Réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (Deuxième lecture)

Renforcer la régulation environnementale du numérique (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France ; et de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Discussion générale commune

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi   - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc de la commission) Voici l'aboutissement d'un travail collectif de deux ans - et d'une belle aventure parlementaire, depuis la constitution de la mission d'information.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait en effet lancé une mission sur l'empreinte environnementale du numérique, angle mort de l'action gouvernementale. En juin 2020, le rapport montrait un risque de hausse de la pollution numérique, jusqu'à 7 % des émissions de gaz à effet de serre en 2040, si rien n'était fait.

En octobre 2020, nous déposions une proposition de loi visant à réduire l'empreinte du numérique en France. Nous l'avons améliorée au cours de son examen, la faisant passer de 24 à 31 articles. Merci à tous les groupes politiques, qui l'ont alors enrichie : elle est devenue celle d'un hémicycle tout entier. Je remercie pour leur travail et leur soutien Hervé Maurey, Guy Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Jean-François Longeot et Anne-Catherine Loisier.

Monsieur le ministre, cher Cédric O, je vous remercie aussi...

M. Bruno Retailleau.  - Le mérite-t-il ? (Sourires)

M. Patrick Chaize.  - ... pour nos échanges fructueux.

Après le passage à l'Assemblée nationale, nous revoici saisis de ce texte qui comporte à présent 36 articles. Merci aux députés rapporteurs pour le sérieux de leur travail.

Mais je regrette la suppression de l'article 23 bis sur la collecte des données par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Les dispositions ont été déplacées dans la loi Climat, malgré les risques d'inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article, comme nous le craignions. Nous l'avons donc repris dans la présente proposition de loi sur la régulation qui complète le premier texte.

Nous aurions pu être plus audacieux. Le texte issu de l'Assemblée nationale est incomplet et cette deuxième lecture a un petit goût d'inachevé.

Quel gâchis, monsieur le ministre, que la confusion entretenue entre les difficultés conjoncturelles du monde de la culture et les conditions structurelles du financement de la copie privée. Il faudra discuter de la compensation pour le secteur du reconditionnement.

Pour l'heure, nous avons décidé de privilégier une adoption conforme.

Les reculs ne doivent en effet pas masquer des avancées qui feront de la France un précurseur dans l'Union européenne sur ce sujet. Si nous l'adoptons, le texte aura une application immédiate. Enfin, nous sommes conscients de l'encombrement du temps parlementaire.

Ce vote n'est pas pleinement satisfaisant, mais soyons fiers d'avoir fait oeuvre utile en plaçant la France en situation de pionnier.

La proposition de loi a déjà produit des effets : le sujet s'est imposé dans le débat public, à tel point que certains opérateurs commencent à agir concrètement.

Votons donc ce texte conforme ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, du RDSE et du RDPI ; MM. Guillaume Gontard et Jacques Fernique applaudissent également.)

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique, dite REN, et la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Arcep ont été adoptées par notre commission sans modification.

La proposition de loi REN comptait, lors de sa transmission à l'Assemblée nationale, 31 articles visant notamment à faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de ses conséquences environnementales, à limiter le renouvellement des terminaux, à promouvoir les usages écologiquement vertueux et à rendre les réseaux moins énergivores.

Le travail du Sénat a été conforté par les députés. En particulier, la formation à la sobriété numérique à l'école et dans le secondaire et le renforcement du délit d'obsolescence programmée, étendu à l'obsolescence logicielle, ont été conservés.

L'Assemblée nationale a même introduit de nouvelles dispositions conformes à l'esprit du texte : collecte nationale des équipements numériques avec prime au retour, fin de l'obligation de fournir des écouteurs lors de la vente d'un téléphone portable et renforcement des prérogatives du maire en matière de déploiement des infrastructures.

Nous déplorons toutefois certains reculs opérés sur des sujets structurants, comme la suppression de l'allongement à cinq ans de la garantie légale de conformité et la suppression du caractère contraignant du référentiel d'écoconception.

Reste que ces quelques réserves ne doivent pas occulter les avancées profondes réalisées par ce texte, que vos deux rapporteurs vous recommandent d'adopter sans modification, à l'instar de M. Chaize.

Quant à la proposition de loi sur la régulation environnementale du secteur par l'Arcep, elle vise à armer pleinement le régulateur et à faciliter l'application de la proposition de loi REN. Consensuel, ce texte pourrait être examiné par l'Assemblée nationale en décembre, pour entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

L'impact environnemental du numérique est longtemps resté une problématique ignorée. La proposition de loi REN a donc fait l'effet d'un électrochoc. Grâce à elle, bon nombre d'acteurs du secteur se sont engagés dans la réduction de leur empreinte environnementale. Il est urgent de traduire ces évolutions dans la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Ce n'est pas une petite satisfaction de me trouver devant vous pour la deuxième lecture de cette proposition de loi, après deux ans de travaux, menés notamment dans le cadre d'une mission d'information.

Je m'attarderai sur deux sujets déjà abordés par le principal artisan du texte, Patrick Chaize.

L'article 14 bis B, d'abord, qui concerne la rémunération pour copie privée relative aux équipements reconditionnés. Cette rémunération est prélevée sur les CD et DVD vierges, ainsi que les mémoires et disques durs des ordinateurs, téléphones et tablettes, pour compenser la perte subie par les artistes du fait des copies.

Au moment de la rédaction du texte, cette rémunération ne s'appliquait qu'aux produits neufs. Mais la commission pour la rémunération de la copie privée a lancé une réflexion en vue d'y assujettir les appareils reconditionnés.

Après nous être assurés que cette mesure ne priverait pas les artistes de ressources déjà prévues, nous avions voté l'article 14 bis B pour exonérer les produits reconditionnés et ainsi garantir la compétitivité du reconditionnement.

Malheureusement, le 1er juin dernier, la commission pour la rémunération de la copie privée a permis l'application d'un barème sur les biens reconditionnés. L'Assemblée nationale a suivi le Gouvernement qui l'invitait à entériner cette décision.

Nous le regrettons vivement. Plusieurs pays exonèrent intégralement les biens reconditionnés ou taxent uniquement les équipements n'ayant pas fait l'objet d'un prélèvement à l'état neuf.

Si nous sommes défavorables au dispositif de l'Assemblée nationale sur ce point, nous nous réjouissons de l'application aux produits reconditionnés d'un taux réduit et de l'exonération accordée aux acteurs de l'économie sociale et solidaire.

S'agissant ensuite de l'article 15 bis, introduit par l'Assemblée nationale pour lutter contre le démarchage téléphonique abusif, nous l'accueillons dans l'ensemble favorablement.

Certains acteurs nous avaient fait part de leurs inquiétudes sur des effets indésirables pour les entreprises ayant recours à des automates d'appels. Après enquête, ces inquiétudes ne nous paraissent pas fondées. Le recours aux numéros mobiles et masqués par les centrales d'appel est déjà interdit. Il s'agit uniquement de réserver certaines tranches de numéros aux centres d'appels, pour faciliter l'identification de l'appelant.

En tout état de cause, nous serons particulièrement attentifs à tout effet de bord. S'il y a lieu, le Gouvernement s'est engagé à agir par voie réglementaire.

Les conditions sont à nos yeux réunies pour adopter sans modification la proposition de loi REN. À l'heure des grandes déclarations à la COP26, le Sénat, sur l'initiative de M. Chaize, fait oeuvre concrète pour l'environnement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Frédéric Marchand applaudit également.)

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La proposition de loi REN a donné lieu à de vifs débats à l'Assemblée nationale. Il faut dire que le sujet est d'importance -  je me félicite que la représentation nationale s'en soit pleinement saisie.

Je salue le travail des rapporteurs, ainsi que celui, approfondi et riche, de Patrick Chaize, que je remercie personnellement. Il est des parlementaires qui font l'honneur de leur fonction, en ayant l'intérêt général comme seule boussole ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDPI et du GEST, ainsi qu'au banc de la commission ; M. Joël Bigot applaudit également.)

M. Bruno Retailleau.  - (Montrant la statue du petit hémicycle) Voyez Portalis !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Les mesures qui seront, je l'espère, adoptées sont très concrètes.

L'article 6 simplifie la définition de la lutte contre l'obsolescence programmée, en particulier logicielle, pour faciliter la lutte contre celle-ci.

Les articles premier, premier bis et 2 font le pari de la formation et de la sensibilisation des jeunes et des étudiants sur l'écoconception des équipements, pour que ce qui semble aujourd'hui exotique devienne demain la norme.

Les articles 14 bis AA et 14 ter visent à allonger la durée d'utilisation des terminaux, au bénéfice à la fois de l'environnement et du pouvoir d'achat.

L'article 23 bis A impose le partage des pylônes en zone rurale. Cette rationalisation répond à une demande des collectivités territoriales pour lutter contre la spéculation foncière.

Bien d'autres mesures sont à la fois concrètes et à fort impact, à l'image de la méthode pragmatique du Gouvernement : préférer les pas, même petits, dans la bonne direction aux déclarations à l'emporte-pièce.

Ce pragmatisme est au coeur de notre stratégie nationale pour le numérique et l'environnement. Barbara Pompili, Bruno Le Maire et moi-même avons construit ensemble une feuille de route interministérielle visant à faire converger les transitions écologique et numérique. Dans cet esprit, nous entendons améliorer la connaissance de l'empreinte environnementale du numérique, la réduire et mobiliser le secteur du numérique au service de l'accélération de la transition énergétique.

La deuxième proposition de loi reprend des dispositions stratégiques - adoptées par les deux chambres mais censurées par le Conseil constitutionnel comme cavaliers - qui renforcent le pouvoir de collecte de données environnementales par l'Arcep. C'est l'occasion de corriger une mauvaise articulation de la première proposition de loi Chaize et de l'ordonnance du 29 septembre 2021 transposant les directives 2019-770 et 2019-771. Il s'agit ainsi de préserver l'accessibilité et l'intelligibilité du code de la consommation.

N'opposons pas la nécessaire évolution des comportements et l'innovation. Considérer le progrès comme source de décadence ou de corruption, c'est aller dans le mur ! Le combat environnemental se meurt d'un antilibéralisme qui ne lui est consubstantiel qu'en France. (Moues dubitatives sur les travées du GEST)

Un humain sur trois vit avec moins de 3 dollars par jour. La population mondiale continue d'augmenter, et les ressources énergétiques comme les matières premières sont limitées. La tension, mathématique, peut être résolue en partie par une maîtrise de la consommation - c'est la trajectoire fort ambitieuse sur laquelle reposent les projections du dernier rapport de RTE. Mais n'y parviendrons pas sans innover !

Ne nous enfermons pas dans un débat hémiplégique qui oppose soutien à l'innovation et maîtrise de la consommation. C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Esther Benbassa .  - Je me réjouis que le Sénat place l'écologie et le numérique au centre de ses préoccupations, mais je regrette que ce texte ambitieux et équilibré ait perdu de sa substance à l'Assemblée nationale.

La France est la première à légiférer sur le sujet. Invitons les autres États membres de l'Union européenne à nous suivre.

Nous devons modifier nos modèles de production, de croissance et de consommation pour tenir compte de leur impact sur l'environnement. D'ici 2040, le numérique représentera 24 millions de tonnes équivalent carbone, soit 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Le secteur des nouvelles technologies représente à lui seul 6 à 10 % de la consommation mondiale d'électricité.

Le numérique nous invite à explorer les chemins de la transition écologique en investissant ses dimensions sociales et collectives.

Nous sommes tous concernés, acteurs publics comme privés.

L'article premier incite à la sobriété numérique. Toute une pédagogie doit être mise en place en faveur de la déconnexion. La mise en place de formations dédiées auprès des écoliers et d'un observatoire sur l'impact environnemental du numérique est salutaire.

Je regrette que les députés aient étendu la redevance copie privée aux appareils reconditionnés -  c'est un recul par rapport au texte du Sénat.

Je salue les avancées de ce texte, mais j'appelle à une véritable politique environnementale du numérique.

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi, adoptée à la quasi-unanimité du Sénat en janvier 2021, puis à l'Assemblée nationale en juin, est le fruit d'un travail transversal mené par notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L'évolution significative des usages et outils numériques ainsi que la montée en puissance de la 5G rendent ce texte indispensable.

Si l'Assemblée nationale en a conservé les mesures emblématiques, elle a fait preuve d'une certaine frilosité en supprimant l'intégration de l'impact environnemental du numérique dans le bilan responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ou encore le crédit d'impôt à la numérisation durable des PME. Qu'il s'agisse du public ou du privé, chacun doit oeuvrer pour la sobriété numérique.

Je regrette aussi la suppression de l'impact environnemental du numérique dans les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser). La politique d'achat doit s'inscrire dans une démarche de durabilité et d'usage raisonné des ressources.

Il y a néanmoins des avancées, telles que la formation à l'impact environnemental du numérique dans l'enseignement supérieur, ou, à l'échelle des territoires, l'obligation de justifier le choix de ne pas recourir au partage de sites ou de pylônes.

Le chapitre V, créé à l'initiative de notre groupe, permet de mieux intégrer les data centers dans les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) et impose aux collectivités de plus de 50 000 habitants de présenter une stratégie numérique responsable.

Cette proposition de loi, malgré ses limites, fait du numérique un accélérateur de la transition écologique.

Elle s'appuie sur une meilleure information et une responsabilisation des acteurs et des usagers, sur un équilibre entre mesures incitatives et contraignantes.

Nous défendons une responsabilité sociétale, construite avec les usagers et avec les territoires, pour harmoniser le déploiement ambitieux du numérique et le respect des enjeux climatiques.

Le Sénat est pionnier sur ce sujet, faisant écho aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat, de l'Arcep ou du Haut Conseil pour le climat. Il a démontré sa capacité à accélérer les prises de conscience et à les traduire en solutions politiques.

Cette proposition de loi est une première étape. Le groupe SER la votera. Le numérique doit nous conduire à la société décarbonée de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Frédéric Marchand .  - Le numérique n'est pas immatériel : il a un visage, un poids et surtout un coût pour l'environnement : routeurs, serveurs, câbles sous-marins, centres de données...

Ces derniers, responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre du numérique, cherchent des solutions. Le data center adiabatique de Saint-Ouen-l'Aumône, sans climatisation, réutilise la chaleur dégagée et consomme 50 % d'énergie en moins.

Alors que se tient la COP26, cette proposition de loi permet à des propositions concrètes de voir le jour rapidement : engagements contraignants des opérateurs auprès de l'Arcep, droit à la réversibilité des mises à jour, promotion de data centers moins énergivores...

Certains dispositifs ont certes été supprimés à l'Assemblée nationale, mais c'est le prix d'une construction commune. Des mesures radicales, mal acceptées par les opérateurs, auraient été sans effet, et je salue le pragmatisme de Patrick Chaize et des rapporteurs.

La feuille de route du Gouvernement comprend quinze mesures fortes, comme l'acquisition par l'État de 20 % d'équipements reconditionnés.

L'Arcep et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) mènent une mission conjointe pour quantifier l'impact environnemental des réseaux ; les résultats sont attendus en 2022.

La proposition de loi annexe permettra par ailleurs à l'Arcep de recueillir des données précieuses.

Quoique tardive, cette mobilisation est indispensable pour faire émerger un numérique durable et responsable. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Alors que débute la COP26, ce texte fait de la France un précurseur sur le sujet de l'empreinte environnementale du numérique. Il est le fruit d'une aventure parlementaire débutée au Sénat par une mission d'information sur la transition numérique écologique, poursuivie à travers une première proposition de loi puis dans le projet de loi Climat et résilience.

Ce texte éveille les consciences sur un sujet qui ne va pas de soi. Le numérique, qui prend une place croissante dans notre quotidien, est émetteur de CO2. Il était nécessaire d'agir et de rester attentifs aux évolutions.

Le numérique sera essentiel dans certains secteurs comme l'agriculture, ou les modes de travail. Il faut en faire un atout dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous devons encourager les innovations qui vont dans le sens de la sobriété numérique.

Je partage certaines critiques, notamment sur la suppression de l'exonération de la rémunération pour copie privée pour les équipements reconditionnés. Reconditionner, c'est allonger la vie des appareils, donc réduire la production. Pourquoi établir une redevance qui va favoriser la concurrence étrangère, ce qui est un non-sens écologique ? Surtout si c'est pour la compenser financièrement par ailleurs...

Même si ce texte laisse un goût d'inachevé, il comporte des avancées majeures. Malgré ses imperfections, le groupe INDEP le votera.

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est rare que les propositions de loi du Sénat soient reprises et votées à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Je remercie Patrick Chaize de la qualité de son travail, qui fait entendre la voix du Sénat sur un sujet important.

L'empreinte environnementale du numérique est souvent occultée. Avec cette proposition de loi, la France devient précurseur, quelques mois après les projets de loi Climat et AGEC. Cosignée par 130 sénateurs de toutes sensibilités, elle s'inscrit dans l'actualité de la COP26.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait conservé de nombreux apports du Sénat, comme la création d'un observatoire, le renforcement du délit d'obsolescence programmée ou le droit à la désinstallation des mises à jour non nécessaires. Alors que la durée de vie moyenne d'un smartphone est de vingt-quatre mois, cela permettra aux utilisateurs de renouveler leur téléphone ou tablette par besoin et non par obligation.

Je ne comprends pas le rétablissement de la redevance pour copie privée sur les appareils reconditionnés. Même avec un taux réduit et une exonération pour les acteurs de l'économie sociale et solidaire, c'est un bien mauvais message que de taxer ce que nous voulons encourager !

La mutualisation des supports aux antennes relais est nécessaire pour éviter l'implantation anarchique de pylônes - j'avais déposé une proposition de loi en ce sens. Les mesures décidées sont bienvenues, même si elles sont insuffisantes : il faut redonner aux maires la maîtrise de l'aménagement de leur territoire.

Nous voterons ce texte conforme, pour assurer son application rapide. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Hervé Maurey et Jean-Paul Prince applaudissent également.)

M. Jacques Fernique .  - Il y a moins d'un an, ce texte transpartisan était adopté en première lecture ; je me réjouis qu'il ait prospéré, sachant qu'il n'existe à ce jour aucune législation robuste pour réguler ou réduire les dommages environnementaux du numérique.

Longtemps ignorée, l'empreinte environnementale du numérique est devenue un sujet de transition écologique incontournable.

La durabilité et la sobriété s'imposent aux acteurs. À la veille de la présidence française de l'Union européenne, ce texte est un premier jalon.

En première lecture, nous avons salué le renforcement de la lutte contre l'obsolescence prolongée, le soutien au reconditionnement, l'obligation d'écoconception, la promotion de stratégies numériques responsables dans les territoires...

Quelques frustrations cependant : le texte issu de l'Assemblée nationale a réduit la portée de certaines dispositions structurantes, quand elle ne les a pas supprimées - sur l'assujettissement des produits reconditionnés à la redevance pour copie privée, ou encore le référentiel de l'écoconception des services numériques.

Nous ne devons toutefois pas occulter les avancées. La proposition de loi sur la régulation de l'Arcep est un complément utile.

Les mieux est l'ennemi du bien. Aussi voterons-nous ce texte conforme, tout en nous inquiétant que les parlementaires aient été court-circuités par le Gouvernement sur la rémunération copie privée, avec des conséquences désastreuses sur la filière du réemploi et du reconditionné. Est-ce vraiment l'esprit du texte ?

Nous voulons des mesures de soutien énergiques pour ce secteur capital. Suspendons au moins l'assujettissement jusqu'au 1er juillet 2022 et limitons le taux à 1 %. Nous attendons toujours les dispositifs de soutien à la filière promis par Mme Bachelot. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Hervé Gillé et Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.)

M. Gérard Lahellec .  - On se dirige manifestement vers un vote conforme, pour un texte applicable au plus vite. La perfection n'étant pas de ce monde, sans doute vaut-il mieux tenir que courir...

Cependant, ce texte aurait pu être considérablement amélioré sans en modifier l'économie globale. Nous défendrons malgré tout un amendement. Les mesures de régulation ne sont pas toujours des obstacles au développement, au contraire ! La France a su, en affichant une grande ambition publique, exceller dans le domaine des télécommunications. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.)

Je m'étonne que l'obligation d'écoconception des sites ait été transformée en simple incitation à bien faire. Nous souhaitions de vrais référentiels opérationnels, standardisés et évolutifs, afin de positionner la France dans le dynamique marché de l'écoconception des services numériques.

La régulation environnementale favorise l'accessibilité sociale du numérique. Donnons à chacun les moyens d'être écologiste ! Je regrette, à ce titre, le rétablissement de la redevance pour copie privée sur les équipements reconditionnés. Si cette proposition de loi est une première brique que je salue, je regrette que l'Assemblée nationale ait amoindri l'ambition initiale.

Nous défendrons un amendement et nous abstiendrons sur l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi est l'aboutissement de la mission d'information mise en place fin 2019 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable qui s'est penchée pour la première fois sur l'empreinte environnementale du numérique, et dont elle reprend les préconisations.

L'Assemblée nationale a voté ce texte à l'unanimité, en préservant la plupart de nos apports. Preuve que le Sénat n'est pas toujours à la traîne en matière environnementale ! Les députés ont validé, voire conforté de nombreuses dispositions, mais certaines modifications sont hélas en retrait par rapport à l'ambition du Sénat, notamment sur la question du renouvellement des terminaux -  responsables de 70 % de l'empreinte carbone totale du numérique en France.

L'allongement à cinq ans de la durée de la garantie légale de conformité a été supprimée et la redevance copie privée rétablie pour les produits reconditionnés, ce qui réduira leur compétitivité. C'est un nouveau recul du Gouvernement en matière d'économie circulaire, après l'attrition des crédits du fonds de réparation créé par la loi AGEC.

L'Assemblée nationale a préféré l'incitation à l'obligation, notamment concernant l'information sur les émissions de la vidéo à la demande.

Le calendrier parlementaire impose un vote conforme si nous voulons une entrée en vigueur avant la fin du quinquennat. Je voterai donc ces textes, préférant regarder le verre à moitié plein.

M. Éric Gold .  - La COP26 vient de s'ouvrir, alors que le GIEC a tiré la sonnette d'alarme : plus 2°C en 2050, c'est la disparition des coraux, l'effondrement du rendement agricole, des pénuries d'eau pour 8 % des humains, la fonte des glaces de tous les sommets français.

Le numérique n'est pas en reste en matière d'empreinte carbone : 2 à 3 % des émissions de gaz à effet de serre de France, 7 % en 2040 si rien n'est fait.

L'Ademe a mis en lumière l'empreinte cachée des objets de notre vie quotidienne.

Chaque produit porte ainsi un sac à dos invisible de CO2. Pour fabriquer un ordinateur de 2 kilos, il faut 600 kilos de minéraux, 200 kilos d'énergies fossiles et plusieurs milliers de litres d'eau douce ! Et un téléphone portable de moins de 300 grammes porte un sac à dos écologique d'au moins 70 kilos...

C'est le sujet qui devrait le plus nous préoccuper : 80 % de l'empreinte environnementale du numérique tient au renouvellement des terminaux.

Si l'Assemblée nationale a globalement conforté le travail du Sénat, de nombreux reculs sont à déplorer, comme la suppression du crédit d'impôt pour la numérisation durable des PME et des mesures visant à freiner le renouvellement des terminaux, dont l'allongement de la durée légale de conformité.

Cet abaissement du niveau d'ambition doit-il nous conduire à rejeter la proposition de loi ? Je ne le crois pas. Le calendrier législatif impose de voter ces textes qui contribueront incontestablement au verdissement du numérique. Le RDSE les votera sans hésitation -  mais non pas tout à fait sans déception.

Les élus locaux s'engagent sur le chemin de la sobriété. La récente convention des intercommunalités à Clermont-Ferrand a ouvert la voie à une plus large diffusion du Manifeste pour des territoires numériques responsables.

Le Parlement s'est lui aussi engagé, avec les lois AGEC et Climat et résilience.

Les data centers, souvent montrés du doigt, ont consenti des efforts, en maîtrisant la hausse de leur consommation énergétique.

Nous pouvons donc, sans excès d'optimisme, espérer tenir l'objectif que la France s'est fixé pour 2030 : zéro émission nette de gaz à effet de serre et 100 % de biens et services numériques écoconçus. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et du RDPI)

M. Stéphane Sautarel .  - La convergence des transitions écologique et numérique s'inscrit au coeur de nos politiques publiques.

La mission d'information sénatoriale a identifié un angle mort de notre politique de lutte contre le changement climatique.

Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, nous devons nous pencher sur la pollution liée au secteur numérique. Nous avons été nombreux, de toutes les travées, à cosigner cette proposition de loi novatrice et anticipatrice, qui illustre le rôle de défricheur de notre assemblée.

Si je crois au progrès, je pense que l'innovation n'est pas bonne en soi : elle doit avoir un sens. La responsabilité du politique est de décider sans rester en surface, de résoudre les paradoxes.

Le numérique doit être appréhendé dans une perspective globale. La transparence doit être assurée, pour ne laisser aucune place à l'obscurantisme. Études d'impact et encadrements sont donc nécessaires.

L'information et la formation sont nécessaires pour rétablir la confiance dans la parole publique et prévenir la multiplication des fake news. L'éducation des plus jeunes à l'école relève d'un projet de société.

La prévention aussi est indispensable. Si nous ne faisons rien, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre passera de 2% à près de 7 % d'ici à 2040 !

Les entreprises prennent conscience de leur responsabilité. Le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit Pacte, a fait l'objet d'une loi, promulguée le 22 mai 2019. Gageons qu'elle sera utilement complétée.

L'entreprise, motrice du progrès économique et technologique, créatrice de lien social, est un pilier de l'intérêt général. Alors que la France est pionnière en matière de nouvelles régulations économiques, il est regrettable que l'Assemblée nationale ait reculé sur la RSE.

Le texte de l'Assemblée, bien que largement modifié, n'est pas contraire à l'esprit de la proposition de loi originelle ; il contient des reculs, mais aussi certaines avancées. Je souhaite que nous l'adoptions à une très large majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Jean-Paul Prince .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À l'heure où les dirigeants du monde entier se réunissent pour la COP26, le Parlement poursuit l'examen de la proposition de loi, d'initiative sénatoriale, sur la réduction de l'empreinte environnementale du numérique.

Nous ne pouvons que nous féliciter des avancées réalisées dans ce domaine, au Parlement et en dehors.

La question de l'impact environnemental du numérique s'impose dans le débat public. De fait, tout indique que cet impact ne fera que croître dans les années à venir. Une législation ambitieuse est donc nécessaire, envisageant toutes les dimensions du phénomène, de la consommation d'énergie à la valorisation des déchets.

L'Assemblée nationale a conservé nombre des dispositions du Sénat et renforcé la lutte contre les appels frauduleux, une nuisance qui s'aggrave. Les mesures du Sénat sur la consommation d'énergie des centres de données ont été globalement maintenues.

En revanche, les députés ont été trop timides sur les appareils d'occasion. C'est pourtant le nerf de la guerre ! Nous regrettons la suppression de l'exonération de rémunération pour copie privée pour les appareils d'occasion, hors économie sociale et solidaire. Les terminaux numériques que nous avons dans nos poches représentent 81 % des émissions françaises du secteur ! Une politique déterminée est indispensable en la matière.

Même si le texte n'est pas pleinement satisfaisant, son adoption s'impose au regard de l'importance des enjeux et des contraintes du calendrier parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles de la proposition de loi Réduire l'empreinte environnementale du numérique en France

ARTICLE PREMIER

Mme Angèle Préville .  - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, qui marque une avancée vertueuse. Mais ce n'est qu'une première étape, et nous devrons rester vigilants, tant la gabegie est généralisée.

La sensibilisation des jeunes et des ingénieurs est très importante. La notion de MIPS, le sac à dos écologique dont a parlé Éric Gold, permet de réaliser que la fabrication d'un smartphone de 150 grammes nécessite 183 kilos de matières premières ; c'est 32 kilogrammes pour une puce de 2 grammes, soit un rapport de 1 à 16 000 ! Ces chiffres doivent être diffusés pour limiter le consumérisme.

Le coût des data centers au mètre carré est considérable. Ces centres sont surdimensionnés. Il nous faudra légiférer en la matière.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 1er bis, 2, 3 et 7 bis.

ARTICLE 7 TER

M. Pierre Ouzoulias .  - Cet article porte sur la liberté d'installer sur les terminaux les logiciels de son choix.

À ce sujet, le Sénat a voté à la quasi-unanimité une disposition devenue l'article L.441-3 du code de la consommation.

Mais l'Assemblée nationale avait ajouté qu'un arrêté était nécessaire pour que cette disposition soit appliquée. A-t-il été publié ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je n'ai pas la réponse, mais je m'engage à vous la transmettre dans les jours qui viennent.

L'article 7 ter est adopté, ainsi que les articles 8, 9, 10, 12, 12 bis A, 12 bis, 13, 13 bis, 13 ter et 14 bis AA

ARTICLE 14 BIS B

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Je salue le travail de notre commission sur ce texte qui permettra de réduire l'impact environnemental du secteur numérique. Au moment où la COP26 commence dans la morosité, nous agissons secteur par secteur.

J'ai un regret : la disparition de l'exonération de redevance sur les appareils reconditionnés. Manifestement, les députés de la majorité et le Gouvernement ont choisi de favoriser des intérêts catégoriels, en l'occurrence ceux des acteurs culturels...

J'ai toutefois retiré mon amendement de suppression pour préserver le travail des associations de l'économie sociale et solidaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

Après le II bis de l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un II ter ainsi rédigé :

« II ter.  -  La rémunération pour copie privée n'est pas due non plus lorsque les supports d'enregistrement sont issus d'activités de préparation à la réutilisation et au réemploi de produits ayant déjà donné lieu à une telle rémunération. »

M. Pierre Ouzoulias.  - M. Chaize a très bien défendu notre amendement - qui rétablit son texte...

Un argument supplémentaire : le recyclage permet de réduire la fracture numérique, en permettant à certains l'acquisition d'équipements numériques indispensables à moindre coût, voire gratuitement.

Membre de la commission de la culture, je m'interroge sur l'irrigation de la culture par cette redevance...

Comme on dit en Corrèze, il pleut toujours là où c'est mouillé ! (Sourires)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°2, présenté par M. Fernique et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement exonère les équipements numériques reconditionnés du paiement de la rémunération pour copie privée (RCP). Il n'est pas voué à être adopté, mais à obtenir les explications du ministre. Que ferez-vous, Monsieur le ministre, pour les entreprises de ce secteur qui seront touchées par cette redevance ?

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur.  - Sur le fond, nous ne pouvons que souscrire à ces amendements. Jusqu'à présent, les reconditionnés n'étaient pas soumis à redevance pour copie privée. En outre, la rédaction initiale ne faisait rien perdre aux acteurs de la culture, sinon des recettes hypothétiques. Enfin, n'étaient visés par cette mesure que les équipements reconditionnés en Europe. Cette solution a d'ailleurs été retenue par plusieurs de nos voisins.

Malgré notre accord sur le fond, nous ne pouvons être que défavorables à ces amendements afin d'aboutir à un vote conforme. Sinon, nous compromettrions l'avenir de cette proposition de loi.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - J'ai fait part de ma position personnelle. Il aurait été logique que, sans s'opposer au principe de la RCP, on conserve la rédaction initiale pour des raisons économiques, sociales et environnementales. C'était compter sans les vigies du progressisme culturel, pour des raisons détaillées dans la presse...

Le Gouvernement donne donc un avis défavorable à ces amendements.

M. Thomas Dossus.  - Félicitations au ministère de la Culture et aux industries culturelles de nous imposer une disposition contraire à l'objectif de la proposition de loi. Je regrette que Mme la ministre de la culture ne soit pas parmi nous, alors qu'elle était présente à l'Assemblée nationale pour défendre cette redevance.

C'est un braquage parlementaire parfait, dans un calendrier contraint.

M. Pierre Ouzoulias.  - Moi aussi, je tiens à saluer la qualité des articles de Marc Rees qui permettent à tous de comprendre ce qui s'est tramé.

Nous retirons notre amendement, car nous voulons nous associer à un tel texte voté unanimement par le Sénat qui, en matière numérique, est souvent avant-gardiste.

Malheureusement, le Gouvernement bloque régulièrement nos propositions, comme il l'a fait pour l'interopérabilité.

L'amendement n°1 est retiré.

M. Jacques Fernique.  - Nous ne vous ferons pas voter contre un amendement qui a votre faveur sur le fond ; nous le retirons nous aussi.

L'amendement n°2 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par MM. Dossus, Fernique, Dantec, Benarroche, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

et différenciée de celle établie pour les supports d'enregistrements neufs de même nature

par les mots :

, différenciée de celle établie pour les supports d'enregistrements neufs de même nature et limitée à 1 % du prix de vente final du produit mis en circulation

M. Thomas Dossus.  - L'article 14 bis B entérine la décision de la commission de la rémunération de la copie privée assujettissant le produit reconditionné à une redevance de 10,08 euros, soit en moyenne 6 % du prix final de revente.

Reconnaissant manquer de temps sous la pression du Gouvernement, cette commission n'a entendu aucun professionnel du reconditionné, mais les représentants des industries culturelles étaient bien là ! Son calcul, c'est du grand art dans l'ordre du doigt mouillé et c'est pourquoi nous proposons un taux de 1 %.

On ne taxe toujours pas le kérosène, mais on va saigner le réemploi. Le secteur de la transition est à nouveau contrarié, entravé, freiné. Bel exemple de la politique environnementale du Gouvernement ! Une fois de plus, une proposition de loi de petits pas et un grand recul.

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur.  - Cet amendement irait bien sûr dans le bon sens. Après de longues discussions à l'Assemblée nationale, l'économie sociale et solidaire a quand même été exonérée.

Et puis, à l'article 14 bis, le Gouvernement remettra au Parlement deux rapports, l'un en décembre 2021 et l'autre en décembre 2022, pour faire le point sur l'impact de cette redevance sur la filière des appareils recyclés.

Pour ces raisons, et avec regret, avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°4 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par MM. Dossus, Fernique, Dantec, Benarroche, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La rémunération pour les supports mentionnés à l'avant-dernier alinéa du présent article n'est pas due jusqu'au 1er juillet 2022. »

M. Thomas Dossus.  - L'étude d'impact arrivera après le vote... C'est original ! Cet amendement prévoit l'assujettissement à la RCP au 1er juillet 2022 afin de donner le temps au Gouvernement de rencontrer les acteurs de ce secteur et de prévoir les mesures de soutien indispensables.

Les produits reconditionnés permettent aussi de redonner du pouvoir d'achat aux Français les plus modestes.

Enfin, nous déplorons qu'en votant cet article, nous empêchons les acteurs du reconditionnement de faire valoir leurs droits devant la justice administrative.

Nous appelons solennellement à un plan de soutien pour assurer la survie de ce secteur.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur.  - Pour les raisons déjà exposées, retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°3 est retiré.

L'article 14 bis B est adopté, ainsi que les articles 14 bis C, 14 bis, 14 ter, 14 quater et 15 bis.

ARTICLE 16

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme Benbassa.

Après l'alinéa 5

Insérer treize alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  Dans les conditions définies au présent article, est rendue obligatoire l'écoconception des services de communication au public en ligne des organismes suivants :

« 1° Les personnes morales de droit public, à l'exclusion des collectivités territoriales et de leurs groupements dont la population est inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d'État mentionné au III ;

« 2° Les personnes morales de droit privé délégataires d'une mission de service public, ainsi que celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et dont :

« a) Soit l'activité est financée majoritairement par une ou plusieurs personnes mentionnées « 

« b) Soit la gestion est soumise à leur contrôle ;

« c) Soit plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance sont désignés par elles ;

« 3° Les personnes morales de droit privé constituées par une ou plusieurs des personnes mentionnées aux 1° et 2° pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial ;

« 4° Les entreprises dont le chiffre d'affaires excède un seuil défini par le décret en Conseil d'État mentionné au III.

« III.  -  L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect de l'obligation prévue au premier alinéa du II.

« En cas de manquement à cette obligation, la personne concernée est mise en demeure par l'Autorité de s'y conformer dans un délai qu'elle détermine. Lorsque l'intéressé ne se conforme pas, dans le délai fixé, à cette mise en demeure, l'Autorité peut prononcer à son encontre :

« 1° Une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et à sa situation sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, ce plafond étant porté à 5 % en cas de nouvelle infraction. À défaut d'activité antérieure permettant de déterminer ce plafond, ou si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation. Le présent 1° ne s'applique pas si le contrevenant est l'État ;

« 2° Une interdiction de la publication des services de communication au public en ligne concernés, jusqu'à ce que des actions visant à remédier au manquement aient été engagées.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine. »

Mme Esther Benbassa.  - Je salue les travaux de la commission sur ce texte essentiel.

Cet amendement vient apporter des précisions au nouveau référentiel de l'écoconception des services numériques. L'Assemblée nationale a vidé l'article de sa substance. La version du Sénat était pourtant claire. Il faut y revenir.

Garantissons à tous les citoyens un traitement équitable face à la numérisation de l'État. L'administration publique et les grandes entreprises doivent toutes tendre vers l'écoconception.

Le régime des sanctions doit être clairement établi. Nous ne devons pas laisser de place au flou.

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur.  - Nous ne sommes pas opposés sur le fond à cet amendement.

Nous avons néanmoins choisi d'exclure certaines personnes publiques et privées du périmètre puisque 80 % du trafic provient de quinze fournisseurs.

Avis défavorable car nous voulons une adoption conforme de cette proposition de loi.

Notons aussi que les députés ont élargi à l'ensemble des écoles d'ingénieurs l'obligation de suivre un module dédié à l'écoconception des services numériques.

Je souhaite que le référentiel d'écoconception s'impose à tous grâce au name & shame.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté, de même que les articles 16 bis et 16 ter.

ARTICLE 23

Mme Nadia Sollogoub .  - Lors de la première lecture, j'avais déposé un amendement en faveur d'un meilleur entretien des réseaux filaires et cuivre, notamment en zone rurale, en attente du déploiement complet de la fibre. Cet amendement n'a pas été adopté.

« La réalité est que le réseau cuivre est la seule solution pour utiliser Internet », a reconnu le Premier ministre en mai dernier. Un plan de 500 millions d'euros est dédié à l'entretien de ce réseau.

Sur plusieurs territoires, le compte n'y est toujours pas. Certains habitants n'ont même pas accès à une ligne fixe.

En zone rurale, de nombreux habitants ne sont pas éligibles à la fibre. J'ai en tête un habitant de 82 ans de Cervon, dans la Nièvre, à qui l'on refuse une ligne fixe et donc un accès à un service de téléalarme.

Les opérateurs doivent limiter leurs émissions de gaz à effet de serre et leur consommation énergétique. En zone rurale, de nombreux habitants ne seront pas éligibles à la fibre avant plusieurs années. En l'absence de très haut débit, 3G et 4G sont favorisées par les opérateurs, or leur impact environnemental est plus important qu'un réseau filaire. Il convient donc d'entretenir ces réseaux.

L'article 23 est adopté, ainsi que les articles 23 bis A, 23 bis B, 24, 24 bis, 25, 26 et 27.

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi .  - L'issue du vote paraît favorable. Je remercie tous les groupes et les collègues qui ont travaillé depuis deux ans sur ce texte.

Je remercie également les sénateurs qui ont retiré leurs amendements pour que cette loi soit adoptée définitivement ce soir. Ce texte est fondateur. Appréhendé jusqu'à présent comme virtuel, le numérique est bien réel.

Espérons que la loi REEN soit la reine des lois. (Rires et applaudissements)

M. Gérard Lahellec .  - Nos propositions, si elles avaient été adoptées, n'auraient pas modifié l'équilibre de la loi. Le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je suis heureux de la qualité des débats. Je félicite les rapporteurs pour leur travail et remercie le ministre pour notre étroite et précieuse collaboration.

Le Sénat a montré sa force de proposition. Merci à ceux qui ont retiré leurs amendements, ce qui nous a évité de voter contre des amendements auxquels nous étions favorables (Sourires).

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

Mme la présidente.  - Nous allons maintenant examiner l'article unique de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique.

Discussion de l'article unique de la proposition de loi Renforcer la régulation environnementale du numérique

ARTICLE UNIQUE

L'article unique est adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° L'article L. 111-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-6. - Le producteur de biens comportant des éléments numériques informe le vendeur professionnel de la durée au cours de laquelle les mises à jour logicielles, que le producteur fournit, restent compatibles avec les fonctionnalités du bien. Le vendeur met ces informations à la disposition du consommateur.

« Le producteur informe le consommateur, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien, notamment l'espace de stockage qu'elle requiert, son  impact sur les performances du bien et l'évolution des fonctionnalités qu'elle comporte.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. » ;

2° L'article L. 217-22, tel qu'il résulte de la loi n°  du  visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, est ainsi rédigé :

« Art. L. 217-22. - La garantie commerciale est fournie au consommateur de manière lisible et compréhensible sur tout support durable, et au plus tard au moment de la délivrance du bien. Elle précise le contenu de la garantie commerciale, les modalités de sa mise en oeuvre, son prix, sa durée, son étendue territoriale ainsi que le nom et les coordonnées postales et téléphoniques du garant.

« En cas de non-respect de ces dispositions, la garantie commerciale demeure contraignante pour le garant.

« En outre, la garantie commerciale indique, de façon claire et précise, qu'elle s'applique sans préjudice du droit pour le consommateur de bénéficier de la garantie légale de conformité dans les conditions prévues au présent chapitre et de celle relative aux vices cachés, dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1649 du code civil. Un décret fixe les modalités de cette information. » ;

3° L'article L. 217-23, tel qu'il résulte de la loi n°  du  visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, est ainsi rédigé :

« Art. L. 217-23. - Le producteur peut consentir au consommateur une garantie commerciale l'engageant pendant une période donnée, supérieure à deux ans, dénommée ?garantie commerciale de durabilité?. S'il propose une telle garantie commerciale de durabilité, le producteur est directement tenu, à l'égard du consommateur, de réparer ou de remplacer le bien, pendant la période indiquée dans l'offre de garantie commerciale de durabilité ; il est également tenu de la mettre en oeuvre dans des conditions identiques à la garantie légale.

« Le producteur peut offrir au consommateur des conditions plus favorables que celles décrites au premier alinéa.

« Les exigences prévues à l'article L. 217-22 sont applicables à la garantie commerciale de durabilité. » ;

4° L'article L. 217-24, tel qu'il résulte de la loi n°  du  visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, est ainsi rédigé :

« Art. L. 217-24. - I.- Tout professionnel opérant dans un secteur économique mentionné au III du présent article peut demander à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de prendre formellement position sur la conformité aux articles L. 217-21 à L. 217-23 de la garantie commerciale qu'il envisage de mettre en place.

« Cette prise de position formelle a pour objet de prémunir ce professionnel d'un changement d'appréciation de l'autorité administrative qui serait de nature à l'exposer à la sanction administrative prévue à l'article L. 241-14.

« L'autorité administrative prend formellement position sur cette demande dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.

« Le silence gardé par l'autorité administrative à l'issue de ce délai vaut rejet de cette demande.

« II.- La validité de la prise de position mentionnée au I prend fin à compter de la date à laquelle :

« 1° La situation du professionnel n'est plus identique à celle présentée dans sa demande ;

« 2° Est entrée en vigueur une modification de dispositions législatives ou réglementaires de nature à affecter cette validité ;

« 3° L'autorité administrative notifie au professionnel, après l'avoir préalablement informé, la modification de son appréciation.

« III.- Un décret en Conseil d'Etat précise les secteurs économiques mentionnés au I dans lesquels se posent des difficultés particulières en matière de garantie commerciale appréciées en fonction de l'importance des manquements et des plaintes qui y sont constatés, de l'importance du surcoût supporté par les consommateurs lié à la garantie commerciale ou de la nature et de la récurrence des difficultés d'interprétation qu'y font naître les règles relatives aux garanties commerciales. » ;

5° À l'article L. 441-6, tel qu'il résulte de la loi n°  du  visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, la référence : « à l'article L. 217-12 » est remplacée par la référence : « au deuxième alinéa de l'article L. 217-3 ».

II. Les dispositions du I entrent en vigueur au 1er janvier 2022.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°2 à l'amendement n° 1 du Gouvernement, présenté par M. Chevrollier, au nom de la commission.

Amendement n° 1

I. - Alinéas 8, 12 et 26

Supprimer les mots : 

, tel qu'il résulte de la loi n°  du  visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France,

II. - Alinéas 16 à 25

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé

4° L'article [L. 217-24] est abrogé ;

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur.  - Un peu d'histoire. L'Union européenne a publié deux directives, 2019-770 et 2019-771, sur les contrats de fourniture de contenus et de services numérique, afin d'améliorer l'information des consommateurs. L'ordonnance du 20 septembre 2021 les a transcrites. La proposition de loi que nous venons de voter va se substituer à l'ordonnance qui traduisait fidèlement les directives. Il convient d'être cohérents avec cette transposition, d'où cet amendement de coordination.

Le sous-amendement n°2 corrige une coquille de l'ordonnance et achève de ciseler le diamant.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

Le sous-amendement n°2 est adopté.

L'amendement n°1, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance demain, mercredi 3 novembre 2021 à 15 heures.

La séance est levée à 18 h 15.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 3 novembre 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert

1. Questions d'actualité

De 16 h 30 à 20 heures

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (texte de la commission, n° 72, 2021-2022)

À 22 heures

3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (texte de la commission, n° 72, 2021-2022) (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)