blindés ? (Huées sur les travées du groupe Les Républicains ; l'on frappe sur les pupitres.) S'il existe un sujet régalien qui doit dépasser les clivages, c'est bien celui-ci.

M. Cédric Perrin.  - Comme nous l'avons toujours fait !

Mme Florence Parly, ministre.  - Qu'en penseront les Français ?

M. Didier Mandelli.  - Ils savent à quoi s'en tenir.

M. Bruno Retailleau.  - Les Français veulent le respect du Parlement.

Mme Florence Parly, ministre.  - Qu'en penseront les militaires eux-mêmes ?

M. Yves Bouloux.  - Ils sont d'accord avec vous ?

Mme Florence Parly, ministre.  - À l'approche du 14 juillet, il conviendrait d'adopter un ton plus modéré. (« Ils vont peut-être faire une tribune ! » à droite)

Mme Florence Parly, ministre.  - Pourquoi n'y a-t-il pas d'actualisation ?

M. Gilbert Roger.  - Oui, pourquoi ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Il reste à définir l'exacte trajectoire pour les deux dernières années de la LPM. Si l'on s'en tient à la lecture à la lettre de la LPM et de son article 7, l'objectif de 2 % du PIB est atteint dès 2020 : cela signifie-t-il que nous devons cesser nos efforts ? Bien sûr que non.

Si vous soutenez la défense, il faut soutenir la loi de programmation militaire.

Recourir à une loi aurait été inopérant car nous ne disposons pas de données fiables pour 2024 et 2025. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mais nous ne restons pas l'arme au pied, selon l'expression consacrée. Nous avons en début d'année entamé un travail important d'actualisation stratégique. La pertinence de notre ambition demeure. Nous n'avions pas anticipé certaines menaces : nous devons mieux les détecter et les contrer selon trois axes.

D'abord, développer nos capacités défensives et offensives cyber et numériques. Ensuite, accélérer l'effort sur la résilience et la protection face au risque nucléaire, radiologique, biologique et clinique (NRBC), sur la santé et sur la lutte anti-drone. Enfin, nous devons mieux nous préparer pour pouvoir riposter dans tous les champs de conflictualité. Nous sommes bien en marche. (Sourires)

J'entends beaucoup de discours qui me semblent relever du mythe, à moins que ce ne soit un test sur nos capacités de lutte contre la désinformation ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous vous êtes référés au rapport d'information de la commission des affaires étrangères et de la défense. Il demeure introuvable à l'exception de quelques pages de synthèse disponibles en ligne, et je n'ai pas eu la chance d'en être destinataire. Je regrette la focalisation sur les 5 % du verre vide quand il est à 95 % plein. La synthèse parle de 8,6 milliards d'euros de surcoûts. « Ces montants ne représentent en aucun cas un surcoût net sur l'enveloppe de la LPM », lit-on cependant à sa cinquième page. Nous voilà rassurés ! Et pour cause, puisque je vous le dis clairement : il n'y a pas 8,6 milliards d'euros de surcoûts.

Nous nous adaptons à la réalité tous les ans, vous le voyez dans les documents budgétaires, avec des ajustements dont vous êtes informés chaque semestre.

Il semble que ce rapport de votre commission fasse plutôt référence à des décalages. Ils sont totalement assumés. Je relève des erreurs, par exemple lorsque vous évoquez le surcoût du programme de frégate d'intervention : il n'existe pas. Nous avons seulement anticipé d'une année la commande de la troisième frégate, prévue un an avant la fin de la LPM, afin d'assurer la continuité du plan de charge de Naval Group de Lorient.

Autre erreur, sur les dépenses du Covid. Je me félicite pour ma part du redéploiement de crédits qui ne pouvaient être dépensés, et qui ont été employés pour répondre aux besoins des armées et soutenir l'économie : 1 milliard d'euros a pu être injecté. Ce n'est pas un surcoût mais le résultat de vases communicants.

Il est extraordinaire qu'un succès, celui du Rafale, soit perçu comme un problème.

M. Cédric Perrin.  - Ce n'est pas ce que nous avons dit ! (M. le président de la commission se joint à cette dénégation.)

Mme Florence Parly, ministre.  - La production d'un Rafale par mois, c'est 7 000 emplois, chez Dassault et tous les sous-traitants.

Quant à la vente d'avions d'occasion à la Grèce, je rappelle que nous avons déjà commandé pour 2025 les avions de remplacement.

Nous exportons douze avions en Croatie. Ils seront compensés à notre armée de l'air et de l'espace. Nous passerons cette commande. Où est le problème ?

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Mais dites-le nous ! On l'aurait su s'il y avait eu un débat.

Mme Florence Parly, ministre.  - Je vous l'ai dit, monsieur le président !

Il y a finalement peu à redire à cette LPM. (On se gausse sur les travées de droite ; M. Jean-Raymond Hugonet lève les bras au ciel.) Comment s'offusquer quand tout a manqué à nos armées sous les précédentes mandatures politiques ?

Entre 2007 et 2015, le budget de la défense est demeuré à 30 milliards d'euros, pas même de quoi soutenir le pouvoir d'achat de nos armées.

Entre 2009 et 2013, 3,8 milliards d'euros ont manqué à l'appel dans l'exécution d'une LPM pourtant calculée au plus juste.

Il y a eu des suppressions de postes, des réductions temporaires de capacité majeures. La dernière LPM les comble et renouvelle des équipements anciens dont le maintien en condition opérationnelle aurait été extrêmement coûteux.

Je m'étonne qu'on s'émeuve du décalage d'un an du programme Capacité hydrographique et océanographique future (CHOF), quand la marine nationale a subi dans le passé des coupes drastiques. Un rapport du Sénat s'alarmait en 2007 du retard de trois ans pris sur les frégates multi-missions (FREMM). Par la suite, le programme a été réduit de 17 à 8 mais le coût unitaire a été multiplié par deux.

M. André Gattolin.  - Les chiffres sont là !

Mme Florence Parly, ministre.  - Je sais que le Sénat est capable de mener un travail de qualité sur ce sujet, on ne peut plus sérieux. Retrouvez votre sérieux ! (Vives protestations sur les travées Les Républicains et SER ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Mouiller.  - C'est insultant !

M. Bruno Retailleau.  - Quel mépris du Parlement !

Mme Florence Parly, ministre.  - Quand il le veut, le Sénat sait prendre ses responsabilités.

M. Yves Bouloux.  - Encore faut-il qu'il y ait un État en face !

Mme Florence Parly, ministre.  - Ressaisissez-vous ! (Les protestations redoublent sur les travées des groupes Les Républicains et SER) Le Gouvernement respecte pleinement la LPM. (Approbations sur les travées du RDPI)

C'est une première étape vers notre modèle d'armée complet, durable et équilibré. Nous poursuivrons la remontée en puissance. La représentation nationale doit lui apporter son plein soutien. Les femmes et les hommes qui composent l'armée, et qui nous regardent, apprécieront. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°135 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 282
Pour l'adoption 46
Contre 236

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 21 heures.