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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Médecins des centres municipaux de santé

M. François Calvet

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Cas contacts vaccinés et non vaccinés

M. Henri Cabanel

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Suppression de la carte vitale pour des Français de l'étranger

M. Ronan Le Gleut

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

L'hôpital public malade de l'intérim

M. Rémy Pointereau

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Fermetures et cessions d'officines en zones rurales

M. Jean-Jacques Lozach

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Remboursement à l'assurance maladie des indemnisations de perte d'activité

M. Stéphane Sautarel

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Difficultés des résidences autonomie à but non lucratif

Mme Marie Mercier

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Démographie médicale

M. Christian Bilhac

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Permanence des soins et désertification médicale

M. Jean-Pierre Moga

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Avenir du FIVA

M. Gilbert Roger

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Invasion des chenilles processionnaires (I)

M. Jean-Marie Mizzon

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles,

Mobilisation des sages-femmes

M. Didier Marie

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Bilan de la lutte contre les déserts médicaux

M. Hervé Maurey

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Invasion des chenilles processionnaires (II)

Mme Catherine Belrhiti

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Places en foyer pour les adultes handicapés

M. Michel Canévet

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Présence postale dans le Calvados

Mme Corinne Féret

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Approvisionnement de la filière des vélos

M. Laurent Somon

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Une politique européenne pour la filière spatiale

Mme Laurence Harribey

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Déploiement des antennes 5G

M. Didier Mandelli

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Classement en commune touristique

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Reprise de l'activité dans les stations de ski

M. Cyril Pellevat

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Un fonds pour les marnières ?

Mme Céline Brulin

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Déclinaison territoriale des engagements climatiques

M. Hervé Gillé

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Pollution au zircon dans la carrière de Tournai-sur-Dive

Mme Nathalie Goulet

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Attaques de loups en Lozère

Mme Guylène Pantel

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Projet de parc éolien de Guiscard

M. Olivier Paccaud

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Avenir des centrales hydroélectriques de la vallée d'Ossau

M. Max Brisson

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Avenir de la société guyanaise Auplata

M. Georges Patient

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais

M. Frédéric Marchand

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Besoins en logements dans les communes rurales

M. Patrice Joly

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Panneaux photovoltaïques en zone rurale

M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Prolifération des algues vertes

Mme Laurence Garnier

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Délais importants pour passer le permis de conduire

Mme Nicole Duranton

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Répression de la rave party de Redon

M. Thomas Dossus

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Ordre public et cortèges de mariage

M. Édouard Courtial

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Règles procédurales en matière de diffamation

M. Yves Détraigne

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Projet de label « bio » pour le sel

M. Daniel Laurent

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Usage et taxation du bois des communes forestières

Mme Patricia Demas

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Transfert de la gestion du canal de la Hardt

Mme Sabine Drexler

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Évolutions de la dotation globale de fonctionnement

Mme Nadia Sollogoub

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Gestion du périphérique parisien

Mme Catherine Procaccia

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Soutien à l'investissement des SDIS

Mme Angèle Préville

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Personnels communaux en autorisation spéciale d'absence

Mme Christine Herzog

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Pénurie de professeurs remplaçants

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Carte de l'éducation prioritaire

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité

Responsabilité pénale et sécurité intérieure (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier bis

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 bis

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3 ter

ARTICLE 4

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4

ARTICLE 12

ARTICLE 15

ARTICLE 16

M. Laurent Burgoa

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 16

ARTICLE 20

Explications de vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Catherine Di Folco

Mme Éliane Assassi

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

Ordre du jour du mercredi 20 octobre 2021




SÉANCE

du mardi 19 octobre 2021

8e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.

La séance est ouverte à 9 h 40.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à quarante-cinq questions orales.

Médecins des centres municipaux de santé

M. François Calvet .  - L'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ne permet de recruter les médecins contractuels des centres municipaux en contrat à durée indéterminée (CDI) qu'à l'issue de deux contrats à durée déterminée (CDD) de trois ans, soit au bout de six longues années. C'est préjudiciable à la stabilité des services municipaux de santé, car ces praticiens risquent de s'en aller, faute de garanties quant à leur contrat de travail.

Pourtant, les centres municipaux de santé s'inscrivent dans la volonté du Gouvernement de lutter contre les « déserts médicaux », avec le dispositif « 400 médecins », qui rencontre un grand succès.

Le centre municipal de santé de la ville d'Elne, dans les Pyrénées-Orientales, a ainsi reçu 1 531 patients entre son ouverture début avril et la fin du mois de juin.

Pourquoi ne pas autoriser la conclusion d'un CDI à l'issue du premier contrat de trois ans ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - L'engagement du Gouvernement à lutter contre la désertification médicale est total. Avec l'article 33 du projet de loi 3DS, nous allons faciliter le recrutement de personnel dans les centres de santé par les communes, les EPCI et les départements.

Le code de la santé publique autorise les centres de santé à recruter des contractuels pour trois ans renouvelables une fois, après quoi les contrats deviennent des CDI. En outre, tout contrat visant à pourvoir un emploi permanent est conclu à durée indéterminée si le recruté justifie de six ans de services.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a amélioré ces règles, mais la possibilité d'un primo-recrutement en CDI ou au bout de trois ans n'a cependant pas été retenue.

Aucune évolution législative n'est envisagée à ce stade. Il peut toutefois être fait appel à des praticiens hospitaliers mis à disposition.

Cas contacts vaccinés et non vaccinés

M. Henri Cabanel .  - Un cas contact dont le schéma vaccinal est complet et qui n'est pas immunodéprimé n'est pas astreint à l'obligation d'isolement. Il doit cependant respecter certaines règles sanitaires et limiter ses interactions sociales. Mais que doivent faire les chefs d'entreprise si le télétravail n'est pas possible ?

Ils attendent une consigne claire. Seront-ils responsables en cas de clusters ? Les arrêts maladie seront-ils autorisés dans ce cas ?

Vendredi dernier, la Haute Autorité de santé a temporairement suspendu le Moderna pour la troisième dose. Qu'allez-vous décider concernant ce vaccin dont certains médecins détiennent d'importants stocks ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - La France a adapté sa doctrine de tracing à l'augmentation de la couverture vaccinale. Cette doctrine repose désormais sur une distinction entre personnes à risque élevé ou modéré. Nos voisins allemands, espagnols, britanniques et danois ont fait de même. Une étude du 11 octobre 2020 rappelle que les personnes vaccinées de plus de 50 ans ont neuf fois moins de risque d'hospitalisation ou de décès. C'est pourquoi les personnes à risque modéré ne sont désormais plus isolées ni mises en arrêt maladie.

Dans le contexte du variant Delta, le respect de certaines mesures reste cependant nécessaire : limiter les interactions sociales et recourir au télétravail si possible. Santé publique France a publié de nouvelles recommandations auxquelles je vous renvoie.

M. Henri Cabanel.  - Certains chefs d'entreprise n'ont pas obtenu de réponse des ARS : c'est un problème.

Je vous adresserai une question écrite au sujet du vaccin Moderna.

Suppression de la carte vitale pour des Français de l'étranger

M. Ronan Le Gleut .  - Pourquoi des retraités français à l'étranger ont-ils dû rendre leur carte Vitale ? Certains ont perdu leurs droits au 1er octobre 2021 : c'est le cas d'une Française résidant aux États-Unis, qui a cotisé quatorze ans en France, mais qui désormais ne sera plus assurée quand elle revient en France, par exemple à Noël pour voir ses petits-enfants.

En cause, l'article L. 160-3 du code de la sécurité sociale. De surcroît, le Conseil d'État a rejeté les mesures transitoires le 2 avril 2021.

Combien de Français sont-ils concernés par cette mesure injuste ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Cette mesure n'est pas nouvelle et ne concerne pas seulement les retraités.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, il faut bien quinze ans de cotisations en France pour avoir droit à la prise en charge de ses frais de santé lors de séjours temporaires en France. Le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) et celui de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) étaient favorables à cette mesure, recommandée par le rapport de la députée Genetet.

La durée de quinze ans constitue un point d'équilibre, validé par le Conseil d'État. La CNAM est attentive à ces dossiers et a prévu un délai supplémentaire de six mois. L'adhésion à la CFE permet de continuer à bénéficier d'une couverture de ses frais de santé en cas de séjour temporaire en France.

M. Ronan Le Gleut.  - Le caractère rétroactif de votre loi est choquant. Un actif peut encore modifier sa situation, ce n'est plus le cas du retraité.

L'hôpital public malade de l'intérim

M. Rémy Pointereau .  - Un quart des postes de médecins hospitaliers sont vacants : les intérimaires en profitent pour exiger des rémunérations supérieures au plafond réglementaire de 1 170 euros pour vingt-quatre heures. Le budget de l'hôpital en pâtit et les praticiens titulaires sont incités à démissionner pour se tourner à leur tour vers l'intérim, ce qui désorganise encore un peu plus le travail dans les services.

Pour les hôpitaux, c'est le dilemme du prisonnier. On le voit bien à Bourges, dans le Cher.

Comment s'assurer du respect de la loi Rist et éviter son contournement par les intérimaires ?

Comment aiderez-vous les établissements à sortir de leur dépendance au mercenariat médical ? La prime de solidarité territoriale est-elle une solution ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - La lutte contre ces dérives est une priorité : la loi du 26 avril 2021 renforce les contrôles et la loi de modernisation du système de santé plafonne la rémunération des intérimaires. Mais cette réglementation est insuffisamment appliquée.

Le Pacte de refondation pour les urgences et le Ségur de la santé ont posé de nouveaux jalons. La loi Rist renforce le contrôle par le comptable public et permet aux ARS de saisir les tribunaux. Enfin, les établissements publics de santé d'une même région ou de régions limitrophes pourront coopérer afin d'assurer la continuité des soins. Vous pouvez compter sur nous.

Fermetures et cessions d'officines en zones rurales

M. Jean-Jacques Lozach .  - À Mainsat, dans la Creuse, une pharmacie a été soudainement cédée à une officine d'Auzances, le chef-lieu de canton. Cette absorption s'est faite sans concertation, privant les 550 habitants de Mainsat d'accès aux médicaments. C'est une nouvelle manifestation de la fracture territoriale : d'après l'Ordre national des pharmaciens, avec ses 59 officines, la Creuse serait l'un des départements français les moins bien dotés.

Pour y remédier, la loi permet l'ouverture d'antennes de pharmacie. Où en sommes-nous ? Quid de l'expérimentation prévue dans les zones où l'accès aux médicaments est difficile ? Les projets d'expérimentation seraient suspendus à la parution d?un décret d'application : qu'en est-il ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Le Gouvernement est conscient du problème. Toute cessation définitive d'activité d'une officine doit être déclarée à l'ARS. Et si elle est l'objet d'une indemnisation par une autre officine, l'avis préalable du directeur général de l'ARS est requis.

Afin d'apporter une solution aux territoires concernés, un assouplissement de la réglementation a été prévu par l'ordonnance de 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie. Un décret sera publié au premier semestre 2022. Les ARS pourront alors identifier les territoires où l'accès aux médicaments est difficile afin de mettre en place des actions. Il s'agira de faciliter le maintien ou l'installation d'officines. Par exemple, si une officine ferme dans une commune de plus de 2 500 habitants, le directeur général de l'ARS peut délivrer une nouvelle autorisation d'ouverture.

Par ailleurs, la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, autorise les ARS à expérimenter de nouvelles modalités de dispensation des médicaments dans certaines communes.

Remboursement à l'assurance maladie des indemnisations de perte d'activité

M. Stéphane Sautarel .  - L'assurance maladie demande le remboursement de certaines des aides qu'elle a versées aux cabinets de santé libéraux dans le cadre du dispositif d'indemnisation de perte d'activité (DIPA) : cela pose une question de confiance dans la parole publique.

Les modalités de calcul des pertes subies, pourtant négociées par les syndicats avec la CNAM, ont été revues, notamment la période de référence qui s'étend désormais du 16 mars au 30 juin. Cela pénalise les professionnels qui ont retrouvé une activité soutenue dès le mois de mai.

Plusieurs dizaines de milliers de professionnels de santé libéraux se voient ainsi réclamer le remboursement de tout ou partie de l'aide, en totale contradiction avec les engagements pris. N'oublions pas que leurs charges ont considérablement augmenté en raison des mesures sanitaires.

On pourrait comparer cette situation à celle des collectivités territoriales qui n'ont toujours pas de compensation de leurs pertes de recettes d'activité.

Allez-vous tenir vos engagements ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - L'objectif du DIPA était d'aider les professionnels de santé à faire face à leurs charges fixes. Il a été mis en place le 30 avril 2020 et les premiers acomptes ont été versés dès le 12 mai.

Quelque 203 000 professionnels de santé ont ainsi touché 6 213 euros en moyenne, pour un montant total de 1,3 milliard d'euros.

Cette aide a été mise en oeuvre dans l'urgence, ce qui explique certaines incompréhensions sur ses modalités de calcul, notamment sur l'avance de trésorerie qui peut différer de l'aide définitive.

Les dépenses d'équipements de protection ont bien été prises en compte.

Les engagements du Gouvernement sont donc largement tenus.

M. Stéphane Sautarel.  - Oui, l'État a soutenu les professionnels de santé, mais la période de référence pose problème.

Difficultés des résidences autonomie à but non lucratif

Mme Marie Mercier .  - Le Ségur de la santé a revalorisé, à raison, les rémunérations des employés des résidences autonomie à but non lucratif. Mais ces charges nouvelles ne pouvant être répercutées sur les loyers, les résidences sont obligées de puiser dans leurs fonds propres ; ce n'est pas une solution pérenne. Avez-vous conscience de ces difficultés ? Comment concilier considération des soignants et dignité de la prise en charge de nos personnes âgées ? Quelle politique pour le grand âge ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Les résidences autonomie relèvent en premier lieu de la compétence des départements.

Le Gouvernement déploie néanmoins une politique volontariste en leur faveur, car elles constituent l'un des maillons de notre politique de prévention. Elles ont en outre une vocation sociale : avec un coût moyen de 700 à 800 euros, elles sont deux fois moins onéreuses qu'un Ehpad.

Le Ségur de la santé a souhaité améliorer l'attractivité des métiers de l'autonomie en augmentant les rémunérations. Le Gouvernement examinera la situation financière objective de ces résidences, dont 15 %, soit 15 000 logements, seront rénovées ; les appels à projets seront revus et une offre sera développée outre-mer. Enfin, une réflexion sur leur financement par des prêts plus avantageux que le prêt locatif social (PLS) sera conduite.

Mme Marie Mercier.  - Les maires des territoires ruraux, comme chez moi en Saône-et-Loire, ont à coeur d'aider leurs personnes âgées, qui doivent pouvoir se loger à un prix raisonnable. Nous manquons d'une vision globale sur la politique d'autonomie. Nous comptons sur vous.

Démographie médicale

M. Christian Bilhac .  - L'évolution de la démographie médicale et le manque de réalisme des chiffres qui mesurent le temps de travail des médecins généralistes sur le terrain m'inquiètent. En effet, les données disponibles ne reflètent plus la réalité de leur présence effective.

La médecine est de moins en moins accessible. On compte 1 700 médecins généralistes libéraux de moins entre 2013 et 2019, alors que la population a crû de 1,4 million.

Ils déclarent travailler en moyenne entre 52 et 60 heures par semaine et consacrer 61 % de leur temps de travail hebdomadaire au soin. Il y a vingt ans, un médecin de famille exerçait environ 80 heures par semaine. Désormais, la tendance semble plutôt à une présence à temps partiel, parfois seulement 20 heures hebdomadaires. Mais leur poste est comptabilisé de la même façon dans les effectifs médicaux.

Ne pourrait-on pas lancer une étude pour connaître les effectifs de médecins libéraux en équivalent temps plein (ETP) plutôt qu'en nombre de médecins ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Oui, le nombre de médecins est en baisse régulière depuis 2010 et cette tendance devrait se poursuivre jusqu'en 2025.

Mesurer l'accessibilité aux soins nécessite la prise en compte de nombreuses données. Le Gouvernement utilise l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL) qui comptabilise l'offre de soins réelle fournie par chaque professionnel en ETP ou en nombre de consultations. Depuis 2015, cet indicateur est publié annuellement pour les médecins généralistes, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes. Il intègre également l'évolution de la demande de soins liée au vieillissement de la population.

Ces données montrent effectivement que l'accès aux médecins généralistes s'est dégradé entre 2015 et 2019 : en 2015, 8 % de la population vivait sur un territoire en tension ; c'est 15 % en 2019.

C'est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures dans le cadre de MaSanté2022 : recrutement de 4 000 assistants médicaux, déploiement de la pratique avancée, protocoles de coopération au niveau communal, etc.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Permanence des soins et désertification médicale

M. Jean-Pierre Moga .  - À l'été 2021, après la fermeture des urgences du centre hospitalier de Marmande-Tonneins, la permanence des soins a été réorganisée en urgence. Les personnels ont accepté d'avancer les horaires de garde, permettant ainsi aux régulateurs de répondre aux appels de l'après-midi et aux patients de bénéficier d'une prise en charge plus rapide.

Le Lot-et-Garonne étant département pilote, ce nouveau protocole ne peut malheureusement être poursuivi, car il doit être dorénavant fixé par décret et aucune dérogation ne semble possible.

Faut-il attendre une catastrophe en Lot-et-Garonne pour faire bouger les lignes ? On ne gère pas la permanence des soins de la même façon dans un département rural et dans une métropole : il est du devoir de l'État d'assurer l'accès aux soins de tous les habitants.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Nous partageons votre constat. Mais ce n'est pas une fatalité. Le centre hospitalier de Marmande a dû adapter son service durant trois semaines cet été. Cette organisation a été concertée avec les autres acteurs, et a permis d'éviter la fermeture des urgences. Mais elle doit rester une exception, car elle s'écarte des dispositions réglementaires.

Trois jeunes urgentistes seront recrutés au début de l'année, une maison médicale de garde s'installera dans les locaux de l'hôpital et l'ARS a prévu 1 million d'euros pour rénover complètement les urgences.

Avenir du FIVA

M. Gilbert Roger .  - La fusion entre le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) ne va pas de soi.

L'association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles (ANDEVA) et la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) sont opposées à ce projet qui risque de dégrader les conditions d'indemnisation, sans apporter de solution aux difficultés structurelles de l'Oniam.

Ces deux établissements n'ont ni le même financement, ni le même mode de traitement des dossiers, ni les mêmes critères d'indemnisation : une fusion n'est pas opportune et cache des économies d'échelle.

Le FIVA a été créé parce que la société n'a pas su protéger les dizaines de milliers de victimes de l'amiante, actuelles et à venir : nous avons une dette à leur égard. Renoncez à ce projet de fusion !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - À la demande du Gouvernement, l'IGAS et l'IGF ont conduit une étude sur l'éventuel rapprochement des deux organismes. Leurs travaux ont permis une large consultation et ont dégagé des similitudes fortes : même mission de réparation intégrale des dommages corporels, même statut des agents, mêmes locaux, structures de financement similaires, entre autres.

Parmi les différents scénarios identifiés, c'est la fusion qui a semblé la plus intéressante pour assurer leurs missions -  notamment l'accès aux droits.

M. Gilbert Roger.  - Que l'IGAS fasse des études, très bien ! Mais c'est au Gouvernement de décider. Sinon, le pouvoir pour quoi faire ?

Invasion des chenilles processionnaires (I)

M. Jean-Marie Mizzon .  - Les chenilles processionnaires sont un véritable fléau de santé publique, particulièrement en Moselle.

Ces insectes sont hautement nocifs tant pour les arbres que pour les hommes auxquels ils occasionnent des troubles cutanés, oculaires et respiratoires graves. Ils peuvent même être mortels pour certains animaux.

Seul l'État peut mobiliser des moyens à la hauteur de ce problème sanitaire. Envisagez-vous de soutenir les collectivités territoriales dans ce domaine ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles, .  - Depuis la loi du 26 janvier 2016, un chapitre du code de la santé publique est désormais consacré à la lutte contre les espèces nuisibles à la santé humaine.

En avril 2017, un décret a été pris pour la lutte contre trois types d'ambroisie. D'autres pourraient suivre pour des espèces animales telles que les chenilles processionnaires.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) signale que le nombre d'intoxications aux chenilles processionnaires a été multiplié par quatre entre 2012 et 2019 -  avec 1 338 cas de faible gravité, 36 cas de gravité moyenne et 2 cas de gravité forte ; mais heureusement aucun décès.

En 2022, le classement de la chenille processionnaire du pin et du chêne comme espèce nuisible à la santé humaine devrait permettre de lutter plus efficacement contre elle.

M. Jean-Marie Mizzon.  - La population est irritée et les maires sont désemparés. Vous me parlez de réglementation, mais il faut davantage de moyens financiers, car les traitements sont beaucoup trop coûteux. Envisagez-vous d'accompagner financièrement les communes alors que ce problème pourrit la vie des riverains ?

Mobilisation des sages-femmes

M. Didier Marie .  - En Seine-Maritime, depuis le début de l'année 2021, les sages-femmes de l'hôpital public se sont mobilisées à six reprises pour dénoncer le sous-effectif, le manque de rémunération et le manque de reconnaissance de leur profession. Elles le feront à nouveau du 22 au 25 octobre.

Elles demandent de meilleures conditions de travail, pour offrir le meilleur accompagnement possible aux femmes qu'elles aident à accoucher. Les sous-effectifs ne le leur permettent pas.

La qualité des soins est ainsi directement affectée par la détérioration des conditions de travail, et les témoignages de sages-femmes en souffrance, craignant d'être parfois maltraitantes envers les patientes faute de temps à leur accorder, se multiplient.

Face à ce manque de reconnaissance, aux contrats précaires, aux salaires insuffisants et au manque d'effectifs, les départs vers le privé sont en augmentation constante. Une enquête menée par l'ordre des sages-femmes a montré que 55 % d'entre elles ont déjà envisagé de changer de métier.

Après plusieurs années de gel des salaires, vous avez annoncé une augmentation de 100 euros bruts par mois ; cela ne suffit pas. À la suite de la mission d'évaluation de la profession qui lui a été confiée, l'IGAS a émis de nombreuses recommandations, afin notamment de recentrer la place des sages-femmes sur leur coeur de métier et de modifier substantiellement leur cadre statutaire d'exercice à l'hôpital. Elles demandent notamment à être considérées comme profession médicale.

La maigre revalorisation salariale annoncée sera-t-elle la seule réponse apportée à leurs revendications ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Non, mais cette revalorisation des rémunérations décidée dans le cadre du Ségur -  183 euros nets mensuels dans les établissements publics ; 160 euros dans le privé  - n'est pas négligeable. Le taux de promotions a été doublé pour atteindre 22 %. Cela s'accompagne enfin d'une revalorisation indiciaire de 100 euros brut par mois et de primes de 100 euros nets par mois, pour une enveloppe totale de 40 millions d'euros. In fine, cela correspond à une augmentation de plus de 360 euros nets par mois.

Nous travaillons aussi sur la reconnaissance du caractère médical de leur profession à l'hôpital ; les discussions se poursuivent.

En tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, je suis particulièrement engagé dans ce dossier. Car les 100 millions d'euros investis par l'État dans la protection maternelle et infantile (PMI) en trois ans sont aussi bénéfiques aux sages-femmes, tout comme l'entretien prénatal précoce et l'entretien post-natal destiné à lutter contre la dépression post partum.

M. Didier Marie.  - Ces deux dernières années, le nombre d'inscriptions dans le cursus universitaire a baissé de 20 %. C'est une alerte significative. Manifestement, vos solutions ne suffisent pas, puisque la profession continue à se mobiliser. (M. le ministre désapprouve.)

Bilan de la lutte contre les déserts médicaux

M. Hervé Maurey .  - La lutte contre les déserts médicaux a été déclarée priorité du Gouvernement dès 2017. Mais les espoirs ont laissé place à la déception, puisque vous vous êtes contentés de poursuivre la politique d'incitation des gouvernements précédents -  politique dont aucune évaluation n'a jamais été réalisée.

La fin du quinquennat approchant, un bilan s'impose. Le nombre de médecins a baissé dans les territoires les plus affectés par les déserts médicaux. Dans l'Eure, on en comptait 179 pour 100 000 habitants, 160 en 2021. Le délai d'attente augmente : 313 jours pour une consultation chez un généraliste dans l'Eure ! Il est aujourd'hui impossible de trouver un pédiatre à Évreux. Je vous laisse imaginer la situation dans les communes rurales... Allez-vous enfin mettre en place une régulation des installations ?

Mme Nathalie Goulet.  - Excellent !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Nous ne pouvons renverser si vite trente ans de non-décisions des gouvernements successifs - dont certains que vous souteniez - en matière d'organisation de notre système de soins.

L'accès aux soins est bien une priorité gouvernementale depuis 2017, mais cela prend du temps. Nous n'avons pas créé ni maintenu le numerus clausus, mais l'avons réformé et les effets s'en feront ressentir dans quelques années.

Nous avons aussi facilité la pratique avancée, le recrutement d'assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTR) qui, s'appuyant sur les dynamiques territoriales, créent une offre coordonnée et adaptée de soins. Ces mesures commencent à produire des effets dans les territoires.

M. Hervé Maurey.  - Vous semblez très satisfait de votre action (M. le ministre s'en défend) mais la situation ne fait que s'aggraver. Je ne m'attendais pas à ce que vous soyez frappé par la grâce, mais vous ne prenez même pas la mesure de la situation.

Invasion des chenilles processionnaires (II)

Mme Catherine Belrhiti .  - Au printemps, la France, et particulièrement le Grand Est, a subi le retour des chenilles urticantes dites « processionnaires ». Dans la Moselle, plus de la moitié des communes étaient concernées. Cette espèce, que le réchauffement climatique conduit de plus en plus au nord de la France, provoque de multiples dommages sur la forêt, les animaux et les humains.

Les impacts sont sanitaires, écologiques, économiques et touristiques : démangeaisons, douleurs, oedèmes, chocs anaphylactiques, allergies, destructions de feuillus...

L'ARS recommande de ne pas aérer les maisons, de ne pas faire sécher le linge dehors. Ce sont des préconisations extrêmes ; il faudrait plutôt traiter, mais les traitements existants sont très coûteux et les municipalités n'en ont pas les moyens.

Les maires sont débordés : l'État doit intervenir, notamment financièrement. Qu'allez-vous mettre en oeuvre en vue de la prochaine saison ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - J'ai déjà répondu sur le sujet à M. Jean-Marie Mizzon. La loi de 2016 de modernisation du système de santé a créé un nouveau chapitre dans le code de la sécurité publique consacré à la lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles.

Le décret d'avril 2017 concerne trois espèces d'ambroisie : l'ambroisie à feuilles d'armoise, l'ambroisie trifide et l'ambroisie à épis lisses. Il pourrait être élargi aux chenilles processionnaires.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a été saisie du problème en janvier 2020. Le nombre d'intoxications a été multiplié par quatre entre 2012 et 2018, avec 1 338 cas sans gravité, et seulement deux cas de forte gravité - et aucun décès, heureusement. L'inclusion de la chenille processionnaire, aux côtés de l'ambroisie, dans la liste établie à l'article D1338-1 du code de la santé publique devrait avoir lieu en 2022. Les maires pourront ainsi agir sur le fondement d'arrêtés préfectoraux.

Mme Catherine Belrhiti.  - Il faut régler le problème avant la nouvelle saison.

Places en foyer pour les adultes handicapés

M. Michel Canévet .  - Dans le Finistère, des personnes en situation de handicap sont prises en charge en institut médico-éducatif, voire en institut éducatif spécialisé, car elles ne trouvent pas de place dans des établissements correspondant à leur handicap. Or l'accueil en maison d'accueil spécialisée (MAS) ou en foyer d'accueil médicalisé (FAM) nécessite l'accord de l'État. Le Gouvernement répondra-t-il à la demande des familles ? L'enveloppe de 90 millions d'euros annoncée sera-t-elle affectée à cette prise en charge ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Je réponds au nom de la secrétaire d'État Sophie Cluzel, dont je vous prie d'excuser l'absence.

Entre le tout-établissement et le tout-domicile, le Gouvernement souhaite développer un habitat alternatif de qualité pour les personnes en situation de handicap, grâce à un plan interministériel de développement de l'habitat inclusif, et une aide à la vie partagée qui pourrait concerner, à terme, 4 200 bénéficiaires, contre 388 aujourd'hui.

L'enveloppe de 90 millions d'euros s'inscrit dans le cadre du moratoire des places en Belgique, destiné à faire cesser les départs volontaires vers ce pays. Ses crédits sont ciblés sur les trois régions les plus concernées : l'Île-de-France, les Hauts-de-France et le Grand Est. Plus d'un millier de solutions seront proposées d'ici à 2023.

Dans le Finistère, il existe bien une tension sur l'offre d'hébergement spécialisé pour adultes handicapés : 1,79 pour mille, contre 1,93 pour mille en moyenne régionale. Par conséquent, 31 places en FAM et 45 places en MAS seront créées en Bretagne, dont 20 en MAS pour le Finistère d'ici à 2022.

M. Michel Canévet.  - Oui, les tensions sont réelles et ont été aggravées par la pandémie. Je salue vos annonces.

Présence postale dans le Calvados

Mme Corinne Féret .  - La crise sanitaire a confirmé le caractère essentiel des services postaux pour nos concitoyens.

Pourtant, dans le Calvados, bien que la direction de La Poste affirme tout mettre en oeuvre pour assurer ses missions de service public, la population subit les conséquences directes des mesures de restructuration engagées.

En milieu rural, de trop nombreux bureaux de poste ont déjà fermé. Tout récemment, le groupe a annoncé la fermeture de trois autres bureaux de poste à Caen, dans les quartiers de la Demi-Lune, du Calvaire Saint-Pierre et de Vaucelles, remplacés par des « La Poste Relais » au sein desquels les opérations financières seront extrêmement limitées. Les habitants les plus fragiles et seront les premiers pénalisés.

Parallèlement, on annonce une réorganisation de la distribution du courrier, qui est en réalité la chronique d'une mort annoncée. Considérant que la plateforme industrielle courrier de Caen-Mondeville ne répondait plus aux besoins, son arrêt a été décidé et certaines de ses activités transférées vers la plateforme de Rennes. Que vont devenir les 268 agents ?

Le pire est aussi à craindre pour les plateformes courrier de Verson, de Giberville et Hérouville-Saint-Clair ; et ce n'est pas l'ouverture d'une plateforme multi-flux à Colombelles en 2023 qui changera la donne.

Diminution des horaires d'ouverture des bureaux de poste entraînant, à terme, la fermeture de ces derniers pour cause de baisse de fréquentation, réduction massive du personnel : les problèmes sont connus, maintes fois dénoncés, en vain.

La présence globalement maintenue de La Poste dans les territoires occulte la différence de service rendu aux usagers ; on se garde d'évoquer la question des emplois ou encore celle du financement des agences postales par les communes. Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour mettre fin au désengagement de La Poste ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le 22 juillet, lors de la réunion du comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise entre l'État et La Poste, le Premier ministre a annoncé un accompagnement financier supplémentaire. La loi oblige La Poste à maintenir 17 000 points de contact ; au moins les 90 % de la population doivent se trouver à moins de cinq kilomètres, ou moins de vingt minutes de trajet, de ces points.

L'obligation est respectée dans le Calvados, où 95,1 % de la population est ainsi couverte. Il y a 186 points de contact, dont 89 bureaux de poste.

La Poste fait face à une baisse de fréquentation de ses bureaux, ce qui l'oblige à adapter son modèle de présence physique, mais nous restons attentifs au maintien d'un haut niveau de service public. Ainsi, dans le Calvados, l'offre sera intégrée dans trois futurs établissements France service/Point info dans les communes de Moyaux, Merville-Franceville et Cambes-en-Plaine. À Caen aussi, une nouvelle offre sera proposée.

Approvisionnement de la filière des vélos

M. Laurent Somon .  - La situation des vendeurs et des réparateurs de vélos illustre bien le quotidien de nos entreprises françaises. Elle est en effet ubuesque : d'un côté, l'explosion des ventes, avec une augmentation de 117 % pour les vélos à assistance électrique depuis juin 2020, ce qui est une bonne nouvelle pour la filière et l'écoresponsabilité ; de l'autre une demande impossible à satisfaire dans les délais et à des prix raisonnables. De fait, 95 % des composants d'un vélo viennent d'Asie.

Contrairement aux Américains, la France n'a pas anticipé les besoins. Pire, elle a amplifié la demande avec la subvention « coup de pouce vélo » et plus de 1,5 million de cycles réparés. Les fabricants français ne trouvent plus de pièces détachées, les vendeurs ne peuvent honorer les commandes : la livraison de certains composants prend plus de cinq cents jours !

Les fabricants français, comme les vendeurs, ont cherché des alternatives, ils ont dû les homologuer et passer des commandes jusqu'à 2024 pour sécuriser les approvisionnements.

Plus grave, les petites entreprises ne peuvent pas lutter contre les grandes marques et les banqueroutes se multiplient. Les usines chinoises prennent en priorité les commandes en très grosse quantité. La conséquence logique de la pénurie est la flambée des prix : entre 40 et 250 % de hausse selon les matériaux.

La pandémie a touché tous les réseaux de production et de distribution, en particulier les cycles indépendants - je songe, dans mon département, aux artisans installés à Villedieu-les-Poêles et à Doullens.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour soutenir les commerces de nos territoires, victimes d'une économie rongée par la pénurie de pièces dans les chaînes mondialisées de production ?

Comment l'État français engage-t-il sa réindustrialisation ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La réindustrialisation est au coeur des préoccupations du Gouvernement depuis 2017. Grâce à nos réformes fiscales et du marché du travail, la France est devenue le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers. Pour la première fois depuis dix ans, des emplois industriels ont été créés en 2017, puis en 2018 et 2019.

Les efforts de court terme seront poursuivis, notamment pour faire face aux tensions sur les chaînes d'approvisionnement, dans le vélo mais aussi l'automobile ou le bâtiment, avec la reprise économique. France Industrie coordonne une task force, avec un tableau hebdomadaire des tensions. Des instructions ministérielles ont été données aux responsables des achats publics.

À moyen terme, France Relance prévoit 550 projets de relocalisation ; à long terme, France 2030 poursuivra le mouvement de réindustrialisation.

Une politique européenne pour la filière spatiale

Mme Laurence Harribey .  - Exemple d'une coopération européenne réussie avec ArianeGroup, la filière spatiale est en plein essor. De nouveaux acteurs apparaissent : SpaceX, la Chine et l'Inde. Des échéances majeures se profilent, à commencer par les premiers lancements d'Ariane 6 fin 2022.

Pourtant, ArianeGroup a annoncé en 2018 la suppression de 2 300 emplois. Le 23 septembre dernier, la suppression de 600 postes était annoncée en Gironde, ce qui touchera 3 500 emplois directs.

C'est l'ensemble de la filière qui risque d'être fragilisé, alors qu'elle mériterait une véritable politique européenne, avec une priorité donnée aux lanceurs. Quelle est la position du Gouvernement sur ce plan, et quelle est la stratégie française en matière de politique spatiale ? Comment articulez-vous le maintien des sites français avec la dimension européenne ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le Président de la République, le Premier ministre, Bruno Le Maire et Frédérique Vidal se sont engagés pour le développement de la filière spatiale, notamment dans le cadre de France 2030 qui fait de la maîtrise spatiale un élément essentiel de notre politique industrielle.

Le secteur est également porté par l'Europe : 15 milliards d'euros y seront consacrés dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et pour appliquer le futur règlement européen Espace.

Après six mois de négociation, la France et l'Allemagne ont signé le 21 juillet un accord sur Ariane 6, qui consacre la préférence européenne en matière de lanceurs.

Dans le cadre de France 2030, nous souhaitons faire émerger des champions européens du spatial.

Mme Laurence Harribey.  - Mon analyse est différente : la réponse européenne ne règle pas les problèmes territoriaux. Vous parlez de long terme mais, comme le disait Keynes, à long terme, nous serons tous morts !

Déploiement des antennes 5G

M. Didier Mandelli .  - Les opérateurs cherchent à implanter leurs infrastructures de téléphonie mobile sans mutualisation, malgré le New Deal de 2018. Ainsi, à Saint-Hilaire-de-Riez, on a compté pas moins de onze projets lancés par trois opérateurs ; il a fallu de longues négociations pour les mutualiser. Or aux 10 500 antennes dans le cadre du plan 5G s'ajoutent les milliers d'antennes 4G qui restent à déployer

Une proposition de loi que j'ai déposée a été partiellement reprise dans un autre texte de Patrick Chaize voté par le Sénat puis par l'Assemblée nationale. Sur la mutualisation, mes propositions étaient plus coercitives. Quelles sont vos propositions pour l'accélérer ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Notre priorité est la couverture rapide du territoire : le retard pris est anormal. Nous avons donc accéléré le financement des pylônes : près de 1 200 depuis 2018 contre 500 entre 2003 et 2018 ; 12 000 pylônes sont prévus d'ici à 2026.

Certes, le déploiement est parfois quelque peu anarchique mais nous ne pouvons pas, au point de vue juridique, forcer le partage des pylônes. Nous cherchons à le favoriser avec, par exemple, l'accord d'itinérance entre Orange et Free. Nous allons poursuivre nos efforts et lutter contre la spéculation immobilière qui renchérit les implantations.

M. Didier Mandelli.  - Je m'inscris dans cette logique de dialogue : il faudrait associer les maires à la réflexion.

Classement en commune touristique

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - Les critères permettant d'accéder au statut de commune touristique sont de trois ordres : détenir un office de tourisme classé ; organiser des animations touristiques et disposer d'une capacité d'hébergement destinée à une population non permanente.

Or nombre de communes sur tout le territoire national, à l'instar du Lude dans la Sarthe, sont rattachées à un office dit de pôle, en l'espèce l'office de tourisme de la vallée du Loir, dans une approche pragmatique de mutualisation. Cela fait obstacle à l'obtention de la dénomination de commune touristique puisque, de fait, le périmètre de l'office de tourisme référent classé a évolué.

Comment comptez-vous assouplir ces conditions ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Dès lors qu'une commune remplit les deux premiers critères et est couverte par un office touristique classé, fût-ce au niveau supracommunal, elle peut obtenir le statut de commune touristique. C'est le sens de l'article R133-32 du code du tourisme, dont la rédaction, je vous l'accorde, gagnerait peut-être à être précisée.

Je connais votre attachement, et celui de votre famille, au Lude et salue le dynamisme de cette commune, avec notamment la fête des jardiniers. La vallée du Loir est un secret bien gardé...

L'office de tourisme de la vallée du Loir doit donc engager une démarche d'obtention du classement. Au vu de l'arrêté du 25 avril 2019 qui les fixe, je pense qu'il remplit les conditions.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Je vous remercie pour ces précisions, que je transmettrai à l'office du tourisme.

Reprise de l'activité dans les stations de ski

M. Cyril Pellevat .  - Alors que les stations de ski n'ont pas pu ouvrir leurs portes la saison précédente et que leurs finances ont été durement touchées, elles ont un besoin impératif de visibilité pour la prochaine saison.

En effet, l'activité économique de montagne représente près de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Les mécanismes d'indemnisation mis en place ne couvrent que les charges fixes des domaines skiables. De plus, le décret qui doit préciser les modalités de calcul n'a toujours pas été publié. Les acteurs de la montagne ont besoin de certitudes pour s'organiser au mieux après une année catastrophique.

Il a été annoncé que les stations n'auraient pas à demander le passe sanitaire. C'est bienvenu, mais elles ne savent toujours pas si elles devront appliquer un protocole sanitaire spécifique. Si des contrôles doivent être effectués par les employés des stations, il est essentiel de le savoir à l'avance.

Il faut aussi rechercher une coordination européenne sur les mesures applicables aux stations, même si nous ne sommes pas dupes. Que se passera-t-il si d'autres pays mettent en place un protocole sanitaire plus strict que celui de la France ? Nous risquerions une flambée de l'épidémie en cas d'afflux massif de touristes étrangers.

Quand le décret sur les pertes domaniales sera-t-il publié, et y aura-t-il une coordination européenne ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Les pertes fiscales seront compensées en 2021 comme elles l'ont été en 2020, pour que les recettes ne soient pas inférieures à leur moyenne calculée entre 2017 et 2019. La taxe de séjour est intégrée dans le calcul. Le décret d'application sera présenté fin octobre au Comité des finances locales.

Sur la saison d'hiver des domaines skiables français, si attendue par les montagnards comme par les Français et les Européens : cet hiver, c'est ouvert ! Je peux en témoigner, les élus et les professionnels se préparent pour la réussir.

Le ministère de la santé est en train de réviser le protocole sanitaire, qui sera présenté à la fin de cette semaine ou au début de la prochaine. La saison a commencé à Tignes et aux Deux-Alpes sans passe sanitaire, mais il ne faut pas l'écarter si c'est la solution pour garder les stations ouvertes.

Attention aux skieurs originaires du Royaume-Uni, où l'on constate une petite reprise de l'épidémie.

Un fonds pour les marnières ?

Mme Céline Brulin .  - Le département de la Seine-Maritime est particulièrement touché par les cavités souterraines, faute de méthode fiable de détection des marnières. La prévention s'appuie sur les signalements ou la connaissance populaire. L'inventaire réalisé en 2001 étant très incomplet, les communes doivent se débrouiller par leurs propres moyens.

De plus, dans le cadre du plan zéro artificialisation, les services de l'État demandent aux communes d'affecter à l'habitat les dents creuses en zone urbaine, même lorsqu'il y a des cavités souterraines.

Compte tenu du coût de recherche et de comblement, qui a atteint 80 000 euros pour une famille de Saint-Jouin-Bruneval, peut-on envisager un dispositif similaire au fonds Friches ? Le fonds Barnier, qui a été intégré au budget national et dont le plafond a été réduit, ne couvre que 30 % des dépenses. Les assurances ne couvrent pas le reste. On pourrait songer à une exonération de TVA ou à un prêt à taux zéro.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Les anciennes marnières sont un enjeu en raison des risques d'effondrement.

Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a publié en octobre 2019 un rapport assorti de propositions sur le sujet. Le Gouvernement s'est engagé à améliorer la détection et les bases de données, en particulier en Normandie, et à porter le taux de couverture du fonds Barnier de 30 à 80 %. C'est chose faite depuis le décret du 30 avril 2021, avec un plafond de 36 000 euros et de 50 % de la valeur vénale du bien concerné. Un retour d'expérience est prévu. Le fonds peut aussi financer les dépenses connexes.

Déclinaison territoriale des engagements climatiques

M. Hervé Gillé .  - Le Conseil d'État vient de condamner la France pour non-respect de ses engagements climatiques et la loi Climat, de l'avis de nombre de parties prenantes, ne suffira pas à tenir ces engagements. Il n'y a pas de planification territoriale des enjeux. Comme l'a dit Pierre Rabhi, chacun doit prendre sa part - encore faut-il qu'elle soit évaluée.

Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) valident un programme d'action, sans stratégie globale, et les financements ne sont pas conditionnés à l'atteinte d'objectifs de performance énergétique et climatique.

Les PCAET (plans climat-air-énergie territoriaux) ne sont pas fléchés et reconnus en tant que tels pour faciliter la déclinaison locale de la stratégie.

Des stratégies ambitieuses ne suffisent pas : il faut des résultats opérationnels. Comment le prenez-vous en compte ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - L'article 88 de la loi Énergie-climat crée des comités régionaux de l'énergie qui jouent un rôle clé dans la planification. Ils seront consultés dans la définition d'objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables, qui seront mis en oeuvre à la prochaine révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Barbara Pompili a lancé le 11 octobre la concertation pour la révision de ces objectifs.

Les PCAET définissent des objectifs opérationnels en cohérence avec les objectifs nationaux : 29 % ont été approuvés. Il faut accélérer leur déploiement, mais la dynamique est là : pour 92 % d'entre eux, l'élaboration a été engagée.

La contribution des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire (Sraddet) aux objectifs de la politique de transition énergétique fera l'objet d'un rapport du Gouvernement au Parlement.

Quant à l'éco-conditionnalité des dotations aux collectivités, le Gouvernement lui préfère la contractualisation dans le cadre des CRTE.

M. Hervé Gillé.  - Votre réponse esquive la déclinaison des indicateurs et objectifs de performance, et vous mettez l'éco-conditionnalité de côté : ce n'est pas ainsi que vous accélérerez la mise en place d'actions concrètes.

Pollution au zircon dans la carrière de Tournai-sur-Dive

Mme Nathalie Goulet .  - Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a découvert du zircon dans les rejets de la carrière de grès armoricain de Tournai-sur-Dive, dans l'Orne.

Le grès armoricain renferme fréquemment des concentrations de rutile et de zircon ; le pourcentage de minéraux lourds peut atteindre jusqu'à 15 %.

Les associations s'alarment, alors qu'un accord a été passé pour l'agrandissement de la carrière. À chaque percée, des poussières toxiques remontent. Il y a donc des interrogations sur l'exploitation de cette carrière, et la population est très inquiète.

En raison du principe de prévention, je voudrais que le Gouvernement s'implique : les critères de dangerosité ont évolué et la population est de plus en plus sensible à ces questions. Il s'agit d'une pollution lourde.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Aux termes d'un arrêté du 4 avril 2018, la société Orbello peut extraire 500 000 tonnes par an de grès armoricain dans cette carrière.

Un recours a été porté devant le tribunal administratif, qui a annulé cet arrêté le 21 novembre 2019, avant que la cour administrative d'appel de Nantes n'invalide à son tour le jugement le 5 mai 2020. Elle a néanmoins demandé que le dossier soit complété par une étude sur la pollution initiale des sols et une étude patrimoniale sur trois bâtiments construits par l'Ordre des templiers. Le dossier a été complété et validé par arrêté préfectoral le 30 juin, après consultation publique.

Une nouvelle requête a depuis été déposée au Conseil d'État par des associations de protection de l'environnement, mais le juge d'appel ne l'a pas retenue. La radioactivité naturelle présente sur le site est issue du thallium et peut être contenue.

L'ARS n'a pas formulé de recommandations particulières, et le BRGM, dans son étude du 4 juin 2014, a confirmé l'absence d'impact radiologique.

Néanmoins, la préfète de l'Orne a demandé un contrôle périodique des eaux d'exhaure de la carrière pour vérifier la présence de thallium. Les résultats sont très inférieurs aux normes prescrites. Les analyses, menées par un laboratoire indépendant, ont été présentées le 8 octobre lors de la dernière réunion de suivi.

Mme Nathalie Goulet.  - L'inquiétude demeure, même s'il faut toujours arbitrer entre l'intérêt économique et la préoccupation des populations. Nous avions connu des problèmes analogues avec GDE, que la ministre d'alors, Ségolène Royal, avait fait fermer. Demandez à la préfète d'organiser un tour de table.

Attaques de loups en Lozère

Mme Guylène Pantel .  - Les éleveurs lozériens subissent des attaques de loups depuis trop longtemps. Les mesures de protection des troupeaux se révèlent inefficaces et inadaptées au département de la Lozère. Du fait du classement du loup comme une espèce strictement protégée, sa destruction est interdite sauf de manière dérogatoire.

Deux arrêtés nationaux interministériels encadrent le « protocole technique d'intervention » pour le prélèvement de loup, qui prévoit une gradation des tirs. En Lozère, une soixantaine d'éleveurs bénéficient d'une autorisation de tir de défense simple, avec un seul tir. Au regard de la géographie de ce territoire de montagne, ce moyen de défense est inefficace.

Le tir de prélèvement est une autre possibilité, mais il n'est que rarement utilisé.

Dans quelle mesure des tirs de prélèvement pourraient être autorisés en première intention sur les territoires faisant l'objet d'actes de prédation durables et récurrents ? Il y va de notre agriculture locale et de la vitalité de nos territoires.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Pour soutenir l'élevage et lutter contre la prédation par le loup, le Gouvernement a mis en place le plan national d'action 2018 - 2023 qui prévoit le financement de la protection des troupeaux et l'indemnisation des éleveurs.

Des dérogations autorisent des tirs de loups s'ils ne remettent pas en cause la pérennité de la population : tir de défense simple, tir de défense renforcé, ou tir de prélèvement si les deux précédents ne suffisent pas, mais après autorisation du préfet du département. Il faut s'assurer que les tirs n'atteignent pas le plafond fixé afin que les éleveurs puissent défendre leurs troupeaux tout au long de l'année.

Cette année, le préfet coordonnateur n'a pas reçu de demande de tirs de prélèvement en Lozère.

Mme Guylène Pantel.  - La détresse des éleveurs est immense. Il y va de leur exploitation mais aussi de leur vie de famille -  ils doivent surveiller en permanence leur troupeau. Une solution est indispensable.

Projet de parc éolien de Guiscard

M. Olivier Paccaud .  - Parmi les nombreux maires qui s'opposent aux éoliennes, six maires de communes de l'Oise sont vent debout contre un projet de ferme éolienne.

J'ai écrit, en vain, par deux fois à Mme la ministre Pompili. Le Président de la République, que j'ai saisi, lui a transmis le dossier - peut-être s'est-il perdu... Les pétitions restent lettre morte. Le nord de l'Oise est saturé. La population s'oppose aux nuisances générées par ces grands mâts envahissants et bruyants qui bétonnent nos paysages.

Vous êtes sensible aux problèmes posés par le béton, madame la ministre. (Mme la ministre le confirme.)

Le Gouvernement compte-t-il respecter l'avis des élus locaux et de la population sur ce dossier environnemental ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Malgré notre mix électrique largement décarboné, les deux tiers de notre consommation énergétique proviennent toujours des énergies fossiles. Une électrification massive de notre économie est donc largement nécessaire.

Pour continuer à nous chauffer et à nous déplacer, il faut développer les énergies renouvelables, dont l'éolien.

Le Gouvernement prend cependant en compte la préservation de la biodiversité, des paysages et l'avis des élus et des riverains.

La ministre Pompili a annoncé dix mesures en ce sens le 5 octobre et elle a demandé aux préfets de déterminer des zones de développement de l'éolien en concertation avec les collectivités locales. Un médiateur national de l'éolien sera installé. En outre, la loi Climat et résilience renforce la consultation des maires en amont des projets. Enfin, des solutions seront déployées pour réduire les pollutions sonore et lumineuse.

Il est prévu qu'un prélèvement de 1 % du produit de la vente d'électricité par éolienne alimente un fonds pour la préservation des paysages.

M. Olivier Paccaud.  - Je n'ai pas été convaincu par votre réponse. Dans une démocratie, il faut tenir compte de ce que veut la population.

Avenir des centrales hydroélectriques de la vallée d'Ossau

M. Max Brisson .  - Les barrages hydroélectriques créent une énergie renouvelable décarbonée à la demande. Ils constituent une ressource stratégique pour l'autonomie de la France.

Si la plupart des États ont recours à un régime d'autorisation, qui leur permet de protéger leurs barrages de l'ouverture à la concurrence, trois pays européens, dont la France, ont recours à la concession. L'Italie et le Portugal ont repoussé cette ouverture à la concurrence, mais pas la France.

En 2015 et 2019, notre pays a fait l'objet de deux mises en demeure. Si le projet Hercule a été renvoyé aux calendes grecques, le flou demeure sur la volonté du Gouvernement de se plier ou non à ces exigences, mettant les actuels concessionnaires dans l'incertitude.

Parmi eux, la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM). Elle devrait être soumise au renouvellement de ses concessions sur trois vallées pyrénéennes.

Que compte faire le Gouvernement pour garantir les 50 emplois de maintenance dans la vallée d'Ossau ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La Commission européenne a engagé un contentieux avec la France qui est source d'incertitude pour les entreprises et les collectivités.

Le Gouvernement explore plusieurs scénarios, et aucune décision n'a encore été prise. Parmi eux, la solution de la quasi-régie présente de réels avantages.

Des échanges avec la Commission européenne se poursuivent. Le Gouvernement sera attentif à ce que la solution choisie préserve l'emploi local et la ressource en eau. Il veillera aussi au maintien du potentiel énergétique, technique et humain de la SHEM.

M. Max Brisson.  - Je me félicite que votre réflexion avance. Il y va de notre souveraineté énergétique.

Avenir de la société guyanaise Auplata

M. Georges Patient .  - À cause d'un recours d'une association hors sol, la mine d'or de la société Auplata en Guyane devrait cesser son activité -  faute d'un arrêté temporaire préfectoral qui serait d'autant plus nécessaire que la décision de fermeture du tribunal administratif est basée sur un argument de forme et non de fond.

Auplata, c'est 89 emplois locaux, 5 millions d'euros de salaires auxquels s'ajoutent 6 millions injectés dans l'économie guyanaise, ce qui n'est pas rien pour ce territoire en panne de développement.

Enfin, Auplata est sur le point de réussir le défi de la mine responsable. Que compte faire le Gouvernement pour garantir cette activité légale ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le préfet de Guyane, par arrêté du 18 novembre 2015, a bien autorisé l'usine d'Auplata à fonctionner ; mais le tribunal administratif a jugé cette autorisation caduque, car l'ouverture a eu lieu plus de trois ans après l'autorisation donnée.

Les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, comme c'était le cas pour Auplata, sont susceptibles de comporter des dangers ou des inconvénients pour les populations alentour.

Le délai de trois ans est une condition connue de la caducité de l'autorisation. Dès lors, le tribunal a strictement appliqué la loi.

Pour autant, le Gouvernement est attaché au développement économique de nos territoires.

M. Georges Patient.  - Je ne suis pas satisfait par cette réponse. Cette société est légale et elle doit continuer à fonctionner : celles qu'il faut fermer, ce sont les entreprises illégales qui pillent et polluent le territoire guyanais !

Renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais

M. Frédéric Marchand .  - Trente ans après la fermeture des derniers puits d'extraction de charbon, et après avoir affronté de nombreuses crises, le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais concentre aujourd'hui les indicateurs les plus préoccupants de la France métropolitaine.

Dans ce contexte, la communauté de communes Coeur d'Ostrevent, a signé un engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM). Couvrant l'ensemble des politiques publiques, il s'agit d'un programme d'actions unique en France. Il s'agit d'accompagner la résilience de ce bassin minier.

Dès le démarrage de l'ERBM, Coeur d'Ostrevent s'est investi pour accompagner la convergence des politiques publiques afin d'apporter des solutions aux difficultés sociales, économiques et culturelles des habitants de son territoire.

La collectivité a mis en oeuvre un programme de réhabilitation énergétique des cités minières en dégageant une enveloppe financière de 9 millions d'euros.

Néanmoins, il faut aller plus loin et financer le volet urbain, sportif et paysager des cités minières. Que compte faire le Gouvernement pour accompagner les collectivités ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - L'ERBM est effectivement un projet unique dans lequel l'État s'est pleinement engagé ; il finance pour 100 millions d'euros, à raison de 10 millions par an, la rénovation énergétique des logements miniers ; il soutient également les investissements structurants locaux tels que des équipements sportifs. En outre, 9 millions d'euros supplémentaires seront fléchés en 2022 sur l'ERBM dans le cadre du pacte Sambre-Avesnois-Thiérache.

Le bassin minier a aussi été désigné territoire démonstrateur en matière de lutte contre la pauvreté.

Des travaux sont enfin conduits pour chiffrer et financer des travaux d'aménagement urbain. L'État continuera notamment à soutenir les investissements prioritaires pour le renouveau de ce territoire grâce aux contrats de relance de la transition écologique (CRTE).

Besoins en logements dans les communes rurales

M. Patrice Joly .  - La lutte contre l'artificialisation des sols -  que chacun soutient  - ne doit pas traiter de la même façon les territoires ruraux et les territoires urbains, sur-artificialisés.

Ainsi, les collectivités qui n'ont pas établi de documents d'urbanisme se trouvent régies par le règlement national d'urbanisme (RNU) dont une application trop stricte conduit à refuser des autorisations de construire alors même que le terrain concerné est dans une zone où existent déjà des habitations et qu'il est desservi par la voierie, l'eau, l'assainissement et l'électricité. La loi Climat et résilience n'a pas modifié la situation, ce qui interdit la construction d'habitations nouvelles.

Or, il est urgent, si on veut répondre à l'envie de campagne des Français alimentée par la crise sanitaire, d'y remédier, d'autant que l'on constate la hausse continue des prix de l'immobilier, ce qui pénalise les résidents permanents, notamment les jeunes ménages.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le Gouvernement est très attentif au développement d'une offre de logements adaptée aux besoins locaux. Réduire le rythme de l'artificialisation, ce n'est pas moins, mais mieux construire.

Avec la loi Climat et résilience, nous pourrons encore construire sur 140 000 hectares de plus dans les dix prochaines années, ce n'est pas rien !

Le RNU est un outil par défaut. C'est une règle nationale qui limite les constructions dans les zones déjà urbanisées. Plusieurs solutions existent pour y déroger : la carte communale ou le plan local d'urbanisme communal ou intercommunal.

Quant à l'accès des jeunes à la propriété, une aide de 10 000 euros est prévue pour 20 000 ménages salariés sur l'ensemble du territoire. Le projet de loi de finances pour 2022 proroge, en outre, le prêt à taux zéro jusqu'à fin 2023. Enfin, le bail réel solidaire permet l'accès à la propriété sans avoir à acheter le foncier.

M. Patrice Joly.  - Il est urgent de revoir l'application du RNU, qui ne fait que renforcer le sentiment des ruraux de ne pas être compris des pouvoirs publics.

Panneaux photovoltaïques en zone rurale

M. Christian Redon-Sarrazy .  - Dans le nord de la Haute-Vienne, les installations photovoltaïques ne peuvent être raccordées aux postes sources, déjà statués. Cela se fait au détriment des projets portés par des agriculteurs qui sont mis de côté face à des dossiers de taille plus conséquente.

Par ailleurs, les architectes des bâtiments de France y font obstacle, même avec des aménagements paysagers.

Le Gouvernement ne pourrait-il pas définir des critères d'évaluation des projets, selon leur taille, la nature du porteur et le type d'activité de façon à rendre éligibles, voire prioritaires les projets, notamment agricoles, qui sont de moindre dimension mais qui restent vitaux pour la consolidation des exploitations ou l'installation dans nos territoires de jeunes agriculteurs ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le Gouvernement souhaite développer des projets photovoltaïques, qui participent à l'atteinte de nos objectifs de lutte contre l'effet de serre.

Selon un arrêté qui sera publié prochainement, tous les projets de moins de 500 kilowatts -  dont ceux sur des bâtiments agricoles  - pourront bénéficier d'un tarif d'achat privilégié, sans appel d'offres.

Afin de limiter les coûts de raccordement pour les petits projets photovoltaïques, la loi Climat et résilience prévoit la possibilité de porter à 60 % la part de ces coûts pris en charge par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, pour les projets de moins de 500 kilowatts.

Vous souhaiteriez qu'une priorité soit accordée à certains usagers pour le raccordement au réseau public d'électricité. Il s'agirait d'une rupture d'égalité de traitement pour l'accès au réseau, principe inscrit dans la loi. Cependant, nous cherchons à optimiser les délais de raccordement.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Attention à la santé financière de certaines exploitations notamment pour des jeunes agriculteurs. Il en va de même pour les collectivités territoriales, qui peuvent vouloir équiper les bâtiments publics. Ne négligeons pas cette problématique.

Prolifération des algues vertes

Mme Laurence Garnier .  - Année après année, les algues vertes envahissent les côtes bretonnes et atlantiques.

Depuis 2010, les plans se sont succédé, sans atteindre les résultats attendus.

Les conclusions de l'excellent rapport d'information du sénateur Delcros sur l'efficacité des moyens de lutte contre les marées vertes sur la côte bretonne ont été présentées le 26 mai 2021. Elles indiquent que les avancées obtenues demeurent très largement insuffisantes et que résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le plan de lutte contre les algues vertes se termine à la fin de l'année : l'État va-t-il le prolonger ou présenter un nouveau plan ?

Le Gouvernement entend-il clarifier le financement de la lutte contre les algues vertes afin que les communes littorales concernées puissent être aidées à la mesure des nuisances qu'elles supportent ? Les communes de Loire-Atlantique, jusqu'ici exclues du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV), seront-elles intégrées à ce nouveau plan ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le premier PLAV a été lancé en 2010 dans huit baies. Il comprenait des actions préventives avec la réduction des flux d'azote, et curatives avec le ramassage systématique des algues échouées. Son évaluation a montré une baisse de concentration en nitrate dans les eaux.

Un deuxième PLAV a été lancé en 2017 pour cinq ans, auquel l'État contribue pour 25 millions d'euros. Le ministère de l'Agriculture assure la majeure partie du financement de cette action. Les autres financeurs sont l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, l'Ademe et les collectivités territoriales.

En coopération avec les services de l'État, les quatre départements bretons vont prochainement mettre en oeuvre un plan régional qui devrait s'achever à la mi-2022.

Délais importants pour passer le permis de conduire

Mme Nicole Duranton .  - J'ai été saisie par plusieurs élus de mon département au sujet des délais d'attribution des places d'examen pour le permis de conduire.

L'arrêté du 20 juillet 2016 a fixé à deux mois le délai d'attente pour les candidats libres en première présentation. Pour les candidats passant par une auto-école et ceux en seconde présentation, aucune règle n'est prévue.

Le délai médian d'attente d'une place d'examen a augmenté de sept jours au cours de l'année 2020, passant de 42 à 49 jours. Dans l'Eure, ce délai peut atteindre sept mois.

Au moment où j'ai envoyé cette question, 350 000 candidats attendaient une présentation à l'examen du permis. Cette situation n'est pas tenable ! Le permis de conduire est un impératif professionnel majeur, en particulier pour les jeunes ruraux. De nombreuses mairies ont d'ailleurs mis en place des dispositifs de bourses pour aider les jeunes citoyens à passer leur permis. Les jeunes découragés par ces délais sont tentés d'aller le passer à l'étranger, où il ne faut parfois que quelques semaines, à un coût modique mais dans des conditions souvent très différentes de celles de la France...

Il existe un manque d'inspecteurs dans certains départements. Avec seulement 1 000 inspecteurs au permis de conduire et deux millions de candidats, on ne peut pas résoudre l'équation.

Envisagez-vous d'augmenter le nombre d'inspecteurs en simplifiant le concours ainsi que la formation, ou en rendant cette profession, mal rémunérée, plus attractive ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La crise sanitaire et le confinement ont entraîné un allongement du délai médian en 2020. Le ministre de l'Intérieur a réagi en réduisant le temps d'examen et en allouant une enveloppe de 70 000 examens supplémentaires en 2020 et 2021.

Enfin, 29 agents de La Poste ont été déployés en juillet 2021 dans les départements les plus en tension. Bientôt, 30 nouveaux inspecteurs de ce type entreront en formation pour être opérationnels en février 2022. Pour l'Eure, les 12 inspecteurs ont fait passer 582 examens de plus entre août 2020 à avril 2021.

Les rendez-vous permis, expérimentés dans cinq départements, ont été généralisés. Cela a permis de réduire à environ 50 jours le délai médian.

Répression de la rave party de Redon

M. Thomas Dossus .  - Amnesty International a publié le 15 septembre un rapport très critique à la suite de la répression de la rave party de Redon les 18 et 19 juin 2021.

L'organisation constate que « les éléments recueillis sur les opérations de maintien de l'ordre à Redon indiquent que l'usage de la force n'était ni nécessaire, ni proportionné ». Les forces de l'ordre ont lancé pendant plus de sept heures des grenades susceptibles de blesser des personnes. Leur utilisation dans des conditions aussi dangereuses a conduit à des dizaines de blessures : plaies, fractures, brûlures, mais aussi crises de panique et détresses respiratoires. Un journaliste a reçu un tir de LBD40 dans le bras alors qu'il venait parler à des gendarmes. Un jeune homme a eu la main arrachée après une explosion. Il a dû être accompagné à l'hôpital par des participants.

Amnesty International émet plusieurs recommandations, dont l'ouverture d'une information judiciaire, l'interdiction de l'usage des grenades de désencerclement dans le cadre du maintien de l'ordre, la mise en place de formations et d'instructions sur le dialogue, la lutte contre l'usage illégal de la force ainsi que la création d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique.

Considérez-vous l'usage de grenades dans une foule compacte et pacifique, de nuit, comme une pratique normale de maintien de l'ordre ?

Sur quelle base légale s'est appuyée la destruction du matériel musical à la hache par les forces de l'ordre ?

N'est-il pas temps de travailler à des méthodes de désescalade plutôt que d'encourager de tels drames ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - M. Darmanin, empêché, m'a demandé de vous répondre.

Cet événement étant interdit, les forces de l'ordre ont été mobilisées pour faire cesser ce trouble à l'ordre public. Dès leur arrivée, elles ont fait face à une grande hostilité les conduisant à lancer une opération d'expulsion de jour. Plusieurs enquêtes sont en cours, diligentées par le procureur de la République de Rennes. Le Gouvernement ne souhaite donc pas à ce stade interférer avec le processus judiciaire en cours.

Les unités de maintien de l'ordre s'appuient sur des règles d'éthique et de déontologie. Elles privilégient, dans toutes les situations, la dissuasion pour limiter l'emploi de la force au plus bas niveau possible, dans le strict respect du cadre légal.

En clôture du Beauvau de la sécurité, le 14 septembre 2021, le président de la République a annoncé un travail sur la déontologie, avec les inspections générales de la police et de la gendarmerie.

Ordre public et cortèges de mariage

M. Édouard Courtial .  - Nous n'avons par le même sens de la fête que les individus qui troublent l'ordre public et la circulation lors de cortèges de mariage.

Ces faits exaspèrent la population et sont le signe d'un problème d'une certaine partie de notre jeunesse, bien souvent communautaire et connus de nos services de police.

Dans mon département, les forces de l'ordre et les élus sont régulièrement pris à partie lorsqu'ils interviennent. Le 19 septembre dernier, le maire de Laigneville, Christophe Dietrich a utilisé la vidéoprotection pour constater et verbaliser des comportements dangereux alors qu'une brocante avait lieu au même moment dans sa commune : bilan, 71 infractions au code de la route, 100 points retirés et 10 000 euros d'amendes.

Certains maires font signer un engagement aux mariés, mais j'estime nécessaire une réponse pénale.

Y êtes-vous favorable ? Il faut aider les élus qui sont en première ligne.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Les troubles à l'ordre public peuvent être sanctionnés pénalement sur le fondement du code de la route et du CGCT.

Ainsi, s'agissant des désordres causés par des véhicules, les dispositions du code de la route répriment le fait d'entraver la circulation routière. Le maire est compétent pour réglementer la circulation et le stationnement dans sa commune.

Les bruits troublant la tranquillité sont également punis d'une amende de troisième classe.

Le déploiement de caméras de vidéoprotection dans les communes facilite la constatation des infractions en la matière.

Les forces de l'ordre interviennent, allant parfois jusqu'à interpeller les auteurs comme lors de l'incident intervenu sur l'A15 en juin 2017, qui a abouti au prononcé de peines de six mois de prison avec sursis et de plusieurs heures de travaux d'intérêt général.

Règles procédurales en matière de diffamation

M. Yves Détraigne .  - L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que si la citation directe en matière de diffamation est à la requête du plaignant, elle doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et être notifiée au ministère public.

De nombreuses procédures sont annulées pour non-respect de ces deux exigences. La Cour de cassation a pourtant assoupli la règle de l'élection de domicile, mais certaines juridictions semblent résister à cette jurisprudence...

Si certaines formalités se justifient au regard des droits de la défense, ce n'est pas le cas de l'élection de domicile et de la notification au parquet qui conditionnent l'accès au juge à des règles d'un formalisme excessif.

Envisagez-vous une simplification des articles 53 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Il n'appartient pas au Gouvernement de commenter des décisions de justice.

L'article 53 de la loi de 1881 prévoit des règles strictes, édictées dans l'intérêt de la défense. Ce formalisme, certes rigoureux, est une garantie de la liberté d'expression, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 mai 2013. Il s'agit de permettre une préparation suffisante de la défense dès réception de la citation.

La Cour de cassation a par ailleurs apporté des assouplissements, en considérant que le plaignant peu élire domicile au cabinet de son avocat ou à la mairie du siège de la juridiction. Cet équilibre parait satisfaisant.

Projet de label « bio » pour le sel

M. Daniel Laurent .  - Les producteurs de sel marin de l'Atlantique - Ré, Oléron, Guérande, Noirmoutier...- s'inquiètent de l'élaboration par la Commission européenne d'un cahier des charges de label « bio » pour le sel, qui pourrait rendre éligibles au label agriculture biologique (AB) toutes les méthodes de production existantes.

Or, il n'y a rien de comparable entre les sels de mine utilisant des intrants chimiques et la méthode solaire, avec récolte manuelle.

Un tel projet reviendrait à labelliser des dizaines de millions de tonnes de sel en Europe, et menacerait les sauniers de l'Atlantique - 600 producteurs et 800 emplois - qui participent à la dynamique de nos territoires, à l'attractivité touristique et à la protection des milieux humides.

Indépendants ou regroupés en coopératives, ils sont engagés dans une valorisation de leur production traditionnelle, écoresponsable, et dans une démarche de qualité envers les consommateurs. Attention à ne pas remettre en cause la crédibilité même du label !

Quelles actions comptez-vous mener auprès de la Commission européenne pour que l'acte délégué sur les règles relatives à la labellisation AB du sel soit conforme aux objectifs de la politique biologique de l'Union européenne ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Le règlement « bio » de l'Union européenne prévoit la possibilité de certifier le sel. Des règles de production vont être définies au niveau européen et feront l'objet d'un règlement délégué.

La Commission européenne y travaille depuis l'automne 2018, et a présenté un projet. Les États membres ont diversement réagi. Au vu de la complexité du sujet, un groupe d'experts a été missionné pour faire des recommandations. Son rapport, qui n'est donc pas une proposition de la Commission européenne, fera l'objet d'un débat le 28 octobre 2021.

La filière française s'inquiète effectivement de ses conclusions, car il ne propose que très peu de critères de différenciation entre le sel biologique et conventionnel, notamment en permettant l'usage d'additifs non autorisés pour les sels IGF et AGP.

Les autorités françaises demandent des critères de différenciation plus exigeants. Nous restons mobilisés pour que ces demandes soient prises en compte dans l'acte délégué qui sera proposé en janvier 2022.

M. Daniel Laurent.  - Merci. Un tel label, sans distinction des modes de production, viendrait bouleverser l'équilibre actuel. Nous comptons sur vous !

Usage et taxation du bois des communes forestières

Mme Patricia Demas .  - Les communes forestières des Alpes-Maritimes rencontrent des difficultés pour faire un usage économe et écologique du bois issu de leurs forêts communales.

L'application du régime forestier permet d'assurer la gestion durable de ces forêts par l'Office national des forêts (ONF) et de prendre en compte leur intérêt économique, environnemental et social.

Or, la réalité contredit parfois les intentions affichées. Ainsi, la commune forestière de Lucéram se voit interdire l'exploitation du bois de sa forêt de 2 400 hectares pendant quinze années, sans alternative, malgré sa proposition de procéder à des coupes à blanc mesurées, compensées par des plantations de mélèzes.

Est-il logique d'interdire à une commune d'utiliser, pour ses besoins en chauffage, le bois réduit en plaquettes de sa propre forêt, et de l'obliger à passer par un appel d'offres coûteux, et un transport peu écologique ?

Lorsque la commune est soumise à un régime d'interdiction de coupe aussi long, est-il juste de lui appliquer la taxe annuelle de deux euros par hectare ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - L'article 92 de la loi de finances pour 1979 fixe les contributions des collectivités aux frais de garderie et d'administration de leurs forêts relevant du régime forestier à 12 % du montant des produits de ces forêts, 10 % en zone de montagne. Les frais de garderie étant assis sur le chiffre d'affaires, ils ne sont pas versés en l'absence de coupes.

Pour autant, le régime forestier repose sur un principe de solidarité nationale, que traduit la contribution forfaitaire de deux euros par hectare au bénéfice de l'ONF.

Cette solidarité nationale est partagée, l'État couvrant 83 % du coût de l'application du régime forestier via le versement compensateur versé à l'ONF.

Le travail réalisé par les agents de l'ONF pour le compte des communes se fait tout au long de la vie du peuplement forestier, y compris pendant les périodes sans coupe. La gestion forestière s'inscrit dans le temps long, raison pour laquelle l'application du régime forestier relève de l'intérêt général.

Transfert de la gestion du canal de la Hardt

Mme Sabine Drexler .  - Le 18 mai 2021, des organisations agricoles, des organismes chargés de la gestion de l'eau et la Collectivité européenne d'Alsace ont signé un projet de charte sur la gestion de la ressource en eau. Leur principale demande est la cession par l'État du canal d'irrigation de la Hardt. Ce réseau, composé de multiples canaux, permet en principe l'irrigation des cultures, et à la nappe phréatique, aux zones humides et aux cours d'eau de se maintenir.

Mais faute d'entretien par l'État, ces installations ont vieilli et de nombreuses vannes sont inutilisables. C'est source d'inquiétude pour l'agriculture, mais aussi pour le tourisme et la biodiversité.

De gros travaux de rénovation s'imposent.

La rétrocession de la gestion du canal à un organisme local fait désormais consensus. Quand allez-vous y procéder ? Comment rattraper les investissements nécessaires pour réparer et renaturer le canal ? L'État compte-t-il participer financièrement, directement ou via EDF, gestionnaire des ouvrages sur le Rhin ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Le canal de la Hardt est propriété du ministère de l'Agriculture ; il est géré par la Direction départementale des territoires du Haut-Rhin. Il faut trouver une solution pérenne pour la gestion de cet ouvrage, vital tant pour les agriculteurs que pour le maintien de la nappe phréatique.

Le transfert à un organisme local est en cours d'analyse, mais cela représente un travail d'ampleur pour déterminer ce qui relève du domaine public et du domaine privé de l'État. À l'issue de cette analyse, l'État proposera la solution juridique la plus adaptée.

Évolutions de la dotation globale de fonctionnement

Mme Nadia Sollogoub .  - Chaque année, des maires découvrent, à la veille du vote du budget, que leur dotation globale de fonctionnement (DGF) a baissé - parfois jusqu'à 20 %.

Le calcul de la DGF intègre tant de critères complexes qu'il échappe à la maîtrise des élus. Les mécanismes de garantie censés atténuer les effets de seuil n'empêchent pas les baisses brutales de recettes ; la notification tardive des fluctuations interdit aux élus de les anticiper.

Dans ces conditions, la conduite de projets d'investissements relève de l'équilibrisme. Comment donner aux élus de la visibilité sur les dotations, permettre les simulations et les lissages ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - La stabilité des dotations est un axe majeur de notre politique vis-à-vis des collectivités territoriales : l'enveloppe de DGF est stable depuis cinq ans, alors qu'elle avait été rabotée de 10 milliards d'euros sous le quinquennat précédent...

Dans la Nièvre, plus de la moitié des communes ont gagné en DGF depuis 2017. Celle-ci est ajustée chaque année en fonction de critères objectifs comme l'évolution de la population, de la richesse fiscale, etc.

Les nombreuses règles de plafonnement, de garantie, d'écrêtement, d'abattement rigidifient la DGF mais en limitent les variations. Pour 80 % des communes, elle n'a varié que de 1 % ou moins. De plus, les baisses sont plus faibles que les hausses. Dans la Nièvre, cinq communes ont perdu plus de 20 % de DGF, mais cette dotation constitue une faible part de leurs ressources : de 0,5 à 1,2 %. Six autres communes ont gagné plus de 20 % de DGF, mais, s'agissant des villages sans base fiscale, cela a représenté un gain de 5 à 15 % de recettes de fonctionnement.

Mme Nadia Sollogoub.  - Vous parlez de stabilité globale, mais certaines communes se retrouvent dans des situations catastrophiques du jour au lendemain. Pourquoi n'a-t-on pas de système de simulation ? Nous avons l'impression que ces variations sont fixées par un gros ordinateur... S'il tombe en panne, personne ne saura plus calculer la DGF ! Il faut pouvoir anticiper.

Gestion du périphérique parisien

Mme Catherine Procaccia .  - La gouvernance du périphérique parisien relève exclusivement de la ville de Paris, alors que la majorité de ses utilisateurs réguliers sont des Franciliens.

Sa gestion relève du délire : on parle d'abaisser encore la vitesse, d'imposer un péage, des feux, des passages piétons - sans jamais demander l'avis des usagers et encore moins des maires franciliens.

Le préfet de région doit organiser une conférence de concertation, mais, on l'a vu pour les voies sur berges, aucune discussion sereine n'est possible avec la maire de Paris.

Pourquoi ne pas confier la coordination des mobilités à la région ? Un peu de respect pour les élus et habitants de la couronne !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Le maire de Paris exerce la pouvoir de police de la circulation, sous réserve des attributions spéciales du préfet de police de Paris.

Sur certains axes essentiels à la sécurité de Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, dont le périphérique, le préfet de police peut formuler des prescriptions sur les décisions du maire de Paris.

La région, sans être autoritée organisatrice de la mobilité, est compétente en matière de mobilité, notamment pas la contribution au financement des itinéraires d'intérêt régional - comme le périphérique. Mais ce n'est pas une compétence de voirie urbaine ou de police de la circulation.

À ce jour, le préfet de police n'a pas reçu de demande d'aménagement spécifique, sauf pour la voie olympique, sur 20 kilomètres du périphérique.

La conférence stratégique sur les mobilités routières organisée par le préfet de région est un lieu d'échanges adapté.

Mme Catherine Procaccia.  - C'est toute la banlieue qu'on paralyse ! Le préfet de police doit être plus actif face aux décisions de la maire de Paris. L'État est concerné : on ne pourra bientôt plus rentrer dans la ville !

Soutien à l'investissement des SDIS

Mme Angèle Préville .  - Les services publics ne cessent de se raréfier en milieu rural. Ils sont pourtant d'une importance vitale, à commencer par les sapeurs-pompiers.

Le SDIS du Lot s'est engagé dans la construction d'un nouveau centre d'incendie et de secours à Cahors pour remplacer les locaux actuels, vétustes et inadaptés.

Maître d'ouvrage du projet, il n'est pourtant éligible à aucun des principaux instruments financiers de soutien à l'investissement des collectivités tels la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) ou le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

Or le financement des SDIS relève des collectivités territoriales, département et bloc communal.

Comment allez-vous soutenir l'investissement des collectivités dans les services publics dont elles ont la charge ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - La mission « Relations avec les collectivités territoriales » comporte 2 milliards d'euros destinés à subventionner les investissements locaux.

Les SDIS sont autonomes des collectivités qui les dirigent et ne peuvent donc bénéficier des mêmes subventions. Mais la loi permet toutefois aux maîtres d'ouvrage de bénéficier de la DSIL ou la DETR, lorsque la subvention s'inscrit dans le cadre d'un contrat signé avec le représentant de l'État. Cela offre une certaine souplesse tout en préservant le rôle des collectivités territoriales. Quelques SDIS ont ainsi pu toucher des subventions de DSIL ou de DSID en 2020. Je suis prêt à examiner la situation du Lot.

Enfin, l'État va mettre 337 millions d'euros de DSIL en plus sur la table l'année prochaine.

Mme Angèle Préville.  - Merci ; je transmettrai votre réponse aux élus de mon département.

Personnels communaux en autorisation spéciale d'absence

Mme Christine Herzog .  - Depuis dix-huit mois, les personnels communaux dits vulnérables et ne pouvant télétravailler bénéficient d'une autorisation spéciale d'absence (ASA) ; ils perçoivent l'intégralité de leur salaire sans que leur remplacement puisse être organisé, la reprise du travail étant soumise à leur bon vouloir.

Est-il normal qu'ils continuent de reporter leur retour sans que leur vaccination ait été rendue obligatoire, ni leur pathologie clairement définie ? Cela concerne entre 8 et 10 % des effectifs -  c'est énorme !

Pour les communes, cela représente 240 000 euros par an, non remboursés. En outre, depuis le 15 août 2021, les contrats uniques d'insertion pour les plus de 26 ans, qui auraient pu compenser l'absence des agents en ASA, ne sont plus prorogés.

Au nom des maires de la Moselle, je vous demande si vous allez abroger la clause du « bon vouloir » en exigeant un contrôle médical et une vaccination pour fixer une date de retour, et prolonger les prorogations des contrats uniques d'insertion.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Le régime des ASA n'a jamais été lié au « bon vouloir » des agents, mais bien à un certificat médical et à l'impossibilité de télétravailler.

Avec l'amélioration de la situation sanitaire, le Gouvernement a introduit une distinction entre les agents vulnérables sévèrement immunodéprimés, placés en ASA lorsqu'ils ne peuvent télétravailler, et ceux qui ne sont pas sévèrement immunodéprimés, qui sont placés en ASA lorsque leur poste est susceptible d'exposition à de fortes densités virales ou qu'ils ne peuvent être vaccinés.

La prise en charge de ces agents est effectuée à leur demande, sur présentation d'un certificat médical. L'employeur peut saisir le médecin du travail pour qu'il se prononce sur l'exposition des postes.

À l'exception des agents soumis à l'obligation vaccinale, les employeurs territoriaux ne sont pas habilités à contrôler le statut vaccinal de leurs agents.

Enfin, les congés non pris par les agents en ASA peuvent, le cas échéant, être reportés.

Mme Christine Herzog.  - Je n'ai pas tout compris car vous lisez très vite... J'en conclus que vous n'aidez pas les communes. Jacqueline Gourault n'a jamais répondu à mon courrier.

Pénurie de professeurs remplaçants

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Au collège Le Parc de Villeroy, à Mennecy, dans l'académie de Versailles, un certain nombre de professeurs absents depuis la rentrée n'ont pas été remplacés. De ce fait, les élèves ont été privés de cours.

Ce manque de continuité pédagogique est dommageable aux apprentissages, au niveau et à la motivation des élèves.

Comment accepter qu'aucune solution ne soit trouvée ? La politique d'éducation nationale est le reflet d'une promesse républicaine d'égalité. Toute rupture envoie le message du délaissement des élèves.

Le maire m'a indiqué que les professeurs absents ont finalement été remplacés, mais aucune réponse n'est apportée sur le fond, alors que le problème est général. Les enseignants ne sont pas les seuls concernés : au lycée de Mennecy, une infirmière scolaire, en télétravail depuis le début 2020, n'est pas remplacée...

Comment comptez-vous garantir la continuité pédagogique ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - La continuité pédagogique est une priorité de Jean-Michel Blanquer.

Les absences de longue durée sont couvertes par des titulaires sur zone de remplacement (TZR) ; en cas de tension dans une discipline, les académies recourent à des contractuels.

Le remplacement de courte durée est organisé au sein des établissements dans le cadre de protocoles annuels.

L'indemnisation des formations effectuées pendant les vacances, par exemple, est un moyen de réduire le besoin de remplacement en amont ; en aval, nous identifions les situations sensibles et accompagnons les acteurs de terrain.

L'académie de Versailles est mobilisée et suit avec attention la situation du collège Le Parc de Villeroy. Plus largement, l'engagement pris dans le cadre du Grenelle de l'éducation vise à réduire le nombre d'heures de classe sans solution de remplacement. Le ministère met tout en oeuvre et veille au rattrapage des heures de cours le cas échéant.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Je ne doute pas qu'il y ait des procédures administratives. Mais il faudrait plus d'huile dans les rouages pour les départements en forte croissance démographique.

Carte de l'éducation prioritaire

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le classement en réseau d'éducation prioritaire, REP et REP+, qui est fonction de données socio-économiques, permet de dédoubler les classes dans le primaire, de renforcer l'action pédagogique au collège, les moyens humains, l'aide aux devoirs, etc.

Mais la carte des territoires classés REP et REP+ date de 2015 : certains établissements sont exclus, à tort, du dispositif. Quand le classement REP sera-t-il revu ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - Jean-Michel Blanquer a confié à Ariane Azéma et Pierre Mathiot une mission sur la prise en compte de la diversité des territoires en matière d'éducation prioritaire. Leur rapport, remis le 5 novembre 2019, propose des solutions dont certaines sont déjà mises en oeuvre.

À ce stade, il n'y aura pas de révision de la carte avant d'avoir expérimenté de nouvelles formes de différenciation territoriale. C'est l'objectif des contrats locaux d'accompagnement (CLA), expérimentés dans les académies de Lille, Nantes et Aix-Marseille, qui visent à atténuer les effets de seuil, tenir compte du contexte local, donner des marges de manoeuvres aux académies, mieux répondre aux besoins des élèves : 3,2 millions d'euros sont mobilisés. Cette expérimentation pourra être élargie aux autres académies à la rentrée 2022.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Il faut aller vite ! Les fermetures de classes concernent les territoires en baisse démographique.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Responsabilité pénale et sécurité intérieure (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Dans la discussion, nous sommes parvenus à l'examen des articles précédemment réservés et à l'amendement n°7 tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier.

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 122-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le discernement est la conscience de l'acte commis, de ses conséquences et la capacité à en apprécier la nature et la portée. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes heureux de saluer le garde des Sceaux et le président de la commission des lois, revenus de leur périple à Poitiers. Nous avions regretté leur absence hier lors de la discussion générale, sur un sujet aussi grave que l'irresponsabilité pénale. Pourtant, nous siégeons en semaine gouvernementale - le Gouvernement, maître de l'ordre du jour, aurait pu éviter la concomitance de l'examen de ce projet de loi et de l'ouverture des États généraux de la justice. Ces derniers se tiennent au cours d'une période particulière, en fin de mandat, alors que, déjà, beaucoup de lois en ce domaine ont été votées.

Cet amendement précise la définition du discernement dans l'article 122-1 du code pénal ; nous l'avions déjà déposé dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Mme Goulet, en mai dernier.

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois - Cette précision me semble inutile. Tout le monde connaît parfaitement cette notion. Avis défavorable, comme la fois précédente.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Après votre réquisitoire...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a pire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... je présente au Sénat mes excuses. Au reste, ma présence à Poitiers n'était pas illogique, aux côtés du Président de la République, pour ouvrir les États généraux de la justice. Mme Guigou, M. Buffet, Mme Vérien y étaient présents et je ne crois nullement qu'ils faisaient campagne pour le Président de la République qui n'est d'ailleurs pas candidat. S'il agit, on dit qu'il est en campagne. Devrait-il cesser ?

Nous devons agir pour la justice du futur ; d'où le choix du Futuroscope, et non des grottes de Lascaux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous êtes un comique !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame, je vous ai vue récemment aux côtés de Mme Hidalgo sans penser une seconde que vous faisiez campagne... Tout cela relève d'une polémique stérile !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que vous alimentez !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement, déjà rejeté par le Sénat, est totalement inopérant. Avis défavorable.

Mme Éliane Assassi.  - Je ne souhaite pas entrer dans cette polémique sur la campagne électorale.

Nous avons dit hier que les États généraux étaient prévus depuis longtemps. Il aurait fallu inscrire l'examen de ce texte a un autre moment, d'autant que le ministre de l'Intérieur ne s'est pas non plus rendu disponible.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je rassure mes collègues : je n'ai pas l'intention de polémiquer avec le garde des Sceaux.

La définition du discernement est essentielle, à tel point que nous en avons débattu à propos du code de la justice pénale des mineurs. Cette définition n'est à ce jour que jurisprudentielle. Mme Jourda a balayé nos arguments d'un revers de main mais il faut l'inscrire dans le code pénal pour éviter les interprétations excessives.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Le malade mental n'a pas conscience de l'abolition de ses facultés. Il ne peut comprendre ses actes.

Le dispositif proposé, bien qu'il maintienne l'article 122-1 du code pénal, dénie l'absence de discernement et l'irresponsabilité en évoquant le caractère temporaire de cette abolition. Ce n'est pas satisfaisant.

L'instauration d'un procès n'a, en outre, aucun sens à l'égard d'un aliéné. Cela n'a pour seul but que de satisfaire l'opinion publique, dans le cadre d'une loi de circonstance.

M. le président.  - Amendement identique n°71, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Lors de la présentation de la motion, j'ai dit combien le texte du Gouvernement était excessivement dangereux. Il fragilise le principe fondamental du droit pénal que constitue l'intentionnalité. Je partage la démonstration de Mme Assassi.

Nous saluons le travail de la commission, mais sa rédaction ne va pas assez loin : elle ne prend en compte que la demande des victimes d'obtenir un procès. L'instruction en chambre, qui est publique et contradictoire, est préférable.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je partage votre opinion, madame Assassi : le droit pénal ne doit pas être compassionnel. Pour autant, la société doit le comprendre pour s'en saisir, d'où le sens de la tenue d'un procès public pour prononcer, ou non, l'irresponsabilité pénale de la personne.

Cette solution qui ne modifie pas le droit en la matière a déjà été adoptée par le Sénat en mai. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Gouvernement a déposé un amendement de rétablissement de l'article premier dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale : avis défavorable à sa suppression.

Madame Assassi, vous avez parlé hier de mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement. Mon attitude au Sénat, mon ouverture, la passion que je mets dans le débat vous interdisent de le penser. J'ai expliqué mon absence et présenté mes excuses ; nul n'a le don d'ubiquité. Quant à la vivacité, elle est indispensable au débat démocratique.

Mme Éliane Assassi.  - Je ne m'adressais pas à vous. Le Gouvernement fait souvent montre de comportements anachroniques à l'égard du Sénat - je sais que mon sentiment est largement partagé dans cet hémicycle.

Les amendements identiques nos37 et 71 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 122-1 du code pénal, sont insérés des articles 122-1-1 et 122-1-2 ainsi rédigés :

 « Art. 122-1-1.  -  Le premier alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable si l'abolition du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l'action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l'infraction ou une infraction de même nature ou d'en faciliter la commission.

 « Art. 122-1-2.  -  La diminution de peine prévue au second alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable en cas d'altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit lorsque cette altération résulte d'une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Voici l'amendement Captagon.

Un homme responsable consomme des produits stupéfiants dans le but exclusif de se donner le courage de commettre un crime ; les experts l'estiment alors irresponsable. C'est inacceptable. Nous pensons au contraire que la prise de stupéfiants dans ce but relève d'un crime.

Je conteste les reproches faits à ce texte avec l'énergie la plus farouche. L'Espagne applique une disposition analogue. Notre dispositif a été validé par le Conseil d'État. Je demande donc le rétablissement de la rédaction de l'Assemblée nationale.

La proposition du Sénat me semble contestable en ce qu'elle impose au juge la tenue d'un procès en cour d'assises. Nous préférons qu'il puisse en décider, s'agissant de la consommation de stupéfiants. Il ne faut pas priver le juge de sa liberté. Je rappelle qu'il n'est jamais tenu par les conclusions d'une expertise.

Au cours de ma carrière, j'ai assisté à une audience en chambre de l'instruction. Certains accusés sont en piètre état, la lippe pendante, incapables de comprendre : les juger publiquement ne serait pas en l'honneur de la justice.

Certes, l'audience en chambre ne répond pas aux attentes des victimes, mais cette ligne rouge ne doit pas être franchie.

En l'état, aucun procureur ne renverrait devant la juridiction correctionnelle pour consommation de stupéfiants, dont la peine maximale est d'un an. Ce point doit être modifié. Pour le reste, n'exhibons pas les fous, que nous ne devons pas juger.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-... ainsi rédigé :

« Art. 122-....  -  Est pénalement responsable la personne qui a volontairement provoqué une perte de discernement aux fins de commettre l'infraction, notamment par la consommation de boissons alcooliques, de drogues toxiques, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de substances ayant des effets similaires. »

M. Jean-Pierre Sueur  - Monsieur le ministre, vous nous aviez demandé le retrait de cet amendement, en mai. Il est proche du vôtre. Peut-être vouliez-vous en conserver la paternité ? Il répond, en tout état de cause, au même objectif, s'agissant du premier alinéa en tout cas. Parfois le Parlement a raison avant le Gouvernement...

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le ministre est peut-être d'accord, mais la commission des lois ne partage pas votre analyse. Une personne qui absorbe à dessein des substances psychoactives pour commettre un crime ne serait pas irresponsable pénalement, au contraire. Loin d'enlever sa liberté au juge, nous permettons au juge du fond de trancher sur l'abolition du discernement.

Si, à l'audience, le discernement de la personne était toujours aboli, elle ne serait pas jugée : avis défavorable.

Nous avons déjà voté pour notre solution en mai dernier : une personne qui consomme des substances psychoactives à dessein doit pouvoir être jugée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Sueur, je suis ravi que nous soyons d'accord. Ce n'est pas la première fois ...

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... et pas la dernière, j'espère !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Effectivement !

J'ai pris à bras-le-corps la proposition de loi de Mme Nathalie Goulet et les travaux de la commission des lois sur les conditions indignes d'incarcération.

J'ai repris certains de vos amendements, sans en revendiquer la paternité.

Je ne suis pas resté les deux pieds dans le même sabot depuis nos débats du mois de mai. J'ai largement consulté des psychiatres, des experts, des avocats, et c'est après que j'ai voulu reprendre cet amendement. Je vous propose de retirer votre amendement n° 8 au profit de celui du Gouvernement.

Nous sommes très attachés à la liberté du juge. Ne mettons pas le pied dans la porte d'un avis expertal qui priverait le juge de sa liberté.

On a pu se tromper par le passé, le Sénat le sait. Le juge doit rester libre vis-à-vis des travaux d'experts.

Quant à la lippe pendante, je l'ai vue.

Repensez-y : peut-on imposer au juge un avis d'expert ? Je vous en supplie : les petits abandons peuvent en entraîner de gros.

L'amendement n°86 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°8.

L'article premier est adopté.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier bis

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Billon, MM. Genet, Belin et Grand, Mme Borchio Fontimp, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Garnier, Imbert et Lassarade, MM. Reichardt, Savary, Regnard et Pellevat, Mme Belrhiti, M. Calvet, Mmes Demas et Chauvin, M. Daubresse, Mmes Noël et L. Darcos, MM. Charon, Sido et Tabarot, Mme F. Gerbaud et M. B. Fournier.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'avant-dernier alinéa de l'article 222-14 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'impact de ces violences sur la victime est pris en compte pour l'application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée. »

Mme Valérie Boyer.  - Très attendu, cet amendement avait été voté en mai par le Sénat, sur tous ses bancs. La présidente de la délégation aux droits des femmes est la première cosignataire.

Valérie Bacot est sortie libre après un an de prison. L'expert psychiatre avait insisté sur l'emprise psychologique permanente de son mari et sur la violence conjugale permanente. La violence et la torture verbale attaquent le psychisme. Cela constitue le syndrome de la femme battue.

Les victimes de violences conjugales portent trop rarement plainte contre leur bourreau. La plupart du temps, une des issues de cet enfer conjugal est le suicide. Dans des cas extrêmement rares, la victime se retourne contre le conjoint car il n'y a pas d'autre issue que de tuer pour ne pas mourir, « c'est lui ou moi ». (Marques d'impatience à gauche)

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Valérie Boyer.  - Je vous demande de voter cet amendement.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement, même s'il est vrai que nous l'avons voté précédemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis totalement opposé à cet amendement qui sous-entend que la femme battue serait pénalement irresponsable. Ce n'est pas acceptable : nous devons tout faire pour inciter ces femmes à porter plainte et non à se faire justice elles-mêmes.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Tout à fait.

Mme Valérie Boyer.  - Il y a cinq mois, nous avons voté cet amendement. Quel message enverrons-nous aux victimes si nous rejetons ce que nous avons voté ? Le syndrome de la femme battue est reconnu. Ce n'est pas du tout un permis de tuer. Mais il faut reconnaître la réalité de ces victimes de violences conjugales, dont le jugement est altéré à force de coups. Inscrivons-le dans la loi : c'est notre responsabilité pour les victimes, car ce sont bien des victimes.

On ne juge pas les fous : faisons entrer ce syndrome dans notre droit.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il est absolument faux de dire que les tribunaux ne prennent pas la situation des femmes battues en compte. Bien sûr qu'ils y sont sensibles ! Les juges personnalisent leur décision. Ils font la différence avec un crime crapuleux ; tout n'a pas changé avec un seul procès !

Dire que toute femme battue est de ce fait irresponsable est un bien mauvais message.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il fallait changer l'article premier et nous nous sommes ralliés à la rédaction de la commission. En revanche, nous sommes totalement opposés à l'article 2, qui introduit beaucoup de confusion.

Il ne s'agit plus de la consommation de substances « dans le but » de commettre, puis « conduisant » à commettre un crime ou un délit.

Deux objections : l'article risque d'être difficile à appliquer, et les cas concernés seraient très marginaux, selon l'étude d'impact. Vous modifiez la structure du droit sans l'assumer.

M. le président.  - Amendement identique n°38, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article insère dans le code pénal deux nouvelles atteintes résultant d'une intoxication volontaire.

Une caractéristique de la prise de toxiques est la perte d'ancrage avec le réel, ce qui est en parfaite contradiction avec l'idée de responsabilisation.

Cet article sera une usine à gaz.

Nous réitérons notre attachement au principe suivant lequel l'abolition du discernement au moment de l'acte est exclusive de l'intention au sens du droit pénal. Il ne peut y avoir d'exception à ce principe.

Nous partageons l'avis de la commission présidée par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon sur l'irresponsabilité pénale, qui avait conclu à l'inopportunité d'une réforme dans ce domaine dans son rapport de février 2021.

M. le président.  - Amendement identique n°72, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cet article fragilise notre droit pénal. Il présuppose la connaissance par le mis en cause des effets des substances, alors qu'il n'en est pas expert. La pratique serait aléatoire. En effet, comment caractériser cette connaissance ? Par exemple, deux verres d'alcool ne perturberont pas un individu en bonne santé, alors qu'un verre le pourra s'il a été privé de sommeil.

La suppression de l'article 2 s'inscrit aussi dans la ligne du rapport Raimbourg-Houillon.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  -  Nous parlons ici de personnes prenant des substances psychoactives - par exemple du whisky - dont elles ne peuvent ignorer les effets et qui commettent des violences, telles que prendre la route et tuer quelqu'un. L'alcool abolit le jugement : elles ne peuvent l'ignorer.

Ce qui peut être puni n'est pas l'acte lui-même, qui est couvert par l'irresponsabilité, mais la prise de substances en connaissance de cause. Tel est l'article accepté par la commission qui donne, par conséquent, un avis défavorable aux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai peu à ajouter à l'excellent résumé de Mme le rapporteur. L'article 2 distingue l'abolition du discernement liée à une pathologie -  on ne juge pas les fous et cette ligne rouge ne saurait être franchie  - et celle qui est générée par l'intéressé. C'est extrêmement rare, il n'y a que deux exemples depuis quarante ans, mais il fallait intervenir. Légiférer après l'émotion suscitée par l'affaire Sarah Halimi ne veut pas dire légiférer mal : c'est la société qui fait évoluer le droit et non l'inverse. De plus, la Cour de cassation a reconnu qu'elle ne pouvait aller là où la loi ne le permettait pas. Elle a appelé à combler une lacune.

On ne peut traiter de la même façon un malade mental et quelqu'un qui se met en position de faire vaciller sa raison. Actuellement, celui qui abolit son propre discernement n'est pas poursuivi car la peine est tellement faible que l'on n'organise pas d'audience avec les parties civiles -  de peur que l'auteur ne les regarde en disant : « Même pas mal ! ». La prise de substances, c'est maximum un an de prison. Il fallait cette nouvelle infraction.

De plus, l'article 2 permet la constitution de partie civile des victimes.

Malgré le faible nombre de cas on ne pouvait, face au constat jurisprudentiel, rester les bras ballants. Il en va de même par exemple pour la procréation médicalement assistée. (Mme Éliane Assassi désapprouve.)

Nous sommes au rendez-vous de nos obligations. Il y avait quelque chose qui n'allait pas dans cette situation, madame Assassi. Avis défavorable.

Les amendements nos 9, 38 et 72 identiques ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 24

Rétablir le 7° dans la rédaction suivante :

7° La section 2 du chapitre II du titre II du livre III est complétée par un article 322-11-2 ainsi rédigé :

« Art. 322-11-2.  -  Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l'empire duquel elle a commis un crime de destruction par l'effet d'une substance explosive ou d'un incendie ayant entrainé des atteintes aux personnes, dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l'article 122-1 :

« 1° Dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, si ces faits ont entraîné la mort de la victime ou une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 2° Sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, si ces faits ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

« Si l'infraction mentionnée au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d'un homicide volontaire en application du premier alinéa de l'article 122-1 en raison d'une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d'un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine prévue au 1° du présent article est portée à quinze ans de réclusion criminelle et celle prévue au 2° est portée à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pourquoi la commission s'est-elle arrêtée en si bon chemin et n'a-t-elle pas accepté d'inclure l'incendie volontaire ?

D'abord, l'atteinte aux biens qu'est l'incendie volontaire devient une atteinte aux personnes en raison de ses conséquences. Ensuite, cette infraction grave a un aspect psychiatrique.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission a préféré ne conserver que les atteintes à la personne, écartant les atteintes aux biens. Avis défavorable.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement de coordination avec la suppression de l'article 2.

M. le président.  - Amendement identique n°73, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Nous sommes opposés à la fragilisation de l'irresponsabilité pénale. Il est fondamental de repenser en priorité l'expertise psychiatrique et de lui donner des moyens.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'article 2 étant maintenu, avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements nos 10 et 73 identiques ne sont pas adoptés.

L'article 3 est adopté, de même que les articles 3 bis A et 3 bis

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 706-122 du code de procédure pénale, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie en application de l'article 706-120, le président, si l'instruction lui semble incomplète, si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, ou si un long délai s'est écoulé depuis l'évaluation précédent, peut ordonner l'actualisation ou le complément des expertises psychiatriques qu'il estime utiles. »

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement est issu de la recommandation n° 2 de la mission Raimbourg-Houillon. Il permet au président de la chambre de l'instruction d'ordonner avant l'audience tout complément d'expertise opportun.

Selon le code de procédure pénale, la comparution devant la chambre de l'instruction du mis en examen doit être ordonnée par son président. Les pouvoirs de ce dernier devraient être accrus compte tenu de la nécessité d'un constat objectif de la capacité à comparaître et l'exigence d'expertises complètes, pour que la chambre puisse se prononcer sur une éventuelle hospitalisation complète.

Le président de la chambre ne peut que requérir un des experts désignés au cours de l'information pour obtenir un complément d'expertise ou la délivrance d'un certificat médical, dans l'unique perspective de statuer sur l'hospitalisation d'office.

Les chambres de l'instruction regrettent que les textes ne leur accordent pas le pouvoir d'ordonner des investigations complémentaires.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 706-122 du code de procédure pénale, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie en application de l'article 706-120, le président, si l'instruction lui semble incomplète, si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, ou si un long délai s'est écoulé depuis l'évaluation précédent, peut ordonner l'actualisation ou le complément des expertises psychiatriques qu'il estime utiles. »

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Sagesse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable : cela relève du règlement. Un projet de décret est en préparation et sera publié après l'adoption du présent projet de loi.

Un mot sur le rapport Raimbourg-Houillon. Le travail réalisé est très intéressant, mais il a été rendu avant l'arrêt Halimi, qu'il n'a donc pas pris en considération. Nous opposer ce rapport sans le préciser peut être anachronique.

Les amendements identiques nos13 et 39 sont adoptéset deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase de l'article 706-135 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut ordonner d'autres mesures de soins sans consentement, prévues à l'article L. 3211-2-1 dudit code. »

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement, issu d'une recommandation du rapport Raimbourg-Houillon, permet à la juridiction d'ordonner des soins psychiatriques sans consentement, sans hospitalisation complète, en cas de décision d'irresponsabilité pénale pour cause d'abolition du discernement. Il répond à une demande récurrente des experts psychiatres, des juges et des avocats.

Le code de procédure pénale ne prévoit que l'hospitalisation complète. Faute de quoi, l'intéressé échappe à toute obligation de prise en charge sanitaire. Or 66 % des personnes déclarées irresponsables n'ont pas besoin d'une hospitalisation complète. Pour autant, les soins devant leur être délivrés doivent revêtir un caractère obligatoire.

De ces manques découle le sentiment d'une justice insuffisamment soucieuse des victimes et de la prévention de la récidive.

M. le président.  - Amendement identique n°62, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Nous avions déjà présenté cet amendement lors de l'examen de la proposition de loi rapportée par Mme Goulet. Là, il s'agit d'un point qui relève de la loi, monsieur le garde des Sceaux.

Les juges doivent pouvoir s'assurer d'un suivi pour éviter une sortie sèche.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable pour des raisons de principe. Le juge n'est pas médecin. J'ai dit -  en vain  - que le juge ne devait pas être tenu par les expertises ; de même, il ne doit pas se mêler de décisions médicales. Je redis que nous préparons un décret sur le sujet...

Les amendements identiques nos12 et 62 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

L'article 3 ter est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3 ter

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase du premier alinéa de l'article 167 du code de procédure pénale, les mots : « alors remise, à leur demande, » sont remplacés par les mots : « obligatoirement remise ».

Mme Éliane Assassi.  - Le Conseil national des barreaux recommande de transmettre l'intégralité des rapports des experts aux parties, sans qu'elles aient besoin de le réclamer. L'information doit être la plus complète possible.

M. le président.  - Amendement identique n°61, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cela permettra aux parties de demander des compléments d'expertise.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis circonspect. Le code de procédure pénale prévoit que le juge adresse aux parties les conclusions du rapport d'expertise et, à leur demande, l'intégralité du rapport. Cet amendement est pleinement satisfait. Retrait ?

Les amendements identiques nos41 et 61 sont adoptés et deviennent un article additionnel

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Nous nous opposons à la création de cette nouvelle infraction.

Le droit pénal réprime déjà les violences commises contre les personnes dépositaires de l'autorité publique.

La Défenseure des droits considère, comme le Conseil d'État, que la création d'une nouvelle infraction spécifique aux forces de sécurité ajouterait à la complexité et la parcellisation des infractions d'atteintes aux personnes en fonction de la qualité de la victime ; et qu'elle contribuerait à la dégradation des relations entre la police et la population.

M. le président. - Amendement identique n°63, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - La circonstance aggravante pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique permet déjà de condamner plus lourdement les violences contre les policiers mais aussi contre les maires.

Loin d'apporter une protection efficace aux policiers, cette nouvelle infraction ne fait que rendre la loi pénale illisible.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Est-il déjà possible de poursuivre les auteurs de violences à l'égard des forces de sécurité ? Oui. Mais le quantum de peine maximum n'est jamais prononcé.

Cet article envoie un message de fermeté et de soutien aux forces de sécurité ; la commission souhaite donc le conserver, même si son impact réel est incertain.

Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les jugements sont rendus de manière indépendante, en application du principe de liberté juridictionnelle.

L'article 4 vise à renforcer spécifiquement la protection des agents des forces de sécurité les plus exposés aux violences, compte tenu des lieux où ils exercent leurs missions. Avis défavorable à sa suppression.

Mme Éliane Assassi.  - Madame la rapporteure, vous semblez sous-entendre que certains ici soutiendraient les forces de police, et d'autres non. (MMStéphane Piednoir et Loïc Hervé le contestent.) Je tiens à affirmer que mon groupe soutient les forces de police !

M. Guy Benarroche.  - Cet article envoie un message, dit Mme la rapporteure. Je ne pense pas ce soit le rôle de la loi !

Mme Éliane Assassi.  - Des moyens pour la police !

Les amendements identiques nos42 et 63 ne sont pas adoptés

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié bis, présenté par M. Paccaud, Mme Canayer, M. Chasseing, Mme Chauvin, MM. Panunzi, Cadec et Levi, Mme Thomas, MM. Burgoa, Pointereau, A. Marc, Somon et Joyandet, Mme Dumont, MM. Cardoux, P. Martin, Charon, Tabarot, Babary et Détraigne, Mme F. Gerbaud, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. B. Fournier et Laménie, Mme Estrosi Sassone, M. Calvet, Mmes Joseph et Puissat et MM. Wattebled, Reichardt, Longeot, E. Blanc, Pellevat, Bacci, Chauvet, Sol, Brisson, Houpert et D. Laurent.

Alinéa 2

Après le mot :

volontaire

insérer les mots : 

, une personne investie d'un mandat électif local

M. Olivier Paccaud.  - Cet amendement étend l'article 4 aux violences commises contre les élus locaux. D'abord parce que le maire est officier de police judiciaire, mais surtout parce qu'il est souvent le premier à être en contact avec des personnes en état d'ébriété susceptibles de commettre des délits. En zone rurale, la gendarmerie est loin : en attendant la patrouille, on appelle le maire ou son adjoint ! C'est lui qui prend les coups !

Cet article envoie un message de fermeté et de solidarité, dites-vous. N'oubliez pas les élus, qui sont les premiers protecteurs de leur population ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je n'en disconviens pas, mais la commission a considéré que le texte concernait exclusivement les forces de sécurité intérieure. Nous avons, après une large consultation, émis des recommandations pour une meilleure prise en compte des violences faites aux maires. Nous ne sommes pas indifférents ! Avis défavorable. (Marques de déception à droite)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est un peu facile ! Rejeter cet amendement traduirait un mépris envers les élus locaux ? (Protestations à droite) Il n'y a ni mépris, ni oubli. J'ai pris le 15 décembre 2020 une circulaire nette et précise, pour répondre à la demande des élus des territoires ; il y a désormais des référents « élus » dans tous les parquets. J'interviens pour renforcer la coordination entre le terrain, la justice, les élus et les forces de sécurité.

En 2020, le taux de prononcé de peines de prison est de 62 % dans cette matière, en hausse de dix points par rapport à l'année précédente.

Le dramatique exemple qui nous arrive d'Angleterre nous rappelle, si besoin était, que les élus sont trop souvent victimes d'agressions insupportables. Notre arsenal législatif permet déjà de les sanctionner plus lourdement.

Mais cet article vise spécifiquement les forces de sécurité intérieures : policiers, gendarmes, gardes-champêtres, qui sont au contact direct....

M. Olivier Paccaud.  - Les maires aussi !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pas de la même façon...

M. Olivier Paccaud.  - Quoi ? Quoi ? Vous n'avez jamais été maire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pas de la même façon que la BAC quand elle intervient à minuit dans un quartier sensible !

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ne m'enfermez pas dans un syllogisme. Ce texte vise spécifiquement les forces de sécurité. Cela ne signifie pas que je méconnais les agressions dont sont victimes les élus ! J'ai d'ailleurs défendu un maire, passionnément, quand j'étais avocat.

Avis défavorable.

Mme Françoise Gatel.  - Je suivrai l'avis de la commission. Reconnaissons qu'un important travail a été fait dans la loi Sécurité globale, grâce aux rapporteurs Hervé et Daubresse, au rapport de Rémy Pointereau et à la collaboration entre la délégation aux collectivités territoriales et la commission des lois. (M. Loïc Hervé, rapporteur, approuve.) Je salue la circulaire du ministre, les conventions signées entre les maires et les gendarmeries.

Nous souhaiterions un bilan annuel du suivi des agressions et des sanctions.

Mme Marie-Christine Chauvin.  - Dans les petites communes sans garde-champêtre, c'est le maire qu'on appelle pour éviter un drame ! Quand j'étais maire, j'ai ainsi dû intervenir, à 22 heures, parce qu'une moissonneuse-batteuse faisait trop de bruit et qu'on allait sortir les fusils... Les maires sont exposés, il faut les protéger !

M. Vincent Segouin.  - Très bien !

M. Guy Benarroche.  - L'arsenal législatif actuel suffit, dit le garde des Sceaux. Dont acte. Mais dès lors que cet article sert à envoyer des messages, je comprends que M. Paccaud fasse le parallèle : puisque cet article appelle à mieux protéger les forces de l'ordre, notre collègue propose la même chose pour les maires. Eh bien, ne faisons ni l'un ni l'autre ! (Mme Éliane Assassi s'amuse.)

M. Olivier Paccaud.  - Le ministre a mis cinq minutes à répondre : c'est qu'il fallait se défendre... (M. le garde des Sceaux manifeste son agacement.) Pas de ces gestes méprisants, monsieur le garde des Sceaux ! (M. le garde des Sceaux proteste.)

Les agressions contre les élus ont été multipliées par quatre entre 2019 et 2020. Ils sont bien « au contact », monsieur le ministre : dans les zones rurales, ils sont les premiers sur place pour assurer la sécurité, sans autre arme que leur écharpe et leur bonne volonté !

Nous sommes le « grand conseil des communes de France », disait Gambetta ; à nous de défendre les élus et de leur donner des armes juridiques.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Par correction, je prends le temps de vous répondre -  et vous me le reprochez ?

Nous sommes opposés à cet amendement, comme la commission des lois, pour une raison de cohérence du texte.

Monsieur Benarroche, je vous invite à la Chancellerie pour que vous m'expliquiez en quoi la loi n'envoie pas de messages. Elle ne fait que cela !

L'amendement n°75 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier ou un marin-pompier ».

M. Jérôme Durain.  - Les agressions -  notamment de la part de personnes alcoolisées ou sous l'emprise de stupéfiants  - contre les sapeurs-pompiers sont en forte augmentation. Nous proposons d'étendre une disposition bien encadrée juridiquement, qui garantit l'anonymat des témoins.

Le Sénat s'est prononcé en ce sens par deux fois, en mars 2019 et plus récemment lors de l'examen de la proposition de loi sur la sécurité civile - même si la commission mixte paritaire ne l'a pas retenu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable, pour la troisième fois...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Au-dessus de trois ans d'emprisonnement, on peut recourir à l'anonymisation : le seuil était de cinq ans, il a été abaissé en 2002.

Or il y a peu d'agressions dont la sanction soit en dessous de ce quantum. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et il envoie un message !

L'amendement n°34 est adopté et devient un article additionnel

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 12 prévoit que des prévenus peuvent être gardés à la disposition de la justice lorsqu'une juridiction s'est dite incompétente du fait d'une erreur sur la majorité ou la minorité des intéressés. Et ce, afin que les jeunes en question soient ensuite placés à disposition d'une autorité judiciaire compétente.

L'atteinte à une liberté aussi fondamentale que celle d'aller et venir ne peut être motivée par des problèmes d'organisation ou de moyens de la justice.

La rédaction ne respecte pas le droit au recours effectif et au procès équitable du mineur. Comment peut-il contester l'appréciation portée par la juridiction sur son âge ?

Enfin, comme le rappelle la Défenseure des droits dans son avis du 20 septembre 2021 sur le projet de loi, « ce texte ne respecte pas l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ».

M. le président.  - Amendement identique n°56, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le Parquet de Paris qui demande cette disposition, en visant la seule population des mineurs non accompagnés (MNA). Il y a là une inégalité de traitement injustifiable et une atteinte grave à la liberté d'aller et venir.

L'institution est incapable de se donner les moyens de prendre en charge les MNA !

De plus, le doute, en l'occurrence sur l'âge, doit profiter à l'intéressé.

M. le président.  - Amendement identique n°69, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cet article donne un pouvoir à un juge qui s'est déclaré précédemment incompétent sur le dossier. C'est ubuesque...

Comme pour la loi sur la confiance en la justice, on court-circuite le droit au prétexte d'accélérer et faciliter la procédure judiciaire.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il s'agit sans doute, madame Assassi, de répondre aux difficultés concernant les MNA, mais pas seulement : cet article va au-delà et concerne aussi des majeurs.

Certes, il s'agit d'une atteinte aux libertés individuelles, mais elle est assortie de garanties suffisantes. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'assume cette atteinte à la liberté individuelle. Toute personne déclarant être mineure, en l'état actuel du droit, est remise en liberté, quel que soit son âge réel. Voilà la réalité !

Je veux être pragmatique. La prise d'empreinte permettra également d'identifier et de juger. Certains se cachent derrière des noms, des âges, des nationalités différentes...

Cela ne concerne pas seulement les mineurs non accompagnés et pas uniquement Paris. Les juridictions de Bordeaux, Lyon, Lille, Montpellier, Perpignan, Toulon et bien d'autres le demandent. Toutes sont confrontées à cette difficulté.

Il faut aussi penser aux victimes d'actes souvent violents. Essayons de régler la question lancinante de cette délinquance difficile à réprimer. Oui, il faut envoyer un message !

Ces jeunes resteront sous main de justice quelques heures, grâce à quoi il y aura ensuite une réponse judiciaire adaptée. J'y suis favorable. Du reste, de quelle liberté parlons-nous ? Celle de retomber sous la coupe d'exploiteurs ? De commettre de nouvelles infractions, de reprendre de la drogue ? Mon choix est vite fait. Tout se sait très vite, vous savez, non par la lecture du J.O. mais par la radio de la rue. Avis défavorable.

M. Laurent Burgoa.  - J'approuve le garde des Sceaux et notre rapporteur. Cette mesure va dans le bon sens, elle est pragmatique.

Nous avons récemment remis un rapport d'information sur les mineurs non accompagnés et nous allions dans le même sens : cette liberté est plus dangereuse pour les jeunes qu'une rétention de 24 heures. (Marques d'indignation sur les travées du groupe SER)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Attention, nous parlons de mineurs, autrement dit, d'enfants ! (Protestations à droite)

Je ne partage pas votre point de vue, monsieur le garde des Sceaux, et me refuse à ce que la justice des mineurs perde progressivement sa spécificité.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Alors que fait-on ?

Mme Éliane Assassi.  - Vous parlez toujours des mesures répressives : quid des mesures éducatives ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Nous ne touchons pas ici au nouveau code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre. Les délais, déjà, ont été réduits. J'ajoute que le tribunal peut toujours ordonner la mise en liberté. Vos réticences vous honorent, mais quelles sont vos solutions ?

Mme Éliane Assassi.  - Nous n'arrêtons pas de déposer des propositions de loi !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Que faire face à un jeune étranger qui se dit mineur ? Qui est issu du Maghreb, mais de quel pays exactement ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas l'objet de l'article !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il suffit qu'il se dise mineur pour qu'on ouvre la porte en lui disant : « rentrez chez vous ». Mais où ? En outre les tests osseux ne sont pas fiables à 100 %.

Je préfère que le jeune reste sous main de justice et qu'on examine les solutions pour l'aider plutôt qu'il soit repris par la rue. (Mme Éliane Assassi s'exaspère.)

Notre législation n'est pas satisfaisante. (Mme Jocelyne Guidez approuve.) Mieux vaut agir que de le laisser en liberté ! (Mme Éliane Assassi marque son indignation.)

Les amendements identiques nos29, 56 et 69 ne sont pas adoptés

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

sur

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

sa remise aux services de la protection judiciaire de la jeunesse qui sont chargés de garantir sa présentation devant la juridiction compétente.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement substitue au placement en détention une remise du jeune à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), lorsque le juge s'avère incompétent. Charge à la PJJ de garantir la présentation du mineur devant la juridiction compétente.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Dans la mesure où nous avons conservé l'article précédent, avis défavorable : la PJJ ne peut fournir une telle garantie.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les mineurs confiés à la Protection judiciaire de la jeunesse n'ont qu'une envie : fuir. C'est insoluble ! Soyons pragmatiques. Que peut faire la PJJ ? Séquestrer les gamins ? Lorsqu'ils sont placés à l'hôtel, ils se sauvent.

Travaillons plutôt sur ces sujets de façon transpartisane, car nous sommes tous préoccupés par ces situations. Confier les jeunes à la PJJ est très gentil mais ne sert à rien. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les personnels de la PJJ apprécieront... Nous transmettrons à leurs représentants syndicaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Et que feront-ils ? Ils prendront les gamins chez eux ?

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté de même que les articles 13 et 14.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous nous opposons à l'extension de l'amende forfaitaire pour les « vols à l'étalage », y compris les vols de nourriture.

La règle des deux minutes ne me laisse pas le temps de citer Victor Hugo, dans Choses vues. Dans le volume de l'année 1846, il décrit une scène, rue de Tournon, où un homme, « spectre de la misère » vole une baguette de pain. Tandis que les forces de l'ordre accourent, une dame passe en carrosse, qui ne le voit pas : si cet homme est là, et si cette femme ne le voit pas, le drame est inévitable, conclut Victor Hugo. Ce fut le point de départ des Misérables.

L'amende forfaitaire est indécente ; il faut prendre en compte l'extrême précarité.

M. le président.  - Amendement identique n°57, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°70, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - On cherche à soulager les juridictions, mais il faut veiller à ce que le pragmatisme des mesures n'aille pas à l'encontre des principes qui fondent la justice.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'amendement permet l'extinction de l'action publique par le versement d'une amende forfaitaire de 300 euros en cas de vol de faible valeur, s'il y a restitution ou indemnisation. Évidemment, cela soulagera les tribunaux. Mais est-ce fait pour cela ? Qu'en dit le ministre ?

La justice sera-t-elle plus efficacement et rapidement rendue ? Oui !

Bien sûr, j'entends l'émotion de Jean-Pierre Sueur, mais cette procédure ne sera pas de mise en oeuvre automatique. La décision de poursuivre demeure la responsabilité du Parquet : avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'exemple le plus récent d'état de nécessité que j'aie vu, c'est lorsqu'un groupe a volé, « par état de nécessité » selon la juge de première instance, le portrait du Président de la République ...

Jean Valjean, quand il a volé une pièce de 40 sous à Petit Gervais, aurait sûrement préféré l'amende forfaitaire à la vindicte de Javert.

L'amende fonctionne bien ; ne nous privons pas de cette réponse pénale efficace, d'autant qu'un recours est toujours possible. C'est une bonne idée, n'en déplaise à votre humanisme exacerbé.

Les amendements identiques nos31, 57 et 70 ne sont pas adoptés

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le dispositif d'amende forfaitaire ne peut en aucun cas s'appliquer aux cas de vol de produits de première nécessité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il en va de l'humanisme comme de la laïcité : aucun qualificatif n'est nécessaire, car on est pour ou contre. Cet amendement de repli prévoit d'exclure l'application de l'amende forfaitaire en cas de vol de produits de première nécessité.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable comme précédemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis défavorable exacerbé.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté, de même que l'article 15 bis

ARTICLE 16

M. Laurent Burgoa .  - Cet article va dans le sens des recommandations du récent rapport d'information du Sénat sur les mineurs non accompagnés, dont je suis le co-auteur avec MM. Hussein Bourgi, Henri Leroy et Xavier Iacovelli.

La commission des lois a adopté l'article, elle l'a jugé utile et proportionné ; je le soutiendrai moi aussi.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'article 16 permet, sous réserve de l'autorisation du procureur de la République, la réalisation de relevés signalétiques contraints lorsque c'est l'unique moyen d'identifier une personne suspectée d'avoir commis un crime ou un délit puni d'au moins trois, voire cinq ans de prison.

Une nouvelle fois, ce sont les mineurs non accompagnés qui sont visés. Les conditions posées sont attentatoires à leurs droits et à l'intérêt de l'enfant. Cela ne devrait être qu'un dernier recours, mais les conditions posées sont beaucoup trop souples.

L'étude d'impact fait référence à une expérimentation menée à Paris en 2019 : 141 des 154 mineurs formellement identités étaient en réalité majeurs.

De plus, refuser de donner ses empreintes constitue déjà une infraction.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Le relevé signalétique contraint est nécessaire et encadré par des garanties que M. le garde des Sceaux va sans doute nous rappeler.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cette mesure est réclamée par de nombreuses juridictions. Le but est d'identifier les personnes dans leurs pérégrinations ultérieures. La diversité des alias utilisés -  nom, prénom, nationalité  - est impressionnante.

En Belgique, Croatie, Estonie, Finlande, Allemagne, Grèce, aux Pays-Bas, en Pologne, Slovaquie, au Royaume-Uni, en Norvège et en Italie, des dispositifs similaires existent, en conformité avec le règlement européen du 26 juin 2013. Avis défavorable.

M. André Reichardt.  - Je voterai contre cet amendement. La loi fait parfois passer un message : quand les gens sauront qu'ils devront fournir leur empreinte, la contrainte ne sera probablement presque jamais utilisée.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat est présent tout au long de l'opération lorsqu'il s'agit d'une personne mineure. » ;

II.  -  Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat est présent tout au long de l'opération lorsqu'il s'agit d'une personne mineure.

Mme Michèle Meunier.  - Certains jeunes sont en très grande difficulté ; il faut qu'ils soient accompagnés par leur avocat lors du relevé d'empreintes. C'est une question d'accès au droit et de bienveillance.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La prise d'empreinte s'effectue tout d'abord sous le contrôle du procureur de la République. Ensuite, le médecin est présent. Quant à l'avocat, il peut être là, même s'il n'a pas forcément besoin d'être présent dans l'instant. Enfin, accordons aux gendarmes et aux policiers le bénéfice d'une humanité suffisante pour bien traiter les jeunes concernés.

La présence de l'avocat complexifierait les choses. Avis défavorable.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 16

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 388 du code civil est ainsi modifié :

1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;

b) Sont ajoutés les mots : «, ni à partir d'examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».

Mme Éliane Assassi.  - Les tests osseux sont là pour suivre la croissance des enfants, pas pour déterminer leur âge. Ils sont peu fiables, imprécis -  tout particulièrement dans la tranche d'âge 16-18 ans  - et pourtant lourds de conséquences. Abandonnons cette méthode d'un autre âge.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le Sénat ne préconise nullement de les abandonner, mais d'actualiser leur méthode d'interprétation. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable également. Bien sûr, ces tests sont subsidiaires et de dernier recours. Si le résultat de l'examen est contredit par d'autres éléments, le doute conduit à retenir la qualité de mineur. Seule l'autorité judiciaire peut y avoir recours. Enfin, le consentement éclairé de l'intéressé doit être recueilli dans une langue qu'il comprend, et son refus ne saurait suffire à conclure à sa majorité.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

ARTICLE 20

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.

Alinéa 15

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Après le sixième alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Le titre V bis ; » 

L'amendement de coordination n°94, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Explications de vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur .  - Nous avons examiné ce texte dans des conditions bien particulières. De plus, il résulte du collage de deux parties, pour les besoins de la cause...

Sur l'irresponsabilité pénale, le statu quo n'était plus possible. Le SER se rallie à la rédaction de la commission des lois, même s'il eut préféré que l'article 2 ne fût pas adopté et qu'une définition du discernement figurât dans le texte. Nous aurions donc pu voter ce titre I.

Mais nous ne pouvons pas voter le titre II, sur la sécurité intérieure.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Dommage ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous approuvons certaines mesures, sur le contrôle des armes ou la protection des forces de l'ordre. Mais, sur la vidéosurveillance en garde à vue et sur les drones, aucun de nos amendements -  pourtant recommandés par la Cour de cassation, la CNIL, le Conseil national des barreaux  - n'a été retenu, et nous avons fait part de nos réticences sur d'autres sujets. Le SER s'abstiendra. (On ironise à droite.)

Mme Catherine Di Folco .  - Le groupe Les Républicains est satisfait des modifications apportées par la commission des lois. La rédaction de l'article premier est une avancée pour les victimes.

Le titre II comprend des dispositions qui améliorent la réponse pénale.

Merci à nos rapporteurs. Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - Je ne nie pas l'intérêt de nos débats, mais ce texte relève plus du pot-pourri de mesures que du texte cohérent.

Nos échanges ont certes été passionnés, mais ils ont fait apparaître nos désaccords profonds. Le projet de loi ne répond pas au modèle de société que nous voulons. Le CRCE votera contre.

M. Guy Benarroche .  - Dès l'examen de la question préalable, notre groupe avait déploré le contenu de ce texte, mais aussi son calendrier et sa visée électoraliste à l'approche des élections présidentielles.

Nous ne partageons pas la doctrine du Gouvernement et de la commission en matière de responsabilité pénale ni de répression des atteintes contre les forces de sécurité. De même pour la captation d'images, notamment la vidéosurveillance en garde à vue, les drones et les caméras embarquées. Nous ne partageons pas non plus les dispositions relatives aux mineurs. Le seul point positif de ce texte concerne le contrôle des armes.

Le GEST votera contre.

M. Alain Richard .  - Le RDPI votera ce texte avec satisfaction. La période politique est intense : ce débat éclaire les conceptions de chacun. (Mme Éliane Assassi approuve.)

À la fin du débat, je suis plus heureux d'être du côté où je suis. (M. Thani Mohamed Soilihi approuve ; M. le ministre s'en félicite. Applaudissements sur les travées du RDPI)

À la demande du groupe CRCE, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°11 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 263
Pour l'adoption 235
Contre    28

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 20 octobre 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 16 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 20 octobre 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président 

Secrétaires : M. Loïc Hervé - M. Daniel Gremillet

1Questions d'actualité

À 16 h 30 et le soir

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant la fonction de directrice ou de directeur d'école (texte de la commission, n° 57, 2021-2022)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l'adoption (texte de la commission, n° 51, 2021-2022)