Développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

M. Rachid Temal, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La politique de développement solidaire est le complément indispensable de notre action militaire et diplomatique. Elle correspond à une exigence de justice en même temps qu'à une stratégie d'influence.

Je salue le travail des deux assemblées pour améliorer le projet de loi.

Le Sénat a renforcé la transparence de notre politique et mieux orienté l'action de l'Agence française de développement (AFD) : il s'agit d'avoir l'instrument de notre politique et non plus de faire la politique de notre instrument. Deux missions de l'agence sont nettement distinguées : le financement des services essentiels par des dons et prêts concessionnels et le financement d'autres projets par des prêts non concessionnels. Nous avons renforcé la cohérence du pilotage de cette agence.

Grâce à des amendements issus de tous les groupes, le respect des droits, l'égalité entre les femmes et les hommes, la défense des plus vulnérables et la protection du climat et de la biodiversité, entre autres objectifs, ont été inscrits dans la loi. Je salue en particulier le travail de ma collègue Marie-Arlette Carlotti sur ces sujets.

Je me réjouis aussi de l'adoption du dispositif de restitution des biens mal acquis, sur lequel Jean-Pierre Sueur a beaucoup travaillé.

Sur la programmation financière, nous avons dû nous résoudre à un compromis. Nous souhaitions inscrire des montants précis jusqu'en 2025, quand les députés privilégiaient une logique d'affichage. L'objectif de 0,7 % du RNB en 2025 est conservé, mais sans véritable programmation.

De même, nous aurions aimé aller plus loin en ce qui concerne la taxe sur les transactions financières. J'espère que nous pourrons avancer ultérieurement sur la question des instruments de financement innovants.

Ce texte, dont nous regrettons la présentation tardive, confortera notre rang parmi les pays donateurs. Nous espérons que l'élection présidentielle sera l'occasion d'un débat sur l'aide publique au développement et notre place dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Hugues Saury, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Ce texte, longtemps attendu, marque une avancée importante pour notre politique de développement. Il faut saluer l'engagement du ministre à mener à son terme un processus semé d'embûches.

Le texte fixe un cadre clair à notre action solidaire internationale. Nous en avons précisé les trois grands objectifs, d'égale importance, ainsi que les logiques et financements associés.

Nous nous félicitons de l'amélioration de la gouvernance de l'aide, qui sera plus cohérente, même si nous aurions aimé aller plus loin sur le pilotage de l'AFD.

Dès le départ, nous avons relevé ce paradoxe pour une loi de programmation : le texte initial ne prévoyait des financements que pour 2022. Nous avons tenté d'introduire une véritable programmation financière. Finalement, nous nous sommes accordés sur une trajectoire de croissance jusqu'en 2025. Il faudra veiller à sa concrétisation dans les lois de finances successives.

Une commission sera créée pour évaluer notre politique d'aide publique au développement ; je salue l'engagement fort du président Cambon sur ce sujet. La CMP s'est mise d'accord sur une composition équilibrée, avec deux collèges : l'un composé d'experts, l'autre de parlementaires, chargés du contrôle démocratique.

Enfin, la CMP a trouvé un terrain d'entente sur le ciblage de l'aide et les proportions de dons. La concentration de l'effort vers les pays prioritaires prend tout son sens avec la réduction du format de notre engagement militaire au Sahel.

Je vous invite à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Ce texte est essentiel pour l'avenir de notre diplomatie, dont le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales constituent l'un des piliers.

Les deux assemblées ont apporté au texte de précieux enrichissements, que la CMP a permis de concilier. Le texte qui en résulte a le plein soutien du Gouvernement.

Ce projet de loi ambitieux et pragmatique, stratégique et humaniste, est porteur d'une géopolitique des valeurs française et européenne. Nous voulons accompagner nos partenaires dans la construction d'une souveraineté renforcée, ouvrir une autre voie que la sujétion, la brutalisation et le chacun pour soi, qui ne peuvent mener qu'à un échec collectif.

Je salue l'esprit d'exigence et le sens des responsabilités du Sénat ; le dialogue que nous avons mené a été fructueux. Je remercie le président Cambon pour son engagement (M. Bruno Sido renchérit), ainsi que les rapporteurs Saury et Temal. J'ai une pensée pour la regrettée présidente de Sarnez, dont l'oeuvre est poursuivie par Jean-Louis Bourlanges. Je remercie aussi mon collègue Jean-Baptiste Lemoyne pour son efficacité.

L'article premier concrétise l'engagement du Président de la République de consacrer 0,55 % de la richesse nationale à l'APD en 2022. La France s'efforcera d'atteindre 0,7 % en 2025, conformément à l'engagement que nous avons pris devant les Nations unies. Un équilibre s'est dégagé en CMP pour tracer une trajectoire financière crédible, en dépit des difficultés prévisibles.

Nous partageons la volonté de concentrer notre aide sur les pays le plus vulnérables, en particulier les dix-neuf pays prioritaires. Le texte définit des priorités claires sur les canaux, les instruments et les cibles.

La concentration de nos efforts va de pair avec une logique partenariale. Nous devons faire plus avec nos partenaires, et pas seulement pour eux. Les solutions imposées sont inefficaces en plus d'être critiquables.

Grâce au travail du Parlement, le rôle capital des acteurs non étatiques a été consacré. L'État ne peut ni ne doit tout faire. Collectivités territoriales et ONG sont également des acteurs clés.

Je salue l'affectation à l'aide au développement des produits de cession des biens mal acquis. Je rends hommage à l'action décisive de Jean-Pierre Sueur à cet égard.

Le Gouvernement se félicite du renforcement du pilotage par l'État de notre politique de développement, pour mieux garantir la cohérence de notre action. La chaîne de décision est clarifiée, du sommet - Conseil présidentiel du développement - jusqu'à la base - conseils locaux de développement, dans le cadre desquels nos ambassadrices et ambassadeurs joueront un rôle renforcé.

Je salue l'équilibre trouvé sur la composition de la commission d'évaluation, qui en garantira l'indépendance ; ses membres ne recevront pas d'instructions et ne subiront pas de pressions. Le Gouvernement est déterminé à ce que cette commission voie le jour le plus rapidement possible. (M. le président de la commission s'en félicite.) L'augmentation des moyens alloués au développement depuis le début du quinquennat appelle en effet une redevabilité accrue.

Nous entendons placer notre pays au coeur du combat pour les biens publics mondiaux, à l'heure où la diplomatie des biens communs s'inscrit de plus en plus dans des dynamiques géopolitiques.

Sur les accords de siège, le Parlement se prononcera à trois stades du processus : lors de l'habilitation puis de la ratification de l'ordonnance, et pour autoriser la ratification de l'accord.

Je vous sais gré aussi d'avoir enrichi notre cadre partenarial global, en définissant de grandes priorités géographiques et sectorielles.

Protéger vraiment la France et les Français des bouleversements et des crises suppose de construire avec nos partenaires du Sud la voie d'un développement efficace, durable et humaniste. Il n'y a de progrès véritable qu'au service de l'humanité, de sa dignité et de ses droits. Je suis heureux que, collectivement, nous réaffirmions pour le XXIe siècle une certaine idée française de la solidarité ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et UC)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous nous réjouissons des avancées obtenues, même si l'APD reste un pilier fragile de notre diplomatie.

L'APD n'est pas une charité facultative. C'est une responsabilité qui nous incombe, comme aux autres pays les plus riches : n'oublions pas que les vingt premiers États concentrent 90 % de la richesse mondiale ! C'est la conséquence du modèle économique que nous avons imposé aux pays du Sud voilà quelques décennies. Le résultat, c'est que 10 % de l'humanité souffre encore de la faim - une proportion en augmentation.

Après une décennie de diminution de l'APD, l'objectif de 0,7 % du RNB est réaffirmé ; il est conforme à un engagement pris par la France avant ma naissance...

Le rôle de la société civile est reconnu, la répartition entre dons et prêts arrêtée, l'égalité des genres consacrée ; la place de la jeunesse est accrue et les peuples autochtones sont pris en compte. Nous voterons majoritairement en faveur du projet de loi pour soutenir ces avancées.

Nous regrettons toutefois les reculs concédés en CMP, notamment sur le principe de non-discrimination et le financement des ONG. Peut-on encore parler de loi de programmation quand la programmation budgétaire est à ce point atrophiée ?

Alors que les inégalités mondiales s'accroissent, ce sont leurs causes qu'il faudrait traiter, en remettant à plat un modèle économique qui n'est favorable ni aux populations ni à l'environnement. Faute de quoi l'APD ne sera que le pansement sur la jambe de bois du capitalisme. Nous regrettons de n'avoir pu infléchir le texte en ce sens, notamment en interdisant les aides à l'agro-industrie.

Il faut libérer l'aide au développement des logiques de rentabilité et des impératifs de la diplomatie. Notre groupe continuera d'oeuvrer pour qu'elle devienne un vrai pilier de notre action extérieure. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

M. Richard Yung .  - Nous nous apprêtons à acter l'achèvement d'un long processus législatif, démarré en 2018. Je remercie le président Cambon, les deux rapporteurs du Sénat et celui de l'Assemblée nationale.

Le chemin a été semé d'embûches, mais le but est atteint, grâce à la détermination du ministre : 0,55 % du RNB en 2022, puis 0,7 % en 2025.

Nous nous dotons des moyens de donner un nouveau souffle à notre politique d'aide au développement pour accompagner nos partenaires vers des modèles résilients et durables.

Nous avions le devoir de trouver un compromis. Nous y sommes parvenus en dépassant nos divergences - peu nombreuses, mais portant sur des sujets importants.

Une véritable programmation, à la fois ambitieuse et réaliste, est inscrite dans la loi.

De même, s'agissant de la commission d'évaluation, nous avons trouvé un compromis, après des discussions longues : il y aura deux collèges, le champ de l'évaluation est étendu et le président de la commission sera élu par ses membres.

Je me félicite que le rôle central des outre-mer et des organisations de la société civile soit reconnu, l'autonomie corporelle des filles et des femmes garantie, le nouveau dispositif de lutte contre les biens mal acquis entériné. Comme représentant des Français de l'étranger, je me réjouis de la place qui leur sera faite au sein des conseils locaux de développement.

Le RDPI votera ce texte. (M. François Patriat applaudit.)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La crise sanitaire, qui interroge nos systèmes économiques et sociaux, a montré le caractère indispensable de l'APD. Fixer son niveau à 0,55 % du RNB en 2022 était crucial.

Ce texte fixe le cap pour les prochaines années et réaffirme l'objectif ambitieux de 0,55 % du RNB en 2022. Nous regrettons qu'il n'arrive qu'en fin de quinquennat, même si les retards sont largement imputables au contexte sanitaire.

Je salue le travail de tous les rapporteurs, dont le rapporteur pour avis de la commission des finances, notre collègue Jean-Claude Requier.

La CMP a conservé une grande partie des apports du Sénat. Elle a maintenu le caractère programmatique du texte jusqu'en 2025, avec une trajectoire financière exprimée en pourcentage du RNB. Un accord a été trouvé sur les objectifs chiffrés pour l'aide bilatérale et l'aide programmable, la restitution des biens mal acquis et l'information du Parlement.

Enfin, je salue la création d'une commission d'évaluation indépendante, placée auprès de la Cour des comptes ; sa composition préservera le rôle des parlementaires.

Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées dRDSE ; M. Richard Yung applaudit également.)

M. Pierre Laurent .  - Nous nous sommes abstenus il y a deux mois, en raison de l'écart trop important entre les bonnes intentions affichées et les engagements concrets. À l'issue de la CMP, rien ne s'est amélioré, bien au contraire.

Certes, les 0,7 % du PIB sont dans la loi - c'est un acquis du débat parlementaire. Mais il n'y a aucune réelle programmation. Surtout si l'on compare ce texte avec la loi de programmation militaire et ses engagements financiers d'ampleur... Où est l'équilibre revendiqué par les défenseurs de l'approche « 3D » ? Le développement est pourtant la clé de la sécurité globale.

En réalité, nous votons une simple loi de finances anticipée sur une ligne budgétaire. Au-delà de 2022, tout reste hypothétique...

Notre APD était jusqu'ici trop orientée vers les prêts, peu accessibles aux plus pauvres. Le Sénat avait proposé de fixer la part minimale des dons à 65 %, dont 30 % pour les 19 pays jugés prioritaires.

La part des dons est finalement portée à 60 %, ce qui est certes un progrès. En revanche, les pays prioritaires ne bénéficieront que de 25 % de notre APD.

Quant à la commission d'évaluation, elle risque, compte tenu de sa composition, d'être une usine à gaz. Il faudrait un vrai contrôle politique de l'aide au développement.

La France rate le coche. Nous devons passer d'une logique de protection de nos intérêts de puissance à une stratégie de développement au service de tous les peuples ! Nous partageons les objectifs affichés, mais dans les faits tout, ou presque, reste à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'accord trouvé en CMP aboutit à un texte transpartisan destiné à être un levier puissant pour notre diplomatie et notre rayonnement.

Il fixe une stratégie claire et des priorités fonctionnelles et géographiques. Les actions d'APD seront évaluées.

Merci aux rapporteurs pour leur travail et leur écoute, ainsi qu'au président Cambon.

Sénateur des Français de l'étranger, j'ai constaté l'importance vitale de notre APD sur le terrain. Souhaitons que ce texte donne une nouvelle impulsion, pour une attribution efficiente de l'aide vers les pays qui en ont le plus besoin.

La programmation financière est solide, une clause de revoyure est prévue avant la fin de 2022. L'objectif de 0,7 % du PIB en 2025 est conforme aux engagements de la France devant les Nations unies. La taxe sur les transactions financières fournira au moins 528 millions d'euros au fonds de solidarité pour le développement, qui financera des biens publics mondiaux : santé, éducation, lutte contre le changement climatique. L'utilisation du produit de la taxe fera l'objet d'un rapport.

Le texte définit mieux les cibles, entre aide bilatérale et multilatérale, entre prêts et dons, entre pays à revenus intermédiaires et pays prioritaires. Un équilibre a été trouvé entre fléchage et souplesse.

Nous nous réjouissons que de nombreux apports du groupe UC aient été conservés, sur la reconnaissance des outremers, le droit des enfants, ou encore la francophonie, gage de notre rayonnement.

À titre personnel, je me réjouis que mes deux amendements aient prospéré. L'un prévoit que les organismes souhaitant bénéficier de l'aide de l'AFD utilisent le français ; l'autre reconnaît le rôle des entrepreneurs français à l'étranger, via des garanties de l'AFD pour faciliter leur accès au crédit. Vecteurs de l'efficacité de notre politique de développement solidaire, ils méritent tout notre soutien.

Ce texte ambitieux représente une certaine idée française de la solidarité, pour reprendre la belle expression de M. le ministre. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées des groupeUC, Les Républicains et RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Bruno Sido.  - Très bien.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La pandémie a mis en lumière les inégalités mondiales. La lutte se mène à l'échelle planétaire. Dans un monde toujours plus interconnecté, l'APD devient encore plus essentielle pour bâtir les équilibres.

Le groupe INDEP se réjouit du consensus trouvé en CMP. La fixation d'une trajectoire accompagnée de dates est un bon moyen d'atteindre les objectifs. Ainsi de l'objectif de dédier 0,7 % du RNB à l'APD à l'horizon 2025, ou de la limite basse du produit de la TTF affectée au fonds de solidarité pour le développement.

L'efficacité est notre boussole. La redirection de l'APD vers les pays prioritaires était nécessaire. Même chose pour la priorité donnée au bilatéral, et aux dons sur les prêts.

La commission indépendante d'évaluation est une instance bienvenue. Nous saluons le renforcement de la place de la société civile - véritable compas pour mieux orienter l'APD en fonction des besoins. Le montant de l'aide pour la société civile sera multiplié par deux en 2022 par rapport à 2017, c'est une bonne chose.

Cette réforme était nécessaire, et notre groupe votera ce texte. Notre pays est un des premiers contributeurs mondiaux de l'APD ; le reste du monde doit aussi prendre sa part. Poursuivons nos actions à l'échelle européenne et internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur le banc de la commission ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Sénat a largement fait évoluer ce texte, qui n'avait que trop tardé, grâce à notre travail rigoureux, et nous sommes parvenus à un bon compromis avec les députés. J'en félicite nos deux rapporteurs.

Nous avons rétabli une trajectoire financière chiffrée - certes en pourcentage - jusqu'en 2025. Il nous faudra être vigilant lors de la clause de revoyure de 2022, car derrière l'affichage ambitieux, les engagements concrets sont ténus.

Nous avons souhaité mieux cibler l'aide : 70 % d'aide bilatérale, 65 % de dons, attribution de 25 % de l'aide aux 19 pays prioritaires, qui n'en reçoivent que 13 % aujourd'hui.

Le groupe SER a obtenu un article consacré à la société civile, c'est une avancée majeure qui donne corps à la dimension partenariale. Nous continuerons à plaider pour un véritable droit d'initiative.

Nous regrettons que l'objectif de porter à 1 milliard d'euros le montant de l'aide transitant par les organismes de la société civile ait été abandonné au profit du doublement de l'aide par rapport à 2017, soit 630 millions d'euros, bien en deçà de la moyenne de l'OCDE.

Nous nous réjouissons de la nouvelle procédure de restitution des biens mal acquis, due à Jean-Pierre Sueur, ainsi que des apports de la délégation aux droits des femmes sur les enjeux de genre et la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Sur la levée des brevets sur les vaccins, nous aurons joué les lanceurs d'alerte. Nous avons des débats de riches : les populations de pays pauvres attendent de se faire vacciner pour sauver leur vie !

Le groupe SER restera mobilisé. La TTF a rapporté 1,7 milliard d'euros en 2020 - elle aurait pu alimenter l'APD. Dans six mois, nous aurons l'occasion de vous rappeler ce rendez-vous manqué.

Sur le devoir de vigilance à l'égard des atteintes portées aux droits humains et aux libertés fondamentales, nous restons sur notre faim.

Le criblage reste le gros point noir. Critériser l'aide au développement, c'est aller à rebours du principe de non-discrimination, un des fondements de l'État de droit, encore rappelé récemment par le Président de la République. Nous attendons le rapport qui affinerait la doctrine française en l'espèce, prévu à l'article 13.

Nous voulons que le Gouvernement s'engage à sécuriser l'action des organisations humanitaires, notamment au Sahel.

Bref, beaucoup de combats restent à mener mais ce texte permet des avancées. Les socialistes le voteront : voyez-y un geste de solidarité envers les populations les plus pauvres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur le banc de la commission ; M. Richard Yung applaudit également.)

M. Christian Cambon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Enfin, nous voilà au terme d'un travail démarré le 20 décembre 2018 avec mon homologue de l'Assemblée nationale, la regrettée Marielle de Sarnez. Si le cheminement fut plus long que prévu, les enjeux sont encore plus actuels en 2021. En 2020, l'Afrique a vécu la pire récession de son histoire, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté ; et la pandémie explose.

Nous devons redoubler nos efforts pour la santé, l'éducation et l'agriculture. En 2100, un habitant de la planète sur trois sera Africain et le Nigéria sera plus peuplé que la Chine. Voilà le défi des prochaines décennies !

La fin de Barkhane ne signifie pas la fin de la présence française au Sahel, mais l'APD doit s'intensifier pour devenir notre première arme contre l'islamisme.

Dans ce contexte difficile, ce projet de loi trace des perspectives claires. Le 18 mai dernier, le Sénat adoptait un texte très différent de celui de l'Assemblée nationale. En commission puis en séance, nous avons clarifié, hiérarchisé les objectifs pour rendre l'APD plus lisible, autour de trois priorités - nourrir, soigner, instruire - et des grands enjeux transversaux que sont la protection de la planète et des droits humains.

Nous avons ajouté la programmation financière qui faisait défaut, en plaidant pour la concentration des crédits sur les pays qui en ont le plus besoin, et inscrit trois cibles pour les dons, l'aide bilatérale et les pays prioritaires.

Nous avons renforcé le rôle du ministre chargé du développement, réaffirmé la tutelle ministérielle sur l'AFD, amélioré la promotion des droits humains et introduit un dispositif sur les biens mal acquis - que nous devons à la ténacité de Jean-Pierre Sueur.

Nous avons modifié la composition de la nouvelle commission d'évaluation pour y introduire quatre parlementaires. Leur présence a démontré sa pertinence dans de nombreux organismes de contrôle.

Les députés ont bien accueilli nos apports - ce n'est que sur la programmation financière et sur la commission d'évaluation qu'il a fallu une longue discussion pour construire les compromis nécessaires.

Je salue le travail de nos deux rapporteurs, ainsi que l'esprit d'ouverture du président Bourlange et du rapporteur de l'Assemblée nationale Hervé Berville.

Nous avons obtenu l'inscription d'une trajectoire financière réaliste pour la période 2023-2025, avec des étapes de 0,61 %, 0,66 % puis 0,7 % du RNB. Le cap est ainsi donné. Il traduit la volonté partagée de prendre toute notre part à l'effort de réduction des inégalités mondiales. C'est l'intérêt des populations aidées, mais aussi le nôtre.

Pour la commission d'évaluation, nous avons imaginé deux collèges, l'un composé d'experts indépendants, l'autre de parlementaires - une solution satisfaisante.

Le Gouvernement s'est efforcé de faire progresser le débat dans un esprit de consensus républicain.

Monsieur le ministre, ce sera sans doute le dernier grand texte que vous défendrez devant nous. Je vous remercie de votre esprit constructif et votre volonté de dialogue. J'y vois votre intérêt pour notre maison - qui pourra peut-être vous accueillir un jour, si vous le souhaitez et si vous suivez mon conseil... (Sourires ; Mme Françoise Gatel et MBruno Sido s'amusent.)

En remerciant à nouveau nos deux rapporteurs pour leur travail qui fait honneur au Parlement, je vous invite tous, avec une grande fierté, à adopter ce texte. La France n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle est généreuse. Nous avons oeuvré pour la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI et sur quelques travées des groupes SER, RDSE et INDEP)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Cambon, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 10

1° Première phrase

Supprimer les mots :

autres que son président

2° Troisième phrase

Supprimer les mots :

autre que celui du président

II.  -  Alinéa 11

Supprimer les mots :

et le représentant des pays partenaires de la politique de développement solidaire

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères.  - Coordination. La mention d'un régime spécial de désignation du président de la commission était une scorie.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Avis favorable.

Le texte élaboré par la CMP, modifié par l'amendement de la commission, est adopté et le projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Ce vote unanime fait honneur à notre pays, à ses valeurs, à sa place dans le monde. Ce texte traduit bien une certaine idée française de la solidarité. En le votant, vous donnez de la force à notre action dans le monde. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RPDI et sur quelques travées du groupe SER)

La séance est suspendue pendant quelques instants.