Reconnaissance du Gouvernement d'unité nationale de Birmanie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître le Gouvernement d'unité nationale de Birmanie présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Je remercie le président Cambon de m'avoir confié le suivi de la situation birmane et le président Retailleau d'avoir accepté l'inscription de ce texte sur l'ordre du jour de notre groupe. Je connais l'engagement de Gérard Larcher et de Joëlle Garriaud-Maylam, présidente du groupe d'amitié, sur cette question.

Nos amis birmans, dont certains sont présents en tribunes, voient que leur avenir rassemble en France.

Les élections de novembre 2020 ont été largement remportées par la Ligue nationale pour la démocratie, traduisant une forte adhésion à la transition démocratique entamée depuis 2015.

Mais le violent coup d'État du 1er février 2021, perpétré par une junte la veille de la rentrée du Parlement, a plongé le pays dans la violence et la terreur. Certains élus ont fui, d'autres ont été faits prisonniers.

La population s'est massivement soulevée dans un mouvement de désobéissance civile face à un régime répressif multipliant arrestations arbitraires et actes de torture.

Des élus en exil ont formé un gouvernement d'union nationale, comprenant des représentants de chaque ethnie. Ils ont besoin de notre soutien : il n'y aura pas de transition démocratique sans lui.

Le sommet de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) du 24 avril a appelé à la fin des violences, au dialogue, à la désignation d'un envoyé spécial, à l'aide humanitaire et au déplacement de cet envoyé spécial sur place - non autorisé à cette heure.

Les ministres des affaires étrangères du G7 ont rappelé que ceux qui violaient les droits de l'homme devaient rendre des comptes.

L'Union européenne a pris trois séries de sanctions, pour le moment insuffisantes. En ciblant les avoirs et les secteurs des pierres précieuses et du bois, ces mesures limitent la capacité de la junte à tirer profit des ressources naturelles du pays. Mais la question des revenus pétroliers n'est pas résolue de manière satisfaisante alors que la population manque cruellement de tout.

Cette pression doit s'accentuer. Sans quoi, la situation dérivera vers une guerre civile et une répression accrue. Le bilan est déjà lourd : depuis février, 1 120 civils auraient été tués ; plus de 6 700 personnes ont été arrêtées, dont des journalistes, des médecins et des artistes. Des enfants ont été enlevés et défigurés, pour terroriser la population. La liste des atrocités commises nous choque profondément. Certaines exactions sont susceptibles de constituer des crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité.

Pour ne rien arranger, les ravages de la covid sont terribles. Plus rien n'est fait contre la pandémie depuis février. La plupart des hôpitaux civils sont fermés ; médicaments, vaccins et oxygène ne sont plus distribués ; nombre de soignants, parmi les premiers à avoir résisté, ont été arrêtés.

La population continue de se battre pour son droit à la démocratie, mais le temps profite aux militaires, qui jouent le pourrissement. N'abandonnons pas les Birmans à leur sinistre sort !

Il faut traiter avec la seule autorité légitime - le Gouvernement d'unité nationale - pour réenclencher la transition démocratique. Une reconnaissance claire est nécessaire, pour éviter le pourrissement et la reconnaissance de fait de la junte. Les atrocités doivent cesser dans un pays meurtri, où la sécurité alimentaire est menacée et où la pauvreté gagne du terrain.

Un texte quasi identique a été déposé à l'Assemblée nationale.

Les Européens doivent s'affirmer davantage dans cette région.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDPI et du RDSE)

M. André Guiol .  - La Birmanie est passée de l'espoir de novembre 2020 au désespoir de février 2021.

Le coup d'État militaire a plongé le pays dans le chaos. La situation sécuritaire est dramatique. La répression des manifestations pacifiques est terrible et les atteintes aux droits de l'homme se multiplient. Les généraux sont responsables d'un véritable séisme politique et humanitaire.

Quant à l'économie, elle est au point mort. Selon le PNUD (programme des Nations unies pour le développement) et le PAM (programme alimentaire mondial), pauvreté et malnutrition gagnent.

La population fait preuve d'un grand courage et s'engage dans la désobéissance civile pour défendre sa liberté. La communauté internationale doit la soutenir, notamment en adoptant des sanctions. Comment les cibler sans aggraver la situation humanitaire ? Comment éviter que des pays ne normalisent leurs relations avec la junte, notamment au sein de l'Asean ? Que penser de l'abstention de la Chine et de la Russie lors du vote de la résolution à l'ONU le 18 juin ?

Ne baissons pas les bras et soutenons les opposants. Fidèle à ses valeurs, la France ne peut que soutenir un gouvernement issu d'élections libres et intégrant toutes les ethnies du pays.

Nous devons le soutien au peuple birman, dont la détermination à poursuivre son chemin vers la démocratie doit être saluée.

Alors que l'attention internationale se concentre désormais sur l'Afghanistan, n'oublions pas les Birmans ! Eux aussi sont dans la nuit. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. André Vallini .  - Après les élections de novembre 2020, remportées par la Ligue nationale pour la démocratie, l'armée a pris le pouvoir par la force le 1er février 2021.

En six mois, plus de 1 000 civils - dont 75 mineurs - ont été tués, des centaines de personnes ont disparu et plus de 5 400 sont derrière les barreaux. La résistance continue et s'organise. Il faut donc intensifier les efforts de la communauté internationale dans le soutien aux démocrates birmans.

Au niveau des Nations Unies, non seulement la résolution de l'Assemblée générale de fin juin qui appelle les États membres à empêcher l'afflux d'armes n'est pas contraignante, mais la Russie et surtout la Chine ont bloqué toute résolution ferme au Conseil de sécurité. La ligne de front entre autoritarisme et aspirations démocrates passe aujourd'hui par Rangoun. Certes, lors de l'Assemblée générale en cours, la Birmanie a été retirée des discours et l'ambassadeur nommé par Aung San Suu Kyi a conservé son siège. Mais la junte se sait protégée par la Chine et la Russie.

L'expert indépendant onusien Tom Andrews a proposé cinq pistes : arrêter les flux financiers en direction de la junte ; instaurer un embargo sur les armes ; établir la responsabilité de crimes en s'appuyant sur la compétence universelle ; travailler sur l'aide humanitaire ; et ne pas reconnaître la junte comme gouvernement légitime.

La junte ne bougera que si son moteur financier est menacé. Il faut donc des sanctions ciblées, notamment des restrictions concernant les industries extractives.

Certes, la réponse de l'ONU est bridée par la crainte de vétos au Conseil de sécurité, mais ce dernier doit faire le nécessaire pour faire respecter la résolution de juin sur l'afflux d'armes.

Au niveau de l'Union européenne, 20 millions d'euros d'aides humanitaires et des sanctions ont été décidés. Mais, malgré son poids économique, l'Union européenne, nain politique, peine à être influente. Chacun sait qu'elle n'a pas de politique étrangère à proprement parler. Elle a pourtant là l'opportunité de faire entendre sa voix et son approche multilatérale.

Hélas, la réponse de la France se limite à des considérations de principe. Elle est bloquée par la présence de Total dans un conglomérat d'exploitation de gaz qui est source précieuse de liquidités pour la junte. Total a certes annoncé qu'il respecterait les sanctions, mais n'en poursuit pas moins son activité. Tous les paiements de Total au conglomérat doivent être versés sur un compte protégé jusqu'au retour d'un gouvernement légitime.

Malgré les efforts de la communauté internationale, la démocratie a été confisquée ; le peuple birman est en proie à la violence et à la souffrance.

Pour que la France regagne l'estime des peuples, elle doit défendre la liberté et les droits de l'homme partout dans le monde. Le groupe SER votera la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En 1962, quatorze ans après son indépendance, la Birmanie connaît un premier coup d'État. La brève respiration ouverte en 2011, avec la victoire du parti d'Aung San Suu Kyi en 2015, s'est traduite par une cohabitation civile-militaire qui, comme l'a rappelé l'ambassadeur Christian Lechervy le 10 février 2021 devant la commission des affaires étrangères, n'a jamais été harmonieuse.

Devant le résultat des élections législatives de novembre, le général de la junte procède à un coup d'État le 1er février 2011. La loi martiale décrétée, la résistance s'organise autour du Gouvernement d'union nationale, avec à sa tête Aung San Suu Kyi et le Président de la République, Win Myint, toujours emprisonnés.

La présente proposition de résolution incite le Gouvernement à obtenir la condamnation vigoureuse du coup d'État, à appeler au retour de la démocratie et de la paix et à reconnaître le Gouvernement d'union nationale.

Or la situation a changé depuis le dépôt de la proposition de résolution. La France, notamment par la voix de Jean-Yves Le Drian, et ses partenaires européens ont réagi rapidement.

Mais le Conseil de sécurité n'est parvenu à prendre aucune décision commune en raison du blocage de la Chine et de la Russie. Le 10 mars, il a toutefois fermement condamné les violences. Puis, le 18 juin, l'Assemblée générale a adopté une résolution condamnant le coup d'État.

L'Union européenne a également décidé des sanctions ciblées.

Mais la résistance s'accroît et le Royaume-Uni a condamné l'appel à une guerre défensive contre la junte, lancé par le Gouvernement d'union nationale. Soutenir ce dernier ne risque-t-il pas de jeter de l'huile sur le feu, voire de cautionner un conflit armé ?

La détresse des populations s'amplifie. Le RDPI réaffirme son soutien à la population birmane : 25 % vivent sous le seuil de pauvreté ; on compte 240.000 personnes dans les camps de réfugiés et 3 millions seraient en situation de détresse absolue.

Nous avons vu les limites du soutien inconditionnel au Gouvernement d'union nationale. Le groupe RDPI s'abstiendra en majorité, tout en laissant chacun de ses membres voter en son âme et conscience.

Monsieur le ministre, est-il prévu d'agir sur la préférence tarifaire en retirant le pays du programme « Tout sauf les armes » ? Où en est la revue de l'aide au développement ? Quelle forme prendra le dialogue avec la communauté internationale, notamment sur l'embargo sur les armes ?

M. Joël Guerriau .  - La courte parenthèse démocratique birmane s'est refermée le 1er février dernier et Aung San Suu Kyi est retournée en résidence surveillée. L'armée a ouvert le feu sur sa propre population ; on dénombre plus de mille morts et plusieurs milliers de personnes sont arbitrairement détenues.

Notre Président de la République a immédiatement condamné ce coup d'État et l'Union européenne s'est insurgée avec la plus grande fermeté.

Le putsch intervient en pleine pandémie : celle-ci a des effets catastrophiques quand l'État est désorganisé. Seuls 40 % des capacités médicales sont encore fonctionnelles alors que la junte construit dix crématoriums.

La prise de pouvoir par la junte est donc une catastrophe sanitaire et économique, alors que la moitié des habitants seraient passés sous le seuil de pauvreté. L'aide humanitaire serait nécessaire, mais rien ne garantit qu'elle bénéficierait au peuple.

L'influence de Pékin est considérable, la Chine ayant beaucoup d'intérêts dans le pays. Les nouvelles routes de la Soie passent par la Birmanie. La Chine veut donc la stabilité, pas la démocratie.

La légitimité de la junte est toutefois contestée, par le Gouvernement d'union nationale et par la guérilla. La Birmanie compte plus de cent minorités, avec bien souvent des milices ethniques.

Nous ne sommes pas démunis face à cette situation. Il faut reconnaître le Gouvernement d'union nationale et nous assurer que les sanctions pénalisent la junte et épargnent la population.

Le groupe INDEP votera en faveur de ce texte : la reconnaissance du Gouvernement d'union nationale est une étape incontournable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Présidente déléguée du groupe interparlementaire d'amitié Asie du Sud-Est pour la Birmanie depuis 2004, je salue l'initiative et les qualités de persuasion de Pascal Allizard, qui a pu déposer une proposition de résolution alors que cela m'avait été refusé.

Cet exercice de diplomatie parlementaire est difficile, mais indispensable au vu de la situation dramatique. Mes années passées à travailler avec les Birmans, avec les ONG sur place, m'ont convaincue que notre approche doit être globale et inclure tous les acteurs, la priorité étant l'arrêt des exactions.

Avec mon homologue de l'Assemblée nationale Alain David, nous avons publié, en juin dernier, une tribune dans Le Monde appelant à la reconnaissance du Gouvernement d'union nationale et à l'affectation des dividendes versés par Total sur un compte bloqué.

Lors d'une récente question d'actualité au Gouvernement, je vous ai interrogé, monsieur le ministre, mais des questions restent en suspens. L'examen de cette proposition de résolution est autant un appel à la diplomatie qu'un point d'étape sur les démarches déjà menées.

Où en sont les négociations au niveau de l'Union européenne ? Quel est le bilan du troisième train de sanctions, qui semblent insuffisantes et affectent la population civile ? En 2007 déjà, j'interrogeais le ministre des droits de l'homme sur les revenus de la junte : peu a été fait depuis.

La neutralité affichée de l'Asean ne peut justifier l'inaction : comment pouvons-nous agir sur cette organisation, sur les voisins que sont la Chine et l'Inde, voire sur les Nations Unies ?

Comment l'Agence française du développement (AFD) agit-elle dans le pays ? Quel est le bilan des investissements ?

La mobilisation doit être plus large, économique bien sûr, mais aussi humanitaire et culturelle.

Enfin, la remise du Prix Nobel de la paix à Aung San Suu Kyi reste pour moi un moment d'immense espoir. Mais je m'inquiète pour elle : avez-vous des informations sur les conditions de sa détention ?

La France doit agir pour éviter à la Birmanie de sombrer dans les ténèbres. Le peuple birman, assoiffé de démocratie, se bat seul et compte sur nous.

Les Nations Unies doivent opérer un embargo total sur les armes, il faut renforcer le dialogue avec les milices ethniques et reconnaître le Gouvernement d'union nationale.

La France a une responsabilité historique et doit rester fidèle à ses valeurs. Nous sommes tous birmans.

M. Guillaume Gontard .  - Cette proposition de résolution transpartisane mérite un soutien unanime du Sénat.

Des millions de personnes ont manifesté, mais le résultat est dramatique : plus de 1 000 morts et 700 000 déplacés internes, alors que le pays est miné par les conflits interethniques et la pandémie.

Les ONG dénoncent des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des actes de torture et de viol qui pourraient être considérés comme des crimes contre l'humanité.

Le refus d'un siège à l'Assemblée générale de l'ONU opposé au régime le mois dernier est une maigre victoire obtenue après un accord avec la Chine.

Ce régime brutal se maintient au pouvoir par la violence, mais les groupes armés locaux n'ont pas les moyens de la reconquête. Ne nous laissons pas abuser par ce pouvoir tyrannique.

Le 7 septembre dernier, le président du Gouvernement d'union nationale appelait à un soulèvement populaire. Ce gouvernement est l'espoir du retour de la démocratie et sa légitimité politique est indéniable : issu des urnes, il intègre toutes les minorités du pays. C'est une indéniable amélioration par rapport au Gouvernement d'Aung San Suu Kyi qui avait défendu la persécution des Rohingyas.

Mais il a besoin du soutien de la communauté internationale : le soutien informel n'est plus à la hauteur.

Le GEST votera évidemment cette proposition de résolution. La France doit travailler avec ses partenaires européens et demander la libération des prisonniers politiques ainsi que la fin de l'état d'urgence. Il est de notre devoir de soutenir le Gouvernement d'union nationale. En votant ce texte, nous défendons nos valeurs.

Enfin, n'oublions pas les difficultés d'autres pays du monde, notamment africains : la France et l'Union européenne doivent les accompagner dans leur transition démocratique, sans faire le tri en fonction d'intérêts militaires et économiques.

Mme Michelle Gréaume .  - Depuis le 1er février 2021, la Birmanie est dans le chaos. Ce quatrième coup d'État en à peine 65 ans a fait plus de 1 000 victimes civiles et 4 000 prisonniers. Hôpitaux et postes de police ont été vidés par une purge des fonctionnaires : 300 000 travailleurs ont été licenciés dans un pays qui compte déjà 25 millions de pauvres...

Que faire ? D'abord condamner le coup d'État. Cette proposition de résolution le fait, notre groupe la votera.

Le blocage d'une résolution ferme du Conseil de sécurité par la Russie et la Chine est à déplorer. La résolution du 3 février va certes dans le bon sens, mais elle est insuffisante. Il a fallu attendre le 18 juin pour que les Nations Unies condamnent officiellement le coup d'État.

L'Union européenne impose des sanctions économiques, mais elles excluent des secteurs essentiels.

La junte, dans les années 1990 et 2000, a pillé les ressources, alors que dans les années 1930, la Birmanie était le plus grand exportateur de riz au monde et avait les meilleures universités d'Asie du Sud-Est ! Soixante ans de régime militaire ont tout ruiné et deux générations ont été sacrifiées.

Il faut tout mettre en oeuvre pour ne pas soutenir la junte, même indirectement. La résolution votée le 18 juin appelle à mettre fin à l'afflux d'armes : espérons que cela se révèle plus efficace que le précédent appel concernant la Libye...

D'après une enquête du Monde, Total, qui exploite un gisement gazier en Birmanie, serait associé au détournement de centaines de millions d'euros au profit de la junte. Si cela est avéré, c'est un véritable scandale. La décision de Total, prise sous la pression des ONG, de suspendre ses versements aux actionnaires birmans n'est qu'une microréponse à un gigantesque problème.

Enfin, il faut penser à l'avenir. La Birmanie était déjà très divisée, politiquement et ethniquement, malgré un dialogue interethnique ouvert au printemps 2016. Le massacre et la déportation de 700 000 Rohingyas nous le rappellent. La Birmanie paye encore le lourd tribut des stratégies cyniques du temps de l'occupation britannique. Il faut soutenir l'initiative de la Cour pénale internationale (CPI) pour établir les responsabilités dans les exactions de 2017. Mais cela implique un retour du Gouvernement d'union nationale, légitimement élu en novembre 2020 et aujourd'hui condamné à la clandestinité.

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Yves Bouloux applaudit également.) Merci à Pascal Allizard pour son initiative, que nous avons été nombreux à cosigner.

Alors que les Birmans étaient jusque-là divisés, la création de ce gouvernement le 16 avril dernier a suscité un immense espoir, pour la première fois, chacune des principales ethnies étant représentée.

Depuis l'arrestation du Président de la République Win Myint et d'Aung San Suu Kyi, sa conseillère, le 1er février 2021, la junte gouverne par la violence. Les élections du 8 novembre 2021 avaient pourtant été remportées par la Ligue nationale pour la démocratie.

Paris a fermement condamné ce coup d'État et appelé au respect du résultat des élections. L'action du G7, de l'Union européenne et la communauté internationale n'ont pas suffi à rétablir la situation.

En mars et avril, le soulèvement citoyen s'est tari face à une armée qui tirait à balles réelles : plus de 1 000 civils tués, au moins 6 700 arrestations. L'économie est exsangue, les systèmes sanitaires et éducatifs sont de plus en plus défaillants.

Les 54 millions de Birmans font face à des crimes odieux, à la mort, à la destruction. Plus de 6,4 millions sont menacés de famine.

Depuis février 2021, la vaccination a été interrompue ; la gestion sanitaire de l'armée est désastreuse et le virus tue massivement.

Monsieur le ministre, un plan d'action humanitaire est-il envisageable ?

Le président par intérim du Gouvernement d'union nationale appelle à un soulèvement armé contre la junte, ce qui laisse craindre le déclenchement d'une guerre civile. Certes, les militaires n'ont pas le soutien du peuple, mais leurs opposants n'ont pas les moyens de dominer sur le terrain : ils ont besoin d'un soutien international.

Or si l'ambassadeur précédemment nommé a conservé son siège à l'ONU, il n'a pu s'exprimer à l'assemblée générale.

La feuille de route en cinq points de l'Asean n'est pas respectée. La règle du consensus paralyse les prises de position claires au sein de cette organisation.

Il faut envisager d'autres pistes, à commencer par les sanctions économiques, notamment le blocage des avoirs des militaires.

Même si la position de Pékin reste floue, son soutien penche davantage vers le gouvernement militaire, auquel elle achète notamment teck, jade et métaux rares.

On peut également s'interroger sur le positionnement des groupes pétroliers : les sommes versées permettent aux putschistes de rémunérer militaires et policiers. Total s'était engagé à verser en compensation le montant des impôts et des taxes aux organisations humanitaires : les mois passent, mais toujours rien. L'apport financier du secteur des hydrocarbures à un pouvoir illégitime est un problème.

Cette proposition de résolution envoie un signal politique fort de soutien à la Birmanie, mais elle doit aussi encourager notre exécutif et nos partenaires diplomatiques à se mobiliser.

L'espoir subsiste et nous devons l'accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Franck Riester, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité .  - Jean-Yves Le Drian m'a demandé de le représenter, ne pouvant être présent au Sénat.

Votre proposition de résolution est l'expression de notre solidarité avec le peuple birman, face à la dégradation de la situation politique. Le coup d'État est une atteinte à l'État de droit, condamnée par la France avec la plus grande fermeté.

Nous ne reconnaissons, comme nos partenaires européens, aucune légitimité au Gouvernement issu du coup d'État et sommes particulièrement préoccupés par la situation humanitaire.

La situation sanitaire est également préoccupante : la répression contre le personnel médical a affaibli la réponse à la deuxième vague de l'épidémie qui frappe le pays depuis l'été dernier.

Aung San Suu Kyi est détenue depuis le 1er février, sur des charges arbitraires - de corruption notamment. Les audiences de son procès, suspendues en juillet, ont repris en septembre.

La France s'est mobilisée dès le premier jour pour pousser la communauté internationale à prendre une position claire reposant sur le respect et la protection des droits de l'homme.

La résolution de l'assemblée générale de l'ONU du 18 juin appelle tous les États à un embargo sur les armes et identifie la désescalade comme une priorité.

La France a aussi joué un rôle moteur au niveau européen. Deux premiers trains de sanctions visent 21 individus, les deux principaux conglomérats militaires et leurs 34 filiales. Sont aussi ciblées les entreprises publiques dans les secteurs du bois et des pierres précieuses. Aucune piste de sanctions commerciales n'est écartée, y compris la suspension du régime européen « Tout sauf les armes ».

Nous voulons frapper la junte, notamment par la fin des programmes d'aides au gouvernement.

S'agissant de Total, nous prenons acte des décisions de l'entreprise. Notre position est sans ambiguïté : frapper les intérêts économiques des forces de sécurité birmanes tout en préservant la population civile. Le groupe annonçait le 26 mai que «  lors de l'assemblée générale de Moattama Gas Transportation Company Limited du 12 mai dernier, toutes les distributions aux actionnaires de cette société ont été suspendues ». MOGE a donc cessé de percevoir les dividendes mensuels pour le champ gazier de Yadana, exploité depuis 1992.

La majeure partie de l'aide française au développement a été suspendue, car elle ne répondait pas à nos trois principes : pas de nouveaux transferts financiers, pas de nouvel accord, pas de contacts de haut niveau.

Nous cherchons à protéger les populations civiles ; notre aide aux organisations de la société civile sera donc maintenue.

La France reconnaît les États, non les Gouvernements. C'est pourquoi elle ne reconnaît pas le Gouvernement d'union nationale mais elle s'efforce de lui donner une tribune dans les instances multinationales. La ministre des droits des femmes, de la jeunesse et de l'enfant du Gouvernement d'union nationale a ainsi pu s'exprimer en séance publique du Conseil de sécurité, en juillet, pendant la présidence française.

Joseph Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, commentait le 30 avril 2021 les résultats de la réunion de l'ASEM.

La France ne voulant donner aucune légitimité à la junte, elle ne doit pas devenir la voix de la Birmanie à l'assemblée générale de l'ONU.

La France ne reconnaissant que les États et non les gouvernements, je m'en remets à la sagesse du Sénat. (Mme Patricia Schillinger applaudit, ainsi que MMJean-Claude Requier et Joël Guerriau.)

La proposition de résolution est adoptée à l'unanimité.

(Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Pacte européen pour l'asile et les migrations

M. le président - L'ordre du jour appelle le débat sur le pacte européen pour l'asile et les migrations.

Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) En présentant, il y a un an, son pacte européen pour l'asile et la migration, la Commission européenne promettait de tourner la page des carences du système des relations extérieures et des divisions internes qui ont causé l'échec du paquet « Asile », dans une Europe en tragique état de fragilité face aux migrations.

Le changement climatique et l'explosion démographique de l'Afrique vont provoquer un afflux de migrants. Lors de la première crise des réfugiés, les fondations de l'espace Schengen vacillèrent et la question migratoire devint essentielle. Des voisins exploitent nos failles, à commencer par la Turquie qui a reçu de l'Union européenne 6 milliards d'euros depuis 2016 grâce à un chantage migratoire. Le Maroc et la Biélorussie s'essayent désormais à la même méthode.

Rappelons ce principe cardinal : nul ne peut s'installer sur le territoire de l'Union européenne sans y avoir été préalablement autorisé.

La constitution d'un système européen robuste, en mesure de faire respecter ce principe quelles que soient les circonstances, est donc la première des priorités.

Le pacte renforce le cadre de gouvernance, mais cela sera-t-il suffisant ? En l'absence de régime contraignant, tout reposera sur la pression des pairs et sur l'engagement de la Commission à recourir aux procédures d'infraction à l'encontre des États qui ne rempliraient pas leurs obligations légales.

L'Europe ne doit pas seulement surveiller et sanctionner les pays ; elle doit permettre à ses États membres de retrouver des marges de manoeuvre, tant en termes de moyens que de procédures.

La création prochaine de l'Agence européenne pour l'asile après celle, en 2016, d'un véritable corps européen de garde-côtes et garde-frontières sont à saluer.

Je pense également aux nouveaux systèmes de contrôle aux frontières, à l'interconnexion des bases de données numériques ou encore au doublement des fonds dédiés à la gestion des migrations et des frontières.

Les procédures de filtrage à la frontière prévues par le pacte devraient renforcer l'efficacité de l'action des États membres. En recourant plus facilement à la rétention, ils pourront mieux distinguer ceux qui doivent partir de ceux qui ont vocation à rester.

En 2018, seuls 39 % des demandes d'asile recevaient une réponse positive en première instance.

Néanmoins, le nouveau règlement sur la gestion de l'asile et des migrations, proposé en remplacement du décrié règlement de Dublin, appelle à davantage de circonspection.

La proposition a le mérite d'abandonner définitivement l'idée des « quotas » de migrants, qui a contribué à tendre à l'extrême les relations entre États membres.

Le nouveau mécanisme a cependant tout de l'usine à gaz - surtout concernant le parrainage des retours.

Sa crédibilité dépendra de la capacité à assurer les retours. Or les chiffres sont catastrophiques : seuls 29 % de ceux qui ont l'ordre de quitter l'Union européenne la quittent effectivement ; 19 % seulement si l'on exclut les ressortissants des Balkans occidentaux... Le signal délétère envoyé à nos concitoyens, comme aux migrants et aux passeurs, mine tous les efforts entrepris.

Il est consternant que le poste de coordinateur de l'Union européenne pour les retours n'ait toujours pas été pourvu.

Il faut plus de fermeté sur le volet extérieur de la politique de retours, avec une extension aux accords commerciaux et à l'aide au développement, pour s'assurer de la coopération des pays tiers.

Après cinq ans de négociations infructueuses et de psychodrames, nous ne pouvons plus nous permettre d'être inefficaces.

Lors de la précédente présidence française de l'Union européenne en 2008, Nicolas Sarkozy avait réussi à convaincre ses homologues. Espérons qu'il en ira de même lors de la prochaine présidence française. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Je remercie le groupe Les Républicains du Sénat d'avoir provoqué ce débat sur un sujet qui préoccupe nos concitoyens.

Notre politique européenne commune en matière d'asile et d'immigration doit être revue en profondeur pour mieux répondre aux flux migratoires ainsi qu'aux situations de crise, comme celle que nous avons connue en 2015. La France appelle de ses voeux depuis longtemps une réponse ambitieuse.

On ne peut pas avoir un espace intérieur sans frontières - un de nos acquis les plus précieux - et se satisfaire de la disparité de fonctionnement des États membres. Surtout lorsque certains États tiers instrumentalisent les flux avec un cynisme certain  - nous l'avons vu récemment avec la Biélorussie.

Pourtant, l'Europe n'est pas restée sans réagir depuis 2015. Frontex a été doté de moyens considérables. La proposition de la Commission européenne du 23 septembre 2020 sur un nouveau pacte pour les migrations et l'asile est ambitieuse : il embrasse l'ensemble du champ migratoire et opère une refonte globale du droit d'asile.

Trois sujets doivent être distingués. Nous ne pouvons pas laisser les États membres dits « de première entrée » subir seuls les conséquences de la géographie. Il faut plus de solidarité, comme la France l'a fait avec la Grèce ou l'Italie. Ensuite, la disparité actuelle des pratiques n'est pas viable : une harmonisation s'impose. Enfin, les États membres - et notamment ceux qui, comme la France, sont les principaux destinataires des flux secondaires - doivent avoir la garantie que les migrants arrivant en Europe sont dûment enregistrés dans les systèmes d'information européens et que ceux qui sont inéligibles à l'asile puissent être éloignés rapidement. Sinon, ils alimentent pendant des années des flux secondaires à travers l'Europe.

Ce dernier point renvoie à la protection de la frontière extérieure. Pour répondre au terrorisme islamiste qui a frappé notre pays en 2015, nous avons procédé au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures comme le permet le code Schengen. Ce filtrage doit être maintenu pour instaurer à la frontière extérieure de l'Union des obligations de contrôle beaucoup plus strictes.

L'Union européenne a adopté en 2019 le mécanisme de visa-réadmission, afin de restreindre l'accès aux visas pour les pays qui rechignent aux réadmissions. Elle doit mener un dialogue plus exigeant avec les pays d'origine et de transit, incluant la coopération en matière de réadmission, mais aussi la lutte contre les trafics d'êtres humains et les réseaux de passeurs.

Nous sommes à quelques semaines de la présidence française du conseil de l'Union européenne. La France assurera avec détermination la conduite des négociations européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Ravier .  - Ce débat est truqué. À quelques mois de la présidentielle, la droite cherche à nous refaire le coup de Sarkozy en 2007 : montrer les muscles et parler fort contre l'immigration. Mais nous connaissons le truc : on nous avait promis le kärcher, nous avons eu Kouchner ! D'ailleurs, vu le nombre de sénateurs Les Républicains présents, il semble que la droite elle-même n'y croit plus.

Cinq millions de clandestins sont entrés pendant la crise de 2014 déclenchée par votre grande amie Angéla Merkel. C'est la population du Danemark.

Je ne suis pas hostile à l'idée d'un pacte - celui de l'inversion des flux migratoires !

Vidons les prisons, les mosquées, les banlieues de tous les étrangers qui détestent la France, qui agressent, tuent, violent ou pillent ! Certes, il y aura un pic d'émissions de CO2 avec les charters... Mais nous planterons des arbres dans nos banlieues redevenues françaises !

À quand un Haut-Commissariat à la « remigration » ? Il faut rapatrier ces étrangers !

Loin d'être une richesse pour notre pays, l'immigration le ruine ; loin d'être une chance, c'est un fléau pour les Français. Le seul pacte qui vaille, c'est celui du grand rapatriement des étrangers vers leurs pays d'origine !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je suis embarrassée pour vous répondre : je ne suis pas la porte-parole du groupe Les Républicains, ni de Mme Merkel. (Sourires)

Chacun aura été frappé par l'outrance de vos propos. Le Gouvernement n'entend pas renvoyer l'ensemble des étrangers ni leurs descendants. Nous regardons les personnes pour ce qu'elles font. Nous avons naturalisé 12 000 étrangers car ils ont travaillé en première ligne durant la crise sanitaire et tenu le pays pendant le confinement !

Mme Patricia Schillinger.  - Très bien !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous voulons faire respecter les obligations de quitter le territoire, mais nous saluons la richesse de la France, construite également grâce à l'immigration. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte .  - Trois enseignements depuis 2015 : les évolutions des politiques européennes ont permis de faire face ; une solidarité européenne est nécessaire ; les gesticulations nationales aggravent la situation et ne sont donc pas la solution.

Pourtant, Michel Barnier demande un bouclier constitutionnel contraire au droit européen.

Quant à la Pologne, elle subit la pression d'un État passeur. Cette situation est préoccupante.

À quoi un nouveau pacte servira-t-il si des États membres annoncent d'ores et déjà qu'ils ne le respecteront pas ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Les règles antérieures n'ont pas été efficaces, d'où ce pacte pour partir sur de nouvelles bases.

La libre circulation implique des règles communes. Nous ne pouvons nous satisfaire de la disparité des pratiques actuelles. Il ne s'agit pas d'une réforme du droit européen de l'asile mais de toutes les migrations. Nous continuerons de faire valoir la position de la France.

M. Jean-Yves Leconte.  - Pensez-vous que nos gesticulations à la frontière espagnole nous rendent plus crédibles ?

Mme Patricia Schillinger .  - Plusieurs États membres, dont la France, sont en première ligne dans l'accueil des flux migratoires.

La Commission européenne a présenté il y a un an son pacte pour l'asile et les migrations destiné à renforcer les frontières extérieures, à instaurer un partage plus équitable des responsabilités et à améliorer la coopération avec les pays tiers. Son adoption est au point mort. Chacun préfère se renvoyer la balle. Le Parlement européen lui-même a accueilli froidement ce pacte, en raison du maintien du principe de la responsabilité du pays de première entrée, qui a montré ses limites.

À la tête de l'Union européenne dans moins de trois mois, la France pourra-t-elle débloquer les négociations ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le pacte européen se compose de plusieurs instruments législatifs, donc certains progressent. Certes, des blocages persistent. Les pays de première entrée demandent davantage de garanties en matière de solidarité. La Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Tchéquie plaident pour plus de flexibilité pour ne pas souscrire à la relocalisation. D'autres, comme la France, ont une position plus nuancée et sont attachés aux quatre volets principaux du pacte : la solidarité, la responsabilité, les procédures frontalières et la dimension externe.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Nous allons connaître des tensions démographiques, géopolitiques et climatiques qui vont accroître les mouvements de populations.

Dans ce contexte, l'Union européenne doit être synonyme de protection, de liberté et de stabilité.

Je ne crois pas à la solidarité ni à la répartition des efforts que prévoit ce pacte. Ils voleront en éclats à la première crise venue. Souvenons-nous de la Syrie... Nous devons cependant travailler à une harmonisation du droit d'asile.

La frontière n'est plus avec l'Allemagne et la Belgique, mais à la porte de l'Estonie, de l'Italie ou de la Grèce. Pour porter une véritable politique d'immigration, il faut s'en donner les moyens, notamment avec Frontex. Nous comptons sur la présidence française pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le renforcement de Frontex est largement entamé. Divers règlements en témoignent, surtout celui du 13 novembre 2019.

Le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes fera passer Frontex de la réactivité à la proactivité.

Le 9 décembre 2020, une nouvelle organisation de Frontex a été actée. Ses moyens humains seront progressivement accrus : de 6 500 personnes en 2022, ils passeront à 8 000 en 2024, puis à 10 000 en 2027.

M. François Bonhomme .  - La réponse aux mouvements migratoires est un enjeu majeur pour l'Union européenne.

La crise syrienne a été le révélateur de notre impuissance. La présentation du pacte européen pour l'asile et les migrations vise à surmonter les blocages.

Il est certes nécessaire d'apporter plus de cohérence et de confiance mutuelle au sein de l'Union. L'irénisme et le déni de réalité à Bruxelles ont nourri un laisser-aller qui a fait beaucoup de tort. Non, ce n'est pas la première fois que l'objectif de renforcer des frontières extérieures est annoncé. Le principe de pays de première entrée n'est pas abrogé mais il arrive en dernière position des critères retenus.

Quel mécanisme proposerez-vous pour que la France ne se retrouve pas confrontée à un nombre disproportionné de demandes d'asile ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La recherche d'équilibre entre les États membres nous guide. Le Gouvernement est convaincu que ce pacte européen nous redonnera la main sur notre politique migratoire, ce qui nous permettra d'être plus efficaces.

La France devrait recevoir mécaniquement moins de demandes d'asile, et des demandes mieux ciblées, de personnes francophones ou ayant des liens forts avec la France. Je suis sensible aux mots de cohérence et de confiance que vous avez employés.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le pacte européen pour l'asile et les migrations n'est guère novateur : c'est à peine une reprise des hot spots de 2016.

Le programme de relocalisation, déjà modeste, n'a jamais été respecté. La France devait accueillir 10 000 personnes ; elle n'en a reçu que 600, en queue de peloton, aux côtés de l'Autriche et de la Pologne.

En vérité, le nouveau pacte n'est pas destiné à favoriser l'accueil. La directive de 2001 pourrait être activée pour instaurer une vraie solidarité. Pourquoi la France ne l'a-t-elle jamais proposé, ni en février 2020 lorsque la Turquie expulsait des migrants syriens vers la Grèce, ni à Kaboul lorsque des milliers d'Afghans étaient livrés aux Talibans ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La directive de 2001 est destinée à faire face à un afflux massif de personnes déplacées qui ne peuvent rentrer dans leur pays d'origine. Elles bénéficient alors d'une protection temporaire immédiate.

L'activation de cette protection pour les Afghans n'est pas nécessaire, grâce à la mobilisation exceptionnelle de l'État, des associations et des ONG. Cette mobilisation se poursuit. Je salue notamment l'action de la délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés (Diair).

L'office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) instruira les demandes d'asile en deux mois. À ce stade, le régime de la protection temporaire n'a donc pas besoin d'être activé pour les Afghans.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il nous faut une politique d'accueil humaniste et respectueuse du droit d'asile. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - Les négociations engagées autour du pacte européen ne nous laissent guère d'espoir. L'égoïsme des uns nourrit la défiance des autres. Ainsi pour l'accueil des Afghans, nous nous sommes livrés à des comptes d'apothicaires...

Des pratiques de refoulement contraires au droit ont eu lieu en Grèce pour repousser les migrants venus de Turquie. Alors que les réfugiés climatiques - 250 millions en 2050 selon l'ONU  - et les crises politiques vont se multiplier, ce pacte n'est pas acceptable. Quelle sera la position de la France ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le pacte ne déroge pas au droit en vigueur : il vise au contraire à renforcer les règles communes, dans la cohérence. Les discussions se poursuivent pour surmonter les divergences entre États membres.

Il faut trouver un juste équilibre entre responsabilité et solidarité. S'agissant de l'Afghanistan, une politique partenariale a été menée, notamment avec l'Allemagne. La majorité des personnes que nous avons rapatriées ont envie de s'intégrer en France.

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les chances d'adoption de ce pacte au premier semestre 2022 sont quasi nulles. Ne vaudrait-il pas mieux explorer la voie d'une coopération renforcée ?

Le Danemark procède à une externalisation du droit d'asile : qu'en pense le Gouvernement ? Une procédure d'infraction est-elle envisagée au niveau européen ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le Parlement danois a décidé d'externaliser sa politique d'asile, sauf quelques exceptions,  pour les personnes gravement malades, les mineurs non accompagnés ou les demandeurs dont la famille réside légalement au Danemark.

La loi danoise ne précise pas les modalités de mise en oeuvre : à ce stade, il est trop tôt pour faire une analyse juridique de cette mesure, qui n'est qu'une faculté. En outre, ce pays ne participe qu'au dispositif Dublin 3 et à Eurodac.

Le Danemark peut négocier ses propres accords de réadmission avec les pays tiers. Toutefois, les accords qu'il pourrait passer devront respecter les droits fondamentaux des personnes.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Une coopération renforcée serait utile pour avancer sur ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - La question migratoire est un défi permanent pour l'Union européenne depuis 2015. Nous sommes ouverts aux propositions du pacte européen, mais inquiets des positions de certains pays.

Le travail de Frontex est reconnu mais critiqué, notamment par la Cour des comptes. Son règlement a été modifié à quatre reprises pour faire face aux défis migratoires. Les moyens opérationnels sont-ils suffisants et les personnels convenablement formés ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le renforcement de Frontex est en cours, je l'ai déjà rappelé. Les moyens humains vont être renforcés, jusqu'à 10 000 agents en 2027. La création d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes est une avancée majeure. La France veillera à ce que personnels reçoivent une formation adéquate et des évaluations seront conduites régulièrement.

M. Didier Marie .  - La pression migratoire a bien diminué, après la crise de 2015. Laissons donc là les outrances électorales. Obtenir l'asile est un véritable chemin de croix. La solidarité fait défaut en Europe et les logiques nationales l'emportent.

Ce pacte n'est pas satisfaisant. Le filtrage envisagé n'est pas acceptable, non plus que l'absence d'obligations en matière de solidarité. Les zones de filtrage risquent de devenir zones de rétention.

Ce pacte sera-t-il adopté, abandonné, ou scindé par thèmes ?

Ne vaudrait-il pas mieux privilégier les coopérations renforcées, avec une conditionnalité des aides pour ceux qui ne jouent pas collectif ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous préparons notre programme de présidence en vue de faire avancer le débat en Europe.

Des discussions sont en cours sous la présidence slovène. La modernisation d'Eurodac sera un premier pas, de même que le règlement Filtrage qui instaure des procédures plus rigoureuses à la frontière extérieure. Il faut sortir de la logique de négociation en paquets et progresser thème par thème, pour plus d'efficacité.

M. Pascal Allizard .  - À quelques mois des élections, le Gouvernement pratique une politique de restriction des visas pour augmenter le nombre de retours. Mais quid des migrants qui veulent gagner le Royaume-Uni ? Les côtes de la Manche et de la Mer du Nord, dont celle du Calvados, subissent une situation qui dure depuis le Brexit et le durcissement des positions du Royaume-Uni, lequel veut désormais refouler des embarcations vers la France.

Comment comptez-vous régler cette question, et, plus largement, mettre à profit la présidence française de l'Union européenne pour avancer sur les enjeux migratoires ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Une douzaine de textes migratoires sont en discussion. Les négociations sont difficiles, mais nous sommes convaincus que nous avons besoin d'instruments plus robustes.

Le renforcement de l'Agence européenne, en particulier, est indispensable. La présidence slovène espère un accord sur Eurodac.

Nous ferons progresser le règlement Filtrage et la négociation sur le règlement Schengen.

M. Jean-Michel Arnaud .  - En dépit du règlement Dublin 3, une partie significative des demandes d'asile ne sont pas traitées par les États, ce qui augmente les mouvements secondaires.

Dans mon département des Hautes-Alpes, plus de 11 000 passages illégaux ont été répertoriés en 2020 entre l'Italie et la vallée de Briançon, par le col de l'Échelle devenu tristement célèbre.

Les moyens de la police aux frontières sont insuffisants pour garantir un accueil digne. Les difficultés se concentrent dans le traitement des demandes et dans l'exécution des obligations de quitter le territoire.

Que sera l'apport du coordinateur européen chargé des retours ?

Que prévoit le pacte européen pour limiter les mouvements secondaires alors que risquent d'arriver 200 000 Afghans ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La stratégie de l'Union européenne en matière de retour volontaire et de réintégration est un objectif-clé du pacte ; mais les écarts entre les procédures d'asile et de retour, la difficulté d'empêcher la fuite des personnes, les capacités administratives limitées expliquent le faible succès jusqu'à présent des programmes d'aide au retour volontaire. L'agence Frontex et le coordinateur pourront apporter un soutien technique supplémentaire aux États.

Si les flux à l'entrée sont mieux pris en charge, les flux secondaires seront mécaniquement mieux jugulés. Sur le département des Hautes-Alpes, nous sommes passés de 2 200 à 4 400 personnes.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Je m'interroge sur la capacité des États à tenir leurs frontières et à protéger ceux qui en ont vraiment besoin. Le statut de mineur isolé est souvent prétexte à la fraude.

M. Jean-Yves Leconte .  - La réduction amorcée des visas pour les Algériens, Marocains et Tunisiens risque de nuire à notre attractivité s'il s'agit de longs séjours, et revient à punir les populations pour l'action supposée de leurs gouvernements. Pour de courts séjours, il suffira de s'adresser à un autre membre de l'espace Schengen pour obtenir un visa... Sans compter que le code Schengen impose de motiver les refus de visas.

Quels sont exactement les visas ciblés ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - À l'issue d'un long dialogue politique qui n'a pas abouti, nous avons décidé d'une réduction du nombre de visas de moitié pour l'Algérie et le Maroc et de 30 % pour la Tunisie. La coopération de ces pays en matière de réadmissions est insuffisante : seuls 105 Marocains ont été réadmis entre le 1er janvier et le 31 août, contre 908 en 2019 ; 25 Algériens l'ont été, contre 1 677 en 2019 ; 156 Tunisiens, contre 915 en 2019. Et ceci, alors que la pression migratoire en provenance de ces pays est forte et que les personnes concernées sont impliquées dans des troubles à l'ordre public.

Ces mesures sont évidemment réversibles. Le dialogue continue, que chacun prenne ses responsabilités. Nous constatons d'ailleurs des progrès avec la Tunisie.

Plutôt que les étudiants, les voyages d'affaires, les passeports talents et les travailleurs qualifiés, la France visera en priorité les milieux dirigeants.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il aurait fallu isoler uniquement les visas diplomatiques et de service. Tout cela n'est guère sérieux !

Le pacte a pour ambition de remplacer les migrations illégales par des migrations légales : votre Gouvernement fait tout le contraire !

Mme Christine Lavarde .  - Il y a six ans, les Européens découvraient l'impréparation des États de l'Union face aux flux migratoires. En cause : la fragmentation des bases de données et leur inégale utilisation. Les difficultés de gestion ne sont pas nouvelles, ayant été identifiées dans un rapport de 2007 préalable à une modification du règlement Eurodac en 2008. La création de nouveaux systèmes d'information a donc été logiquement un chantier prioritaire ; en 2016, la proposition de réforme dite Dublin 4 devait intégrer de nouveaux éléments d'identification dans Eurodac.

Observe-t-on déjà des résultats opérationnels ? Tous les États membres utilisent-ils pleinement les bases de données ? La réforme d'Eurodac a-t-elle une chance d'être adoptée ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - L'interopérabilité fera dialoguer tous les systèmes d'information européens avec notamment ceux de Schengen et Eurodac. On pourra comparer les données biométriques des ressortissants étrangers. Elle devra arriver fin 2023 et apportera des améliorations majeures.

Mme Christine Lavarde.  - Le projet Dublin 4 avait déjà échoué faute d'accord. Ma question portait sur la possibilité d'un accord politique... (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Alain Cadec .  - La Commission européenne propose un nouveau système européen de gouvernance. Au vu des dysfonctionnements dans certains États membres, cela devient indispensable, mais semble insuffisant.

Schengen est avant tout un espace de souveraineté commune et devrait rassembler les États qui assurent cette souveraineté. Il faudrait donc pouvoir sanctionner, voire suspendre les États défaillants.

Le Président de la République a dit vouloir une remise à plat de l'espace Schengen, avec une obligation de responsabilité pour les États participants. La France plaidera-t-elle pour un régime de sanction pour les États qui ne contrôlent pas leurs frontières ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - L'espace Schengen implique le contrôle des frontières extérieures des États. C'est pourquoi ceux-ci sont évalués régulièrement. En cas de défaillance, la Commission européenne peut recommander de déployer des gardes-frontières de Frontex, voire réintroduire un contrôle des frontières intérieures. Enfin, elle pourrait lancer une procédure d'infraction devant la Cour de justice de l'Union européenne.

M. Alain Cadec.  - Beaucoup de conditionnels, madame la ministre ! Vous n'avez pas répondu à ma question : y aura-t-il des sanctions ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi .  - Quand je lis les déclarations polonaise, tchèque, slovaque, danoise ou hongroise, je ne me fais guère d'illusions sur l'adoption du pacte. En revanche, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement français entend par politique de droit d'asile équilibrée ? Quelles mesures pouvez-vous prendre au niveau national ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Vaste question. Je suis d'accord avec vous : la migration ne se règle pas avec des déclarations. Mais contrairement à vous, nous croyons à l'adoption de ce pacte.

En France, le Gouvernement a pris l'initiative de la loi Asile et immigration, défendue par Gérard Collomb, dès le début du quinquennat. Nous voulons concilier humanité et fermeté. C'est le sens des instructions données par Gérald Darmanin sur l'exécution des obligations de quitter le territoire français.

Nous voulons réduire à six mois le délai de réponse pour le droit d'asile, en renforçant les moyens humains de l'Ofpra. En cas de réponse négative, il faut reconduire à la frontière. En cas de réponse positive, il faut engager celui qui a obtenu l'asile dans un parcours d'intégration ; nous avons ainsi porté à 600 le nombre d'heures de cours de français.

M. Roger Karoutchi.  - En 2019, le Président de la République avait promis une réforme du droit d'asile qui n'a jamais vu le jour... Le Sénat a adopté des textes en vue d'une association du Parlement pour définir des quotas et déterminer les pays sûrs.

Pour éviter les fantasmes, ayons un débat ouvert au niveau national sur le droit d'asile, sans qu'on nous oppose systématiquement le cadre européen. Nous devons partager une vision de ce que doit être la société française. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Cyril Pellevat .  - Certains éléments du pacte font l'unanimité, comme la nécessité de renforcer la dimension extérieure de la politique migratoire européenne. Il faut agir sur ces aspects.

Durcir la politique des visas à l'égard des pays du Maghreb qui rechignaient à délivrer des laissez-passer consulaires est une décision bienvenue, quoique tardive. Toutefois, les récents propos du Président de la République sur l'Algérie étaient maladroits...

L'Union européenne doit durcir le ton. Si certains accords d'association avec les États tiers sont efficaces, comme avec la Jordanie, d'autres non. Ainsi, les accords avec la Turquie n'ont donné lieu qu'à 2 140 reconduites entre 2016 et 2020 !

Appuyons-nous sur les relations privilégiées de certains États membres avec des États tiers.

La France, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, poursuivra-t-elle une politique plus ferme face aux pays non coopératifs ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous avons toujours été fermes sur le sujet. Si nous privilégions le dialogue, des mesures claires sont parfois nécessaires, comme avec le Maghreb.

À l'échelle européenne, nous devons construire des partenariats avec les pays d'origine et de transit autour de l'aide au développement et des voies légales d'immigration. Parallèlement, nous devons mobiliser tous les instruments dissuasifs, comme les restrictions de visas, face aux pays non coopératifs.

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains .  - Merci pour la qualité de ces échanges.

Le pacte est-il nécessaire et utile ? La réponse serait plutôt « oui », compte tenu de la situation de blocage observée en 2015-2016 et les ruptures de solidarité qu'elle a entraînées entre les États membres.

À cela s'ajoutent de nouveaux phénomènes migratoires, comme le chantage à l'humain auquel se livre la Biélorussie, et que dénonce à juste titre Jean-Yves Leconte. Ainsi s'inaugurent de nouveaux modes de migration forcés, inhumains.

Il y a aussi la question afghane. Les 300 000 soldats de l'armée afghane ont été formés et armés par les États-Unis : vont-ils se soumettre au régime taliban, ou émigrer ? On aura alors à nos frontières des gens entraînés aux techniques militaires.

Un mot également sur la durée des discussions. Il y a un an, le vice-président de la Commission chargé du sujet, M. Schinás, disait souhaiter voir ce pacte adopté d'un bloc durant la présidence française. On en est loin. Philippe Bonnecarrère a développé des idées intéressantes mais hélas trop longues à mettre en place.

Certains États membres sont réticents sur les mécanismes de solidarité aux frontières : je pense au groupe dit de Visegrád.

En tant qu'élu du Pas-de-Calais, je ne peux passer sous silence la zone Manche-Mer du Nord, évoquée par Pascal Allizard. La maire de Calais, Natacha Bouchart, m'a montré ses courriers au ministère restés sans réponse. Pas moins de 1 500 migrants sont sur place, et sont à l'origine de nombreux faits délictueux. On ne peut laisser les collectivités territoriales seules, il faut augmenter les moyens.

En 2020, on a dénombré 8 000 traversées de la Manche ; en 2021, nous en sommes à 26 000 à ce jour ! Et cela, sans que les effectifs de police et de gendarmerie n'évoluent.

J'espère que la présidence française fera avancer ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.