Respect des principes de la République (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République.

Discussion générale

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la Citoyenneté .  - Depuis le début, nous avons voulu que ce texte soit équilibré et républicain, qu'il exprime une grande évidence et une grande ambition, comme lorsqu'il interdit le financement d'associations qui rejettent nos valeurs ou met au ban des pratiques qui portent atteinte à la dignité humaine. Il s'assure que l'éducation n'est pas un cheval de Troie pour quelque séparatisme que ce soit. Il rappelle que la liberté de culte est essentielle, mais encadrée par la légalité républicaine. Enfin, il s'assure de la neutralité des services publics.

Nous renforçons la transparence financière, c'est nouveau. Nous luttons contre la haine sans visage des réseaux sociaux. Nous adaptons le cadre légal à la réalité du XXIe siècle.

Ce projet de loi a fait l'objet d'une très large concertation et a maturé pendant presque deux ans. Le débat parlementaire l'a enrichi et renforcé, et nous avons retenu des apports sénatoriaux.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission) Il est franchement regrettable que ce texte n'ait pas fait l'objet d'un accord des deux chambres. Le refus du compromis affiché par les députés a conduit à l'échec de la CMP.

L'Assemblée nationale a rétabli l'interdiction générale, sauf exception, de l'enseignement à domicile. Elle a refusé de préserver la liberté d'enseignement. Elle n'a pas retenu la neutralité de l'enseignement supérieur. Elle a également rejeté les apports du Sénat sur le sport, comme les interdictions que nous avions formulées au sujet des listes confessionnelles ou des symboles étrangers sur les bulletins de vote et sur la propagande électorale.

M. Stéphane Ravier.  - C'était très bien.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Sur la police des cultes, l'Assemblée nationale a largement rétabli son texte. Il en va de même des dispositions sur la protection des femmes, dont l'efficacité me paraît douteuse.

Certains amendements de Jean Sol, Valérie Boyer, Roger Karoutchi ou Philippe Dallier ont certes été repris. Mais les apports sont faibles au regard de nos divergences. Et pourtant, quand le Président de la République appelait à lutter contre l'hydre islamiste le 28 mars 2018 devant le cercueil d'Arnaud Beltrame, lorsqu'il appelait à faire Nation le 8 octobre 2019 après l'attentat à la préfecture de police de Paris, les Français avaient cru à une vraie dynamique politique contre les séparatismes. Trois ans plus tard, rien n'est fait face à l'entrisme islamiste. Des mots, rien que des mots ! (Marques d'approbation à droite)

Face à ceux qui veulent fragiliser la République, notre inquiétude n'est pas apaisée. C'est pourquoi la commission des lois a déposé une question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois .  - Tout en partageant les objectifs du texte, le Sénat a cherché un équilibre entre valeurs de la République et liberté religieuse.

La loi doit être la même pour tous et l'on ne peut distinguer entre les cultes intégrés et ceux qui doivent faire la preuve de leur intégration.

La protection des libertés implique des contraintes administratives proportionnées. Nous avions fait plusieurs propositions. Aucune n'a été retenue, que ce soit pour protéger l'activité des associations religieuses mais non cultuelles - les scouts - ou imposer des obligations comptables proportionnées aux dons reçus.

Je doute que l'exonération des dons de 75 % en projet de loi de finances rectificative suffise à rééquilibrer la situation. Le Sénat avait souhaité préserver les spécificités du droit local alsacien-mosellan ; des pratiques anciennes et parfaitement républicaines seront bouleversées par l'alignement qui est imposé.

Il y a cependant des points de consensus, comme à l'article 18. Nous avons mené un travail constructif avec l'Assemblée nationale sur la haine en ligne, avec des mesures de protection efficaces.

Ce qui nous a le plus manqué pour parvenir à un accord, c'est le temps. Ce texte qui touche à des libertés constitutionnelles méritait un plein débat. Rien ne justifiait qu'on lui applique la procédure accélérée, et celle-ci a logiquement accru les divergences.

Les députés n'ont pas voulu aborder certains sujets, ont craint d'être rattrapés par une actualité qui montre toute la difficulté à définir le périmètre de la laïcité ; ils n'ont pas souhaité un travail commun.

C'est pourquoi la commission des lois vous propose d'adopter la question préalable. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur le banc de la commission ; Mme Béatrice Gosselin applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nul besoin de rappeler l'attachement du RDSE à la laïcité, source d'émancipation, de liberté, d'égalité, de fraternité.

Loin des Lumières, les séparatistes ne cherchent qu'à diviser, fracturer et détruire un idéal. Cela nous oblige à interroger notre modèle, à en corriger les failles - ascenseur social à l'arrêt, perte de confiance dans les institutions...

L'élargissement du principe de neutralité aux services publics a immédiatement rencontré notre approbation, c'est une étape importante qui a été franchie. Je regrette en revanche un certain nombre de suppressions, par l'Assemblée nationale, concernant les directeurs d'école privée hors contrat, des professeurs de ces établissements, ou touchant les projets territoriaux d'éducation.

Notre groupe est partagé sur l'instruction en famille, certains étant opposés à l'imposition d'un régime d'autorisation au lieu d'une simple déclaration. La majorité du groupe est favorable à l'interdiction du port de signes religieux lors des sorties scolaires.

Nous étions nombreux opposés à la suspension des allocations familiales et de rentrée en cas d'absentéisme scolaire, cela n'aurait fait qu'ajouter de la misère à la misère, et affecté toute une famille, pour un seul membre indiscipliné.

Vous connaissez la position du RDSE sur les questions préalables. Nous ne la voterons pas, car nous sommes attachés au débat. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Éliane Assassi .  - Le désaccord en CMP était attendu. Tant mieux ! Nous étions foncièrement opposés au texte du Sénat, vampirisé par les dispositions stigmatisantes, interdisant le voile lors des sorties scolaires ou le burkini. La majorité sénatoriale est plus intéressée par les tenues vestimentaires et les drapeaux dans les mariages que par les sources du séparatisme, qui sont sociales.

Ne soyons pas naïfs : si la droite sénatoriale a fait adopter ses amendements dans un élan de surenchère, c'est parce que le Gouvernement l'y a invitée en présentant un texte aux antipodes des objectifs affichés.

Les principes de la République sont notre bien commun, qui ne voudrait pas les renforcer ? La laïcité, pour nous, rime avec progrès social quand, pour le Gouvernement, elle rime avec ordre public. Il prétend lutter contre l'islamisme politique mais ne s'interroge pas sur nos relations avec des pays qui oppriment leur peuple au nom de l'islamisme politique...

Ce texte modifie de façon inédite la loi de 1905, qui entendait rompre avec la gestion étatique des cultes. Nous nous opposons à cette vision séparatiste du vivre-ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MM. Jean-Pierre Sueur et Guy Benarroche applaudissent également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'objet de ce projet de loi était de conforter les principes de la République. Nous sommes bien loin du discours des Mureaux.

Pour la gauche, la République est avant tout une promesse de cohésion autour de sa devise, d'émancipation, de justice sociale et de solidarité.

Aux Mureaux, le Président de la République avait dit que la République était à la fois un ordre et une promesse. Nous voyons l'ordre : un tiers des articles comportent des mesures de contrôle ; un quart fixe des peines d'emprisonnement. Où est la promesse ?

Notre groupe n'acceptera jamais de rogner sur les libertés pour une chimère de sécurité. Comment défendre la République si on ne respecte pas ses valeurs ? Si l'égalité n'existe pas ?

Nous n'éludons pas la nécessité de combattre l'islamisme radical mais cette lutte ne saurait passer par la stigmatisation à outrance de certaines religions.

Nous sommes satisfaits de la suppression de mesures iniques adoptées par la droite sénatoriale, touchant les drapeaux ou les sorties scolaires.

La droite sénatoriale a réussi à faire passer le Gouvernement pour modéré, c'est un comble ! (Sourires) Le Sénat doit prendre sa place dans ce débat, car le texte de l'Assemblée nationale n'est pas à la hauteur. Nous voterons donc contre la motion, car nous souhaitons poursuivre la discussion.

Avec le contrat de laïcité à l'article 6, les associations seront placées dans l'insécurité et la suspicion. Nous le regrettons.

La défense des droits des femmes doit être renforcée ; il faut notamment légiférer sur les certificats de virginité.

Poursuivons le débat pour faire avancer la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - Ce texte rate sa cible. C'est un tour de force sécuritaire qui se retourne contre les citoyens honnêtes.

L'islamisme utilise quatre voies d'inclusion : l'immigration et la démographie, la taqiya silencieuse, la victimisation, le terrorisme sanglant. Aucune n'est prise en compte ici.

Nous sommes face à un communautarisme non de séparatisme mais de conquête. Le Gouvernement l'ignore, avec tous les idiots utiles de tous les bords. Nul ne se préoccupe des 169 enfants de djihadistes rapatriés en France. M. Dupond-Moretti préfère ficher les enfants non vaccinés plutôt que les lionceaux du califat...

Pourtant la résurgence de Daech, le renforcement des groupes armés dans le Sahel, la montée en puissance des djihadistes en Afghanistan devraient nous inquiéter.

Ce matin même, l'Institut musulman des Bleuets, à l'origine de prêches et de publications islamistes, a transformé le parc Chanot à Marseille en mosquée à ciel ouvert. Il semble que la liberté de certains soit sacrée...

Combien de Bataclan, de Charlie, de Promenade des Anglais, de Laura et Mauranne, de père Hamel, d'école Otzar Hatorah, d'Arnaud Beltrame, combien de professeurs et de militaires français égorgés, combien d'abominations vous faudra-t-il pour lutter contre la lèpre islamiste ? Pendant que vous vous interrogez sur ce que pourraient penser la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l'homme et du djihadiste, l'ennemi avance dans le sang des innocents. L'Histoire a toujours jugé avec une juste sévérité la couardise et la soumission de ceux qui devaient protéger les Français.

L'islamisme conquiert et tue. Vous en êtes parfaitement informés. Puissiez-vous descendre de l'échafaud de l'histoire et monter sur les marches du courage et de l'honneur !

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le projet de loi s'inscrit dans la lignée de la loi de 1905, qui structure depuis plus d'un siècle les relations entre l'État et les religions, avec deux repères : la liberté de conscience et la laïcité. Il est indispensable de préciser notre cadre civique.

Il n'est pas envisageable que des organisations religieuses exercent une activité politique au détriment de notre système démocratique et de nos valeurs républicaines. Il est particulièrement important de contrôler l'action financière des États étrangers, pour éviter que ces derniers ne les utilisent comme intermédiaire pour étendre leur influence.

Le projet de loi renforce à bon droit la neutralité des agents du service public. Nous regrettons l'échec en CMP. Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait conservé certains apports.

Mme Nathalie Goulet.  - Si peu !

M. Franck Menonville.  - Mais le texte de l'Assemblée nationale n'est pas un texte de compromis.

Le Sénat avait supprimé le régime d'autorisation pour l'instruction en famille, jugeant sa légalité fragile. Cela portait aussi atteinte à la liberté d'enseignement. L'Assemblée nationale a décidé de le rétablir, ce que nous regrettons.

M. Claude Malhuret avait déposé un amendement pour responsabiliser les plateformes contre la haine en ligne. Cette disposition de bon sens, adoptée par le Sénat, a été purement et simplement supprimée par la rapporteure Avia dans un argumentaire tenant plus du tweet que de la démonstration, alors que nous poursuivions le même objectif.

Nous comprenons le sens de la motion proposée par la commission des lois, mais comme nous aurions préféré un compromis en CMP voire la poursuite du débat parlementaire, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et RDSE)

M. Guy Benarroche .  - Le GEST avait voté contre ce texte .Les rapporteurs de la commission des lois nous proposent une motion car le texte de l'Assemblée nationale ne permettrait pas d'avancer, qu'il s'agisse de la neutralité de l'État, de la laïcité ou du vivre ensemble.

Pour nous, aucun des textes n'était satisfaisant, faisant courir plusieurs risques d'atteinte à des libertés fondamentales : liberté de culte, de conscience, d'association.

Le GEST votera contre cette motion. Ce texte montre l'échec des politiques d'intégration, d'égalité et de cohésion sociale.

Les inégalités sociales sont le véritable séparatisme : 30 % des élèves de l'école Polytechniques sont issus de deux lycées parisiens. Les banlieues et les territoires ruraux accumulent le plus grand nombre de décrocheurs.

Lutter contre les clivages sociaux aurait permis de refaire société. Contre les faux débats, nous proclamons notre attachement à la laïcité et à la liberté de conscience, inscrits à l'article premier de la loi de 1905, qui donne le droit de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou non une religion. Elle donne le droit à une indifférence bienveillante.

La laïcité ne doit pas être utilisée pour stigmatiser ou exclure de la communauté nationale. Ce texte est un empiétement du politique sur le religieux. Quand le religieux s'occupe de politique, il y a danger sur la démocratie. Mais le politique ne doit pas aussi se mêler de religieux. L'État dispose de moyens juridiques contre les dérives sectaires. Plutôt qu'une liste pavlovienne de mesures réactionnaires, et au lieu de mobiliser du temps législatif sur des textes toujours plus sécuritaires et liberticides, il aurait mieux fallu s'attaquer aux réelles causes des séparatismes. Le GEST ne saurait cautionner la dérive liberticide que constitue le texte.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte aurait pu être un texte de notre commission, tant nous partageons le diagnostic. La commission des lois a fait un choix différent, nous conduisant à examiner le texte de l'Assemblée nationale. Sur le fond, il comporte des dispositions équilibrées, avec le nouveau délit de séparatisme, le contrat d'engagement républicain, le renforcement de la lutte contre la haine en ligne, la transparence sur les financements étrangers et l'incitation des associations à rejoindre le régime de la loi de 1905 pour leurs activités cultuelles.

Les modifications du Sénat n'ont pas toutes été conservées, mais cela n'aurait pas dû fonder un désaccord.

Nous regrettons la motion, qui nous ramène à l'un des principaux points de désaccord de la CMP : l'obligation de neutralité et l'interdiction du port de signes religieux dans l'espace public. Une nouvelle lecture aurait exposé la majorité à un échec sur l'interdiction des signes religieux ostensibles, mais nous aurions approfondi le débat.

Le RDPI soutient le texte de l'Assemblée nationale, qui s'inscrit dans l'esprit de la loi de séparation, à savoir : laïcité, neutralité de l'État, liberté de conscience et non silence des opinions religieuses. Il votera donc contre la motion. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Madame la ministre, je dois vous dire mon agacement face à la disparition de nombreuses dispositions importantes relatives au financement des associations : je pense en particulier aux sociétés civiles immobilières (SCI). Comment l'Assemblée nationale a-t-elle pu supprimer les dispositions qui y sont relatives ? Ce ne serait pas nécessaire ? Lisez le rapport de Tracfin ! Je vous renvoie en particulier à la page 65 : une association et un fonds de dotation, réunis dans une SCI, ont perçu des fonds étrangers pour plusieurs dizaines de millions d'euros pour financer un lieu de culte. En raison du manque de transparence, les comptes ont été clos par les banques et l'association et le fonds de dotation ont été dissous par le tribunal judiciaire. C'est vrai, pourquoi contrôler la SCI ?

Même chose sur le contrôle des cagnottes en ligne, là aussi réclamé par Tracfin depuis plusieurs années. (M. Michel Canévet le confirme).

Un individu fiché S, suivi par la DGSI pour radicalisation, lance une cagnotte en ligne pour un million d'euros. Il vit au Moyen-Orient. Mais vous direz que c'est du télétravail comme on aimerait en voir plus souvent ! (Rires)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - C'est l'Assemblée nationale...

Mme Nathalie Goulet.  - L'Assemblée nationale a vraiment bien fait de supprimer les deux dispositions ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

Elle a aussi réduit les pouvoirs de Tracfin en diminuant la portée de l'article 46, et a supprimé les dispositions de l'article 30 qui soumettaient toute construction de lieu de culte à un plan de financement prévisionnel mentionnant l'origine des fonds étrangers...

C'était le minimum !

M. André Reichardt.  - On en aurait eu besoin à Strasbourg !

Mme Nathalie Goulet.  - C'est demandé par les élus locaux, et vous l'avez été.

Parmi les grands moments du débat, figure votre intervention très forte et très claire contre les certificats de virginité ; même pour sauver les apparences, on ne peut pas négocier.

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 19 bis établissant la responsabilité des plateformes en ligne, pourtant indispensable, et voté avec enthousiasme par le Sénat. Un peu de cohérence : les plateformes sont des éditeurs et doivent avoir une responsabilité. Elles doivent remplir des obligations de signalement.

Le compte n'y est pas, et la prochaine session sera trop courte pour revenir sur ces sujets, qui ne relèvent pas du PLF.

Il ne reste guère que votre guide de bonne conduite à l'égard des ambassades étrangères en France. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi est issu d'un constat partagé : dans notre société, certains individus repoussent la République pour obéir à la loi religieuse, ce qu'on doit appeler par son nom : l'islamisme radical.

Ce dernier a une forme violente, le terrorisme, et une forme insidieuse, le séparatisme, qui repose sur la pression communautaire, et sur laquelle portait le rapport de Jacqueline Eustache-Brinio. « Des parties de la République qui veulent se séparer du reste et qui ne se retrouvent plus dans ses lois, ses codes et ses règles, au titre d'une religion ». Tel est le discours de Mulhouse du Président de la République du 18 février 2020, qui nous avait fait espérer une grande loi.

Malheureusement, la loi contre le séparatisme a changé de nom. L'affadissement de son titre est allé de pair avec celui de son contenu, jusqu'à devenir un « tigre de papier » pour reprendre l'expression de Philippe Bas.

Nous avons cherché à lui rendre un peu de muscle.

Le texte a des vertus, mais il est allé trop loin en traitant mal le droit local alsacien-mosellan, qui ne constitue pas un danger pour la République.

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Muriel Jourda.  - Il est allé trop loin sur l'instruction en famille, cette liberté ancienne. Mais il a aussi été insuffisant, qu'il s'agisse de l'interdiction des listes communautaires, des emblèmes confessionnels ou nationaux sur les listes électorales, des drapeaux étrangers dans les cérémonies en mairie, de la pratique du culte dans le sport, des signes ostensibles lors des sorties scolaires, et j'en passe. Nous aurions pu lutter contre cet entrisme au quotidien.

« La France est une République indivisible et laïque. » « Elle respecte toutes les croyances ». Vous aurez reconnu l'article premier de notre Constitution. Si la France protège la liberté de conscience, la citoyenneté prime toute appartenance religieuse.

La France croit en la République émancipatrice. Cette occasion manquée est celle de rappeler que la neutralité religieuse est nécessaire pour la faire vivre.

Il ne suffit pas de faire des discours ; nous attendons des actes. Le groupe Le groupe Les Républicains votera la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. André Reichardt.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée en nouvelle lecture, confortant le respect des principes de la République n° 734 rectifié (2020-2021).

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure .  - Après l'échec de la commission mixte paritaire, cette motion oppose la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, confortant le respect des principes de la République.

L'Assemblée nationale a supprimé 39 des 56 articles ajoutés par le Sénat. La majorité des députés n'entend pas trouver le moyen de progresser sur la neutralité de l'État, la laïcité et le vivre ensemble, sur lesquels le Sénat a fait des propositions concrètes en première lecture. Pour l'instruction à domicile, l'Assemblée nationale n'a retenu aucun des dispositifs alternatifs proposés par le Sénat.

Si 23 des articles du projet de loi ont été adoptés conformes, les apports du Sénat conservés par l'Assemblée nationale sont peu nombreux. La volonté du Sénat de poser des distinctions claires permettant le respect par tous des principes de la République tout en préservant la liberté de culte n'a pas été entendue.

Alors même que le Sénat avait salué le dépôt de ce texte et rejoint l'Assemblée nationale sur de nombreux points, comme la haine en ligne, aucun des dispositifs adoptés par notre assemblée en première lecture pour préserver le rôle des associations d'inspiration religieuse mais n'organisant pas l'exercice d'un culte et pour simplifier les démarches des petites associations établies de longue date n'a été retenu.

Malgré les réserves du Sénat sur la portée, l'efficacité et les effets collatéraux des mesures présentées comme promouvant l'égalité entre les femmes et les hommes, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture. À l'inverse, elle n'a retenu quasiment aucune mesure destinée à renforcer la police des cultes, dans le prolongement de la loi de 1905. C'est aussi un point de divergence.

Il apparaît manifestement impossible, au regard de la position de l'Assemblée nationale, de parvenir à un texte commun.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne reviendrai pas sur notre opposition de fond à ce texte, excellemment exposée par Mme de La Gontrie.

Si nous votons contre cette motion, c'est pour une question de principe : l'exception devient la règle. À une exception en trois ans, tous les textes présentés par le Gouvernement étaient en procédure accélérée. C'est contraire à la lettre et à l'esprit de la Constitution.

Nous renonçons aux lectures nécessaires pour peaufiner le texte tout en examinant les objections, afin de faire la meilleure oeuvre législative possible.

Après la CMP, si elle a échoué, la Constitution veut que le débat revienne devant les deux assemblées, qui doivent reprendre le travail : c'est la lettre et l'esprit de nos institutions.

Or, avec une telle motion, nous estimons qu'après la CMP, le débat est inutile : nous nous habituons à une situation bloquée, à un jeu de rôle contraire à nos institutions.

C'est peut-être satisfaisant quand l'ordre du jour est chargé... Mais notre groupe ne supporte pas de voir partir ainsi une certaine idée du Parlement ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. André Guiol applaudit également.)

M. André Reichardt.  - Bien entendu, je voterai cette motion, comme mon groupe. Néanmoins, ce faisant, nous abandonnons une nouvelle fois l'Alsace-Moselle sur deux points pris en compte par le Sénat.

Nous voulions que les établissements publics du culte puissent, comme les associations cultuelles selon la loi de 1905, recevoir des legs immobiliers et percevoir des revenus locatifs. L'Assemblée nationale l'a retoqué : pourquoi ?

Nous voulions aussi préserver les réunions publiques dans des dépendances d'établissements cultuels, comme cela se fait depuis des années. Cela a aussi été retoqué : pourquoi ?

Nous coupons les jarrets du droit local et c'est inadmissible : je le dis solennellement, il y en a assez !

À la demande du groupe Les Républicains, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°159 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 205
Contre 115

Le Sénat a adopté.

Le projet de loi n'est pas adopté.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La séance est suspendue à 19 h 40.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 15.