SÉANCE

du mardi 16 novembre 2021

22e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot, Mme Marie Mercier.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Financement de la sécurité sociale pour 2022 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean Louis Masson .  - Il s'agit de dire par ce vote si nous approuvons ou non les grandes orientations de la politique gouvernementale en matière sanitaire et sociale.

Une telle crise sanitaire est très difficile à gérer ; le Gouvernement s'en est plutôt bien tiré, notamment si l'on se compare à nos voisins.

Cependant, je suis choqué que l'on persiste à maintenir les personnes handicapées sous la dépendance de leur conjoint : il faut individualiser l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Les personnes handicapées ne vivent pas aux crochets de leurs conjoints ! Le refus du Gouvernement est affligeant.

Je suis tout aussi choqué par les prélèvements sociaux et l'action sociale vis-à-vis des retraités. Toutes les mesures prises les pénalisent, notamment l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG).

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean Louis Masson.  - Tout cela est regrettable : je ne voterai pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce budget d'esquive -  comme je l'avais qualifié en discussion générale - est fidèle à lui-même. C'est un budget de fin de mandat, sans perspectives ni relief.

Vous laissez une sécurité sociale en déficit, sans apporter de réponses claires. L'amendement du Sénat sur les recettes, qui introduit une taxe sur les valeurs mobilières, met la cinquième branche à l'équilibre, mais a été adopté contre l'avis du Gouvernement.

En 2017, votre majorité a trouvé des comptes proches de l'équilibre. Vous les laisserez dégradés, sans avoir tracé un chemin de redressement.

L'année dernière, nous disions déjà que le temps de la crise devait être celui du changement. Or ce PLFSS ne propose aucun changement.

Tarif horaire plancher pour les services d'aide à domicile, haltes soin addiction, amorce de prise en charge par l'assurance maladie des consultations de psychologie, ces mesures sont louables ; mais rien sur l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ni sur l'hôpital.

Le rendez-vous avec l'hôpital est esquivé. Rien ne change dans la gouvernance, et trop peu dans les moyens ; les urgences sont abordées de manière fragmentaire. Vous vous êtes privés d'une loi ad hoc, vous contentant d'une loi printanière sans grande portée.

Vous modifiez les rapports entre professionnels de santé de manière brutale et irrespectueuse, par des amendements déposés tardivement. Cela les a braqués. Vous dressez les soignants les uns contre les autres, entre accusations de conservatisme ou de lobbyisme.

La cinquième branche souffre de l'absence d'un cadre clair. Votre volonté politique en la matière est inexistante et l'abandon de la loi annoncée, inacceptable. Votre gouvernement aurait-il renoncé à toute ambition forte ?

Sur les retraites, l'amendement adopté par la majorité sénatoriale est en décalage avec les attentes des Français : il ajoute des conditions pour un départ à taux plein alors même que beaucoup de personnes arrivant à la retraite ne sont déjà plus en activité. C'est, en somme, une réforme pour 50 % des Français, socialement injuste et physiquement irréaliste. On ne réforme pas les retraites au détour d'un PLFSS.

Ce texte manque d'envergure et n'apporte pas de solutions : le groupe SER ne le votera pas. Je dédie notre vote contre à l'hôpital public qui est en grande difficulté et qui mérite tellement mieux.

Monsieur le ministre, vous avez dénoncé trente ans d'incurie. J'espère que vous recouvrerez bientôt une vision plus équilibrée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce PLFSS est un texte ambitieux, qui s'inscrit dans un contexte épidémique exceptionnel. Près de 7 milliards d'euros sont ainsi prévus pour répondre à la demande en vaccins et en tests. Ces dépenses exceptionnelles sont toutefois en baisse par rapport à 2020 et 2021, car les perspectives sont enfin plus favorables.

Ce PLFSS voit une augmentation de 3,8 % de l'Ondam, et de 4,1 % pour l'hôpital, hors dépenses de crise. Il confirme les engagements du Ségur en faveur de la revalorisation des salaires des personnels des établissements de santé, des Ehpad et du secteur médico-social. Il poursuit la réforme de l'autonomie avec l'instauration d'un tarif plancher de 22 euros de l'heure pour les aides à domicile et un renforcement de la présence médicale dans les Ehpad. Il faut aussi saluer l'attribution automatique de la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), ainsi que celle du minimum vieillesse, la gratuité de la contraception pour les femmes de moins de 26 ans, et la généralisation de la télésurveillance.

Nous nous réjouissons que plusieurs de nos amendements aient été adoptés, sur l'interopérabilité de la télésurveillance, le report de la réforme du financement des soins de suite et de réadaptation (SSR) et l'inclusion de territoires ultramarins dans les expérimentations relatives aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et aux infirmiers en pratique avancée (IPA).

À l'inverse, nous regrettons le rejet par le Sénat des mesures concernant l'isolement et la contention, la carte professionnelle dans le secteur de l'aide à domicile, la protection sociale complémentaire des travailleurs des plateformes ainsi que la reprise de la dette hospitalière.

Je regrette aussi l'adoption d'un amendement sur la réforme des retraites : il n'a pas sa place dans un PLFSS et pourrait justifier à lui seul notre abstention sur ce texte.

Le rapport de la Cour des comptes montre que la crise a fortement affecté l'équilibre de nos comptes sociaux, tout particulièrement la branche maladie et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) : leur déficit a dépassé les 39 milliards d'euros en 2020 et devrait être proche des 34 milliards d'euros en 2021. Les chiffres sont têtus et nous ne pouvons faire l'économie d'un vrai débat - de vraies et belles querelles - pour préserver notre système.

Les dépenses d'assurance maladie augmentent mécaniquement plus vite que les recettes : ainsi, selon une projection sur la période 2019-2025, elles augmenteraient de 10 %, alors que les recettes atteindraient péniblement les 4 %. Les branches maladie et vieillesse vont rester déficitaires, quelles que soient les prévisions à court et moyen termes.

Quelque 84 % de l'Ondam sont consacrés aux dépenses de la médecine de ville et des établissements de santé : une réforme est nécessaire. En 2018, les pathologies et maladies chroniques représentaient 61 % des dépenses remboursées, soit 102 milliards d'euros sur un total de 167.

Nous souhaitons limiter les actes inutiles et favoriser la prévention et la recherche.

Notre gouvernance est insuffisamment décentralisée. Des outils ont été créés - groupements hospitaliers de territoire (GHT), communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), conseils territoriaux de santé (CTS) -, mais ils n'ont pas encore porté tous leurs fruits. Nous devons également approfondir notre approche basée sur les bassins de vie sanitaires, avec les maisons de santé, les centres d'urgence et les équipements de proximité.

Ce texte est ambitieux, mais il a subi des modifications significatives, qui expliquent l'abstention du groupe RDPI. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Le groupe INDEP a abordé les débats de manière pragmatique et en portant des idées nouvelles.

L'Ondam a été revalorisé de 1,7 milliard d'euros en 2021 pour prendre en compte les surcoûts liés à la crise. Le déficit des comptes sociaux atteindra 20,4 milliards d'euros en 2022 ; c'est un peu mieux qu'initialement prévu.

Nous saluons l'extension à 20 000 professionnels travaillant auprès des personnes handicapées des mesures de revalorisation du Ségur ; cela favorisera l'attractivité de ces métiers et la qualité des soins.

Nous sommes favorables au doublement de la contribution exceptionnelle sur les complémentaires santé qui refusent de s'engager à modérer leurs hausses de tarifs, en dépit des 2,2 milliards d'euros d'économies réalisées pendant la crise. La question de la répartition des compétences et des contributions entre la sécurité sociale et ces organismes se pose, d'autant que les frais de gestion des mutuelles - 6,7 milliards d'euros par an - sont particulièrement élevés.

Notre groupe  a défendu des mesures comme le stage des internes en dernière année de médecine dans les déserts médicaux, proposé dès 2019 par Daniel Chasseing, les zones franches médicales ou encore le conventionnement conditionné à six mois d'exercice en zone sous-dotée. Face à la progression préoccupante  des déserts médicaux, nous avons besoin à la fois de solutions d'urgence et de long terme. C'est pourquoi nous défendons l'article 40 sur l'accès direct aux orthoptistes.

Nous avons également voté en faveur du remboursement de consultations de psychologie. Il serait intéressant de prévoir un accompagnement des parents à risque de dépression post-partum, un phénomène qui concerne 30 % des mères, mais aussi 18 % des pères.

Nous sommes favorables à la gratuité de la contraception pour les jeunes femmes de moins de 26 ans, mais pourquoi ne pas l'étendre aux jeunes hommes ?

Nous saluons l'adoption de l'article 49 qui facilite le versement des pensions alimentaires.

Le principal défaut du texte est l'insuffisance de financement pour les Ehpad, où les personnels manquent. Ces sous-effectifs dégradent les conditions de travail et augmentent les risques de maltraitance.

Nous saluons l'ouverture, à l'initiative de Daniel Chasseing, des pôles d'activités et de soins adaptés (PASA) en direction des personnes âgées vivant à domicile.

Nous sommes favorables au passage de l'âge à la retraite de 62 à 64 ans mais aurions préféré un texte ad hoc. Pour allonger progressivement la durée d'activité, il faut prévenir les maladies chroniques, former tout au long de la vie et améliorer les conditions de travail.

Nous n'avons pas voté la suppression de la reprise de la dette hospitalière par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ni celle de la trajectoire financière des comptes sociaux pour les quatre prochaines années.

Difficile d'adopter un texte privée de sa dimension pluriannuelle : la majorité des sénateurs de notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RPDI)

Mme Catherine Deroche .  - Au terme d'une semaine de débats, nous allons voter un déficit de la sécurité sociale de plus de 21 milliards d'euros. Il traduit d'abord l'effort consenti pour protéger les Français dans la crise : le système de santé a tenu bon, l'État a financé tests, vaccins et outils de réponse à l'épidémie ; il a préservé le pouvoir d'achat des actifs.

Mais au-delà de ce rôle de stabilisateur automatique, ce déficit traduit des phénomènes plus structurels : le déséquilibre de l'assurance maladie d'abord, le plus difficile à régler. On pourrait simplement constater un manque de recettes face à des besoins croissants ; il faudrait alors définir un taux de CSG optimal pour financer le système. Mais ce n'est pas si simple. Il faut souligner la part trop limitée de la prévention, les inégalités territoriales criantes dans l'accès aux soins. L'hôpital, porte d'entrée dans le système de soins, craque de toutes parts.

Le Sénat a adopté des dispositions qui améliorent la présence médicale dans les zones sous-dotées et invite le Gouvernement à mettre en oeuvre celles qui ont été votées dans la dernière loi Santé.

L'assurance maladie exige davantage qu'un surcroît de recettes, dont nous ne disposons pas.

Sur l'assurance vieillesse, les termes du débat sont plus simples. Devant l'équation démographique, dans un pays attaché à un départ précoce à la retraite, le Sénat a choisi de prolonger la durée d'activité, mais dans de meilleures conditions de travail et de santé. Dans un système par répartition où les actifs financent les retraites, une croissance faible et une baisse du nombre d'actifs rendent la charge insoutenable.

La plus grande déception vient de la branche autonomie. Sur le sujet, l'heure n'est plus aux rapports : le besoin de financement est estimé entre 6 et 10 milliards d'euros. Le levier de la prévention de la perte d'autonomie n'est pas assez activé.

Sur le rapport de Bernard Bonne et Michelle Meunier, la commission des affaires sociales s'était prononcée pour une assurance couvrant le risque de perte d'autonomie, prise le plus tôt possible afin de limiter le montant des primes.

La nouvelle branche autonomie, déjà déficitaire, est une promesse non tenue. Sa gouvernance est imprécise, ce qui empêche une prise en charge fine des personnes âgées. Les attentes sont immenses, y compris de la part des professionnels du secteur ; ils ont besoin de motivation et de reconnaissance, mais rien ne vient. Pourquoi avoir annoncé cette cinquième branche dans l'euphorie ? Le Sénat propose une conférence nationale des générations et de l'autonomie. Il aura manqué une loi sur le grand âge, comme il aura manqué une loi Santé.

Ce PLFSS est par conséquent un texte d'attente : on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment... La crise de 2008 avait été suivie de tentatives de régulation des dépenses, puis d'une période d'austérité fiscale. Or ce texte ne dit rien des choix qui seront faits. Nous avons choisi d'exposer les nôtres.

Il conviendra à l'avenir de respecter les prérogatives du Parlement, de recentrer le PLFSS sur son sens constitutionnel, de retrouver le sens de l'autorisation parlementaire - en particulier pour les agences sanitaires , d'en finir avec les amendements de dernière minute qui ne sont jamais de bonnes surprises, de cesser de gaver un texte déjà obèse avec des mesures comme la reprise par la Cades de la dette des hôpitaux.

La commission mixte paritaire devra aboutir, pour que les représentants des Français assument la mission que la Constitution leur confie. Le groupe Les Républicains votera ce texte, tel qu'issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Monique Lubin applaudit également.) Cette première lecture au Sénat nous laisse un goût amer : le Gouvernement balaie nos propositions et multiplie les amendements en cours de discussion pour tenir compte des annonces de ministres en précampagne présidentielle.

Nous nous félicitons des revalorisations pour le secteur du handicap, compensées aux départements, que nous réclamions depuis longtemps. Nos amendements en faveur du personnel social et médico-social ont été déclarés irrecevables. Le Gouvernement s'obstine à ne pas voir que des filières entières ont été déstabilisées par des démissions. Ces oubliés du Ségur ont été, enfin, entraperçus par le Premier ministre à la faveur d'un déplacement. Rencontrera-t-il aussi les psychologues des établissements publics de santé lors d'un prochain déplacement ?

Ce mouvement de revalorisation n'est qu'un premier point d'inflexion après une longue période d'austérité salariale, obtenu grâce aux mobilisations. Je regrette cette méthode échelonnée, qui exclut encore des professionnels de ce rattrapage.

Il n'y a pas de ressources nouvelles pour la maladie comme pour l'autonomie, ce qui augure de déficits durables et de futures réformes structurelles, renvoyées à l'après-élection présidentielle. En attendant, vous faites rouler la dette sociale, qui sera demain invoquée pour justifier vos réformes austéritaires.

Nos amendements visant à réduire les inégalités de revenu et de patrimoine et financer la sécurité sociale avec de nouvelles recettes ont été rejetés.

Vos Ondam prévisionnels sont inférieurs aux besoins de santé. Les années précédentes, on avait financé le déficit par la restructuration brutale de l'offre hospitalière...Vous y avez renoncé cette année, mais demain ? L'hôpital public est sinistré par ce sous-financement. Il faut rompre avec l'austérité et redonner à l'hôpital une vision pluriannuelle.

Idem pour la branche autonomie : les prévisions jusqu'à 2025 semblent valoir solde de tout compte, mais les ressources font défaut.

La sortie de crise a justifié des mesures de soutien aux entreprises, mais qu'il aurait fallu conditionner à des critères sociaux et environnementaux.

On surtaxe à nouveau les complémentaires santé pourtant déjà frappées par le rattrapage des soins au premier semestre 2021. Cela sera répercuté sur les adhérents ; et ainsi, sera justifiée, a posteriori, la campagne du Gouvernement sur l'indécente augmentation des tarifs...

Rien pour lutter contre la pauvreté notamment des jeunes et des travailleurs précaires ; l'article sur la contention et l'isolement a été supprimé. C'était certes un cavalier, mais il aurait fallu le limiter dans le temps afin d'obliger le Gouvernement à l'intégrer dans une loi sur la santé mentale.

Nous nous félicitons de l'indemnisation des victimes des pesticides, même si nous regrettons le retard pris sur le chlordécone.

Enfin, nous regrettons une interprétation trop extensive de l'article 40, qui nous a privé d'un débat sur les centres de ressources territoriaux.

Faute de mesures pour redresser durablement l'hôpital, lutter contre l'intensification de la pauvreté et prendre en charge de l'autonomie, nous ne pourrons voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST, Mmes Esther Benbassa et Monique Lubin applaudissent également.)

Mme Laurence Cohen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Monique Lubin applaudit également.) Malgré les annonces fracassantes, ce budget n'est pas au niveau, même si aucune restriction budgétaire n'est imposée aux hôpitaux, contrairement aux quatre années précédentes. Le système de santé a souffert de la crise et de vingt ans d'austérité budgétaire.

Les 8 milliards d'euros octroyés au titre du Ségur ne compensent pas les 18 milliards d'euros de restrictions imposées depuis 2017. Il reste encore des oubliés du Ségur et, malgré cette revalorisation, les salaires des soignants restent en-deçà de la moyenne de l'OCDE.

Pire, le cap n'a pas changé : l'Ondam est sous-revalorisé à 2,5 %, alors que l'augmentation des dépenses de santé devrait être de 4 à 5 %.

Nous saluons l'adoption de notre amendement supprimant l'article 23 sur les perspectives financières de l'assurance maladie d'ici 2025, qui sont bien en deçà des besoins, mais nous ne nous faisons pas trop d'illusion sur l'issue de la CMP... Idem concernant la reprise de la dette des hôpitaux.

Ce PLFSS ne cherche pas de nouveaux financements, comme nous le proposions. Pire, les exonérations de cotisations deviennent la règle, faisant perdre 150 milliards d'euros par an à l'État et à la sécurité sociale.

Ce faisant, vous êtes dans la lignée de vos prédécesseurs. Depuis la création de la CSG en 1991, la cotisation comme fondement de notre sécurité sociale est remise en cause. Depuis 1993, les exonérations patronales se multiplient et les dépenses de santé sont rationnées : Juppé, Bachelot, Touraine ou Buzyn, ce sont toujours les mêmes remèdes. En juin 1946, Ambroise Croizat estimait que la sécurité sociale - seule création de richesses sans capital - était la seule dépense directement investie pour le bien-être de nos concitoyens. Le Gouvernement la subordonne hélas à des considérations financières.

Dans tous les territoires, les départs se succèdent à l'hôpital, comme à Laval où les soignants dénoncent un manque endémique de médecins et où les urgences ont été fermées quelques nuits faute de personnel. Une mobilisation nationale du monde de la santé aura lieu le 4 décembre prochain, à l'appel des comités de défense de Mayenne, mais aussi des hôpitaux Bichat et Beaujon.

Pour nos aînés, la réforme promise de l'autonomie est enterrée : pas de grand service public, mais une branche financée à coups de CSG et de transferts en provenance des autres branches.

Et que dire de la mise sous tutelle de la profession de psychologue ? Là encore, on ne prend pas en compte les réalités de terrain.

L'amélioration du congé de proche aidant, la prise en charge de la contraception pour les femmes de moins de 26 ans, le tarif minimal pour les aides à domicile sont bienvenus, mais ce ne sont que des rustines. L'accès direct n'est pour vous qu'une manière de gérer la pénurie médicale. (M. le ministre de la Santé le conteste.)

Il fallait repenser de fond en comble notre système de santé et rompre enfin avec ces choix qui tuent à petit feu notre protection sociale.

La majorité sénatoriale a même aggravé le texte par des mesures favorables aux industriels du médicament et en repoussant l'âge de la retraite à 64 ans.

La CGT, l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), l'Action praticiens hôpital (APH), la CFE-CGC, Sud, les collectifs inter-blocs, inter-hôpitaux et inter-urgences, le printemps de la psychiatrie et la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité qualifient ce budget de véritable provocation. Le CRCE votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de sa présidente, ainsi que celui de notre rapporteure générale qui a réussi son premier PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

C'est avec des sentiments partagés que le groupe UC aborde ce vote. La gratuité de la contraception jusqu'à 25 ans, le tarif plancher sur les aides à domicile, l'extension du champ du Ségur sont à saluer.

Sur la dette et la trajectoire de nos comptes sociaux, nous saluons la décision de la rapporteure générale de supprimer une trajectoire pluriannuelle qui ne prévoyait aucune stratégie de retour à l'équilibre. La dette publique inquiète les Français, notamment les plus jeunes : auront-ils une retraite à la hauteur de celle de leurs parents ?

Une autre mesure a fait grand bruit : l'article 40, sur l'évolution du métier d'orthoptiste. L'encadrement proposé par la commission va dans le bon sens.

Trop de professionnels restent exclus des revalorisations salariales du Ségur. Le rapporteur Philippe Mouiller a proposé la création d'un comité associant l'État et les partenaires sociaux : c'est une excellente idée, qui va dans le sens du paritarisme et du dialogue social.

L'accès aux soins dans les milieux ruraux nous tient à coeur. L'Insee a montré que l'espérance de vie des Français vivant dans les départements hyper-ruraux est inférieure de deux ans à celle des Français des départements hyperurbains.

Le Sénat a adopté deux amendements de Valérie Létard et Jocelyne Guidez sur les travailleurs saisonniers et les proches aidants.

Sur la branche vieillesse, le Sénat a fait preuve de responsabilité: si nous vivons plus longtemps, il faudra aussi travailler plus longtemps. Il y va de la survie de notre système de répartition.

Sur l'assurance maladie, le déficit de 20 milliards d'euros nous oblige à aborder le sujet de la fraude sociale et de la redondance des soins, mais le Gouvernement a préféré balayer la poussière sous le tapis.

Je salue la suppression du transfert d'un milliard d'euros au détriment de la branche famille - et déplore le manque d'ambition de la politique familiale, à l'exception des progrès réalisés sur l'intermédiation des pensions alimentaires. Le taux de natalité est en chute constante depuis près de dix ans. Notre politique familiale a été détricotée sous couvert d'une fausse justice sociale. Je déposerai une proposition de loi pour lui rendre sa dimension universaliste.

« Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles », disait Valéry. Il est urgent d'adopter une politique familiale ambitieuse.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Ce PLFSS porte les stigmates d'une crise inédite et exceptionnelle. Voici un an, nous constations avec effroi les conséquences désastreuses de la pandémie sur les comptes sociaux. Nous avons appris à vivre avec, sans renoncer aux réformes.

Ce texte porte quelques marqueurs positifs, comme les revalorisations salariales des personnels du secteur sanitaire et médico-social, le soutien à l'innovation et la sécurité des approvisionnements dans le secteur du médicament.

Il est logique de renvoyer les réformes d'ampleur au prochain Gouvernement, à commencer par la grande loi sur l'autonomie que nous attendions.

Je salue la progression de l'Ondam de plus de 3 %, hors dépenses liées à la crise, mais aussi la concrétisation des engagements du Ségur, l'amélioration de l'accès précoce des patients aux médicaments innovants ou onéreux et la production en Europe de molécules stratégiques.

Le recrutement dans les Ehpad, la revalorisation de l'allocation journalière du proche aidant, le tarif horaire plancher à 22 euros pour les aides à domicile sont eux aussi bienvenus. La contraception gratuite pour les moins de 26 ans aurait dû être étendue aux hommes.

Malgré l'augmentation du numerus clausus, le manque de médecins s'aggrave. Il faut donc saluer les mesures facilitant l'accès à un kinésithérapeute, un orthophoniste ou un orthoptiste.

Notre groupe est opposé à toute forme de coercition. Nous préférons la création de zones franches médicales, plus incitatives. Cela pourrait notamment être envisagé dans les zones frontalières, quand on sait que nos soignants sont payés trois fois plus au Luxembourg...

Nous appuyons la position de la commission sur l'équilibre des comptes sociaux ; la dette hospitalière aurait dû être reprise par le budget de l'État. L'hôpital souffre depuis des années d'une baisse de budget, de sous-investissement et d'un manque de recrutement.

Il faut travailler sur l'efficience des dépenses de santé et réfléchir à de nouvelles recettes afin de trouver la voie du retour à l'équilibre. Nous ne pouvons pas vivre à crédit ; la réforme du système de santé sera donc au coeur de la campagne électorale.

J'en appelle aux candidats à l'élection présidentielle pour qu'ils s'engagent en faveur de notre système de santé en s'appuyant sur nos soignants.

Le RDSE s'abstiendra en majorité. Dix de nos amendements ont été adoptés. Mais si la plupart d'entre nous pensent qu'une réforme des retraites est nécessaire, nous ne soutenons pas celle qui a été proposée dans ce PLFSS. Ce sujet mérite un grand débat. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

Scrutin public solennel

L'ensemble du PLFSS est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°39 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 286
Pour l'adoption 185
Contre 101

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. le président.  - Je remercie la présidente Deroche (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe SER), Mme Élisabeth Doineau, dont c'était le premier rapport général (applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe SER), M. Jean-Marie Vanlerenberghe, son prédécesseur (applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) et l'ensemble des rapporteurs de branches.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je salue la qualité de nos débats, dont la technicité nous a permis d'améliorer le texte. Certaines mesures me semblent assez consensuelles : hausse de l'Ondam, revalorisations salariales du médico-social, fonds de lutte contre les addictions, capital décès pour les non-salariés agricoles, etc. D'autres nécessiteront un peu de travail avant la CMP, sur l'interopérabilité par exemple. J'espère que les deux assemblées pourront réduire les différences entre les deux textes, même s'il me semble probable que nous débattrons à nouveau dans une dizaine de jours... (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

La séance, suspendue à 15 h 40, reprend à 15 h 50.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente