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Table des matières



Questions orales

Taxation des sites de gestion des déchets

M. Jean-Jacques Michau

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Dépôts d'espèces par les régisseurs des communes

M. Bernard Buis

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Fiscalité des travailleurs frontaliers au Luxembourg

M. Jean-Marc Todeschini

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Arrêt brutal du mécanisme Squalpi

M. Thierry Cozic

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Projet de liaison ferroviaire Roissy-Picardie

M. Stéphane Demilly

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Bacs fluviaux à passagers

M. Pascal Martin

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Entreprises de transport cyclable de tourisme

Mme Agnès Canayer

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Prolongement du dispositif Alvéole

M. Olivier Henno

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Surcoût lié à la recherche d'amiante sur les routes

M. Laurent Duplomb

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Défense de la ruralité et de ses traditions

Mme Else Joseph

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Projet immobilier « Grande Bastide »

M. Guy Benarroche

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Rénovation urbaine du Bois-l'Abbé

M. Laurent Lafon

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Élevage extensif et calcul de l'impact environnemental

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Bateaux publicitaires

M. Philippe Tabarot

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Reconstruction après la tempête Alex

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Métropole d'Aix-Marseille-Provence

Mme Marie-Arlette Carlotti

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Distributeurs de billets en zone rurale

M. Jean Hingray

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Pêche illégale en Guyane

M. Georges Patient

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

Redevance incitative

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

DGF de la ville de Saint-Saulve

M. Frédéric Marchand

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

Discipline du tir à l'arme réglementaire

M. Michel Savin

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Politique des appels à projets

M. Pierre Ouzoulias

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Violences conjugales et autorité parentale

M. Jean-François Rapin

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Réseaux d'éducation prioritaire en zone rurale

M. Olivier Rietmann

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Encadrement des stages de survie

M. Yannick Vaugrenard

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Salmonelles et éleveurs de volailles

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (I)

M. Alain Marc

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Marchés de bétail vif

M. Jean-Claude Anglars

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Avenir de la forêt périgourdine

M. Serge Mérillou

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (II)

Mme Cécile Cukierman

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

La volaille de Bresse au risque de l'influenza aviaire

M. Patrick Chaize

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Bronchiolite et saturation des urgences pédiatriques

Mme Catherine Dumas

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Avenir du centre 15 dans l'Yonne

Mme Dominique Vérien

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Accès aux soins en orthophonie

M. Bernard Fournier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Médecins salariés des centres municipaux de santé

M. Jean Sol

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Comment trouver un médecin traitant ?

Mme Anne Ventalon

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Fermetures de lits d'hospitalisation et de réanimation

M. Sébastien Meurant

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Création d'un conseil national de la gynécologie médicale

Mme Corinne Imbert

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

La situation des dons d'organes en France

M. Guillaume Chevrollier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Compensation des dépenses liées aux centres de vaccination

M. Jean-Baptiste Blanc

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Prise en charge de médicaments contre la migraine

M. Patrick Kanner

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

SOS Médecins France

Mme Martine Filleul

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Immunoglobulines humaines polyvalentes

Mme Catherine Deroche

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires

M. Mathieu Darnaud

M. Guy Benarroche

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Guylène Pantel

M. Claude Raynal

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Martine Filleul

M. Bruno Belin

M. Joël Guerriau

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Daniel Chasseing

Mme Else Joseph

M. Guillaume Gontard

Mme Cécile Cukierman

M. Stéphane Demilly

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Éric Kerrouche

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Bruno Rojouan

M. Daniel Salmon

Mme Céline Brulin

Mme Évelyne Perrot

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Hervé Gillé

Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ?

Mme Christine Lavarde

M. Ronan Dantec

M. Gérard Lahellec

M. Jean-François Longeot

M. Éric Gold

Mme Angèle Préville

M. Pierre Médevielle

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean-Claude Tissot

M. François Calvet

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

M. Didier Mandelli

M. Jacques Fernique

M. Fabien Gay

M. Pierre-Antoine Levi

M. Éric Gold

M. Joël Bigot

M. Pierre-Jean Verzelen

La perte de puissance économique de la France et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat

M. Daniel Salmon

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Henri Cabanel

M. Franck Montaugé

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Jean-Pierre Moga

Mme Annie Le Houerou

M. Laurent Duplomb

M. Laurent Somon

M. Alain Griset, ministre délégué, chargé des petites et moyennes entreprises

M. Jacques Fernique

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Guylène Pantel

Mme Florence Blatrix Contat

M. Dany Wattebled

M. Édouard Courtial

Quel bilan de l'action du Gouvernement en matière de justice et de sécurité ?

Mme Maryse Carrère

Mme Éliane Assassi

Mme Dominique Vérien

M. Jérôme Durain

M. Dany Wattebled

M. Marc-Philippe Daubresse

Mme Mélanie Vogel

M. Jean-Pierre Sueur

M. Antoine Lefèvre

Mme Agnès Canayer

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Mme Cécile Cukierman

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Nathalie Delattre

M. Jérôme Durain

M. Franck Menonville

Mme Muriel Jourda

M. Thomas Dossus

Questions orales

Taxation des sites de gestion des déchets

M. Jean-Jacques Michau

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Dépôts d'espèces par les régisseurs des communes

M. Bernard Buis

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Fiscalité des travailleurs frontaliers au Luxembourg

M. Jean-Marc Todeschini

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Arrêt brutal du mécanisme Squalpi

M. Thierry Cozic

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Projet de liaison ferroviaire Roissy-Picardie

M. Stéphane Demilly

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Bacs fluviaux à passagers

M. Pascal Martin

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Entreprises de transport cyclable de tourisme

Mme Agnès Canayer

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Prolongement du dispositif Alvéole

M. Olivier Henno

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Surcoût lié à la recherche d'amiante sur les routes

M. Laurent Duplomb

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Défense de la ruralité et de ses traditions

Mme Else Joseph

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Projet immobilier « Grande Bastide »

M. Guy Benarroche

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Rénovation urbaine du Bois-l'Abbé

M. Laurent Lafon

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Élevage extensif et calcul de l'impact environnemental

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Bateaux publicitaires

M. Philippe Tabarot

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Reconstruction après la tempête Alex

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Métropole d'Aix-Marseille-Provence

Mme Marie-Arlette Carlotti

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Distributeurs de billets en zone rurale

M. Jean Hingray

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Pêche illégale en Guyane

M. Georges Patient

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

Redevance incitative

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

DGF de la ville de Saint-Saulve

M. Frédéric Marchand

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

Discipline du tir à l'arme réglementaire

M. Michel Savin

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Politique des appels à projets

M. Pierre Ouzoulias

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Violences conjugales et autorité parentale

M. Jean-François Rapin

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Réseaux d'éducation prioritaire en zone rurale

M. Olivier Rietmann

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Encadrement des stages de survie

M. Yannick Vaugrenard

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Salmonelles et éleveurs de volailles

M. Gilbert-Luc Devinaz

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Application du Nutri-Score aux fromages AOP

M. Alain Marc

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Marchés de bétail vif

M. Jean-Claude Anglars

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Avenir de la forêt périgourdine

M. Serge Mérillou

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (II)

Mme Cécile Cukierman

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

La volaille de Bresse au risque de l'influenza aviaire

M. Patrick Chaize

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement

Saturation des urgences pédiatriques par la bronchiolite

Mme Catherine Dumas

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Avenir du centre 15 dans l'Yonne

Mme Dominique Vérien

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Accès aux soins en orthophonie

M. Bernard Fournier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Contrats des médecins des centres municipaux de santé

M. Jean Sol

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Comment trouver un médecin traitant ?

Mme Anne Ventalon

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Fermetures de lits d'hospitalisation et de réanimation

M. Sébastien Meurant

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Création d'un conseil national de la gynécologie médicale

Mme Corinne Imbert

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

La situation des dons d'organes en France

M. Guillaume Chevrollier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Compensation des dépenses liées aux centres de vaccination

M. Jean-Baptiste Blanc

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Prise en charge de médicaments contre la migraine

M. Patrick Kanner

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

SOS Médecins France

Mme Martine Filleul

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Immunoglobulines humaines polyvalentes

Mme Catherine Deroche

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

Contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires

M. Mathieu Darnaud

M. Guy Benarroche

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Guylène Pantel

M. Claude Raynal

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Martine Filleul

M. Bruno Belin

M. Joël Guerriau

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Daniel Chasseing

Mme Else Joseph

M. Guillaume Gontard

Mme Cécile Cukierman

M. Stéphane Demilly

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Éric Kerrouche

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Bruno Rojouan

M. Daniel Salmon

Mme Céline Brulin

Mme Évelyne Perrot

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Hervé Gillé

Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ?

Mme Christine Lavarde

M. Ronan Dantec

M. Gérard Lahellec

M. Jean-François Longeot

M. Éric Gold

Mme Angèle Préville

M. Pierre Médevielle

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean-Claude Tissot

M. François Calvet

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

M. Didier Mandelli

M. Jacques Fernique

M. Fabien Gay

M. Pierre-Antoine Levi

M. Éric Gold

M. Joël Bigot

M. Pierre-Jean Verzelen

La perte de puissance économique de la France et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat

M. Daniel Salmon

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Henri Cabanel

M. Franck Montaugé

Ordre du jour du mercredi 1er décembre 2021




SÉANCE

du mardi 30 novembre 2021

30e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : Mme Martine Filleul, Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle quarante-trois questions orales.

Taxation des sites de gestion des déchets

M. Jean-Jacques Michau .  - La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) concerne l'ensemble des sites de gestion des déchets polluants, sans distinction.

L'installation d'un site d'enfouissement des déchets inertes à Berbiac, en Ariège, a représenté un investissement de l'ordre de 10 millions d'euros pour les collectivités locales. Un processus de veille efficace, sous le contrôle de la préfecture, s'assure en permanence de l'absence d'impact sur la faune et la flore. Or cette installation est taxée au taux maximum de TGAP, comme d'autres installations bien plus polluantes. Ne pourrait-on envisager une réduction du taux de TGAP ou la création d'un dispositif de rétrocession sous la forme d'un fonds de compensation de la TGAP, sur le modèle du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La TGAP incite à la valorisation des déchets et limite les mises en décharge. À la suite de la feuille de route sur l'économie circulaire, ses tarifs ont été rationalisés par la loi de finances pour 2019 afin de favoriser le recyclage par rapport au stockage et à l'incinération. L'introduction de tarifs différenciés serait contradictoire avec cette démarche.

Nous ne méconnaissons pas l'incidence budgétaire pour les collectivités territoriales : les opérations de prévention et de collecte de déchets bénéficient désormais d'un taux de TVA réduit à 5,5 %, les frais de gestion perçus par l'État sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sont passés de 8 à 3 % et des mesures d'accompagnement budgétaire ont été mises en place.

La création de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) permet de transférer une partie de la charge vers les acteurs économiques à l'origine de ces déchets. Le tri des emballages et des biodéchets est soutenu par le fonds économie circulaire de l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Le fonds de compensation que vous appelez de vos voeux n'aurait pas de sens, car il favoriserait les installations les moins vertueuses, à rebours du principe « pollueur-payeur ».

M. Jean-Jacques Michau.  - Je regrette cette décision, qui pénalise les collectivités territoriales.

Dépôts d'espèces par les régisseurs des communes

M. Bernard Buis .  - Depuis la réorganisation territoriale des trésoreries, il est devenu très difficile de déposer les fonds recueillis par les régisseurs. Il avait pourtant été prévu que ces versements numéraires puissent se faire dans les agences postales les plus proches. Or c'est soit impossible, soit limité à un faible montant, alors qu'en période estivale, avec l'activité des piscines et des campings, il peut s'agir de plusieurs milliers d'euros.

Les régisseurs sont ainsi contraints de parcourir des dizaines de kilomètres. Il faut trouver des solutions, car nos secrétaires de mairie ne sont pas des convoyeurs de fonds ! Pourquoi ne pas augmenter le montant maximum des dépôts en espèces autorisé, prévoir le transport par des professionnels du transport de fonds ou encore autoriser le dépôt en bureau de tabac ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le nouveau réseau territorial de la direction générale des finances publiques (DGFiP) est en progrès, mais le travail des régisseurs, que je salue, ne doit pas être altéré.

Les dépôts peuvent être effectués dans 3 600 bureaux de poste partenaires, contre 2 000 trésoreries auparavant. Le service, entièrement pris en charge par l'État, est donc amélioré en termes de maillage territorial, d'amplitude horaire et de sécurisation des dépôts.

Nous invitons cependant les régies municipales à favoriser les paiements par carte bancaire sans contact, afin d'éviter les dépôts de petite monnaie.

M. Bernard Buis.  - On ne peut déposer que 500 euros par semaine à la Banque postale ! Dans nos campagnes, la dématérialisation n'est pas pour demain.

Fiscalité des travailleurs frontaliers au Luxembourg

M. Jean-Marc Todeschini .  - Une convention fiscale bilatérale entre la France et le Luxembourg a été signée le 20 mars 2018, en remplacement d'une précédente convention de 1958.

Or le nouveau mode de calcul majore l'impôt payé par les contribuables, contrairement à ce qu'affirment certains parlementaires de votre majorité. C'est pourquoi le Gouvernement a signé le 10 octobre 2019 un avenant à la convention pour revenir sur la méthode d'exonération. En Moselle, ce ne sont pas moins de 25 000 dossiers qui doivent être revus, et non 1 contribuable sur 200, comme affirmé dans un rapport de l'Assemblée nationale.

Le 1er octobre 2021, le Gouvernement a annoncé la suspension de la nouvelle convention pour deux ans ; les services fiscaux ont ainsi invité près de 100 000 contribuables à demander la correction de leur imposition.

Pouvez-vous rassurer nos concitoyens et préciser le cadre légal de l'instruction donnée à l'administration, ainsi que les modalités de pérennisation au-delà des années fiscales 2020 et 2021 ? Ne risque-t-on pas de créer une situation d'inégalité avec nos compatriotes frontaliers de l'Allemagne ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le Gouvernement a récemment annoncé des mesures exceptionnelles pour les Français percevant des revenus luxembourgeois.

La méthode de l'exemption, qui aboutissait parfois à une double exonération d'impôt, n'était plus conforme aux standards OCDE. La nouvelle convention permet de neutraliser toute forme de double imposition grâce à un crédit d'impôt égal à l'impôt français.

Il est vrai que, dans certains cas, ce changement de méthode de calcul a pu aboutir à une augmentation d'impôt. Le Gouvernement travaille actuellement à en évaluer l'impact. Dans l'attente, et selon une instruction fiscale du 11 octobre 2021, les foyers concernés pourront, à titre exceptionnel, demander l'application de l'ancienne convention pour leurs revenus de 2020 et 2021.

Nous expertisons ce problème et envisagerons ultérieurement les suites à donner.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Votre réponse ne me satisfait pas du tout. Aucune simulation n'aurait été faite avant la signature de la nouvelle convention ? Voilà qui n'est pas professionnel !

Arrêt brutal du mécanisme Squalpi

M. Thierry Cozic .  - Les normes sont partout dans notre vie quotidienne : taille du papier à lettres, prises de recharge de nos téléphones, format de compression vidéo MPEG... Au total, 35 000 normes nous affectent, dans des domaines les plus variés.

L'arrêt brutal du mécanisme de soutien financier destiné aux PME s'impliquant en normalisation, dit « Squalpi » (sous-direction de la qualité pour l'industrie et de la normalisation), risque de les décourager. Le crédit impôt recherche (CIR) ne joue pas le même rôle.

Ce dispositif aurait mérité d'être réintroduit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022

Ce serait un signal fort pour nos industriels dans le cadre de la relance. Pouvez-vous prendre l'engagement qu'il sera prolongé, a minima pour trois ans ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - C'est en 2007 que la Direction générale des entreprises (DGE) a mis en place ce programme de soutien qui permettait de subventionner jusqu'à 50 % des frais de déplacement des experts engagés dans les commissions de normalisation. Entre 2007 et 2017, une soixantaine de projets ont été accompagnés pour 9 millions d'euros et sur des secteurs concernant plus de 250 000 PME. Ce dispositif a rempli sa mission et a donc été clos par la DGE.

Mais les PME ne sont pas sans solution : elles sont ainsi exonérées de participation aux frais d'élaboration des normes au sein des commissions de normalisation. Elles peuvent en outre bénéficier du CIR pour leurs frais de personnel : une étude de 2016 a montré que plus de 250 TPE et PME s'en étaient saisies.

Le nombre de TPE et PME impliquées dans les commissions n'a pas baissé.

Projet de liaison ferroviaire Roissy-Picardie

M. Stéphane Demilly .  - Le projet de barreau Creil-Roissy destiné à faciliter la mobilité entre l'Île-de-France et la Picardie était sur de bons rails - si je puis dire... Sa mise en service était prévue pour 2025, conformément à l'engagement pris par le Président de la République.

Cela fait vingt ans que nous l'attendons... Près de quatre millions de voyageurs devraient emprunter cette nouvelle liaison chaque année, dont plus des deux tiers pour leurs transports du quotidien. Cette liaison ouvrira Amiens au réseau TGV, évitant désormais les changements à Paris.

Seulement voilà : l'arrêté préfectoral déclarant le projet d'utilité publique, annoncé pour le mois de juillet, se fait toujours attendre... On évoque désormais le mois de décembre... Cela risque de repousser la date de mise en service. Le Président de la République vient pourtant de réaffirmer que les délais seraient tenus : qu'en est-il concrètement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Cette liaison ferroviaire est très attendue, je le sais.

Ce projet est hautement prioritaire, comme le Président de la République l'a rappelé il y a quelques jours, le 22 novembre à Amiens.

C'est un projet essentiel pour le développement économique, qui répondra aux besoins de dizaines de milliers de travailleurs.

À la suite de l'enquête publique qui s'est déroulée du 23 février au 6 avril 2021, la commission d'enquête a rendu un avis favorable le 13 mai dernier, assorti toutefois d'une réserve portant sur les nuisances sonores et visuelles.

Pour la lever, nous devons travailler collectivement à renforcer l'acceptabilité du projet pour les communes traversées. J'ai bon espoir que l'arrêté préfectoral sera pris dans les prochaines semaines.

Le projet ne souffre d'aucun retard à ce jour, et les travaux commenceront dès 2022, dans le respect de l'objectif de calendrier fixé par le Président de la République.

Bacs fluviaux à passagers

M. Pascal Martin .  - La directive du 12 décembre 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la navigation intérieure doit être transposée en droit français au plus tard le 17 janvier 2022.

Cette directive va faire évoluer les conditions d'entrée dans la profession et en modifier profondément le cadre d'exercice à compter de janvier prochain.

Les certificats de conduite délivrés avant le 17 janvier 2022 restent valides et pourront être échangés contre un certificat de qualification de l'Union 5 pendant dix ans. Cependant, leur renouvellement au-delà de cette période et le recrutement de nouveaux mariniers dès janvier 2022 impliqueront des exigences supplémentaires. Celles-ci sont exorbitantes au regard de la spécificité des six bacs fluviaux qui effectuent la traversée de la Seine sur à peine 300 mètres, en moins de quatre minutes...

La spécificité de ces bacs fluviaux à passagers sera-t-elle prise en compte dans la transposition de cette directive ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Cette directive vise à garantir une reconnaissance commune des qualifications, à faciliter la mobilité des travailleurs et à garantir la proportionnalité entre les exigences en matière de risques et l'objectif de sécurité.

Les bacs entrent dans le champ de la directive, mais les exigences qui leur seront appliquées dépendront du risque. Le niveau d'exigence au titre des bacs ne sera pas le plus élevé !

Une période de transition de dix ans est prévue pour les qualifications obtenues avant le 1er janvier 2022. Afin d'anticiper d'éventuelles difficultés, un groupe de travail rassemblant les professionnels et mes services est mis en place dès aujourd'hui et je veillerai à ce que les activités fluviales ne soient pas perturbées par cette transposition.

M. Pascal Martin.  - Je ne suis pas pleinement satisfait. Il faut prendre en compte les spécificités territoriales. Il s'agit d'un service public particulièrement apprécié des habitants de Seine-Maritime.

Entreprises de transport cyclable de tourisme

Mme Agnès Canayer .  - Le transport touristique de personnes par vélo se développe. C'est ainsi que la jeune entreprise « T'Tuktuk ? » organise depuis juin 2021 des circuits touristiques grâce à des véhicules 100 % électriques.

Mais la mairie du Havre a été contrainte de lui retirer son autorisation d'occupation du domaine public. Les services de l'État en Seine-Maritime considèrent en effet que l'activité de cette entreprise relève de la réglementation des taxis motos et donc du code des transports, ce qui impose des contraintes comme l'obligation pour les conducteurs de passer le permis B ou de suivre une formation de trois mois. Or le tuk-tuk n'est pas un simple transport de personnes ; c'est avant tout un mode de tourisme. Pourtant, dans d'autres villes comme Bordeaux ou Limoges, ces nouveaux modes de transport sont assimilés aux petits trains touristiques.

Pouvez-vous clarifier et harmoniser la réglementation applicable ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Les tuk-tuks relèvent bien du transport public particulier de personnes, même s'ils sont assortis de commentaires touristiques.

Leur cadre juridique est clair. Il vise à assurer la sécurité des passagers et des autres usagers de la route et à garantir une concurrence équilibrée : les conducteurs doivent posséder une carte professionnelle ; les opérations entrent dans le cadre de la réservation préalable ; les véhicules sont tenus de respecter la signalétique définie par le code des transports.

Ce cadre juridique semble adapté et il n'est pas envisagé de le faire évoluer. Afin de prévenir toute différence de traitement, ces règles ont été rappelées aux préfets. Quant aux petits trains routiers touristiques, ils relèvent du transport collectif de personnes.

Mme Agnès Canayer.  - Je comprends les enjeux de sécurité, mais refuser d'assimiler les tuk-tuks aux petits trains routiers n'est pas conforme aux enjeux de développement du tourisme dans nos territoires.

Prolongement du dispositif Alvéole

M. Olivier Henno .  - Les élus locaux veulent apporter leur pierre à la lutte contre le changement climatique et à l'amélioration de la qualité de vie dans leurs communes. Le dispositif de subvention Alvéole, animé par la fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), finance des abris à vélos.

La commune de Lambersart a passé commande auprès d'une entreprise de Nantes pour cinq abris, mais la forte demande et la pénurie d'acier retardent la livraison : trop tard pour bénéficier de la subvention.

Madame la ministre, prolongez Alvéole jusqu'à la fin de l'année !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Le programme Alvéole a été mis en place dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie.

En juin 2021, il avait permis d'installer plus de 10 000 places de stationnement à vélos. Il s'achève le 31 décembre 2021, mais un nouveau programme, Alvéole+, doté de 31 millions d'euros, prendra le relais jusqu'en 2024, avec une aide renforcée pour les zones à faibles émissions mobilité.

Les dossiers qui n'ont pas pu être complétés avant le 12 novembre 2021 dans le cadre d'Alvéole pour cause de pénurie seront examinés en priorité dans le cadre d'Alvéole+. Ce sera le cas du dossier de la commune de Lambersart.

La FUB et le Gouvernement s'y engagent.

Surcoût lié à la recherche d'amiante sur les routes

M. Laurent Duplomb .  - Je lutte inlassablement contre les normes idiotes. En voici une nouvelle !

Depuis un décret du 4 mai 2012, la présence d'amiante doit être recherchée dans les chaussées. En Haute-Loire, plus de 1 000 kilomètres ont ainsi été examinés pour un coût de 400 000 euros.

Mais depuis 2019, le département doit passer par une personne référente et analyser chaque matériau de chaussée, bitume et agrégats. Analyser les 2 400 kilomètres de routes restants en Haute-Loire coûterait 1,5 million d'euros.

Cela vous semble-t-il raisonnable, alors qu'aucune trace d'amiante n'a été relevée sur les 1 000 kilomètres déjà analysés ? Nous confirmez-vous que les départements devront désormais recourir à un prestataire ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Les maîtres d'ouvrage de chantiers du BTP ont des obligations de recherche d'amiante depuis 1993.

M. Laurent Duplomb.  - Cela ne me pose pas de problème.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité.  - La loi du 8 août 2016 et le décret du 9 mai 2017, complétés par l'arrêté du 1er octobre 2019, ont précisé le nouveau cadre juridique. Restent à publier deux arrêtés, dont un relatif au non-bâti.

M. Laurent Duplomb.  - Le voilà, le problème !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité.  - C'est indispensable pour aider les donneurs d'ordre, notamment les départements, à remplir leurs obligations et les sécuriser.

Les surcoûts, évalués à 2,5 % du montant des travaux, sont limités. En outre, le projet d'arrêté prévoit un délai de mise en oeuvre, afin notamment de permettre la formation des opérateurs de repérage.

Défense de la ruralité et de ses traditions

Mme Else Joseph .  - Certaines traditions rurales, comme le chant du coq ou la sonnerie des cloches, dérangent les néoruraux. Les habitants des territoires, après l'action du juge administratif sur certaines chasses traditionnelles, telles que la tenderie aux grives dans les Ardennes, sont inquiets. Quelle sera la prochaine étape de cette fièvre déconstructrice ?

La crise a révélé un attrait pour la campagne, mais il faut tenir compte de ses habitants. Reconnaissons le patrimoine des campagnes sans opposer ruraux et urbains. Et suivons Georges Pompidou qui nous appelait à ne pas « embêter » les Français.

Comment comptez-vous protéger le monde rural ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Moi-même issue de la Haute-Marne, je ne puis qu'être d'accord avec vous pour défendre la richesse de nos terroirs et le patrimoine culturel et naturel de nos territoires ruraux.

Le Gouvernement s'attache à faire vivre la ruralité et ses habitants à travers le programme « Petites villes de demain » ou le fonds Friches. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée en 2019 et des financements sans précédent ont été prévus dans le cadre du Plan de relance.

Nos campagnes sont hélas les premiers témoins des pertes de biodiversité : 30 % d'oiseaux en moins en trente ans ! C'est pourquoi l'État valorise l'action des collectivités en faveur de la biodiversité avec le label « Territoires engagés pour la nature ».

Les arrêtés ministériels sur les chasses traditionnelles ont en effet été annulés par le Conseil d'État en août 2021, au motif d'une non-conformité à la directive Oiseaux de 2009. Sur la base de cette décision, la motivation de ces arrêtés a été renforcée. Mais ces nouveaux arrêtés, publiés le 12 octobre, ont été suspendus en référé par le Conseil d'État le 25 octobre. Le jugement sur le fond est à venir.

Nous devons respecter le cadre européen. Les chasses traditionnelles ne portent pas forcément atteinte à la biodiversité, mais il faut rester dans le cadre de la gestion adaptative.

Mme Else Joseph.  - Tout cela n'est guère rassurant. Et de nouvelles contraintes pèsent sur les territoires ruraux, avec les éoliennes qui mitent les paysages.

Projet immobilier « Grande Bastide »

M. Guy Benarroche .  - Le projet immobilier « Grande Bastide » de la ville de Velleron, en lisière du parc naturel du mont Ventoux, concerne sept hectares, auparavant classés en zone naturelle.

Il prévoit la construction de 200 logements, soit un accroissement de population de plus de 600 personnes et une circulation de 400 véhicules supplémentaires. Les infrastructures municipales ne sont pas dimensionnées pour un tel projet. C'est pourquoi une partie de la population - ainsi que son nouveau maire  - s'y oppose.

De plus, une zone humide a été comblée par son propriétaire quelques semaines avant le démarrage de l'étude d'impact.

Les aménageurs - dont l'étude d'impact est non conforme - n'ont rien répondu à ces inquiétudes. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) leur a demandé de régulariser la situation. Ils ont néanmoins entamé les travaux dès le 26 octobre. Par lettre en date du 3 novembre 2021, le préfet en a demandé l'arrêt dans l'attente du dépôt et de l'étude d'une dérogation au régime de protection des espèces protégées.

Comment expliquer que l'aménageur ait pu commencer ses travaux sans mise en conformité et sans régularisation ? Comment un étang a-t-il pu être comblé avant qu'aient été recensées les espèces protégées et sans dérogation accordée par le préfet ? Comment le Gouvernement va-t-il mettre en oeuvre ses déclarations d'intention sur l'objectif de zéro artificialisation nette des terres ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je vous confirme notre ambition contre l'artificialisation des sols, conformément à la loi Climat et résilience, afin de promouvoir de nouveaux modèles d'aménagement et d'urbanisme.

Cependant, des droits juridiques ont pu être acquis par des acteurs sur la base de documents d'urbanisme antérieurs. C'est le cas du projet la Grande Bastide à Velleron, pour lequel le maire avait délivré un permis d'aménager en 2019, modifié en 2020.

Les évaluations et autorisations environnementales demeurent nécessaires. La Dreal, l'Office français de la biodiversité (OFB) et les gendarmes ont fait une visite sur le terrain à la suite de laquelle le préfet a demandé des compléments à l'étude d'impact. Il a informé le promoteur qu'une dérogation au titre de la protection des espèces en danger pourrait être nécessaire.

Cette dérogation ne sera accordée qu'à condition que le projet réponde à une raison d'intérêt public majeure, qu'il n'existe pas d'autre solution sur le lieu envisagé et que cette dérogation ne nuise pas aux populations des espèces protégées.

Tous les services de l'État sont mobilisés pour concilier la protection de la biodiversité, la lutte contre l'artificialisation des sols, mais aussi la réponse aux besoins des territoires. Je vous remercie de participer à ce dialogue.

Rénovation urbaine du Bois-l'Abbé

M. Laurent Lafon .  - Le projet de rénovation urbaine du Bois-l'Abbé, conduit par les deux municipalités de Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur-Marne, se monte à 450 millions d'euros, dans un quartier qui compte 14 000 habitants.

Mais le projet est dans l'impasse, faute de financement. Les deux villes demandent une majoration financière dans le cadre de l'enveloppe annoncée par le Premier ministre sur la rénovation urbaine.

L'État apportera-t-il les financements nécessaires ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - L'État et ses partenaires - Action Logement, le mouvement HLM et la Caisse des dépôts - ont lancé le nouveau programme national de renouvellement urbain porté par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Début 2021, le Premier ministre a annoncé à Grigny un abondement de 2 milliards d'euros, voté par l'Assemblée nationale dans le projet de loi de finances pour 2022.

Le comité d'engagement de l'ANRU va prochainement examiner le projet de Bois-l'Abbé ; les montants accordés seront alors précisés.

M. Laurent Lafon.  - J'entends que les moyens financiers sont là. Les maires attendent une réponse.

Élevage extensif et calcul de l'impact environnemental

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Prenons en compte les vertus de l'élevage extensif herbagé à la française.

L'article 2 de la loi Climat et résilience prévoit la mise en oeuvre d'un affichage environnemental. Cet écoscore repose principalement sur l'analyse de cycle de vie (ACV) et favorise donc les viandes issues des systèmes d'élevage les plus intensifs.

Le Planet Score propose de compenser ces faiblesses par des indicateurs complémentaires visant à évaluer la durabilité globale des systèmes agricoles. Il intègre en effet les effets bénéfiques de l'élevage extensif en herbage.

Les enjeux sont majeurs pour l'avenir du modèle d'exploitation familiale à la française, pour la souveraineté alimentaire de notre pays, mais aussi pour l'atteinte des objectifs en matière de maîtrise du climat.

Où en sont les réflexions du Gouvernement ? Comment ces deux méthodes seront-elles départagées ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - L'expérimentation de l'affichage environnemental des produits alimentaires a été introduite par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et renforcée par la loi Climat et résilience.

Cette expérimentation a bénéficié de la contribution de dix-huit projets, avec chacun leurs avantages et leurs limites.

Le Conseil scientifique a proposé des orientations, autour d'un socle ACV. Mais ce dernier ne peut suffire : il faut des indicateurs complémentaires qui restent à définir. Le Gouvernement doit remettre un rapport au Parlement. La concertation se poursuit.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - La profession compte sur vous pour promouvoir un modèle respectueux de nos territoires et de la polyculture.

Bateaux publicitaires

M. Philippe Tabarot .  - La publicité diffusée sur des embarcations au-delà de la bande des 300 mètres provoque une pollution visuelle dénoncée par de nombreux maires du littoral azuréen.

Ces mêmes maires ont saisi la préfecture maritime, ne pouvant interdire eux-mêmes cette activité au-delà de la bande des 300 mètres. Le pouvoir réglementaire doit combler ce vide juridique.

Lors de l'examen de la loi Climat et résilience, le Sénat s'est opposé à une interdiction de rang législatif - car la loi ne doit pas être bavarde - mais pas sur le fond. En effet, l'article L. 581-15 du code de l'environnement permet de réglementer et d'encadrer cette pratique

Qu'attendez-vous pour assumer vos responsabilités et prendre un décret en Conseil d'État ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je vous rejoins : cette pratique constitue une importante pollution visuelle.

J'avais indiqué, lors de l'examen de la loi Climat et résilience, qu'il n'était pas nécessaire d'étendre à la publicité embarquée l'interdiction des banderoles tractées par aéronef : il est en effet possible d'agir par décret en Conseil d'État, sur la base de l'article L. 581-15 du code de l'environnement, ce que je m'étais engagée à faire. Le décret est en cours de rédaction. Nous ne manquerons pas de vous le transmettre.

M. Philippe Tabarot.  - Cette pollution esthétique nuit à l'attractivité de notre littoral. Sans compter les problèmes de sécurité. Je vous remercie pour votre réponse.

Reconstruction après la tempête Alex

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - J'étais ce week-end avec M. Tabarot dans les vallées dévastées par la tempête Alex, pire catastrophe naturelle en France métropolitaine depuis 1945 : 270 bâtiments ou maisons détruites dans quatorze communes, 1 600 familles sinistrées.

Les procédures d'indemnisation prévues par le fonds Barnier peuvent prendre jusqu'à trois ans ; or les familles ne peuvent pas attendre. Que deviendraient les sinistrés qui refuseraient l'indemnisation acquisition-démolition de leur maison ? Une expropriation serait d'une violence inouïe.

Le droit de l'urbanisme devra être révisé. D'une part, certains permis de construire pourraient faire l'objet de recours par des associations de protection de la nature opposées à la reconstruction, ce qui serait incompréhensible pour les sinistrés. D'autre part, la reconstruction à l'identique comme le prévoit la loi Montagne est impossible, d'où un nécessaire assouplissement législatif.

Quelles réponses le Gouvernement va-t-il apporter aux élus locaux inquiets ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Dans les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée, l'État finance le rachat d'habitations sinistrées par le biais du fonds Barnier, avec l'objectif de les démolir. La loi de finances pour 2021 a abondé le fonds Barnier de 50 millions d'euros pour faire face aux suites de la tempête Alex ; la loi de finances pour 2022 ajoute 30 millions d'euros.

À ce jour, 420 biens ont été identifiés pour une acquisition amiable ; 9 ont été acquis et 54 dossiers sont intégralement instruits. L'État s'appuie sur l'établissement public foncier de PACA qui portera 130 acquisitions.

Les sinistrés bénéficient d'un guichet unique d'accompagnement et des réunions d'information sont organisées localement.

L'expropriation doit rester exceptionnelle, quand l'acquisition amiable n'a pas été possible et qu'il y a une menace grave pour la vie humaine.

Les dispositions relatives à l'urbanisme de montagne permettent de s'adapter. La reconstruction à l'identique doit être envisagée avec la plus grande prudence. L'État a mandaté un architecte spécialisé qui associera les parties prenantes afin d'imaginer de nouveaux secteurs d'habitation résilients.

Métropole d'Aix-Marseille-Provence

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - Depuis sa création, la métropole d'Aix-Marseille-Provence est dans l'impasse. Le retour des compétences de proximité aux communes et la disparition des conseils de territoire, proposés par le Gouvernement, ne font pas l'unanimité auprès des maires.

La métropole dysfonctionnera tant que n'aura pas été réglé le problème de sa gouvernance. Comment imaginer une métropole dans laquelle la ville centre - Marseille, deuxième ville de France - serait exclue de toute décision la concernant ?

Le conseil métropolitain est un lieu de conflit permanent, un troisième tour sans cesse répété des élections municipales.

Le Gouvernement devrait mettre à profit la période qui vient pour actualiser le rapport du préfet Dartout. Dans l'immédiat, comment compte-t-il rendre à Marseille toute sa place ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Le Gouvernement s'était engagé à ne pas bouleverser l'organisation territoriale, après les grandes mutations intervenues récemment. Néanmoins, des évolutions sont apparues indispensables pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Depuis plusieurs années, les préfets des Bouches-du-Rhône dialoguent avec les élus locaux afin de déterminer l'architecture la plus efficace.

Le projet de loi 3DS initial prévoyait une mesure d'ouverture, mais le texte voté par le Sénat maintient le statu quo. Nous entendons le faire évoluer à l'Assemblée nationale.

Les discussions se poursuivent. Il faudra simplifier l'architecture et revenir sur les conseils de territoire. Dans cette métropole, la plus étendue de France, les communes doivent jouer un rôle de proximité, mais le développement économique suppose une vision d'ensemble et des outils mutualisés.

Il faut un échelon métropolitain conforté pour faire progresser le territoire et porter le plan « Marseille en grand » voulu par le Président de la République.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Distributeurs de billets en zone rurale

M. Jean Hingray .  - Dans les Vosges, la ruralité est active, malgré l'enclavement, la désertification médicale, la fracture numérique, l'absence de services publics.

Le sentiment d'abandon est accentué par la fermeture de distributeurs de billets, déterminants pour le maintien des commerces de proximité, la lutte contre l'isolement des personnes âgées - bref, la cohésion sociale.

Docelles ou Provenchères-et-Colroy ont perdu le leur.

Comment garantir un accès aux services bancaires sur tout le territoire ?

Vous me répondrez que quand l'entreprise privée est défaillante, les communes peuvent prendre le relais. À Provenchères-et-Colroy, cela coûterait à la commune 1 700 euros par mois...

Quelles mesures concrètes envisagez-vous ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - En 2020, le nombre de distributeurs automatiques de billets est effectivement passé sous la barre de 50 000. Ils ferment surtout dans les petites villes. Cette année, 27 communes ont perdu leur dernier distributeur. Mais 80 % de la population reste à moins de cinq minutes en voiture d'un distributeur, et 99 % à moins de quinze minutes.

Nous suivons néanmoins le sujet attentivement, et souhaitons l'arrimer à la discussion avec La Poste autour du nouveau contrat de présence postale territoriale. L'État augmente sa contribution de 500 millions d'euros, et demande en contrepartie une amélioration de la qualité de service rendu.

La réponse peut aussi venir des banques commerciales. La BNP, le Crédit Mutuel et la Société générale étudient la mutualisation de leurs distributeurs, et tiendront compte du maillage territorial.

Nous travaillons en liaison avec les associations d'élus.

Pêche illégale en Guyane

M. Georges Patient .  - Les pêcheurs guyanais, comme ceux de l'Hexagone, sont en colère. Alors que la pêche clandestine explose, la pêche légale a perdu 30 % de production en un an, la pénurie de main-d'oeuvre ayant mis à l'arrêt la moitié de la flotte.

Les contrôles tatillons que subissent nos pêcheurs les font parler de mise à mort organisée.

La situation n'a que trop duré - vous le savez pour avoir suivi la question en tant que ministre des outre-mer. Il faut faire respecter la souveraineté de la France dans ses eaux territoriales. N'acceptons pas l'inacceptable !

Il faut un véritable plan de développement de la filière, des formations jusqu'au renouvellement de la flotte. Il est urgent d'agir !

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Je connais bien le sujet, en effet.

La réponse à la pêche illégale, c'est la structuration de la filière légale. Le plan d'urgence Guyane prévoyait un fonds de redémarrage de l'activité de 2 millions d'euros, qui n'a jamais été engagé.

En 2018, j'ai mis en place un plan pour le développement de la filière pêche de 31 millions d'euros et 97 mesures ; j'en demanderai un bilan précis.

Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) représente 7 millions d'euros à la main de la collectivité de Guyane. S'ajoute le plan de relance, qui finance quatre projets d'infrastructures en Guyane, pour 1,5 million d'euros.

Je souhaite plus de présence des navires français. Le grand plan Pêche durable que je veux lancer comprendra un volet outre-mer.

L'État doit aussi garantir la surveillance. En Guyane, tous les moyens ont été renouvelés : les deux patrouilleurs, la vedette des douanes. Nous avons aussi expérimenté des drones. Il faut aller plus vite, vous avez raison.

Redevance incitative

Mme Marie-Claude Varaillas .  - En Dordogne, c'est un syndicat mixte qui est chargé de la valorisation et du traitement des déchets. La collecte se fait désormais majoritairement en points d'apport volontaire.

La redevance incitative qui doit remplacer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), provoquera un surcoût très important pour certains usagers : une personne incontinente devrait ainsi payer 500 à 600 euros de plus ! Les personnes résidant en habitat social perdraient le bénéfice de la décote dans le calcul des bases de valeur locative.

Afin de pallier ces augmentations de tarifs, ne pourrait-on envisager une tarification sociale ou une aide au paiement des factures afin de permettre aux collectivités de moduler leur tarification en fonction des situations locales ?

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Je vous prie d'excuser Joël Giraud.

La redevance incitative est facultative, c'est un choix des élus. Les collectivités territoriales peuvent déjà mettre en place des tarifs différents selon les secteurs ou fixer des forfaits, par foyer ou par personne.

La collecte peut être modulée, les points d'apport volontaire densifiés, les déchèteries adaptées.

La mise en place d'une filière à responsabilité élargie en 2024 transférera la responsabilité, donc les coûts, aux producteurs.

Adosser des mesures sociales à la redevance incitative brouillerait le message.

Enfin, le fonds économie circulaire de l'Ademe offre des soutiens financiers aux collectivités.

présidence de M. Georges Patient, vice-président

DGF de la ville de Saint-Saulve

M. Frédéric Marchand .  - Saint-Saulve, dans le Nord, a supporté intégralement la charge d'une zone industrielle jusqu'en 2018. Le transfert de la compétence Développement économique à l'agglomération Valenciennes métropole a engendré une perte de recettes pour la ville de près de 15 millions d'euros depuis 2001.

La taxe professionnelle perçue à l'origine par la ville a financé la construction de nombreux équipements publics ; l'attribution de compensation, figée depuis 2001, ne permet plus de couvrir les frais nécessaires à leur entretien.

Difficile de comprendre que la dotation forfaitaire tienne compte ainsi du poids du passé alors que sa DGF est passée de 1,2 million d'euros en 2013 à 250 000 euros en 2021, loin donc de compenser la perte liée à la taxe professionnelle.

La ville de Saint-Saulve a donc atténué ces bases élevées en appliquant un taux de fiscalité plus faible, ce qui la pénalise dans l'attribution de la DGF.

Par mesure d'équité, il serait pertinent que l'État prenne en compte le produit fiscal des communes et pas simplement le taux de fiscalité, afin de parvenir à une réévaluation des dotations. Cette commune n'est pas un cas isolé. Une refonte des modes de calcul est-elle à l'ordre du jour ?

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Le Gouvernement a connaissance du cas de Saint-Saulve, dont la DGF est effectivement bien inférieure à la moyenne.

La baisse massive vient d'une décision prise entre 2013 et 2017 pour redresser les comptes publics.

Trois paramètres entrent en ligne de compte : le potentiel financier, l'effort fiscal, et le poids de l'histoire - ce dernier critère expliquant le cas d'espèce.

Une refonte d'ampleur de la DGF ferait des gagnants mais aussi des perdants. Dès 2017, le Président de la République a appelé les associations d'élus à lui faire des propositions. Ce chantier est devant nous.

En ce qui concerne l'attribution de compensation, Saint-Saulve peut travailler avec la communauté d'agglomération de Valenciennes pour en réviser le montant.

Discipline du tir à l'arme réglementaire

M. Michel Savin .  - Le tir à l'arme réglementaire, discipline à ce jour non olympique, mais forte de 5 000 pratiquants, est une discipline organisée par la fédération française de tir, fédération sportive olympique qui a obtenu une médaille à Tokyo.

Or elle est aujourd'hui menacée par un décret en préparation.

Suite à un accident malheureux, il est en effet envisagé d'interdire et de détruire, sans compensation financière, les armes de catégories A1-11, actuellement détenues légalement par les tireurs sportifs. Selon le service central des armes et explosifs, mille armes seraient concernées - quand les armuriers de la fédération en dénombrent dix mille.

La législation française s'est déjà durcie depuis quatre ans : ces armes ne peuvent plus être achetées ni vendues. En comparaison, elles ne sont pas interdites en Belgique, en Allemagne ou en Suisse.

Il est important de rassurer les 230 000 licenciés sur la réglementation applicable. Quelles sont les évolutions actées et envisagées vis-à-vis de la pratique du tir sportif ? Pouvez-vous confirmer que son interdiction n'est pas envisagée ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Nous entendons lutter contre l'utilisation détournée d'armes autorisées. D'où le décret du 30 octobre dernier, qui vise à limiter la détention d'armes de guerre transformées. Le Gouvernement s'y était engagé le 22 juillet dernier, lors d'une cérémonie d'hommage aux trois gendarmes d'Ambert tués par un forcené en décembre 2020.

Il s'agit de se prémunir contre toute possibilité de redonner à ces armes une capacité de tir en rafale.

Les tireurs sportifs qui détiennent de telles armes classées en catégorie Al devront s'en dessaisir avant novembre 2022. De telles armes ne pouvaient déjà plus être acquises depuis le 1er août 2018.

Notre intention n'est pas d'interdire le tir sportif : plusieurs de nos policiers ou gendarmes brillent dans les compétitions internationales, comme Jean Quiquampoix, champion olympique à Tokyo.

Il s'agit de trouver un juste équilibre à travers un encadrement, auquel participera le nouveau système d'information sur les armes.

M. Michel Savin.  - Il est dans l'intérêt de tous que ces armes soient répertoriées, pour permettre à cette discipline de vivre.

Politique des appels à projets

M. Pierre Ouzoulias .  - Un récent appel à projets insistant sur la capacité d'un établissement à « diversifier ses sources de financement » a été lancé pour aider les équipes universitaires à répondre aux appels à projets... Curieuse mise en abyme !

Le financement des établissements de recherche et d'enseignement sera désormais fonction de leur capacité à autofinancer leurs missions de service public. L'excellence n'est plus scientifique, mais managériale.

Les universités sont mises en péril par le décalage croissant entre la dotation de l'État, stable, et le nombre d'étudiants, qui ne cesse d'augmenter. La seule réponse du Gouvernement est-elle de les inviter à trouver ailleurs leurs financements ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Veuillez excuser Mme Vidal.

La loi de programmation pour la recherche (LPR) apporte un soutien inédit de 25 milliards d'euros supplémentaires sur les dix prochaines années, dont 500 millions d'euros dès l'année prochaine, pour revaloriser les personnels scientifiques et mieux financer la recherche. C'est dix fois plus, en un an, que sous l'ensemble du précédent quinquennat !

L'Agence nationale de la recherche alloue 73 millions d'euros supplémentaires aux établissements et laboratoires en 2022, tandis que le budget des universités et des organismes de recherche augmente de 127 millions d'euros.

Citons aussi les délégations d'enseignants-chercheurs au CNRS, pour 900 000 euros par an, ou les congés pour recherches ou conversions thématiques, pour 2,2 millions d'euros.

Avec la LPR, France Relance et France 2030, nous investirons massivement pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation. C'est une marque de confiance dans notre jeunesse, nos enseignants et nos chercheurs !

M. Pierre Ouzoulias.  - Cette réponse - que j'aurais pu écrire - n'est pas en phase avec les réalités.

Les universités sont au bord de la banqueroute. C'est le cas notamment de celle de Nanterre. Je rejoins Mme Vidal quand elle dit que l'excellence ne peut se décliner sur un moule unique, et qu'on ne peut piloter la diversité de l'enseignement supérieur avec le classement de Shanghai !

Violences conjugales et autorité parentale

M. Jean-François Rapin .  - La Convention relative aux droits de l'enfant stipule que dans toutes les décisions qui les concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer.

Depuis 2009, de nombreuses évolutions législatives et réglementaires se sont intéressées aux femmes victimes de violences conjugales. Toutefois, un vide juridique demeure concernant les enfants, qui subissent les répercussions de ces agressions.

Selon le groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Grevio), la France n'applique que trop rarement les dispositions législatives permettant de faire primer l'intérêt et la sécurité de l'enfant dans les décisions de justice concernant les droits de visite et de garde. Or dans un contexte de violences conjugales, l'exercice conjoint de la parentalité et le maintien de droits de visite sont un moyen pour l'agresseur de maintenir son emprise.

La frilosité du Gouvernement, qui dit craindre une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme, n'est manifestement pas justifiée : l'Espagne a adopté deux lois en ce sens sans faire l'objet d'aucune poursuite.

Il est encore temps d'agir. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour renforcer l'arsenal juridique visant à protéger les enfants, co-victimes des violences conjugales ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Le Grenelle des violences conjugales a été un moment décisif dans ce combat qui est la grande cause du quinquennat. Deux lois en sont issues, qui sont venues compléter la loi dite Schiappa. Je salue les initiatives de la députée Alexandra Louis et de la sénatrice Marie Mercier.

La présence d'enfants est désormais une circonstance aggravante des violences conjugales. La suspension de l'autorité parentale est prévue de plein droit en cas d'homicide volontaire sur l'autre parent.

Si aucune peine n'est automatique, le juge des libertés doit se prononcer sur la suspension du droit de visite et d'hébergement dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Nous sommes passés de neuf décisions de retrait de l'autorité parentale en 2017 à 389 en 2021.

Nous devons sortir de la culture de la médiation familiale pour donner la priorité à la protection des enfants face à un parent dangereux.

Un décret publié en 2021 vient compléter notre action.

M. Jean-François Rapin.  - Nous n'allons pas assez loin, le maintien de la médiation n'est pas la panacée.

Réseaux d'éducation prioritaire en zone rurale

M. Olivier Rietmann .  - La Haute-Saône compte quatre secteurs réseaux d'éducation prioritaire (REP) mais aucun secteur en REP+. Au vu des indicateurs, le secteur rural de Jussey pourrait pourtant rentrer dans ce champ, mais la classification liée à la politique de la ville écarte les zones à faible densité de population.

Peut-on dès lors parler d'égalité des chances pour les enfants de nos secteurs ruraux ? Pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez urbains ou ruraux, l'Éducation nationale vous sauvera ou vous condamnera !

Comptez-vous introduire un critère d'éloignement et d'isolement géographique pour pallier cette différence de traitement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - La mission « Territoires de réussite » a été confiée à Ariane Azéma et Pierre Mathiot pour réfléchir aux critères de l'éducation prioritaire, dans un esprit de différenciation territoriale. L'indice d'éloignement fait partie des critères désormais utilisés par les autorités académiques et nationales.

Dans le prolongement de cette mission, il a été décidé de ne pas réviser la carte de l'éducation prioritaire mais d'expérimenter de nouveaux outils pour aller vers plus de souplesse, dont les contrats locaux d'accompagnement : 3,2 millions d'euros seront mobilisés à la rentrée 2022.

L'expérimentation des territoires éducatifs ruraux a été lancée en janvier 2021 dans trois académies et concerne près de 40 000 élèves. Un bilan d'étape sera réalisé. Ce programme s'inscrit dans le prolongement des conventions ruralité qui concourent aussi au maintien de l'offre scolaire de proximité avec 353 emplois.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Enfin, le Président de la République s'est engagé à ne fermer aucune école sans l'accord préalable du maire dans les petites communes rurales.

M. Olivier Rietmann.  - Les moyens manquent pour offrir les mêmes chances aux enfants de la ruralité qu'à ceux des territoires urbains. Pour Jussey, ce sont 30 000 euros reçus sur quatre mois, pour 1 200 élèves. Ce décalage ne peut plus durer !

Encadrement des stages de survie

M. Yannick Vaugrenard .  - En août 2020, Ulysse, 25 ans, est décédé lors d'un stage de survie présenté comme une initiation ouverte à tout type de public et encadré par son organisateur.

Les stages de survie, véritable phénomène de société, ne disposent d'aucun encadrement législatif ou réglementaire. Afin d'éviter d'autres drames, j'ai demandé la mise en place rapide d'une fédération nationale agréée. Madame la secrétaire d'État, vous m'aviez répondu le 9 mars dernier que le Gouvernement y travaillait et que plusieurs ministères étaient concernés. Le 31 mars, vous m'affirmiez être responsable du dossier. Après plusieurs relances, j'ai été successivement réorienté vers la ministre déléguée chargée des Sports, le ministre de l'Intérieur, puis à nouveau vers Mme Maracineanu... Tribulations pour le moins surprenantes ! Une réunion interministérielle a-t-elle eu lieu ou est-elle prévue ? Les tergiversations ne sont plus de mise.

Nous ne pouvons accepter d'autres drames, d'autres Ulysse. Il est urgent d'agir.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - L'essor du survivalisme prend des formes variées. Difficile à ce stade de donner une définition précise de l'activité et de lui appliquer un cadre réglementaire spécifique.

Il ne s'agit ni d'activités sportives, ni d'activités associatives mais de pratiques commerciales ; l'usage de l'appellation « stage de survie » peut paraître abusif.

Un cadre respectueux des personnes et de l'environnement doit être établi pour prévenir les drames. Les pratiques dangereuses ne sont pas possibles dans les structures relevant de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, mais concernent plutôt des adultes.

Une inspection générale va être saisie, qui travaillera sur une définition plus précise du survivalisme et identifiera les réglementations existantes permettant d'ores et déjà de répondre à ce phénomène. Nous y travaillons avec les ministres que vous avez mentionnés.

M. Yannick Vaugrenard.  - J'ai attendu neuf mois cette réponse un peu plus précise... Il faut maintenant aller plus vite ! Il est urgent de ne pas attendre.

Salmonelles et éleveurs de volailles

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Les élevages de volailles, notamment les petites exploitations en agriculture biologique et plein air, sont en difficulté, alors que les oeufs de plein air sont plébiscités.

Il est nécessaire de faire évoluer la réglementation, qui plonge les petites exploitations dans une grande détresse - je l'ai constaté dans mon département du Rhône. Comment encourager d'un côté une consommation saine et de proximité, et de l'autre mettre en péril les petites exploitations avicoles qui répondent à cette demande ?

Le ministère de l'agriculture a annoncé un groupe de réflexion. Les petits éleveurs y sont-ils associés ? Que comptez-vous faire pour encourager la prévention dans les exploitations de moins de 250 poules ? Pour préciser les méthodes de prélèvement ? Il y a urgence. Que comptez-vous faire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Veuillez excuser M. Denormandie, qui est à Montpellier pour le salon Sitevi.

La lutte contre les salmonelles est un enjeu de santé publique depuis les années 1990. Les règles actuelles garantissent une protection élevée des consommateurs. Les troupeaux infectés sont abattus et les éleveurs sont indemnisés s'ils respectent la charte sanitaire ; 70 % des bâtiments de pondeuses adhérant à la charte correspondent au mode de production plein air ou biologique.

Les petits élevages devront être mieux informés et accompagnés. Le ministère de l'Agriculture a engagé une réflexion avec les acteurs nationaux de la filière. Une réunion au niveau national donnera prochainement de la visibilité sur le calendrier des travaux à mener.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Les éleveurs ont investi dans des équipements et sont conscients des risques. En 2018, nous avons transposé une directive européenne. L'Espagne aussi - or ses éleveurs ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Il y a urgence à revoir notre législation.

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (I)

M. Alain Marc .  - Les professionnels du fromage - comme ceux des filières Roquefort ou Laguiole - s'inquiètent du décalage entre l'étiquetage nutritionnel et la qualité même des produits laitiers : l'algorithme du Nutri-Score aurait pour effet de classer près de 90 % des fromages en D ou E... Rappelons que Santé publique France préconise d'interdire la publicité sur les aliments notés D et E.

Or le Roquefort, comme les autres fromages d'AOP, est un aliment peu transformé et contenant très peu d'additifs, respectant des recettes traditionnelles transcrites dans des cahiers des charges très stricts. En parallèle, des aliments industriels ultra-transformés sont notés A ou B... D'où un fort sentiment d'injustice.

Ce logo est simpliste et réducteur. Une exemption pour les fromages AOP est-elle envisagée ? Il faut défendre cet élément de notre patrimoine gastronomique !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les produits AOP comme le Roquefort font en effet la fierté de la gastronomie française.

Le Nutri-Score est un logo nutritionnel, adopté sur des fondements scientifiques. Attention aux idées fausses : le Nutri-Score est volontaire et ne sera jamais rendu obligatoire s'il ne l'est pas dans toute l'Europe, afin d'éviter toute concurrence déloyale.

La Commission européenne étudie certes un étiquetage obligatoire, mais il n'est pas encore connu et la France ne soutiendra pas un système qui nuirait à la réputation gastronomique de ses fromages AOP.

Nous devons en premier lieu poursuivre les travaux sur l'évolution de l'algorithme du Nutri-Score. Un comité scientifique d'experts indépendants a été mis en place pour en améliorer l'efficacité.

Marchés de bétail vif

M. Jean-Claude Anglars .  - La loi EGalim a généralisé la contractualisation dans le secteur de l'élevage pour les marchés de bovins vifs, et la proposition de loi EGalim 2 visait notamment à renforcer la construction du prix pour protéger la rémunération des agriculteurs. Mais dans l'application de la contractualisation, les producteurs craignent un déséquilibre du rapport de force avec les industriels et les distributeurs.

La fédération française des marchés de bétail vif représente 45 marchés, un million d'animaux commercialisés par an, 20 000 éleveurs et un chiffre d'affaires de 800 millions d'euros. En Aveyron, le marché de gré à gré de Laissac représente 8 % du volume national.

Ces marchés de bétail vif jouent un rôle essentiel dans la définition des cours. Le carreau assure la confrontation permanente des besoins du marché et de l'offre existante.

Quel sera l'avenir des marchés qui produisent les références commerciales observées par la filière ? Comment la contractualisation pour les animaux mis en vente par les négociants qui ont acheté l'animal à un éleveur sera-t-elle réalisée ? Comment la prise en compte et l'actualisation des indicateurs des coûts de production seront-elles garanties dans la contractualisation pluriannuelle obligatoire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les débats au Parlement ont montré que la contractualisation était indispensable : la filière bovine vend structurellement ses bêtes au-dessous du coût de production. Les clauses de tunnel de prix donneront des garanties aux éleveurs. La situation des marchés aux bestiaux a toutefois été prise en compte. Les transactions directes avec le premier acheteur, que le producteur les conclue en direct ou qu'il mandate un négociant, ne seront pas comprises dans le champ de la contractualisation.

En revanche, les négociants ayant acheté au préalable des animaux à l'éleveur doivent ensuite contractualiser.

Avenir de la forêt périgourdine

M. Serge Mérillou .  - La Dordogne est le troisième département le plus boisé de France, avec un taux de boisement de 44 %. Le Périgord et sa forêt sont un poumon vert de notre pays : il faut le préserver.

Je salue le plan de relance de votre Gouvernement qui permettra de reboiser 1 600 hectares. Toutefois, ces mesures doivent être prolongées pour nos forêts morcelées. La forêt périgourdine est privée à 99 % avec une surface moyenne par propriétaire de 4 hectares ; le prélèvement représente seulement 40 % du volume d'accroissement annuel.

L'État doit accompagner la forêt dans la durée. Que ferez-vous pour soutenir la forêt périgourdine ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - La situation est en effet alarmante. Le morcellement de la forêt privée est un enjeu national, avec 3,3 millions de propriétaires, dont 1,4 million ont moins de 25 hectares.

Des recommandations existent. Le dispositif de GIE forestier est une solution mais reste limité : seuls 24 ont été créés, couvrant 17 000 hectares. Il s'agit de regrouper les propriétaires. Les Assises de la forêt et du bois y travaillent, le ministre de l'Agriculture aussi. Le Gouvernement a engagé 150 millions d'euros ; 460 hectares seront financés pour la reconstitution des châtaigniers en Dordogne, affectés par la maladie de l'encre.

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (II)

Mme Cécile Cukierman .  - La mise en place du logo Nutri-Score, qui deviendra obligatoire dès 2022, inquiète les acteurs de la filière d'appellation d'origine protégée (AOP) de la fourme de Montbrison de la Loire.

Le classement par lettre oriente le choix du consommateur sans être le reflet fidèle des qualités sanitaires du produit.

La qualification D peut empêcher la publicité, faire disparaître les produits des menus en collectivité et stigmatiser des produits pourtant de qualité, peu transformés, reposant sur des circuits courts.

Que fera le Gouvernement pour protéger la fourme de Montbrison ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Nos fromages français, je le redis, sont une fierté de la gastronomie française. Même avec le Nutri-Score, les consommateurs plébiscitent les produits du terroir.

Pour lever vos craintes, je rappelle le caractère volontaire du Nutri-Score qui ne sera obligatoire que si toute l'Union européenne l'applique. L'étude d'impact de la Commission européenne pour un étiquetage obligatoire est en cours et ne devrait pas aboutir avant la fin 2022.

Nous devons améliorer l'algorithme du Nutri-Score et mieux l'adapter aux produits.

Mme Cécile Cukierman.  - S'il n'est pas suivi par les consommateurs, autant le supprimer ! De plus, il ne faut pas oublier l'impact sur la restauration collective.

La volaille de Bresse au risque de l'influenza aviaire

M. Patrick Chaize .  - L'élevage de la volaille de Bresse, en période de risque influenza aviaire élevé, répond au cahier des charges strict d'une appellation d'origine protégée (AOP).

Il s'agit d'une volaille de race pure au caractère vif, pour laquelle le confinement ou le parcours restreint est préjudiciable. Durant l'hiver 2005-2006, 30 à 40 % de pertes directes ont été subies en élevage confiné et de nombreuses volailles ont été déclassées pour griffures et meurtrissures.

Le virus de l'influenza aviaire se répand en Europe et le Gouvernement a placé le 5 novembre 2021 l'ensemble du territoire hexagonal en risque élevé. Un certain nombre de mesures préventives ont été prévues, dont la mise à l'abri des volailles des élevages commerciaux.

Devant le risque de dépréciation de l'AOP, les élus et les producteurs ont proposé des mesures dérogatoires à la direction générale de l'alimentation. Ils sont dans l'attente d'une réponse, étant précisé qu'aucun cas de grippe aviaire n'a été recensé à ce jour dans l'Ain.

Entendez-vous apporter une réponse rapide aux propositions volontaristes formulées par les éleveurs ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Permettez-moi de dresser un bilan : 600 cas en faune sauvage et 400 en élevage sont recensés dans 26 pays d'Europe. Un premier foyer a été détecté en France.

Le virus circule à nouveau dans la faune sauvage : c'est pourquoi nous avons rehaussé le niveau de risque et les mesures de mise à l'abri.

L'État et ses services, dont le professionnalisme est connu, accompagneront la filière de Bresse. Et ce, dans la concertation avec les agriculteurs, les chambres d'agriculture, les vétérinaires et les élus locaux. Les mesures concernent aussi les chasseurs et les particuliers, qui doivent déclarer les suspicions de maladie.

M. Patrick Chaize.  - Vous ne répondez pas à aux spécificités de la volaille de Bresse, qui avait été dispensée de certaines contraintes en novembre 2020, dans la même situation.

Je vous invite à venir rencontrer les éleveurs aux traditionnels marchés qui auront lieu en décembre à Bourg-en-Bresse, pour voir la réalité. Vous mettez à mal votre mission de Secrétaire d'État, puisque votre réponse réduit à néant l'engagement de la jeunesse.

Bronchiolite et saturation des urgences pédiatriques

Mme Catherine Dumas .  - La bronchiolite touche 30 % des enfants de moins de 2 ans. Or des lits sont fermés faute de professionnels. Les six services pédiatriques de Paris sont débordés : 25 enfants en détresse ont dû être transférés hors de l'Île-de-France.

Cet automne, l'épidémie est particulièrement forte et précoce. Il y a eu peu de cas l'an dernier, grâce aux gestes barrière - d'où un manque d'entraînement immunitaire. Résultat, depuis mi-octobre, les pédiatres sont débordés, les urgences pédiatriques saturées, sans possibilité de décharge sur la province. Quelles mesures le Gouvernement met-il en oeuvre ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - À l'automne 2019, les services pédiatriques d'Île-de-France ont été dépassés. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a enquêté et des mesures ont été prises, comme le renforcement des unités de surveillance continue ; des indicateurs d'alerte ont été déployés, fondés sur la disponibilité des lits.

L'épidémie de bronchiolite arrive avec trois semaines d'avance.

L'ARS d'Île-de-France a mis en place un plan d'activité tiré de l'expérience Covid, avec une régulation régionale du transport pédiatrique (SMUR) et l'appui de la médecine de ville. La cellule de recherche de lits est activée. Le recrutement et le maintien en emploi d'infirmiers sont facilités : majoration des heures supplémentaires prolongée, cumul emploi-retraite assoupli.

Mme Catherine Dumas.  - Attention à l'attente des parents cet hiver !

Avenir du centre 15 dans l'Yonne

Mme Dominique Vérien .  - L'ARS de Bourgogne Franche-Comté souhaite depuis plusieurs années supprimer le centre 15 de l'Yonne afin de centraliser l'ensemble des services dans un pôle régional situé à Dijon. Cette décision est en totale contradiction avec les réalités du terrain.

L'Yonne est un département très rural où, par définition, chaque minute compte. C'est d'ailleurs cette implantation locale qui permet au centre 15 d'Auxerre d'être parmi l'un des meilleurs de France, selon une étude du journal Le Point de 2018.

De plus, élus et médecins ont un projet : une plateforme départementale rassemblant le 15 et le 18, afin de profiter de la bonne entente des « rouges » et des « blancs » et de la vitalité exemplaire des pompiers de l'Yonne.

Les uns et les autres ont été en première ligne tout au long de la crise sanitaire. Il est injuste qu'ils soient récompensés par une fermeture de leur lieu de travail.

Enfin, la crise sanitaire nous a appris qu'il n'est jamais bon de vouloir faire des économies sur la santé de nos concitoyens.

Faites preuve de bienveillance pour permettre à ce centre 15-18 d'exister, en conformité avec la loi Matras, et abandonnez le projet funeste de fermeture !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La direction de l'ARS a projeté, en 2018, de centraliser le 15 au CHU de Dijon, non dans une logique d'économies mais plutôt pour gérer des ressources en tension, tout en améliorant le soutien à distance. C'est ainsi que fonctionnent ces services, depuis 2018 dans la Nièvre, et de longue date en Franche-Comté. L'ARS a invité les élus de l'Yonne à en constater les résultats. Je vous encourage à participer à cette démarche afin que le dialogue s'engage sur des bases objectivées.

Mme Dominique Vérien.  - J'aurais voulu que vous confirmiez la remise à plat annoncée par le Premier ministre. Pour Nevers, le rattachement à Dijon n'est pas si satisfaisant !

Accès aux soins en orthophonie

M. Bernard Fournier .  - Les habitants de la Loire ont des difficultés d'accès aux soins en orthophonie. Le temps d'attente moyen est d'environ douze mois, voire, comme à Saint-Chamond, dix-huit mois. Avec moins de 300 orthophonistes sur l'ensemble du département, beaucoup de familles renoncent à prendre rendez-vous, ce qui a des conséquences sur la santé des petits patients, en grande majorité des 3-6 ans. Les parents se retrouvent désemparés.

Le retard de prise en charge se paie à long terme.

Depuis plusieurs années, de nombreuses propositions ont été élaborées par les syndicats et les parlementaires : revaloriser les grilles statutaires, améliorer la progression de carrière et faire évoluer le numerus clausus.

Le Sénat, qui n'a pas été suivi par le Gouvernement, proposait l'accès direct aux orthophonistes afin de simplifier le parcours de soins et réduire les dépenses de l'assurance maladie.

Quels sont les projets de réforme du Gouvernement afin de répondre aux préoccupations de la profession, des patients et des familles ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - L'orthophoniste intervient sur prescription médicale ; depuis 2016, il peut prescrire et renouveler certaines prescriptions ; depuis 2020, il peut adapter la prescription lors du renouvellement. Hélas les délais d'attente restent importants.

On compte en France 27 642 orthophonistes, dont 80 % en libéral. C'est peu, notamment dans la Loire. Le Gouvernement, dans le PLFSS adopté hier, cherche à faciliter l'accès direct aux professionnels de santé avec l'expérimentation pendant trois ans d'un parcours de soins simplifié. Il fera l'objet d'une évaluation qui sera une base utile pour réfléchir à d'autres mesures. Pas à pas, nous oeuvrons pour assurer l'égalité d'accès aux soins.

Médecins salariés des centres municipaux de santé

M. Jean Sol .  - Les médecins recrutés par les centres municipaux de santé le sont en contrat à durée déterminée (CDD) de trois ans, renouvelable une fois. Ils n'accèdent au CDI qu'après six ans d'exercice.

C'est un frein à l'installation de médecins dans nos territoires. Cela menace l'attractivité des centres municipaux de santé. Comment comptez-vous agir sur ce point, afin d'éviter d'accentuer la désertification ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le Gouvernement est attaché à la sécurité juridique de ces recrutements. L'article 33 du projet de loi 3DS en renforce la base légale. Les dispositions en vigueur envisagent des CDD de trois ans maximum, renouvelables une seule fois.

Le primo-recrutement de contractuels en CDI ou le recrutement à l'issue d'un CDD de trois ans a été évoqué lors du vote de la loi de transformation de la fonction publique - mais pas pour le volet territorial. On peut toutefois envisager des mises à disposition de praticiens hospitaliers.

M. Jean Sol.  - Renforcer la base légale des recrutements va dans le bon sens, mais le problème doit être traité, sinon la désertification médicale s'aggravera.

Comment trouver un médecin traitant ?

Mme Anne Ventalon .  - L'Ardèche est victime d'un effet de ciseaux médical : augmentation des besoins en médecine avec l'arrivée des babys boomers dans le troisième âge et pénurie de soignants. À la fin de cette année, 10 % des Ardéchois, soit 10 000 personnes, n'auront pas ou plus de médecin traitant.

Un patient sur deux, à la campagne, n'arrive plus à trouver un généraliste, ceux-ci ayant déjà une patientèle trop nombreuse.

Or la déclaration du médecin traitant conditionne le niveau de remboursement des consultations de spécialistes. Comment comptez-vous lutter contre cette médecine à deux vitesses ? Comment parvenir à déclarer un médecin traitant ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le taux majoré sur les consultations hors parcours de soins a un intérêt majeur de santé publique : il permet une bonne coordination des soins. Le médecin traitant a un rôle important pour le suivi au long cours du patient.

De nombreuses dérogations à la majoration sont toutefois prévues : urgence, éloignement du domicile, affection de longue durée ou maladie chronique, indisponibilité du médecin traitant.

Seuls 9 % des assurés n'ont pas déclaré de médecin traitant. Ils peuvent saisir leur caisse pour qu'elle les aide à en trouver un - les soins étant remboursés à taux plein pendant le temps de cette recherche.

L'objectif de 4 000 postes d'assistants médicaux, via une aide de l'assurance maladie, devrait être atteint d'ici 2022, pour libérer du temps médical.

Mme Anne Ventalon.  - À l'impossible nul ne doit être tenu : dans les faits, déclarer un médecin traitant est parfois impossible.

Fermetures de lits d'hospitalisation et de réanimation

M. Sébastien Meurant .  - Les récentes annonces du Président de la République - ou plutôt du candidat Macron - promettaient 19 milliards d'euros pour hôpital.

À l'hôpital de Pontoise, dans le Val-d'Oise, on demande parfois aux patients d'apporter des médicaments qui manquent... C'est du vécu !

Le Président de la République avait promis de ne plus fermer d'hôpitaux sans l'accord des maires ; mais il y a des fermetures contre l'avis unanime des élus ! Hôpital psychiatrique Roger Prévot à Moisselles, hôpital de Saint-Martin du Tertre, hôpital de Beaumont-sur-Oise,...

Les équipes sont démoralisées. Pas de reconnaissance, un management déplorable ; l'exécutif ne pourra pas s'abriter derrière la pandémie pour expliquer cette situation.

Les 500 millions d'euros promis par le Premier ministre seront-ils au rendez-vous, non pour des reprises de dette mais pour des investissements effectifs ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Vous omettez certains chiffres. Depuis 2013, les capacités de soins intensifs ont crû de 10 %, celles de surveillance continue de 9 %, celles de réanimation pédiatrique de 10 % ; celles de réanimation adultes sont restées stables. Des lits ont été ouverts, 5 800 depuis 2013, dont 700 depuis la crise sanitaire. Enfin, les capacités d'hospitalisation partielle, ambulatoire, ont décuplé depuis 2003.

Nous avons lancé une enquête mensuelle, depuis le mois de juillet dernier, pour suivre les capacités hospitalières.

Dans le Val-d'Oise, 15 000 professionnels de santé ont vu leur rémunération augmentée de 183 euros par mois, 1 600 médecins ont été revalorisés.

Nous ne supprimons pas de lits, mais avons besoin de professionnels pour en ouvrir. C'est pourquoi nous avons supprimé le numerus clausus.

Nous avons un bilan !

M. Sébastien Meurant.  - Vous n'avez pas répondu à ma question précise. Aux urgences d'Argenteuil, il manque trois médecins et seulement un quart des médecins sont français. La situation est loin, très loin d'être satisfaisante.

Création d'un conseil national de la gynécologie médicale

Mme Corinne Imbert .  - La formation universitaire à la gynécologie médicale a été supprimée entre 1987 et 2003. Aussi, le nombre de professionnels de santé exerçant cette spécialité a chuté ces dernières années, passant de 1 945 praticiens en 2007 à 923 en 2020 ; treize départements n'ont plus aucun gynécologue médical.

Le décret du 9 janvier 2019 relatif aux missions, à la composition et au fonctionnement des conseils nationaux professionnels des professions de santé a acté le principe d'un conseil national professionnel pour chaque diplôme d'études spécialisées. Or la gynécologie médicale échappe à cette règle et est incluse dans le conseil national professionnel « gynécologie obstétrique-gynécologie médicale ». Elle est devenue une spécialité dans la spécialité, ce qui compromet son indépendance et sa capacité à envisager l'avenir.

Le Gouvernement entend-il compléter le décret de janvier 2019 en créant un conseil national professionnel de la gynécologie médicale afin de reconnaître pleinement cette spécialité ou procéder à un rééquilibrage des spécialités au sein du conseil national professionnel de gynécologie ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le décret de janvier 2019 précise que les conseils nationaux professionnels sont créés à l'initiative des professionnels de santé par profession ou par spécialité. Si le ministre peut reconnaître leur existence par arrêté, il ne lui appartient pas de les créer.

S'il ne peut y avoir qu'un conseil par spécialité, rien n'interdit qu'un conseil couvre plusieurs spécialités. Dans le cas de la gynécologie médicale, les organisations professionnelles de la gynécologie obstétrique et de la gynécologie médicale ont convenu de constituer un conseil commun aux deux activités, respectant les équilibres et les spécificités, afin de mener une réflexion commune sur les sujets intéressant les deux spécialités.

En matière de démographie médicale, le nombre de postes offerts en gynécologie médicale a triplé depuis 2012. En 2018, 82 postes ont été ouverts, soit une augmentation de 28 % par rapport à 2017. La formation prend plusieurs années et l'augmentation sera prochainement ressentie dans les territoires.

Mme Corinne Imbert.  - Le choix appartient aux professionnels, certes. La gynécologie médicale doit être une spécialité à part entière afin de mieux prendre en charge les patientes. J'ai signé un courrier au ministre de la Santé en ce sens.

La situation des dons d'organes en France

M. Guillaume Chevrollier .  - Seul le don peut légitimer le prélèvement en vue d'une greffe. L'année dernière, 1 355 donneurs ont permis 4 421 transplantations, soit un chiffre inférieur à celui de 2019. La crise sanitaire a fait baisser le nombre de donneurs. Aujourd'hui, 26 000 malades sont en attente d'une greffe et 700 patients en sont décédés en 2019.

La France n'atteindra pas l'objectif de 7 600 greffes fixé par le plan greffe 2017-2021.

Les Assises nationales du don d'organes se sont tenues pour la première fois en octobre 2021 afin d'aboutir à « plus de prélèvements pour plus de greffes » et dans la perspective du plan greffe 2022-2026. Les acteurs ont formulé cinq propositions : réformer la gouvernance du don d'organes et de la greffe ; accompagner les équipes de prélèvement ; définir les conditions optimales de recours et de suivi de la greffe ; développer le don du vivant ; instaurer une culture du don dans notre société.

Sur ce dernier point, le don d'organe doit être encouragé. La France pourrait s'appuyer sur les associations de donneurs de sang. Comment le Gouvernement compte-t-il lever les obstacles au développement des greffes ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La greffe est une priorité nationale. Depuis 2000, trois plans ont été mis en place. Comme vous l'avez mentionné, les objectifs du plan 2017-2021 ne seront pas atteints, notamment à cause de la suspension des transplantations rénales du fait de la pandémie.

L'édition 2022-2026 du plan en cours de finalisation en lien avec l'Agence de la biomédecine (ABM) entend insuffler une nouvelle dynamique. L'augmentation des prélèvements sera le premier axe : il conviendra de faire baisser le taux d'opposition grâce à la diffusion des bonnes pratiques et à l'identification des refus des dons. Ce nouveau plan sera dévoilé début 2022.

L'ABM mène un important travail de sensibilisation, dont le point d'orgue est la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe. Les campagnes de communication sont évolutives, et l'Agence est de plus en plus présente sur les réseaux sociaux.

Compensation des dépenses liées aux centres de vaccination

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Depuis la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en oeuvre une série de mesures de soutien aux communes au gré des lois de finance rectificative. Nous les avons toutes votées, mais force est de constater que le compte n'y est pas ...

Malgré le financement intégral du coût des vaccins, le financement à 50 % des masques à l'usage des collectivités, l'étalement des charges liées à la crise et le mécanisme de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales, les finances des communes sont à l'agonie du fait des surcoûts liés aux centres de vaccination.

Vous avez créé le fonds d'intervention régional (FIR) des ARS afin de financer les surcoûts des centres de vaccination : 60 millions d'euros ont été affectés, soit 50 000 euros pour un centre de vaccination de taille moyenne et pour six mois. Ces fonds devaient permettre la prise en charge des moyens de fonctionnement tels que le secrétariat, la coordination, l'accueil ainsi que la mobilisation des agents nécessaires. Mais, à ce jour, les communes n'ont rien touché, malgré leurs relances auprès des ARS.

Les communes se sont fortement investies pour protéger nos concitoyens, mais les dépenses « Covid » pèsent lourdement sur leurs finances, alors que leurs capacités d'investissement sont largement obérées.

Il y a urgence : les dotations forfaitaires promises par le Gouvernement se font attendre et paraissent déjà insuffisantes.

Avec la troisième dose, les élus s'inquiètent. Le Gouvernement les entendra-t-il alors qu'ils demandent une compensation intégrale des dépenses ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Les communes peuvent recourir au FIR. Le directeur de chaque ARS peut ainsi financer les dépenses de fonctionnement des centres de vaccination.

Afin de l'adapter aux situations locales, le cadre du FIR a été actualisé par circulaire. Sont ainsi pris en charge les frais de gestion du centre, les investissements et le transport de patients âgés ou isolés. Les dépenses liées à l'embauche de vacataires ou les heures supplémentaires des agents travaillant dans le centre de vaccination sont également compensées. En revanche, la mise à disposition d'agents d'autres services pour le centre de vaccination n'est pas remboursée par l'ARS, car ces dépenses auraient dans tous les cas été supportées par la collectivité.

Le montant de 50 000 euros correspond à un fonds d'amorçage. Naturellement, les montants réels seront ajustés en fonction des dépenses constatées.

Si des communes n'ont pas reçu les versements attendus, je vous invite à vous rapprocher de mes services.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Je prends bonne note de votre réponse et vous remercie.

Prise en charge de médicaments contre la migraine

M. Patrick Kanner .  - La migraine n'est pas un simple mal de tête ; elle peut être source de retentissements anxieux et elle altère sévèrement la qualité de vie des personnes qui en souffrent.

C'est la maladie neurologique chronique la plus fréquente dans le monde et la première cause de handicap chez les adultes de moins de 50 ans. La migraine sévère est responsable de coûts indirects, dus à une consommation de soins souvent inadaptée et à une nette réduction de la productivité professionnelle.

Alors que les traitements classiques ne suffisent plus, les anticorps monoclonaux anti-CGRP offrent de nouveaux traitements. Ces médicaments bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) européen. Au CHU de Lille, des tests ont été réalisés avec succès.

L'efficacité de cette classe médicamenteuse n'est pas contestée, mais le Gouvernement a décidé de ne pas les rembourser, contrairement au Danemark, à la Slovaquie, à l'Italie, à l'Allemagne, à la Belgique, à l'Espagne ou au Luxembourg, 23 pays au total. Je rappelle que le traitement coûte 500 euros pour le premier mois et 245 euros pour les suivants.

Alors que cette classe médicamenteuse est réservée à une minorité de patients migraineux, essentiellement féminins, en échec avec les médicaments classiques, pourquoi le Gouvernement refuse-t-il cette prise en charge ?

Je vous ai adressé une question écrite le 21 janvier dernier et n'ai toujours pas eu de réponse.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La migraine est une maladie invalidante aux conséquences lourdes, vous avez raison.

Lorsqu'un médicament dispose d'une AMM, l'exploitant doit déposer une demande d'inscription sur les listes de remboursement. La commission spécialisée de la Haute Autorité de santé (HAS) rend un avis favorable à son inscription, puis les négociations tarifaires engagées entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et l'entreprise s'engagent.

La commission de la transparence (CT) de la HAS rend ses avis sur la base de comparateurs pertinents. Or la CT a estimé que l'amélioration de service médical rendu pour ces anti-CGRP est de niveau 5, ce qui signifie qu'ils n'apportent pas d'amélioration par rapport aux médicaments actuellement disponibles. En outre, leur coût est bien plus élevé du fait des prétentions tarifaires des laboratoires. C'est pourquoi les trois antimigraineux anti-CGRP n'ont pas été inscrits sur les listes des médicaments remboursables.

SOS Médecins France

Mme Martine Filleul .  - Depuis septembre, SOS Médecins France alerte sur le manque de moyens alloués aux interventions médicales à domicile depuis une quinzaine d'années, ce qui participe à l'engorgement des urgences. Ainsi, 100 % des structures SOS Médecins ont connu un arrêt total d'activité, une première dans notre pays.

La mobilisation porte sur trois revendications : augmentation de la valeur de la visite urgente en semaine à 57,60 euros, alignement de l'indemnité de déplacement à 10 euros du lundi au dimanche, de jour comme de nuit, et intégration des médecins de SOS Médecins France à toutes les revalorisations de la profession.

Récemment, une revalorisation sous conditions a été octroyée par l'assurance maladie pour certaines visites à domicile. Cette mesure symbolique ne concerne pas les visites à domicile réalisées par les 1 300 médecins libéraux de SOS Médecins. Dans le département du Nord, SOS Médecins est parfois le seul moyen d'accéder aux soins, du fait de la désertification médicale.

Allez-vous répondre au SOS de ces professionnels de santé ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Nous saluons l'engagement de ces médecins au service de la permanence des soins.

En juillet, l'assurance maladie et les syndicats des médecins libéraux ont signé un neuvième avenant à la convention nationale de 2016 afin de revaloriser la rémunération des médecins libéraux s'engageant dans le service d'accès aux soins, au sein duquel SOS Médecins aura naturellement une place importante. De plus, les astreintes des médecins participant à la permanence des soins ambulatoire seront revalorisées de 20 % dès 2022.

Les contours de la prochaine convention médicale vont être définis en 2022 pour une mise en oeuvre au premier trimestre 2023. Il sera essentiel de reconnaître l'implication de ces professionnels, notamment pour la visite à domicile.

Le dialogue social entre le ministère, l'assurance maladie et SOS Médecins se poursuit sous les meilleurs auspices.

Mme Martine Filleul.  - Merci pour cet engagement, mais les paroles devront être suivies d'actes. Nous y veillerons.

Immunoglobulines humaines polyvalentes

Mme Catherine Deroche .  - Les immunoglobulines humaines polyvalentes constituent une thérapie majeure dans la prise en charge des maladies neuromusculaires.

Il est important d'appliquer les recommandations de l'ANSM sur la hiérarchisation des indications pour préserver les d'immunoglobulines françaises et lutter contre les pénuries de ce médicament précieux. Or ces recommandations, qui datent de 2018, ne sont pas suivies sur tout le territoire. Comme M. Patrick Kanner, j'ai adressé une question écrite à vos services et j'attends toujours une réponse.

Où en est-on ? Ces recommandations doivent être déployées sur tout le territoire.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Les immunoglobulines humaines polyvalentes sont utilisées pour compenser les déficits immunitaires primitifs ou acquis et traiter certaines affections aiguës ou chroniques, notamment neurologiques. Les récentes données indiquent une forte augmentation de leur utilisation en raison d'évolutions de prescriptions et de nouvelles populations éligibles aux traitements.

Les tensions sur l'approvisionnement augmentent, d'autant que la pandémie a diminué les quantités de plasma prélevées.

Depuis 2018, des associations de patients participent aux travaux de réflexion sur les immunoglobulines. Les ARS et les Observatoires des médicaments et des innovations thérapeutiques (OMéDITS) effectuent depuis 2008 un suivi régulier des recours aux immunoglobulines et des indications cliniques associées et publient des fiches de bon usage. Ces informations sont diffusées le plus largement possible.

Tous les moyens à notre disposition sont employés.

Mme Catherine Deroche.  - Lors de la table ronde organisée dans les Pays de la Loire, le représentant de l'ARS n'avait pas l'air très au courant... Il faut que les ARS martèlent ces recommandations sur tout le territoire.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « la contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires ».

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vaste sujet...

Mes questions vous paraîtront probablement peu originales : je les avais posées l'an dernier à M. Joël Giraud.

Ma première question concerne le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Je remercie le président Raynal pour le travail réalisé sur ce sujet. On le sait, le Sénat prône un rééquilibrage en faveur des communes qui se sont senties lésées. (M. Claude Raynal approuve.) Que prévoit le Gouvernement ?

Ma deuxième question concerne le déficit de recettes des collectivités. Le Gouvernement a maintenu la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais la crise sanitaire a fortement impacté les recettes de fonctionnement. Les maires de mon département, comme beaucoup d'autres, nous alertent. Ces communes ne doivent pas être les oubliées de la crise.

Enfin, sur le texte 3DS, je rappelle votre engagement à prendre en compte les 50 propositions du Sénat. Il faut renforcer l'État territorial et la place de coordinateur du préfet de département. Or, bien souvent, nous avons la désagréable surprise de vous voir lui préférer le préfet de région. Les collectivités territoriales attendent plus de proximité.

Entendez la voix du Sénat, pour plus d'agilité et d'efficacité au service de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - À l'heure d'une campagne présidentielle où fleurissent les propositions, ce débat a toute sa place ici.

La façon dont l'État agit n'est pas satisfaisante. Les maisons France services se sont certes développées, mais leur déploiement est inégal et tant l'illectronisme que les retards de déploiement de la fibre en montrent les limites.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a connu des retards à l'allumage. L'appui que les territoires recherchent n'est pas uniquement financier : ils ont aussi besoin d'ingénierie.

Nous, écologistes, pensons global et agissons local. Nous alertons depuis longtemps sur la recentralisation et la déconcentration qui perturbent l'autonomie de nos territoires.

Le nombre et les pouvoirs des préfets se multiplient, aggravant la mainmise de l'État déconcentré, comme sur l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Le couple maire-préfet n'a de sens que si le maire a de réels pouvoirs. Certains revendiquent ce pouvoir pour interdire les éoliennes, mais le refusent lorsqu'il s'agit de lutter contre les épandages ou d'interdire la chasse le week-end. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

Le soutien est avant tout financier. C'est ainsi que l'État, via les pôles territoriaux de coopération économique, va concourir financièrement à des projets coopératifs économiques et solidaires territoriaux.

Lors du dernier projet de loi de finances, plusieurs amendements ont permis d'accompagner la métropole d'Aix-Marseille, par exemple dans le transport, le logement, la rénovation des écoles. Pour autant, si la métropole a tant besoin d'aide, c'est parce qu'elle est de plus en plus démunie.

Plus qu'un pacte de gouvernance, il faut une nouvelle vision de l'organisation territoriale, bâtie et pensée avec nos collectivités. Les politiques de soutien sont encore trop centralisées.

Couverture 4G, rendez-vous médicaux, desserte TER... Voilà les vraies attentes de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Ce débat ne porte pas sur les compétences des collectivités territoriales, mais sur l'appui que l'État et ses opérateurs leur apportent.

L'enjeu démocratique réside dans la conciliation entre intérêt local et intérêt général. Financements et pouvoirs se sont concentrés dans les métropoles ; les périphéries n'ont pas bénéficié du ruissellement et n'auront pu s'exprimer que sur les ronds-points...

La crise démocratique n'a pas été résorbée par l'exécutif pendant ce quinquennat et la loi 3DS ne fera pas bouger les lignes. C'est en réalité une loi de désengagement de l'État de sa responsabilité d'aménageur, par exemple sur les routes et les petites liaisons ferroviaires. Nous l'avons refusé au Sénat : l'État doit relier les territoires et non les segmenter.

Le Gouvernement n'a pas répondu aux attentes des collectivités territoriales sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont la stabilité est trompeuse. La nationalisation de la taxe d'habitation a coupé le lien entre fiscalité et territoires. De nombreuses collectivités ont subi des effets de ciseaux avec la dotation de solidarité rurale (DSR) ou le fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Le recentrage de la DETR pose la question de sa vocation généraliste. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) doivent être pérennisées. L'État a revu à la baisse son soutien à la construction et s'est progressivement désengagé de la production de logements abordables.

Désormais, les politiques d'appui passent essentiellement par la contractualisation. C'est cette logique de guichet qui a prévalu lors de la création de l'ANCT - mais son fonctionnement n'est pas optimal et ses moyens insuffisants. Communes et intercommunalités sans ingénierie restent à l'écart des financements.

Les opérateurs de l'État voient leurs moyens baisser. Certains, comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), sont directement menacés.

Les élus ne veulent pas moins d'État, mais mieux d'État.

Enfin, au-delà de l'appui aux collectivités territoriales, nous avons besoin d'une déclinaison efficace des politiques nationales, qui respecte le principe d'égalité devant le service public. Je pense à l'hôpital public soumis au dogme de la rentabilité, à la couverture numérique, aux crèches, aux gares, etc. Les maisons France Services gèrent la pénurie alors que des pans de l'économie sont privatisés.

Nous avons besoin d'une loi d'aménagement du territoire, bâtie autour de trois piliers : habiter, travailler et vivre sur un territoire. Tel sera le chantier du prochain quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le débat porte sur une thématique chère au Sénat : comment favoriser la cohésion en prenant en compte les réalités locales ?

Banque des territoires, programmes « Action coeur de villes », « Petites villes de demain », plan Avenir Montagnes : les dispositifs sont variés.

Mais ces politiques d'appui ne sont pas une panacée. Elles sont complexes à mettre en oeuvre pour les petites communes. Demander une subvention, c'est une épreuve en solitaire dans la jungle administrative ! Une municipalité peut manquer des ressources humaines pour répondre à un appel à projets. Comment le préfet, en sa qualité de délégué territorial de l'ANCT, pourrait-il y remédier ?

Le Sénat a formulé des préconisations lors de l'examen du projet de loi 3DS, comme un formulaire Cerfa unique de demande de subvention. Il faut laisser plus de liberté aux communes dans leurs choix de compétences : le Sénat l'avait proposé en matière d'eau et d'assainissement. (Approbation sur les travées du groupe Les Républicains) C'est facile et ne coûte rien : j'espère une évolution du Gouvernement sur ce point.

Enfin, la loi Gemapi doit être révisée : les territoires de montagne ne peuvent financer toute la vallée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le projet de loi de finances pour 2022 aurait dû être l'occasion de faire le bilan du quinquennat sur l'aménagement du territoire.

La relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales repose sur trois piliers : clarté et stabilité de la norme ; péréquation territoriale ; accompagnement humain, juridique et financier des territoires les plus défavorisés. Sur ce dernier point, le RDSE se réjouit de la hausse des effectifs de l'État dans les départements, après une baisse constante depuis 2007.

Cependant, le Cerema a perdu 700 postes en sept ans, une véritable hémorragie. Cette cure d'austérité doit cesser.

Le RDSE a soutenu la création de l'ANCT qui monte progressivement en puissance. Les élus sont impatients, après des décennies d'abandon de la politique d'aménagement du territoire et la priorité octroyée aux métropoles.

Un effort particulier doit être réalisé en matière d'ingénierie, bien au-delà des 20 millions d'euros actuellement proposés - pour 750 projets en 2021 -, dont la moitié va à des prestataires privés.

Mettons un terme à la concurrence entre territoires via les appels à projets : les programmes de l'ANCT excluent certains territoires qui n'ont pas les moyens de monter des dossiers. Il faut plus de moyens pour rattraper les effets du retrait de l'État.

En Occitanie, seules 225 communes sont labellisées « Petites villes de demain », alors que le programme « bourgs-centres » de la région bénéficie à 501 communes... Que fait-on des communes oubliées ? Il faut mieux identifier les bénéficiaires des programmes.

Les collectivités territoriales attendent un accompagnement effectif pour maintenir les bassins de vie, faciliter l'accès aux services publics, se développer. En somme, de l'équité et de la cohésion territoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mardi dernier, comme président de la commission des finances, je regrettais que nous nous privions d'une séquence budgétaire toujours utile. J'aborderai donc la séquence qui s'ouvre comme rapporteur spécial sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

La suppression de la taxe d'habitation a porté un coup supplémentaire à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Les EPCI ont perdu 7,1 milliards de recettes en échange d'une fraction de TVA sur laquelle ils n'ont aucun pouvoir de taux. Quant à la réforme des impôts de production, elle porte sur 3,2 milliards d'euros. Au total, la part des recettes fiscales sur laquelle nos collectivités territoriales conserveraient un pouvoir de taux ou d'assiette s'établirait à 62 % pour le bloc communal, 33 % pour les départements et 10,6 % pour les régions.

Les ressources issues de la fiscalité directe locale diminuent chaque année au profit de concours de l'État, souvent discrétionnaires. Les principaux concours versés aux collectivités par l'État -  DSIL, DETR, etc.  - sont en réalité des subventions d'équipement pour un montant total de 2 milliards d'euros en 2021, hors plan de relance.

Sans oublier les aides des différentes agences de l'État -  Ademe, ANCT, ANRU...  - qui s'établissent à 5 milliards d'euros. Ces aides sont complexes ; leurs critères souvent rigides. La Cour des comptes considérait en mai dernier que ces différents programmes étaient révélateurs d'une certaine imprécision dans la stratégie de l'État.

En voulant mettre en place une politique d'encadrement budgétaire des collectivités, l'État organise l'aménagement et la cohésion des territoires, en ne leur laissant qu'une marge de manoeuvre réduite.

Des consignes de mobilisation des dotations au bénéfice des partenariats ont été passées. En actant la suppression de la fraction libre d'emploi de la DSIL, le projet de loi de finances pour 2022 s'inscrit dans cette logique, qui tend à faire des collectivités territoriales les bras armés de l'État.

On comprend que l'État flèche des priorités, mais laissons les élus impulser des politiques adaptées à leur territoire. Aujourd'hui, ils sont souvent jugés sur des politiques décidées par l'État !

M. Laurent Duplomb.  - Tout à fait !

M. Claude Raynal.  - N'est-il pas temps de trouver le bon équilibre entre subventions fléchées et financements libres d'emploi ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On ne saurait minimiser l'appui de l'État, qui est primordial, tout particulièrement en période de crise. Mais cette action doit être efficace et pérenne. Quelles sont les attentes des collectivités ? Quelle est la stratégie de l'État ?

Les collectivités territoriales ont besoin d'un dispositif proche, global, transparent et qui les accompagne sans se substituer à elles.

La création de l'ANCT, issue de la proposition de loi de notre collègue Requier, constitue une nouvelle étape significative. En 2016 déjà, Hervé Maurey et moi-même appelions un tel organisme de nos voeux. Les élus sont satisfaits de disposer de ce guichet unique.

Il faut maintenant une approche transversale, pour faire du cousu main et permettre le partage d'expérience. L'innovation publique locale ne doit pas être découragée.

La contractualisation repose sur les contrats de plan État-Région (CPER) et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). On ne saurait oublier les ZRR dont nous attendons avec impatience la constitution des groupes de travail. La durée des CRTE doit être alignée sur un mandat.

La crise sanitaire et économique a mis en exergue le rôle clé des collectivités territoriales aux côtés de l'État pour gérer l'urgence.

La politique d'appui aux collectivités territoriales doit reposer sur un cadre souple, une politique contractuelle lisible et un engagement dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je veux évoquer quatre sujets concrets : les CRTE, tout d'abord. Certains préfets traitent uniquement avec les présidents d'EPCI, en oubliant les maires. Serait-ce la fin du couple maire-préfet, tant vanté par le Président de la République ?

Les conseillers numériques, ensuite : les premiers sont arrivés sur le terrain pour aider les collectivités territoriales à lutter contre l'illectronisme. Quelque 250 millions d'euros ont été prévus en 2021, mais quid du financement de ces emplois au-delà des trois années de contrat ? Le financement de leur formation est également problématique : qui prend en charge les frais de déplacement ?

De nombreuses communes ont monté des opérations scolaires ou périscolaires avec des agents de plus de 50 ans en contrats aidés. Mais ces publics ne sont plus considérés comme prioritaires et leurs contrats ne peuvent être renouvelés. Pôle Emploi ne pourrait-il faire preuve d'un peu de souplesse ?

Les régisseurs municipaux ne peuvent plus déposer leurs recettes auprès de la trésorerie départementale, mais dans un bureau ou une agence postale - c'est le cas en Moselle. Le recomptage contradictoire immédiat a disparu et l'éventuelle différence est imputée au régisseur, sur ses deniers personnels. L'État doit exiger de La Poste un retour du recomptage contradictoire, sans quoi nous ne trouverons plus aucun agent pour exercer la fonction de régisseur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les collectivités territoriales ont été particulièrement sollicitées au cours de la crise sanitaire. Elles le seront aussi pour la transition écologique et ont besoin d'élaborer une stratégie de développement durable et résilient. Pour cela, il leur faut de l'ingénierie ; mais les plus petites d'entre elles, notamment rurales, manquent de moyens et ont besoin de l'expertise de l'État.

L'ANCT a été créée dans cet esprit, pour être une « fabrique de projets », mais ses moyens financiers et humains demeurent insuffisants. Avec 400 projets soutenus en 2021 et 500 en 2022 et 2023, on est loin des besoins des 25 000 communes de moins de 1 000 habitants. Et quid des collectivités territoriales qui n'entrent dans aucun dispositif ?

Les politiques de labellisation et les contrats de ruralité sont très complexes et peu lisibles pour les collectivités territoriales. Quand l'accès aux aides de l'État est si laborieux qu'il en devient inaccessible aux collectivités territoriales qui en ont le plus besoin, on frôle l'absurde. Il faut une action ciblée et renforcée en direction des territoires les plus en détresse.

La décentralisation ne doit pas être synonyme de désengagement ni de dessaisissement de l'État. Celui-ci doit conserver un rôle éminemment stratégique, au service de la cohésion et de l'équité territoriales.

De ce point de vue, on ne peut que regretter le mandat pour rien du Haut-Commissariat au plan, véritable coquille vide.

Le développement nécessaire - mais anarchique - des éoliennes et les problèmes spécifiques des communes littorales avec le retrait du trait de côte sont des exemples du besoin d'appui des collectivités territoriales.

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici qu'on reparle d'aménagement et de cohésion des territoires... Plutôt que de ZRR, on devrait parler de zones de frustration rurale ou de zones de libertés locales à développer.

Les élus attendent plus d'écoute et de confiance, notamment pour construire. Les règles des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) de 2021 désavantagent les territoires ruraux. Les élus locaux doivent pouvoir construire, ou ne pas construire. Sur les éoliennes, le dernier mot doit leur revenir. Le débat n'est pas de savoir si les architectes des bâtiments de France (ABF) ont raison ou tort : mais que de temps perdu et de découragement dans la France de Viollet-le-Duc !

Donnons-nous les moyens d'accueillir. Où en sont les 5 000 pylônes de téléphonie mobile promis ? Arrêtons les fermetures de classes, de services publics ou d'officines sans repreneur immédiat ! Il faut laisser vivre tout ce qu'on peut.

La démographie médicale est un sujet qui ne peut pas attendre dix ans. Il faut ouvrir les vannes des écoles d'infirmiers et de sages-femmes. Cela ne coûte rien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Si !

M. Bruno Belin.  - La France des frustrations doit devenir la France des espérances ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

MM. Bruno Sido et Laurent Duplomb.  - Bravo !

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) De tout temps, l'aménagement du territoire a été un sujet majeur. Aujourd'hui, il doit tenir compte du dérèglement climatique. La loi Climat et résilience ou le projet de loi 3DS ont déchaîné les passions : l'artificialisation des sols, la question des espaces préservés sont des sujets désormais très débattus.

En Loire-Atlantique, le pays de Retz, la Côte d'Amour ou la Côte Sauvage sont concernés. Pornic voit sa population augmenter de 1,5 % par an - cela s'est accentué depuis dix-huit mois à la faveur de la pandémie. Or cette commune subit de plus en plus de tempêtes, inondations, montées des eaux et les possibilités de construction y sont restreintes.

Les communes littorales sont soumises à de nombreuses lois - Littoral, ELAN, ALUR, Climat et résilience, 3DS, etc. -, qui, pour la grande majorité, vont dans le bon sens. Mais s'il est évident qu'il faut réduire l'artificialisation des sols, il faut aussi pouvoir accueillir les nouveaux venus et permettre à nos concitoyens de vivre là où ils sont nés.

Nos élus locaux sont parfois insultés, voire menacés, quand des immeubles sont construits, notamment pour respecter les pourcentages minimaux de logements sociaux.

Il faut une véritable différenciation sur les territoires. La France est riche de sa diversité. Faisons confiance aux acteurs de proximité ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le thème de ce débat est très important. En cette période d'examen du projet de loi 3DS à l'Assemblée nationale, je tenais à être présente au Sénat pour échanger avec vous.

La politique de cohésion des territoires passe par la volonté de construire ensemble des projets.

L'État considère qu'il a une mission d'appui aux collectivités dans l'aménagement de leurs territoires ; mais qu'il a aussi une mission d'aménagement du territoire national, dans une logique de subsidiarité.

L'État travaille toujours de manière partenariale, à l'initiative des collectivités territoriales. Claude Raynal évoquait les financements des différentes politiques publiques insufflées par l'État sur les territoires. Ces politiques -  « Action coeur de ville », « Petites villes de demain »... - sont appréciées.

En matière de très haut débit, le développement de la fibre réalisé par l'État était souhaité par les élus, notamment ruraux. Dans le cadre de cette politique partagée, départements et intercommunalités portent souvent des réseaux d'initiative publique (RIP).

Il ne s'agit pas d'imposer des politiques, mais l'État doit prendre ses responsabilités face aux évolutions de la société ou du climat - je pense aux problèmes des communes côtières dont il a été question par exemple. Travaillons ensemble.

La contractualisation est un élément très important. Ainsi, les CRTE se développent - 843 d'entre eux sont en cours.

Un certain nombre de départements, dont la Nièvre, les Ardennes, la Creuse ont vu leur DGF augmenter, malgré la diminution de leur population.

Dans le cadre du plan de relance, les dossiers ont pu avancer, notamment via la DSIL.

Au sein du programme 112, les ressources du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (Fnadt) s'accroissent de 35 millions d'euros pour 2022.

Beaucoup a été fait en deux ans par l'ANCT. Un tiers de son budget, soit 20 millions d'euros, va au financement de l'ingénierie pour aider les collectivités territoriales à concrétiser leurs projets. L'ANCT ne concurrence pas les ingénieries locales ; elle intervient dans une logique de subsidiarité. Ses financements sont bien évidemment ouverts à toutes les collectivités territoriales, madame Filleul. Les aides sont gratuites pour les communes de moins de 3 500 habitants et les intercommunalités de moins de 15 000 habitants : la ruralité dans son ensemble peut donc bien en bénéficier.

Le Gouvernement est favorable à la prolongation des zonages des ZRR jusqu'en décembre 2023. Sur le texte en discussion en commission à l'Assemblée nationale, nous déposerons donc un amendement concernant la politique de la ville, pour réparer un oubli.

Monsieur Darnaud, le rapport sur le FPIC est paru. Nous envisageons de reprendre par amendements certaines mesures proposées par le Sénat, notamment sur les garanties de sortie.

Je reviens au projet de loi 3DS : je suis entièrement d'accord avec vous sur le renforcement du préfet de département, même s'il est prévu que le préfet de région soit le délégué territorial de l'Ademe, dont l'organisation est régionale.

J'espère un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Mme Varaillas m'a accusée de métropolisation... Ce n'est pas sous ce quinquennat que la loi créant les métropoles a été adoptée ! (M. Laurent Duplomb proteste.)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous ne les avons jamais votées !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Soyons réalistes : les métropoles sont une réalité. Je ne comprends pas cet acharnement à opposer les métropoles aux zones rurales et aux périphéries. Traitons les sujets qui doivent l'être !

Ne nous reprochez pas non plus de nous désengager, sur la question des routes : nous achevons le travail engagé par Jean-Pierre Raffarin... Encore est-ce seulement pour les départements volontaires.

Dans le budget que vous n'examinerez pas, l'État versera 500 millions d'euros à La Poste pour qu'elle continue à assurer ce service public sur les territoires, madame Varaillas. Est-ce là un désengagement ?

M. Daniel Chasseing .  - Les politiques d'appui aux collectivités sont nécessaires sur tout le territoire mais elles doivent être amplifiées dans les territoires ruraux, soit 80 % de notre pays et 30 % de la population, pour y maintenir la vie et réduire les inégalités.

Il faut notamment accompagner la réindustrialisation des zones rurales et la diversification des activités agricoles grâce à l'irrigation. Nous avons besoin de préfets développeurs. L'artificialisation des sols doit être différenciée entre territoires ruraux et urbains.

Le Gouvernement souhaite-t-il des ZRR mieux ciblées après 2022 et une plus grande différenciation en matière d'artificialisation ?

Il faut aussi un médecin par maison de santé. Suivrez-vous les préconisations du Sénat en la matière ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je connais votre attachement aux ZRR, monsieur Chasseing. Nous avons accepté le prolongement d'un an des zonages pour continuer à réfléchir, avec les sénateurs Frédérique Espagnac, Bernard Delcros et Rémy Pointereau, aux évolutions les plus pertinentes.

La question de l'eau devient de plus en plus importante. Nous savons ce qui s'est passé dernièrement dans les Deux-Sèvres ou dans le Lot-et-Garonne.

M. Laurent Duplomb.  - C'est inadmissible !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Il faut avancer sur ce sujet vital et éviter les oppositions stériles.

Mme Else Joseph .  - Nos collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées en ces temps de crise. Un appui renforcé est donc indispensable. Or beaucoup de petites collectivités territoriales souffrent d'un défaut d'ingénierie. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne en ce domaine.

Environ 30 000 communes et intercommunalités n'ont pas les moyens de se doter d'un service d'ingénierie. Les plus petites communes doivent être associées aux politiques mises en place. Nous resterons vigilants pour que les maires puissent bénéficier d'un soutien.

Le calcul des dotations et de la péréquation doit tenir compte des spécificités rurales.

Comment comptez-vous permettre aux petites communes rurales de bénéficier concrètement des politiques engagées afin qu'elles puissent mener à bien leurs projets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'ANCT a été conçue pour aider les communes rurales. Elle peut répondre à des besoins très spécifiques, et son aide est gratuite pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les intercommunalités de moins 15 000 habitants.

J'ai tenu à ce que « Petites villes de demain », ne fixe pas de seuil démographique, afin que des petites communes qui ont une fonction de centralité puissent bénéficier de ce programme.

Enfin, 800 volontaires territoriaux en administration (VTA), financés par l'État, aident à monter les projets des communes.

M. Guillaume Gontard .  - Depuis vingt ans, les gouvernements successifs n'ont cessé de rogner sur l'autonomie fiscale des collectivités. Mais ce Gouvernement a battu des records avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, soit 30 % de recettes que les élus locaux ne peuvent plus moduler. Dans le même temps, les transferts de compétences se multiplient...

L'État coupe le robinet en direction des collectivités territoriales tout en insistant sur leur rôle essentiel dans tous les domaines. Il les contraint même dans leur capacité à moduler les taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires !

Pourquoi priver les communes de l'un des rares leviers financiers qui leur restent ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Président de la République a tenu son engagement en matière de suppression de la taxe d'habitation. Les Français s'y retrouvent en matière de pouvoir d'achat et la compensation est assurée à l'euro près.

Sur les résidences secondaires, l'évolution du taux est encadrée par une règle qui existe depuis le début de la décentralisation : il n'y a donc rien de nouveau. En revanche, une réflexion sur les logements vacants est nécessaire.

M. Guillaume Gontard.  - Vous ne m'avez pas répondu sur l'autonomie fiscale.

En réalité, vous protégez les intérêts des multipropriétaires. (Mme la ministre lève les bras au ciel.) C'est fort regrettable.

Mme Cécile Cukierman .  - Comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous fêterons dans quelques jours les deux ans de l'ANCT. Il n'en reste pas moins que les maires ont du mal à savoir qui fait quoi en matière d'ingénierie. Lors du congrès des maires, un élu local m'a dit que pour solliciter de l'ingénierie, il fallait de l'ingénierie...

Saisir l'ANCT n'est pas toujours si facile... Comment y arriver concrètement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire connaître l'ANCT. Son directeur général se déplace beaucoup, les préfets organisent des réunions pour la présenter... Aujourd'hui, l'agence aide pas moins de 700 petites communes.

Je viens d'un département rural ; il faut que les maires osent demander de l'aide. L'intercommunalité a aussi un rôle à jouer dans ce domaine.

Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et le Cerema, désormais ouvert aux collectivités, sont les partenaires de l'ANCT.

Merci aussi à vous de faire connaître l'ANCT.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous avons besoin de travailler ensemble. Les maires se retrouvent dans la situation du jeune demandeur d'emploi à qui on demande dix ans d'expérience.

M. Stéphane Demilly .  - (M. Michel Canévet applaudit.) En 2021, 11 % des Français n'ont pas un accès aisé aux soins - contre 7 % en 2012. Les raisons sont nombreuses : absence d'anticipation des gouvernements successifs, départs massifs à la retraite de médecins et peur de froisser un lobby médical politiquement sensible. Des mesures ont été mises en place mais elles relevaient plus de l'homéopathie que de la médecine d'urgence. Même l'égalité des soins dont la France s'enorgueillissait se délite : un médecin pour 400 habitants dans les Alpes-Maritimes - un pour 1 000 dans l'Eure ou en Seine-et-Marne.

Un tiers des généralistes ont plus de 60 ans. Pompon du palmarès : il faut 80 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, plusieurs mois dans la Somme.

Le temps des rapports, des constats et des « mesurettes » doit laisser place à un véritable plan Marshall. Il faut de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace ! Répondez aux oubliés de la santé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur plusieurs travées du RDSE)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Merci d'avoir posé votre question de cette façon. Sur tous les territoires, la problématique de la démographie médicale s'est installée au coeur des préoccupations. En augmentant les places en formation, nous résoudrons le problème à terme, mais cela prend du temps : cinq ans pour les infirmiers, dix ans pour les médecins.

L'État a lancé un programme de 400 médecins salariés - il y en a actuellement 200, faute de candidats. Nous encourageons les médecins à prendre des stagiaires avec eux et nous avons augmenté la prime des internes.

La Saône-et-Loire a embauché des médecins salariés sur trois ans, espérant qu'une partie d'entre eux s'installera définitivement.

L'articulation entre hôpital et médecine de ville est également importante.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (M. Joël Bigot applaudit.) Dans le Pas-de-Calais, l'ancien bassin minier regroupe les communes les plus pauvres de France. Pour faire face au Covid, les collectivités territoriales ont augmenté leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement en achetant des détecteurs de CO2, des masques, des gants ou encore des purificateurs d'air. Selon la direction générale des collectivités territoriales, les besoins de financement des collectivités se sont élevés à plus d'un demi-milliard d'euros en 2020 tandis que les investissements des communes diminuaient. Les 890 communes du Pas-de-Calais me sollicitent souvent à ce propos.

En outre, les maires s'inquiètent des hausses annoncées pour 2022 : à partir du 1er janvier, le ciment augmentera de 10 %, la laine de roche et l'aluminium de 20 %. N'oublions pas non plus la hausse du prix de l'énergie qui impacte les budgets de fonctionnement des collectivités.

Qu'envisage le Gouvernement pour faire face aux dépenses locales ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est à cela que servent les débats budgétaires... quand ils ont lieu. La hausse des matières premières ne va pas renchérir les devis déjà signés mais les contrats à venir.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de la DSIL de plus de 300 millions d'euros. La DETR s'élève déjà à plus de 1 milliard d'euros - ce n'est pas rien !

Les impôts fonciers bénéficieront d'une revalorisation de la base locative à hauteur de l'inflation, soit 3,2 % en 2022, rapportant 1 milliard d'euros supplémentaires aux communes et aux intercommunalités. Quant à la TVA, les départements devraient voir leurs recettes augmenter de 815 millions et les régions de 800 millions d'euros.

Nous sommes vraiment à l'écoute des collectivités territoriales. À l'occasion du projet de loi de finances, nous avons décidé de prolonger le dispositif de l'année dernière en faveur des régies municipales.

M. Éric Kerrouche .  - La suppression de la taxe d'habitation est une mauvaise idée tant du point de vue de l'autonomie des collectivités territoriales que de la justice sociale : les 80 % des ménages les plus modestes bénéficient de 57 % de la baisse, soit 555 euros en moyenne, et les 20 % les plus aisés de 43 %, soit 1 158 euros en moyenne !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est toujours un gain !

M. Éric Kerrouche.  - Près de 40 % des 1 500 élus que nous avons interrogés avec Agnès Canayer pour le rapport de la délégation aux collectivités territoriales considèrent le niveau d'ingénierie comme ni bon ni mauvais ; la moitié font appel au département ou à leur EPCI lors du lancement d'un projet complexe, moins de 50 % des répondants connaissent l'ANCT et 22 % ont fait appel à elle.

Comment développer cette agence ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement voulait que la suppression de la taxe d'habitation bénéficie à 80 % de la population - le Conseil constitutionnel en a décidé autrement.

L'ANCT est déconcentrée, puisque c'est le préfet, voire le sous-préfet secondé par la Direction départementale des territoires (DDT) ou la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), qui est en charge de l'ingénierie.

L'agence envoie ses publications dans les mairies ; elle a eu un stand au Congrès des maires...

L'agence porte des politiques publiques importantes comme le plan Montagne.

Le travail se poursuit donc.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - La recentralisation du RSA est expérimentée - mais elle ne fait pas l'unanimité chez les présidents des départements, qui considèrent le social comme la raison d'être de l'action départementale.

Pourtant, dans l'Aisne, on voit de grands décalages dans le reste à charge par habitant par rapport à la moyenne nationale, ce qui asphyxie les finances du conseil départemental.

Plutôt qu'une recentralisation, ne croyez-vous pas qu'une péréquation horizontale entre départements serait préférable ? Il s'agit d'un sujet délicat et l'intervention de l'État serait la bienvenue.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'Assemblée des départements de France (ADF) - non sans débats - avait proposé la recentralisation du RSA. Le clivage politique initial a été dépassé, grâce à l'expérimentation.

En Seine-Saint-Denis, le conseil départemental est très satisfait de l'accord portant sur la reprise du RSA par l'État, même si certaines ressources comme les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) lui échappent désormais.

Dans l'Aisne, le taux de la taxe foncière est très élevé : il n'y a donc plus de marges de manoeuvre. Le département souhaite la recentralisation du RSA, mais pas en 2022. D'autres y réfléchissent aussi, comme la Somme ou la Corrèze.

N'oublions pas que les DMTO augmentent en moyenne de 20 à 25 %, ce qui bénéficiera au budget des collectivités.

M. Bruno Rojouan .  - La crise sanitaire a fait redécouvrir à de nombreux Français les charmes de la vie à la campagne ou dans les petites villes. Dans mon département de l'Allier, des biens qui ne trouvaient pas preneurs se vendent désormais.

C'est une chance si les nouveaux habitants, souvent jeunes, restent sur ces territoires. Nous avons d'autant plus besoin de réseaux ferrés et routiers améliorés, de réseaux de fibre et de téléphonie mobile développés. Le new deal mobile doit prendre de l'ampleur. Il faut en finir avec les zones blanches et les fermetures des bureaux de poste et des classes.

L'implantation des maisons France Services ne résout pas tout ; le reste à charge pèse lourd sur les finances des collectivités territoriales qui craignent en outre une inégale implication des opérateurs dans la durée.

Les territoires ruraux se battent chaque jour pour attirer de nouvelles populations ; le soutien de l'État doit être plus important. Beaucoup reste à faire en la matière.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je sais que des zones blanches et grises persistent en matière de couverture en téléphonie mobile. Reconnaissons cependant les efforts des opérateurs. Sur les 5 000 pylônes prévus, 2 987 ont été installés et 1 000 de plus le seront en 2022. En outre, chacun d'entre eux sert à tous les opérateurs. Aujourd'hui, notre pays compte 30 000 pylônes.

L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) est là pour vérifier que le rythme reste bon - c'est ce que confirme un rapport publié en septembre.

À Salbris, en Sologne, il n'est pas facile de faire passer des ondes...

Pas moins de 1 600 communes sont concernées par le programme « Petites villes de demain ». J'y suis très attachée.

M. Daniel Salmon .  - Le rôle des collectivités territoriales est central dans la gestion des déchets. Le Grenelle de l'environnement préconisait qu'elles puissent intégrer une part incitative dans les taxes ou les redevances d'enlèvement. Mais cela reste complexe techniquement, surtout dans les habitats denses.

Pourquoi ne pas prévoir des taxes ou des redevances par secteurs, quartiers ou îlots, définis par les collectivités territoriales elles-mêmes ?

Ce dispositif simple qui fait consensus auprès des associations d'élus pourrait être introduit par amendement dans le projet de loi de finances - que nous n'examinerons malheureusement pas.

Pourriez-vous présenter un tel amendement lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Votre demande est un peu curieuse : vous me demandez de défendre un amendement que vous ne pourrez déposer ! Je ne prendrai pas un tel engagement, d'autant que ce dossier est complexe.

Les redevances incitatives ne font pas l'unanimité, loin de là ! L'usager qui produit moins de déchets paye moins cher, mais élargir cette redevance à tout un quartier dénaturerait son objet même car les ménages les plus économes seraient pénalisés tandis que les gros producteurs de déchets payeraient moins. Une redevance incitative ne peut se concevoir qu'au plus près des usagers. Ce que vous proposez mérite d'être approfondi.

M. Daniel Salmon.  - Ma proposition n'a rien de curieux. Nous devons impérativement réduire nos déchets et il est indispensable d'expérimenter, pour faire face aux tonnes de déchets qui s'accumulent.

Mme Céline Brulin .  - La défense extérieure contre l'incendie (DECI) est un sujet primordial. C'est une épine dans le pied des élus de Seine-Maritime. Certaines communes manquent de foncier pour installer des bâches ou des réserves d'eau enterrées ; pour d'autres, le débit d'eau est insuffisant.

Les dépenses représentent parfois jusqu'à la totalité du budget d'investissement du mandat, sans parler des bureaux d'études qui font monter les enchères. Résultat, des permis de construire ne peuvent être délivrés, des aménagements sont empêchés, renforçant le sentiment d'abandon des petites communes qui se sentent asphyxiées.

La préfecture ne révisera le règlement départemental qu'à la marge, alors que le rapport Maurey-Montaugé montre que les préfectures ne peuvent chiffrer les coûts de mise en conformité. Pouvez-vous le faire ?

Comment soutenir les communes, alors que la part de la DETR consacrée à la DECI est passée de 1 à 8 % depuis 2017 ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je rappelle que les SDIS sont une compétence décentralisée. Le rapport Maurey-Montaugé a mis en évidence les difficultés d'application sur le terrain depuis la réforme de 2015. Je vous confirme que le Gouvernement va se saisir du problème, sans avoir pour autant l'intention de recentraliser cette politique.

En juillet, j'avais donné un avis favorable à un amendement de M. Maurey demandant un rapport au Parlement d'ici juillet 2022 sur ce sujet. Nous verrons, à la lumière de ce rapport, s'il est nécessaire de revoir la décision de 2015, qui a peut-être été source d'inégalités entre départements.

Mme Évelyne Perrot .  - La France a un pouvoir de marché sur la moitié de la flotte aérienne mondiale. Des milliers d'emplois et d'entreprises sous-traitantes s'impliquent dans la transition verte de ce secteur. C'est un stimulant pour l'élévation du niveau scientifique ; économiquement, cela irrigue tout un écosystème : aéroports, compagnies et contrôleurs travaillent dans le même sens.

Nos avions sont de plus en plus sobres mais nous prenons du retard sur la fabrication des e-kérosène fabriqués en capturant du CO2. Quelque 90 aéroports vont devoir investir lourdement pour se verdir ; il faut compenser leurs pertes de recettes liées à la pandémie.

Un soutien limité de l'État permettrait aussi de renouveler la flotte des petits avions qui servent à former les pilotes, ce qui diminuerait les nuisances sonores. Enfin, les pertes de taxe sur les nuisances aériennes bloquent le financement de travaux d'insonorisation, alors que le fret de nuit se développe.

Qu'envisage le Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement est proactif dans le soutien au secteur aérien : le plan de relance consacre 1,57 milliard d'euros à un partenariat entre l'État et les industriels visant à mettre sur le marché un avion vert en 2035.

Nous voulons faire émerger une filière française de petits avions électriques, et misons sur la recherche et développement.

Enfin, conséquence de la crise sanitaire, le manque à gagner de taxes sur les nuisances sonores est de 80 millions d'euros. Nous n'allons pas relever les barèmes au vu des difficultés économiques des compagnies aériennes.

Toutefois, il faut d'urgence faciliter le financement du dispositif d'aide à l'insonorisation : 8 millions d'euros seront dégagés en fin de gestion 2021.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Les élus locaux sont inquiets de la reprise épidémique. La pandémie a révélé les failles de notre société et aggravé les fragilités. Nos communes sont au coeur de la cohésion sociale et territoriale : l'État doit les accompagner, mais l'ambition n'est pas à la hauteur des enjeux.

L'effort sur l'hébergement d'urgence est reconduit en 2022 mais seulement jusqu'à fin mars ! Les élus craignent une rupture dans l'accompagnement.

De plus, la subvention de production de logements très sociaux stagne. La rénovation thermique des logements se heurte à l'importance du reste à charge. La réforme des APL a été défavorable aux jeunes ménages, les crédits de la rénovation urbaine peinent à être engagés.

Ce sont les plus fragiles qui sont touchés.

Notre société fragilisée réclame un grand plan solidarité. Entre le refus de la déconjugalisation de l'AAH, la réforme de l'assurance chômage et la stigmatisation des bénéficiaires du RSA, le bilan du quinquennat n'est pas satisfaisant de ce point de vue.

Que compte faire le Gouvernement pour résorber les fractures de notre pays ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le ministère du logement est indépendant du mien ; ces sujets ont été abordés lors des débats sur le volet logement de la loi 3DS.

Les moyens du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sont passés de 5 à 10 milliards d'euros en 2018, puis à 12 milliards d'euros en janvier 2021, à la suite du comité interministériel des villes. Les travaux ont démarré dans 328 quartiers relevant du NPNRU, contre 210 l'an dernier.

L'hébergement d'urgence voit ses moyens augmenter de 510 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022, ce qui permet de maintenir un parc généraliste de 190 000 places. Depuis 2017, le budget de l'hébergement d'urgence a augmenté de 48 % pour atteindre 2,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022.

La réforme des APL est neutre pour la majorité et bénéficie à 18 % des ménages.

En matière de logement social, nous avons fixé un objectif ambitieux de 250 000 nouveaux agréments pour 2021 et 2022.

M. Hervé Gillé .  - Le CRTE soulève des questions sur sa portée réelle. Il faut une évaluation qualitative pour objectiver son impact en matière d'aménagement du territoire et de transition écologique. Quelle est votre méthodologie et quels sont les objectifs à atteindre ?

Le financement du CRTE est discrétionnaire. L'absence de ligne spécifique, le fléchage prioritaire de la DETR et de la DSIL vers les CRTE inquiète les communes, d'autant que les crédits disponibles ne couvriront pas les demandes.

Les contrats sont prévus pour une durée de six ans, d'où une incertitude de prévisions financières. Le financement du CRTE ne risque-t-il pas de grever plusieurs exercices ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les CRTE sont une enveloppe signée au niveau intercommunal. Il s'agit de rendre lisibles les rapports entre l'État et les collectivités, de financer des projets communaux et intercommunaux, tout en donnant accès aux contrats de relance. Nous les avons signés pour six ans afin de correspondre au mandat municipal.

Des politiques existantes comme France services, « Action Coeur de ville » ou « Petites villes de demain » peuvent bénéficier de cette approche intercommunale.

L'absence de ligne dédiée ne freine pas le déploiement des financements. À date, 360 CRTE et 500 protocoles de préfiguration ont été signés.

En outre, je rappelle que des financements d'autres ministères sont accessibles.

M. Hervé Gillé.  - Mais comment les projets hors CRTE seront-ils financés ? Voilà ce qui inquiète les élus ! En outre, on aurait pu avoir des CRTE différenciés entre régions et départements.

La séance est suspendue quelques instants.

Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ?

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ? ».

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En août 2021, le Président de la République twittait que le rapport du GIEC était sans appel, que la France resterait « du côté de ceux qui agissent ». Mais ce volontarisme apparent se heurte à l'action trop timorée de l'exécutif.

C'est ce qu'illustre le jugement du tribunal administratif de Paris qui a reconnu la responsabilité de l'État dans l'Affaire du Siècle et l'a condamné pour préjudice écologique.

Une étude de Rexecode d'octobre 2021 montre aussi que l'ensemble des crédits affectés au plan de relance, reconduits pendant dix ans, ne suffiraient pas à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre en deçà de 321 millions de tonnes de CO2 en 2030, c'est-à-dire plus que l'objectif de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) inscrit dans la loi.

Pourtant, l'État a tous les outils - réglementaires pour contraindre et politiques et économiques pour inciter : taxes pigouviennes, marché des droits à polluer, subventions à l'innovation...

L'énergie est le principal poste de fiscalité verte.

Mais la question de l'acceptabilité sociale demeure, on l'a vu avec les bonnets routes et les gilets jaunes. Selon le Credoc, en 2021, moins d'un quart des Français est prêt à payer plus de taxes sur les carburants, le gaz ou le fioul pour lutter contre le réchauffement climatique.

Surtout, les Français attendent plus de transparence sur l'utilisation qui est faite des recettes fiscales. Dans Fiscalité carbone et finance climat, un contrat social pour notre temps, Jean-Charles Hourcade et Emmanuel Combet concluent qu'une taxe carbone doit aller de pair avec une baisse des impôts de production et des charges sociales, afin de favoriser la redistribution. Un groupe de travail dirigé par Michel Rocard était arrivé à cette conclusion dès 2009.

Bruno Le Maire a reconnu que le sujet de la fiscalité affectée était central.

Le financement de la transition écologique passe aussi par une réorientation d'une partie de l'épargne privée. L'État a un rôle à jouer pour inciter les investisseurs particuliers en réduisant la prime de risque. Enfin, il faut agir au niveau international, car la distorsion de concurrence favorise les délocalisations et la fuite de carbone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le débat est vaste et pose une bonne question. Parle-t-on de notre politique nationale ou internationale ? Les deux sont liées. Il nous faut nos propres objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité pour être crédibles.

Après l'échec de la COP de Glasgow, l'instauration d'une taxe carbone aux frontières est nécessaire. Elle incitera la Chine à décarboner son économie avant 2030. Mais ce ne sera faisable que si l'Europe tient son objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre pour 2050.

La loi Climat et résilience est loin de l'objectif européen : les intérêts immédiats de court terme l'emportent sur l'intérêt général de long terme, y compris sur ces bancs. La loi de finances pour 2022 en est l'illustration.

La future stratégie énergie-climat, dont le socle sera la loi de programmation Énergie climat, sera la feuille de route nationale. Elle se déclinera dans la SNBC, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, dans le plan national d'adaptation au changement climatique.

Il reste deux ans pour tout remettre à plat. Le débat ne pourra se résumer à la confrontation entre pro et anti-nucléaire : il ne faudra occulter aucun sujet. J'ai noté, chez l'oratrice précédente, le soutien de la droite à une hausse de la taxe carbone !

Les opérateurs de l'État -  Ademe, Cerema, Météo-France et autres - voient leurs effectifs se réduire année après année. Nous devons impérativement engager des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Les acteurs doivent se parler, élaborer des stratégies communes.

C'est au niveau des collectivités territoriales que se joue une grande partie de la transition. C'est pourquoi le Sénat propose d'affecter une part de TICPE aux collectivités territoriales ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) - une forme de dotation climat des collectivités.

Les émissions de gaz à effet de serre sont liées à notre vie quotidienne : se déplacer, se loger, se nourrir. Nos concitoyens sont prêts à faire des efforts s'ils sentent qu'il y a un cadre cohérent. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Gérard Lahellec .  - Nous avons beaucoup parlé d'écologie cette année ; le point d'orgue a été la COP26 de Glasgow, même si elle n'a pas eu des résultats à la hauteur des attentes.

La France a un rôle original et déterminant à jouer pour hisser l'Europe et les sociétés humaines à la hauteur des enjeux.

Pour réussir, elle doit avoir trois ambitions politiques majeures. D'abord, il faut faire de l'écologie une grande question populaire. Ensuite, nous avons besoin d'un vaste programme d'investissements publics. Enfin, il faut repenser la manière d'aborder la dette et le pacte dit de stabilité européen.

Il faut s'orienter vers des politiques plus justes socialement et plus avantageuses sur le plan pécuniaire. L'écologie serait vécue comme profitable si les bonnes pratiques en matière de mobilité étaient valorisées.

Nous avons besoin d'une grande ambition publique en matière d'investissements. Or, en cinq ans, les agences de l'eau ont perdu 220 postes, Météo-France plus de 400 postes, et le Cerema voit son pronostic vital engagé. Les 300 millions d'euros destinés à la rénovation des lignes de desserte fine du territoire ne suffiront pas.

La décision de la Commission européenne de suspendre le pacte de stabilité et de croissance jusqu'à la fin 2022 est une opportunité de le réviser. Les investissements qui concourent à l'amélioration énergétique et à la baisse des émissions de CO2 pourraient être exclus du calcul du déficit public. Soyons audacieux dans notre action ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mmes Annie Le Houerou et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot .  - Ces dernières années ont été celles de la prise de conscience de l'enjeu environnemental. Les prochaines devront être celles de l'action.

Sans doute, on ne peut soutenir que rien n'a été fait. La crise sanitaire a accéléré la prise de conscience de la nécessité d'une société plus résiliente, et le plan de relance est résolument tourné vers la transition écologique.

La loi Climat et résilience, traduction des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, vise une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. L'Union européenne demande 55 %.

Entre les lignes de l'étude du BCG, on voit que les lois votées sous ce quinquennat ne suffiront pas à combler l'écart entre la réalité et les objectifs.

Le budget 2022 contenait un nouveau budget vert. Nous appelons à en accentuer la portée et à en améliorer la méthode : 92 % des dépenses sont considérées comme neutres, faute de moyens de calculer leur bilan environnemental.

Nous devons rattraper notre retard en matière de développement des énergies renouvelables, notamment marines, et rehausser notre ambition en matière de rénovation énergétique des bâtiments, secteur qui représente 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

La tarification du carbone doit être abordée dans une logique de justice sociale. La nécessaire augmentation du prix ne peut se faire au détriment des plus vulnérables. L'exemple allemand -  redistribution des recettes de la taxe à travers la baisse du prix de l'électricité, mise en place d'un forfait énergie - est éclairant.

Au niveau européen, l'heure est à l'élaboration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières robuste. Nous comptons sur la présidence française de l'Union européenne pour avancer.

L'OCDE dénonce un écart entre les objectifs climatiques et les résultats. La France, condamnée pour progrès insuffisants, doit mettre en oeuvre une stratégie globale.

Elle pourrait passer par la suppression de certaines niches fiscales, par une concentration sur les secteurs les plus énergivores comme le transport ou le logement, par de nouveaux instruments comme les paiements pour services agro-environnementaux.

Il est indispensable de réduire l'écart entre objectifs et réalisations. Un réchauffement de 2,3°C en fin de siècle est bien trop élevé.

Si la France, un des principaux contributeurs de l'Accord de Paris, et si l'Europe ne tiennent pas leurs engagements, qui le fera ? Notre pays a un rôle historique à jouer.

Nous devons accélérer la transition. Cette grande mutation est source d'opportunités, de redistribution et d'une souveraineté renforcée. Notre pacte politique,  économique et social en sera conforté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Pierre Médevielle applaudit également.)

M. Éric Gold .  - Le RDSE se réjouit de ce débat, faute d'examen du projet de loi de finances. Pour l'heure, l'environnement n'est pas au coeur de la campagne présidentielle. C'est à se demander si tous les candidats ont pris la mesure de la situation...

L'Accord de Paris prévoit de limiter la hausse des températures de 1,5°C, or nous allons vers 2,7°C à la fin du siècle. Une telle trajectoire se traduira dès 2050 par un dépassement des seuils critiques, une pénurie en eau, un effondrement des rendements agricoles, une fonte des glaciers.

Nos modes de production et de consommation doivent être revus. La pandémie n'a entraîné qu'une baisse des émissions de 5,4 % malgré l'arrêt du pays. On ne peut se contenter de planter des arbres pour compenser le CO2. Il faut agir rapidement et drastiquement.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement présente l'impact des différentes mesures sur le climat. Pour tenir nos engagements, il faudrait que l'immense majorité de nos dépenses soient écologiquement vertueuses. Ce n'est pas le cas.

Le secteur public dans toutes ses composantes doit se mettre en ordre de bataille. De ce point de vue, je regrette la nouvelle baisse de 3 millions d'euros du budget du Cerema, qui accompagne pourtant les collectivités territoriales. Météo-France aussi subit de nouvelles réductions de postes, et les autorisations d'engagement pour la politique de prévention des risques diminuent...

Fin 2020, la France accusait un retard de quatre points sur l'objectif européen de développement des énergies renouvelables.

Le GIEC demande une baisse rapide des émissions, et ce, à grande échelle. Il faut promouvoir la sobriété environnementale au niveau international.

La COP26 à Glasgow et l'accord entre les États-Unis et la Chine ravivent l'espoir d'une négociation diplomatique, alors que les États-Unis sont responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, et que la Chine, très dépendante du charbon, voit ses émissions augmenter de manière exponentielle...

La France doit être le porte-étendard de la cause climatique. Chacun doit prendre sa part de ce défi global. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles », disait Paul Valéry. La maison brûle et nous restons sidérés. La loi Climat adoptée en 2021 aurait été appropriée il y a vingt ans. L'État a été condamné deux fois dans l'Affaire du siècle. À la COP26, notre pays n'a pas été ambitieux.

L'albatros, exceptionnel oiseau pélagique, n'a qu'un oisillon chaque année. Sa coquille a perdu 34 % d'épaisseur depuis les années 1950, entraînant des morts précoces. En cause, les insecticides et polluants comme le DDT et les PCB. D'autre part, l'estomac de l'oisillon est rempli de plastique, d'où des morts prématurées. Cette espèce qui a survécu à la cinquième extinction est menacée aujourd'hui par une pollution chimique persistante et par la pollution plastique.

Pour réparer le monde, il faut des mesures drastiques. Notre consommation de vêtements a bondi de 40 % en quinze ans. Dans le Lot, il y a 200 000 moutons. La laine n'est pas utilisée pour le textile. Pourtant, elle est naturelle, douce, chaude, biodégradable, noble. Les microfibres plastiques des vêtements synthétiques importés d'Asie se disséminent dans la nature : on les retrouve dans les eaux de l'Arctique, dans l'air au Pic du Midi.

Il faut produire et consommer localement. Cela implique une réindustrialisation de notre pays et un changement de nos habitudes de consommation. Il faut favoriser le recyclage et le réemploi. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur nos modes de vie, sur notre rapport au vivant.

Tant qu'un yaourt fera 5 000 kilomètres, nous étoufferons sous des canicules. Tant que prévaudra la logique « ma voiture est plus grosse que la tienne », le niveau des océans continuera de s'élever.

Le recours au fret ferroviaire est une nécessité absolue.

Il faut réparer plus rapidement les effets des catastrophes naturelles, par exemple dans la vallée de la Roya. Une loi devrait lever les freins réglementaires et permettre une reconstruction résiliente.

La contrainte n'est pas la seule méthode, mais doit avoir toute sa place et les pouvoirs publics doivent l'assumer. Ceux qui subiront les conséquences de notre inaction sont déjà nés.

Réintroduisons l'éducation manuelle au collège. Nos enfants porteront un autre regard sur la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Pierre Médevielle .  - En 1970, à Chicago, Georges Pompidou définissait la nature comme un cadre précieux et fragile. En 1971, il créait le premier ministère chargé de la protection de la nature.

Cinquante ans plus tard, notre pays doit poursuivre son action face à l'urgence climatique. Le constat est largement partagé. Notre environnement est sérieusement dégradé et il est urgent d'agir. Certaines zones de notre planète sont déjà si détériorées que leurs habitants n'ont d'autre choix que de les quitter, et ces vagues migratoires risquent de s'amplifier.

La difficulté majeure est de réussir notre transition. Notre groupe croit en une écologie libérale : nous devons soutenir les solutions innovantes, car notre décarbonation passera par l'innovation dans l'industrie, le transport, l'énergie, la construction ou le numérique. Notre consommation doit être sobre et circulaire. Il faut s'adapter, plutôt que de régresser.

La COP26 n'a pas été à la hauteur, mais saluons les avancées sur le méthane et le charbon. La France joue un rôle de premier plan dans le travail sur le paquet vert européen ; elle devra agir durant la présidence du Conseil. Avec la stratégie Farm to Fork, notre souveraineté climatique est en jeu. N'opposons pas l'écologie au reste du prisme !

Au niveau national, des innovations nucléaires peuvent être déployées, les énergies renouvelables - surtout le solaire - aussi.

Il y a ensuite l'axe local : donnons aux acteurs territoriaux les moyens d'agir, légaux, pragmatiques, financiers.

En particulier, l'action des villes est un enjeu crucial. Les mauvaises pratiques, comme l'éclairage nocturne excessif, doivent être dépassées.

Mais l'action de la France, c'est la nôtre, celle de tous. À chacun d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Jean-François Longeot et Bruno Belin applaudissent également.)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut traduire politiquement l'urgence dont parlent les scientifiques. Vaste programme... aurait dit le Général.

Le défi environnemental est sans précédent. Quittons le pessimisme défaitiste, agissons concrètement. La convergence des transitions écologique et numérique doit être une priorité de notre action environnementale. C'était le sens de la proposition de loi que j'avais défendue avec Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et de nombreux collègues. Le numérique représente 10 % de la consommation mondiale d'électricité et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et cette proportion devrait doubler ces prochaines années. Les politiques publiques doivent se mobiliser.

Nous voulons un numérique vertueux du point de vue environnemental. Je crois au génie humain, à l'innovation pour lutter contre le changement climatique.

Ayons le courage de mettre en oeuvre les bonnes décisions. Je me félicite que les députés aient adopté notre proposition de loi, qui prévoit notamment une sensibilisation des enfants et des jeunes à l'impact environnemental du numérique et à la sobriété numérique. Notre texte a également renforcé le délit d'obsolescence programmée et l'obsolescence logicielle. Nous appelions aussi au verdissement des datas centers.

La nouvelle loi nous aidera à conserver le leadership de la transition écologique. L'action européenne doit être claire et unanime et la présidence française sera l'occasion d'avancer dans les négociations entre les membres de l'Union. Agissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La convention citoyenne pour le climat a formulé 149 propositions en partant des attentes des Français.

Or les 96 membres de la convention qui ont, début 2021, évalué la prise en compte de leurs conclusions n'ont donné au Gouvernement qu'une note de 3,3 sur 10. Seules 10 propositions ont été pleinement insérées dans la loi Climat et résilience.

La convention aurait pu être une occasion unique de progresser. Cette première expérience de la démocratie participative reste comme un échec.

Depuis les gilets jaunes, qui ont fait reculer la fiscalité environnementale, et les refus locaux opposés aux implantations d'équipements d'énergie renouvelable, l'acceptabilité des décisions est apparue comme un enjeu crucial. Il faut une large concertation démocratique, éclairée et transparente.

En matière de bouquet énergétique, il est consternant que nos concitoyens soient mis devant le fait accompli - privatisations des acteurs hier, relance du nucléaire sans réflexion globale aujourd'hui.

Sur le plan local, seuls les produits co-construits aboutissent. C'est le cas des Ailes de Taillard, dans la Loire.

Les spécificités territoriales doivent être prises en compte. L'écologie ne doit pas être dissociée de la justice sociale !

Quel bilan tirez-vous de la convention citoyenne pour le climat ? Ne pensez-vous pas qu'une concertation est nécessaire sur le bouquet énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. François Calvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rapporteur pour avis des crédits de la transition écologique et du climat, j'ai constaté les retards importants pris par la France, en queue du peloton européen notamment pour le développement des énergies renouvelables. Nous aurons besoin de ces énergies, même en relançant le nucléaire. En particulier, il faut accroître largement les moyens du fonds chaleur dès l'année prochaine.

En matière de pollution de l'air aussi, nous devons faire mieux. Les contributions des entreprises diminuent : comment assurer le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Aasqa) tout en maintenant leur autonomie ?

Quant à la gouvernance de la transition énergétique, les moyens du Haut Conseil pour le climat restent insuffisants. Le recours à un cabinet de conseil privé pour évaluer les divers textes est tout bonnement scandaleux. Quelle indépendance pour de telles études ?

Il faut mieux accompagner les collectivités territoriales via un fléchage de la TICPE, mais le refus du Gouvernement est catégorique.

Quel contraste entre le « Make our planet great again » et la réalité de l'action menée ! Cela nous affaiblit au plan international.

En agissant plus, notre pays pourrait mieux faire entendre sa voix, exprimer sa vision singulière et universelle. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Ronan Dantec s'étonne que le groupe Les Républicains n'applaudisse pas son orateur.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Merci de nous donner une nouvelle occasion de débattre de ces sujets cruciaux. Le réchauffement climatique et l'érosion de la biodiversité le montrent : la planète souffre. Nous devons faire preuve de responsabilité et d'ambition.

L'enjeu écologique infuse désormais dans l'ensemble de nos politiques publiques. Je suis heureuse de constater dans toutes vos interventions la mobilisation du Parlement. La prise de conscience est unanime, je m'en félicite.

Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, 30 milliards sont destinés à la croissance verte. Le plan France 2030 fait une très large place aux investissements à visée environnementale, production d'énergie décarbonée et d'hydrogène, véhicules électriques et hybrides, avions bas carbone, etc.

Les collectivités territoriales se mobilisent, elles aussi, - je pense notamment à l'instauration des zones à faibles émissions (ZFE) dans les grandes villes. Nous devons préserver nos espaces naturels et agricoles de l'artificialisation. Nos façons d'acheter, de consommer, sont à réexaminer. La réduction des déchets, notamment plastiques, est vitale contre la perte de biodiversité.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire (AGEC), qui impose 20 % de vrac, instaure une dynamique. Nous avons interdit par décret l'emballage plastique de nombreux fruits et légumes.

Les pouvoirs publics doivent sanctionner, quand il le faut, en cas de mise en danger de l'environnement ou d'écocide, des délits que nous avons créés. Nous avons renforcé l'échelle des peines. La loi Climat et résilience impulse une transformation profonde dans nos modes de consommation, de production, de déplacement, dans la justice, l'urbanisme, l'aménagement du territoire.

Les énergies fossiles représentent aujourd'hui 63 % de notre consommation énergétique. Quel que soit le scénario retenu, le travail important effectué par RTE le montre : il faudra sortir des énergies fossiles d'ici 2050.

Nous y parviendrons notamment par la sobriété et la rénovation énergétiques. Le développement des énergies renouvelables, complétées par le nucléaire, permettra le verdissement de notre mix. Il devra être accéléré.

Quant aux industries, 7 milliards d'euros ont, dans le plan de relance, été prévus pour l'hydrogène décarboné, et le plan France 2030 comprend encore 1,9 milliard d'euros : je vous rappelle les annonces du Président de la République le 16 novembre dernier à Béziers.

L'effort en faveur de la décarbonation est sans précédent.

Sur le plan européen, nous entendons améliorer la mise en oeuvre du Pacte vert durant la présidence française de l'Union européenne. Nous voulons avancer aussi sur les négociations entre les États membres, avec comme priorités le renforcement du marché du carbone européen et le verdissement des transports. La France a été l'un des premiers pays à annoncer une date de fin de commercialisation pour les véhicules thermiques, 2040 ; et nous partageons avec la Commission européenne une échéance à 2035 désormais.

La transition doit être juste. Nous ne pouvons pas laisser les Français sans accompagnement. Les combats contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité sont jumeaux. Renforçons donc nos politiques, y compris pour fixer des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières.

L'environnement est au coeur de notre action diplomatique, notamment avec les « One planet summits ». La COP26 a permis d'aboutir sur le marché mondial du carbone, et même si, sur d'autres points, l'accord a déçu, c'est historique !

La France, l'Union européenne, les États-Unis et d'autres ont conclu un accord unique pour la sortie du charbon en Afrique du Sud, pour 8 milliards de dollars.

Nous avons des engagements forts contre la déforestation. Nous souhaitons que la COP15 biodiversité soit un moment aussi fédérateur que le fut la COP21 sur le climat.

Un large travail international est mené pour assurer la cohérence qui est la clé de la légitimité de nos politiques. Des moyens sans précédent ont été accordés au fil des lois de finances. Nous sommes au rendez-vous de l'urgence !

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La prévention des risques nationaux majeurs est un enjeu essentiel. Après Xynthia et Alex, les événements extrêmes vont se multiplier. Les catastrophes naturelles deviennent notre lot quotidien.

J'alerte le Gouvernement sans relâche sur ces sujets. Hélas, le fonds Barnier a été plafonné, donc amputé, et réintégré dans le budget général. Les 700 millions d'euros de réserves et les 230 millions d'euros de crédits auraient dû être consacrés intégralement à des actions de prévention et d'indemnisation, ce ne sera pas le cas en 2022.

Certaines dépenses liées à la tempête Alex ne sont prises en charge ni par les assurances, ni par la DSIL, ni par ce fonds, comme Mme Estrosi Sassone l'a expliqué ce matin. Accepterez-vous un travail avec les parlementaires sur une loi d'urgence, à quelques jours de la CMP Catastrophes naturelles ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - D'ici à 2050, le coût annuel des catastrophes naturelles pourrait augmenter de 50 %. Il fallait donc renforcer le fonds Barnier, porté à 235 millions d'euros en 2022 au lieu de 131 millions d'euros précédemment.

D'autres outils sont mobilisés : les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), dont la durée d'élaboration sera divisée par deux ; les procédures environnementales, accélérées ; la création d'une procédure d'urgence civile pour une meilleure réactivité.

Sur le retrait-gonflement des argiles, la loi ELAN impose une carte sur les territoires concernés.

Le plan Antilles, le plan Séisme complètent ces mesures, avec le financement d'abris anti-cycloniques ou anti-submersion comme en Polynésie française.

M. Didier Mandelli.  - Les choses évoluent dans le bon sens, mais il reste beaucoup à faire, nous l'avons vu lors du déplacement de notre commission dans les Alpes-Maritimes.

M. Jacques Fernique .  - Les collectivités territoriales sont en première ligne face aux catastrophes naturelles. Les plans Climat et les volets Énergie-climat des Sraddet déterminent l'action des territoires, mais, faute de financement, ils risquent de rester lettre morte. La DSIL n'y suffira pas.

Le Sénat propose depuis 2017 d'avancer en ce sens, en vain. Bercy refuse. Heureusement la Commission européenne propose de flécher 100 % des recettes des enchères de quotas carbone vers les politiques environnementales.

Ne faudrait-il pas avancer sur la dotation climat que le Sénat et les collectivités territoriales vous demandent ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les collectivités territoriales sont en première ligne. Une politique étatique n'a de sens que si elles s'en saisissent. L'État les appuie dans leurs domaines de compétence, comme la mobilité, l'énergie, la rénovation des bâtiments. La DSIL a connu une augmentation sans précédent avec 1 milliard d'euros de DSIL verte ; le fonds chaleur renouvelable a été porté à 350 millions d'euros par an ; dans le plan de relance, 1 milliard d'euros va à la rénovation des bâtiments publics. À cela s'ajoute l'aide à la mobilité bas carbone. Le fonds Friches a été à nouveau abondé. Les moyens de l'économie circulaire sont augmentés.

Nous présenterons bientôt un rapport au Parlement sur la conformité des Sraddet à la politique environnementale. Et 6,8 milliards d'euros sont fléchés par l'État et ses opérateurs vers les actions des collectivités territoriales en faveur du climat.

M. Jacques Fernique.  - Madame la ministre, vous me répondez investissement, mais les collectivités territoriales ont également besoin de crédits de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Fabien Gay .  - La Guyane abrite 60 % de la biodiversité française. Comment lutter contre l'orpaillage illégal, dont le mercure détruit la biodiversité et empoisonne les peuples autochtones ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Une enveloppe est dédiée à cette action dans le budget pour 2022. Je crois qu'elle répondra à votre préoccupation. Les sites à sécuriser sont si vastes que la mobilisation des forces de l'ordre et les moyens logistiques doivent être renforcés. L'enveloppe est sans précédent : 3,5 millions d'euros au sein du programme 113.

M. Fabien Gay.  - Merci pour votre réponse, mais il faudra plus que de l'argent. Saluons les forces de l'ordre - 300 policiers de l'opération Harpie face à 10 à 20 000 garimpeiros... Il faudra surtout une coopération diplomatique avec le Suriname et le Brésil.

J'étais il y a peu sur le fleuve Kourou, pollué par le mercure : les autochtones y pêchent pour vivre et survivre. Dix microgrammes par gramme de cheveu sont déjà jugés inquiétant par l'OMS. Or il y a dix ans, on était déjà à 12-14 microgrammes ! Ce sont de 8 à 10 tonnes de mercure qui sont libérés dans l'Amazonie chaque année. Il y a urgence à agir ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les émissions de la France ont baissé de 20 % depuis 1990, mais pour parvenir à la neutralité carbone en 2050 il faudra faire beaucoup plus.

L'heure du bilan carbone de ce quinquennat a sonné. Les conclusions du Boston Consulting Group, missionné par le Gouvernement, étaient optimistes, mais c'était avant le relèvement des exigences européennes, à moins 55 % pour 2050. Comment y ferons-nous face ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La France a été condamnée à agir pour des faits concernant le quinquennat précédent. Selon le Boston Consulting Group début 2021, si les lois et les plans adoptés sont mis en oeuvre, les objectifs pour 2030 seront atteints.

Il serait restrictif de ne prendre en compte que le budget du ministère de la Transition énergétique. Il y a un important volet de transition agroenvironnementale, un volet de stratégie nationale et internationale contre la déforestation, par exemple.

En 2023, nous prévoyons une loi Énergie climat pour programmer la trajectoire.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Merci pour votre réponse. Nous nous réjouissons du lancement de nouveaux réacteurs nucléaires, afin de parvenir à la neutralité carbone.

M. Pierre Louault.  - Très bien !

M. Éric Gold .  - Alors que le bâtiment représente 27 % des gaz à effet de serre émis en France, le succès de MaPrimeRénov' est bienvenu. L'extension à tous les propriétaires, le recours à la dématérialisation et la réduction des délais y contribuent.

Mais les travaux concernent trop souvent des monogestes : à 86 %, ils portent sur une isolation simple, changement des fenêtres ou du chauffage. Et seules 5 % des rénovations sont contrôlées, selon le rapport de la Cour des comptes.

La pérennisation de cette subvention sur le long terme doit enfin être garantie bien au-delà du plan de relance, alors que les passoires thermiques seront interdites à la location en 2028.

Comment financer des rénovations complètes et éviter un saupoudrage inefficace ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous avons effectivement mis en place un dispositif d'incitation à la rénovation thermique accessible à tous, mais modulé selon les revenus des ménages.

Les financements continueront à couvrir toutes les rénovations, gestes de travaux et bouquets de travaux, aux côtés des rénovations performantes et globales, pour 2 milliards d'euros en 2022. Le devoir de réaliser 55 % de gains énergétiques après travaux est une incitation forte à la rénovation globale.

M. Éric Gold.  - Un guichet unique serait aussi opportun.

M. Joël Bigot .  - Depuis le début du quinquennat, je ne cesse de vous demander des comptes sur l'hémorragie de l'expertise au sein du ministère de la Transition écologique. Votre recours au Boston Consulting Group l'illustre !

En 2022, la baisse est limitée à 400 équivalents temps plein (ETP), élection présidentielle oblige, mais le chiffre n'est pas neutre. L'Ademe et le Cerema ne sont pas en reste - alors que ce dernier reçoit des missions nouvelles. Un rapport récent du Conseil général de l'environnement et du développement (CGEDD) démontre la nécessité d'endiguer la destruction de la ressource humaine. Votre budget supprime 40 emplois et subtilise plusieurs millions d'euros à cet opérateur de pointe.

Comment mettre fin à cette politique schizophrène, alors que les collectivités territoriales ont un besoin criant d'ingénierie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les opérateurs de l'État ont participé à la baisse d'effectifs pour limiter l'endettement public. Nous avons retrouvé un schéma d'emploi positif concernant pour nombre d'entre eux, parcs nationaux, agences de transition énergétique, Ademe, Société du Grand Paris, ANAH. Pour douze opérateurs, c'est une stabilisation. Pour huit d'entre eux, il y a une baisse, mais beaucoup moins sévère que les années précédentes. Un signal a été donné : la priorité va aux opérateurs de l'environnement.

M. Joël Bigot.  - Vous confirmez donc les suppressions d'emplois. Mais lorsque facialement le nombre d'ETP est préservé, certains postes sont pourvus par des emplois temporaires, et le terme des contrats précède la fin de la mission !

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le photovoltaïque fait plutôt consensus - contrairement à certaines autres énergies renouvelables. Des agriculteurs, des entreprises, des particuliers investissent.

Cependant, dans l'Aisne, beaucoup de bâtiments sont classés et beaucoup de dossiers sont paralysés par l'avis de l'Architecte des bâtiments de France (ABF), en contradiction avec ce qui est dit dans les réunions de préfecture.

Il serait intéressant qu'une charte nationale ou départementale indique clairement aux porteurs quels types de projets seront acceptés.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avec 12,6 gigawatts installés aujourd'hui, nous sommes très loin de l'objectif ; il nous faudra accélérer et multiplier par trois d'ici 2028 notre capacité en ce domaine.

Il importe effectivement de veiller à l'intégration paysagère des installations et à l'absence d'impact environnemental, pour favoriser l'acceptabilité.

Des bonus sont prévus pour le photovoltaïque au sol sur des terrains dégradés, car c'est dans leur cas une réponse idéale ; à l'inverse, les terrains agricoles, naturels ou forestiers doivent être préservés.

Les avis des ABF sont précieux pour la préservation du patrimoine. Et la prime d'intégration paysagère incite à l'installation du photovoltaïque dans des conditions qui concilient les divers enjeux.

La séance est suspendue quelques instants.

La perte de puissance économique de la France et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La perte de puissance économique de la France - notamment en termes de compétitivité, d'innovation et de recherche - et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat ».

M. Daniel Salmon .  - La puissance est la capacité d'un acteur à imposer ses choix à d'autres acteurs. Ainsi définie, la puissance s'est toujours déclinée en termes de croissance.

Je souscris à la citation de Kenneth Boulding : « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Il faudrait ajouter : soit un politique...

Toutes nos politiques publiques sont tournées vers la croissance du PIB, y compris la protection sociale qui y est adossée.

La croissance des pays développés est corrélée au prix de l'énergie, qui ne reviendra jamais au niveau des Trente Glorieuses. On nous vend l'espoir d'un découplage entre cette croissance économique et ses conséquences écologiques, mais c'est une illusion : il va falloir vivre sans cette croissance.

La croissance n'a pas non plus permis de réduire les inégalités. Pire, elle les a creusées.

Une autre voie est possible : il faut penser une économie sobre avant de se la voir imposer par une succession de catastrophes.

Avec la pandémie, nous avons découvert que nos sociétés étaient vulnérables, que l'argent ne pouvait pas tout et que, sans organisation au service d'un but clair, la puissance économique n'était rien.

Nous allons devoir simplifier et ralentir, mais nous aurons aussi besoin de plus de têtes et de bras.

Une économie plus sobre n'est pas forcément synonyme de serrage de ceinture pour les plus modestes : ceux-ci peuvent bénéficier des économies d'énergie et de matière, ainsi que de nouvelles opportunités de travail et de revenu.

La fiscalité a également son rôle à jouer : suppression des niches fiscales, accroissement de la progressivité de l'impôt, imposition plus forte du capital et du patrimoine. Il faut planifier ce cercle vertueux.

Face aux faits, aux limites planétaires, le mythe du retour à une puissance économique prédatrice n'est plus souhaitable, ni même réaliste.

Nous devons passer le cap de l'ère industrielle et aller vers une économie économe. Un nouveau chemin de progrès est possible. Notre puissance réside dans notre souveraineté et notre survie dans la coopération, en particulier européenne. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Franck Montaugé applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Depuis trente ans, les gouvernements libéraux diminuent les cotisations sociales et la fiscalité des entreprises et imposent des sacrifices aux salariés au nom de la compétitivité. Pour quel résultat ? Les entreprises délocalisent, les dividendes explosent et les salaires stagnent, alors qu'Emmanuel Macron annonce un nouveau durcissement des allocations chômage et continue ses cadeaux fiscaux aux plus riches.

Les parlementaires communistes proposent un contre-projet avec des emplois stables, des services publics de qualité, une industrie au service des besoins de la société. Il faut réorienter les richesses vers la satisfaction des besoins des personnes plutôt que du capital et confier de vrais pouvoirs de décision aux citoyens et au monde du travail.

Quelque 358 000 familles ont été exonérées d'impôt sur la fortune (ISF) alors que leurs 1 000 milliards d'euros de patrimoine représentent la moitié du PIB de la France...

Le Président de la République a exonéré les entreprises de cotisations sociales tout en aggravant la précarité. Le soi-disant coût du travail n'existe pas : le travail crée des richesses.

Mettons l'économie au service de l'humain. Entre 2008 et 2017, l'Union européenne a apporté 1 500 milliards d'euros au système financier sans effet sur le chômage...

Face aux défaitistes, nous proposons les jours heureux : augmentons les salaires, réduisons la durée hebdomadaire du travail à 32 heures, recrutons massivement dans la fonction publique...

M. Laurent Duplomb.  - Mais bien sûr !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - ... augmentons le SMIC de 200 euros nets par mois, revalorisons les pensions et les minima sociaux, faisons l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, rétablissons les cotisations sociales du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), modulons l'impôt sur les sociétés en fonction des politiques d'emploi et d'investissement des entreprises, taxons les 10 milliards de profits annuels des compagnies pétrolières, baissons les prix des carburants et réduisons de 30 % les taxes sur le gaz et l'électricité !

Il est encore temps d'inverser la tendance : investissement et humain plutôt qu'austérité et marché.

M. Michel Canévet.  - Vive l'austérité !

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les inquiétudes quant à la dégradation de la compétitivité française sont malheureusement fondées. La crise a touché tous les pays européens, mais la France a particulièrement souffert. La part des exportations françaises de biens dans la zone euro est passée de 13,9 % en 2019 à 12,7 % en 2020 et le déficit commercial s'est creusé de plus de 7 milliards d'euros en 2020, atteignant 65 milliards d'euros. Les exportations françaises de biens et services ont plongé de 19 % en 2020, plus que les 13 % de la zone euro. Italie et Espagne ont pris des mesures sanitaires plus strictes sans perte de parts de marché. Il y avait donc bien une fragilité générale de l'appareil productif français en 2020.

Des économistes craignent une nouvelle phase de désindustrialisation. Le plan France 2030, trop compliqué et confus, ne suscite aucun engouement chez les acteurs économiques.

Comment renouer avec la compétitivité et le pouvoir d'achat ? Quelle croissance durable permettra d'éviter un éventuel ajustement brutal des salaires et des dépenses publiques après les présidentielles ?

Les pays en surplus commercial de la zone euro doivent accepter de relancer la demande, mais l'Allemagne fait la sourde oreille.

Selon l'Insee, en 2019, une personne sur cinq était en situation de pauvreté en France. Le nombre de repas servis par les Restos du coeur a été multiplié par 16 depuis 1986 et un bénéficiaire sur deux a moins de 25 ans...

Je crains que la stratégie « From farm to fork » n'impacte une nouvelle fois la compétitivité de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - Le déclin économique de la France et ses inévitables conséquences sociales - illustrées par les gilets jaunes - s'expliquent sur plusieurs décennies.

Jusqu'à la fin des années 2000, la France pointait encore au 4e ou 5e rang des puissances économiques mondiales. Depuis dix ans, le déclassement s'est accéléré, avec la crise de 2008-2010 en Europe et l'irruption de nouveaux acteurs comme la Chine.

Il s'agit donc d'une perte de puissance relative. Le leadership technologique américain se poursuit, la puissance allemande en Europe s'est renforcée et la Chine a émergé de façon spectaculaire depuis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) il y a vingt ans. D'autres pays et régions du monde émergent en Asie, en Amérique latine, au Moyen-Orient...

Cette désoccidentalisation du monde est la conséquence ultime de la mondialisation, un contrepoint à l'économiste Serge Latouche.

De pays exportateur net jusqu'au début des années 2000, nous sommes devenus massivement importateurs depuis. Notre croissance fondée sur la consommation se paie comptant, et la pandémie conforte cette réalité avec un déficit commercial de plus de 60 milliards d'euros en 2020.

Cela fait des années que certains experts nous alertent sur la dégradation de la position économique de la France. Des efforts ont été faits pour valoriser le « made in France », défendu en son temps par Arnaud Montebourg.

Le coût de notre dépendance est élevé. Nous devons retrouver notre souveraineté industrielle, même si cela doit coûter un peu plus cher au consommateur. Pour cela, il faut augmenter les salaires les plus bas, revoir la réglementation des marchés publics, instaurer une taxe carbone et des exigences sociales et environnementales aux frontières - le « juste échange ». Il faut également produire chez nous ou près de chez nous : réindustrialiser nos territoires et développer des pays plus proches, comme ceux du Maghreb. Enfin, il faut investir dans des secteurs d'avenir : les microprocesseurs, les médicaments, la recherche publique. Il y va de notre position sur l'échiquier international.

Voilà une feuille de route claire pour les candidats à la prochaine élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Florence Blatrix Contat applaudissent également.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, Albert Camus disait : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Cette phrase de 1957 conserve toute sa force.

Quelle place pour la France dans la fin de la civilisation du carbone ? Il s'agit d'abord d'une transition de modèle : la France ne peut ignorer « l'irruption de la terre dans notre histoire », comme le dit Bruno Latour.

Cependant, malgré les dégâts et les crises, les prises de conscience sont lentes. De COP en COP, les constats désabusés se succèdent. Pour autant, ne dénigrons pas les efforts des industries françaises.

La France doit devenir plus attractive et pourvoyeuse d'emplois utiles et bénéfiques à l'écoumène. Éducation générale et populaire, enseignement supérieur et recherche, accueil des étudiants étrangers, souveraineté numérique, formation générale et professionnelle tout au long de la vie, culture, voilà les domaines dont dépend notre place dans le monde de demain.

Après les révolutions néolithique et industrielle, l'anthropocène nous plonge dans la révolution de la durabilité. L'avenir de la France dépendra de notre capacité à changer de référentiel, comme l'écrit Pierre Caye dans son dernier ouvrage. Il faut mettre le patrimoine et le capital au service de la durée, transformer la richesse comptable en biens institutionnels et symboliques, constituer un patrimoine social pour l'ensemble de la société.

La République accumule le patrimoine matériel et symbolique pour mieux le gérer et le conserver. Les richesses matérielles et financières doivent être transformées en biens juridiques, sociaux, culturels et symboliques. Or, aujourd'hui, on galvaude ce patrimoine et la croissance passe par la désinstitutionalisation de la société.

Or, il n'y a pas de développement durable possible sans renforcement du processus de patrimonialisation institutionnelle, sociale et symbolique. Et personne ne doit en être écarté.

Pierre Calame écrit que pour gérer une planète unique et fragile, il est nécessaire de se mettre d'accord à l'échelle mondiale sur des valeurs communes : la responsabilité doit devenir la colonne vertébrale de l'éthique du XXIe siècle.

La mise en oeuvre d'un développement vert durable passe aussi par la transformation de la responsabilité.

Mme le président.  - Il faut conclure.

M. Franck Montaugé.  - C'est ainsi que l'économie française trouvera sa place dans l'anthropocène. Là est aussi le message humaniste et universaliste de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Point de souveraineté nationale sans puissance économique. Le débat dépasse largement l'économie. Nous refusons le pessimisme et le déclinisme, même si notre incapacité à produire un vaccin contre la covid a été un traumatisme au pays de Pasteur. La France est le premier pays d'Europe pour les investissements étrangers : ne cédons pas à la tentation de l'autodénigrement.

L'évolution du PIB de la France sur le temps long montre une croissance continue depuis le premier choc pétrolier, à l'exception de la crise financière de 2008 et de la crise sanitaire actuelle.

La part de la France dans le PIB mondial est passée de 6 % en 1975 à 3 % en 2020. C'est une perte de puissance relative, mais indéniable. D'autres pays, comme le Royaume-Uni - passé de 4 à 3 % - ou les États-Unis - passés de 28 à 25 % -, ont mieux résisté que nous. Il ne suffit pas que notre PIB augmente, il faut qu'il augmente plus vite qu'ailleurs. Sans compétitivité, pas de solidarité possible.

Le renforcement de la compétitivité française est la clé de notre puissance économique. Il faut d'abord baisser les prélèvements obligatoires. À ce point de vue, l'action menée ces dernières années a été remarquable avec 50 milliards d'euros de pression fiscale en moins, dont la moitié en faveur des entreprises. Baisse du taux d'impôt sur les sociétés, mise en place du prélèvement forfaitaire unique, suppression de l'ISF, baisse des impôts de production ont restauré l'attractivité de la France.

Ensuite, nous devons bâtir un continuum de l'innovation, de la recherche fondamentale à l'application industrielle. Le plan France 2030 ouvre des perspectives ambitieuses à cet égard. Une mission d'information créée à l'initiative de Vanina Paoli-Gagin s'y attellera.

Enfin, nous devons créer de l'emploi sur le territoire national à tous les niveaux de qualification, afin d'améliorer le pouvoir d'achat.

Ne noircissons pas le tableau.

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quel jugement porter sur la France en tant que puissance économique en 2021 ?

Nous refusons le face-à-face entre les déclinistes à tendance masochiste et les optimistes béats qui croient à l'argent magique.

Mais le décrochage de l'économie française est malheureusement une réalité. Les Alstom, Pechiney, Saint-Gobain, Usinor, qui fleuraient bon les Trente Glorieuses ont plutôt désormais des relents de Berezina, Trafalgar ou Waterloo selon que vous aurez le pied marin ou l'humeur fantassine... (Sourires ; M. Laurent Duplomb approuve.)

La France n'est pas pour autant disqualifiée : elle reste la 5e ou 6e puissance économique mondiale. Elle n'a donc pas quitté la cour des grands, mais elle est à deux doigts de le faire.

Les parts de marché françaises à l'exportation décrochent. Notre balance commerciale est déficitaire depuis dix ans. Cela s'explique par une perte de compétitivité et une stratégie défaillante à l'export. La France s'est spécialisée dans les industries du savoir à forte valeur ajoutée. L'idée était que les pays émergents resteraient cantonnés aux productions à faible valeur ajoutée. C'était la mondialisation heureuse, dont la start-up Nation et les premiers de cordée sont les ultimes avatars.

La part de l'industrie manufacturière dans l'économie française est alors passée de 22,3 à 11,2 %. Ce sont 3,1 millions d'emplois directs, quand l'Allemagne en compte 6 millions. Le taux de chômage de 8,1 % - contre 5,5 % en Allemagne - frappe prioritairement les jeunes.

Notre classe moyenne s'est fragilisée et les inégalités se sont creusées dangereusement pour en arriver au triste, mais réaliste constat posé par Jérôme Fourquet dans L'archipel français.

Conséquences : la montée du séparatisme social et l'affaiblissement de la démocratie. Une nation très ouverte peut être une démocratie, mais elle doit maîtriser l'intensité de son ouverture économique afin de ne pas nuire à ses compromis démocratiques et sociaux fondamentaux.

La mondialisation libérale et la libération de la finance ont profondément modifié les équilibres planétaires. Le capitalisme cohabite de plus en plus difficilement avec les nations démocratiques.

L'environnement administratif, légal, social et fiscal entrave la compétitivité française. La France dispose pourtant d'immenses atouts. Cessons d'opposer les secteurs public et privé ! C'est ensemble que nous surmonterons les difficultés, si nous en avons la volonté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Dans son ouvrage Le pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion rappelle l'importance de l'innovation. Je salue le renforcement historique de la recherche fondamentale dans le projet de loi de finances pour 2022, après une diminution de 40 % entre 2009 et 2015.

Nous devons développer une culture de financement qui encourage l'innovation, via le capital-risque. Mon rapport d'information sur l'enseignement supérieur et la recherche montre que les deux tiers de la recherche sont issus des entreprises. Je déplore la suppression du doublement du CIR pour les entreprises qui collaborent avec les instituts de recherche.

La recherche doit s'orienter vers les innovations de rupture : pour cela, il faut une recherche partenariale qui favorise les transferts.

L'intervention étatique doit diriger la recherche vers les innovations vertes, comme l'hydrogène vert.

Nous devons adapter la politique de la concurrence à l'ère du numérique et rapatrier une partie de la production industrielle délocalisée. Je pense, dans le Lot-et-Garonne, à l'industrie pharmaceutique.

Je salue le plan France 2030, ainsi que la sécurisation de l'accès aux matériaux stratégiques comme les terres rares et la circularité accrue. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Annie Le Houerou .  - Système social obsolète, incapacité à mener des réformes, système d'innovation médiocre, dégradation de la compétitivité... Voici le point de vue des détracteurs de la France.

Mais la France n'est pas disqualifiée : elle reste la 5e puissance mondiale, la 6e puissance exportatrice de biens et services. Est-ce à dire que la situation sociale est bonne ? La France a su protéger son économie pendant la crise de la covid - certes grâce au « quoi qu'il en coûte ».

Certains secteurs se renforcent, comme l'agroalimentaire, mais la crise a révélé notre forte dépendance à l'égard de produits importés déterminants pour notre activité et notre sécurité.

En dépit de la crise, le pouvoir d'achat des Français aurait augmenté d'1,5 point, selon Bruno Le Maire. Pourtant, nos concitoyens sont nombreux à être confrontés à la grande pauvreté. La contrainte est de plus en plus forte sur les ménages modestes, notamment avec la hausse des dépenses pré-engagées qui représentent désormais plus de 30 % de leur budget. Les prix augmentent : + 16 % pour l'essence, + 6,3 % pour l'électricité. Les loyers et les prix de l'alimentation augmentent à leur tour.

L'emploi se précarise : 75 % des embauches sont en contrat court. On observe un rebond du travail indépendant et le développement de l'ubérisation, assortie d'une protection sociale lacunaire.

Les inégalités se creusent : depuis 2018, les riches sont plus riches et les pauvres plus pauvres. Le ruissellement n'a pas lieu. La baisse des allocations de logement, la réforme de la fiscalité du capital et désormais la réforme du chômage contribuent à l'augmentation des écarts de niveau de vie entre Français. Or, la première parade, c'est une juste rémunération. En 2019, 19 % des Français se percevaient comme pauvres, contre 13 % en 2017.

Un plan de relance mieux ciblé sur les secteurs stratégiques aurait été bienvenu.

Ce n'est que grâce aux transferts sociaux et fiscaux que le niveau de vie global a pu se maintenir. Le nombre de bénéficiaires des minima sociaux a augmenté de 30 % depuis 2008. Le sentiment de déclassement se répand.

Notre pays a pourtant les richesses suffisantes pour que chacun vive dignement, à condition que nous les répartissions mieux. Il s'agit de garantir à long terme la cohésion de notre modèle.

Mme le président.  - Merci à chacun de respecter son temps de parole. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Le sujet de l'agriculture est intéressant pour répondre à la question posée.

Les preuves, d'abord. La balance commerciale agricole française est bien mauvaise : elle a été divisée par deux en dix ans et sera déficitaire à partir de 2023 ; hors vins et spiritueux, elle est déjà déficitaire de plus de 6 milliards d'euros. En effet, nous importons de plus en plus : en restauration hors foyer, nous consommons de 60 à 80 % de viande importée...

Les causes, ensuite. Le coût de la main-d'oeuvre en France a augmenté de plus de 58 % en dix ans : il est 1,5 fois plus cher qu'en Allemagne, 1,7 fois plus qu'en Espagne et 2 à 3 fois plus qu'en Europe de l'Est. Les charges sont trop importantes : de 7 % de plus que dans les autres pays européens, notamment sur les engrais et les phytosanitaires. La loi EGalim I a créé des charges supplémentaires et la loi Climat et résilience en aurait rajouté une couche si nous n'avions agi pour éviter une taxe sur l'azote ! La France impose plus de normes agroécologiques par rapport à ses concurrents, sur les abeilles, les zones Natura 2000, les néonicotinoïdes (protestations sur les travées du GEST), le glyphosate, etc. Arrêtons de surtransposer ! Et nos industries agroalimentaires sont fragiles : leurs marges sont faibles et elles ont donc de moins en moins de capacité à investir.

Les conséquences : la disparition de filières entières - cerises, abricots, pêches, poires, moutarde... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Somon .  - « Et si la France allait mieux qu'elle ne le croit ? », interroge un ouvrage récent.

En valeur absolue, la France reste un pays riche - le 5e au monde -, mais elle dégringole à la 24e place pour le PIB rapporté au nombre d'habitants.

Notre population est vieillissante, notre jeunesse en perte de confiance, face à un ascenseur social qui ne fonctionne plus. Notre politique familiale est déconstruite et notre éducation pointe au 23e rang sur 79 dans les classements internationaux : nous devons renouer avec une culture scientifique et technologique. Notre dépendance industrielle a été cruellement révélée par la crise sanitaire. Nous avons abandonné nos secteurs d'excellence. Nous perdons notre rang en nombre de brevets déposés au niveau international : 4e déposant en 2005, nous ne sommes plus que 6e en 2019, loin derrière les États-Unis et la Chine. Or la propriété intellectuelle est le reflet de l'innovation et elle joue un rôle central dans la concurrence au niveau mondial.

En termes de recherche, la France est désormais 13e au classement mondial et 7e dans l'Union européenne, n'y consacrant que 2,2 % de son PIB.

Ne soyons cependant pas exagérément pessimistes. Nos infrastructures, la productivité des salaires, le faible coût de l'énergie, les télécoms ou le marché intérieur européen sont autant de facteurs d'attractivité.

Déclin ou déclassement ? Oui, la France perd du terrain et la pauvreté augmente, de 13,6 à 14,8 % entre 2009 et aujourd'hui.

Nous devons organiser la reconquête dans le contexte européen. L'État bureaucratique, trop lourd, reste un frein majeur. Voyez le nombre de projets qui ont échoué en Hauts-de-France, car la Belgique est plus ouverte. Sans parler des États-Unis ou du Canada qui attirent nos jeunes chercheurs.

La richesse ne ruisselle ni sur les ménages ni sur les territoires.

Notre système social, à bout de souffle, se traduit par des prélèvements obligatoires de plus en plus élevés : 47,4 % du PIB, soit le taux le plus élevé de l'Union européenne.

La France est droguée à la dépense publique, comme le disait il y a peu le ministre de l'économie.

Il faut des réformes structurelles dans la santé, la recherche, l'agriculture et l'écologie.

Sur ce terrain, les Français vous attendaient... Ils vous attendent toujours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Alain Griset, ministre délégué, chargé des petites et moyennes entreprises .  - Plutôt que de parler d'un pays en perte de vitesse, permettez-moi de parler d'une France qui, depuis 2019, est le pays le plus attractif en Europe, celui dont le rebond économique est aujourd'hui le plus marqué.

Après des décennies de perte de compétitivité, de désindustrialisation et de chômage de masse, la dynamique revient, grâce à une politique publique volontariste. La compétitivité française se redresse grâce aux baisses des impôts et des charges.

La réduction de l'impôt sur les sociétés, les exonérations de cotisations pour les bas salaires et la baisse des impôts de production sont les facteurs de cette amélioration.

Le chômage est au plus bas depuis la crise de 2008. Il y a plus d'emplois aujourd'hui qu'avant la crise. La qualité de l'emploi aussi s'améliore, avec une augmentation de la part des CDI et une diminution du nombre des temps partiels.

Le droit du travail a été simplifié, le système de formation professionnelle rénové, le développement des compétences fortement stimulé. Le maintien dans l'emploi des moins qualifiés fait l'objet de mesures particulières, de même que l'apprentissage - 500 000 apprentis en 2021, contre 280 000 en 2016.

Avec la reprise économique, la main-d'oeuvre manque dans certains secteurs. La réforme de l'assurance chômage complète l'action du Gouvernement en faveur de l'emploi.

Les investissements dans l'innovation, la recherche et le développement demeurent une priorité. Nous venons de lancer le programme d'investissement d'avenir 4 (PIA4), pour 20 milliards d'euros. Il s'agit notamment d'accélérer les innovations de rupture. Le plan France Relance accompagne les entreprises dans leurs nécessaires transitions écologique et numérique.

La reconquête industrielle est en cours, car nous avons besoin d'un secteur productif fort. Nous voulons faire émerger les champions de demain dans dix secteurs cibles. De notre industrie dépendent notre souveraineté et la vitalité de nos territoires. C'est pourquoi nous consacrons à l'industrie 35 milliards d'euros dans le plan France Relance qui est aussi au coeur du plan France 2030.

Grâce à cette politique ambitieuse, l'économie française est revenue sur de bons rails. Nous agissons aussi en faveur du pouvoir d'achat des Français et de l'égalité des chances. La revalorisation de la prime d'activité, la prime Macron et la baisse de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes, entre autres, font que le travail paie mieux. La suppression de la taxe d'habitation complète ces mesures de justice et de pouvoir d'achat.

Le plan « Un jeune, une solution » et le contrat d'engagement soutiennent la jeunesse.

L'appui aux plus vulnérables a été un axe fort de notre action pendant la crise.

L'indemnité inflation de 100 euros bénéficiera à tous les Français qui gagnent moins de 2 000 euros net par mois. Les prix du gaz sont gelés depuis octobre et le prix de l'électricité réglementé sera encadré. En définitive, le pouvoir d'achat des ménages a augmenté de 8 % en moyenne durant le quinquennat.

Les résultats économiques sont là : 6,25 % de croissance en 2021, et 4 % en 2022. C'est le fruit de notre stratégie.

M. Laurent Duplomb.  - Et 3 000 milliards d'euros de dette publique !

M. Jacques Fernique .  - L'industrie automobile a-t-elle un avenir dans notre pays ? En dix ans, 100 000 emplois ont disparu et la moitié des emplois restants pourrait être perdue d'ici à 2035 avec la fin des moteurs thermiques. L'électromobilité ne pourra tout compenser. Comment éviter une catastrophe sociale ?

En Allemagne, le nouveau contrat de coalition prévoit l'accompagnement de la transition du secteur automobile.

Un dialogue social est nécessaire pour accélérer cette transformation. Le Gouvernement est-il résolu à l'engager ? (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)

M. Alain Griset, ministre délégué.  - L'industrie doit à la fois décarboner ses procédés et mettre au point les solutions décarbonées de demain.

Le Gouvernement a prévu 1,2 milliard d'euros pour soutenir la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le plan France Relance. D'ores et déjà, 141 projets sont retenus.

Une transition rapide du parc automobile est nécessaire pour les générations futures. Des restructurations sont inévitables. Les évolutions réglementaires à venir vont accélérer cette transition.

Le soutien de l'État est et demeurera constant : plan diesel et plan automobile de France Relance, en particulier.

M. Jacques Fernique.  - Le soutien à l'industrie automobile de France Relance est loin d'être à la hauteur. La décarbonation, c'est la clé de la compétitivité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Parlons plutôt de la souveraineté économique de la France. La désindustrialisation se poursuit depuis 2017. Cela ne risque que de croître et embellir, vu la réponse que vous venez de faire sur l'automobile...

Il faut des plans de filière négociés entre les industriels, les syndicats et la puissance publique. Les 34 milliards que vous annoncez sont dérisoires face aux défis de la réindustrialisation.

Nous devons accompagner les entreprises dans leur mutation. Nous ne pouvons accepter que les sous-traitants automobiles disparaissent. Le capital étranger ne doit pas pouvoir partir après avoir bénéficié d'aides publiques. Redonnez-nous confiance dans l'avenir de notre industrie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

M. Alain Griset, ministre délégué.  - Une entreprise qui ferme, c'est une épreuve très dure pour les salariés et pour les familles. L'engagement du Gouvernement en faveur de la réindustrialisation est constant. Nous faisons des efforts considérables pour la formation des salariés et l'accompagnement des sites industriels.

Nous n'entendons pas effacer cette mémoire ouvrière. Nous continuons de travailler sans relâche pour faire venir sur notre sol de nouveaux industriels.

M. Pierre-Antoine Levi .  - Notre perte de souveraineté économique est particulièrement manifeste dans la santé. Du fait des pénuries, les Français doutent de la capacité de l'État à les protéger.

Les médicaments contre le cancer manquent dans les pharmacies centrales des hôpitaux, occasionnant semble-t-il une baisse de 75 % des chances de guérison des malades. Dans le pays de Pasteur, comment en sommes-nous arrivés là ?

La responsabilité en incombe à un mouvement de fond depuis une trentaine d'années. Comment comptez-vous l'enrayer ? Il y a urgence ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. Alain Griset, ministre délégué.  - La crise sanitaire a mis au jour notre dépendance à l'égard de l'étranger pour nous approvisionner en produits de santé. C'est pourquoi nous voulons faire de la santé l'industrie la plus souveraine et la plus innovante en Europe.

Nous avons tout mis en oeuvre pour lutter contre le Covid-19. Plus de 150 millions de doses de vaccins sont sorties des usines de production françaises en 2021.

La santé occupe une place centrale dans le plan France Relance.

Le plan Innovation Santé 2030 doté de 7,5 milliards d'euros, et repris dans le plan France Relance, tire les conséquences de la crise sanitaire et fixe les ambitions de la France.

Mme Guylène Pantel .  - La hausse du prix des carburants est spectaculaire sur tout le territoire. On atteint des niveaux historiques, plus élevés encore qu'à la veille du mouvement des gilets jaunes.

Les conséquences sont très lourdes dans les territoires ruraux où la voiture est indispensable pour se déplacer. En Lozère, il faut parfois deux heures de route pour rejoindre l'hôpital ou la maternité !

En 2018, mon groupe avait proposé une modulation de la fiscalité énergétique dans les départements les plus ruraux. Cette problématique est plus que jamais d'actualité.

Au-delà de l'indemnité inflation, très médiatique, comment allez-vous soutenir le pouvoir d'achat en milieu hyper-rural ?

M. Alain Griset, ministre délégué.  - Oui, les Français sont préoccupés par l'inflation et par leur pouvoir d'achat. Depuis 2017, nous avons agi pour que le travail soit rémunéré à sa juste valeur. Face à la hausse des prix, nous revalorisons le chèque Énergie et mettons en place une indemnité inflation pour 38 millions de Français. Un bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l'électricité a également été instauré.

Comme je l'ai déjà dit, le pouvoir d'achat de tous les Français a progressé sous le quinquennat.

Maintenir les services publics de proximité est une priorité de notre action, dans le cadre des maisons France Services.

Mme Florence Blatrix Contat .  - La perte de notre puissance économique est mesurable par les chiffres du solde commercial : 68 milliards d'euros de déficit contre un excédent de 215 milliards d'euros pour l'Allemagne. La base industrielle de nos exportations s'est peu à peu atrophiée, ne reposant plus que sur l'aéronautique, l'armement et le luxe. L'attractivité de notre pays est pourtant indéniable notamment en raison de la productivité de notre main-d'oeuvre.

Mais l'approche financière ne fait pas une stratégie économique de moyen et long terme. Franck Montaugé a raison : il faut une montée en gamme de nos productions ; et des progrès dans le numérique. L'échec de Gaïa-X est celui d'un cloud véritablement souverain. Nous voilà réduits à un cloud de confiance avec une base technologique largement Gafam.

Il faut permettre aux start-up non seulement de naître, mais aussi de croître. Le Gouvernement entend-il s'engager dans une stratégie de souveraineté numérique avec les acteurs européens ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Alain Griset, ministre délégué.  - L'autonomie numérique de la France et de l'Europe est indispensable dans un monde toujours plus digitalisé.

Nous avons lancé de nombreuses stratégies d'innovation : 1,8 milliard d'euros pour le quantique, 2 milliards pour l'intelligence artificielle, 2 milliards pour le cloud, 800 millions pour la cybersécurité.

Le plan France 2030 renforcera nos capacités de développement dans les secteurs stratégiques.

Notre autonomie dépendra de notre capacité à protéger nos données sensibles et personnelles. C'est pourquoi nous avons lancé un label pour garantir un haut niveau de protection. Nous devons assurer une concurrence loyale. La France milite sans relâche en faveur d'un marché européen sécurisé du numérique.

L'adoption du Digital markets act (DMA) par l'Union européenne est un bon signe.

M. Dany Wattebled .  - La puissance économique d'un pays se mesure à sa capacité à sécuriser ses débouchés à l'extérieur. En septembre dernier, quand l'Australie a rompu unilatéralement le contrat de 55 milliards d'euros qui la liait à la France, nous avons pu constater combien la rivalité économique faisait rage, parfois au détriment de la France. Les États-Unis, la Russie, la Chine et tant d'autres sont à l'offensive pour conquérir des marchés hors de leurs frontières.

Là où des pays comme l'Allemagne chassent en meute, la France ne joue pas assez collectif. Comment le Gouvernement compte-t-il y remédier ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. Alain Griset, ministre délégué.  - Le combat de la France pour rétablir sa balance commerciale repose sur trois piliers : tout d'abord il s'agit de renforcer l'attractivité et la compétitivité de notre économie, avec la baisse des impôts, la réduction des charges sur les bas salaires et la formation. Notre travail paie : la France est devenue le pays européen le plus attractif en matière d'investissements étrangers.

Ensuite, le principe de réciprocité doit s'appliquer à nos partenaires commerciaux : il est inacceptable que les géants du numérique payent moins d'impôts que nos ETI et PME et que des États ferment leurs marchés publics à nos entreprises tout en ayant accès aux nôtres. Le Gouvernement se bat pour une réforme fiscale internationale, pour le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, mais aussi pour la réciprocité d'accès aux marchés publics.

Il faut enfin renforcer le contrôle des investissements étrangers en France ; à cet égard, nous avons abaissé le seuil de contrôle à 10 %.

Si les conditions de concurrence et de réciprocité ne sont pas garanties, il faut intervenir. Mais notre compétitivité ne dépend pas d'un retour au protectionnisme.

M. Dany Wattebled.  - Nos start-up partent à l'étranger : trop souvent, nous n'arrivons pas à passer le cap industriel.

M. Édouard Courtial .  - La pandémie a dévoilé des failles, parmi lesquelles le déficit commercial, particulièrement frappant.

L'écart avec l'Allemagne se monte à 177 % alors que la différence de PIB entre nos deux pays n'est que de 37 %. Notre voisin peut s'appuyer sur un formidable tissu de PME, dynamique et résilient. Certes, nous avons fait des progrès mais il faut aller encore plus loin. Nous devons nous rapprocher des marchés en nous appuyant sur le réseau diplomatique et la diaspora.

Il convient enfin de mettre un terme à la naïveté de l'Union européenne, notamment en imposant la réciprocité des normes. La présidence française de l'Union pourrait être l'occasion de marquer une rupture : le Gouvernement le fera-t-il ?

M. Alain Griset, ministre délégué.  - Le déficit commercial de la France s'élevait en 2020 à 43,5 milliards d'euros. L'amélioration de la balance commerciale va de pair avec la réindustrialisation du territoire.

Les plans France Relance et France 2030 y participent.

Nous mobilisons les Français de l'étranger, très actifs par le biais des CCI locales, qui comptent plus de 30 000 membres dans 96 pays. Certains financements leur sont aussi accessibles via le dispositif Proparco.

Enfin, du fait de la crise Covid, nos ambassades ont resserré les liens avec nos compatriotes établis hors de France.

La séance est suspendue à 20 h 15.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Quel bilan de l'action du Gouvernement en matière de justice et de sécurité ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quel bilan de l'action du Gouvernement en matière de justice et de sécurité ? ».

Mme Maryse Carrère .  - Ce débat offre l'occasion de revenir sur les nombreux textes adoptés au cours de cette législature en matière de justice et de sécurité. Ils ont été accueillis plus ou moins chaleureusement, mais la volonté de réforme est claire, et appuyée par la hausse des crédits.

La protection judiciaire de la jeunesse fait face à plusieurs défis. Le Sénat avait proposé le report de l'entrée en vigueur du code de justice des mineurs ; au 31 décembre, seuls 30 % des professionnels auront été formés aux nouvelles procédures. Certaines mesures, comme l'investigation éducative, devront être réalisées en moins de neuf jours en 2023, contre seize jours en moyenne aujourd'hui. Gagner une semaine constitue un défi.

L'audience unique, mise en place immédiatement à Paris et Marseille pour les mineurs ayant des antécédents judiciaires, a entraîné une hausse des incarcérations de mineurs. Certes, elle peut être nécessaire, mais ce n'est pas bon signe. Le développement des alternatives à l'incarcération est nécessaire.

Je regrette qu'une large part des hausses de crédits soit dédiée à l'incarcération. Il faut dépenser plus, mais surtout mieux pour désengorger les tribunaux, rendre la justice plus rapide, rétablir la confiance de nos concitoyens et alléger le travail des services de police.

Il faut réfléchir à la réponse pénale. Souvent, policiers et gendarmes sont désemparés de revoir des individus interpellés dans la rue dès le lendemain... Le manque d'effectifs et de matériels se fait sentir ; de nombreux maires tentent d'y pallier en renforçant la police municipale, qui ne remplit toutefois pas les mêmes missions.

Malgré des améliorations, bien des chantiers restent à mener en matière de justice et de sécurité. Espérons qu'ils trouveront des réponses au-delà des programmes électoraux des candidats à la présidentielle !

Mme Éliane Assassi .  - Cinq minutes ne suffiront pas à dresser un bilan exhaustif de l'action du Gouvernement en matière de justice et de sécurité.

Ce Gouvernement s'est inscrit dans le prolongement du quinquennat précédent en matière de lutte antiterroriste, alors que le candidat Macron avait promis de ne pas toucher à cette législation. Loi SILT puis SILT 2, toutes les mesures ont été prorogées et durcies, la procédure judiciaire et les droits de la défense ont été contournés en arguant du principe de précaution, alors que nos principes démocratiques imposent un droit pénal d'interprétation stricte.

En matière de renseignement, ce Gouvernement s'est doté d'un arsenal de surveillance de masse. Un virage spectaculaire a été pris avec la loi Sécurité globale, dont l'essentiel a heureusement été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Sans sourciller, ce Gouvernement a décidé d'aller le plus loin possible dans la surveillance et le contrôle des populations. La confusion règne entre police nationale, police municipale et sociétés de sécurité privées.

Il n'est pas anodin de lier sécurité et justice : c'est même dangereux - mais ô combien révélateur. Le secrétaire général du syndicat Alliance a dit, devant l'Assemblée nationale : « le problème de la police, c'est la justice » !

Le garde des Sceaux y a répondu en intégrant dans l'urgence de nouvelles mesures à son projet de loi Confiance dans la justice : suppression du rappel à la loi, peine de sûreté de trente ans pour les condamnés à perpétuité pour un crime contre un policier ou un gendarme, limitation des réductions de peine pour les agresseurs de forces de l'ordre. Des mesures purement démagogiques.

Cette myriade d'articles protéiformes répond à un objectif dangereux : on redresse la justice comme n'importe quel autre service public, de façon gestionnaire et comptable. Dans une tribune historique, 3 000 magistrats ont dénoncé cette logique de rationalisation qui déshumanise.

Aussi régalien soit-il, le ministère de la Justice n'échappe pas à Bercy, téléguidé depuis Beauvau...

« Intérieur et Justice unis contre l'insécurité et l'impunité », titre le site du Gouvernement. L'opposition théorique entre efficacité sécuritaire et garantie des libertés individuelles semble dépassée : la balance a basculé, avec des dommages importants pour notre État de droit. Voilà le triste bilan de ce Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Mélanie Vogel applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - Cette fin d'année qui coïncide avec la fin du quinquennat est propice à un bilan.

Justice contre sécurité, magistrats contre policiers : ces oppositions n'ont pas lieu d'être. Il ne peut y avoir de sécurité sans une justice efficace, et réciproquement. Le constat est connu : 93 % des Français estiment que la justice est lente, 68 % qu'elle est laxiste, 53 % qu'elle est partiale. Libération titrait ce matin : « Justice, grand corps malade »...

Il y a eu les sucres rapides cachant le goût amer du manque de magistrats et de greffiers. Ce n'est qu'en fin de mandat que le Président de la République aura donné sa vision de la justice, en inaugurant les états généraux de la justice.

Les deux gardes des Sceaux précédents et leurs réformes n'auront guère marqué les esprits. Malgré plusieurs lois bienvenues, que le Sénat a au demeurant approuvées en commission mixte paritaire, il aura manqué un vrai grand texte sur l'institution judiciaire et son organisation.

Les promesses du candidat Macron sur l'indépendance du parquet et la suppression de la Cour de justice de la République n'auront pas été tenues.

La justice aura pourtant connu une hausse historique de son budget, de 30 % en cinq ans, qu'il faut saluer - même si une bonne part est absorbée par le programme de construction de places de prison. Cela aura permis de payer ses experts, ses avocats commis d'office...

De quoi a besoin la justice ? De plus de magistrats, sans doute. On ne peut rendre une justice sereine en siégeant dix heures sans pause et en terminant à une heure du matin. Nous sommes le pays où les procureurs ont le plus de dossiers à traiter : jours et nuits ne suffisent plus ! Sans parler des greffiers, souvent surdiplômés et sous-payés. Les choses fonctionneraient mieux aussi avec de bons outils informatiques, et un peu de décentralisation.

Notre visite à Rouen avec Agnès Canayer a été édifiante : les locaux sont vétustes et inadaptés. Trouvons des crédits pour la gestion bâtimentaire. Faut-il que les personnels aiment leur métier pour l'exercer dans de telles conditions !

Comment s'organisera le ministère de l'Intérieur sans plus d'officiers de police judiciaire pour tenir les délais d'enquête préliminaire fixés par la loi Confiance dans la justice ? On reproche à la justice d'être lente, mais la première partie de la procédure se passe dans les commissariats et gendarmeries. Si la police n'a pas eu le temps de mener l'enquête, l'affaire sera classée sans suite...

Le Président de la République dit vouloir remettre la police dans l'espace public. C'est une bonne chose que de reconquérir les zones de non-droit, les halls d'immeuble, les cages d'escalier.

Il faut aussi améliorer l'accueil des victimes dans les commissariats. Bien souvent, c'est le premier contact avec la justice. Il est donc fondamental de renforcer la formation des policiers. Les victimes qui portent plainte ne doivent pas trouver dans l'institution policière et judiciaire de nouveaux obstacles. (M. Antoine Lefèvre applaudit.)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Je ne dirais pas que c'est un échec, je dirais que ça n'a pas marché », avait dit Emmanuel Macron au sujet de la gestion de la crise sanitaire. En matière de sécurité, le Gouvernement est en échec : rétablir la confiance entre la police et la population, maintenir l'ordre, garantir les libertés, ça n'a pas marché.

On a parlé des conditions matérielles des forces de l'ordre. Nous regrettons que le Beauvau de la sécurité n'ait pas été davantage l'occasion d'une concorde avec nos concitoyens.

Cette année les crédits devraient augmenter de 7 %, à 22,7 milliards d'euros. C'est un effort nécessaire.

Nous devons renouer le lien de confiance, pérenniser l'équilibre entre efficacité et respect des libertés.

La doctrine de maintien de l'ordre était discutable. Ses résultats sur le terrain ont été faibles, elle a même parfois été contre-productive.

Les nouvelles technologies de captation des images constituent un outil indéniablement efficace, mais elles sont intrusives. La protection des données personnelles et de la vie privée sont constitutives de l'état de droit. Un encadrement précis doit donc être établi.

La décision du Conseil constitutionnel sur la loi Sécurité globale a été perçue comme un revers pour le Gouvernement. En invalidant les dispositions relatives à l'usage des drones et des caméras embarquées et au délit de provocation à l'identification d'un agent, le Conseil constitutionnel nous dit d'abord qu'il n'y aura pas de meilleure sécurité sans garantie de nos libertés. Aucune surenchère politique ne justifie un passage en force.

La sécurité pour tous est une part de la promesse républicaine. Mais après cinq ans de « marchisme », les choses sont claires : la République qui marche, ce n'est pas la République en marche !

On ne compte plus les ministres de l'Intérieur dans ce quinquennat, on ne peut donc pas vous accuser particulièrement, madame la ministre.

Gérald Darmanin a dit qu'il voulait voir plus de bleu dans la rue en 2022, mais la Cour des comptes appelle à l'humilité. Les déclarations sont nombreuses mais les résultats trop rares ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous regrettons que le Sénat se limite à ce débat, alors qu'il aurait pu et dû voter et amender le budget. Le Gouvernement agit avec les moyens que le Parlement lui confère !

Nous nous sommes réjouis l'an dernier de la hausse historique du budget de la justice et l'avons voté. Le budget pour 2022 est supérieur d'un tiers à celui de 2016. Cet effort important doit se poursuivre.

La justice est trop souvent pointée du doigt : elle serait laxiste et ne ferait plus respecter la loi. Nous ne souscrivons pas à ce raisonnement simpliste. Comment être plus ferme quand le taux d'occupation moyen des prisons atteint 114 % ? Les maisons d'arrêt de Nîmes ou de La Roche-sur-Yon dépassent les 200 % ! Je vous laisse imaginer les conditions de détention, surtout en contexte de pandémie.

Le Gouvernement a annoncé la création de 7 000 places de prison d'ici 2022, de 8 000 d'ici 2027. Le rapporteur de la commission des lois, Alain Marc, a donné un avis favorable aux crédits du programme pénitentiaire, malgré les retards de livraison attendus, car ces crédits traduisent une volonté politique.

Les créations de places ne doivent toutefois pas faire oublier le nécessaire entretien du parc existant. La hausse de 113 % des moyens dédiés à la sécurisation des établissements est à saluer.

La France compte toujours deux fois moins de juges par habitant que la moyenne européenne. La justice est pourtant au coeur du contrat social. Elle doit être efficace pour être légitime. Nous ne pouvons faire l'économie de moyens suffisants.

Entre 2017 et 2022, plus de 10 500 emplois de policiers et de gendarmes auront été créés. Renforcer la présence policière sur la voie publique sera bénéfique.

Le budget que nous aurions dû examiner augmentait les crédits dédiés aux locaux de nos forces de l'ordre, souvent vétustes. La modernisation des équipements est essentielle. Nos agents doivent pouvoir compter sur du matériel de qualité.

L'insécurité et le respect de la règle de droit sont des préoccupations majeures de nos concitoyens. Il faut poursuivre les efforts significatifs faits ces dernières années.

M. Marc-Philippe Daubresse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Que de temps perdu ! Voilà ce que nous retenons de ce quinquennat en matière de sécurité et de justice.

L'ampleur des problèmes était pourtant connue. Gérard Collomb avait posé un diagnostic sans concession : « Des narcotrafiquants, des islamistes radicaux ont pris la place de la République dans les quartiers difficiles où l'on vit côte à côte et où demain, je crains qu'on ne vive face à face. » En quelques mots tout était dit.

Rétablir l'autorité de l'État, mettre fin à l'impunité est un défi majeur. La sanction pénale doit être claire et immédiate.

Que de temps perdu avec le passage du ministre Castaner, empêtré dans la crise des gilets jaunes et dans ses déclarations inadaptées, voire mensongères. Ce n'est qu'avec l'arrivée du ministre Darmanin en juillet 2020 que l'on a pu aborder les vrais problèmes, avec les lois sur la sécurité globale, le terrorisme et le renseignement.

Je salue l'engagement des maires afin d'intégrer les polices municipales au continuum de sécurité -  souvent pour pallier l'absence de l'État sur le terrain. Nous avons enrichi le texte Sécurité globale pour faciliter la mutualisation et mieux protéger les forces de l'ordre, dans un contexte de violence envers les fonctionnaires qui portent l'uniforme. Quel acte manqué que ce fameux article 24 ! La rédaction de notre commission des lois était claire et respectueuse des libertés ; finalement, nous n'aurons qu'une version édulcorée du dispositif.

En matière de terrorisme et de renseignement, je regrette le manque d'écoute du Gouvernement. Nous proposions un suivi judiciaire pendant trois ans des djihadistes sortant de prison, bien plus efficace que l'allongement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, et qui, lui, aurait été constitutionnel !

Le Sénat vous avait aussi alerté sur le risque lié à la transposition maladroite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'interdiction de la collecte des fadettes. Il n'a pas été entendu.

Nous regrettons qu'une loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, une Loppsi, n'ait pas été présentée dès le début du quinquennat, comme l'avait fait le ministre Sarkozy en 2002. La tâche est immense : il faut donc un texte cadre, avec une programmation financière.

Nous proposons de modifier la Constitution pour instaurer des peines minimales obligatoires, de mieux protéger ceux qui nous protègent, de ne plus accepter l'excuse de minorité, de garantir les libertés fondamentales et de rétablir l'autorité de l'État : c'est l'horizon de la prochaine présidentielle. Aujourd'hui, nous en sommes loin, très loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Mélanie Vogel .  - Je veux dire mon émotion après le décès de 27 personnes dans la Manche. La sécurité des migrants est une question d'ordre public. La réponse humanitaire doit primer. Il faut sauver les migrants en danger de mer, leur donner de quoi survivre dignement.

Que fait le Gouvernement ? Pas grand-chose. Les forces de l'ordre harcèlent les réfugiés, déchirent leurs tentes à coups de canifs, repoussent les bénévoles. Combien faudra-t-il de morts de froid avant que cela change ? Les migrants ne meurent pas à cause des passeurs, n'en déplaise à M. Darmanin, mais parce que le Gouvernement ne met pas en place des voies sûres et légales de migration.

Avec cette approche sécuritaire et répressive des problèmes sociaux, on est bien loin du jeune ministre de l'économie qui disait, en 2016 : la sécurité n'est pas un projet politique...

Nous saluons la hausse du budget de la justice, mais regrettons qu'elle soit focalisée sur la construction de places de prison. En quarante ans, le nombre de personnes écrouées a doublé. Les textes se sont multipliés ; les condamnations de la France pour détention indigne, aussi. Les solutions existent pourtant : alternatives à la détention, centres semi-ouverts, renforcement des travailleurs sociaux, de la prise en charge psychiatrique ou du tissu associatif.

S'agissant de la lutte contre les féminicides, j'ai du mal à entendre le Gouvernement se gargariser de ce qu'il qualifie de grande cause du quinquennat. Nous en étions à 90 il y a deux mois, nous en sommes à 102 aujourd'hui. Que d'occasions manquées ! Il aurait fallu modifier la définition du viol, instaurer une justice et une police spécialisées comme en Espagne. La formation des policiers sur ce sujet, c'est trois heures en France, huit mois en Espagne... Les associations féministes demandent un milliard d'euros pour lutter contre les violences machistes.

Il y a aussi les promesses non tenues. Je pense à la constitutionnalisation de l'indépendance du parquet, à la suppression de la Cour de justice de la République. À la place, nous avons eu la critique du gouvernement des juges et la course à l'échalote sécuritaire.

Nous avons besoin de pragmatisme et de valeurs !

En Allemagne, la nouvelle coalition va légaliser le cannabis pour éradiquer les trafics et traiter la question comme un problème de santé publique. Ne serait-il pas temps de s'en inspirer ?

La posture répressive est stérile. Changeons d'approche ! (M. Thomas Dossus applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Entre 2019 et 2020, les effectifs pénitentiaires ont baissé de 12 793 : les jugements ont été moins nombreux, et l'on a libéré, pour des raisons sanitaires, un grand nombre de détenus en fin de peine. Cela a-t-il créé un problème particulier ? Non. C'est la preuve que la surpopulation carcérale pourrait tout à fait être évitée.

On parle d'alternatives à la détention, mais on ne les met pas suffisamment en oeuvre. Nous saluons l'augmentation de 8 % des crédits de la justice, mais l'essentiel va à la construction de prisons, alors qu'il faudrait développer les peines alternatives à la prison. L'augmentation, pour la justice judiciaire, est donc optique.

La tribune signée par 5 000 magistrats et greffiers dénonce les conditions de travail et la politique du chiffre. Ils sont exténués.

Dans cette séance publique placebo, le temps nous est compté. Je veux malgré tout évoquer la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, pour laquelle nous nous sommes battus.

À la veille de la campagne, voici qu'on annonce des États généraux de la justice. Scepticisme garanti ! Il aurait été plus logique de les tenir avant de nous présenter cinq ou six lois ! L'électoralisme est patent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice », je reconnais l'effort budgétaire constant tout au long du quinquennat. L'institution judiciaire a ainsi pu opérer un redressement salutaire. Entre 2018 et 2022, la mission aura bénéficié de 2,2 milliards d'euros supplémentaires et 7 400 postes auront été créés. Cela témoigne d'une prise en compte sérieuse des défis posés par les archaïsmes de l'institution.

Je salue aussi l'investissement réalisé pour l'administration pénitentiaire, avec la revalorisation des métiers et la création de plus de 4 300 emplois.

Des garanties solides ont été apportées pour faciliter l'accès du citoyen à la justice : le portail justice.fr, les points d'information dans les territoires, la revalorisation de l'aide juridictionnelle.

Et pourtant, les critiques des Français sont toujours les mêmes : lenteur, opacité, laxisme. La tribune qui a été citée prouve que nous sommes encore loin du compte. Le manque de moyens est une antienne inlassablement ressassée par les personnels, un fardeau nocif pour la République. Pis, un danger pour la crédibilité du système judiciaire.

Philippe Bas a rappelé la sous-exécution chronique de ce budget : au total, 510 millions d'euros n'ont pas été dépensés.

Un rapport de la Cour des comptes épingle les retards du plan de transformation numérique du ministère.

Quant au programme pénitentiaire promis en 2017, il reste inachevé. On nous dit qu'il nécessiterait deux quinquennats. Remarquable confiance face aux aléas électoraux ! Quel serait le nombre idéal de places à créer ? Difficile de le dire. Notre priorité doit être de concilier le respect des droits de l'homme en détention et la pleine exécution des peines.

Le Gouvernement a tendance à légiférer par émotion sans veiller à la cohérence des textes. Le tout couronné par des États généraux engagés beaucoup trop tardivement.

Une réflexion de fond sur les métiers et le sens de la peine est nécessaire pour conforter la confiance des justiciables. « Ce n'est point par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement les crimes, c'est par la certitude de la punition », écrit Cesare Beccaria dans Des délits et des peines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le quinquennat arrive à son terme et la justice va mal. Plus de la moitié des Français n'ont pas confiance dans l'institution ; ils lui reprochent lenteur, manque de transparence et d'effectivité. Ils sont 59 % à ne la saisir qu'en dernier cours.

Malgré l'adoption de nombreux textes et l'augmentation du budget de 30 % en cinq ans, l'image de la justice reste mauvaise et les professionnels sont en souffrance.

C'est avant tout un problème de méthode. Les réformes se succèdent trop vite. L'inflation législative et réglementaire paralyse l'institution. Les outils ne sont pas toujours prêts quand la réforme entre en vigueur ; le report de l'entrée en vigueur du nouveau code des mineurs, à l'initiative du Sénat, limitera cet écueil.

Les effectifs augmentent, mais la situation reste problématique chez les greffiers. Les délais de jugement sont toujours trop longs : plus de onze mois en moyenne, près de deux ans pour les divorces par contentieux... Il faut réévaluer les besoins des juridictions pour faire correspondre les moyens aux charges réelles et engager une réflexion sur le métier de magistrat et le rôle des membres de son équipe.

Enfin, la justice civile est la grande oubliée, alors qu'elle représente la majorité des affaires. Il faut renforcer la déjudiciarisation et la délégation pour redonner confiance dans la justice du quotidien et prévenir la récidive.

Les chantiers sont vastes. Des efforts ont été réalisés, mais la réalité nous rappelle que le compte n'y est toujours pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - La sécurité est l'une des priorités du Gouvernement. C'est un honneur de représenter le ministre de l'Intérieur et le garde des Sceaux devant vous ce soir.

L'État est de retour là où la République avait pu donner le sentiment de reculer. Depuis 2018, la police de sécurité du quotidien s'est déployée sur tous les territoires. Près de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires ont été recrutés pendant le quinquennat, dont 1 200 dans les quartiers de reconquête républicaine. Toutes les circonscriptions de sécurité voient leurs effectifs progresser.

La lutte contre les stupéfiants gagne en efficacité, notamment avec la création de l'Office anti-stupéfiants et l'amende forfaitaire individuelle. Les saisines de drogue et d'avoirs criminels sont en forte hausse, tout comme les démantèlements de trafics.

Nous agissons aussi sur les facteurs de risque dans le cadre de notre stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024. Nous y consacrons 70 millions d'euros en 2021, auxquels s'ajouteront 10 millions d'euros supplémentaires en 2022 destinés notamment à la vidéoprotection sur la voie publique.

Les conditions de travail des forces de l'ordre s'améliorent : modernisation de 700 casernes et commissariats, renouvellement des deux tiers du parc automobile. Les engagements pris dans le Beauvau de la sécurité se sont traduits par 1 milliard d'euros supplémentaires pour la mission « Sécurités », qui atteint désormais 2,3 milliards d'euros.

La lutte contre la radicalisation et le terrorisme est une priorité absolue. Nous mettons l'accent sur le renseignement territorial avec plus de 1 900  recrutements et un budget doublé depuis 2015 pour la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Depuis 2017, nous avons déjoué 36 attentats. Nous combattons aussi le terreau du terrorisme : le séparatisme. Nous avons effectué 24 000 contrôles, fermé 672 lieux et saisi ou redressé 45 millions d'avoirs. Cette révolution copernicienne voulue par le Président de la République porte ses fruits.

La sécurité des Français repose aussi sur une réponse pénale rapide. Je vous remercie d'avoir salué la hausse considérable, de 33 % en cinq ans, des moyens du ministère de la Justice.

Le développement de la justice de proximité contribue à restaurer la crédibilité de la justice.

Nous renforçons également la politique pénale : nous pénalisons plus fortement les auteurs de violences contre les forces de l'ordre. Nous avons créé le parquet national antiterroriste, ainsi que le pôle national de la lutte contre la haine en ligne.

La justice des mineurs est également une priorité du Gouvernement. Le code de la justice des mineurs est bien entré en application, mettant ainsi fin à l'empilement des mesures éducatives.

Madame Carrère, le budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) bénéficiera de 95 millions d'euros supplémentaires tant pour le secteur public que pour le privé habilité.

La justice des mineurs, c'est aussi la protection des enfants contre toutes les formes de violence. La loi de 2018 a allongé le délai de prescription des crimes et délits sexuels commis à l'encontre des mineurs.

Le Gouvernement s'attache à lutter contre la surpopulation carcérale, à favoriser la réinsertion, à prévenir la récidive, ainsi qu'à lutter contre la radicalisation en prison.

Le plan 15 000, programme immobilier pénitentiaire le plus ambitieux depuis 15 ans, nous permettra d'atteindre les 75 000 places de prison en 2027. (M. Philippe Pemezec approuve.) Quelque 7 000 places, au sein de 14 opérations, sont actuellement en chantier. Je salue l'esprit républicain des élus qui soutiennent ces projets, comme à Caen ou Angers.

La loi du 30 juillet 2021 et celle du 24 août 2021 nous permettent de mieux lutter contre la radicalisation. De nouveaux quartiers d'évaluation et de prise en charge de la radicalisation ont été créés.

Monsieur Sueur, 7 400 emplois auront été créés pour la justice en cinq ans. Au total, les effectifs dépassent désormais les 90 000. Nous avons créé 650 postes de magistrats, alors que seulement 27 l'avaient été sous le quinquennat précédent, et 102 avaient été détruits sous Nicolas Sarkozy. Nous avons également créé 850 postes supplémentaires de greffiers. Cette année, ce ne sont pas moins de 3 450 personnes qui ont été recrutées par la Chancellerie.

Sur le déchirement des tentes, Gérald Darmanin a bien rappelé que jamais les policiers et gendarmes n'avaient reçu de telles consignes. Ce sont des opérateurs privés chargés du nettoyage après évacuation qui ont fait cela.

Le chiffre de trois heures de formation des policiers sur les violences sexuelles et sexistes est totalement faux : 120 heures sont prévues en formation initiale. Sans compter la formation continue.

Personne ne peut décemment considérer que le Gouvernement n'a pas agi contre les violences conjugales. Nous avons voté quatre lois en quatre ans. Le bracelet anti-rapprochement est une mesure importante. Le garde des Sceaux a donné la consigne très stricte de prévenir la victime de la sortie de prison de son agresseur.

Le budget 2021 connaîtra une exécution record, avec 8 milliards d'euros dépensés.

Les États généraux de la justice sont une occasion de progresser sur tous les sujets, notamment ceux qui sont abordés dans la tribune des magistrats. Il ne s'agit pas d'une opération de communication...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nul n'y avait songé... (Sourires)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - ... mais de dialogue. Des ateliers embrassant tous les thèmes d'actualité - moyens, organisation, missions - sont organisés. Leurs travaux seront publiés. C'est un exercice démocratique sans précédent. Le Sénat y a pris sa part avec l'Agora de la justice.

Mme Cécile Cukierman .  - Les arrêts maladie se multiplient chez les magistrats ; le métier perd son sens et la souffrance se développe.

C'est ce que nous disent les magistrats dans leur tribune. Ils regrettent un manque de moyens, mais surtout que la justice n'écoute pas et raisonne uniquement en chiffres, chronométrant et comptabilisant tout. Il leur faut juger vite mais mal, ou bien mais dans des délais inacceptables...

Le mal-être des professionnels de la justice comme des forces de l'ordre doit être entendu. Comment redonner sens à ces métiers essentiels à l'État de droit et au vivre-ensemble ? Comment redonner leur grandeur aux politiques régaliennes face à tant de souffrance et de mépris ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le garde des Sceaux a été extrêmement sensible à ce témoignage. Il a reçu une délégation de représentants des 3 000 signataires, mais aussi les conférences nationales de magistrats, ainsi que, aujourd'hui même, les organisations syndicales.

Le Gouvernement a redonné des moyens à la justice comme jamais auparavant. La question de la considération accordée aux magistrats est enfin posée lors des États généraux de la justice, après des années de délaissement. Chacun est invité à y contribuer.

Mme Cécile Cukierman.  - Vous avez parlé de révolution copernicienne - avec un certain manque d'humilité. Mais la vraie révolution, ce serait des États généraux en début de quinquennat pour prendre en compte les demandes des professionnels et de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Pierre-Antoine Levi .  - Scribe est un désastre. Annoncé en 2016, le projet s'enlise. Or la police nationale a besoin d'un outil informatique moderne pour remplacer le logiciel actuel qui est en bout de course. Pas moins de 11,7 millions d'euros sont déjà partis en fumée.

Où en sommes-nous ? Le projet va-t-il enfin aboutir ? À quel coût, dans quel délai ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le logiciel de rédaction des procédures - qui génère chaque année 4 millions de procédures - constitue le coeur du système d'information de la police nationale. L'outil actuel est rigide et complexe. Un chantier pour un nouvel outil a été lancé, mais il rencontre des difficultés de gouvernance, de priorisation et de pilotage, qui nous ont incités à faire une pause pour le relancer sur de nouvelles bases. Dans l'attente, le logiciel actuel a été simplifié et modernisé.

Mme Nathalie Delattre .  - Votre Gouvernement s'est donné pour objectif de rapprocher l'action des collectivités territoriales de celle de l'État. Nous avons besoin de bases claires pour le recrutement des policiers municipaux, mais aussi l'installation de caméras de vidéoprotection.

Le Gouvernement encourage les communes à s'en doter, mais l'accompagnement financier est incertain, surtout quand il émane du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR).

Malgré la circulaire du 5 mars 2020 qui définit des orientations triennales 2020-2022 et celle du 30 avril 2021 qui prévoit 69 millions d'euros en 2021 contre 66 l'an dernier, le compte n'y est pas.

Le Gouvernement souhaite soutenir la mutualisation des moyens. J'y suis favorable si elle est matériellement possible. Dans mon département de la Gironde, de nombreux dossiers ont été refusés, car les moyens sont trois fois inférieurs aux besoins. Que compte faire le Gouvernement sur ce sujet majeur de préoccupation des Français ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La vidéoprotection est un enjeu majeur de sécurité globale. Le FIPDR assure son financement. Une augmentation de plus de 10 millions d'euros interviendra en 2022, qui portera son montant à 79,4 millions d'euros. Le projet de loi de finances rectificative pour 2021 a également prévu 5 millions d'euros supplémentaires pour des actions prioritaires comme à Mayotte.

La lutte contre l'islamisme et les atteintes aux principes républicains en sera aussi renforcée.

M. Jérôme Durain .  - Depuis le début de l'année, 104 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ancien compagnon : 104 victimes de trop. La dernière a été tuée ce vendredi alors qu'elle disposait pourtant d'un téléphone grave danger. Son ex-compagnon était sorti quelques jours plus tôt de prison, mais personne n'avait songé à l'en informer.

Pour être efficaces, il faut que les outils soient utilisés : seulement 500 bracelets anti-rapprochement activés pour 1 000 disponibles, moins de 2 000 femmes équipées d'un téléphone grave danger alors que ce dispositif existe depuis 2014 ; quant aux ordonnances de protection, elles sont encore trop souvent rejetées ...

Des dysfonctionnements majeurs persistent, des informations ne circulent pas, mettant les femmes en danger.

Que comptez-vous faire pour protéger vraiment les femmes ? Avez-vous fait tout ce qui était possible ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - On n'en fait jamais assez en la matière et même un seul féminicide est un féminicide de trop.

Reste que le Gouvernement a fait beaucoup, avec quatre lois en quatre ans.

Au ministère de l'Intérieur, nous nous attachons à lever un à un tous les obstacles existant entre les femmes et le dépôt de plainte. C'est le sens des 120 heures de formation que j'évoquais, de la grille d'évaluation du danger, de l'appel de la police par texto au 114, de la plateforme arrêtonslesviolences.gouv.fr, etc. Désormais toutes les femmes sont entendues et toutes les plaintes sont transmises au Parquet.

Quelque 676 bracelets anti-rapprochement ont été distribués ; ils ont conduit à 426 demandes d'intervention des forces de l'ordre. Le téléphone grave danger a été développé : + 168 % en deux ans.

Nous avons également travaillé sur la saisie des armes à feu, l'hébergement, la déchéance de l'autorité parentale pour le parent criminel, et bien d'autres mesures.

Le Gouvernement ne peut pas tout faire tout seul. C'est toute la société qui doit s'investir pour combattre ce fléau qui existe depuis l'antiquité.

M. Jérôme Durain.  - La victime de la semaine dernière a été tuée, car personne ne l'avait prévenue que son ex-conjoint était sorti de prison. Une autre a été récemment brûlée vive. Combien de féminicides évités si la justice fonctionnait correctement ?

L'an dernier, sur les 102 victimes, une femme sur cinq avait porté plainte pour des faits de violence, mais 80 % de ces plaintes avaient été classées sans suite... (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Franck Menonville .  - La consommation de stupéfiants est un véritable fléau. Il faut le combattre sans relâche.

Les personnes addictes sont dans une immense souffrance et les trafics menacent la cohésion de notre société. À Paris comme à Marseille, la République est défiée.

Nous apportons notre entier soutien au maire de Briançon dont la voiture a été incendiée. Certains réseaux ne se cachent même plus et développent de véritables stratégies marketing au grand jour.

Sachez que 80 % de l'héroïne consommée enrichit les talibans : la drogue est une source de financement majeure pour les groupes terroristes.

L'amende forfaitaire est une réponse rapide contre les consommateurs. Mais la prévention et l'accompagnement sont les meilleures actions.

Quels sont les résultats de votre politique de lutte contre les stupéfiants depuis 2017 ? Quelles mesures envisagez-vous pour poursuivre le travail engagé ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Il s'agit de l'une des trois grandes priorités du ministère de l'Intérieur. La légalisation est une fausse bonne solution. Elle ne ferait qu'accroître la consommation et les trafics. Notre politique répressive porte ses fruits.

L'Ofast a été créé en 2019. Grâce à 9 000 signalements, le nombre de points de deal a baissé de 10 % en un an. Une cellule cyber a également été créée.

Plus de 100 000 amendes délictuelles ont été infligées depuis septembre. Je salue l'action de la police et de la gendarmerie dans ce domaine.

Mme Muriel Jourda .  - Mme Canayer et M. Lefèvre ont insisté sur l'insatisfaction des magistrats et des justiciables, qui perdent confiance dans la justice.

La Cour des comptes préconise moins de réformes et plus de gestion et de ressources humaines. Qu'en pensez-vous ?

M. Antoine Lefèvre.  - Très bonne question !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - L'organisation du travail, les ressources humaines, la répartition du travail et de la charge émotionnelle font partie des sujets abordés dans le cadre des États généraux de la justice. Le garde des Sceaux a appelé chacun à y prendre part.

Mme Muriel Jourda.  - La Cour des comptes a fait cette préconisation dès 2018 ; nous sommes presque en 2022... Les États généraux de la justice arrivent bien tard dans ce quinquennat.

M. Antoine Lefèvre.  - Eh oui !

M. Thomas Dossus .  - Depuis 2017, sept cellules terroristes d'extrême droite ont été démantelées et dix projets d'attentats déjoués. Mais le sentiment d'impunité semble habiter les militants d'extrême droite qui mènent des actions violentes sans être inquiétés. Des structures dissoutes se reconstituent. Ainsi, Génération identitaire ressurgit, sous le nom de Natifs à Paris et Remparts à Lyon.

Sur les réseaux sociaux et les messageries sécurisées, les appels à la violence à l'égard des immigrés, des journalistes, des musulmans et des juifs se multiplient. Certains militaires factieux appellent à l'insurrection armée, d'autres s'expriment en toute impunité sur les plateaux de télévision... Tout cela est plus qu'inquiétant.

Pourtant, la réponse du Gouvernement reste timide. Il lui manque une approche globale.

Pharos compte seulement 54 agents pour toute la France alors que des centaines de milliers de signalements sont effectués chaque année. C'est insuffisant. Ainsi, je lui ai fait suivre 500 courriels haineux à caractère antisémite, sans réponse jusqu'à présent.

Allez-vous prendre conscience de la menace que fait peser l'extrême droite sur notre sécurité ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du CRCE)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - C'est bien la première fois que M. Darmanin et moi-même sommes accusés d'être timides... Dix associations d'ultra-droite ont été dissoutes en conseil des ministres, comme Génération identitaire qui existait bien avant 2017... Nous sommes le premier Gouvernement à prendre ce problème à bras-le-corps.

La lutte contre la haine en ligne se développe, avec le renforcement des moyens de Pharos. Les trois quarts des contenus sont finalement retirés, mais il faut atteindre les 100 %. Les plateformes doivent aussi faire leur travail de modération.

Nous ripostons contre la haine en ligne, en liaison avec des associations. Le garde des Sceaux a créé une nouvelle infraction pénale pour diffusion d'informations sur la vie privée d'une personne en vue de la mettre en danger. C'est un exemple parmi d'autres de l'engagement du Gouvernement en la matière.

Prochaine séance demain, mercredi 1er décembre 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 15.

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Bas sommaire

39

Compte rendu analytique officielSénatmardi 30 novembre 2021

Sommaire

Questions orales1

Taxation des sites de gestion des déchets1

M. Jean-Jacques Michau1

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques1

Dépôts d'espèces par les régisseurs des communes1

M. Bernard Buis1

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques1

Fiscalité des travailleurs frontaliers au Luxembourg2

M. Jean-Marc Todeschini2

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques2

Arrêt brutal du mécanisme Squalpi2

M. Thierry Cozic2

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques2

Projet de liaison ferroviaire Roissy-Picardie2

M. Stéphane Demilly2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Bacs fluviaux à passagers2

M. Pascal Martin2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Entreprises de transport cyclable de tourisme2

Mme Agnès Canayer2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Prolongement du dispositif Alvéole2

M. Olivier Henno2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Surcoût lié à la recherche d'amiante sur les routes2

M. Laurent Duplomb2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Défense de la ruralité et de ses traditions2

Mme Else Joseph2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Projet immobilier « Grande Bastide »2

M. Guy Benarroche2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Rénovation urbaine du Bois-l'Abbé2

M. Laurent Lafon2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Élevage extensif et calcul de l'impact environnemental2

Mme Anne-Catherine Loisier2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Bateaux publicitaires2

M. Philippe Tabarot2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Reconstruction après la tempête Alex2

Mme Dominique Estrosi Sassone2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Métropole d'Aix-Marseille-Provence2

Mme Marie-Arlette Carlotti2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Distributeurs de billets en zone rurale2

M. Jean Hingray2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

Pêche illégale en Guyane2

M. Georges Patient2

Mme Annick Girardin, ministre de la mer2

Redevance incitative2

Mme Marie-Claude Varaillas2

Mme Annick Girardin, ministre de la mer2

DGF de la ville de Saint-Saulve2

M. Frédéric Marchand2

Mme Annick Girardin, ministre de la mer2

Discipline du tir à l'arme réglementaire2

M. Michel Savin2

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté2

Politique des appels à projets2

M. Pierre Ouzoulias2

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté2

Violences conjugales et autorité parentale2

M. Jean-François Rapin2

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté2

Réseaux d'éducation prioritaire en zone rurale2

M. Olivier Rietmann2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Encadrement des stages de survie2

M. Yannick Vaugrenard2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Salmonelles et éleveurs de volailles2

M. Gilbert-Luc Devinaz2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Application du Nutri-Score aux fromages AOP2

M. Alain Marc2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Marchés de bétail vif2

M. Jean-Claude Anglars2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Avenir de la forêt périgourdine2

M. Serge Mérillou2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (II)2

Mme Cécile Cukierman2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

La volaille de Bresse au risque de l'influenza aviaire2

M. Patrick Chaize2

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement2

Saturation des urgences pédiatriques par la bronchiolite2

Mme Catherine Dumas2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Avenir du centre 15 dans l'Yonne2

Mme Dominique Vérien2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Accès aux soins en orthophonie2

M. Bernard Fournier2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Contrats des médecins des centres municipaux de santé2

M. Jean Sol2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Comment trouver un médecin traitant ?2

Mme Anne Ventalon2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Fermetures de lits d'hospitalisation et de réanimation2

M. Sébastien Meurant2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Création d'un conseil national de la gynécologie médicale2

Mme Corinne Imbert2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

La situation des dons d'organes en France2

M. Guillaume Chevrollier2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Compensation des dépenses liées aux centres de vaccination2

M. Jean-Baptiste Blanc2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Prise en charge de médicaments contre la migraine2

M. Patrick Kanner2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

SOS Médecins France2

Mme Martine Filleul2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Immunoglobulines humaines polyvalentes2

Mme Catherine Deroche2

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie2

Contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires2

M. Mathieu Darnaud2

M. Guy Benarroche2

Mme Marie-Claude Varaillas2

M. Jean-Michel Arnaud2

Mme Guylène Pantel2

M. Claude Raynal2

M. Louis-Jean de Nicolaÿ2

M. Jean-Marie Mizzon2

Mme Martine Filleul2

M. Bruno Belin2

M. Joël Guerriau2

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales2

M. Daniel Chasseing2

Mme Else Joseph2

M. Guillaume Gontard2

Mme Cécile Cukierman2

M. Stéphane Demilly2

M. Jean-Pierre Corbisez2

M. Éric Kerrouche2

M. Pierre-Jean Verzelen2

M. Bruno Rojouan2

M. Daniel Salmon2

Mme Céline Brulin2

Mme Évelyne Perrot2

M. Jean-Pierre Corbisez2

M. Hervé Gillé2

Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ?2

Mme Christine Lavarde2

M. Ronan Dantec2

M. Gérard Lahellec2

M. Jean-François Longeot2

M. Éric Gold2

Mme Angèle Préville2

M. Pierre Médevielle2

M. Guillaume Chevrollier2

M. Jean-Claude Tissot2

M. François Calvet2

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité2

M. Didier Mandelli2

M. Jacques Fernique2

M. Fabien Gay2

M. Pierre-Antoine Levi2

M. Éric Gold2

M. Joël Bigot2

M. Pierre-Jean Verzelen2

La perte de puissance économique de la France et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat2

M. Daniel Salmon2

Mme Cathy Apourceau-Poly2

Mme Anne-Catherine Loisier2

M. Henri Cabanel2

M. Franck Montaugé2

SÉANCE

du mardi 30 novembre 2021

30e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : Mme Martine Filleul, Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle quarante-trois questions orales.

Taxation des sites de gestion des déchets

M. Jean-Jacques Michau .  - La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) concerne l'ensemble des sites de gestion des déchets polluants, sans distinction.

L'installation d'un site d'enfouissement des déchets inertes à Berbiac, en Ariège, a représenté un investissement de l'ordre de 10 millions d'euros pour les collectivités locales. Un processus de veille efficace, sous le contrôle de la préfecture, s'assure en permanence de l'absence d'impact sur la faune et la flore. Or cette installation est taxée au taux maximum de TGAP, comme d'autres installations bien plus polluantes. Ne pourrait-on envisager une réduction du taux de TGAP ou la création d'un dispositif de rétrocession sous la forme d'un fonds de compensation de la TGAP, sur le modèle du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La TGAP incite à la valorisation des déchets et limite les mises en décharge. À la suite de la feuille de route sur l'économie circulaire, ses tarifs ont été rationalisés par la loi de finances pour 2019 afin de favoriser le recyclage par rapport au stockage et à l'incinération. L'introduction de tarifs différenciés serait contradictoire avec cette démarche.

Nous ne méconnaissons pas l'incidence budgétaire pour les collectivités territoriales : les opérations de prévention et de collecte de déchets bénéficient désormais d'un taux de TVA réduit à 5,5 %, les frais de gestion perçus par l'État sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sont passés de 8 à 3 % et des mesures d'accompagnement budgétaire ont été mises en place.

La création de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) permet de transférer une partie de la charge vers les acteurs économiques à l'origine de ces déchets. Le tri des emballages et des biodéchets est soutenu par le fonds économie circulaire de l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Le fonds de compensation que vous appelez de vos voeux n'aurait pas de sens, car il favoriserait les installations les moins vertueuses, à rebours du principe « pollueur-payeur ».

M. Jean-Jacques Michau.  - Je regrette cette décision, qui pénalise les collectivités territoriales.

Dépôts d'espèces par les régisseurs des communes

M. Bernard Buis .  - Depuis la réorganisation territoriale des trésoreries, il est devenu très difficile de déposer les fonds recueillis par les régisseurs. Il avait pourtant été prévu que ces versements numéraires puissent se faire dans les agences postales les plus proches. Or c'est soit impossible, soit limité à un faible montant, alors qu'en période estivale, avec l'activité des piscines et des campings, il peut s'agir de plusieurs milliers d'euros.

Les régisseurs sont ainsi contraints de parcourir des dizaines de kilomètres. Il faut trouver des solutions, car nos secrétaires de mairie ne sont pas des convoyeurs de fonds ! Pourquoi ne pas augmenter le montant maximum des dépôts en espèces autorisé, prévoir le transport par des professionnels du transport de fonds ou encore autoriser le dépôt en bureau de tabac ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le nouveau réseau territorial de la direction générale des finances publiques (DGFiP) est en progrès, mais le travail des régisseurs, que je salue, ne doit pas être altéré.

Les dépôts peuvent être effectués dans 3 600 bureaux de poste partenaires, contre 2 000 trésoreries auparavant. Le service, entièrement pris en charge par l'État, est donc amélioré en termes de maillage territorial, d'amplitude horaire et de sécurisation des dépôts.

Nous invitons cependant les régies municipales à favoriser les paiements par carte bancaire sans contact, afin d'éviter les dépôts de petite monnaie.

M. Bernard Buis.  - On ne peut déposer que 500 euros par semaine à la Banque postale ! Dans nos campagnes, la dématérialisation n'est pas pour demain.

Fiscalité des travailleurs frontaliers au Luxembourg

M. Jean-Marc Todeschini .  - Une convention fiscale bilatérale entre la France et le Luxembourg a été signée le 20 mars 2018, en remplacement d'une précédente convention de 1958.

Or le nouveau mode de calcul majore l'impôt payé par les contribuables, contrairement à ce qu'affirment certains parlementaires de votre majorité. C'est pourquoi le Gouvernement a signé le 10 octobre 2019 un avenant à la convention pour revenir sur la méthode d'exonération. En Moselle, ce ne sont pas moins de 25 000 dossiers qui doivent être revus, et non 1 contribuable sur 200, comme affirmé dans un rapport de l'Assemblée nationale.

Le 1er octobre 2021, le Gouvernement a annoncé la suspension de la nouvelle convention pour deux ans ; les services fiscaux ont ainsi invité près de 100 000 contribuables à demander la correction de leur imposition.

Pouvez-vous rassurer nos concitoyens et préciser le cadre légal de l'instruction donnée à l'administration, ainsi que les modalités de pérennisation au-delà des années fiscales 2020 et 2021 ? Ne risque-t-on pas de créer une situation d'inégalité avec nos compatriotes frontaliers de l'Allemagne ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le Gouvernement a récemment annoncé des mesures exceptionnelles pour les Français percevant des revenus luxembourgeois.

La méthode de l'exemption, qui aboutissait parfois à une double exonération d'impôt, n'était plus conforme aux standards OCDE. La nouvelle convention permet de neutraliser toute forme de double imposition grâce à un crédit d'impôt égal à l'impôt français.

Il est vrai que, dans certains cas, ce changement de méthode de calcul a pu aboutir à une augmentation d'impôt. Le Gouvernement travaille actuellement à en évaluer l'impact. Dans l'attente, et selon une instruction fiscale du 11 octobre 2021, les foyers concernés pourront, à titre exceptionnel, demander l'application de l'ancienne convention pour leurs revenus de 2020 et 2021.

Nous expertisons ce problème et envisagerons ultérieurement les suites à donner.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Votre réponse ne me satisfait pas du tout. Aucune simulation n'aurait été faite avant la signature de la nouvelle convention ? Voilà qui n'est pas professionnel !

Arrêt brutal du mécanisme Squalpi

M. Thierry Cozic .  - Les normes sont partout dans notre vie quotidienne : taille du papier à lettres, prises de recharge de nos téléphones, format de compression vidéo MPEG... Au total, 35 000 normes nous affectent, dans des domaines les plus variés.

L'arrêt brutal du mécanisme de soutien financier destiné aux PME s'impliquant en normalisation, dit « Squalpi » (sous-direction de la qualité pour l'industrie et de la normalisation), risque de les décourager. Le crédit impôt recherche (CIR) ne joue pas le même rôle.

Ce dispositif aurait mérité d'être réintroduit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022

Ce serait un signal fort pour nos industriels dans le cadre de la relance. Pouvez-vous prendre l'engagement qu'il sera prolongé, a minima pour trois ans ?

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - C'est en 2007 que la Direction générale des entreprises (DGE) a mis en place ce programme de soutien qui permettait de subventionner jusqu'à 50 % des frais de déplacement des experts engagés dans les commissions de normalisation. Entre 2007 et 2017, une soixantaine de projets ont été accompagnés pour 9 millions d'euros et sur des secteurs concernant plus de 250 000 PME. Ce dispositif a rempli sa mission et a donc été clos par la DGE.

Mais les PME ne sont pas sans solution : elles sont ainsi exonérées de participation aux frais d'élaboration des normes au sein des commissions de normalisation. Elles peuvent en outre bénéficier du CIR pour leurs frais de personnel : une étude de 2016 a montré que plus de 250 TPE et PME s'en étaient saisies.

Le nombre de TPE et PME impliquées dans les commissions n'a pas baissé.

Projet de liaison ferroviaire Roissy-Picardie

M. Stéphane Demilly .  - Le projet de barreau Creil-Roissy destiné à faciliter la mobilité entre l'Île-de-France et la Picardie était sur de bons rails - si je puis dire... Sa mise en service était prévue pour 2025, conformément à l'engagement pris par le Président de la République.

Cela fait vingt ans que nous l'attendons... Près de quatre millions de voyageurs devraient emprunter cette nouvelle liaison chaque année, dont plus des deux tiers pour leurs transports du quotidien. Cette liaison ouvrira Amiens au réseau TGV, évitant désormais les changements à Paris.

Seulement voilà : l'arrêté préfectoral déclarant le projet d'utilité publique, annoncé pour le mois de juillet, se fait toujours attendre... On évoque désormais le mois de décembre... Cela risque de repousser la date de mise en service. Le Président de la République vient pourtant de réaffirmer que les délais seraient tenus : qu'en est-il concrètement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Cette liaison ferroviaire est très attendue, je le sais.

Ce projet est hautement prioritaire, comme le Président de la République l'a rappelé il y a quelques jours, le 22 novembre à Amiens.

C'est un projet essentiel pour le développement économique, qui répondra aux besoins de dizaines de milliers de travailleurs.

À la suite de l'enquête publique qui s'est déroulée du 23 février au 6 avril 2021, la commission d'enquête a rendu un avis favorable le 13 mai dernier, assorti toutefois d'une réserve portant sur les nuisances sonores et visuelles.

Pour la lever, nous devons travailler collectivement à renforcer l'acceptabilité du projet pour les communes traversées. J'ai bon espoir que l'arrêté préfectoral sera pris dans les prochaines semaines.

Le projet ne souffre d'aucun retard à ce jour, et les travaux commenceront dès 2022, dans le respect de l'objectif de calendrier fixé par le Président de la République.

Bacs fluviaux à passagers

M. Pascal Martin .  - La directive du 12 décembre 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la navigation intérieure doit être transposée en droit français au plus tard le 17 janvier 2022.

Cette directive va faire évoluer les conditions d'entrée dans la profession et en modifier profondément le cadre d'exercice à compter de janvier prochain.

Les certificats de conduite délivrés avant le 17 janvier 2022 restent valides et pourront être échangés contre un certificat de qualification de l'Union 5 pendant dix ans. Cependant, leur renouvellement au-delà de cette période et le recrutement de nouveaux mariniers dès janvier 2022 impliqueront des exigences supplémentaires. Celles-ci sont exorbitantes au regard de la spécificité des six bacs fluviaux qui effectuent la traversée de la Seine sur à peine 300 mètres, en moins de quatre minutes...

La spécificité de ces bacs fluviaux à passagers sera-t-elle prise en compte dans la transposition de cette directive ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Cette directive vise à garantir une reconnaissance commune des qualifications, à faciliter la mobilité des travailleurs et à garantir la proportionnalité entre les exigences en matière de risques et l'objectif de sécurité.

Les bacs entrent dans le champ de la directive, mais les exigences qui leur seront appliquées dépendront du risque. Le niveau d'exigence au titre des bacs ne sera pas le plus élevé !

Une période de transition de dix ans est prévue pour les qualifications obtenues avant le 1er janvier 2022. Afin d'anticiper d'éventuelles difficultés, un groupe de travail rassemblant les professionnels et mes services est mis en place dès aujourd'hui et je veillerai à ce que les activités fluviales ne soient pas perturbées par cette transposition.

M. Pascal Martin.  - Je ne suis pas pleinement satisfait. Il faut prendre en compte les spécificités territoriales. Il s'agit d'un service public particulièrement apprécié des habitants de Seine-Maritime.

Entreprises de transport cyclable de tourisme

Mme Agnès Canayer .  - Le transport touristique de personnes par vélo se développe. C'est ainsi que la jeune entreprise « T'Tuktuk ? » organise depuis juin 2021 des circuits touristiques grâce à des véhicules 100 % électriques.

Mais la mairie du Havre a été contrainte de lui retirer son autorisation d'occupation du domaine public. Les services de l'État en Seine-Maritime considèrent en effet que l'activité de cette entreprise relève de la réglementation des taxis motos et donc du code des transports, ce qui impose des contraintes comme l'obligation pour les conducteurs de passer le permis B ou de suivre une formation de trois mois. Or le tuk-tuk n'est pas un simple transport de personnes ; c'est avant tout un mode de tourisme. Pourtant, dans d'autres villes comme Bordeaux ou Limoges, ces nouveaux modes de transport sont assimilés aux petits trains touristiques.

Pouvez-vous clarifier et harmoniser la réglementation applicable ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Les tuk-tuks relèvent bien du transport public particulier de personnes, même s'ils sont assortis de commentaires touristiques.

Leur cadre juridique est clair. Il vise à assurer la sécurité des passagers et des autres usagers de la route et à garantir une concurrence équilibrée : les conducteurs doivent posséder une carte professionnelle ; les opérations entrent dans le cadre de la réservation préalable ; les véhicules sont tenus de respecter la signalétique définie par le code des transports.

Ce cadre juridique semble adapté et il n'est pas envisagé de le faire évoluer. Afin de prévenir toute différence de traitement, ces règles ont été rappelées aux préfets. Quant aux petits trains routiers touristiques, ils relèvent du transport collectif de personnes.

Mme Agnès Canayer.  - Je comprends les enjeux de sécurité, mais refuser d'assimiler les tuk-tuks aux petits trains routiers n'est pas conforme aux enjeux de développement du tourisme dans nos territoires.

Prolongement du dispositif Alvéole

M. Olivier Henno .  - Les élus locaux veulent apporter leur pierre à la lutte contre le changement climatique et à l'amélioration de la qualité de vie dans leurs communes. Le dispositif de subvention Alvéole, animé par la fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), finance des abris à vélos.

La commune de Lambersart a passé commande auprès d'une entreprise de Nantes pour cinq abris, mais la forte demande et la pénurie d'acier retardent la livraison : trop tard pour bénéficier de la subvention.

Madame la ministre, prolongez Alvéole jusqu'à la fin de l'année !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Le programme Alvéole a été mis en place dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie.

En juin 2021, il avait permis d'installer plus de 10 000 places de stationnement à vélos. Il s'achève le 31 décembre 2021, mais un nouveau programme, Alvéole+, doté de 31 millions d'euros, prendra le relais jusqu'en 2024, avec une aide renforcée pour les zones à faibles émissions mobilité.

Les dossiers qui n'ont pas pu être complétés avant le 12 novembre 2021 dans le cadre d'Alvéole pour cause de pénurie seront examinés en priorité dans le cadre d'Alvéole+. Ce sera le cas du dossier de la commune de Lambersart.

La FUB et le Gouvernement s'y engagent.

Surcoût lié à la recherche d'amiante sur les routes

M. Laurent Duplomb .  - Je lutte inlassablement contre les normes idiotes. En voici une nouvelle !

Depuis un décret du 4 mai 2012, la présence d'amiante doit être recherchée dans les chaussées. En Haute-Loire, plus de 1 000 kilomètres ont ainsi été examinés pour un coût de 400 000 euros.

Mais depuis 2019, le département doit passer par une personne référente et analyser chaque matériau de chaussée, bitume et agrégats. Analyser les 2 400 kilomètres de routes restants en Haute-Loire coûterait 1,5 million d'euros.

Cela vous semble-t-il raisonnable, alors qu'aucune trace d'amiante n'a été relevée sur les 1 000 kilomètres déjà analysés ? Nous confirmez-vous que les départements devront désormais recourir à un prestataire ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Les maîtres d'ouvrage de chantiers du BTP ont des obligations de recherche d'amiante depuis 1993.

M. Laurent Duplomb.  - Cela ne me pose pas de problème.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité.  - La loi du 8 août 2016 et le décret du 9 mai 2017, complétés par l'arrêté du 1er octobre 2019, ont précisé le nouveau cadre juridique. Restent à publier deux arrêtés, dont un relatif au non-bâti.

M. Laurent Duplomb.  - Le voilà, le problème !

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité.  - C'est indispensable pour aider les donneurs d'ordre, notamment les départements, à remplir leurs obligations et les sécuriser.

Les surcoûts, évalués à 2,5 % du montant des travaux, sont limités. En outre, le projet d'arrêté prévoit un délai de mise en oeuvre, afin notamment de permettre la formation des opérateurs de repérage.

Défense de la ruralité et de ses traditions

Mme Else Joseph .  - Certaines traditions rurales, comme le chant du coq ou la sonnerie des cloches, dérangent les néoruraux. Les habitants des territoires, après l'action du juge administratif sur certaines chasses traditionnelles, telles que la tenderie aux grives dans les Ardennes, sont inquiets. Quelle sera la prochaine étape de cette fièvre déconstructrice ?

La crise a révélé un attrait pour la campagne, mais il faut tenir compte de ses habitants. Reconnaissons le patrimoine des campagnes sans opposer ruraux et urbains. Et suivons Georges Pompidou qui nous appelait à ne pas « embêter » les Français.

Comment comptez-vous protéger le monde rural ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Moi-même issue de la Haute-Marne, je ne puis qu'être d'accord avec vous pour défendre la richesse de nos terroirs et le patrimoine culturel et naturel de nos territoires ruraux.

Le Gouvernement s'attache à faire vivre la ruralité et ses habitants à travers le programme « Petites villes de demain » ou le fonds Friches. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée en 2019 et des financements sans précédent ont été prévus dans le cadre du Plan de relance.

Nos campagnes sont hélas les premiers témoins des pertes de biodiversité : 30 % d'oiseaux en moins en trente ans ! C'est pourquoi l'État valorise l'action des collectivités en faveur de la biodiversité avec le label « Territoires engagés pour la nature ».

Les arrêtés ministériels sur les chasses traditionnelles ont en effet été annulés par le Conseil d'État en août 2021, au motif d'une non-conformité à la directive Oiseaux de 2009. Sur la base de cette décision, la motivation de ces arrêtés a été renforcée. Mais ces nouveaux arrêtés, publiés le 12 octobre, ont été suspendus en référé par le Conseil d'État le 25 octobre. Le jugement sur le fond est à venir.

Nous devons respecter le cadre européen. Les chasses traditionnelles ne portent pas forcément atteinte à la biodiversité, mais il faut rester dans le cadre de la gestion adaptative.

Mme Else Joseph.  - Tout cela n'est guère rassurant. Et de nouvelles contraintes pèsent sur les territoires ruraux, avec les éoliennes qui mitent les paysages.

Projet immobilier « Grande Bastide »

M. Guy Benarroche .  - Le projet immobilier « Grande Bastide » de la ville de Velleron, en lisière du parc naturel du mont Ventoux, concerne sept hectares, auparavant classés en zone naturelle.

Il prévoit la construction de 200 logements, soit un accroissement de population de plus de 600 personnes et une circulation de 400 véhicules supplémentaires. Les infrastructures municipales ne sont pas dimensionnées pour un tel projet. C'est pourquoi une partie de la population - ainsi que son nouveau maire  - s'y oppose.

De plus, une zone humide a été comblée par son propriétaire quelques semaines avant le démarrage de l'étude d'impact.

Les aménageurs - dont l'étude d'impact est non conforme - n'ont rien répondu à ces inquiétudes. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) leur a demandé de régulariser la situation. Ils ont néanmoins entamé les travaux dès le 26 octobre. Par lettre en date du 3 novembre 2021, le préfet en a demandé l'arrêt dans l'attente du dépôt et de l'étude d'une dérogation au régime de protection des espèces protégées.

Comment expliquer que l'aménageur ait pu commencer ses travaux sans mise en conformité et sans régularisation ? Comment un étang a-t-il pu être comblé avant qu'aient été recensées les espèces protégées et sans dérogation accordée par le préfet ? Comment le Gouvernement va-t-il mettre en oeuvre ses déclarations d'intention sur l'objectif de zéro artificialisation nette des terres ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je vous confirme notre ambition contre l'artificialisation des sols, conformément à la loi Climat et résilience, afin de promouvoir de nouveaux modèles d'aménagement et d'urbanisme.

Cependant, des droits juridiques ont pu être acquis par des acteurs sur la base de documents d'urbanisme antérieurs. C'est le cas du projet la Grande Bastide à Velleron, pour lequel le maire avait délivré un permis d'aménager en 2019, modifié en 2020.

Les évaluations et autorisations environnementales demeurent nécessaires. La Dreal, l'Office français de la biodiversité (OFB) et les gendarmes ont fait une visite sur le terrain à la suite de laquelle le préfet a demandé des compléments à l'étude d'impact. Il a informé le promoteur qu'une dérogation au titre de la protection des espèces en danger pourrait être nécessaire.

Cette dérogation ne sera accordée qu'à condition que le projet réponde à une raison d'intérêt public majeure, qu'il n'existe pas d'autre solution sur le lieu envisagé et que cette dérogation ne nuise pas aux populations des espèces protégées.

Tous les services de l'État sont mobilisés pour concilier la protection de la biodiversité, la lutte contre l'artificialisation des sols, mais aussi la réponse aux besoins des territoires. Je vous remercie de participer à ce dialogue.

Rénovation urbaine du Bois-l'Abbé

M. Laurent Lafon .  - Le projet de rénovation urbaine du Bois-l'Abbé, conduit par les deux municipalités de Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur-Marne, se monte à 450 millions d'euros, dans un quartier qui compte 14 000 habitants.

Mais le projet est dans l'impasse, faute de financement. Les deux villes demandent une majoration financière dans le cadre de l'enveloppe annoncée par le Premier ministre sur la rénovation urbaine.

L'État apportera-t-il les financements nécessaires ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - L'État et ses partenaires - Action Logement, le mouvement HLM et la Caisse des dépôts - ont lancé le nouveau programme national de renouvellement urbain porté par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Début 2021, le Premier ministre a annoncé à Grigny un abondement de 2 milliards d'euros, voté par l'Assemblée nationale dans le projet de loi de finances pour 2022.

Le comité d'engagement de l'ANRU va prochainement examiner le projet de Bois-l'Abbé ; les montants accordés seront alors précisés.

M. Laurent Lafon.  - J'entends que les moyens financiers sont là. Les maires attendent une réponse.

Élevage extensif et calcul de l'impact environnemental

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Prenons en compte les vertus de l'élevage extensif herbagé à la française.

L'article 2 de la loi Climat et résilience prévoit la mise en oeuvre d'un affichage environnemental. Cet écoscore repose principalement sur l'analyse de cycle de vie (ACV) et favorise donc les viandes issues des systèmes d'élevage les plus intensifs.

Le Planet Score propose de compenser ces faiblesses par des indicateurs complémentaires visant à évaluer la durabilité globale des systèmes agricoles. Il intègre en effet les effets bénéfiques de l'élevage extensif en herbage.

Les enjeux sont majeurs pour l'avenir du modèle d'exploitation familiale à la française, pour la souveraineté alimentaire de notre pays, mais aussi pour l'atteinte des objectifs en matière de maîtrise du climat.

Où en sont les réflexions du Gouvernement ? Comment ces deux méthodes seront-elles départagées ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - L'expérimentation de l'affichage environnemental des produits alimentaires a été introduite par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et renforcée par la loi Climat et résilience.

Cette expérimentation a bénéficié de la contribution de dix-huit projets, avec chacun leurs avantages et leurs limites.

Le Conseil scientifique a proposé des orientations, autour d'un socle ACV. Mais ce dernier ne peut suffire : il faut des indicateurs complémentaires qui restent à définir. Le Gouvernement doit remettre un rapport au Parlement. La concertation se poursuit.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - La profession compte sur vous pour promouvoir un modèle respectueux de nos territoires et de la polyculture.

Bateaux publicitaires

M. Philippe Tabarot .  - La publicité diffusée sur des embarcations au-delà de la bande des 300 mètres provoque une pollution visuelle dénoncée par de nombreux maires du littoral azuréen.

Ces mêmes maires ont saisi la préfecture maritime, ne pouvant interdire eux-mêmes cette activité au-delà de la bande des 300 mètres. Le pouvoir réglementaire doit combler ce vide juridique.

Lors de l'examen de la loi Climat et résilience, le Sénat s'est opposé à une interdiction de rang législatif - car la loi ne doit pas être bavarde - mais pas sur le fond. En effet, l'article L. 581-15 du code de l'environnement permet de réglementer et d'encadrer cette pratique

Qu'attendez-vous pour assumer vos responsabilités et prendre un décret en Conseil d'État ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je vous rejoins : cette pratique constitue une importante pollution visuelle.

J'avais indiqué, lors de l'examen de la loi Climat et résilience, qu'il n'était pas nécessaire d'étendre à la publicité embarquée l'interdiction des banderoles tractées par aéronef : il est en effet possible d'agir par décret en Conseil d'État, sur la base de l'article L. 581-15 du code de l'environnement, ce que je m'étais engagée à faire. Le décret est en cours de rédaction. Nous ne manquerons pas de vous le transmettre.

M. Philippe Tabarot.  - Cette pollution esthétique nuit à l'attractivité de notre littoral. Sans compter les problèmes de sécurité. Je vous remercie pour votre réponse.

Reconstruction après la tempête Alex

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - J'étais ce week-end avec M. Tabarot dans les vallées dévastées par la tempête Alex, pire catastrophe naturelle en France métropolitaine depuis 1945 : 270 bâtiments ou maisons détruites dans quatorze communes, 1 600 familles sinistrées.

Les procédures d'indemnisation prévues par le fonds Barnier peuvent prendre jusqu'à trois ans ; or les familles ne peuvent pas attendre. Que deviendraient les sinistrés qui refuseraient l'indemnisation acquisition-démolition de leur maison ? Une expropriation serait d'une violence inouïe.

Le droit de l'urbanisme devra être révisé. D'une part, certains permis de construire pourraient faire l'objet de recours par des associations de protection de la nature opposées à la reconstruction, ce qui serait incompréhensible pour les sinistrés. D'autre part, la reconstruction à l'identique comme le prévoit la loi Montagne est impossible, d'où un nécessaire assouplissement législatif.

Quelles réponses le Gouvernement va-t-il apporter aux élus locaux inquiets ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Dans les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée, l'État finance le rachat d'habitations sinistrées par le biais du fonds Barnier, avec l'objectif de les démolir. La loi de finances pour 2021 a abondé le fonds Barnier de 50 millions d'euros pour faire face aux suites de la tempête Alex ; la loi de finances pour 2022 ajoute 30 millions d'euros.

À ce jour, 420 biens ont été identifiés pour une acquisition amiable ; 9 ont été acquis et 54 dossiers sont intégralement instruits. L'État s'appuie sur l'établissement public foncier de PACA qui portera 130 acquisitions.

Les sinistrés bénéficient d'un guichet unique d'accompagnement et des réunions d'information sont organisées localement.

L'expropriation doit rester exceptionnelle, quand l'acquisition amiable n'a pas été possible et qu'il y a une menace grave pour la vie humaine.

Les dispositions relatives à l'urbanisme de montagne permettent de s'adapter. La reconstruction à l'identique doit être envisagée avec la plus grande prudence. L'État a mandaté un architecte spécialisé qui associera les parties prenantes afin d'imaginer de nouveaux secteurs d'habitation résilients.

Métropole d'Aix-Marseille-Provence

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - Depuis sa création, la métropole d'Aix-Marseille-Provence est dans l'impasse. Le retour des compétences de proximité aux communes et la disparition des conseils de territoire, proposés par le Gouvernement, ne font pas l'unanimité auprès des maires.

La métropole dysfonctionnera tant que n'aura pas été réglé le problème de sa gouvernance. Comment imaginer une métropole dans laquelle la ville centre - Marseille, deuxième ville de France - serait exclue de toute décision la concernant ?

Le conseil métropolitain est un lieu de conflit permanent, un troisième tour sans cesse répété des élections municipales.

Le Gouvernement devrait mettre à profit la période qui vient pour actualiser le rapport du préfet Dartout. Dans l'immédiat, comment compte-t-il rendre à Marseille toute sa place ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Le Gouvernement s'était engagé à ne pas bouleverser l'organisation territoriale, après les grandes mutations intervenues récemment. Néanmoins, des évolutions sont apparues indispensables pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Depuis plusieurs années, les préfets des Bouches-du-Rhône dialoguent avec les élus locaux afin de déterminer l'architecture la plus efficace.

Le projet de loi 3DS initial prévoyait une mesure d'ouverture, mais le texte voté par le Sénat maintient le statu quo. Nous entendons le faire évoluer à l'Assemblée nationale.

Les discussions se poursuivent. Il faudra simplifier l'architecture et revenir sur les conseils de territoire. Dans cette métropole, la plus étendue de France, les communes doivent jouer un rôle de proximité, mais le développement économique suppose une vision d'ensemble et des outils mutualisés.

Il faut un échelon métropolitain conforté pour faire progresser le territoire et porter le plan « Marseille en grand » voulu par le Président de la République.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Distributeurs de billets en zone rurale

M. Jean Hingray .  - Dans les Vosges, la ruralité est active, malgré l'enclavement, la désertification médicale, la fracture numérique, l'absence de services publics.

Le sentiment d'abandon est accentué par la fermeture de distributeurs de billets, déterminants pour le maintien des commerces de proximité, la lutte contre l'isolement des personnes âgées - bref, la cohésion sociale.

Docelles ou Provenchères-et-Colroy ont perdu le leur.

Comment garantir un accès aux services bancaires sur tout le territoire ?

Vous me répondrez que quand l'entreprise privée est défaillante, les communes peuvent prendre le relais. À Provenchères-et-Colroy, cela coûterait à la commune 1 700 euros par mois...

Quelles mesures concrètes envisagez-vous ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - En 2020, le nombre de distributeurs automatiques de billets est effectivement passé sous la barre de 50 000. Ils ferment surtout dans les petites villes. Cette année, 27 communes ont perdu leur dernier distributeur. Mais 80 % de la population reste à moins de cinq minutes en voiture d'un distributeur, et 99 % à moins de quinze minutes.

Nous suivons néanmoins le sujet attentivement, et souhaitons l'arrimer à la discussion avec La Poste autour du nouveau contrat de présence postale territoriale. L'État augmente sa contribution de 500 millions d'euros, et demande en contrepartie une amélioration de la qualité de service rendu.

La réponse peut aussi venir des banques commerciales. La BNP, le Crédit Mutuel et la Société générale étudient la mutualisation de leurs distributeurs, et tiendront compte du maillage territorial.

Nous travaillons en liaison avec les associations d'élus.

Pêche illégale en Guyane

M. Georges Patient .  - Les pêcheurs guyanais, comme ceux de l'Hexagone, sont en colère. Alors que la pêche clandestine explose, la pêche légale a perdu 30 % de production en un an, la pénurie de main-d'oeuvre ayant mis à l'arrêt la moitié de la flotte.

Les contrôles tatillons que subissent nos pêcheurs les font parler de mise à mort organisée.

La situation n'a que trop duré - vous le savez pour avoir suivi la question en tant que ministre des outre-mer. Il faut faire respecter la souveraineté de la France dans ses eaux territoriales. N'acceptons pas l'inacceptable !

Il faut un véritable plan de développement de la filière, des formations jusqu'au renouvellement de la flotte. Il est urgent d'agir !

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Je connais bien le sujet, en effet.

La réponse à la pêche illégale, c'est la structuration de la filière légale. Le plan d'urgence Guyane prévoyait un fonds de redémarrage de l'activité de 2 millions d'euros, qui n'a jamais été engagé.

En 2018, j'ai mis en place un plan pour le développement de la filière pêche de 31 millions d'euros et 97 mesures ; j'en demanderai un bilan précis.

Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) représente 7 millions d'euros à la main de la collectivité de Guyane. S'ajoute le plan de relance, qui finance quatre projets d'infrastructures en Guyane, pour 1,5 million d'euros.

Je souhaite plus de présence des navires français. Le grand plan Pêche durable que je veux lancer comprendra un volet outre-mer.

L'État doit aussi garantir la surveillance. En Guyane, tous les moyens ont été renouvelés : les deux patrouilleurs, la vedette des douanes. Nous avons aussi expérimenté des drones. Il faut aller plus vite, vous avez raison.

Redevance incitative

Mme Marie-Claude Varaillas .  - En Dordogne, c'est un syndicat mixte qui est chargé de la valorisation et du traitement des déchets. La collecte se fait désormais majoritairement en points d'apport volontaire.

La redevance incitative qui doit remplacer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), provoquera un surcoût très important pour certains usagers : une personne incontinente devrait ainsi payer 500 à 600 euros de plus ! Les personnes résidant en habitat social perdraient le bénéfice de la décote dans le calcul des bases de valeur locative.

Afin de pallier ces augmentations de tarifs, ne pourrait-on envisager une tarification sociale ou une aide au paiement des factures afin de permettre aux collectivités de moduler leur tarification en fonction des situations locales ?

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Je vous prie d'excuser Joël Giraud.

La redevance incitative est facultative, c'est un choix des élus. Les collectivités territoriales peuvent déjà mettre en place des tarifs différents selon les secteurs ou fixer des forfaits, par foyer ou par personne.

La collecte peut être modulée, les points d'apport volontaire densifiés, les déchèteries adaptées.

La mise en place d'une filière à responsabilité élargie en 2024 transférera la responsabilité, donc les coûts, aux producteurs.

Adosser des mesures sociales à la redevance incitative brouillerait le message.

Enfin, le fonds économie circulaire de l'Ademe offre des soutiens financiers aux collectivités.

présidence de M. Georges Patient, vice-président

DGF de la ville de Saint-Saulve

M. Frédéric Marchand .  - Saint-Saulve, dans le Nord, a supporté intégralement la charge d'une zone industrielle jusqu'en 2018. Le transfert de la compétence Développement économique à l'agglomération Valenciennes métropole a engendré une perte de recettes pour la ville de près de 15 millions d'euros depuis 2001.

La taxe professionnelle perçue à l'origine par la ville a financé la construction de nombreux équipements publics ; l'attribution de compensation, figée depuis 2001, ne permet plus de couvrir les frais nécessaires à leur entretien.

Difficile de comprendre que la dotation forfaitaire tienne compte ainsi du poids du passé alors que sa DGF est passée de 1,2 million d'euros en 2013 à 250 000 euros en 2021, loin donc de compenser la perte liée à la taxe professionnelle.

La ville de Saint-Saulve a donc atténué ces bases élevées en appliquant un taux de fiscalité plus faible, ce qui la pénalise dans l'attribution de la DGF.

Par mesure d'équité, il serait pertinent que l'État prenne en compte le produit fiscal des communes et pas simplement le taux de fiscalité, afin de parvenir à une réévaluation des dotations. Cette commune n'est pas un cas isolé. Une refonte des modes de calcul est-elle à l'ordre du jour ?

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Le Gouvernement a connaissance du cas de Saint-Saulve, dont la DGF est effectivement bien inférieure à la moyenne.

La baisse massive vient d'une décision prise entre 2013 et 2017 pour redresser les comptes publics.

Trois paramètres entrent en ligne de compte : le potentiel financier, l'effort fiscal, et le poids de l'histoire - ce dernier critère expliquant le cas d'espèce.

Une refonte d'ampleur de la DGF ferait des gagnants mais aussi des perdants. Dès 2017, le Président de la République a appelé les associations d'élus à lui faire des propositions. Ce chantier est devant nous.

En ce qui concerne l'attribution de compensation, Saint-Saulve peut travailler avec la communauté d'agglomération de Valenciennes pour en réviser le montant.

Discipline du tir à l'arme réglementaire

M. Michel Savin .  - Le tir à l'arme réglementaire, discipline à ce jour non olympique, mais forte de 5 000 pratiquants, est une discipline organisée par la fédération française de tir, fédération sportive olympique qui a obtenu une médaille à Tokyo.

Or elle est aujourd'hui menacée par un décret en préparation.

Suite à un accident malheureux, il est en effet envisagé d'interdire et de détruire, sans compensation financière, les armes de catégories A1-11, actuellement détenues légalement par les tireurs sportifs. Selon le service central des armes et explosifs, mille armes seraient concernées - quand les armuriers de la fédération en dénombrent dix mille.

La législation française s'est déjà durcie depuis quatre ans : ces armes ne peuvent plus être achetées ni vendues. En comparaison, elles ne sont pas interdites en Belgique, en Allemagne ou en Suisse.

Il est important de rassurer les 230 000 licenciés sur la réglementation applicable. Quelles sont les évolutions actées et envisagées vis-à-vis de la pratique du tir sportif ? Pouvez-vous confirmer que son interdiction n'est pas envisagée ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Nous entendons lutter contre l'utilisation détournée d'armes autorisées. D'où le décret du 30 octobre dernier, qui vise à limiter la détention d'armes de guerre transformées. Le Gouvernement s'y était engagé le 22 juillet dernier, lors d'une cérémonie d'hommage aux trois gendarmes d'Ambert tués par un forcené en décembre 2020.

Il s'agit de se prémunir contre toute possibilité de redonner à ces armes une capacité de tir en rafale.

Les tireurs sportifs qui détiennent de telles armes classées en catégorie Al devront s'en dessaisir avant novembre 2022. De telles armes ne pouvaient déjà plus être acquises depuis le 1er août 2018.

Notre intention n'est pas d'interdire le tir sportif : plusieurs de nos policiers ou gendarmes brillent dans les compétitions internationales, comme Jean Quiquampoix, champion olympique à Tokyo.

Il s'agit de trouver un juste équilibre à travers un encadrement, auquel participera le nouveau système d'information sur les armes.

M. Michel Savin.  - Il est dans l'intérêt de tous que ces armes soient répertoriées, pour permettre à cette discipline de vivre.

Politique des appels à projets

M. Pierre Ouzoulias .  - Un récent appel à projets insistant sur la capacité d'un établissement à « diversifier ses sources de financement » a été lancé pour aider les équipes universitaires à répondre aux appels à projets... Curieuse mise en abyme !

Le financement des établissements de recherche et d'enseignement sera désormais fonction de leur capacité à autofinancer leurs missions de service public. L'excellence n'est plus scientifique, mais managériale.

Les universités sont mises en péril par le décalage croissant entre la dotation de l'État, stable, et le nombre d'étudiants, qui ne cesse d'augmenter. La seule réponse du Gouvernement est-elle de les inviter à trouver ailleurs leurs financements ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Veuillez excuser Mme Vidal.

La loi de programmation pour la recherche (LPR) apporte un soutien inédit de 25 milliards d'euros supplémentaires sur les dix prochaines années, dont 500 millions d'euros dès l'année prochaine, pour revaloriser les personnels scientifiques et mieux financer la recherche. C'est dix fois plus, en un an, que sous l'ensemble du précédent quinquennat !

L'Agence nationale de la recherche alloue 73 millions d'euros supplémentaires aux établissements et laboratoires en 2022, tandis que le budget des universités et des organismes de recherche augmente de 127 millions d'euros.

Citons aussi les délégations d'enseignants-chercheurs au CNRS, pour 900 000 euros par an, ou les congés pour recherches ou conversions thématiques, pour 2,2 millions d'euros.

Avec la LPR, France Relance et France 2030, nous investirons massivement pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation. C'est une marque de confiance dans notre jeunesse, nos enseignants et nos chercheurs !

M. Pierre Ouzoulias.  - Cette réponse - que j'aurais pu écrire - n'est pas en phase avec les réalités.

Les universités sont au bord de la banqueroute. C'est le cas notamment de celle de Nanterre. Je rejoins Mme Vidal quand elle dit que l'excellence ne peut se décliner sur un moule unique, et qu'on ne peut piloter la diversité de l'enseignement supérieur avec le classement de Shanghai !

Violences conjugales et autorité parentale

M. Jean-François Rapin .  - La Convention relative aux droits de l'enfant stipule que dans toutes les décisions qui les concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer.

Depuis 2009, de nombreuses évolutions législatives et réglementaires se sont intéressées aux femmes victimes de violences conjugales. Toutefois, un vide juridique demeure concernant les enfants, qui subissent les répercussions de ces agressions.

Selon le groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Grevio), la France n'applique que trop rarement les dispositions législatives permettant de faire primer l'intérêt et la sécurité de l'enfant dans les décisions de justice concernant les droits de visite et de garde. Or dans un contexte de violences conjugales, l'exercice conjoint de la parentalité et le maintien de droits de visite sont un moyen pour l'agresseur de maintenir son emprise.

La frilosité du Gouvernement, qui dit craindre une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme, n'est manifestement pas justifiée : l'Espagne a adopté deux lois en ce sens sans faire l'objet d'aucune poursuite.

Il est encore temps d'agir. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour renforcer l'arsenal juridique visant à protéger les enfants, co-victimes des violences conjugales ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Le Grenelle des violences conjugales a été un moment décisif dans ce combat qui est la grande cause du quinquennat. Deux lois en sont issues, qui sont venues compléter la loi dite Schiappa. Je salue les initiatives de la députée Alexandra Louis et de la sénatrice Marie Mercier.

La présence d'enfants est désormais une circonstance aggravante des violences conjugales. La suspension de l'autorité parentale est prévue de plein droit en cas d'homicide volontaire sur l'autre parent.

Si aucune peine n'est automatique, le juge des libertés doit se prononcer sur la suspension du droit de visite et d'hébergement dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Nous sommes passés de neuf décisions de retrait de l'autorité parentale en 2017 à 389 en 2021.

Nous devons sortir de la culture de la médiation familiale pour donner la priorité à la protection des enfants face à un parent dangereux.

Un décret publié en 2021 vient compléter notre action.

M. Jean-François Rapin.  - Nous n'allons pas assez loin, le maintien de la médiation n'est pas la panacée.

Réseaux d'éducation prioritaire en zone rurale

M. Olivier Rietmann .  - La Haute-Saône compte quatre secteurs réseaux d'éducation prioritaire (REP) mais aucun secteur en REP+. Au vu des indicateurs, le secteur rural de Jussey pourrait pourtant rentrer dans ce champ, mais la classification liée à la politique de la ville écarte les zones à faible densité de population.

Peut-on dès lors parler d'égalité des chances pour les enfants de nos secteurs ruraux ? Pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez urbains ou ruraux, l'Éducation nationale vous sauvera ou vous condamnera !

Comptez-vous introduire un critère d'éloignement et d'isolement géographique pour pallier cette différence de traitement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - La mission « Territoires de réussite » a été confiée à Ariane Azéma et Pierre Mathiot pour réfléchir aux critères de l'éducation prioritaire, dans un esprit de différenciation territoriale. L'indice d'éloignement fait partie des critères désormais utilisés par les autorités académiques et nationales.

Dans le prolongement de cette mission, il a été décidé de ne pas réviser la carte de l'éducation prioritaire mais d'expérimenter de nouveaux outils pour aller vers plus de souplesse, dont les contrats locaux d'accompagnement : 3,2 millions d'euros seront mobilisés à la rentrée 2022.

L'expérimentation des territoires éducatifs ruraux a été lancée en janvier 2021 dans trois académies et concerne près de 40 000 élèves. Un bilan d'étape sera réalisé. Ce programme s'inscrit dans le prolongement des conventions ruralité qui concourent aussi au maintien de l'offre scolaire de proximité avec 353 emplois.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Enfin, le Président de la République s'est engagé à ne fermer aucune école sans l'accord préalable du maire dans les petites communes rurales.

M. Olivier Rietmann.  - Les moyens manquent pour offrir les mêmes chances aux enfants de la ruralité qu'à ceux des territoires urbains. Pour Jussey, ce sont 30 000 euros reçus sur quatre mois, pour 1 200 élèves. Ce décalage ne peut plus durer !

Encadrement des stages de survie

M. Yannick Vaugrenard .  - En août 2020, Ulysse, 25 ans, est décédé lors d'un stage de survie présenté comme une initiation ouverte à tout type de public et encadré par son organisateur.

Les stages de survie, véritable phénomène de société, ne disposent d'aucun encadrement législatif ou réglementaire. Afin d'éviter d'autres drames, j'ai demandé la mise en place rapide d'une fédération nationale agréée. Madame la secrétaire d'État, vous m'aviez répondu le 9 mars dernier que le Gouvernement y travaillait et que plusieurs ministères étaient concernés. Le 31 mars, vous m'affirmiez être responsable du dossier. Après plusieurs relances, j'ai été successivement réorienté vers la ministre déléguée chargée des Sports, le ministre de l'Intérieur, puis à nouveau vers Mme Maracineanu... Tribulations pour le moins surprenantes ! Une réunion interministérielle a-t-elle eu lieu ou est-elle prévue ? Les tergiversations ne sont plus de mise.

Nous ne pouvons accepter d'autres drames, d'autres Ulysse. Il est urgent d'agir.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - L'essor du survivalisme prend des formes variées. Difficile à ce stade de donner une définition précise de l'activité et de lui appliquer un cadre réglementaire spécifique.

Il ne s'agit ni d'activités sportives, ni d'activités associatives mais de pratiques commerciales ; l'usage de l'appellation « stage de survie » peut paraître abusif.

Un cadre respectueux des personnes et de l'environnement doit être établi pour prévenir les drames. Les pratiques dangereuses ne sont pas possibles dans les structures relevant de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, mais concernent plutôt des adultes.

Une inspection générale va être saisie, qui travaillera sur une définition plus précise du survivalisme et identifiera les réglementations existantes permettant d'ores et déjà de répondre à ce phénomène. Nous y travaillons avec les ministres que vous avez mentionnés.

M. Yannick Vaugrenard.  - J'ai attendu neuf mois cette réponse un peu plus précise... Il faut maintenant aller plus vite ! Il est urgent de ne pas attendre.

Salmonelles et éleveurs de volailles

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Les élevages de volailles, notamment les petites exploitations en agriculture biologique et plein air, sont en difficulté, alors que les oeufs de plein air sont plébiscités.

Il est nécessaire de faire évoluer la réglementation, qui plonge les petites exploitations dans une grande détresse - je l'ai constaté dans mon département du Rhône. Comment encourager d'un côté une consommation saine et de proximité, et de l'autre mettre en péril les petites exploitations avicoles qui répondent à cette demande ?

Le ministère de l'agriculture a annoncé un groupe de réflexion. Les petits éleveurs y sont-ils associés ? Que comptez-vous faire pour encourager la prévention dans les exploitations de moins de 250 poules ? Pour préciser les méthodes de prélèvement ? Il y a urgence. Que comptez-vous faire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Veuillez excuser M. Denormandie, qui est à Montpellier pour le salon Sitevi.

La lutte contre les salmonelles est un enjeu de santé publique depuis les années 1990. Les règles actuelles garantissent une protection élevée des consommateurs. Les troupeaux infectés sont abattus et les éleveurs sont indemnisés s'ils respectent la charte sanitaire ; 70 % des bâtiments de pondeuses adhérant à la charte correspondent au mode de production plein air ou biologique.

Les petits élevages devront être mieux informés et accompagnés. Le ministère de l'Agriculture a engagé une réflexion avec les acteurs nationaux de la filière. Une réunion au niveau national donnera prochainement de la visibilité sur le calendrier des travaux à mener.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Les éleveurs ont investi dans des équipements et sont conscients des risques. En 2018, nous avons transposé une directive européenne. L'Espagne aussi - or ses éleveurs ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Il y a urgence à revoir notre législation.

Application du Nutri-Score aux fromages AOP

M. Alain Marc .  - Les professionnels du fromage - comme ceux des filières Roquefort ou Laguiole - s'inquiètent du décalage entre l'étiquetage nutritionnel et la qualité même des produits laitiers : l'algorithme du Nutri-Score aurait pour effet de classer près de 90 % des fromages en D ou E... Rappelons que Santé publique France préconise d'interdire la publicité sur les aliments notés D et E.

Or le Roquefort, comme les autres fromages d'AOP, est un aliment peu transformé et contenant très peu d'additifs, respectant des recettes traditionnelles transcrites dans des cahiers des charges très stricts. En parallèle, des aliments industriels ultra-transformés sont notés A ou B... D'où un fort sentiment d'injustice.

Ce logo est simpliste et réducteur. Une exemption pour les fromages AOP est-elle envisagée ? Il faut défendre cet élément de notre patrimoine gastronomique !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les produits AOP comme le Roquefort font en effet la fierté de la gastronomie française.

Le Nutri-Score est un logo nutritionnel, adopté sur des fondements scientifiques. Attention aux idées fausses : le Nutri-Score est volontaire et ne sera jamais rendu obligatoire s'il ne l'est pas dans toute l'Europe, afin d'éviter toute concurrence déloyale.

La Commission européenne étudie certes un étiquetage obligatoire, mais il n'est pas encore connu et la France ne soutiendra pas un système qui nuirait à la réputation gastronomique de ses fromages AOP.

Nous devons en premier lieu poursuivre les travaux sur l'évolution de l'algorithme du Nutri-Score. Un comité scientifique d'experts indépendants a été mis en place pour en améliorer l'efficacité.

Marchés de bétail vif

M. Jean-Claude Anglars .  - La loi EGalim a généralisé la contractualisation dans le secteur de l'élevage pour les marchés de bovins vifs, et la proposition de loi EGalim 2 visait notamment à renforcer la construction du prix pour protéger la rémunération des agriculteurs. Mais dans l'application de la contractualisation, les producteurs craignent un déséquilibre du rapport de force avec les industriels et les distributeurs.

La fédération française des marchés de bétail vif représente 45 marchés, un million d'animaux commercialisés par an, 20 000 éleveurs et un chiffre d'affaires de 800 millions d'euros. En Aveyron, le marché de gré à gré de Laissac représente 8 % du volume national.

Ces marchés de bétail vif jouent un rôle essentiel dans la définition des cours. Le carreau assure la confrontation permanente des besoins du marché et de l'offre existante.

Quel sera l'avenir des marchés qui produisent les références commerciales observées par la filière ? Comment la contractualisation pour les animaux mis en vente par les négociants qui ont acheté l'animal à un éleveur sera-t-elle réalisée ? Comment la prise en compte et l'actualisation des indicateurs des coûts de production seront-elles garanties dans la contractualisation pluriannuelle obligatoire ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Les débats au Parlement ont montré que la contractualisation était indispensable : la filière bovine vend structurellement ses bêtes au-dessous du coût de production. Les clauses de tunnel de prix donneront des garanties aux éleveurs. La situation des marchés aux bestiaux a toutefois été prise en compte. Les transactions directes avec le premier acheteur, que le producteur les conclue en direct ou qu'il mandate un négociant, ne seront pas comprises dans le champ de la contractualisation.

En revanche, les négociants ayant acheté au préalable des animaux à l'éleveur doivent ensuite contractualiser.

Avenir de la forêt périgourdine

M. Serge Mérillou .  - La Dordogne est le troisième département le plus boisé de France, avec un taux de boisement de 44 %. Le Périgord et sa forêt sont un poumon vert de notre pays : il faut le préserver.

Je salue le plan de relance de votre Gouvernement qui permettra de reboiser 1 600 hectares. Toutefois, ces mesures doivent être prolongées pour nos forêts morcelées. La forêt périgourdine est privée à 99 % avec une surface moyenne par propriétaire de 4 hectares ; le prélèvement représente seulement 40 % du volume d'accroissement annuel.

L'État doit accompagner la forêt dans la durée. Que ferez-vous pour soutenir la forêt périgourdine ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - La situation est en effet alarmante. Le morcellement de la forêt privée est un enjeu national, avec 3,3 millions de propriétaires, dont 1,4 million ont moins de 25 hectares.

Des recommandations existent. Le dispositif de GIE forestier est une solution mais reste limité : seuls 24 ont été créés, couvrant 17 000 hectares. Il s'agit de regrouper les propriétaires. Les Assises de la forêt et du bois y travaillent, le ministre de l'Agriculture aussi. Le Gouvernement a engagé 150 millions d'euros ; 460 hectares seront financés pour la reconstitution des châtaigniers en Dordogne, affectés par la maladie de l'encre.

Application du Nutri-Score aux fromages AOP (II)

Mme Cécile Cukierman .  - La mise en place du logo Nutri-Score, qui deviendra obligatoire dès 2022, inquiète les acteurs de la filière d'appellation d'origine protégée (AOP) de la fourme de Montbrison de la Loire.

Le classement par lettre oriente le choix du consommateur sans être le reflet fidèle des qualités sanitaires du produit.

La qualification D peut empêcher la publicité, faire disparaître les produits des menus en collectivité et stigmatiser des produits pourtant de qualité, peu transformés, reposant sur des circuits courts.

Que fera le Gouvernement pour protéger la fourme de Montbrison ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Nos fromages français, je le redis, sont une fierté de la gastronomie française. Même avec le Nutri-Score, les consommateurs plébiscitent les produits du terroir.

Pour lever vos craintes, je rappelle le caractère volontaire du Nutri-Score qui ne sera obligatoire que si toute l'Union européenne l'applique. L'étude d'impact de la Commission européenne pour un étiquetage obligatoire est en cours et ne devrait pas aboutir avant la fin 2022.

Nous devons améliorer l'algorithme du Nutri-Score et mieux l'adapter aux produits.

Mme Cécile Cukierman.  - S'il n'est pas suivi par les consommateurs, autant le supprimer ! De plus, il ne faut pas oublier l'impact sur la restauration collective.

La volaille de Bresse au risque de l'influenza aviaire

M. Patrick Chaize .  - L'élevage de la volaille de Bresse, en période de risque influenza aviaire élevé, répond au cahier des charges strict d'une appellation d'origine protégée (AOP).

Il s'agit d'une volaille de race pure au caractère vif, pour laquelle le confinement ou le parcours restreint est préjudiciable. Durant l'hiver 2005-2006, 30 à 40 % de pertes directes ont été subies en élevage confiné et de nombreuses volailles ont été déclassées pour griffures et meurtrissures.

Le virus de l'influenza aviaire se répand en Europe et le Gouvernement a placé le 5 novembre 2021 l'ensemble du territoire hexagonal en risque élevé. Un certain nombre de mesures préventives ont été prévues, dont la mise à l'abri des volailles des élevages commerciaux.

Devant le risque de dépréciation de l'AOP, les élus et les producteurs ont proposé des mesures dérogatoires à la direction générale de l'alimentation. Ils sont dans l'attente d'une réponse, étant précisé qu'aucun cas de grippe aviaire n'a été recensé à ce jour dans l'Ain.

Entendez-vous apporter une réponse rapide aux propositions volontaristes formulées par les éleveurs ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Permettez-moi de dresser un bilan : 600 cas en faune sauvage et 400 en élevage sont recensés dans 26 pays d'Europe. Un premier foyer a été détecté en France.

Le virus circule à nouveau dans la faune sauvage : c'est pourquoi nous avons rehaussé le niveau de risque et les mesures de mise à l'abri.

L'État et ses services, dont le professionnalisme est connu, accompagneront la filière de Bresse. Et ce, dans la concertation avec les agriculteurs, les chambres d'agriculture, les vétérinaires et les élus locaux. Les mesures concernent aussi les chasseurs et les particuliers, qui doivent déclarer les suspicions.

M. Patrick Chaize.  - Vous ne répondez pas à aux spécificités de la volaille de Bresse, qui avait été dispensée de certaines contraintes en novembre 2020, dans la même situation.

Je vous invite à venir rencontrer les éleveurs aux traditionnels marchés qui auront lieu en décembre à Bourg-en-Bresse, pour voir la réalité. Vous mettez à mal votre mission de Secrétaire d'État, puisque votre réponse réduit à néant l'engagement de la jeunesse.

Saturation des urgences pédiatriques par la bronchiolite

Mme Catherine Dumas .  - La bronchiolite touche 30 % des enfants de moins de 2 ans. Or des lits sont fermés faute de professionnels. Les six services pédiatriques de Paris sont débordés : 25 enfants en détresse ont dû être transférés hors de l'Île-de-France.

Cet automne, l'épidémie est particulièrement forte et précoce. Il y a eu peu de cas l'an dernier, grâce aux gestes barrière - d'où un manque d'entraînement immunitaire. Résultat, depuis mi-octobre, les pédiatres sont débordés, les urgences pédiatriques saturées, sans possibilité de décharge sur la province. Quelles mesures le Gouvernement met-il en oeuvre ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - À l'automne 2019, les services pédiatriques d'Île-de-France ont été dépassés. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a enquêté et des mesures ont été prises, comme le renforcement des unités de surveillance continue ; des indicateurs d'alerte ont été déployés, fondés sur la disponibilité des lits.

L'épidémie de bronchiolite arrive avec trois semaines d'avance.

L'ARS d'Île-de-France a mis en place un plan d'activité tiré de l'expérience Covid, avec une régulation régionale du transport pédiatrique (SMUR) et l'appui de la médecine de ville. La cellule de recherche de lits est activée. Le recrutement et le maintien en emploi d'infirmiers sont facilités : majoration des heures supplémentaires prolongée, cumul emploi-retraite assoupli.

Mme Catherine Dumas.  - Attention à l'attente des parents cet hiver !

Avenir du centre 15 dans l'Yonne

Mme Dominique Vérien .  - L'ARS de Bourgogne Franche-Comté souhaite depuis plusieurs années supprimer le centre 15 de l'Yonne afin de centraliser l'ensemble des services dans un pôle régional situé à Dijon. Cette décision est en totale contradiction avec les réalités du terrain.

L'Yonne est un département très rural où, par définition, chaque minute compte. C'est d'ailleurs cette implantation locale qui permet au centre 15 d'Auxerre d'être parmi l'un des meilleurs de France, selon une étude du journal Le Point de 2018.

De plus, élus et médecins ont un projet : une plateforme départementale rassemblant le 15 et le 18, afin de profiter de la bonne entente des « rouges » et des « blancs » et de la vitalité exemplaire des pompiers de l'Yonne.

Les uns et les autres ont été en première ligne tout au long de la crise sanitaire. Il est injuste qu'ils soient récompensés par une fermeture de leur lieu de travail.

Enfin, la crise sanitaire nous a appris qu'il n'est jamais bon de vouloir faire des économies sur la santé de nos concitoyens.

Faites preuve de bienveillance pour permettre à ce centre 15-18 d'exister, en conformité avec la loi Matras, et abandonnez le projet funeste de fermeture !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La direction de l'ARS a projeté, en 2018, de centraliser le 15 au CHU de Dijon, non dans une logique d'économies mais plutôt pour gérer des ressources en tension, tout en améliorant le soutien à distance. C'est ainsi que fonctionnent ces services depuis 2018 dans la Nièvre, et de longue date en Franche-Comté. L'ARS a invité les élus de l'Yonne à en constater les résultats. Je vous encourage à participer à cette démarche afin que le dialogue s'engage sur des bases objectivées.

Mme Dominique Vérien.  - J'aurais voulu que vous confirmiez la remise à plat annoncée par le Premier ministre. Pour Nevers, ce n'est pas si satisfaisant !

Accès aux soins en orthophonie

M. Bernard Fournier .  - Les habitants de la Loire ont des difficultés d'accès aux soins en orthophonie. Le temps d'attente moyen est d'environ douze mois, voire, comme à Saint-Chamond, dix-huit mois. Avec moins de 300 orthophonistes sur l'ensemble du département, beaucoup de familles renoncent à prendre rendez-vous, ce qui a des conséquences sur la santé des petits patients, en grande majorité des 3-6 ans. Les parents se retrouvent désemparés.

Ce retard de prise en charge se paie à long terme.

Depuis plusieurs années, de nombreuses propositions ont été élaborées par les syndicats et les parlementaires : revaloriser les grilles statutaires, améliorer la progression de carrière et faire évoluer le numerus clausus.

Le Sénat, qui n'a pas été suivi par le Gouvernement, proposait l'accès direct aux orthophonistes afin de simplifier le parcours de soins et réduire les dépenses de l'assurance maladie.

Quels sont les projets de réforme du Gouvernement afin de répondre aux préoccupations de la profession, des patients et des familles ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - L'intervention en orthophonie est sur prescription médicale ; depuis 2016, l'orthophoniste peut prescrire et renouveler certaines prescriptions ; depuis 2020, il peut adapter la prescription lors du renouvellement. Hélas les délais d'attente restent importants.

On compte en France 27 642 orthophonistes, dont 80 % en libéral. C'est peu, notamment dans la Loire. Le Gouvernement, dans le PLFSS adopté hier, cherche à faciliter l'accès direct aux professionnels de santé avec l'expérimentation pendant trois ans d'un parcours de soins simplifié. Il fera l'objet d'une évaluation qui sera une base utile pour réfléchir à d'autres mesures. Pas à pas, nous oeuvrons pour assurer l'égalité d'accès aux soins.

Contrats des médecins des centres municipaux de santé

M. Jean Sol .  - Les médecins recrutés par les centres municipaux de santé le sont en contrat à durée déterminée (CDD) de trois ans, renouvelable une fois. Ils n'accèdent au CDI qu'après six ans d'exercice.

C'est un frein à l'installation de médecins dans nos territoires. Cela menace l'attractivité des centres municipaux de santé. Comment comptez-vous agir sur ce point, afin d'éviter d'accentuer la désertification ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le Gouvernement est attaché à la sécurité juridique de ces recrutements. L'article 33 du projet de loi 3DS en renforce la base légale. Les dispositions en vigueur envisagent des CDD de trois ans maximum, renouvelables une seule fois.

Le primo-recrutement de contractuels en CDI ou le recrutement à l'issue d'un CDD de trois ans a été évoqué lors du vote de la loi de transformation de la fonction publique - mais pas pour le volet territorial. On peut toutefois envisager des mises à disposition de praticiens hospitaliers.

M. Jean Sol.  - Renforcer la base légale des recrutements va dans le bon sens, mais le problème doit être traité, sinon la désertification médicale s'aggravera.

Comment trouver un médecin traitant ?

Mme Anne Ventalon .  - L'Ardèche est victime d'un effet de ciseaux médical : augmentation des besoins en médecine avec l'arrivée des babys boomers dans le troisième âge et pénurie de soignants. À la fin de cette année, 10 % des Ardéchois, soit 10 000 personnes, n'auront pas ou plus de médecin traitant.

Un patient sur deux, à la campagne, n'arrive plus à trouver un généraliste, ceux-ci ayant déjà une patientèle trop nombreuse.

Or la déclaration du médecin traitant conditionne le niveau de remboursement des consultations de spécialistes. Comment comptez-vous lutter contre cette médecine à deux vitesses ? Comment parvenir à déclarer un médecin traitant ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le taux majoré sur les consultations hors parcours de soins a un intérêt majeur de santé publique : il permet une bonne coordination des soins. Le médecin traitant a un rôle important pour le suivi au long cours du patient.

De nombreuses dérogations à la majoration sont toutefois prévues : urgence, éloignement du domicile, affection de longue durée ou maladie chronique, indisponibilité du médecin traitant.

Seuls 9 % des assurés n'ont pas déclaré de médecin traitant. Ils peuvent saisir leur caisse pour qu'elle les aide à en trouver un - les soins étant remboursés à taux plein pendant le temps de cette recherche.

L'objectif de 4 000 postes d'assistants médicaux, via une aide de l'assurance maladie, devrait être atteint d'ici 2022, pour libérer du temps médical.

Mme Anne Ventalon.  - À l'impossible nul ne doit être tenu : dans les faits, déclarer un médecin traitant est parfois impossible.

Fermetures de lits d'hospitalisation et de réanimation

M. Sébastien Meurant .  - Les récentes annonces du Président de la République - ou plutôt du candidat Macron - promettaient 19 milliards d'euros pour hôpital.

À l'hôpital de Pontoise, dans le Val-d'Oise, on demande parfois aux patients d'apporter des médicaments qui manquent... C'est du vécu !

Le Président de la République avait promis de ne plus fermer d'hôpitaux sans l'accord des maires ; mais il y a des fermetures contre l'avis unanime des élus ! Hôpital psychiatrique Roger Prévot à Moisselles, hôpital de Saint-Martin du Tertre, hôpital de Beaumont-sur-Oise,...

Les équipes sont démoralisées. Pas de reconnaissance, un management déplorable ; l'exécutif ne pourra pas s'abriter derrière la pandémie pour expliquer cette situation.

Les 500 millions d'euros promis par le Premier ministre seront-ils au rendez-vous, non pour des reprises de dette mais pour des investissements effectifs ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Vous omettez certains chiffres. Depuis 2013, les capacités de soins intensifs ont crû de 10 %, celles de surveillance continue de 9 %, celles de réanimation pédiatrique de 10 % ; celles de réanimation adultes sont restées stables. Des lits ont été ouverts, 5 800 depuis 2013, dont 700 après la crise sanitaire. Enfin, les capacités d'hospitalisation partielle, ambulatoire, ont décuplé depuis 2003.

Nous avons lancé une enquête mensuelle, depuis le mois de juillet dernier, pour suivre les capacités hospitalières.

Dans le Val-d'Oise, 15 000 professionnels de santé ont vu leur rémunération augmentée de 183 euros par mois, 1 600 médecins ont été revalorisés.

Nous ne supprimons pas de lits, mais avons besoin de professionnels pour en ouvrir. C'est pourquoi nous avons supprimé le numerus clausus.

Nous avons un bilan !

M. Sébastien Meurant.  - Vous n'avez pas répondu à ma question précise. Aux urgences d'Argenteuil, il manque trois médecins et seulement un quart des médecins sont français. La situation est loin, très loin d'être satisfaisante.

Création d'un conseil national de la gynécologie médicale

Mme Corinne Imbert .  - La formation universitaire à la gynécologie médicale a été supprimée entre 1987 et 2003. Aussi, le nombre de professionnels de santé exerçant cette spécialité a chuté ces dernières années, passant de 1 945 praticiens en 2007 à 923 en 2020 ; treize départements n'ont plus aucun gynécologue médical.

Le décret du 9 janvier 2019 relatif aux missions, à la composition et au fonctionnement des conseils nationaux professionnels des professions de santé a acté le principe d'un conseil national professionnel pour chaque diplôme d'études spécialisées. Or la gynécologie médicale échappe à cette règle et est incluse dans le conseil national professionnel « gynécologie obstétrique-gynécologie médicale ». Elle est devenue une spécialité dans la spécialité, ce qui compromet son indépendance et sa capacité à envisager l'avenir.

Le Gouvernement entend-il compléter le décret de janvier 2019 en créant un conseil national professionnel de la gynécologie médicale afin de reconnaître pleinement cette spécialité ou procéder à un rééquilibrage des spécialités au sein du conseil national professionnel de gynécologie ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le décret de janvier 2019 précise que les conseils nationaux professionnels sont créés à l'initiative des professionnels de santé par profession ou par spécialité. Si le ministre peut reconnaître leur existence par arrêté, il ne lui appartient pas de les créer.

S'il ne peut y avoir qu'un conseil par spécialité, rien n'interdit qu'un conseil couvre plusieurs spécialités. Dans le cas de la gynécologie médicale, les organisations professionnelles de la gynécologie obstétrique et de la gynécologie médicale ont convenu de constituer un conseil commun aux deux activités, respectant les équilibres et les spécificités, afin de mener une réflexion commune sur les sujets intéressant les deux spécialités.

En matière de démographie médicale, le nombre de postes offerts en gynécologie médicale a triplé depuis 2012. En 2018, 82 postes ont été ouverts, soit une augmentation de 28 % par rapport à 2017. La formation prend plusieurs années et l'augmentation sera prochainement ressentie dans les territoires.

Mme Corinne Imbert.  - Le choix appartient aux professionnels, certes. La gynécologie médicale doit être une spécialité à part entière afin de mieux prendre en charge les patientes. J'ai signé un courrier au ministre de la Santé en ce sens.

La situation des dons d'organes en France

M. Guillaume Chevrollier .  - Seul le don peut légitimer le prélèvement en vue d'une greffe. L'année dernière, 1 355 donneurs ont permis 4 421 transplantations, soit un chiffre inférieur à celui de 2019. La crise sanitaire a fait baisser le nombre de donneurs. Aujourd'hui, 26 000 malades sont en attente d'une greffe et 700 patients en sont décédés en 2019.

La France n'atteindra pas l'objectif de 7 600 greffes fixé par le plan greffe 2017-2021.

Les Assises nationales du don d'organes se sont tenues pour la première fois en octobre 2021 afin d'aboutir à « plus de prélèvements pour plus de greffes » et dans la perspective du plan greffe 2022-2026. Les acteurs ont formulé cinq propositions : réformer la gouvernance du don d'organes et de la greffe ; accompagner les équipes de prélèvement ; définir les conditions optimales de recours et de suivi de la greffe ; développer le don du vivant ; instaurer une culture du don dans notre société.

Sur ce dernier point, le don d'organe doit être encouragé. La France pourrait s'appuyer sur les associations de donneurs de sang. Comment le Gouvernement compte-t-il lever les obstacles au développement des greffes ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La greffe est une priorité nationale. Depuis 2000, trois plans ont été mis en place. Comme vous l'avez mentionné, les objectifs du plan 2017-2021 ne seront pas atteints, notamment à cause de la suspension des transplantations rénales du fait de la pandémie.

L'édition 2022-2026 du plan en cours de finalisation en lien avec l'Agence de la biomédecine (ABM) entend insuffler une nouvelle dynamique. L'augmentation des prélèvements sera le premier axe : il conviendra de faire baisser le taux d'opposition grâce à la diffusion des bonnes pratiques et à l'identification des refus des dons. Ce nouveau plan sera dévoilé début 2022.

L'ABM mène un important travail de sensibilisation, dont le point d'orgue est la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe. Les campagnes de communication sont évolutives, et l'Agence est de plus en plus présente sur les réseaux sociaux.

Compensation des dépenses liées aux centres de vaccination

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Depuis la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en oeuvre une série de mesures de soutien aux communes au gré des lois de finance rectificative. Nous les avons toutes votées, mais force est de constater que le compte n'y est pas ...

Malgré le financement intégral du coût des vaccins, le financement à 50 % des masques à l'usage des collectivités, l'étalement des charges liées à la crise et le mécanisme de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales, les finances des communes sont à l'agonie du fait des surcoûts liés aux centres de vaccination.

Vous avez créé le fonds d'intervention régional (FIR) des ARS afin de financer les surcoûts des centres de vaccination : 60 millions d'euros ont été affectés, soit 50 000 euros pour un centre de vaccination de taille moyenne et pour six mois. Ces fonds devaient permettre la prise en charge des moyens de fonctionnement tels que le secrétariat, la coordination, l'accueil ainsi que la mobilisation des agents nécessaires. Mais, à ce jour, les communes n'ont rien touché, malgré leurs relances auprès des ARS.

Les communes se sont fortement investies pour protéger nos concitoyens, mais les dépenses « Covid » pèsent lourdement sur leurs finances, alors que leurs capacités d'investissement sont largement obérées.

Il y a urgence : les dotations forfaitaires promises par le Gouvernement se font attendre et paraissent déjà insuffisantes.

Avec la troisième dose, les élus s'inquiètent. Le Gouvernement les entendra-t-il alors qu'ils demandent une compensation intégrale des dépenses ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Les communes peuvent recourir au FIR. Le directeur de chaque ARS peut ainsi financer les dépenses de fonctionnement des centres de vaccination.

Afin de l'adapter aux situations locales, le cadre du FIR a été actualisé par circulaire. Sont ainsi pris en charge les frais de gestion du centre, les investissements et le transport de patients âgés ou isolés. Les dépenses liées à l'embauche de vacataires ou les heures supplémentaires des agents travaillant dans le centre de vaccination sont également compensées. En revanche, la mise à disposition d'agents d'autres services pour le centre de vaccination n'est pas remboursée par l'ARS, car ces dépenses auraient dans tous les cas été supportées par la collectivité.

Le montant de 50 000 euros correspond à un fonds d'amorçage. Naturellement, les montants réels seront ajustés en fonction des dépenses constatées.

Si des communes n'ont pas reçu les versements attendus, je vous invite à vous rapprocher de mes services.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Je prends bonne note de votre réponse et vous remercie.

Prise en charge de médicaments contre la migraine

M. Patrick Kanner .  - La migraine n'est pas un simple mal de tête ; elle peut être source de retentissements anxieux et elle altère sévèrement la qualité de vie des personnes qui en souffrent.

C'est la maladie neurologique chronique la plus fréquente dans le monde et la première cause de handicap chez les adultes de moins de 50 ans. La migraine sévère est responsable de coûts indirects, dus à une consommation de soins souvent inadaptée et à une nette réduction de la productivité professionnelle.

Alors que les traitements classiques ne suffisent plus, les anticorps monoclonaux anti-CGRP offrent de nouveaux traitements. Ces médicaments bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) européen. Au CHU de Lille, des tests ont été réalisés avec succès.

L'efficacité de cette classe médicamenteuse n'est pas contestée, mais le Gouvernement a décidé de ne pas les rembourser, contrairement au Danemark, à la Slovaquie, à l'Italie, à l'Allemagne, à la Belgique, à l'Espagne ou au Luxembourg, 23 pays au total. Je rappelle que le traitement coûte 500 euros pour le premier mois et 245 euros pour les suivants.

Alors que cette classe médicamenteuse est réservée à une minorité de patients migraineux, essentiellement féminins, en échec avec les médicaments classiques, pourquoi le Gouvernement refuse-t-il cette prise en charge ?

Je vous ai adressé une question écrite le 21 janvier dernier et n'ai toujours pas eu de réponse.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La migraine est une maladie invalidante aux conséquences lourdes, vous avez raison.

Lorsqu'un médicament dispose d'une AMM, l'exploitant doit déposer une demande d'inscription sur les listes de remboursement. La commission spécialisée de la Haute Autorité de santé (HAS) rend un avis favorable à son inscription, puis les négociations tarifaires engagées entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et l'entreprise s'engagent.

La commission de la transparence (CT) de la HAS rend ses avis sur la base de comparateurs pertinents. Or la CT a estimé que l'amélioration de service médical rendu pour ces anti-CGRP est de niveau 5, ce qui signifie qu'ils n'apportent pas d'amélioration par rapport aux médicaments actuellement disponibles. En outre, leur coût est bien plus élevé du fait des prétentions tarifaires des laboratoires. C'est pourquoi les trois antimigraineux anti-CGRP n'ont pas été inscrits sur les listes des médicaments remboursables.

SOS Médecins France

Mme Martine Filleul .  - Depuis septembre, SOS Médecins France alerte sur le manque de moyens alloués aux interventions médicales à domicile depuis une quinzaine d'années, ce qui participe à l'engorgement des urgences. Ainsi, 100 % des structures SOS Médecins ont connu un arrêt total d'activité, une première dans notre pays.

La mobilisation porte sur trois revendications : augmentation de la valeur de la visite urgente en semaine à 57,60 euros, alignement de l'indemnité de déplacement à 10 euros du lundi au dimanche, de jour comme de nuit, et intégration des médecins de SOS Médecins France à toutes les revalorisations de la profession.

Récemment, une revalorisation sous conditions a été octroyée par l'assurance maladie pour certaines visites à domicile. Cette mesure symbolique ne concerne pas les visites à domicile réalisées par les 1 300 médecins libéraux de SOS Médecins. Dans le département du Nord, SOS Médecins est parfois le seul moyen d'accéder aux soins, du fait de la désertification médicale.

Allez-vous répondre au SOS de ces professionnels de santé ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Nous saluons l'engagement de ces médecins au service de la permanence des soins.

En juillet, l'assurance maladie et les syndicats des médecins libéraux ont signé un neuvième avenant à la convention nationale de 2016 afin de revaloriser la rémunération des médecins libéraux s'engageant dans le service d'accès aux soins, au sein duquel SOS Médecins aura naturellement une place importante. De plus, les astreintes des médecins participant à la permanence des soins ambulatoire seront revalorisées de 20 % dès 2022.

Les contours de la prochaine convention médicale vont être définis en 2022 pour une mise en oeuvre au premier trimestre 2023. Il sera essentiel de reconnaître l'implication de ces professionnels, notamment pour la visite à domicile.

Le dialogue social entre le ministère, l'assurance maladie et SOS Médecins se poursuit sous les meilleurs auspices.

Mme Martine Filleul.  - Merci pour cet engagement, mais les paroles devront être suivies d'actes. Nous y veillerons.

Immunoglobulines humaines polyvalentes

Mme Catherine Deroche .  - Les immunoglobulines humaines polyvalentes constituent une thérapie majeure dans la prise en charge des maladies neuromusculaires.

Il est important d'appliquer les recommandations de l'ANSM sur la hiérarchisation des indications pour préserver les d'immunoglobulines françaises et lutter contre les pénuries de ce médicament précieux. Or ces recommandations, qui datent de 2018, ne sont pas suivies sur tout le territoire. Comme M. Patrick Kanner, j'ai adressé une question écrite à vos services et j'attends toujours une réponse.

Où en est-on ? Ces recommandations doivent être déployées sur tout le territoire.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Les immunoglobulines humaines polyvalentes sont utilisées pour compenser les déficits immunitaires primitifs ou acquis et traiter certaines affections aiguës ou chroniques, notamment neurologiques. Les récentes données indiquent une forte augmentation de leur utilisation en raison d'évolutions de prescriptions et de nouvelles populations éligibles aux traitements.

Les tensions sur l'approvisionnement augmentent, d'autant que la pandémie a diminué les quantités de plasma prélevées.

Depuis 2018, des associations de patients participent aux travaux de réflexion sur les immunoglobulines. Les ARS et les Observatoires des médicaments et des innovations thérapeutiques (OMéDITS) effectuent depuis 2008 un suivi régulier des recours aux immunoglobulines et des indications cliniques associées et publient des fiches de bon usage. Ces informations sont diffusées le plus largement possible.

Tous les moyens à notre disposition sont employés.

Mme Catherine Deroche.  - Lors de la table ronde organisée dans les Pays de la Loire, le représentant de l'ARS n'avait pas l'air très au courant... Il faut que les ARS martèlent ces recommandations sur tout le territoire.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « la contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires ».

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vaste sujet...

Mes questions vous paraîtront probablement peu originales : je les avais posées l'an dernier à M. Joël Giraud.

Ma première question concerne le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Je remercie le président Raynal pour le travail réalisé sur ce sujet. On le sait, le Sénat prône un rééquilibrage en faveur des communes qui se sont senties lésées. (M. Claude Raynal approuve.) Que prévoit le Gouvernement ?

Ma deuxième question concerne le déficit de recettes des collectivités. Le Gouvernement a maintenu la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais la crise sanitaire a fortement impacté les recettes de fonctionnement. Les maires de mon département, comme beaucoup d'autres, nous alertent. Ces communes ne doivent pas être les oubliées de la crise.

Enfin, sur le texte 3DS, je rappelle votre engagement à prendre en compte les 50 propositions du Sénat. Il faut renforcer l'État territorial et la place de coordinateur du préfet de département. Or, bien souvent, nous avons la désagréable surprise de vous voir lui préférer le préfet de région. Les collectivités territoriales attendent plus de proximité.

Entendez la voix du Sénat, pour plus d'agilité et d'efficacité au service de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - À l'heure d'une campagne présidentielle où fleurissent les propositions, ce débat a toute sa place ici.

La façon dont l'État agit n'est pas satisfaisante. Les maisons France services se sont certes développées, mais leur déploiement est inégal et tant l'illectronisme que les retards de déploiement de la fibre en montrent les limites.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a connu des retards à l'allumage. L'appui que les territoires recherchent n'est pas uniquement financier : ils ont aussi besoin d'ingénierie.

Nous, écologistes, pensons global et agissons local. Nous alertons depuis longtemps sur la recentralisation et la déconcentration qui perturbent l'autonomie de nos territoires.

Le nombre et les pouvoirs des préfets se multiplient, aggravant la mainmise de l'État déconcentré, comme sur l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Le couple maire-préfet n'a de sens que si le maire a de réels pouvoirs. Certains revendiquent ce pouvoir pour interdire les éoliennes, mais le refusent lorsqu'il s'agit de lutter contre les épandages ou d'interdire la chasse le week-end. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

Le soutien est avant tout financier. C'est ainsi que l'État, via les pôles territoriaux de coopération économique, va concourir financièrement à des projets coopératifs économiques et solidaires territoriaux.

Lors du dernier projet de loi de finances, plusieurs amendements ont permis d'accompagner la métropole d'Aix-Marseille, par exemple dans le transport, le logement, la rénovation des écoles. Pour autant, si la métropole a tant besoin d'aide, c'est parce qu'elle est de plus en plus démunie.

Plus qu'un pacte de gouvernance, il faut une nouvelle vision de l'organisation territoriale, bâtie et pensée avec nos collectivités. Les politiques de soutien sont encore trop centralisées.

Couverture 4G, rendez-vous médicaux, desserte TER... Voilà les vraies attentes de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Ce débat ne porte pas sur les compétences des collectivités territoriales, mais sur l'appui que l'État et ses opérateurs leur apportent.

L'enjeu démocratique réside dans la conciliation entre intérêt local et intérêt général. Financements et pouvoirs se sont concentrés dans les métropoles ; les périphéries n'ont pas bénéficié du ruissellement et n'auront pu s'exprimer que sur les ronds-points...

La crise démocratique n'a pas été résorbée par l'exécutif pendant ce quinquennat et la loi 3DS ne fera pas bouger les lignes. C'est en réalité une loi de désengagement de l'État de sa responsabilité d'aménageur, par exemple sur les routes et les petites liaisons ferroviaires. Nous l'avons refusé au Sénat : l'État doit relier les territoires et non les segmenter.

Le Gouvernement n'a pas répondu aux attentes des collectivités territoriales sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont la stabilité est trompeuse. La nationalisation de la taxe d'habitation a coupé le lien entre fiscalité et territoires. De nombreuses collectivités ont subi des effets de ciseaux avec la dotation de solidarité rurale (DSR) ou le fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Le recentrage de la DETR pose la question de sa vocation généraliste. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) doivent être pérennisées. L'État a revu à la baisse son soutien à la construction et s'est progressivement désengagé de la production de logements abordables.

Désormais, les politiques d'appui passent essentiellement par la contractualisation. C'est cette logique de guichet qui a prévalu lors de la création de l'ANCT - mais son fonctionnement n'est pas optimal et ses moyens insuffisants. Communes et intercommunalités sans ingénierie restent à l'écart des financements.

Les opérateurs de l'État voient leurs moyens baisser. Certains, comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), sont directement menacés.

Les élus ne veulent pas moins d'État, mais mieux d'État.

Enfin, au-delà de l'appui aux collectivités territoriales, nous avons besoin d'une déclinaison efficace des politiques nationales, qui respecte le principe d'égalité devant le service public. Je pense à l'hôpital public soumis au dogme de la rentabilité, à la couverture numérique, aux crèches, aux gares, etc. Les maisons France Services gèrent la pénurie alors que des pans de l'économie sont privatisés.

Nous avons besoin d'une loi d'aménagement du territoire, bâtie autour de trois piliers : habiter, travailler et vivre sur un territoire. Tel sera le chantier du prochain quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le débat porte sur une thématique chère au Sénat : comment favoriser la cohésion en prenant en compte les réalités locales ?

Banque des territoires, programmes « Action coeur de villes », « Petites villes de demain », plan Avenir Montagnes : les dispositifs sont variés.

Mais ces politiques d'appui ne sont pas une panacée. Elles sont complexes à mettre en oeuvre pour les petites communes. Demander une subvention, c'est une épreuve en solitaire dans la jungle administrative ! Une municipalité peut manquer des ressources humaines pour répondre à un appel à projets. Comment le préfet, en sa qualité de délégué territorial de l'ANCT, pourrait-il y remédier ?

Le Sénat a formulé des préconisations lors de l'examen du projet de loi 3DS, comme un formulaire Cerfa unique de demande de subvention. Il faut laisser plus de liberté aux communes dans leurs choix de compétences : le Sénat l'avait proposé en matière d'eau et d'assainissement. (Approbation sur les travées du groupe Les Républicains) C'est facile et ne coûte rien : j'espère une évolution du Gouvernement sur ce point.

Enfin, la loi Gemapi doit être révisée : les territoires de montagne ne peuvent financer toute la vallée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le projet de loi de finances pour 2022 aurait dû être l'occasion de faire le bilan du quinquennat sur l'aménagement du territoire.

La relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales repose sur trois piliers : clarté et stabilité de la norme ; péréquation territoriale ; accompagnement humain, juridique et financier des territoires les plus défavorisés. Sur ce dernier point, le RDSE se réjouit de la hausse des effectifs de l'État dans les départements, après une baisse constante depuis 2007.

Cependant, le Cerema a perdu 700 postes en sept ans, une véritable hémorragie. Cette cure d'austérité doit cesser.

Le RDSE a soutenu la création de l'ANCT qui monte progressivement en puissance. Les élus sont impatients, après des décennies d'abandon de la politique d'aménagement du territoire et la priorité octroyée aux métropoles.

Un effort particulier doit être réalisé en matière d'ingénierie, bien au-delà des 20 millions d'euros actuellement proposés - pour 750 projets en 2021 -, dont la moitié va à des prestataires privés.

Mettons un terme à la concurrence entre territoires via les appels à projets : les programmes de l'ANCT excluent certains territoires qui n'ont pas les moyens de monter des dossiers. Il faut plus de moyens pour rattraper les effets du retrait de l'État.

En Occitanie, seules 225 communes sont labellisées « Petites villes de demain », alors que le programme « bourgs-centres » de la région bénéficie à 501 communes... Que fait-on des communes oubliées ? Il faut mieux identifier les bénéficiaires des programmes.

Les collectivités territoriales attendent un accompagnement effectif pour maintenir les bassins de vie, faciliter l'accès aux services publics, se développer. En somme, de l'équité et de la cohésion territoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mardi dernier, comme président de la commission des finances, je regrettais que nous nous privions d'une séquence budgétaire toujours utile. J'aborderai donc la séquence qui s'ouvre comme rapporteur spécial sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

La suppression de la taxe d'habitation a porté un coup supplémentaire à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Les EPCI ont perdu 7,1 milliards de recettes en échange d'une fraction de TVA sur laquelle ils n'ont aucun pouvoir de taux. Quant à la réforme des impôts de production, elle porte sur 3,2 milliards d'euros. Au total, la part des recettes fiscales sur laquelle nos collectivités territoriales conserveraient un pouvoir de taux ou d'assiette s'établirait à 62 % pour le bloc communal, 33 % pour les départements et 10,6 % pour les régions.

Les ressources issues de la fiscalité directe locale diminuent chaque année au profit de concours de l'État, souvent discrétionnaires. Les principaux concours versés aux collectivités par l'État -  DSIL, DETR, etc.  - sont en réalité des subventions d'équipement pour un montant total de 2 milliards d'euros en 2021, hors plan de relance.

Sans oublier les aides des différentes agences de l'État -  Ademe, ANCT, ANRU...  - qui s'établissent à 5 milliards d'euros. Ces aides sont complexes ; leurs critères souvent rigides. La Cour des comptes considérait en mai dernier que ces différents programmes étaient révélateurs d'une certaine imprécision dans la stratégie de l'État.

En voulant mettre en place une politique d'encadrement budgétaire des collectivités, l'État organise l'aménagement et la cohésion des territoires, en ne leur laissant qu'une marge de manoeuvre réduite.

Des consignes de mobilisation des dotations au bénéfice des partenariats ont été passées. En actant la suppression de la fraction libre d'emploi de la DSIL, le projet de loi de finances pour 2022 s'inscrit dans cette logique, qui tend à faire des collectivités territoriales les bras armés de l'État.

On comprend que l'État flèche des priorités, mais laissons les élus impulser des politiques adaptées à leur territoire. Aujourd'hui, ils sont souvent jugés sur des politiques décidées par l'État !

M. Laurent Duplomb.  - Tout à fait !

M. Claude Raynal.  - N'est-il pas temps de trouver le bon équilibre entre subventions fléchées et financements libres d'emploi ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On ne saurait minimiser l'appui de l'État, qui est primordial, tout particulièrement en période de crise. Mais cette action doit être efficace et pérenne. Quelles sont les attentes des collectivités ? Quelle est la stratégie de l'État ?

Les collectivités territoriales ont besoin d'un dispositif proche, global, transparent et qui les accompagne sans se substituer à elles.

La création de l'ANCT, issue de la proposition de loi de notre collègue Requier, constitue une nouvelle étape significative. En 2016 déjà, Hervé Maurey et moi-même appelions un tel organisme de nos voeux. Les élus sont satisfaits de disposer de ce guichet unique.

Il faut maintenant une approche transversale, pour faire du cousu main et permettre le partage d'expériences. L'innovation publique locale ne doit pas être découragée.

La contractualisation repose sur les contrats de plan État-Région (CPER) et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). On ne saurait oublier les ZRR dont nous attendons avec impatience la constitution des groupes de travail. La durée des CRTE doit être alignée sur un mandat.

La crise sanitaire et économique a mis en exergue le rôle clé des collectivités territoriales aux côtés de l'État pour gérer l'urgence.

La politique d'appui aux collectivités territoriales doit reposer sur un cadre souple, une politique contractuelle lisible et d'engagement dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je veux évoquer quatre sujets concrets : les CRTE, tout d'abord. Certains préfets traitent uniquement avec les présidents d'EPCI, en oubliant les maires. Serait-ce la fin du couple maire-préfet, tant vanté par le Président de la République ?

Les conseillers numériques, ensuite : les premiers sont arrivés sur le terrain pour aider les collectivités territoriales à lutter contre l'illectronisme. Quelque 250 millions d'euros ont été prévus en 2021, mais quid du financement de ces emplois au-delà des trois années de contrat ? Le financement de leur formation est également problématique : qui prend en charge les frais de déplacement ?

De nombreuses communes ont monté des opérations scolaires ou périscolaires avec des agents de plus de 50 ans en contrats aidés. Mais ces publics ne sont plus considérés comme prioritaires et leurs contrats ne peuvent être renouvelés. Pôle Emploi ne pourrait-il faire preuve d'un peu de souplesse ?

Les régisseurs municipaux ne peuvent plus déposer leurs recettes auprès de la trésorerie départementale, mais dans un bureau ou une agence postale - c'est le cas en Moselle. Le recomptage contradictoire immédiat a disparu et l'éventuelle différence est imputée au régisseur, sur ses deniers personnels. L'État doit exiger de La Poste un retour du recomptage contradictoire, sans quoi nous ne trouverons plus aucun agent pour exercer la fonction de régisseur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les collectivités territoriales ont été particulièrement sollicitées au cours de la crise sanitaire. Elles le seront aussi pour la transition écologique et ont besoin d'élaborer une stratégie de développement durable et résilient. Pour cela, il leur faut de l'ingénierie ; mais les plus petites d'entre elles, notamment rurales, manquent de moyens et ont besoin de l'expertise de l'État.

L'ANCT a été créée dans cet esprit, pour être une « fabrique de projets », mais ses moyens financiers et humains demeurent insuffisants. Avec 400 projets soutenus en 2021 et 500 en 2022 et 2023, on est loin des besoins des 25 000 communes de moins de 1 000 habitants. Et quid des collectivités territoriales qui n'entrent dans aucun dispositif ?

Les politiques de labellisation et les contrats de ruralité sont très complexes et peu lisibles pour les collectivités territoriales. Quand l'accès aux aides de l'État est si laborieux qu'il en devient inaccessible aux collectivités territoriales qui en ont le plus besoin, on frôle l'absurde. Il faut une action ciblée et renforcée en direction des territoires les plus en détresse.

La décentralisation ne doit pas être synonyme de désengagement ni de dessaisissement de l'État. Celui-ci doit conserver un rôle éminemment stratégique, au service de la cohésion et de l'équité territoriales.

De ce point de vue, on ne peut que regretter le mandat pour rien du Haut-Commissariat au plan, véritable coquille vide.

Le développement nécessaire - mais anarchique - des éoliennes et les problèmes spécifiques des communes littorales avec le retrait du trait de côte sont des exemples du besoin d'appui des collectivités territoriales.

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici qu'on reparle d'aménagement et de cohésion des territoires... Plutôt que de ZRR, on devrait parler de zones de frustration rurale ou de zones de libertés locales à développer.

Les élus attendent plus d'écoute et de confiance, notamment pour construire. Les règles des plans locaux d'urbanisme (PLUi) de 2021 désavantagent les territoires ruraux. Les élus locaux doivent pouvoir construire, ou ne pas construire. Sur les éoliennes, le dernier mot doit leur revenir. Le débat n'est pas de savoir si les architectes des bâtiments de France (ABF) ont raison ou tort : mais que de temps perdu et de découragement dans la France de Viollet-le-Duc !

Donnons-nous les moyens d'accueillir. Où en sont les 5 000 pylônes de téléphonie mobile promis ? Arrêtons les fermetures de classes, de services publics ou d'officines sans repreneur immédiat ! Il faut laisser vivre tout ce qu'on peut.

La démographie médicale est un sujet qui ne peut pas attendre dix ans. Il faut ouvrir les vannes des écoles d'infirmiers et de sages-femmes. Cela ne coûte rien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Si !

M. Bruno Belin.  - La France des frustrations doit devenir la France des espérances ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

MM. Bruno Sido et Laurent Duplomb.  - Bravo !

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) De tout temps, l'aménagement du territoire a été un sujet majeur. Aujourd'hui, il doit tenir compte du dérèglement climatique. La loi Climat et résilience ou le projet de loi 3DS ont déchaîné les passions : l'artificialisation des sols, la question des espaces préservés sont des sujets désormais très débattus.

En Loire-Atlantique, le pays de Retz, la Côte d'Amour ou la Côte Sauvage sont concernés. Pornic voit sa population augmenter de 1,5 % par an - cela s'est accentué depuis dix-huit mois à la faveur de la pandémie. Or cette commune subit de plus en plus de tempêtes, inondations, montées des eaux et les possibilités de construction y sont restreintes.

Les communes littorales sont soumises à de nombreuses lois - Littoral, ELAN, ALUR, Climat et résilience, 3DS, etc. -, qui, pour la grande majorité, vont dans le bon sens. Mais s'il est évident qu'il faut réduire l'artificialisation des sols, il faut aussi pouvoir accueillir les nouveaux venus et permettre à nos concitoyens de vivre là où ils sont nés.

Nos élus locaux sont parfois insultés, voire menacés, quand des immeubles sont construits, notamment pour respecter les pourcentages minimaux de logements sociaux.

Il faut une véritable différenciation sur les territoires. La France est riche de sa diversité. Faisons confiance aux acteurs de proximité ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le thème de ce débat est très important. En cette période d'examen du projet de loi 3DS à l'Assemblée nationale, je tenais à être présente au Sénat pour échanger avec vous.

La politique de cohésion des territoires passe par la volonté de construire ensemble des projets.

L'État considère qu'il a une mission d'appui aux collectivités dans l'aménagement de leurs territoires ; mais qu'il a aussi une mission d'aménagement du territoire national, dans une logique de subsidiarité.

L'État travaille toujours de manière partenariale, à l'initiative des collectivités territoriales. Claude Raynal évoquait les financements des différentes politiques publiques insufflées par l'État sur les territoires. Ces politiques -  « Action coeur de ville », « Petites villes de demain »... - sont appréciées.

En matière de très haut débit, le développement de la fibre réalisé par l'État était souhaité par les élus, notamment ruraux. Dans le cadre de cette politique partagée, départements et intercommunalités portent souvent les réseaux d'initiative publique (RIP).

Il ne s'agit pas d'imposer des politiques, mais l'État doit prendre ses responsabilités face aux évolutions de la société ou du climat - je pense aux problèmes des communes côtières dont il a été question par exemple.

Travaillons les uns avec les autres.

La contractualisation est un élément très important. Ainsi, les CRTE se développent - 843 d'entre eux sont en cours.

Un certain nombre de départements, dont la Nièvre, les Ardennes, la Creuse ont vu leur DGF augmenter, malgré la diminution de leur population.

Dans le cadre du plan de relance, les dossiers ont pu avancer, notamment via la DSIL.

Au sein du programme 112, les ressources du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (Fnadt) s'accroissent de 35 millions d'euros pour 2022.

En matière d'ingénierie, beaucoup a été fait en deux ans par l'ANCT. Un tiers de son budget, soit 20 millions d'euros, va au financement de l'ingénierie pour aider les collectivités territoriales à concrétiser leurs projets. L'ANCT ne concurrence pas les ingénieries locales ; elle intervient dans une logique de subsidiarité. Ses financements sont bien évidemment ouverts à toutes les collectivités territoriales, madame Filleul. Les aides sont gratuites pour les communes de moins de 3 500 habitants et les intercommunalités de moins de 15 000 habitants : la ruralité dans son ensemble peut donc bien en bénéficier.

Le Gouvernement est favorable à la prolongation des zonages des ZRR jusqu'en décembre 2023. Il déposera d'ailleurs un amendement sur la politique de la ville qui avait été oublié.

Monsieur Darnaud, le rapport sur le FPIC est paru. Nous envisageons de reprendre par amendements certaines mesures proposées par le Sénat, notamment sur les garanties de sortie.

Concernant le projet de loi 3DS, je suis entièrement d'accord avec vous sur le renforcement du préfet de département, même si le préfet de région sera le délégué territorial de l'Ademe puisque son organisation est régionale.

J'espère un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Mme Varaillas m'a accusée de métropolisation... Ce n'est pas sous ce quinquennat que la loi créant les métropoles a été adoptée ! (M. Laurent Duplomb proteste.)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous ne les avons jamais votées !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Soyons réalistes : les métropoles sont une réalité. Je ne comprends pas cet acharnement à opposer les métropoles aux zones rurales et aux périphéries. Traitons les sujets qui doivent l'être !

Ne nous reprochez pas non plus de nous désengager des routes : nous achevons le travail engagé par Jean-Pierre Raffarin... Encore est-ce seulement pour les départements volontaires.

Dans le budget que vous n'examinerez pas, l'État versera 500 millions d'euros à La Poste pour qu'elle continue à assurer ce service public sur les territoires. Est-ce là un désengagement ?

J'en ai terminé.

M. Daniel Chasseing .  - Les politiques d'appui aux collectivités sont nécessaires sur tout le territoire mais elles doivent être amplifiées dans les territoires ruraux, soit 80 % de notre pays et 30 % de la population, pour y maintenir la vie et réduire les inégalités.

Il faut notamment accompagner la réindustrialisation des zones rurales et la diversification des activités agricoles grâce à l'irrigation. Nous avons besoin de préfets développeurs. L'artificialisation des sols doit être différenciée entre territoires ruraux et urbains.

Le Gouvernement souhaite-t-il des ZRR mieux ciblées après 2022 et une plus grande différenciation en matière d'artificialisation ?

Il faut aussi un médecin par maison de santé. Suivrez-vous les préconisations du Sénat en la matière ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je connais votre attachement aux ZRR, monsieur Chasseing. Nous avons accepté le prolongement d'un an des zonages pour continuer à réfléchir, avec les sénateurs Frédérique Espagnac, Bernard Delcros et Rémy Pointereau, aux évolutions les plus pertinentes.

La question de l'eau devient de plus en plus importante. Nous savons ce qui s'est passé dernièrement dans les Deux-Sèvres ou dans le Lot-et-Garonne.

M. Laurent Duplomb.  - C'est inadmissible !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Il faut avancer sur ce sujet vital et éviter les oppositions stériles.

Mme Else Joseph .  - Nos collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées en ces temps de crise. Un appui renforcé est donc indispensable. Or beaucoup de petites collectivités territoriales souffrent d'un défaut d'ingénierie. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne en ce domaine.

Environ 30 000 communes et intercommunalités n'ont pas les moyens de se doter d'un service d'ingénierie. Les plus petites communes doivent être associées aux politiques mises en place. Nous resterons vigilants pour que les maires puissent en bénéficier.

Le calcul des dotations et de la péréquation doit tenir compte des spécificités rurales.

Comment comptez-vous permettre aux petites communes rurales de bénéficier concrètement des politiques engagées afin qu'elles puissent mener à bien leurs projets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'ANCT a été conçue pour aider les communes rurales. Elle peut répondre à des besoins très spécifiques, et son aide est gratuite pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les intercommunalités de moins 15 000 habitants.

J'ai tenu à ce que « Petites villes de demain », ne fixe pas de seuil démographique, afin que des petites communes qui ont une fonction de centralité puissent bénéficier de ce programme.

Enfin, 800 volontaires territoriaux en administration (VTA), financés par l'État, aident à monter les projets des communes.

M. Guillaume Gontard .  - Depuis vingt ans, les gouvernements successifs n'ont cessé de rogner sur l'autonomie fiscale des collectivités. Mais ce Gouvernement a battu des records avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, soit 30 % de recettes que les élus locaux ne peuvent plus moduler. Dans le même temps, les transferts de compétences se multiplient...

L'État coupe le robinet en direction des collectivités territoriales tout en insistant sur leur rôle essentiel dans tous les domaines. Il les contraint même dans leur capacité à moduler les taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires !

Pourquoi priver les communes de l'un des rares leviers financiers qui leur restent ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Président de la République a tenu son engagement en matière de suppression de la taxe d'habitation. Les Français s'y retrouvent en matière de pouvoir d'achat et la compensation est assurée à l'euro près.

Sur les résidences secondaires, l'évolution du taux est encadrée par une règle qui existe depuis le début de la décentralisation : il n'y a donc rien de nouveau. En revanche, une réflexion sur les logements vacants est nécessaire.

M. Guillaume Gontard.  - Vous ne m'avez pas répondu sur l'autonomie fiscale.

En réalité, vous protégez les intérêts des multipropriétaires. (Mme la ministre lève les bras au ciel) C'est fort regrettable.

Mme Cécile Cukierman .  - Comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous fêterons dans quelques jours les deux ans de l'ANCT. Il n'en reste pas moins que les maires ont du mal à savoir qui fait quoi en matière d'ingénierie. Lors du congrès des maires, un élu local m'a dit que pour solliciter de l'ingénierie, il fallait de l'ingénierie...

Saisir l'ANCT n'est pas toujours si facile... Comment y arriver concrètement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire connaître l'ANCT. Son directeur général se déplace beaucoup, les préfets organisent des réunions pour la présenter... Aujourd'hui, l'agence aide pas moins de 700 petites communes.

Je viens d'un département rural ; il faut que les maires osent demander de l'aide. L'intercommunalité a aussi un rôle à jouer dans ce domaine.

Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et le Cerema, désormais ouvert aux collectivités, sont les partenaires de l'ANCT.

Merci aussi à vous de faire connaître l'ANCT.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous avons besoin de travailler ensemble. Les maires se retrouvent dans la situation du jeune demandeur d'emploi à qui on demande dix ans d'expérience.

M. Stéphane Demilly .  - (M. Michel Canévet applaudit.) En 2021, 11 % des Français n'ont pas un accès aisé aux soins - contre 7 % en 2012. Les raisons sont nombreuses : absence d'anticipation des Gouvernements successifs, départs massifs à la retraite de médecins et peur de froisser un lobby médical politiquement sensible. Des mesures ont été mises en place mais elles relevaient plus de l'homéopathie que de la médecine d'urgence. Même l'égalité des soins dont la France s'enorgueillissait se délite : un médecin pour 400 habitants dans les Alpes-Maritimes - un pour 1 000 dans l'Eure ou en Seine-et-Marne.

Un tiers des généralistes ont plus de 60 ans. Pompon du palmarès : il faut 80 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, plusieurs mois chez moi dans la Somme.

Le temps des rapports, des constats et des « mesurettes » doit laisser place à un véritable plan Marshall. Il faut de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace ! Répondez aux oubliés de la santé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur plusieurs travées du RDSE)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Merci d'avoir posé votre question de cette façon. Sur tous les territoires, la problématique de la démographie médicale s'est installée au coeur des préoccupations. En augmentant les places en formation, nous résoudrons le problème à terme, mais cela prend du temps : cinq ans pour les infirmiers, dix ans pour les médecins.

L'État a lancé un programme de 400 médecins salariés - il y en a actuellement 200, faute de candidats. Nous encourageons les médecins à prendre des stagiaires avec eux et nous avons augmenté la prime des internes.

La Saône-et-Loire a embauché des médecins salariés sur trois ans, espérant qu'une partie d'entre eux s'installera définitivement.

L'articulation entre hôpital et médecine de ville est également importante.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - (M. Joël Bigot applaudit.) Dans le Pas-de-Calais, l'ancien bassin minier regroupe les communes les plus pauvres de France. Pour faire face au Covid, les collectivités territoriales ont augmenté leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement en achetant des détecteurs de CO2, des masques, des gants ou encore des purificateurs d'air. Selon la direction générale des collectivités territoriales, les besoins de financement des collectivités se sont élevés à plus d'un demi-milliard d'euros en 2020 tandis que les investissements des communes diminuaient. Les 890 communes du Pas-de-Calais me sollicitent souvent à ce propos.

En outre, les maires s'inquiètent des hausses annoncées pour 2022 : à partir du 1er janvier, le ciment augmentera de 10 %, la laine de roche et l'aluminium de 20 %. N'oublions pas non plus la hausse du prix de l'énergie qui impacte les budgets de fonctionnement des collectivités.

Qu'envisage le Gouvernement pour faire face aux dépenses locales ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est à cela que servent les débats budgétaires... quand ils ont lieu. La hausse des matières premières ne va pas renchérir les devis déjà signés mais les contrats à venir.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de la DSIL de plus de 300 millions d'euros. La DETR s'élève déjà à plus de 1 milliard d'euros - ce n'est pas rien !

Les impôts fonciers bénéficieront d'une revalorisation de la base locative à hauteur de l'inflation, soit 3,2 % en 2022, rapportant 1 milliard d'euros supplémentaires aux communes et aux intercommunalités. Quant à la TVA, les départements devraient voir leurs recettes augmenter de 815 millions et les régions de 800 millions d'euros.

Nous sommes vraiment à l'écoute des collectivités territoriales. À l'occasion du projet de loi de finances, nous avons décidé de prolonger le dispositif de l'année dernière en faveur des régies municipales.

M. Éric Kerrouche .  - La suppression de la taxe d'habitation est une mauvaise idée tant du point de vue de l'autonomie des collectivités territoriales que de la justice sociale : les 80 % des ménages les plus modestes bénéficient de 57 % de la baisse, soit 555 euros en moyenne ; les 20 % des plus aisés en toucheront 43 %, soit 1 158 euros en moyenne !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est toujours un gain !

M. Éric Kerrouche.  - Près de 40 % des 1 500 élus que nous avons interrogés avec Agnès Canayer dans le cadre du rapport de la délégation aux collectivités territoriales considèrent le niveau d'ingénierie comme ni bon ni mauvais ; la moitié font appel au département ou à leur EPCI lors du lancement d'un projet complexe, moins de 50 % des répondants connaissent l'ANCT et 22 % ont fait appel à elle.

Comment développer cette agence ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement voulait que la suppression de la taxe d'habitation bénéficie à 80 % de la population - le Conseil constitutionnel en a décidé autrement.

L'ANCT est déconcentrée, puisque c'est le préfet, voire le sous-préfet secondé par la Direction départementale des territoires (DDT) ou la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), qui est en charge de l'ingénierie.

L'agence envoie ses publications dans les mairies ; elle a eu un stand au Congrès des maires...

L'agence porte des politiques publiques importantes comme le plan Montagne.

Le travail se poursuit donc.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - La recentralisation du RSA est expérimentée - mais elle ne fait pas l'unanimité chez les présidents des départements, qui considèrent le social comme la raison d'être de l'action départementale.

Pourtant, dans l'Aisne, on voit de grands décalages dans le reste à charge par habitant par rapport à la moyenne nationale, ce qui asphyxie les finances du conseil départemental.

Plutôt qu'une recentralisation, ne croyez-vous pas qu'une péréquation horizontale entre départements serait préférable ? Il s'agit d'un sujet délicat et l'intervention de l'État serait la bienvenue.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'Assemblée des départements de France (ADF) - non sans débats - avait proposé la recentralisation du RSA. Le clivage politique initial a été dépassé, grâce à l'expérimentation.

En Seine-Saint-Denis, le conseil départemental est très satisfait de l'accord portant sur la reprise du RSA par l'État, même si certaines ressources comme les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) lui échappent désormais.

Dans l'Aisne, le taux de la taxe foncière est très élevé : il n'y a donc plus de marges de manoeuvre. Le département souhaite la recentralisation du RSA, mais pas en 2022. D'autres y réfléchissent aussi, comme la Somme ou la Corrèze.

N'oublions pas que les DMTO augmentent en moyenne de 20 à 25 %, ce qui bénéficiera au budget des collectivités.

M. Bruno Rojouan .  - La crise sanitaire a fait redécouvrir à de nombreux Français les charmes de la vie à la campagne ou dans les petites villes. Dans mon département de l'Allier, des biens qui ne trouvaient pas preneurs se vendent désormais.

C'est une chance si les nouveaux habitants, souvent jeunes, restent sur ces territoires. Ces derniers ont besoin de voir les réseaux ferrés et routiers améliorés, la fibre et la téléphonie mobile se développer. Le new deal mobile doit prendre de l'ampleur. Il faut en finir avec les zones blanches et les fermetures des bureaux de poste et des classes.

L'implantation des maisons France services ne résout pas tout ; le reste à charge pèse lourd sur les finances des collectivités territoriales qui craignent en outre une inégale implication des opérateurs sur la durée.

Les territoires ruraux se battent chaque jour pour attirer de nouvelles populations ; le soutien de l'État doit être plus important. Beaucoup reste à faire en la matière.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je sais que des zones blanches et grises persistent en matière de couverture mobile. Reconnaissons cependant les efforts des opérateurs. Sur les 5 000 pylônes prévus, 2 987 ont été installés et 1 000 de plus le seront en 2022. En outre, chacun d'entre eux sert à tous les opérateurs. Aujourd'hui, notre pays compte 30 000 pylônes.

L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) est là pour vérifier que le rythme reste bon - c'est ce que confirme un rapport publié en septembre.

À Salbris, en Sologne, il n'est pas facile de faire passer des ondes.

Pas moins de 1 600 communes sont concernées par le programme « Petites villes de demain ». J'y suis très attachée.

M. Daniel Salmon .  - Le rôle des collectivités territoriales est central dans la gestion des déchets. Le Grenelle de l'environnement préconisait qu'elles puissent intégrer une part incitative dans les taxes ou les redevances d'enlèvement. Mais cela reste complexe techniquement, surtout dans les habitats denses.

Pourquoi ne pas prévoir des taxes ou des redevances par secteurs, quartiers ou îlots, définis par les collectivités territoriales elles-mêmes ?

Ce dispositif simple qui fait consensus auprès des associations d'élus pourrait être introduit par amendement dans le projet de loi de finances - que nous n'examinerons malheureusement pas.

Pourriez-vous présenter un tel amendement lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Votre demande est un peu curieuse : vous me demandez de défendre un amendement que vous ne pourrez déposer ! Je ne prendrai pas un tel engagement, d'autant que ce dossier est complexe.

Les redevances incitatives ne font pas l'unanimité, loin de là ! L'usager qui produit moins de déchets paye moins cher, mais élargir cette redevance à tout un quartier dénaturerait son objet même car les ménages les plus économes seraient pénalisés tandis que les gros producteurs de déchets payeraient moins. Une redevance incitative ne peut se concevoir qu'au plus près des usagers. Ce que vous proposez mérite d'être approfondi.

M. Daniel Salmon.  - Ma proposition n'a rien de curieux. Nous devons impérativement réduire nos déchets et il est indispensable d'expérimenter pour faire face aux tonnes de déchets qui s'accumulent.

Mme Céline Brulin .  - La défense extérieure contre l'incendie (DECI) est un sujet primordial. C'est une épine dans le pied des élus de Seine-Maritime. Certaines communes manquent de foncier pour installer des bâches ou des réserves d'eau enterrées ; pour d'autres, le débit d'eau est insuffisant.

Les dépenses représentent parfois jusqu'à la totalité du budget d'investissement du mandat. Sans parler des bureaux d'études qui font monter les enchères. Résultat, des permis de construire ne peuvent être délivrés, des aménagements sont empêchés, renforçant le sentiment d'abandon des petites communes qui se sentent asphyxiées.

La préfecture ne révisera le règlement départemental qu'à la marge, alors que le rapport Maurey-Montaugé montre que les préfectures ne peuvent chiffrer les coûts de mise en conformité. Pouvez-vous le faire ?

Comment soutenir les communes, alors la part de la DETR consacrée à la DECI est passé de 1 à 8 % depuis 2017 ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je rappelle que les SDIS sont une compétence décentralisée. Le rapport Maurey-Montaugé a mis en évidence les difficultés d'application sur le terrain depuis la réforme de 2015. Je vous confirme que le Gouvernement va se saisir du problème, sans avoir pour autant l'intention de recentraliser cette politique.

En juillet, j'avais donné un avis favorable à un amendement de M. Maurey demandant un rapport au Parlement d'ici juillet 2022 sur ce sujet. Nous verrons, à la lumière de ce rapport, s'il est nécessaire de revoir la décision de 2015, qui a peut-être été source d'inégalités entre départements.

Mme Évelyne Perrot .  - La France a un pouvoir de marché sur la moitié de la flotte aérienne mondiale. Des milliers d'emplois et d'entreprises sous-traitantes s'impliquent dans la transition verte de ce secteur. C'est un stimulant pour l'élévation du niveau scientifique ; économiquement, cela irrigue tout un écosystème : aéroports, compagnies et contrôleurs travaillent dans le même sens.

Nos avions sont de plus en plus sobres mais nous prenons du retard sur la fabrication des e-kérosène fabriqués en capturant du CO2. Quelque 90 aéroports vont devoir investir lourdement pour se verdir ; il faut compenser leurs pertes de recettes liées à la pandémie.

Un soutien limité de l'État permettrait aussi de renouveler la flotte des petits avions qui servent à former les pilotes, ce qui diminuerait les nuisances sonores. Enfin, les pertes de taxe sur les nuisances aériennes bloquent le financement de travaux d'insonorisation, alors que le fret de nuit se développe.

Qu'envisage le Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Gouvernement est proactif dans le soutien au secteur aérien : le plan de relance consacre 1,57 milliard d'euros à un partenariat entre l'État et les industriels visant à mettre sur le marché un avion vert en 2035.

Nous voulons faire émerger une filière française de petits avions électriques, et misons sur la recherche et développement.

Enfin, conséquence de la crise sanitaire, le manque à gagner de taxes sur les nuisances sonores est de 80 millions d'euros. Nous n'allons pas relever les barèmes au vu des difficultés économiques des compagnies aériennes.

Toutefois, il faut d'urgence faciliter le financement du dispositif d'aide à l'insonorisation : 8 millions d'euros seront dégagés en fin de gestion 2021.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Les élus locaux sont inquiets de la reprise épidémique. La pandémie a révélé les failles de notre société et aggravé les fragilités. Nos communes sont au coeur de la cohésion sociale et territoriale : l'État doit les accompagner, mais l'ambition n'est pas à la hauteur des enjeux.

L'effort sur l'hébergement d'urgence est reconduit en 2022 mais seulement jusqu'à fin mars ! Les élus craignent une rupture dans l'accompagnement.

De plus, la subvention de production de logements très sociaux stagne. La rénovation thermique des logements se heurte à l'importance du reste à charge. La réforme des APL a été défavorable aux jeunes ménages, les crédits de la rénovation urbaine peinent à être engagés.

Ce sont les plus fragiles qui sont touchés.

Notre société fragilisée réclame un grand plan solidarité. Entre le refus de la déconjugalisation de l'AAH, la réforme de l'assurance chômage et la stigmatisation des bénéficiaires du RSA, le bilan du quinquennat n'est pas satisfaisant de ce point de vue.

Que compte faire le Gouvernement pour résorber les fractures de notre pays ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le ministère du logement est indépendant du mien ; ces sujets ont été abordés lors des débats sur le volet logement de la loi 3DS.

Les moyens du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sont passés de 5 à 10 milliards d'euros en 2018, puis à 12 milliards d'euros en janvier 2021, à la suite du comité interministériel des villes. Les travaux ont démarré dans 328 quartiers relevant du NPNRU, contre 210 l'an dernier.

L'hébergement d'urgence voit ses moyens augmenter de 510 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022, ce qui permet de maintenir un parc généraliste de 190 000 places. Depuis 2017, le budget de l'hébergement d'urgence a augmenté de 48 % pour atteindre 2,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022.

La réforme des APL est neutre pour la majorité et bénéficie à 18 % des ménages.

En matière de logement social, nous avons fixé un objectif ambitieux de 250 000 nouveaux agréments pour 2021 et 2022.

M. Hervé Gillé .  - Le contrat de relance et de transition écologique (CRTE) soulève des questions sur sa portée réelle. Il faut une évaluation qualitative pour objectiver son impact en matière d'aménagement du territoire et de transition écologique. Quelle est votre méthodologie et quels sont les objectifs à atteindre ?

Le financement du CRTE est discrétionnaire. L'absence de ligne spécifique, le fléchage prioritaire de la DETR et de la DSIL vers les CRTE inquiète les communes, d'autant que les crédits disponibles ne couvriront pas les demandes.

Les contrats sont prévus pour une durée de six ans, d'où une incertitude de prévisions financières. Le financement du CRTE ne risque-t-il pas de grever plusieurs exercices ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les CRTE sont une enveloppe signée au niveau intercommunal. Il s'agit de rendre lisibles les rapports entre l'État et les collectivités, de financer des projets communaux et intercommunaux, tout en donnant accès aux contrats de relance. Nous les avons signés pour six ans pour correspondre au mandat municipal.

Des politiques existantes comme France services, « Action Coeur de ville » ou « Petites villes de demain » peuvent bénéficier de cette approche intercommunale.

L'absence de ligne dédiée ne freine pas le déploiement des financements. À date, 360 CRTE et 500 protocoles de préfiguration ont été signés.

En outre, je rappelle que des financements d'autres ministères sont accessibles.

M. Hervé Gillé.  - Mais comment les projets hors CRTE seront-ils financés ? Voilà ce qui inquiète les élus ! En outre, on aurait pu avoir des CRTE différenciés entre régions et départements.

La séance est suspendue quelques instants.

Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ?

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ? ».

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En août 2021, le Président de la République twittait que le rapport du Giec était sans appel, que la France resterait « du côté de ceux qui agissent ». Mais ce volontarisme apparent se heurte à l'action trop timorée de l'exécutif.

C'est ce qu'illustre le jugement du tribunal administratif de Paris qui a reconnu la responsabilité de l'État dans l'Affaire du Siècle et l'a condamné pour préjudice écologique.

Une étude de Rexecode d'octobre 2021 montre aussi que l'ensemble des crédits affectés au plan de relance, reconduits pendant dix ans, ne suffiraient pas à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre en deçà de 321 millions de tonnes de CO2 en 2030, c'est-à-dire plus que l'objectif de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) inscrit dans la loi.

Pourtant, l'État a tous les outils  - réglementaires pour contraindre et politiques et économiques pour inciter : taxes pigouviennes, marché des droits à polluer, subventions à l'innovation...

L'énergie est le principal poste de fiscalité verte.

Mais la question de l'acceptabilité sociale demeure, on l'a vu avec les bonnets routes et les gilets jaunes. Selon le Credoc, en 2021, moins d'un quart des Français est prêt à payer plus de taxes sur les carburants, le gaz ou le fioul pour lutter contre le réchauffement climatique.

Surtout, les Français attendent plus de transparence sur l'utilisation qui est faite des recettes fiscales. Dans Fiscalité carbone et finance climat, un contrat social pour notre temps, Jean-Charles Hourcade et Emmanuel Combet concluent qu'une taxe carbone doit aller de pair avec une baisse des impôts de production et des charges sociales, afin de favoriser la redistribution. Un groupe de travail dirigé par Michel Rocard était arrivé à cette conclusion dès 2009.

Bruno Le Maire a reconnu que le sujet de la fiscalité affectée était central.

Le financement de la transition écologique passe aussi par une réorientation d'une partie de l'épargne privée. L'État a un rôle à jouer pour inciter les investisseurs particuliers réduisant la prime de risque. Enfin, il faut agir au niveau international, car la distorsion de concurrence favorise les délocalisations et la fuite de carbone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le débat est vaste et pose une bonne question. Parle-t-on de notre politique nationale ou internationale ? Les deux sont liées. Il nous faut nos propres objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité pour être crédibles.

Après l'échec de la COP de Glasgow, l'instauration d'une taxe carbone aux frontières est nécessaire. Elle incitera la Chine à décarboner son économie avant 2030. Mais ce ne sera faisable que si l'Europe tient son objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre pour 2050.

La loi Climat et résilience est loin de l'objectif européen : les intérêts immédiats de court terme l'emportent sur l'intérêt général de long terme, y compris sur ces bancs. La loi de finances pour 2022 en est l'illustration.

La future stratégie énergie-climat, dont le socle sera la loi de programmation Énergie climat, sera la feuille de route nationale. Elle se déclinera dans la SNBC, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, dans le plan national d'adaptation au changement climatique.

Il reste deux ans pour tout remettre à plat. Le débat ne pourra se résumer à la confrontation entre pro et anti-nucléaire : il ne faudra occulter aucun sujet. J'ai noté, chez l'oratrice précédente, le soutien de la droite à une hausse de la taxe carbone !

Les opérateurs de l'État -  Ademe, Cerema, Météo-France et autres - voient leurs effectifs se réduire année après année. Nous devons impérativement engager des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Les acteurs doivent se parler, élaborer des stratégies communes.

C'est au niveau des collectivités territoriales que se joue une grande partie de la transition. C'est pourquoi le Sénat propose d'affecter une part de TICPE aux collectivités territoriales ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) - une forme de dotation climat des collectivités.

Les émissions de gaz à effet de serre sont liées à notre vie quotidienne : se déplacer, se loger, se nourrir. Nos concitoyens sont prêts à faire des efforts s'ils sentent qu'il y a un cadre cohérent. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Gérard Lahellec .  - Nous avons beaucoup parlé d'écologie cette année ; le point d'orgue a été la COP26 de Glasgow, même si elle n'a pas eu des résultats à la hauteur des attentes.

La France a un rôle original et déterminant à jouer pour hisser l'Europe et les sociétés humaines à la hauteur des enjeux.

Pour réussir, elle doit avoir trois ambitions politiques majeures. D'abord, il faut faire de l'écologie une grande question populaire. Ensuite, nous avons besoin d'un vaste programme d'investissements publics. Enfin, il faut repenser la manière d'aborder la dette et le pacte dit de stabilité européen.

Il faut s'orienter vers des politiques plus justes socialement et plus avantageuses sur le plan pécuniaire. L'écologie serait vécue comme profitable si les bonnes pratiques en matière de mobilité étaient valorisées.

Nous avons besoin d'une grande ambition publique en matière d'investissements. Or en cinq ans, les agences de l'eau ont perdu 220 postes, Météo-France plus de 400 postes, et le Cerema voit son pronostic vital engagé. Les 300 millions d'euros destinés à la rénovation des lignes de desserte fine du territoire ne suffiront pas.

La décision de la Commission européenne de suspendre le pacte de stabilité et de croissance jusqu'à la fin 2022 est une opportunité de le réviser. Les investissements qui concourent à l'amélioration énergétique et à la baisse des émissions de CO2 pourraient être exclus du calcul du déficit public. Soyons audacieux dans notre action ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mmes Annie Le Houerou et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot .  - Ces dernières années ont été celles de la prise de conscience de l'enjeu environnemental. Les prochaines devront être celles de l'action.

Sans doute, on ne peut pas dire que rien n'a été fait. La crise sanitaire a accéléré la prise de conscience de la nécessité d'une société plus résiliente, et le plan de relance est résolument tourné vers la transition écologique.

La loi Climat et résilience, traduction des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, vise une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. L'Union européenne demande 55 %.

Entre les lignes de l'étude du BCG, on voit que les lois votées sous ce quinquennat ne suffiront pas à combler l'écart entre la réalité et les objectifs.

Le budget 2022 contenait un nouveau budget vert. Nous appelons à en accentuer la portée et à en améliorer la méthode : 92 % des dépenses sont considérées comme neutres, faute de moyens de calculer leur bilan environnemental.

Nous devons rattraper notre retard en matière de développement des énergies renouvelables, notamment marines, et rehausser notre ambition en matière de rénovation énergétique des bâtiments, secteur qui représente 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

La tarification du carbone doit être abordée dans une logique de justice sociale. La nécessaire augmentation du prix ne peut se faire au détriment des plus vulnérables. L'exemple allemand -  redistribution des recettes de la taxe à travers la baisse du prix de l'électricité, mise en place d'un forfait énergie - est éclairant.

Au niveau européen, l'heure est à l'élaboration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières robuste. Nous comptons sur la présidence française de l'Union européenne pour avancer.

L'OCDE dénonce un écart entre les objectifs climatiques et les résultats. La France, condamnée pour progrès insuffisants, doit mettre en oeuvre une stratégie globale.

Elle pourrait passer par la suppression de certaines niches fiscales, par une concentration sur les secteurs les plus énergivores comme le transport ou le logement, par de nouveaux instruments comme les paiements pour services agro-environnementaux.

Il est indispensable de réduire l'écart entre objectifs et réalisations. Un réchauffement de 2,3°C en fin de siècle est bien trop élevé.

Si la France, un des principaux contributeurs de l'Accord de Paris, si l'Europe ne tiennent pas leurs engagements, qui le fera ? Notre pays a un rôle historique à jouer.

Nous devons accélérer la transition. Cette grande mutation est source d'opportunités, de redistribution et d'une souveraineté renforcée. Notre pacte politique,  économique et social en sera conforté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Pierre Médevielle applaudit également.)

M. Éric Gold .  - Le RDSE se réjouit de ce débat, faute d'examen du projet de loi de finances. Pour l'heure, l'environnement n'est pas au coeur de la campagne présidentielle. C'est à se demander si tous les candidats ont pris la mesure de la situation...

L'Accord de Paris prévoit de limiter la hausse des températures de 1,5°C, or nous allons vers 2,7°C à la fin du siècle. Une telle trajectoire se traduira dès 2050 par un dépassement des seuils critiques, une pénurie en eau, un effondrement des rendements agricoles, une fonte des glaciers.

Nos modes de production et de consommation doivent être revus. La pandémie n'a entraîné qu'une baisse des émissions de 5,4 % malgré l'arrêt du pays. On ne peut se contenter de planter des arbres pour compenser le CO2. Il faut agir rapidement et drastiquement.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement présente l'impact des différentes mesures sur le climat. Pour tenir nos engagements, il faudrait que l'immense majorité de nos dépenses soient écologiquement vertueuses. Ce n'est pas le cas.

Le secteur public dans toutes ses composantes doit se mettre en ordre de bataille. De ce point de vue, je regrette la nouvelle baisse de 3 millions d'euros du budget du Cerema, qui accompagne pourtant les collectivités territoriales. Météo-France aussi subit de nouvelles réductions de postes, et les autorisations d'engagement pour la politique de prévention des risques diminuent...

Fin 2020, la France accusait un retard de quatre points sur l'objectif européen de développement des énergies renouvelables.

Le GIEC demande une baisse rapide des émissions, et ce, à grande échelle. Il faut promouvoir la sobriété environnementale au niveau international.

La COP26 à Glasgow et l'accord entre les États-Unis et la Chine ravivent l'espoir d'une négociation diplomatique, alors que les États-Unis sont responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, et que la Chine, très dépendante du charbon, voit ses émissions augmenter de manière exponentielle...

La France doit être le porte-étendard de la cause climatique. Chacun doit prendre sa part de ce défi global. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles », disait Paul Valéry. La maison brûle et nous restons sidérés. La loi Climat adoptée en 2021 aurait été appropriée il y a vingt ans. L'État a été condamné deux fois dans l'Affaire du siècle. À la COP26, notre pays n'a pas été ambitieux.

L'albatros, exceptionnel oiseau pélagique, n'a qu'un oisillon chaque année. Sa coquille a perdu 34 % d'épaisseur depuis les années 1950, entraînant des morts précoces. En cause, les insecticides et polluants comme le DDT et les PCB. D'autre part, l'estomac de l'oisillon est rempli de plastique, d'où des morts prématurées. Cette espèce qui a survécu à la cinquième extinction est menacée aujourd'hui par une pollution chimique persistante et par la pollution plastique.

Pour réparer le monde, il faut des mesures drastiques. Notre consommation de vêtements a bondi de 40 % en quinze ans. Dans le Lot, il y a 200 000 moutons. La laine n'est pas utilisée pour le textile. Pourtant, elle est naturelle, douce, chaude, biodégradable, noble. Les microfibres plastiques des vêtements synthétiques importés d'Asie se disséminent dans la nature : on les retrouve dans les eaux de l'Arctique, dans l'air au Pic du Midi.

Il faut produire et consommer localement. Cela implique une réindustrialisation de notre pays et un changement de nos habitudes de consommation. Il faut favoriser le recyclage et le réemploi. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur nos modes de vie, sur notre rapport au vivant.

Tant qu'un yaourt fera 5 000 kilomètres, nous étoufferons sous des canicules. Tant que prévaudra la logique « ma voiture est plus grosse que la tienne », le niveau des océans continuera de s'élever.

Le recours au fret ferroviaire est une nécessité absolue.

Il faut réparer plus rapidement les effets des catastrophes naturelles, par exemple dans la vallée de la Roya. Une loi devrait lever les freins réglementaires et permettre une reconstruction résiliente.

La contrainte n'est pas la seule méthode, mais doit avoir toute sa place et les pouvoirs publics doivent l'assumer. Ceux qui subiront les conséquences de notre inaction sont déjà nés.

Réintroduisons l'éducation manuelle au collège. Nos enfants porteront un autre regard sur la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Pierre Médevielle .  - En 1970, à Chicago, Georges Pompidou définissait la nature comme un cadre précieux et fragile. En 1971, il créait le premier ministère chargé de la protection de la nature.

Cinquante ans plus tard, notre pays doit poursuivre son action face à l'urgence climatique. Le constat est largement partagé. Notre environnement est sérieusement dégradé et il est urgent d'agir. Certaines zones de notre planète sont déjà si détériorées que leurs habitants n'ont d'autre choix que de les quitter, et ces vagues migratoires risquent de s'amplifier.

La difficulté majeure est de réussir notre transition. Notre groupe croit en une écologie libérale : nous devons soutenir les solutions innovantes, car notre décarbonation passera par l'innovation dans l'industrie, le transport, l'énergie, la construction ou le numérique. Notre consommation doit être sobre et circulaire. Il faut s'adapter, plutôt que de régresser.

La COP26 n'a pas été à la hauteur, mais saluons les avancées sur le méthane et le charbon. La France joue un rôle de premier plan dans le travail sur le paquet vert européen ; elle devra agir durant la présidence du Conseil. Avec la stratégie Farm to Fork, notre souveraineté climatique est en jeu. N'opposons pas l'écologie au reste du prisme !

Au niveau national, des innovations nucléaires peuvent être déployées, les énergies renouvelables - surtout le solaire - aussi.

Il y a ensuite l'axe local : donnons aux acteurs territoriaux les moyens d'agir, légaux, pragmatiques, financiers.

En particulier, l'action des villes est un enjeu crucial. Les mauvaises pratiques, comme l'éclairage nocturne excessif, doivent être dépassées.

Mais l'action de la France, c'est la nôtre, celle de tous. À chacun d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Jean-François Longeot et Bruno Belin applaudissent également.)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut traduire politiquement l'urgence dont parlent les scientifiques. Vaste programme... aurait dit le Général.

Le défi environnemental est sans précédent. Quittons le pessimisme défaitiste, agissons concrètement. La convergence des transitions écologique et numérique doit être une priorité de notre action environnementale. C'était le sens de la proposition de loi que j'avais défendue avec Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et de nombreux collègues. Le numérique représente 10 % de la consommation mondiale d'électricité et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et cette proportion devrait doubler ces prochaines années. Les politiques publiques doivent se mobiliser.

Nous voulons un numérique vertueux du point de vue environnemental. Je crois au génie humain, à l'innovation pour lutter contre le changement climatique.

Ayons le courage de mettre en oeuvre les bonnes décisions. Je me félicite que les députés aient adopté notre proposition de loi, qui prévoit notamment une sensibilisation des enfants et des jeunes à l'impact environnemental du numérique et à la sobriété numérique. Notre texte a également renforcé le délit d'obsolescence programmée et l'obsolescence logicielle. Nous appelions aussi au verdissement des datas centers.

La nouvelle loi nous aidera à conserver le leadership de la transition écologique. L'action européenne doit être claire et unanime et la présidence française sera l'occasion d'avancer dans les négociations entre les membres de l'Union. Agissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La convention citoyenne pour le climat a formulé 149 propositions en partant des attentes des Français.

Or les 96 membres de la convention qui ont, début 2021, évalué la prise en compte de leurs conclusions n'ont donné au Gouvernement qu'une note de 3,3 sur 10. Seules 10 propositions ont été pleinement insérées dans la loi Climat et résilience.

La convention aurait pu être une occasion unique de progresser. Cette première expérience de la démocratie participative reste comme un échec.

Depuis les gilets jaunes, qui ont fait reculer la fiscalité environnementale, et les refus locaux opposés aux implantations d'équipements d'énergie renouvelable, l'acceptabilité des décisions est apparue comme un enjeu crucial. Il faut une large concertation démocratique, éclairée et transparente.

En matière de bouquet énergétique, il est consternant que nos concitoyens soient mis devant le fait accompli - privatisations des acteurs hier, relance du nucléaire sans réflexion globale aujourd'hui.

Sur le plan local, seuls les produits co-construits aboutissent. C'est le cas des Ailes de Taillard, dans la Loire.

Les spécificités territoriales doivent être prises en compte. L'écologie ne doit pas être dissociée de la justice sociale !

Quel bilan tirez-vous de la convention citoyenne pour le climat ? Ne pensez-vous pas qu'une concertation est nécessaire sur le bouquet énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. François Calvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rapporteur pour avis des crédits de la transition écologique et du climat, j'ai constaté les retards importants pris par la France, en queue du peloton européen notamment pour le développement des énergies renouvelables. Nous aurons besoin de ces énergies, même en relançant le nucléaire. En particulier, il faut accroître largement les moyens du fonds chaleur dès l'année prochaine.

En matière de pollution de l'air aussi, nous devons faire mieux. Les contributions des entreprises diminuent : comment assurer le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Aasqa) tout en maintenant leur autonomie ?

Quant à la gouvernance de la transition énergétique, les moyens du Haut Conseil pour le climat restent insuffisants. Le recours à un cabinet de conseil privé pour évaluer les divers textes est tout bonnement scandaleux. Quelle indépendance pour de telles études ?

Il faut mieux accompagner les collectivités territoriales via un fléchage de la TICPE, mais le refus du Gouvernement est catégorique.

Quel contraste entre le « Make our planet great again » et la réalité de l'action menée ! Cela nous affaiblit au plan international.

En agissant plus, notre pays pourrait mieux faire entendre sa voix, exprimer sa vision singulière et universelle. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Ronan Dantec s'étonne que le groupe Les Républicains n'applaudisse pas son orateur.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Merci de nous donner une nouvelle occasion de débattre de ces sujets cruciaux. Le réchauffement climatique et l'érosion de la biodiversité le montrent : la planète souffre. Nous devons faire preuve de responsabilité et d'ambition.

L'enjeu écologique infuse désormais dans l'ensemble de nos politiques publiques. Je suis heureuse de constater dans toutes vos interventions la mobilisation du Parlement. La prise de conscience est unanime, je m'en félicite.

Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, 30 milliards d'euros sont destinés à la croissance verte. Le plan France 2030 fait une très large place aux investissements à visée environnementale, production d'énergie décarbonée et d'hydrogène, véhicules électriques et hybrides, avions bas carbone, etc.

Les collectivités territoriales se mobilisent, elles aussi, - je pense notamment à l'instauration des zones à faibles émissions (ZFE) dans les grandes villes. Nous devons préserver nos espaces naturels et agricoles de l'artificialisation. Nos façons d'acheter, de consommer, sont à réexaminer. La réduction des déchets, notamment plastiques, est vitale contre la perte de biodiversité.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire (AGEC), qui impose 20 % de vrac, instaure une dynamique. Nous avons interdit par décret l'emballage plastique de nombreux fruits et légumes.

Les pouvoirs publics doivent sanctionner, quand il le faut, en cas de mise en danger de l'environnement ou d'écocide, des délits que nous avons créés. Nous avons renforcé l'échelle des peines. La loi Climat et résilience impulse une transformation profonde dans nos modes de consommation, de production, de déplacement, dans la justice, l'urbanisme, l'aménagement du territoire.

Les énergies fossiles représentent aujourd'hui 63 % de notre consommation énergétique. Quel que soit le scénario retenu, le travail important effectué par RTE le montre : il faudra sortir des énergies fossiles d'ici 2050.

Nous y parviendrons notamment par la sobriété et la rénovation énergétiques. Le développement des énergies renouvelables, complétées par le nucléaire, permettra le verdissement de notre mix. Il devra être accéléré.

Quant aux industries, 7 milliards d'euros ont, dans le plan de relance, été prévus pour l'hydrogène décarboné, et le plan France 2030 comprend encore 1,9 milliard d'euros : je vous rappelle les annonces du Président de la République le 16 novembre dernier à Béziers.

L'effort en faveur de la décarbonation est sans précédent.

Sur le plan européen, nous entendons améliorer la mise en oeuvre du Pacte vert durant la présidence française de l'Union européenne. Nous voulons avancer aussi sur les négociations entre les États membres, avec comme priorités le renforcement du marché du carbone européen ou le verdissement des transports. La France a été l'un des premiers pays à annoncer une date de fin de commercialisation pour les véhicules thermiques, 2040 ; et nous partageons avec la Commission européenne une échéance à 2035 désormais.

La transition doit être juste. Nous ne pouvons pas laisser les Français sans accompagnement. Les combats contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité sont jumeaux. Renforçons donc nos politiques, y compris pour fixer des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières.

L'environnement est au coeur de notre action diplomatique, notamment avec les « One planet summits ». La COP26 a permis d'aboutir sur le marché mondial du carbone, et même si, sur d'autres points, l'accord a déçu, c'est historique !

La France, l'Union européenne, les États-Unis et d'autres ont conclu un accord unique pour la sortie du charbon en Afrique du Sud, pour 8 milliards de dollars.

Nous avons des engagements forts contre la déforestation. Nous souhaitons que la COP15 biodiversité soit un moment aussi fédérateur que le fut la COP21 sur le climat.

Un gros travail international est mené pour assurer la cohérence qui est la clé de la légitimité de nos politiques. Des moyens sans précédent ont été accordés au fil des lois de finances. Nous sommes au rendez-vous de l'urgence !

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La prévention des risques nationaux majeurs est un enjeu essentiel. Après Xynthia et Alex, les événements extrêmes vont se multiplier. Les catastrophes naturelles deviennent notre lot quotidien.

J'alerte le Gouvernement sans relâche sur ces sujets. Hélas, le fonds Barnier a été plafonné, donc amputé, et réintégré dans le budget général. Les 700 millions d'euros de réserves et les 230 millions d'euros de crédits auraient dû être consacrés intégralement à des actions de prévention et d'indemnisation, ce ne sera pas le cas en 2022.

Certaines dépenses liées à la tempête Alex ne sont prises en charge ni par les assurances, ni par la DSIL, ni par ce fonds, comme Mme Estrosi Sassone l'a expliqué ce matin. Accepterez-vous un travail avec les parlementaires sur une loi d'urgence, à quelques jours de la CMP Catastrophes naturelles ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - D'ici à 2050, le coût annuel des catastrophes naturelles pourrait augmenter de 50 %. Il fallait donc renforcer le fonds Barnier, porté à 235 millions d'euros en 2022 au lieu de 131 millions d'euros précédemment.

D'autres outils sont mobilisés : les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), dont la durée d'élaboration sera divisée par deux ; les procédures environnementales, accélérées ; la création d'une procédure d'urgence civile pour une meilleure réactivité.

Sur le retrait-gonflement des argiles, la loi ELAN impose une carte sur les territoires concernés.

Le plan Antilles, le plan Séisme complètent ces mesures, avec le financement d'abris anti-cycloniques ou anti-submersion comme en Polynésie française.

M. Didier Mandelli.  - Les choses évoluent dans le bon sens, mais il reste beaucoup à faire, nous l'avons vu lors du déplacement de notre commission dans les Alpes-Maritimes.

M. Jacques Fernique .  - Les collectivités territoriales sont en première ligne face aux catastrophes naturelles. Les plans Climat et les volets Énergie-climat des Sraddet déterminent l'action des territoires, mais, faute de financement, ils risquent de rester lettre morte. La DSIL n'y suffira pas.

Le Sénat propose depuis 2017 d'avancer en ce sens, en vain. Bercy refuse. Heureusement la Commission européenne propose de flécher 100 % des recettes des enchères de quotas carbone vers les politiques environnementales.

Ne faudrait-il pas avancer sur la dotation climat que le Sénat et les collectivités territoriales vous demandent ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les collectivités territoriales sont en première ligne. Une politique étatique n'a de sens que si elles s'en saisissent. L'État les appuie dans leurs domaines de compétence, comme la mobilité, l'énergie, la rénovation des bâtiments. La DSIL a connu une augmentation sans précédent avec 1 milliard d'euros de DSIL verte ; le fonds chaleur renouvelable a été porté à 350 millions d'euros par an ; dans le plan de relance, 1 milliard d'euros va à la rénovation des bâtiments publics. À cela s'ajoute l'aide à la mobilité bas carbone. Le fonds Friches a été à nouveau abondé. Les moyens de l'économie circulaire sont augmentés.

Nous présenterons bientôt un rapport au Parlement sur la conformité des Sraddet à la politique environnementale. Et 6,8 milliards d'euros sont fléchés par l'État et ses opérateurs vers les actions des collectivités territoriales en faveur du climat.

M. Jacques Fernique.  - Madame la ministre, vous me répondez investissement, mais les collectivités territoriales ont également besoin de crédits de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Fabien Gay .  - La Guyane abrite 60 % de la biodiversité française. Comment lutter contre l'orpaillage illégal, dont le mercure détruit la biodiversité et empoisonne les peuples autochtones ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Une enveloppe est dédiée à cette action dans le budget pour 2022. Je crois qu'elle répondra à votre préoccupation. Les sites à sécuriser sont si vastes que la mobilisation des forces de l'ordre et les moyens logistiques doivent être renforcés. L'enveloppe est sans précédent : 3,5 millions d'euros au sein du programme 113.

M. Fabien Gay.  - Merci de votre réponse, mais il faudra plus que de l'argent. Saluons les forces de l'ordre - 300 policiers de l'opération Harpie face à 10 à 20 000 garimpeiros... Il faudra surtout une coopération diplomatique avec le Suriname et le Brésil.

J'étais il y a peu sur le fleuve Kourou, pollué par le mercure : les autochtones y pêchent pour vivre et survivre. Dix microgrammes par gramme de cheveu sont déjà jugés inquiétant par l'OMS. Or il y a dix ans, on était déjà à 12-14 microgrammes ! Ce sont de 8 à 10 tonnes de mercure qui sont libérés dans l'Amazonie chaque année. Il y a urgence à agir ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les émissions de la France ont baissé de 20 % depuis 1990, mais pour parvenir à la neutralité carbone en 2050 il faudra faire beaucoup plus.

L'heure du bilan carbone de ce quinquennat a sonné. Les conclusions du Boston Consulting Group, missionné par le Gouvernement, étaient optimistes, mais c'était avant le relèvement des exigences européennes, à moins 55 % pour 2050. Comment y ferons-nous face ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La France a été condamnée à agir pour des faits concernant le quinquennat précédent. Selon le Boston Consulting Group début 2021, si les lois et les plans adoptés sont mis en oeuvre, les objectifs pour 2030 seront atteints.

Il serait restrictif de ne prendre en compte que le budget du ministère de la Transition énergétique. Il y a un important volet de transition agroenvironnemental, un volet de stratégie nationale et internationale contre la déforestation, par exemple.

En 2023, nous prévoyons une loi Énergie climat pour programmer la trajectoire.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Merci pour votre réponse. Nous nous réjouissons du lancement de nouveaux réacteurs nucléaires, afin de parvenir à la neutralité carbone.

M. Pierre Louault.  - Très bien !

M. Éric Gold .  - Alors que le bâtiment représente 27 % des gaz à effet de serre émis en France, le succès de MaPrimeRénov' est bienvenu. L'extension à tous les propriétaires, le recours à la dématérialisation et la réduction des délais y contribuent.

Mais les travaux concernent trop souvent des monogestes : à 86 %, ils portent sur une isolation simple, changement des fenêtres ou du chauffage. Et seules 5 % des rénovations sont contrôlées, selon le rapport de la Cour des comptes.

La pérennisation de cette subvention sur le long terme doit enfin être garantie bien au-delà du plan de relance, alors que les passoires thermiques seront interdites à la location en 2028.

Comment financer des rénovations complètes et éviter un saupoudrage inefficace ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous avons effectivement mis en place un dispositif d'incitation à la rénovation thermique accessible à tous, mais modulé selon les revenus des ménages.

Les financements continueront à couvrir toutes les rénovations, gestes de travaux et bouquets de travaux, aux côtés des rénovations performantes et globales, pour 2 milliards d'euros en 2022. Le devoir de réaliser 55 % de gains énergétiques après travaux est une incitation forte à la rénovation globale.

M. Éric Gold.  - Un guichet unique serait aussi opportun.

M. Joël Bigot .  - Depuis le début du quinquennat, je ne cesse de vous demander des comptes sur l'hémorragie de l'expertise au sein du ministère de la Transition écologique. Votre recours au Boston Consulting Group l'illustre !

En 2022, la baisse est limitée à 400 équivalents temps plein (ETP), élection présidentielle oblige, mais le chiffre n'est pas neutre. L'Ademe et le Cerema ne sont pas en reste - alors que ce dernier reçoit des missions nouvelles. Un rapport récent du Conseil général de l'environnement et du développement (CGEDD) démontre la nécessité d'endiguer la destruction de la ressource humaine. Votre budget supprime 40 emplois et subtilise plusieurs millions d'euros à cet opérateur de pointe.

Comment mettre fin à cette politique schizophrène, alors que les collectivités territoriales ont un besoin criant d'ingénierie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les opérateurs de l'État ont participé à la baisse d'effectifs pour limiter l'endettement public. Nous avons retrouvé un schéma d'emploi positif concernant pour nombre d'entre eux, parcs nationaux, agences de transition énergétique, Ademe, Société du Grand Paris, ANAH. Pour douze opérateurs, c'est une stabilisation. Pour huit d'entre eux, il y a une baisse, mais beaucoup moins sévère que les années précédentes. Un signal a été donné : la priorité va aux opérateurs de l'environnement.

M. Joël Bigot.  - Vous confirmez donc les suppressions d'emplois. Mais lorsque facialement le nombre d'ETP est préservé, certains postes sont pourvus par des emplois temporaires, et le terme des contrats précède la fin de la mission !

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le photovoltaïque fait plutôt consensus - contrairement à certaines autres énergies renouvelables. Des agriculteurs, des entreprises, des particuliers investissent.

Cependant, dans l'Aisne, beaucoup de bâtiments sont classés et beaucoup de dossiers sont paralysés par l'avis de l'Architecte des bâtiments de France (ABF), en contradiction avec ce qui est dit dans les réunions de préfecture.

Il serait intéressant qu'une charte nationale ou départementale indique clairement aux porteurs quels types de projets seront acceptés.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avec 12,6 gigawatts installés aujourd'hui, nous sommes très loin de l'objectif ; il nous faudra accélérer et multiplier par trois d'ici 2028 notre capacité en ce domaine.

Il importe effectivement de veiller à l'intégration paysagère des installations et à l'absence d'impact environnemental, pour favoriser l'acceptabilité.

Des bonus sont prévus pour le photovoltaïque au sol sur des terrains dégradés, car c'est dans leur cas une réponse idéale ; à l'inverse, les terrains agricoles, naturels ou forestiers doivent être préservés.

Les avis des ABF sont précieux pour la préservation du patrimoine. Et la prime d'intégration paysagère incite à l'installation du photovoltaïque dans des conditions qui concilient les divers enjeux.

La séance est suspendue quelques instants.

La perte de puissance économique de la France et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La perte de puissance économique de la France -  notamment en termes de compétitivité, d'innovation et de recherche  - et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d'achat ».

M. Daniel Salmon .  - La puissance est la capacité d'un acteur à imposer ses choix à d'autres acteurs. Ainsi définie, la puissance s'est toujours déclinée en termes de croissance.

Je souscris à la citation de Kenneth Boulding : « celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Il faudrait ajouter : soit un politique...

Toutes nos politiques publiques sont tournées vers la croissance du PIB, y compris la protection sociale qui y est adossée.

La croissance des pays développés est corrélée au prix de l'énergie, qui ne reviendra jamais au niveau des Trente glorieuses. On nous vend l'espoir d'un découplage entre cette croissance économique et ses conséquences écologiques, mais c'est une illusion : il va falloir vivre sans cette croissance.

La croissance n'a pas non plus permis de réduire les inégalités. Pire, elle les a creusées.

Une autre voie est possible : il faut penser une économie sobre avant de se la voir imposer par une succession de catastrophes.

Avec la pandémie, nous avons découvert que nos sociétés étaient vulnérables, que l'argent ne pouvait pas tout, que sans organisation au service d'un but clair la puissance économique n'est rien.

Nous allons devoir simplifier et ralentir, mais nous aurons aussi besoin de plus de têtes et de bras.

Une économie plus sobre n'est pas forcément synonyme de serrage de ceinture pour les plus modestes : ceux-ci peuvent bénéficier des économies d'énergie et de matière, ainsi que de nouvelles opportunités de travail et de revenu.

La fiscalité a également son rôle à jouer : suppression des niches fiscales, accroissement de la progressivité de l'impôt, imposition plus forte du capital et du patrimoine. Il faut planifier ce cercle vertueux.

Face aux faits, aux limites planétaires, le mythe du retour à une puissance économique prédatrice n'est plus souhaitable, ni même réaliste.

Nous devons passer le cap de l'ère industrielle et aller vers une économie économe. Un nouveau chemin de progrès est possible. Notre puissance réside dans notre souveraineté et notre survie dans la coopération, en particulier européenne. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Franck Montaugé applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Depuis trente ans, les gouvernements libéraux diminuent les cotisations sociales et la fiscalité des entreprises et imposent des sacrifices aux salariés au nom de la compétitivité. Pour quel résultat ? Les entreprises délocalisent, les dividendes explosent et les salaires stagnent, alors qu'Emmanuel Macron annonce un nouveau durcissement des allocations chômage et continue ses cadeaux fiscaux aux plus riches.

Les parlementaires communistes proposent un contre-projet avec des emplois stables, des services publics de qualité, une industrie au service des besoins de la société. Il faut réorienter les richesses vers la satisfaction des besoins des personnes plutôt que du capital et confier de vrais pouvoirs de décision aux citoyens et au monde du travail.

Quelque 358 000 familles ont été exonérées d'impôt sur la fortune (ISF) alors que leurs 1 000 milliards d'euros de patrimoine représentent la moitié du PIB de la France...

Le Président de la République a exonéré les entreprises de cotisations sociales tout en aggravant la précarité. Le soi-disant coût du travail n'existe pas : le travail crée des richesses.

Mettons l'économie au service de l'humain. Entre 2008 et 2017, l'Union européenne a apporté 1 500 milliards d'euros au système financier sans effet sur le chômage...

Face aux défaitistes, nous proposons les jours heureux : augmentons les salaires, réduisons la durée hebdomadaire du travail à 32 heures, recrutons massivement dans la fonction publique...

M. Laurent Duplomb.  - Mais bien sûr !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - ... augmentons le SMIC de 200 euros nets par mois, revalorisons les pensions et les minima sociaux, faisons l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, rétablissons les cotisations sociales du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), modulons l'impôt sur les sociétés en fonction des politiques d'emploi et d'investissement des entreprises, taxons les 10 milliards de profits annuels des compagnies pétrolières, baissons les prix des carburants et réduisons de 30 % les taxes sur le gaz et l'électricité !

Il est encore temps d'inverser la tendance : investissement et humain plutôt qu'austérité et marché.

M. Michel Canévet.  - Vive l'austérité !

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les inquiétudes quant à la dégradation de la compétitivité française sont malheureusement fondées. La crise a touché tous les pays européens, mais la France a particulièrement souffert. La part des exportations françaises de biens dans la zone euro est passée de 13,9 % en 2019 à 12,7 % en 2020 et le déficit commercial s'est creusé de plus de 7 milliards d'euros en 2020, atteignant 65 milliards d'euros. Les exportations françaises de biens et services ont plongé de 19 % en 2020, plus que les 13 % de la zone euro. Italie et Espagne ont pris des mesures sanitaires plus strictes sans perte de parts de marché. Il y avait donc bien une fragilité générale de l'appareil productif français en 2020.

Des économistes craignent une nouvelle phase de désindustrialisation. Le plan France 2030, trop compliqué et confus, ne suscite aucun engouement chez les acteurs économiques.

Comment renouer avec la compétitivité et le pouvoir d'achat ? Quelle croissance durable permettra d'éviter un éventuel ajustement brutal des salaires et des dépenses publiques après les présidentielles ?

Les pays en surplus commercial de la zone euro doivent accepter de relancer la demande, mais l'Allemagne fait la sourde oreille.

Selon l'Insee, en 2019, une personne sur cinq était en situation de pauvreté en France. Le nombre de repas servis par les Restos du coeur a été multiplié par 16 depuis 1986 et un bénéficiaire sur deux a moins de 25 ans...

Je crains que la stratégie « From farm to fork » n'impacte une nouvelle fois la compétitivité de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Henri Cabanel .  - Le déclin économique de la France et ses inévitables conséquences sociales - illustrées par les gilets jaunes - s'expliquent sur plusieurs décennies.

Jusqu'à la fin des années 2000, la France pointait encore au 4e ou 5e rang des puissances économiques mondiales. Depuis dix ans, le déclassement s'est accéléré, avec la crise de 2008-2010 en Europe et l'irruption de nouveaux acteurs comme la Chine.

Il s'agit donc d'une perte de puissance relative. Le leadership technologique américain se poursuit, la puissance allemande en Europe s'est renforcée et la Chine a émergé de façon spectaculaire depuis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) il y a vingt ans. D'autres pays et régions du monde émergent en Asie, en Amérique latine, au Moyen-Orient...

Cette désoccidentalisation du monde est la conséquence ultime de la mondialisation, un contrepoint à l'économiste Serge Latouche.

De pays exportateur net jusqu'au début des années 2000, nous sommes devenus massivement importateurs depuis. Notre croissance fondée sur la consommation se paie comptant, et la pandémie conforte cette réalité avec un déficit commercial de plus de 60 milliards d'euros en 2020.

Cela fait des années que certains experts nous alertent sur la dégradation de la position économique de la France. Des efforts ont été faits pour valoriser le « made in France », défendu en son temps par Arnaud Montebourg.

Le coût de notre dépendance est élevé. Nous devons retrouver notre souveraineté industrielle, même si cela doit coûter un peu plus cher au consommateur. Pour cela, il faut augmenter les salaires les plus bas, revoir la réglementation des marchés publics, instaurer une taxe carbone et des exigences sociales et environnementales aux frontières - le « juste échange ». Il faut également produire chez nous ou près de chez nous : réindustrialiser nos territoires et développer des pays plus proches, comme ceux du Maghreb. Enfin, il faut investir dans des secteurs d'avenir : les microprocesseurs, les médicaments, la recherche publique. Il y va de notre position sur l'échiquier international.

Voilà une feuille de route claire pour les candidats à la prochaine élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Florence Blatrix Contat applaudissent également.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, Albert Camus disait : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Cette phrase de 1957 conserve toute sa force.

Quelle place pour la France dans la fin de la civilisation du carbone ? Il s'agit d'abord d'une transition de modèle : la France ne peut ignorer « l'irruption de la terre dans notre histoire », comme le dit Bruno Latour.

Cependant, malgré les dégâts et les crises, les prises de conscience sont lentes. De COP en COP, les constats désabusés se succèdent. Pour autant, ne dénigrons pas les efforts des industries françaises.

La France doit devenir plus attractive et pourvoyeuse d'emplois utiles et bénéfiques à l'écoumène. Éducation générale et populaire, enseignement supérieur et recherche, accueil des étudiants étrangers, souveraineté numérique, formation générale et professionnelle tout au long de la vie, culture, voilà les domaines dont dépend notre place dans le monde de demain.

Après les révolutions néolithique et industrielle, l'anthropocène nous plonge dans la révolution de la durabilité. L'avenir de la France dépendra de notre capacité à changer de référentiel, comme l'écrit Pierre Caye dans son dernier ouvrage. Il faut mettre le patrimoine et le capital au service de la durée, transformer la richesse comptable en biens institutionnels et symboliques, constituer un patrimoine social pour l'ensemble de la société.

La République accumule le patrimoine matériel et symbolique pour mieux le gérer et le conserver. Les richesses matérielles et financières doivent être transformées en biens juridiques, sociaux, culturels et symboliques. Or, aujourd'hui, on galvaude ce patrimoine et la croissance passe par la désinstitutionnalisation de la société.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 1er décembre 2021

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président,

Mme Valérie Létard, vice-présidente, M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1Questions d'actualité

2. Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l'État de droit  ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie » (droit de tirage du groupe UC)

3. Désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur le thème : « La santé et la situation de l'hôpital en France » (droit de tirage du groupe Les Républicains)

4. Débat sur le thème : « La situation économique, sociale et sanitaire dans les outre-mer »

5. Débat sur le thème : « Éducation, jeunesse : quelles politiques ? »