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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Création d'une ligue Alsace de tennis

M. Christian Klinger

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Éligibilité au Pass'sport

Mme Corinne Imbert

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Passe sanitaire et entraînements sportifs

Mme Christine Lavarde

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Oubliés du Ségur de la santé (I)

M. Gilbert Bouchet

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Oubliés du Ségur de la santé (II)

M. Bruno Belin

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Bracelets anti-rapprochement

Mme Martine Filleul

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Agrément des associations d'aide aux victimes de violences

Mme Laurence Rossignol

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Services d'aide et d'accompagnement à domicile

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Démarchage téléphonique et appels frauduleux

Mme Laure Darcos

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Exonérations de taxe pour les agriculteurs en conversion biologique

M. Alain Cazabonne

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Financement de l'électrification rurale

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Qualité de l'eau

Mme Florence Blatrix Contat

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Poids lourds dans le massif des Vosges

Mme Patricia Schillinger

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Offre ferroviaire à destination du Sud-Ouest

Mme Nathalie Delattre

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports

Raccordement électrique des parcs éoliens

M. Yves Bouloux

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre chargé des transports

Inégalités homme-femme dans l'ancien comté de Dabo

M. Jean Louis Masson

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité »

Mme Pascale Gruny

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Contribution supplémentaire des communes forestières à l'ONF

M. Patrice Joly

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Financement de la lutte contre la « xylella fastidiosa »

Mme Gisèle Jourda

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Autorisations spéciales d'absence

M. Laurent Burgoa

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Avenir du site Renault de Choisy-le-Roi

M. Laurent Lafon

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Garantie jeunes pour les majeurs issus de l'ASE

M. Rémi Cardon

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Urgences de l'Hôpital Bicêtre

Mme Laurence Cohen

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Pénurie de médecins et classement en zone de vigilance

M. Bernard Bonne

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Chirurgie hyper-ambulatoire

Mme Catherine Deroche

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Report du recensement et DGF des collectivités

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Fermetures administratives des régies publiques

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Fontenoy du maritime

M. Dominique Théophile

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Conservation et valorisation des dolmens

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Mise au point au sujet d'un vote

Accord en CMP

CMP (Nominations)

Les droits des personnes en situation de handicap sont‑ils effectifs et respectés ?

Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE

M. Joël Guerriau

M. Guillaume Chevrollier

Mme Céline Brulin

Mme Brigitte Devésa

M. Bernard Fialaire

Mme Annie Le Houerou

M. Dominique Théophile

M. Marc Laménie

M. Alain Duffourg

Mme Michelle Meunier

M. François Bonhomme

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Harcèlement scolaire et cyberharcèlement

Mme Colette Mélot

Mme Toine Bourrat

M. Pierre Ouzoulias

Mme Annick Billon

Mme Véronique Guillotin

Mme Sabine Van Heghe

Mme Nadège Havet

M. Joël Guerriau

Mme Sabine Drexler

M. Jacques Grosperrin

Ordre du jour du mardi 12 octobre 2021




SÉANCE

du jeudi 7 octobre 2021

3e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-neuf questions orales.

Création d'une ligue Alsace de tennis

M. Christian Klinger .  - Le projet de création d'une ligue de tennis Alsace rencontre des difficultés. Créée après les accords de Matignon et la loi du 2 août 2019, la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) a la possibilité, aux termes de son article 5, de créer des ligues sportives à son échelle. La ligue de tennis Alsace aurait dû être créée le 1er septembre et l'actuel président de la Fédération française de tennis (FFT), Gilles Moretton, s'y était déclaré favorable durant la campagne électorale. Mais les nouvelles instances de la FFT ont ensuite rétropédalé et mis fin au projet, alors que plus de 95 % des clubs du Haut-Rhin et 97 % de ceux du Bas-Rhin le soutenaient...

Que faire pour amener la FFT à respecter l'esprit de la loi ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Après un large processus démocratique et sous l'impulsion du Premier ministre, la loi du 2 août 2019 a en effet créé la CEA.

Toutefois, les services de l'État restent départementaux. Si des organes infrarégionaux peuvent être créés à l'échelle de la CEA, ils doivent s'articuler avec les services déconcentrés. Le code du sport prévoit une telle dérogation.

La FFT est indépendante. Le ministère des sports avait indiqué qu'il examinerait toute demande motivée adressée par la fédération ; il ne peut que le confirmer.

M. Christian Klinger.  - Nous attendons que le Gouvernement intercède auprès de la FFT car la demande émane des clubs à 95 et à 97 %. L'État veille au respect des règles par les fédérations, comme le prévoit l'article L. 111-1 du code du sport.

Éligibilité au Pass'sport

Mme Corinne Imbert .  - Le Pass'sport est une allocation de rentrée sportive de 50 euros par enfant dont l'objectif est de financer l'inscription dans une structure sportive. Il s'adresse aux enfants de 6 à 17 ans bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Il permet l'inscription de 5,4 millions d'enfants à une activité sportive.

Cependant, seules les associations volontaires affiliées à une fédération sportive, et dans les quartiers de la politique de la ville, les associations sportives agréées, peuvent y participer. Or, en milieu rural, des associations ne sont pas affiliées à une fédération - je pense au comité sportif départemental des foyers ruraux. Aussi, ces structures se retrouvent exclues de ce dispositif.

Le Gouvernement entend-il rectifier cette situation ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Le Pass'sport, co-construit avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), est une véritable allocation de rentrée sportive et sera reconduit dans le projet de loi de finances 2022, à hauteur de 100 millions d'euros, pour accompagner la reprise d'une activité et lutter contre le fléau de la sédentarité.

Il a été initialement décidé de s'appuyer sur les associations rattachées à une fédération ou présentes dans les quartiers prioritaires de la ville, pour simplifier le fonctionnement.

Même en milieu rural, les associations peuvent s'affilier à une fédération. Celles qui font le choix de ne pas le faire ne peuvent prétendre au bénéfice du Pass'sport.

Cependant le bilan du 15 octobre prochain sera l'occasion de faire évoluer le dispositif.

Mme Corinne Imbert.  - Votre réponse me laisse espérer une suite favorable. Ne laissez pas de trous dans la raquette de ce bon dispositif !

Passe sanitaire et entraînements sportifs

Mme Christine Lavarde .  - Je regrette l'absence de la ministre des sports qui a pratiqué une discipline impliquant plusieurs entraînements par semaine et beaucoup de matériel. Elle aurait bien compris le problème !

Du Pass'sport au passe sanitaire : depuis juillet, les sportifs doivent présenter leur passe, même pour des activités en plein air.

Le décret du 7 août prévoit que les données ne sont pas enregistrées : il faut donc renouveler le contrôle à chaque séance. Mais les responsables de fédérations ont souligné que les bénévoles ne peuvent pas tout faire !

Jean-Michel Blanquer, le 28 septembre dernier, a fini par déclarer qu'on ne devait présenter le passe qu'une fois. Laquelle de ces deux règles faut-il appliquer ? Le décret où la règle non écrite qui implique la constitution d'un fichier des adhérents déjà contrôlés ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Le passe sanitaire, avec le respect des gestes barrières, est le sésame autorisant la pratique sportive sans jauge ni restriction excessive.

Pour assurer la fluidité et l'efficacité, le ministre échange avec le CNOSF et les autres instances concernées. Le contrôle de passe est confié aux bénévoles ou aux professionnels. Les clubs connaissent leurs membres : le pragmatisme doit être de mise s'agissant des adhérents qui ont un schéma vaccinal complet.

Dans les club-houses et les cafétérias des centres sportifs, le passe reste bien entendu applicable comme dans tout le secteur de la restauration. Il sera bientôt demandé aux jeunes sportifs dès douze ans et deux mois ; les tests resteront gratuits pour les jeunes.

Mme Christine Lavarde.  - Vous rappelez des éléments connus mais j'aurais souhaité une réponse claire : pourra-t-on dresser une liste des adhérents déjà contrôlés ?

Oubliés du Ségur de la santé (I)

M. Gilbert Bouchet .  - Le secteur privé non lucratif représente un grand nombre d'établissements. Les mesures du Ségur de la santé ont été étendues au secteur privé mais sans compensations financières suffisantes pour les organismes de tutelle. La revalorisation des salaires du personnel non médical, à hauteur de 238 euros brut, implique un fort surcoût ; les établissements privés se trouvent en tension sur les ressources humaines ; le personnel cherche à fuir vers le secteur public où les revalorisations sont déjà en vigueur.

En outre, l'évolution des salaires des médecins et la possibilité pour eux d'exercer d'une activité privée dans le public créent une distorsion avec le secteur privé à but non lucratif. Enfin, les professions d'accompagnement des handicapés sont pour la plupart oubliées du Ségur.

Face à cette inquiétude grandissante, quelle aide les établissements privés pourraient-ils espérer ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - L'attractivité des métiers est le pilier du Ségur, avec 9 milliards d'euros de revalorisation, dans le secteur sanitaire et social, pour les établissements publics et privés.

Toutes ces mesures sont financées dans le cadre de l'Ondam. Dès les accords en juillet 2020, les mesures ont été transposées pour les établissements privés et le personnel non médical, soit plus de 1 million de professionnels.

La mission Laforcade a débouché sur une revalorisation des salaires dans le secteur médico-social privé non lucratif.

Les soignants et accompagnants percevront 183 euros net de plus par mois, à compter du 1er janvier 2022 ; l'impact financier est pris en compte par l'assurance maladie.

En outre, le Gouvernement souhaite que les salariés des établissements médico-sociaux bénéficient dès 2022 de la refonte des grilles indiciaires.

Oubliés du Ségur de la santé (II)

M. Bruno Belin .  - On le voit, le compte n'y est pas pour les « oubliés du Ségur ».

Quand les salaires au sein des résidences autonomie seront-ils revalorisés ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Le Gouvernement reconnaît l'engagement des personnels. Dans la continuation des travaux de M. Laforcade, les discussions avec les syndicats se poursuivent, avec un protocole signé le 28 mai étendant le complément de traitement indiciaire à tout le personnel soignant, notamment aux auxiliaires de soins, à compter du 9 octobre.

Les professionnels du privé en bénéficieront aux 1er janvier 2022, grâce à un second accord de méthode. Dans les autres secteurs, toute revalorisation doit faire l'objet de nouvelles discussions.

M. Bruno Belin.  - Je vous remercie mais je regrette l'absence des ministres chargés du sujet. Je n'ai pas eu ma réponse. Il y a 67 millions d'oubliés du Ségur en France. Car aucune réponse n'a été apportée sur les déserts médicaux ; dans ces endroits, souffrance rime avec patience, madame la ministre.

Je tiens aussi à exprimer ma solidarité avec les sages-femmes : le Gouvernement doit les soutenir. Il y a 800 000 naissances chaque année.

Bracelets anti-rapprochement

Mme Martine Filleul .  - Depuis 2019 et la crise sanitaire, violences conjugales et féminicides se multiplient. Le bracelet anti-rapprochement devait être généralisé mais il est rarement imposé au conjoint violent. Ni à Hayange, ni à Mérignac,...

Dans le Nord, 32 seulement sont en service, principalement à Douai. Le ministre de la justice avait pourtant affirmé que les bracelets n'avaient pas vocation « à rester dans les tiroirs ».

Les procureurs demandent des moyens humains supplémentaires. Quand donnerez-vous à la justice les moyens de protéger les femmes victimes, notamment en recrutant des assistants spécialisés et des juristes dédiés ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les violences intrafamiliales sont un véritable fléau. Au 27 septembre 2021, 414 mesures ont été prononcées contre 55 fin mars. Cela ne suffit pas, mais c'est encourageant. Et 426 demandes d'intervention des forces de sécurité ont été enregistrées, après déclenchement de l'alarme. Des crimes ont été évités.

Par une dépêche du 27 mai dernier, le garde des Sceaux a incité les parquets à généraliser le déploiement des bracelets anti-rapprochement. Le téléphone grave danger est une mesure importante également pour la protection des victimes : 2 514 téléphones grave danger ont été distribués ; leur nombre sera porté à 3 000. Les ordonnances de protection sont en constante augmentation.

Le garde des Sceaux a prévu des emplois en plus : 61 juristes-assistants pour trois ans et 106 agents de catégorie A avec des contrats de quatre ans. La détermination du Gouvernement à lutter pied à pied contre ce fléau est sans faille.

Mme Martine Filleul.  - Je vous remercie pour ces informations, mais j'aurais souhaité des précisions sur la situation dans le Nord. Nous manquons de moyens et d'informations pour combattre ces violences gravissimes.

Agrément des associations d'aide aux victimes de violences

Mme Laurence Rossignol .  - Un véritable loupé est à déplorer dans l'application de la loi du 29 mars 2019. Les textes d'application réservent aux seules associations généralistes l'agrément nécessaire pour assurer l'accompagnement des femmes victimes d'infractions pénales. Les Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF), dont c'est la mission depuis 40 ans, se voient refuser l'agrément à cause de cela. Ce loupé légistique sera-t-il réparé au plus vite ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Le travail des CIDFF est reconnu, mais il est vrai qu'ils ne peuvent être agréés : le texte réserve la prise en charge aux associations qui sont en mesure d'apporter une prise en charge globale et pluridisciplinaire - ce que vous appelez « généraliste ».

Le garde des Sceaux a demandé à ses services de trouver une solution juridique pour étendre l'agrément à ces centres.

Mme Laurence Rossignol.  - Si je comprends bien, les CIDFF pourraient rapidement bénéficier à nouveau de l'agrément. C'est une bonne nouvelle. Je souhaite que le garde des Sceaux nous informe de la parution de la mesure réglementaire pour que nous puissions en informer les associations.

Services d'aide et d'accompagnement à domicile

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Je tiens à attirer l'attention sur d'autres oubliés du Ségur. Les personnes âgées dépendantes accueillies dans les Ehpad ne représentent que 40 % des bénéficiaires de l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA). Les 60 % restants sont pris en charge à leur domicile, sans compter toutes les personnes dépendantes mais non bénéficiaires de l'APA.

Si l'on se félicite des 1,4 milliard d'euros inscrits dans le PLFSS pour 2021 afin de revaloriser les salaires dans les Ehpad, il est difficile de comprendre pourquoi seulement 200 millions d'euros ont été prévus pour les acteurs de l'accompagnement à domicile. Avec un ratio analogue, il faudrait 2,1 milliards !

Les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) sont tributaires des ARS et des conseils départementaux : beaucoup pourraient être contraints à fermer.

Si ce secteur n'est pas encouragé, il risque de ne pas survivre aux tensions actuelles. Une journée d'hospitalisation dans un service général coûte environ 1 200 euros par jour ; pour une personne maintenue à domicile c'est 550 euros par jour.

Comment le Gouvernement entend-il accompagner le secteur stratégique de l'accompagnement à domicile ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Avant le Ségur, il fallait 17 ans d'expérience à ce personnel pour atteindre le Smic. Nous aurons de plus en plus besoin de ces métiers pour répondre à l'aspiration massive de nos concitoyens à vieillir à domicile.

La LFSS a permis d'accompagner la revalorisation historique de 15 %, entrée en vigueur il y a quelques jours. Le coût pour les départements sera allégé de 50 % voire 70 %. Les structures privées commerciales doivent également être accompagnées.

Un tarif plancher sera notamment soumis au Parlement dans le prochain PLFSS, pour valoriser les aides, APA et prestation compensatoire du handicap (PCH), avec un tarif socle de 22 euros par heure.

Il permettra aux SSAD, quel que soit leur statut, de financer les augmentations salariales.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Nous serons vigilants sur l'application par les départements.

Démarchage téléphonique et appels frauduleux

Mme Laure Darcos .  - Le démarchage téléphonique non sollicité est un fléau, à tel point qu'on n'arrive plus à distinguer les démarcheurs, sans compter la fraude aux numéros surtaxés. Cela confine parfois au harcèlement. La réponse des pouvoirs publics est bien trop faible, l'inscription sur Bloctel inefficace.

La loi du 24 juillet 2020 contre le démarchage téléphonique tarde à produire ses effets, certains décrets n'ayant pas encore été pris.

Pouvez-vous me donner un échéancier de mise en oeuvre et un bilan de la lutte contre ce fléau ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - Le code de la consommation interdit le démarchage téléphonique auprès des 4 millions de personnes inscrites sur Bloctel. Le secteur de la rénovation énergétique est particulièrement ciblé.

Le décret qui encadre les horaires d'autorisation de démarchage et la fréquence des appels sera bientôt publié.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mène une action de contrôle résolue.

En 2020, 1 503 établissements ont été contrôlés, et 108 démarcheurs sanctionnés pour un montant de 4,3 millions d'euros d'amende, soit deux fois plus qu'en 2019.

La mise en oeuvre de Bloctel sera améliorée.

Comptez, madame la sénatrice, sur la mobilisation du Gouvernement.

Mme Laure Darcos.  - Il y a encore tellement d'appels... Certains opérateurs importants continuent à démarcher en permanence. Désormais, je bloque systématiquement les numéros commençant par 09. Imaginez la situation pour les plus vulnérables...

Exonérations de taxe pour les agriculteurs en conversion biologique

M. Alain Cazabonne .  - J'ai été alerté par le maire d'une commune de 497 habitants, inquiet du manque à gagner lié à l'exonération de taxe foncière pour les agriculteurs en conversion biologique. Bien que cette mesure aille dans le bon sens en encourageant nos agriculteurs à se convertir à l'agriculture biologique, les plus petites communes ne peuvent l'appliquer, compte tenu du manque à gagner.

Le Gouvernement envisage-t-il une compensation pour les communes mettant en place une telle exonération ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - L'exonération est un outil incitatif au développement du secteur bio. Elle est prévue à l'article 1395-G du code général des impôts (CGI). La compensation par l'État est exclue : les allègements d'impôts locaux doivent relever en premier lieu des collectivités territoriales, comme l'a souligné la commission des finances du Sénat à propos de l'article 52 de la loi qui prévoit l'exonération.

Lorsque les exonérations et abattements résultent d'une délibération des collectivités territoriales, elles ne sont pas compensées : c'est le principe que nous suivons.

Le Gouvernement incite de son côté à la conversion au bio via le crédit d'impôt prévu par l'article L. 244-quater du CGI, prolongé dans la loi de finances pour 2021.

M. Alain Cazabonne.  - Souvent, en matière d'écologie, l'État prend des mesures qui entraînent des difficultés financières sur le terrain. Votre réponse s'apparente à cette formule de Coluche : « Dites-moi ce dont vous avez besoin et je vous dirai comment vous en passer »... (Sourires)

Financement de l'électrification rurale

M. Guillaume Chevrollier .  - Le projet de réforme du fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE) nous inquiète.

Territoire d'énergie Mayenne, syndicat mixte fermé qui exerce la compétence d'autorité organisatrice de distribution d'électricité (AODE) craint une réduction du volume total des aides du FACE, alors que le niveau de péréquation prévu pour l'électrification rurale est fortement rationné.

La Mayenne, à dominante rurale, compte seulement 27 communes de plus de 2 000 habitants, avec une densité de population très faible.

Alors que 20 % du financement est laissé à la charge des collectivités maîtres d'ouvrage sur les travaux d'électrification rurale, il est garanti, par la péréquation financière, une égalité dans les coûts d'accès au réseau de distribution d'électricité entre les consommateurs ruraux et les consommateurs urbains.

Or la baisse de la participation de l'État est aggravée par l'instauration d'un lien entre le compte d'affectation spéciale CAS-FACE et le fonds de péréquation de l'électricité (FPE) qui vise à assurer la péréquation de l'électricité des ressources tarifaires au profit de certaines entreprises locales de distribution d'électricité (ELD).

Les élus sont inquiets. Le niveau de la péréquation financière en matière électrique va diminuer, alors qu'il est déjà demandé aux communes rurales un effort fiscal bien supérieur à celui des collectivités urbaines dans ce domaine.

Allez-vous revoir ce projet de réforme et garantir un service électrique de qualité, y compris dans les territoires les plus fragiles ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - L'État, avec le CAS-FACE, contribue à la transition énergétique des communes rurales. Le décret du 10 décembre 2020 prévoit un taux de subvention fixé par le ministre dans la limite de 80 % du coût du projet.

Les taux de subvention pour 2022 et les années suivantes pourraient évoluer, mais les études sont en cours et aucune décision n'a été prise.

L'administration veillera à prendre en compte les surcoûts liés à la ruralité. Le Gouvernement a entendu les inquiétudes des communes rurales et n'envisage plus de lien entre FPE et FACE. Le maintien d'aides de 360 millions d'euros par an montre du reste son attachement à une distribution électrique de qualité sur tout le territoire.

Qualité de l'eau

Mme Florence Blatrix Contat .  - Un métabolite du S-métolachlore est aujourd'hui utilisé pour le désherbage de nombreuses cultures de printemps dont le maïs et le soja. À partir d'un seuil de 0,1 milligramme par litre dans l'eau, elle est déclarée impropre à la consommation.

Il y a des dépassements réguliers et les collectivités territoriales doivent s'adapter, avec des mesures curatives et préventives.

Qu'envisagez-vous pour restreindre, voire interdire, l'utilisation de ces produits dans les aires de captage ?

Envisagez-vous d'étendre les dérogations pour les collectivités territoriales où le dépassement est faible ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - L'eau distribuée dépasse la norme de potabilité dans de nombreux réseaux à cause de la métabolite. La priorité doit être de restaurer la qualité de l'eau à la source.

Plusieurs actions ont été initiées, comme l'encouragement au désherbage mécanique. Des voies de substitution sont explorées, pour des résultats avant la fin de l'année.

Les préfets doivent accompagner plus activement les collectivités territoriales, en mobilisant tous les outils disponibles.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Je vous remercie. Il faut laisser du temps aux acteurs et les accompagner financièrement.

Poids lourds dans le massif des Vosges

Mme Patricia Schillinger .  - Depuis quarante ans, la commune de Bonhomme voit passer près de 500 poids lourds chaque jour ; l'exaspération des riverains est à son comble. Bruit des camions qui montent le col, vibrations, danger, stress : les conséquences sont désolantes pour l'économie locale et l'immobilier ; cette vallée magnifique est prise en otage par le transit routier. Les élus sont démunis. Cela ne peut plus durer.

Il faut maintenant des solutions adaptées et pérennes. Les longs courriers au ministre des Transports, les longs discours et les comités de pilotage n'ont rien donné.

Que va faire le Gouvernement pour que les habitants de la vallée retrouvent leur sérénité ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - L'État s'est saisi de ce problème depuis de longues années. Les restrictions de circulation mises en place pour les poids lourds lors de la fermeture du tunnel Maurice Lemaire n'ont pas été levées lors de sa réouverture. La déviation de Châtenois qui sera achevée en 2023 soulagera le volume de circulation sur la D 145 et la commune de Bonhomme. Rediriger le trafic vers la route des crêtes n'est pas adapté, car il faut veiller à ne pas entraver l'activité économique, dont le transport de grumes.

Des mesures concrètes, comme la baisse du péage du tunnel Maurice Lemaire, ont été trouvées par le passé.

Les échanges se poursuivent pour anticiper les futures modalités de franchissement des Vosges.

Mme Patricia Schillinger.  - Le projet doit activer le comité de pilotage pour que, sur le terrain, les gens se sentent soutenus.

Offre ferroviaire à destination du Sud-Ouest

Mme Nathalie Delattre .  - Avec le Covid, SNCF Voyageurs a perdu 97 % de son chiffre d'affaires sur le TGV au plus fort de la pandémie. À l'heure de la reprise, la densité des flux de mobilité de la SNCF est une question centrale, pour des raisons stratégiques et pour la transition énergétique.

Mais patatras, le train-train n'est pas au rendez-vous : trains bondés par le surbooking, usagers assis par terre, plages horaires réduites... J'en fais l'expérience tous les jours entre Bordeaux et Paris. Les changements de train avec place assise sont pour ainsi dire impossibles le jour même.

La qualité de service de cette ligne, remarquable avant la crise, s'est dégradée. Malgré la forte fréquentation de cette rentrée, il manque la bagatelle de cinq allers-retours quotidiens pour revenir au cadencement de 2019 - toutes les trente minutes. Comment expliquer à des milliers d'Aquitains que la suppression brutale et inexplicable de la liaison aérienne Bordeaux-Orly n'ait pas été suivie d'un report modal sur le train ? Que dire des propos sur le nombre de dessertes quotidiennes promis aux collectivités  Elles ont mis la main au portefeuille pour financer cette ligne il y a quelques années, mais SNCF Voyageurs ne se sent plus liée par l'engagement pris par SNCF réseau ; l'État ne tient pas parole.

Cette situation n'est pas tenable. Monsieur le Ministre, comment comptez-vous inverser cette trajectoire et permettre aux usagers de retrouver un niveau de service, en rapport avec le prix souvent très élevé des billets ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports .  - L'offre de transport a été fortement perturbée par la crise sanitaire. La SNCF l'a adaptée avec souplesse, toujours de façon temporaire. L'offre sur l'axe Atlantique-Sud-Ouest est calibrée pour répondre aux besoins : à la fin du dernier confinement, elle représentait 50 % d'offre de 2019, dès l'été 2021, c'était 95 % ; sur la liaison Paris-Bordeaux, le retour à 19 allers-retours quotidiens est prévu en 2022.

Concernant l'accès à la gare de Bordeaux, j'ai missionné la préfète de région, qui a déjà commencé à réunir les acteurs locaux et me rendra compte dans les tout prochains jours des pistes d'améliorations identifiées.

Raccordement électrique des parcs éoliens

M. Yves Bouloux .  - Le raccordement électrique des parcs éoliens suppose souvent la traversée de plusieurs communes. Or dans l'évaluation environnementale des projets, l'étude sur l'impact du raccordement est bien souvent incomplète, alors que celui-ci n'est pas sans conséquences : outre les nuisances occasionnées par les travaux, il y a le coût pour la collectivité, sans compensation systématique.

L'inquiétude est forte. Les risques pour les personnes et les animaux doivent être évalués, les élus consultés. Comment peut-on prévoir d'enfouir des câbles de 20 000 volts sans étude préalable ? Dans la Vienne, plusieurs communes n'ont eu d'autre choix que de l'interdire.

Comptez-vous tenir davantage compte de l'avis des communes concernées ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre chargé des transports .  - Le développement des énergies renouvelables, dont l'éolien, est nécessaire pour atteindre nos objectifs climatiques.

Le raccordement électrique des parcs est très encadré. Les éoliennes terrestres sont soumises depuis 2011 à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et à une procédure d'autorisation. Leur raccordement fait l'objet d'une consultation des maires et des services.

Les adaptations à venir du réseau de transport de l'électricité sont identifiées par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, RTE, dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau, qui sont soumis à évaluation environnementale et font l'objet d'une consultation du public.

Concernant l'éolien en mer, le raccordement est présenté en même temps que le projet lors de la procédure de participation du public, puis fait l'objet d'une autorisation environnementale avec enquête publique.

L'arrêté du 17 mai 2001 précise les contraintes techniques qui s'imposent aux gestionnaires de réseau pour tenir compte des risques sur la santé des personnes et des animaux.

Enfin, l'occupation du domaine public communal, notamment par des câbles, fait l'objet de redevances dont le taux est fixé dans la majorité des cas par le conseil municipal.

La séance est suspendue quelques instants.

Inégalités homme-femme dans l'ancien comté de Dabo

M. Jean Louis Masson .  - Dans les communes de l'ancien comté de Dabo, une discrimination flagrante entre hommes et femmes résulte de règles coutumières, confirmées, pendant l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne, successivement par la cour d'appel de Colmar et par la cour impériale de Leipzig.

Madame la ministre, je vous ai posé une première question le 19 novembre 2020 à ce sujet, elle est restée sans réponse ; je vous ai posé une question écrite le 5 août 2021, en vain ; cela m'amène à vous poser cette question orale publiée au journal officiel du 30 septembre 2021 - qu'il vous suffit de lire pour comprendre le problème. J'attends maintenant une réponse !

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Ma collaboratrice a répondu à votre message du 26 août dès son retour de vacances le 2 septembre, mais vous ne lui avez pas répondu. Quant aux questions posées au ministre de l'agriculture, je ne pouvais y répondre.

Sur le fond, vous attirez mon attention sur le régime dit du « bois bourgeois » dans les communes de l'ancien comté de Dabo, héritage du droit féodal que le code forestier de 1827 fait perdurer jusqu'à nos jours. Ce régime consiste en la délivrance de tronçons d'arbres résineux par tirage au sort annuel au bénéfice des usagers remplissant des conditions de délivrance datant de l'Ancien Régime, ces derniers ne pouvant être que des hommes - malheureusement, il y a d'autres cas de cet ordre...

Il est effectivement très étonnant que persiste un dispositif qui exclut les personnes de sexe féminin non mariées, puisque seules les veuves peuvent conserver ce droit acquis par leurs maris dans une mesure réduite jusqu'à leur remariage. Ces dispositions portent clairement atteinte au principe de l'égalité des droits entre les femmes et les hommes - vous pouvez imaginer combien j'aurais été heureuse de répondre à votre question. Il apparaît nécessaire de faire évoluer les pratiques : à l'occasion d'une prochaine loi forestière, ces dispositions seront réinterrogées.

M. Jean Louis Masson.  - C'est bien à vous que j'ai envoyé ma question écrite, et c'est vous qui avez décidé de la transférer au ministre de l'agriculture. J'ai tenté de contacter votre directrice de cabinet, Mme Martin, ancienne sous-préfète de Sarrebourg, sans succès. Quant à la personne que vous avez mentionnée, je n'ai eu aucun contact avec elle.

Sur le fond, il est stupéfiant que la ministre de l'égalité entre des femmes et les hommes ne fasse rien pour supprimer cette discrimination flagrante, puisque les femmes ne peuvent hériter de ce droit d'affouage ! Renvoyer à une loi ultérieure n'est pas suffisant. Vous n'avez pris aucun engagement !

M. le Président. - Veuillez conclure !

M. Jean Louis Masson.  - La France, qui donne des leçons à l'étranger, devrait commencer par balayer devant sa porte !

Stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité »

Mme Pascale Gruny .  - Le Green Deal ou pacte vert suscite de vives inquiétudes chez nos agriculteurs : en renonçant à l'horizon 2030 à 10 % de la surface agricole utile européenne tout en diminuant de 50 % les pesticides, la nouvelle politique agricole commune (PAC) pénalisera immanquablement l'agriculture traditionnelle, entraînera des coûts plus élevés que seuls les consommateurs aisés des grands centres urbains accepteront de payer - les autres devant acheter des produits importés. Elle provoquera une baisse sans précédent de la production : de moins 5 % à moins 15 % selon l'étude d'impact publiée discrètement en plein coeur de l'été par la Commission après plus d'un an de tergiversations.

Le Green Deal annonce donc la fin de la souveraineté alimentaire de notre continent. Comment la France entend-elle empêcher ce désastre et sauver notre modèle agricole traditionnel ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Le pacte vert et ses deux stratégies, « De la ferme à la fourchette » et « Biodiversité », comportent un programme de travail pour la Commission avec des objectifs chiffrés à l'horizon 2030. Vous les avez cités. L'étude d'impact - dont je regrette la publication tardive - montre que sans action forte dans le domaine de la politique commerciale, nous risquons une décroissance verte qui n'est dans l'intérêt de personne.

À l'avenir, la Commission devra accompagner chacune de ses propositions d'une étude d'impact : cela est requis par les procédures européennes ; vous pouvez donc être rassurée sur ce point. Si la PAC doit contribuer aux objectifs du pacte vert, Julien Denormandie s'est battu pour que ce soit de manière adaptée et dans le respect des objectifs propres fixés par le traité à cette politique : souveraineté alimentaire et garantie d'un revenu décent aux agriculteurs.

Mme Pascale Gruny.  - Merci pour votre réponse, même si je regrette que le ministre ne soit pas là. La souveraineté alimentaire est indispensable à notre souveraineté économique Les produits bio seront plus chers et les agriculteurs n'auront pas de revenus suffisants. Aujourd'hui, des fermes arrêtent le bio parce que les subventions n'arrivent pas - c'est hallucinant ! N'oublions pas que les pesticides sont des médicaments et les nitrates des aliments : la plante peut avoir besoin parfois d'être soignée et nourrie. Préservons notre agriculture !

Contribution supplémentaire des communes forestières à l'ONF

M. Patrice Joly .  - La forêt a un rôle central dans la construction de l'identité de notre pays, dans le passé, aujourd'hui et dans l'avenir. C'est un patrimoine naturel aux enjeux économiques, culturels et de loisirs. Sur le plan environnemental, c'est le plus riche des réservoirs de biodiversité, qui assure chaque année l'absorption de 15 % des émissions françaises de carbone.

Aujourd'hui, la filière bois est en crise : changement climatique, invasions de parasites, ou obsession de rentabilité rapide aboutissant à des exportations massives de grumes vers l'Asie et les États-Unis.

Le vicomte de Martignac le disait déjà dans l'exposé des motifs du projet de code forestier de 1826 : « La conservation des forêts est l'un des premiers intérêts des sociétés et, par conséquent, l'un des premiers devoirs des gouvernants. »

Le Gouvernement envisagerait une nouvelle contribution des communes forestières au financement de l'Office national des forêts (ONF), ce qui n'est pas acceptable. Par ailleurs, démanteler le service public forestier en se dépouillant de ses agents et de ses moyens est dangereux : la forêt exige une gestion planifiée et adaptée à la spécificité de chaque milieu. Je vous demande donc de revenir sur ce projet d'augmentation des contributions des communes tout en maintenant les moyens de l'ONF.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Le Gouvernement est attaché à la pérennité de l'Office national des forêts et entend conserver l'unité de gestion des forêts publiques domaniales et communales. L'État a besoin d'une ONF forte au regard des défis du changement climatique et du potentiel de la forêt pour la production de matériau et l'atténuation du changement climatique.

La gestion durable et multifonctionnelle est au coeur du nouveau contrat entre l'État et l'ONF pour la période 2021-2025. Pour autant, son déséquilibre financier appelle des réponses conjoncturelles mais aussi structurelles. L'État maintient le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) - il n'existe aucun projet de privatisation - mais réaffirme la notion de prise en charge à coût complet de ses missions, quel qu'en soit le commanditaire. L'État revalorise ces missions à hauteur de plus de 12 millions d'euros dès cette année et de 22 millions d'euros en 2024, soit 55 millions d'euros par an.

En complément, le Gouvernement mobilise 60 millions d'euros complémentaires sur trois ans, à raison de 30 millions d'euros en 2021, 20 millions d'euros en 2022 et 10 millions d'euros en 2023 pour soutenir son établissement, en complément des 140 millions d'euros de versement compensateur annuel.

Enfin, le plan de relance prévoit une dotation de 30 millions d'euros à l'ONF pour financer la reconstitution des forêts domaniales atteintes par les crises sanitaires. En contrepartie, l'ONF consent un effort de réduction de ses charges afin d'atteindre l'équilibre financier de l'établissement en 2025.

Financement de la lutte contre la « xylella fastidiosa »

Mme Gisèle Jourda .  - Les collectivités territoriales doivent être aidées à lutter efficacement contre la bactérie xylella fastidiosa.

Cette bactérie, présente dans le département de l'Aude, est phytopathogène, transmise et véhiculée par des insectes vecteurs. Conformément aux prescriptions des services de la Direction générale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) qui ont été pleinement associés, des actions ont déjà été menées par les services de l'agglomération et des communes durant le mois d'avril 2021 sur les périmètres concernés.

Les collectivités audoises sont pleinement mobilisées, mais aucun fonds n'est prévu pour les aides. En effet le programme d'indemnisation du fonds de mutualisation du risque sanitaire environnemental n'est pas ouvert aux collectivités territoriales.

La situation est grave pour ces collectivités : comment comptez-vous les aider ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Dans l'Aude, cette bactérie touche douze communes. Des végétaux contaminés et sensibles doivent être éliminés.

L'État indemnise les professionnels concernés et ses services font tout leur possible pour éradiquer rapidement les végétaux qui doivent l'être et sensibiliser les particuliers.

En Occitanie, les foyers nombreux nécessitent parfois des travaux de grande ampleur. Nous explorons de nouvelles pistes pour accompagner les collectivités concernées.

Mme Gisèle Jourda.  - Je serai vigilante : les collectivités territoriales n'ont pas accès à ces fonds, or elles ont besoin d'investir !

Autorisations spéciales d'absence

M. Laurent Burgoa .  - Les autorisations spéciales d'absence (ASA) ont permis de protéger les agents les plus vulnérables. Mais quid désormais de ceux qui ne peuvent exercer leurs missions en télétravail ? Les dispositions en vigueur prévoient encore de nombreuses exceptions et il semblerait que l'ASA ait vocation à perdurer.

Or faute de personnel, certaines communes doivent désormais sous-traiter leurs travaux tout en continuant à payer leurs agents, sans compensation de l'État.

La vaccination permet-elle de réduire la vulnérabilité de ceux qui bénéficient de l'ASA ? Qu'en est-il si l'agent refuse la vaccination ? Comment vérifier son statut vaccinal ? Quel est le sort des congés non pris : sont-ils perdus ou reportés ? Et quels financements pour les communes ? Un agent, en attente de greffe, s'est ainsi trouvé longtemps en ASA, et non en arrêt maladie ; l'assurance de la collectivité n'a pas fonctionné. Ces questions intéressent les directeurs généraux des services.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - L'amélioration de la situation sanitaire a permis de faire évoluer le dispositif. Il convient désormais de distinguer selon que l'agent vulnérable est sévèrement immunodéprimé ou non.

Dans le premier cas, l'employeur est tenu de le placer en ASA si le télétravail n'est pas possible.

Dans le second cas, il sera placé en ASA si son poste est exposé à une forte densité virale - sans possibilité de télétravail - ou s'il présente une contre-indication à la vaccination.

Dans tous les cas, un certificat médical est requis. Si l'employeur estime l'ASA infondée, il peut saisir le médecin du travail. En revanche, il ne peut pas contrôler le statut vaccinal des agents non soumis à obligation vaccinale.

Les congés non pris peuvent être reportés ou alimenter le compte épargne-temps.

M. Laurent Burgoa.  - Je regrette une réaction si tardive : les maires ont encore dû faire face seuls à des situations très tendues.

Avenir du site Renault de Choisy-le-Roi

M. Laurent Lafon .  - L'entreprise Renault a confirmé la fermeture de son usine de reconditionnement de pièces détachées de Choisy-le-Roi, pour transférer cette activité à Flins. Le Val-de-Marne perd un site vieux de 70 ans. En lien avec l'Ademe, les collectivités envisagent un grand projet d'économie circulaire. Une étude a été commandée, dont les résultats seront présentés au début de l'an prochain. Mais Renault, toujours propriétaire, reste silencieux sur le devenir du foncier. Comment l'État, actionnaire de Renault, va-t-il accompagner la reconversion du site, sur un territoire labellisé « territoire industriel du futur » ? Comment Renault accompagnera-t-il la dimension foncière de ce projet ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Le 25 novembre 2020, Renault a annoncé le déplacement de ses activités de Choisy-le-Roi vers Flins, dans le cadre de son plan de réduction des coûts.

L'État est particulièrement attentif à ce projet et notamment à l'avenir des salariés. Un accord entre Renault et les syndicats, signé le 25 mai 2020, encadre le reclassement des intéressés, la majorité d'entre eux souhaitant être transférés à Flins.

Renault s'est engagé à travailler avec les élus locaux pour la reprise du site de Choisy-le-Roi. Le transfert commencera en décembre et s'achèvera au premier semestre 2022.

M. Laurent Lafon.  - L'implication active de l'État et de Renault est nécessaire pour mener à bien ce projet de reconversion.

Garantie jeunes pour les majeurs issus de l'ASE

M. Rémi Cardon .  - « Plus aucun jeune de l'aide sociale à l'enfance atteignant sa majorité ne se retrouvera sans solution », disait votre collègue en juillet, au moment de présenter l'automatisation de la garantie jeunes pour les jeunes qui sortent de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Au 31 décembre 2019, 312 000 mineurs relevaient de l'ASE et 1 million de jeunes n'étaient ni en formation ni en emploi - les fameux NEET, not in employment, education or training ; or moins de 100 000 jeunes ont bénéficié de la garantie jeunes en 2020, pour un objectif de 200 000 en 2021.

L'heure est pourtant grave : 1 million de Français ont basculé dans la pauvreté lors de la crise sanitaire et plus d'un jeune sur cinq est au chômage.

D'après les retours de terrain sur le dispositif « un jeune, une solution », de nombreux jeunes, devenant majeurs, sortent de l'ASE sans accompagnement. Je le vois à Amiens.

Vous aviez pourtant une solution universelle, simple et finançable à votre disposition. Le revenu d'engagement est-il un acte manqué ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - L'accompagnement des jeunes majeurs de l'ASE est une de nos priorités.

Notre stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance a conduit au déploiement de nombreuses mesures, parmi lesquelles l'autonomisation des bourses de l'enseignement supérieur à l'échelon le plus élevé et l'accès prioritaire au logement étudiant.

La signature d'un accord-cadre en faveur d'un accompagnement personnalisé dès l'âge de 17 ans marque la mobilisation de tous les acteurs de l'insertion sociale et professionnelle.

Depuis janvier 2021, la garantie jeunes automatisée accompagne les jeunes à hauteur de 500 euros par mois, sur la base d'un contrat d'engagement cosigné avec la mission locale.

Chaque jeune sortant de l'ASE doit bénéficier d'une solution pérenne et adaptée : c'est le sens de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de protection des enfants, qui sera promulgué dans quelques semaines.

M. Rémi Cardon.  - Allez dire cela aux jeunes dans la rue ! Que de temps perdu !

Urgences de l'Hôpital Bicêtre

Mme Laurence Cohen .  - Avec 60 000 entrées annuelles, le service des urgences du CHU Bicêtre est l'un des plus gros d'Île-de-France. Depuis la démission du chef de service, le docteur Maurice Raphaël, en septembre 2020, onze urgentistes et tous les cadres de santé ont quitté le service, tant les conditions de travail y sont déplorables.

Aujourd'hui, les internes assument des responsabilités qui ne sont pas les leurs. Le rapport de l'ARS n'est pas public et je n'ai pu y accéder. Le service d'accueil et de traitement des urgences (SAU) a perdu son agrément et n'aura plus d'internes en 2022 : il est en danger.

Que comptez-vous faire face à cette situation catastrophique ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Une restructuration du CHU, accompagnée par l'ARS, est en cours. Dès novembre 2019, le premier contrat « zéro brancard » a été signé avec l'AP-HP. La feuille de route a été validée, une aide de 500 000 euros a été débloquée et 22  lits de gériatrie aiguë ont été ouverts. Le nouveau chef de service a procédé à des recrutements, ainsi qu'à des changements d'organisation et d'encadrement répondant aux besoins. Un comité de suivi mensuel de l'ARS a été mis en place et un premier point de situation réalisé. Notre soutien est donc très fort.

Pénurie de médecins et classement en zone de vigilance

M. Bernard Bonne .  - Dans la Loire, la commune de Saint-Martin-la-Plaine a appris le prochain départ à la retraite de l'un de ses trois médecins généralistes. Les deux autres sont débordés et ne peuvent plus prendre de nouveaux patients.

La commune voudrait participer financièrement à l'installation d'un nouveau médecin ; or le maire a découvert que le classement de sa commune en zone de vigilance par l'ARS ne lui permet pas d'attribuer d'aide au maintien de professionnels de santé : seules les communes classées en zone d'intervention prioritaire y sont autorisées.

Ce classement ne devrait-il pas être revu ? Quelles solutions pour ces élus confrontés à la désertification médicale ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Un nouveau zonage devrait être publié d'ici la fin de l'année. Mais l'ARS travaille déjà à restructurer les soins de premier secours, en accompagnant notamment les projets de maisons de santé, y compris dans les zones de vigilance, comme à Saint-Martin-la-Plaine. Une maison de santé y a d'ailleurs été ouverte en juillet 2018.

De plus, l'ARS encourage la maîtrise de stage pour faire découvrir le département aux futurs médecins. C'est ainsi que trois quarts des maîtres de stage ont trouvé un remplaçant, régulier ou occasionnel.

Enfin, l'ARS poursuit la structuration de l'offre sur le territoire : deux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont vu le jour dans la Loire en 2020. Les primo-installations de médecins généralistes dans les zones sous-dotées seront financièrement accompagnées.

M. Bernard Bonne.  - L'ARS doit modifier ses critères, car toutes les zones non urbaines vont devenir sensibles. Sans médecin, à quoi sert une maison de santé ? La commune doit pouvoir accompagner financièrement l'installation d'un médecin.

Chirurgie hyper-ambulatoire

Mme Catherine Deroche .  - Des chirurgiens orthopédistes ont attiré mon attention sur la prise en charge « hyper-ambulatoire » permise par les nouvelles techniques d'anesthésie.

L'hyper-ambulatoire améliore la qualité des soins et diminue les risques de contagion en réduisant les contacts humains durant le parcours ; cela réduit les coûts des établissements et permet d'optimiser les blocs opératoires.

Alors que la gestion rationalisée de l'hôpital est à l'ordre du jour, quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - La pratique ambulatoire est variée : le service de chirurgie ambulatoire d'un établissement de santé qui propose par ailleurs une hospitalisation complète est le modèle le plus répandu. Il existe également des services de chirurgie ambulatoire dans des établissements sans hospitalisation complète. Enfin, le modèle de cabinets de chirurgie ambulatoire reste rare en France, alors qu'il est très répandu aux États-Unis par exemple.

L'évolution des techniques permet en effet des prises en charge hors bloc. C'est à la communauté scientifique de déterminer si l'acte peut se pratique en hyper-ambulatoire. À ce jour, le vecteur idéal pour adapter la réglementation est l'expérimentation article 51.

Mme Catherine Deroche.  - C'est là que le bât blesse : les chirurgiens n'obtiennent pas les autorisations article 51, alors que ce serait très bénéfique pour le patient.

Report du recensement et DGF des collectivités

M. Pierre-Antoine Levi .  - En raison de la crise sanitaire, l'Insee a reporté le recensement de la population des communes, initialement prévu en 2021, à 2022. Or certaines communes dynamiques ont connu une forte hausse de leur population depuis le dernier recensement, tout particulièrement dans le sud du département du Tarn-et-Garonne, à proximité de Toulouse.

À Pompignan, la population est passée de 1 484 au 1er janvier 2017 à quelque 2 000 habitants, sans augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). La commune a même été épinglée pour mauvaise gestion alors qu'elle a investi pour accueillir cette population plus nombreuse.

Quelles mesures compensatoires allez-vous prendre pour pallier le report de ce recensement ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - La population est le principal critère de répartition des concours financiers de l'État aux collectivités ; elle est évaluée sur la base du recensement de l'Insee, selon des procédures prévues par la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité. Ces chiffres sont authentifiés chaque année par décret. C'est la seule évaluation fiable, qui permet d'assurer l'égalité de traitement entre collectivités.

La crise sanitaire a entraîné le report du recensement de 2021 à 2022, à l'exception de Mayotte.

Cependant, l'Insee actualisera les populations globales des communes à la fin de l'année 2021. Ces données permettront le calcul des dotations pour 2022.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Ces explications, qui m'ont déjà été données, ne satisfont pas les maires des communes concernées, qui subissent des pertes financières lourdes. Les chiffres de l'Insee doivent être revus pour correspondre aux réalités.

Fermetures administratives des régies publiques

M. Jean-Michel Arnaud .  - La fermeture administrative des remontées mécaniques a mis les communes de montagne à l'arrêt. Le plan « Avenir montagne » leur a apporté un soutien bienvenu, mais il faut penser à la saison prochaine, qui ne saurait être enrayée par des mesures sanitaires trop restrictives. Je crains également un manque de main d'oeuvre saisonnière.

Quelles mesures sanitaires envisagez-vous d'appliquer ? Le passe sanitaire sera-t-il obligatoire ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - La gestion en régie permet aux élus locaux d'assurer des services complets et accessibles à bas coût.

Les collectivités, notamment celles qui assument des équipements structurants -  piscines, thermes, campings  - ont subi des pertes significatives : moins 17 %, contre moins 1,8 % seulement pour la moyenne des recettes communales. Une enveloppe de 203 millions d'euros a ainsi été débloquée et les paiements seront effectués dans la foulée du décret qui sera pris le 19 octobre.

Les régies et sociétés d'économie mixte de remontées mécaniques ont été soutenues comme les entreprises privées. Quant aux services de transport en régie, ils ont reçu 583 millions d'euros d'avances remboursables.

Toutefois, une réflexion sur le devenir de ces régies devra être menée.

M. Jean-Michel Arnaud.  - J'avais modifié ma question, eu égard aux assurances reçues sur les régies. Je regrette que vous ne m'ayez pas répondu sur la saison à venir. Le vrai risque n'est pas la fermeture des stations, mais le manque de saisonniers pour les faire fonctionner.

Fontenoy du maritime

M. Dominique Théophile .  - Voilà un an commençait le Fontenoy du maritime, destiné à positionner la France parmi les dix premières puissances maritimes mondiales d'ici la fin de la décennie.

À l'issue des Assises de la mer, qui se sont tenues à Nice en septembre dernier, des mesures ont été annoncées sur le verdissement de la flotte, l'amélioration des carrières de marins et l'aide à l'emploi maritime.

Alors que 97 % de notre zone économique exclusive se situe dans les outre-mer, ces annonces étaient très attendues dans nos territoires.

Quel est le calendrier de leur mise en oeuvre ? Quelles seront les retombées en matière d'emplois, de financement et de formation ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - Une spécialité maritime sera créée au sein du service public de l'emploi, avec 38 implantations territoriales au service des marins, notamment en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Trois cents à quatre cents officiers supplémentaires seront formés d'ici 2027 ; le budget de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) sera augmenté de 8 millions d'euros et les promotions intégreront une cinquantaine de marins supplémentaires.

La simplification des critères d'éligibilité au suramortissement vert marque un engagement dans la décarbonation du transport maritime.

L'aide à l'emploi maritime est bien entendu ouverte aux compagnies opérant des dessertes ultramarines, comme l'Express des îles au départ de Pointe-à-Pitre.

Enfin, dans le cadre du Plan de relance, 175 millions d'euros seront consacrés au verdissement des grands ports maritimes et ports autonomes, dont 21,3 millions d'euros pour l'outre-mer.

Conservation et valorisation des dolmens

M. Philippe Bonnecarrère .  - Le « Dolmen de Saint-Paul », sur la commune de Sainte-Cécile-du-Cayrou dans le Tarn, a été classé monument historique en 1889, mais on ne sait s'il relève de la législation relative aux monuments historiques ou à l'archéologie. Les services concernés se renvoient la réponse.

Quelles doivent être les modalités d'accès ? Un accès -  a minima visuel  - doit-il être aménagé par le propriétaire privé ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - Les mégalithes sont, avec les grottes ornées, nos plus anciens monuments historiques.

Le code du patrimoine fixe le régime applicable : le propriétaire privé doit assurer la conservation du dolmen, en sollicitant le cas échéant l'aide financière de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Les services régionaux de l'archéologie peuvent prescrire une opération archéologique préalable au projet de restauration.

En revanche, rien n'oblige le propriétaire à faciliter l'accès du public au monument. Des échanges sont en cours entre la DRAC, les collectivités territoriales et le propriétaire pour mettre en valeur ce dolmen dans le cadre d'un parcours de randonnée.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Si je comprends qu'on ne puisse imposer un accès physique, on peut regretter qu'il n'y ait pas au moins une obligation d'accès visuel. Peut-être la réglementation pourra-t-elle évoluer sur ce point ?

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 14 h 45.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Joël Guerriau.  - Hier, sur le scrutin n°1, M. Jean-Louis Lagourgue souhaitait s'abstenir et non voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

CMP (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et de la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Les droits des personnes en situation de handicap sont?ils effectifs et respectés ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème « Les droits des personnes en situation de handicap sont?ils effectifs et respectés ? », à la demande du groupe CRCE.

Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRCE .  - J'excuse Cathy Apourceau-Poly, qui a eu un problème de transport.

Il nous a semblé important, à six mois des élections, d'évoquer la situation des personnes en situation de handicap, et notamment l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Est-ce un revenu minimum de subsistance de l'État calculé selon le foyer familial ou une véritable prestation sociale de compensation du handicap individualisée ?

Pour le groupe CRCE, c'est la seconde option qui doit être retenue. Sans déconjugalisation, pas d'indépendance. Cette société enferme les femmes en situation de handicap : 75 % se sentent dépendantes de leur conjoint et 35 % auraient subi des violences physiques ou sexuelles de leur partenaire.

Selon l'Agence européenne des droits fondamentaux, la crise sanitaire a exacerbé les difficultés des plus vulnérables.

Il ne faut pas confondre handicap et personne en situation de handicap. En France, une personne sur quatre souffre d'une incapacité, d'une limitation d'activité ou d'un handicap.

La France a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées en 2010. Le 14 septembre 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies a critiqué l'approche française, selon laquelle les personnes handicapées seraient considérées comme objets de soins et non sujets de droit.

L'ONU estime que cette approche médicale et paternaliste nuit à la bonne application de leurs droits - à l'éducation, au logement, au travail, aux loisirs, à une vie familiale, au transport, à la santé. Il est temps de repenser notre approche.

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a fait un premier pas en reconnaissant la responsabilité de l'environnement et en posant le principe de l'accessibilité à tout pour tous.

Mais nous sommes encore loin d'une société inclusive : l'accessibilité à l'école, à l'emploi, aux bâtiments publics reste partielle. Christel Prado, présidente de l'Unapei, insistait dans un rapport de 2014 sur l'opportunité d'une société où biens et services seraient accessibles à tous.

Selon le Défenseur des droits, les personnes en situation de handicap sont à l'origine de 21 % des réclamations : pour la quatrième année consécutive, le handicap est le premier motif de saisine pour discrimination. Ces personnes et leurs proches ont particulièrement souffert pendant la crise sanitaire.

Une société inclusive reconnaît à chacun des droits inaliénables, qui passent par des politiques d'aménagement, pour lutter contre l'exclusion et garantir la participation sociale de chacun, quelles que soient ses capacités.

Les enfants et les jeunes en situation de handicap sont les premiers à subir les conséquences d'une école qui ne s'adapte pas et conduit à des décrochages et des ruptures de parcours.

Il faut engager des moyens pour former des professionnels, rendre accessibles les locaux pour garantir la scolarisation en milieu ordinaire, mais aussi soutenir des structures adaptées.

S'agissant du droit au travail et à la formation, la France est en retard : un seul référent Pôle Emploi en Île-de-France ! Le nombre de places en établissement et service d'aide par le travail (ESAT) est gelé depuis 2013.

La mise aux normes d'accessibilité dans les transports publics prend du retard.

Sur le logement, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies signale les reculs de la loi ELAN qui a réduit le seuil d'exigence en matière d'accessibilité.

En France, la personne en situation de handicap n'est pas un sujet de droit. Il faut changer de paradigme et adapter la législation.

Gabriel García Márquez écrit : « J'ai appris qu'un homme n'a le droit d'en regarder un autre de haut que pour l'aider à se relever. »

Je souhaite que ce débat fasse avancer les droits de ces millions de femmes et d'hommes qui aspirent au respect. (Applaudissements)

M. Joël Guerriau .  - Je remercie le CRCE de cette initiative, qui fait écho à la publication récente du Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU.

Si nous ne partageons pas sa vision excessive, nous approuvons certaines de ses recommandations.

Il faut protéger les personnes vulnérables contre toute forme de maltraitance. Selon l'OMS, une personne âgée sur six est victime de maltraitances ; le handicap aggrave ce risque.

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), en juillet 2020, fait état d'une surexposition des personnes handicapées aux violences physiques, verbales ou sexuelles ; les femmes en situation de handicap sont particulièrement vulnérables.

Selon la délégation aux droits des femmes du Sénat, dans son rapport d'octobre 2019, 90 % des femmes autistes seraient victimes de violences sexuelles. Beaucoup d'entre elles optent pour une stratégie de dissimulation pour éviter la stigmatisation, au détriment du soutien dont elles auraient besoin. Il faut adapter les outils diagnostics à cette spécificité féminine de l'autisme et d'Asperger, pour mieux détecter et mieux accompagner.

Selon une étude de 2014, deux personnes autistes sur trois déclarent avoir envisagé le suicide ; je me réjouis que l'on généralise le remboursement des consultations de psychologie et de psychothérapie.

Puissent ce débat et le projet de loi de financement de la sécurité sociale contribuer à améliorer l'accès des personnes handicapées aux soins.

« Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichît ; car nul ne souhaite entendre son propre écho » : ces mots d'Antoine de Saint-Exupéry traduisent la société à laquelle nous aspirons. (Applaudissements)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) En 2018, madame la ministre, vous affirmiez que « les personnes handicapées ne seront plus des objets de soins mais des sujets de droit ». Ces droits sont-ils réellement effectifs ? Selon le Comité pour les droits des personnes handicapées de l'ONU, il semblerait que non. Malgré notre devise républicaine, Jonas Rukus, son rapporteur, considère qu'en France, les personnes en situation de handicap sont laissées de côté.

Des progrès ont été faits depuis la grande loi de 2005 - modification du code du travail, loi d'orientation destinée à favoriser l'autonomie, la stratégie pour l'emploi des personnes handicapées. En mars dernier, le Sénat a voté, contre l'avis du Gouvernement, la déconjugalisation de l'AAH, qui répond à une attente sociétale profonde.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a confirmé la création de la cinquième branche, mais sa mise en place reste inaboutie.

Dans les faits, qu'en est-il vraiment de droits des personnes handicapées ? Le Comité onusien retient trois points de vigilance : la mise en institution systématique, les traitements sous contrainte ainsi que le dépistage prénatal, qui entraînerait le rejet des personnes porteuses de trisomie 21. Il nous reproche l'exil des personnes handicapées vers la Belgique, faute de solution en France.

Ces personnes ont besoin d'aide afin de prendre toute leur place dans la société : il faut une révolution culturelle pour faire changer le regard sur le handicap. L'accueil de la fragilité est le premier critère de notre humanité !

Prenons l'exemple de l'école. Alors que la Convention relative aux droits des personnes handicapées garantit le droit à l'éducation, de nombreux élèves ne sont plus accompagnés, par manque de moyens et d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Idem pour l'insertion professionnelle : le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %, les entreprises préférant payer plutôt que de respecter le quota.

La numérisation des administrations constitue un risque d'exclusion. Des erreurs ou des incompréhensions peuvent entraîner des suspensions de droits. La centralisation des informations s'impose. Communautés 360, guichet unique, plateforme de répit pour les aidants, maisons départementales pour l'autonomie : il faut simplifier !

Le chemin vers une société inclusive est encore long. Que répondez-vous aux observations de l'ONU ? (Applaudissements)

Mme Céline Brulin .  - Douze millions de personnes sont touchées par un handicap en France. La loi de 2005 a permis des avancées, mais l'égalité des droits doit encore progresser pour que notre société soit réellement inclusive.

Le CRCE souhaite que des propositions soient formulées pour améliorer concrètement la vie des personnes en situation de handicap.

Dès la porte de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), cela coince : le délai de réponse moyen à une demande de prestation est de quatre mois et douze jours. Les départements doivent être mieux dotés pour faire face à des demandes en augmentation.

Il faut accompagner les collectivités territoriales pour faire avancer le grand chantier de l'accessibilité.

Il manquerait 45 000 places dans des structures médico-sociales. De nombreux enfants ne trouvent pas de solution éducative, des jeunes adultes restent dans des structures inadaptées à leur âge, sans parler des personnes handicapées vieillissantes qui n'ont plus leurs parents. Votre réponse ? RAPT, PAG, PCPE, autant d'acronymes incompréhensibles qui ne masquent pas l'absence criante de places.

Depuis 2013, aucune place n'a été créée en ESAT ; deux mille jeunes qui devraient en relever sont maintenus en institut médico-éducatif (IME), au titre de l'amendement Creton.

Il faut revenir sur les reculs de la loi ELAN pour relancer la construction de logements accessibles.

Certaines académies ne comptent pas les élèves relevant des Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) dans les effectifs des établissements. C'est inhumain, et cela conduit à réduire le taux d'encadrement alors qu'il faudrait un accompagnement renforcé !

Pour sécuriser les parcours de ces élèves, il faut actionner trois leviers : professionnalisation et déprécarisation des AESH, formation des enseignants et partenariat entre l'école et le médico-social.

Votre refus d'individualiser l'AAH est symbolique. Il faut adopter la déconjugalisation : la mobilisation ne faiblira pas.

L'accès aux droits fondamentaux des personnes en situation de handicap doit être assuré à tous les niveaux. (Applaudissements)

Mme Brigitte Devésa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce débat concerne les droits des personnes en situation de handicap mais aussi le soutien aux proches aidants.

La conférence nationale du handicap en 2020 a abouti à un accord de méthode sur le pilotage des MDPH, qui engage l'État et les départements.

La feuille de route MDPH 2022 poursuit dans cette voie, avec l'objectif de rendre l'accès aux droits plus simple, efficace et équitable.

Nous n'ignorons pas les actions prises par ordonnance durant la crise sanitaire pour prolonger les droits.

Les données sont partiellement ou totalement indisponibles pour un tiers des 101 MDPH ; 45 % des MDPH restantes répondent au-delà du délai légal de quatre mois. Je salue à cet égard les bons résultats de la MDPH des Bouches-du-Rhône qui affiche un délai moyen de 1,4 mois.

Notez-vous une amélioration ? Quel est le délai moyen pour une première demande et pour une demande de renouvellement ? Quels leviers activer pour aider les départements à améliorer le temps de réponse ?

Hier se déroulait la journée nationale des aidants. Si la prestation de compensation du handicap (PCH) permet de financer des solutions de répit, la prise en charge devient plus difficile en cas de besoin soudain. La réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en 2015, montre l'évolution de la place de l'aidance dans nos politiques publiques.

Le champ des personnes handicapées et des personnes âgées relève de l'autonomie. L'accompagnement quotidien est éprouvant pour les proches aidants. Travaillez-vous à une réforme de la PCH pour y inclure un module répit facilement mobilisable ? (Applaudissements)

M. Bernard Fialaire .  - La loi du 11 février 2005 a réaffirmé le droit à l'éducation des personnes en situation de handicap et posé le principe de l'école inclusive : tout enfant ou adolescent en situation de handicap est de droit inscrit dans l'établissement le plus proche de son domicile.

En 2010, la France ratifiait la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, garantissant notamment leur droit à l'éducation, sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances.

Onze ans plus tard, les conclusions du comité des droits des personnes handicapées dénoncent la présence de structures -  IME et ULIS  - qui perpétueraient la stigmatisation et l'exclusion. Il faut veiller à privilégier le milieu scolaire ouvert chaque fois que c'est possible. Or le soutien académique individualisé pour les élèves atteints d'autisme ou de trisomie est insuffisant.

Seules 45 000 personnes en situation de handicap suivent une formation supérieure -  soit un étudiant sur cinquante, alors qu'un Français sur six est en situation de handicap.

Le comité déplore un manque de statistiques concernant la scolarisation des enfants handicapés dans les territoires ultramarins, ou de certaines populations marginalisées - Roms, demandeurs d'asile, réfugiés.

Il reproche à la France de n'avoir pas fourni d'équipements satisfaisants aux enfants handicapés, notamment malentendants, durant la crise sanitaire. Nous savons que la pandémie a aggravé les disparités dans l'éducation.

Enfin, le comité juge insuffisants l'enseignement en langage des signes ainsi que l'enseignement de ce langage et du braille.

Dans son rapport de 2020, le Défenseur des droits souligne le manque d'AESH, dont les conditions de travail difficiles sont accentuées par la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) qui ont pour effet de leur confier trop d'élèves.

Hier à Lyon, 2 000 professionnels du secteur médico-social manifestaient pour demander l'extension des mesures du Ségur à leurs établissements.

Malgré les progrès, la situation demeure perfectible.

La semaine prochaine, nous débattrons à nouveau de l'individualisation de l'AAH : souhaitons que le Sénat fasse à nouveau le choix d'étendre les droits des personnes en situation de handicap. (Applaudissements)

Mme Annie Le Houerou .  - Le respect des droits des personnes en situation de handicap passe par un accompagnement adapté et qualifié, délivré par des professionnels du soin qui se sentent bien dans leur métier.

Or mardi dernier a eu lieu une manifestation nationale des professionnels du médico-social ; hier, à l'occasion de la journée internationale des aidants, ces mêmes professionnels dénonçaient un risque de pénurie de main-d'oeuvre et le manque de moyens. Problème de recrutement, épuisement, manque de reconnaissance : l'absentéisme et les démissions battent des records.

Le Ségur a créé une concurrence entre les statuts et favorisé une fuite du personnel vers les structures qui offrent désormais une meilleure rémunération. L'accord issu du rapport Laforcade, censé rectifier les inégalités, a entraîné incohérences et désillusions.

Promotion des métiers, formation, qualité de vie au travail : il faut une réflexion d'ensemble sur l'attractivité du secteur. Les professionnels, les associations, les familles nous alertent sur le nombre croissant de défauts de soins. Le lien tissé avec les patients est abîmé par le fort turnover des aides-soignants : intérimaires et bénévoles ne sont pas la solution. Les résidents, devenus objets de soins, sont atteints dans leur dignité. Certaines structures ferment des services, limitent les accueils de jour.

Or aucune compensation des revalorisations salariales n'est prévue dans l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022... Quant au projet de loi Autonomie, il ne verra pas le jour d'ici la fin du quinquennat.

Il faut des mesures d'urgence pour faire des personnes en situation de handicap des citoyens à part entière dans notre société.

Le manque de moyens pour la scolarisation en IME ou en milieu ordinaire est criant. La ministre Cluzel, sensible à la question, n'est pas entendue.

Comment garantir l'effectivité des droits ? Que fait le Gouvernement pour répondre au mal-être des professionnels et prévenir la maltraitance institutionnelle ? (Applaudissements)

M. Dominique Théophile .  - Je salue l'initiative du groupe CRCE ; ce débat, nous le devons aux douze millions de personnes touchées par un handicap, dont neuf millions par un handicap invisible.

C'est l'occasion d'évaluer la politique du Gouvernement en la matière et les efforts consentis pour assurer le respect des droits des personnes en situation de handicap : droit de se former et de travailler, droit de se déplacer, droit de s'épanouir et d'avoir une vie intime, mais aussi droit à bénéficier d'une compensation financière -  la PCH et l'AAH, deux fois revalorisée depuis 2017.

Avec un budget annuel de 51 milliards d'euros, la France est au troisième rang en Europe pour le financement des politiques sur le handicap mais beaucoup reste à faire.

Si le comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unis a salué l'ambition de la stratégie nationale pour l'autisme, il critique aussi une approche jugée trop médicale.

Rappelons toutefois l'ampleur du travail accompli depuis le début du quinquennat. Le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés a augmenté de 20 %. Le nombre d'apprentis en situation de handicap a bondi de 3 500 en 2019 à près de 6 000 en 2020. Depuis janvier 2021, 15 000 travailleurs handicapés ont été recrutés dans le cadre du plan de relance, dont les deux tiers en CDI.

Les projets pilotes en Gironde et en Loire-Atlantique lancés en 2020 pour les femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales sont à saluer.

En outre-mer, les besoins sont nombreux et les retards réels. Le handicap y touche 11 % des plus de 15 ans, contre 9 % en métropole. Cette proportion est même de 13 % en Martinique. Le handicap touche davantage encore les seniors - jusqu'à 24 % en Martinique et à Mayotte contre 16 % dans l'Hexagone. La Défenseure des droits a noté que les inégalités d'accès à la santé y favorisent le renoncement aux soins, ainsi que les discriminations.

De même, l'intégration des plus jeunes y est plus difficile, faute de moyens et de places dans les structures d'accueil. La consultation sur les discriminations lancée en avril dernier sera, je l'espère, l'occasion d'apporter les réponses qui s'imposent dans ces territoires. (Applaudissements)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je remercie Mme Cohen et l'ensemble du groupe CRCE d'avoir mis en évidence la situation des personnes en situation de handicap, un vrai sujet de société qui mérite la plus grande considération.

Les chiffres sont alarmants. Le 26 août 2007, à mon arrivée au Sénat, j'ai rejoint la commission des affaires sociales, alors présidée par Nicolas About. J'y ai rencontré l'un des auteurs de la loi du 11 février 2005, Paul Blanc, qui suivait la mise en place des MDPH. J'ai pris conscience de l'importance des notions de proximité et d'accessibilité.

L'accessibilité en particulier est un vaste sujet, qui touche les transports, notamment le ferroviaire, qui me tient à coeur, l'école, l'université, le logement, l'emploi. Combien de bâtiments et d'établissements ne sont toujours pas accessibles ? Combien de trains ? Hier encore, à la gare Champagne-Ardenne TGV, l'ascenseur était en panne : ces dysfonctionnements sont trop nombreux.

Madame la ministre, vous le savez, il y a beaucoup à faire aussi en matière d'éducation prioritaire. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)

Les rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin et Éric Bocquet rappellent régulièrement, en commission des finances, les limites de l'AAH : n'oublions pas l'humain !

Saluons enfin le dévouement du personnel médico-social, dont le rôle a été crucial pendant le confinement, et le rôle des associations bénévoles. Nous en reparlerons lors du PLFSS et du PLF.

L'État et les collectivités territoriales sont des partenaires cruciaux dans la lutte contre le handicap. (M. François Bonhomme acquiesce.) J'ai rencontré une conseillère municipale de Charleville-Mézières, malvoyante : notre entretien s'est prolongé car j'ai beaucoup appris à l'écouter, tant il est vrai qu'on apprend tous les jours.

Les personnes en situation de handicap méritent respect et reconnaissance. (Applaudissements)

M. François Bonhomme.  - Bravo !

M. Alain Duffourg .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 2 septembre, des milliers d'enfants faisaient leur rentrée, mais 8 000 à 11 000 enfants en situation de handicap sont restés sans solution, exclus de l'école de la République. Le manque d'AESH et de classes ULIS hypothèque leur avenir.

Les enfants porteurs d'un handicap mental subissent des conséquences particulièrement lourdes de cette déscolarisation : retards d'apprentissage, manque de socialisation, difficultés d'intégration, potentiels ignorés. Si Stephan Hawking était né Français, serait-il devenu le physicien de génie que nous connaissons ?

Madame la ministre, quel bilan tirez-vous du déploiement du numéro d'appel École inclusive ? Où en est le recrutement des AESH ? Une meilleure scolarisation, c'est une meilleure inclusion dans le monde du travail, donc une meilleure intégration sociale. Or on constate que plus le handicap est important, plus le niveau de diplôme est bas ; 80 % des personnes handicapées ont un niveau de qualification inférieur au baccalauréat. De là un taux de chômage de 16 %, double de la moyenne nationale.

L'accès au travail est un droit qui ne doit pas être entravé par le handicap.

Quelles solutions préconisez-vous pour une meilleure insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, en particulier les 700 000 qui souffrent de handicap mental ? (Applaudissements)

Mme Michelle Meunier .  - « Les personnes handicapées ont le droit à la protection contre toute forme d'exploitation, de violence ou de maltraitance, y compris leurs aspects fondés sur le sexe. » C'est l'article 16 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, signée par la France en 2010.

Or ce droit n'est pas assuré en France. Dans son rapport de 2019, notre mission d'information avait souligné le risque accru d'exposition des enfants en situation de handicap aux violences sexuelles.

Le ratio va du simple au triple comparé aux enfants valides, du simple au quadruple pour les enfants atteints d'un handicap mental. C'est effrayant : 90 % des filles autistes ont subi des violences sexuelles ; 31 % subissent un viol avant l'âge de 9 ans.

Il faut renforcer les contrôles des intervenants et développer des mesures de prévention pour protéger ces enfants. Le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (Fijais) reste trop méconnu des établissements accueillant des enfants en situation de handicap et sa consultation n'est pas systématique, faute d'habilitation.

En février 2020, le Gouvernement a pris la mesure du problème et a cherché à faire du Fijais le point nodal de la lutte contre le renouvellement des infractions.

Quels sont les résultats de l'audit mené par le ministère de la justice sur les procédures de téléconsultation ? Celles-ci sont-elles mises en place pour les établissements médico-sociaux, à l'image de ce qui se pratique dans les centres de loisirs ? Quels contrôles sont effectués sur les prestataires de services et les animateurs extérieurs ? Les directions d'établissements confrontées à des difficultés de recrutement sont-elles sensibilisées ? À ce titre, les appels à bénévolat pour assurer l'encadrement de certaines activités ne sont pas vraiment de nature à nous rassurer...

Nous avons été frappés par l'absence totale de procédures, ni même de réflexion sur les pratiques professionnelles, au sein des deux grands réseaux associatifs gestionnaires d'établissements que nous avons auditionnés. Le plan gouvernemental prévoyait dès 2020 des formations communes pour renforcer la coopération entre professionnels sur les violences intrafamiliales, mais rien sur les violences commises dans les établissements. Il est primordial que ces enjeux intègrent les modules de formation initiale et continue des professionnels. C'est ainsi que nous avancerons vers une meilleure protection des personnes en situation de handicap, enfants comme adultes, contre les violences sexuelles. (Applaudissements)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La place des 12 millions de Français en situation de handicap reste un enjeu majeur, malgré le renforcement des politiques publiques en la matière, notamment depuis la loi de 2005.

L'objectif de favoriser l'intégration des personnes handicapées en leur assurant l'accès aux lieux publics, aux transports en commun, à un logement et à un travail adapté reste essentiel, mais l'effectivité de la loi est incertaine : quinze ans après son adoption, 18 % des personnes souffrant de handicap sont au chômage, soit près du double de la moyenne nationale ; et 67 % d'entre elles rencontrent des problèmes d'accessibilité des lieux publics.

Le 14 septembre dernier, le comité des Nations-Unies pour les droits des personnes handicapées a regretté un modèle de prise en charge favorisant l'institutionnalisation systématique, et a recommandé à la France de mettre en oeuvre des stratégies afin d'éliminer les représentations négatives ou dévalorisantes des personnes handicapées. Il a encouragé notre pays à renforcer les mécanismes tels que la surveillance indépendante et le contrôle judiciaire afin de prévenir toutes les formes de mauvais traitements et à protéger de la surmédication les enfants handicapés placés en institution.

Le refus du Gouvernement d'individualiser l'AAH, comme le prévoyaient nombre de propositions de lois, illustre l'application parcellaire des droits des personnes handicapées, avec ses effets regrettables : impossibilité d'obtenir l'aide en deçà d'un certain degré de handicap, baisse de l'allocation à mesure qu'augmentent les revenus du conjoint valide, impossibilité d'acquisition immobilière... L'ONU a d'ailleurs enjoint au Gouvernement de réformer le règlement de l'AAH en ce sens.

La personne handicapée est trop souvent considérée comme une personne souffrant d'incapacités plutôt que comme un sujet de droit. Il nous revient de changer ce paradigme. (Applaudissements)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Sophie Cluzel est retenue à l'Assemblée nationale.

M. François Bonhomme.  - C'est dommage.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État.  - En quatre ans, beaucoup a été fait pour rendre notre société plus inclusive au bénéfice des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leurs 8 millions de proches aidants : le droit de vote a été rendu aux majeurs sous tutelle, la charge de la preuve a été allégée pour l'octroi de droits sans limitation de durée si le handicap n'est pas susceptible d'évoluer positivement, l'AAH a été fortement revalorisée, à 900 euros par mois, l'école est encore plus inclusive, un congé indemnisé de proche aidant a été créé.

Nous agissons en concertation avec les associations, les collectivités et toute la société civile, suivant une feuille de route ambitieuse comprenant quatre réformes prioritaires.

Première réforme, simplifier l'accès aux droits et assurer l'équité territoriale : mobilisation de tous les leviers réglementaires et budgétaires pour permettre aux MDPH d'accélérer le traitement des dossiers, création de droits sans limitation de durée pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, extension de six à douze mois de la validité des certificats médicaux, simplification des formulaires de demandes ou le déploiement d'un système d'information pour près de 99 MDPH - tout cela en concertation avec les conseils départementaux, via la signature le 11 février 2020 d'un accord de méthode inédit avec l'Assemblée des départements de France.

Après des années de stagnation, l'État mobilise désormais d'importants moyens financiers : le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) augmente de 15 millions d'euros dès 2021.

Pour soutenir les départements les plus en difficulté, la CNSA a mis en place une équipe de sept personnes qui viennent améliorer les processus de traitement des MDPH et réduire le stock des dossiers. Enfin, pour permettre en toute transparence à chaque citoyen de suivre les avancées et s'assurer de l'équité territoriale de notre action, nous avons créé, avec Dominique Bussereau, le baromètre MDPH qui permet de suivre la progression des différents chantiers : il favorise une dynamique positive entre les territoires.

Les délais de traitement sont ainsi tombés à 4,2 mois -  la cible étant de 4 mois pour 2022. Le délai pour obtenir l'AAH, que nous souhaitons porter à 3 mois, est tombé à 4,1 mois et baisse de trimestre en trimestre. Les droits sans limitation de durée, que nous espérons porter à 65 %, représentent 56 % des dossiers, soit 7 points de plus par rapport à début 2020. Notre action se poursuivra en se territorialisant davantage encore.

Deuxième réforme : le repérage précoce des troubles du neuro-développement. Aujourd'hui diagnostiqués à 6 ou 7 ans, ils peuvent être repérés plus tôt, à un âge où la grande plasticité cérébrale permet de limiter le sur-handicap.

Le forfait intervention précoce est l'une des mesures phares de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro- développement. Il repose sur la mise en place par les ARS de plateformes de coordination et d'orientation, capables de proposer aux familles, dès les premiers signes d'alerte, des interventions adaptées ; ou de les orienter vers les professionnels libéraux respectant des recommandations de bonnes pratiques. L'intégralité du parcours est prise en charge par l'assurance maladie pendant 24 mois, qu'il s'agisse des interventions de psychologues, d'ergothérapeutes, ou de psychomotriciens. Pour les familles, cela représente une dépense évitée de 1 500 euros en moyenne !

À ce jour, 63 plateformes sont d'ores et déjà en place et 15 supplémentaires seront ouvertes avant l'été. Elles auront permis de repérer plus précocement 6 800 enfants et de déclencher 3 807 forfaits. D'ici 2022, 100 plateformes seront installées pour repérer 30 000 enfants et attribuer 19 000 forfaits. En parallèle, les premières plateformes dédiées aux enfants de 7 à 12 ans présentant des troubles du neuro-développement seront mises en place dès 2021. Cette réforme change profondément la vie des enfants diagnostiqués et de leur famille. Il nous faut continuer à accélérer en mobilisant encore davantage les professionnels de la petite enfance, les médecins généraux et les pédiatres en lien avec l'assurance maladie et la Caisse nationale des allocations familiales.

Mme Laurence Cohen.  - Vous n'avez pas beaucoup écouté le débat... Tout va bien, circulez, il n'y a rien à voir !

M. François Bonhomme.  - Ce n'est pas faux...

Harcèlement scolaire et cyberharcèlement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : harcèlement scolaire et cyberharcèlement.

Mme Colette Mélot .  - La question du harcèlement scolaire est grave et d'une brûlante actualité.

Le groupe Les indépendants est à l'origine d'une mission d'information sur le sujet, présidée par Sabine Van Heghe, que je remercie.

La préoccupation est très largement partagée quant à ce fléau qui sape des fondements du vivre-ensemble.

Le harcèlement scolaire est un drame individuel, mais aussi collectif ; il frappe dans tous les milieux ; internet démultiplie les conséquences dramatiques de ce continuum de violences entre l'école et la sphère privée.

Près d'un élève sur dix en est victime. Les filles sont plus fortement touchées par le cyberharcèlement ; les différences sont stigmatisées.

Si la prise de conscience des pouvoirs publics date d'au moins dix ans, les deux tiers des enseignants s'estiment encore mal formés.

Saluons les associations actives dans ce dossier, comme Hugo ! ou Marion La main tendue. C'est la prise en charge du dernier kilomètre qui fait souvent défaut. Paradoxalement, la panoplie semble trop étendue : il y a des numéros d'appel, un site dédié, un concours national, une journée des élèves ambassadeurs : mais ces outils sont insuffisamment connus et utilisés.

Ce harcèlement est pénalement réprimé, avec une circonstance aggravante lorsqu'il a pour victime des mineurs, s'il a lieu sur les réseaux sociaux, ou en meute.

Mais le secret des correspondances fait obstacle à une action judiciaire efficace lorsqu'il se produit via des messageries privées, notamment lorsqu'elles ont leur siège hors de France, voire hors d'Europe. Cela plaide pour la construction d'un cadre européen, voire international.

La mission d'information avait pour objet une accélération de la prise de conscience. Nous avons veillé à rédiger des recommandations classées par grands axes et séquencées dans le temps. Il faut mieux mesurer le phénomène ; il semblerait que le confinement ait donné lieu, logiquement, à une stagnation du harcèlement scolaire, mais à une augmentation du cyberharcèlement.

Les numéros d'appel doivent figurer dans les carnets de correspondance et les agendas scolaires, pour que la victime n'ait à faire aucun effort de mémorisation. Suivant l'exemple scandinave, il faut construire un climat scolaire de qualité, y compris en faisant évoluer la formation initiale et continue des adultes qui interviennent en milieu scolaire ; et en établissant un document d'information annexé au projet d'établissement, pour indiquer clairement aux élèves leurs droits et leurs devoirs.

Pour détecter plus vite les situations de harcèlement, il faut s'attacher aux signaux dits faibles, comme lorsqu'un élève ne termine pas son repas de midi à la cantine plusieurs jours de suite.

Nous suivrons de près la généralisation du programme pHARe. Où en est son déploiement ? Il faut traiter sans délai tous les cas de harcèlement et combiner justice restauratrice et sanction des harceleurs. Le harcèlement est illégal. Les stages d'intérêt général doivent être développés.

Il faut mettre fin à la double peine qui impose trop souvent à l'élève harcelé de quitter l'établissement. Le harcèlement ne doit plus être toléré !

Le harceleur, le harcelé, les témoins doivent être capables de caractériser les comportements. Nous comptons sur vous dans la course contre la montre avec la propagation de la malveillance sur les réseaux sociaux. Il reste du chemin à parcourir. Je salue à cet égard la réunion qui a eu lieu entre le ministre de l'éducation nationale et les représentants des réseaux sociaux.

Nous comptons aussi sur la présidente française de l'Union européenne pour avancer, par exemple sur les stress tests destinés à vérifier que les réseaux sociaux remplissent les objectifs en matière de retrait des contenus litigieux ; ou sur la dissuasion par la publicité - le name and shame.

Nous avons travaillé avec pragmatisme en faveur de ce qui doit devenir dès 2022-2023 une grande cause nationale. (Applaudissements)

Mme Toine Bourrat .  - L'enfance est de ces temps fragiles que les regrets ignorent, que la souffrance effleure ; elle est l'aube des promesses, la démonstration parfois trompeuse mais toujours nécessaire de l'innocence, de l'illusion. Bercée des devoirs de l'apprentissage du destin d'adulte et de la vie collective, l'école, quant à elle, est d'abord le balbutiement de la conscience d'autrui, le lieu de l'apprentissage du savoir, le temple de l'instruction, qui permet à nos enfants de grandir, de s'épanouir, tant sur le plan personnel que collectif, et ainsi de devenir des citoyens vertueux, ouvert aux autres et sur le monde.

Pour tous nos jeunes compatriotes, voilà ce que devraient être l'enfance et l'école. Mais je viens de vous décrire un idéal déchu, tant cette école est peu à peu devenue, par le seul fait du harcèlement, un espace de souffrance, de mal-être et de violence, le cyberharcèlement instaurant un continuum pervers de violence invisible qui va bien au-delà des grilles des établissements.

Le rapport de notre mission d'information met en exergue l'ampleur du phénomène. Nous avons besoin d'un électrochoc.

Cette réalité vertigineuse, illustrée par le suicide d'une élève de 12 ans, il y a une semaine, dans le Pas-de-Calais, est trop souvent plongée dans le déni : les victimes seraient en moyenne deux ou trois par classe ; une victime sur quatre a pensé au suicide ; mais il n'y a qu'un professionnel santé pour 12 000 élèves.

Tout délai est un drame. Le mot clé est la réactivité. Le temps, en la matière, est notre ennemi, ce temps qui écrase, dilue et parasite l'action, notamment celle du témoin, le public du harceleur, les camarades qui n'alertent pas, de peur d'être considérés comme des délateurs.

La culture de la vigilance, c'est briser l'omerta. Les témoins doivent pouvoir donner l'alarme. On pourrait s'inspirer de l'application sorority qui permet de détecter les signaux faibles des violences conjugales en adossant de telles possibilités de signalement anonyme sur OSE ou sur Pronote.

Sur internet, l'information se répand parfois avec une rapidité mortelle. Les réseaux sociaux doivent être contraints de bloquer des contenus a priori, comme TikTok le fait à chaque signalement. Nous l'avons vu récemment avec l'ignoble vague anti-2010.

Sacrifier l'enfance, c'est sacrifier la vie collective. Je pense à cette phrase de Fénelon : « Les premières années de l'enfance sont les plus précieuses, car elles décident du sort des autres ». (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias .  - À l'école, les vexations ne sont pas nouvelles : Flaubert a décrit en 1857 les brimades subies par Charles Bovary, devenu la risée de sa classe à cause de sa balourdise, dans le premier chapitre de son roman.

L'expansion de l'usage des outils numériques, jusque dans les mains d'enfants de plus en plus jeunes, a incontestablement donné à ce harcèlement scolaire une ampleur qui exigeait que le Sénat s'en préoccupât. Le CRCE est reconnaissant à la mission d'information pour son substantiel rapport, qui dresse un bilan nouveau et propose une politique nationale pour y remédier.

Les établissements et leurs équipements doivent être au coeur de la lutte, même si le harcèlement continue à la maison, à cause de la dépendance, toujours plus despotique, des jeunes aux réseaux dits sociaux.

La mission de l'école ne s'est jamais arrêtée à la transmission de connaissances : ouvrant la voie à l'émancipation et diffusant une morale républicaine, elle se doit d'éduquer, au sens latin, c'est-à-dire de former des esprits. Résistons cependant à la tentation de demander à l'école de traiter tous les maux de la société. Nous ajoutons souvent des lignes aux programmes éducatifs : si une formation sur le cyberharcèlement est utile, il ne faut pas que le code de l'éducation devienne un cahier de doléances.

Le rapport dont nous débattons recommande avec raison la reconstitution, dans les établissements, d'équipes pluridisciplinaires composées de médecins, de psychologues et d'assistantes sociales.

S'agissant des réseaux dits sociaux, les révélations de Frances Haugen sur la banqueroute morale de Facebook sont alarmantes : ces réseaux sont complices de la transmission du harcèlement. Le psychiatre Serge Tisseron, qui les considère comme toxiques, recommande d'en réglementer l'usage, alors que, par faiblesse, nous leur laissons trop souvent à eux-mêmes la responsabilité de se réguler.

La loi du 22 décembre 2018 confie au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'analyse de fonctionnement des algorithmes des plateformes, mais elle n'est pas appliquée, faute de sanctions. N'attendons pas une évolution positive de leur part, tant que nous ne nous attaquerons pas à leur modèle économique. (Applaudissements)

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Toine Bourrat applaudit également.) Merci au groupe Les Indépendants pour ce débat. De 800 000 à 1 million d'enfants sont affectés en France par le harcèlement ; c'est un élève sur dix. Ce drame individuel et collectif, amplifié par les réseaux sociaux qui créent une violence permanente, frappe même 25 % des collégiens. Nous avons ainsi vu apparaître à la rentrée le hashtag #anti-2010 sur TikTok.

En 2020, le cyberharcèlement a augmenté avec le confinement : deux fois plus de signalements ont été enregistrés. La plateforme e-enfance a reçu 30 % d'appels en plus. Aucune région, aucune catégorie sociale n'est épargnée.

Le corps enseignant est désarmé. Il faut le former à l'empathie et à la détection du harcèlement, qui a des conséquences graves pour ses victimes, avec l'augmentation du risque de tomber dans la délinquance, les conduites à risque ou le suicide.

Mardi, Ouest France évoquait le suicide de Chanel, 12 ans, à la suite de harcèlement, sous un titre édifiant : « 18 enfants se sont suicidés depuis janvier 2021 ».

Il faut saluer les nombreuses actions du ministère : guide pour les équipes éducatives, lignes téléphoniques, site internet fournissant des ressources.

Tous les ministres de l'éducation nationale ont poursuivi cette politique en partenariat avec les départements et les régions et les associations d'aide aux victimes.

Mais la lutte est imparfaite. Les outils sont peu connus, l'arsenal juridique inadapté et les enseignants trop peu formés : 83 % affirment ne l'avoir jamais été sur le sujet.

Enfin, les établissements manquent de moyens. Les interventions de tiers sont intéressantes, mais difficiles à organiser, notamment pour les collèges.

La mission d'information a formulé 35 propositions sur trois axes : prévenir, détecter, traiter.

Pour prévenir, chaque académie doit faire un point sur le climat scolaire à chaque rentrée et tous les cas de harcèlement doivent être remontés au niveau de l'académie.

Pour traiter les cas, il faut promouvoir les travaux d'intérêt général et les stages de citoyenneté pour les harceleurs. Développons aussi les stress tests et le name and shame pour les plateformes de réseaux sociaux au niveau européen.

Le dixième principe de la Déclaration des droits de l'enfant prévoit que celui-ci doit être protégé contre toute discrimination. Nous devons donc lutter sans relâche contre ces phénomènes qui remettent en cause le droit essentiel de l'enfant à s'instruire et qui s'attaquent aux principes de la République. Quels nouveaux moyens mettrez-vous en oeuvre, madame la ministre, notamment dans le projet de loi de finances pour 2022 ? (Applaudissements)

Mme Véronique Guillotin .  - Le cyberharcèlement s'invite de nouveau dans le débat public avec le hashtag #anti-2010.

Si la France est dans la moyenne européenne, nos politiques publiques ont débuté il y a seulement dix ans, alors que d'autres pays s'étaient saisis du sujet bien avant. Le problème doit être traité d'abord à l'école, mais il a une répercussion sur la société toute entière et la famille a un grand rôle à jouer.

Les réseaux sociaux n'offrent plus de repos aux victimes. Selon l'excellent rapport de la récente mission d'information sénatoriale, 6 % des élèves subiraient du harcèlement scolaire, soit plus de 800 000 jeunes ; il en résulte des troubles de comportement, des dépressions, voire des tentatives de suicide, comme pour ce jeune Marseillais de 13 ans, atteint de troubles dys, et harcelé pour avoir confié son homosexualité à une amie.

Parmi les plus stigmatisés, on retrouve les filles et les enfants vus comme « différents » ; mais tous les enfants peuvent être victimes et harceleurs.

Selon Catherine Blaya, les pays les plus concernés sont ceux où l'on retrouve le plus de violence dans la société. Mieux vaut prévenir que guérir : la prévention permet d'isoler l'agresseur plutôt que l'agressé. Comme les pays scandinaves l'ont compris, celui-ci doit être vu davantage comme un élève à guérir que comme un élève à punir : 40 % sont aussi des victimes.

Au-delà du savoir-faire, l'école doit aussi diffuser le savoir-être.

On demande beaucoup de travail aux équipes enseignantes. L'adulte qui véhicule la bienveillance a un fort impact : il faut travailler sur la formation et décloisonner avec le périscolaire, sur lequel les collectivités territoriales ont la main.

Il y a des mesures concrètes à prendre, comme les jeux de rôles qui permettent de se mettre à la place de la victime. Le cyberharcèlement est très important dans le primaire : 14 % des cas auraient lieu entre le CE2 et le CM2. Pour ces enfants, il faudrait limiter l'accès à internet.

J'espère que ce rapport permettra d'accélérer les politiques publiques. (Applaudissements)

Mme Sabine Van Heghe .  - Notre débat a lieu sur fond de drame : j'étais hier à Frévent, commune du Pas-de-Calais, pour la marche blanche organisée en l'honneur de Chanel, 12 ans, qui a mis fin à ses jours après avoir été harcelée depuis trop longtemps.

Avec la rapporteure Colette Mélot, nous avons fait oeuvre utile. Je vous renvoie à nos 35 recommandations, classées par souci didactique au sein d'une feuille de route par grandes priorités. Nous précisons le responsable de chaque action et le calendrier.

Madame la ministre, je me félicite de votre venue ici pour ce débat, mais passons aux travaux pratiques : il faut appliquer sans délai chacune de nos 35 recommandations.

Le harcèlement scolaire est un drame individuel et collectif qui sape notre bien-vivre ensemble. Le harcèlement de la mi-septembre sur les élèves nés en 2010 montre une nouvelle fois le caractère irrationnel de ces phénomènes.

Le dispositif actuel pèche par un manque de suivi.

Prévention et détection nécessitent des moyens, ainsi que nous l'avons vu lors de nos déplacements dans deux collèges. Les succès du collège de Melun sont peut-être liés aux moyens associés à son statut REP+. Il faut aussi une gestion plus fine des moyens humains, avec moins de turnover.

Le projet de budget pour 2022 prévoit la création de 300 postes de conseillers principaux d'éducation (CPE) et de 50 postes d'assistants sociaux et d'infirmiers scolaires. Encore faudra-t-il que ces postes soient pourvus.

Ces 50 postes semblent bien insuffisants : à peine un demi-poste par département... Nous en débattrons sans doute lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.

La lutte contre le cyberharcèlement passe aussi par l'Union européenne. Les réseaux sociaux ne réagissent que sous la contrainte, et je regrette que Twitter n'ait pas participé à l'une de nos tables rondes.

Le programme du Gouvernement pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne sera présenté le 1er décembre prochain : pouvez-vous d'ores et déjà nous rassurer sur le fait que ce sujet y figurera ?

Dans notre rapport, les choses sont dites, les recommandations séquencées, les acteurs publics identifiés, les vecteurs juridiques précisés. L'école ne doit pas être un lieu de souffrance. Saisissez-vous de notre travail, car tout y est. C'est désormais une question de volonté politique : à vous de jouer ! (Applaudissements)

Mme Nadège Havet .  - Je remercie Colette Mélot et Sabine Van Heghe pour leurs travaux au sein de cette mission d'information.

Prévenir, détecter, traiter : c'est primordial. Chaque membre de la communauté éducative a un rôle à jouer pour éviter ces drames individuels et collectifs.

Chaque année, plus de 700 000 enfants sont abîmés par le harcèlement scolaire : c'est le constat effrayant dressé par l'association Les Papillons, qui libère la parole des enfants victimes de maltraitance.

L'affaire Mila, du nom de cette jeune fille victime d'un véritable raid numérique -  insultes, appels au viol, menaces de mort  - , a montré combien le cyberharcèlement est un fléau pour toute la société, en ligne comme à l'école ou dans la rue.

Selon le rapport du député Erwan Balanant, deux à trois enfants par classe seraient maltraités, avec des traumatismes profonds et durables.

L'article 5 de la loi de 2019 sur l'école de la confiance consacre le droit à une scolarité sans harcèlement. L'encadrement de l'utilisation des portables à l'école, les numéros d'appel, les élèves ambassadeurs, les référents, sont autant de mesures qui vont dans le bon sens.

Malgré les outils existants, le phénomène a connu un regain durant le confinement.

Il faut agir en amont, avec de l'éducation aux médias tout au long de la scolarité et de l'information sur les accompagnements existants. La prise en charge des victimes doit être rapide, avec des personnes-ressources de proximité et de confiance, connues des enfants. En aval, il faut accompagner les harceleurs, mais aussi mettre en place une réponse pénale plus efficace.

Les plateformes doivent coopérer avec les pouvoirs publics, car leur responsabilité est engagée. Les signalements doivent être faits, puis traités, avec célérité.

Ce sujet dépasse nos frontières, comme l'a montré l'organisation l'an dernier d'une conférence internationale par le ministère de l'éducation nationale et l'Unesco. Il pourra être abordé à l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Le Gouvernement a annoncé la généralisation sur tout le territoire du programme pHARe, sur la base de l'expérimentation menée dans six académies.

La méthode de la préoccupation partagée, développée dans les années quatre-vingt en Suède, est utilisée avec succès en Finlande, en Australie et au Canada : échangeons pour mieux lutter contre ce fléau. (Applaudissements)

M. Joël Guerriau .  - « Celui qui ouvre une porte d'école ferme une prison » : ainsi Victor Hugo traduisait-il l'idéal républicain. À ceux qui considéraient que les criminels étaient responsables de leur état, il répondait : « tout homme coupable est une éducation manquée qu'il faut refaire ».

L'école apprend le civisme et la citoyenneté. En plus de la grammaire, de l'algèbre ou de l'histoire, les compétences psychosociales sont indispensables à la cohésion d'une communauté, de l'école à la Nation tout entière.

Le harcèlement procède souvent d'une défaillance d'empathie, doublée d'un sentiment de toute puissance. Du côté des victimes, la peur, la honte et un faux sentiment de culpabilité paralysent la parole.

Les élèves ciblés sont plutôt isolés, souvent introvertis. Le mécanisme est odieux. C'est un fléau de société à combattre d'urgence, d'où l'initiative du groupe INDEP de constituer une mission d'information.

Ce rapport met en lumière les conséquences dramatiques du harcèlement scolaire, à commencer par le désengagement scolaire -  le harcèlement serait responsable de 25 % de l'absentéisme chronique  - , le risque de dépression et de suicide. Le stress permanent imprègne toutes les dimensions de la vie de l'élève, parfois à très long terme.

Dix années d'action des pouvoirs publics n'ont malheureusement pas réussi à éradiquer ce fléau.

Premier obstacle : le silence des victimes, dont il faut libérer la parole et détecter les signaux faibles. Cela passe par la mobilisation générale de la communauté éducative.

Il faut également confronter les réseaux sociaux à leurs responsabilités.

Nous avons aussi besoin d'approches décalées, innovantes, surprenantes. Ainsi de la méthode résolutoire, qui propose à la victime de reprendre le contrôle de la situation en mettant au point une stratégie de sortie de crise et de désamorcer la spirale de la violence en reprenant confiance en elle. Madame la ministre, formez le personnel à cette méthode. (Applaudissements)

Mme Sabine Drexler .  - Membre de la mission d'information, je puis témoigner que nul d'entre nous n'est sorti indemne de nos auditions.

Le harcèlement commence dès l'école élémentaire, parfois dès la maternelle. Il faut réinstaurer un climat scolaire qui permette à chaque enfant de se sentir en sécurité.

Dans le Haut-Rhin, à Andolsheim, une expérimentation est menée depuis 2014, fondée sur une méthode suédoise ; elle a fait ses preuves.

Un comité de pilotage intervient lorsque la situation ne peut plus être gérée en interne. Un travail est mené avec le harcelé et le harceleur pour leur donner les moyens de mettre fin à la situation, avant d'en arriver à la sanction.

Les actions mises en oeuvre ont jugulé le phénomène dans le primaire. Mais les moyens manquent pour aider le personnel à faire face aux difficultés, tout particulièrement dans les écoles en milieu rural.

Jusqu'à il y a une dizaine d'années, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) avaient les moyens de maintenir une présence régulière ; ce n'est plus le cas. Or les enseignants ne sont ni formés ni disponibles pour faire face à ce phénomène qui explose partout. Il faudrait renforcer le réseau des professionnels spécialisés, à même d'assurer un accompagnement en amont et un suivi personnalisé en aval.

Le harcèlement d'aujourd'hui est le germe des détresses de demain. (Applaudissements)

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapport de la mission d'information attire l'attention sur un phénomène de plus en plus répandu : déjà 18 suicides d'élèves en 2021.

Les élèves sont parfois touchés dès l'école primaire, à un âge charnière pour la construction de l'identité.

La violence de ce fléau s'est accentuée avec les réseaux sociaux et l'action menée est insuffisante. Le danger ne peut être combattu sans prise en compte globale de l'environnement.

Commençons par nous adresser de façon claire et directe aux Français.

C'est tout le système numérique qui est organisé pour affaiblir nos enfants et les rendre dépendants. Il y a des moyens d'agir sur les réseaux sociaux, mais ceux-ci ne redoutent sans doute pas beaucoup l'échéance de la présidence française de l'Union européenne. L'Europe est souvent divisée sur ces sujets.

Ne culpabilisons pas trop les parents, mais faisons leur prendre conscience du caractère addictif des réseaux sociaux. Qui sont-ils prêts à faire entrer dans leur foyer via les réseaux et les consoles de jeux de leurs enfants : des cyberprédateurs ? Des pédocriminels ? Des terroristes ? Je suis favorable à des communications plus fortes, voire choquantes.

Ce débat est aussi un appel à un civisme exigeant, face à l'obscurantisme associé au complotisme, le tout dans un anonymat délétère.

Les peines, facteurs d'exemplarité, ne sauraient épargner les participants, qui se disent à tort passifs. Il faut dépasser à la fois les a priori idéologiques et les excuses sociologiques.

Il faut organiser des rencontres régulières entre acteurs, garants de l'homogénéité de l'action publique.

M. le président.  - Il faut conclure...

M. Jacques Grosperrin.  - Les collectivités territoriales ont un rôle décisif à jouer en la matière. (Applaudissements)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire.  - Je tenais à remercier l'ensemble des orateurs pour la qualité et la gravité de leurs interventions.

Le harcèlement, fléau du quotidien qui peut conduire au pire, appelle une mobilisation totale. J'ai une pensée pour toutes les victimes et leurs proches. J'invite cependant à la modération s'agissant d'affaires en cours - une en particulier a été citée.

Le harcèlement peut se prolonger tout au long de la journée, voire de la nuit, bien au-delà des murs de l'école.

Le harcèlement et le cyberharcèlement sont des sujets qui concentrent l'attention du ministre de l'Éducation nationale depuis 2017.

Les violences ont pris de l'ampleur avec le mauvais usage des réseaux sociaux. La rentrée a ainsi été le théâtre d'un nouveau hashtag, #anti-2010 ; nous avons agi par un autre hashtag, #bienvenue-aux-2010.

Depuis 2017, nous menons une politique volontariste et ambitieuse de lutte contre le harcèlement. En 2017, nous avons interdit l'usage du portable dans les murs de l'école et avons créé un prix « non au harcèlement ». En 2018, nous avons lancé des campagnes de prévention annuelles -  contre le revenge porn par exemple  - et mis en place 335 référents harcèlement en académie. En 2019, nous avons établi un Plan national avec dix nouvelles mesures ; la loi pour l'École de la confiance a consacré le droit à une scolarité sans harcèlement ; nous avons créé un comité national d'experts et mis en place des équipes d'intervention. En 2020, nous avons organisé une conférence internationale avec l'Unesco. En 2021, nous avons lancé le 3018 -  qui permet désormais de faire supprimer une publication et des commentaires  - et l'association e-enfance. Depuis la rentrée 2021, le programme pHARe se déploie sur tout le territoire, sur une base volontaire, avant une généralisation en 2022.

La prévention du harcèlement fera l'objet d'un plan d'action mis en oeuvre par des équipes pluricatégorielles formées à la prise en charge du harcèlement. Les parents, qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants, seront associés à ces démarches.

Le harcèlement, c'est aussi le cyberharcèlement ; c'est pourquoi le ministère a reçu les principales plateformes de réseaux sociaux, en présence du CSA. Il s'agit de mieux contrôler et de lancer une nouvelle dynamique pour mieux mobiliser.

Les plateformes ont une responsabilité.

La question de la régulation reste entière. L'âge minimal d'inscription - treize ans  - s'il était respecté, permettrait de répondre à une grande partie du problème...

Nous développons une approche partenariale avec les réseaux sociaux pour prévenir les phénomènes viraux.

Nous devons développer aussi l'accompagnement des victimes, en liaison avec les associations de terrain -  Marion La main tendue ou Les Papillons  - dont l'action doit être valorisée. C'est devenu un enjeu de santé publique.

Un élève de sixième sur deux est sur les réseaux sociaux ; d'où l'importance d'une éducation aux médias et à l'information dispensée dès l'école primaire.

Je constate personnellement, sur le terrain, que le repérage et le traitement des méfaits du harcèlement s'améliorent au quotidien : c'est désormais une préoccupation de tous, CPE, professeurs, assistants d'éducation, familles et associations.

Mais pas question de s'arrêter là : il reste encore beaucoup à faire. Chaque situation de harcèlement est une de trop. Chaque élève victime doit pouvoir à nouveau évoluer sereinement avec ses camarades. Il y va de son équilibre personnel.

Nous mettons toute notre détermination dans cette action -  c'est aussi la mère de quatre enfants qui vous parle.

Dans quelques jours, j'irai étudier les bonnes pratiques mises en oeuvre dans d'autres pays. Même si la lutte contre le harcèlement est une compétence nationale, l'Union européenne doit continuer à agir, notamment en finançant les associations comme e-enfance.

Comptez sur moi pour faire avancer le sujet, avec Jean-Marie Blanquer, à l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est levée à 17 h 20.

Prochaine séance, mardi 12 octobre 2021, à 15 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 12 octobre 2021

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : Mme Nathalie Delattre, vice-présidente Mme Pascale Gruny, vice-président

1Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses mesures de justice sociale (texte de la commission, n°17, 2021-2022) (demande du groupe Les Républicains)

2Proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°19, 2021-2022) (demande du groupe Les Républicains)

3. Proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°24, 2021-2022) (demande du groupe UC)